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Full text of "La Flandre : Étude géographique de la plaine flammande en France, Belgique et Hollande"

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LA  FLANDRE 


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je  iWw 

RAOUL  BLANCHARD 

Ancien  Elève  de  l'Krule  Normale  supérieure,  Docteur  es  lettres. 


LA  FLANDRE 

ÉTUDE  GÉOGRAPHIQUE 

DE 

LA  PLAINE  FLAMANDE 

MN 

FRANCE,  BELGIQUE  ET  HOLLANDE 


Cet  ouvrage  fait  partie  des  publications  de  la  Société  Dunkkrqi.'oisk 
pour  i/Encouragement  des  Sciencks.  des  Lettres  et  dks  Arts 

i  Reconnue  d  utilité  publique) 


•    4      *  -  *    *      ,     -  m 


PARIS 

LIBRAIRIE    ARMAND  COLIN 

5,    RUE     DE     MÉZIÈHES,  S 

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lltoil»  de  rc|.r<Mluctiun  cl  .!.-  tradu.-tH.n  r.:»m.\  pour  t..u»  ps.>* 


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213422 


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A  Mkssieurs 
Paul  VIDAL  DE  LA  BLACIIE 

ET 

Lucien  GALLOIS 

MES    MAITRES    \    I.ÈCOI.E    NORMALE  SUPKRIECRK 


Ho)ii)H<n/e  /•csj/rc/itrtt  r 


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AVANT-PROPOS 


L'étude  géographique  de  la  plaine  flamande  n'avait  jamais  été 
tentée  jusqu'ici  :  on  en  restait  aux  descriptions  de  Guichardin 
(XVF  siècle' et  de  Sanderu s  (XVI Ie  siècle).  Les  travaux  géogra- 
phiques de  détail  étaient  rares.  L'entreprise  était  donc  considé- 
rable. Résoudre  toutes  les  questions  de  géographie  physique  et 
éclaircir  tous  les  problèmes  de  géographie  humaine  eût  exigé  une 
application  et  des  délais  excessifs.  On  s'est  donc  borné,  au  cours 
de  la  description  physique  du  pays,  à  indiquer  les  difficultés  et  à 
exposer  les  solutions  provisoires,  pour  faire  porter  tout  l'effort 
sur  les  rapports  entre  la  terre  et  l'homme.  Mais  dans  cette  partie 
même  du  travail,  il  ne  faut  pas  se  dissimuler  qu'il  reste  beaucoup 
à  faire,  et  qu'en  particulier  l'étude  détaillée  des  documents 
d'archives  pourra  modifier  bien  fies  solutions. 

Si  le  travail  est  imparfait,  ce  n'est  pas  cependant  que  les 
appuis  lui  aient  manqué.  Exécuté  à  Lille,  la  bienveillance  de 
M.  le  Recteur  de  l'Académie  et  de  l'Université  de  Lille  ne  s'est 
pas  démentie  un  instant  à  son  égard.  Le  Conseil  général  du 
département,  la  Société  de  Géographie  de  Lille,  la  Société  des 
Amis  de  l'Université,  ont  bien  voulu  l'aider  de  leurs  subsides. 
La  Société  Dunkerquoise  pour  l'encouragement  des  Lettres,  des 
Sciences  et  des  Arts,  a  assumé  les  frais  de  l'impression.  Des 
particuliers  ont  tenu  à  contribuer  à  l'apparition  d'un  travail 


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VII! 


qui  intéresse  leur  pays  :  Mme  Auguste  Mahieu,  d'Armentières, 
MM.  Félix  Coquelle,  de  Dunkerque,  Léonard  Danel,  Agache- 
Kuhlmann.  Ach.  Ledieu-Dupaix.  de  Lille,  Albert  Deville,  de 
Douai,  ont  généreusement  souscrit  en  sa  faveur. 

En  remerciant  de  nouveau  ces  donateurs,  qui  ont  voulu,  par 
leur  bienveillante  intervention,  marquer  plus  nettement  le 
caractère  régional  de  l'étude,  Tailleur  ne  saurait  oublier  les 
services  que  lui  ont  rendus  M.  Ch.  Barrois,  membre  de  l'Institut, 
et  ses  amis  personnels,  MM.  Ardaillon,  recteur  de  l'Académie 
de  Besançon,  le  docteur  G.  Duriau.  de  Dunkerque,  Paul 
Carpentier,  avocat  à  Lille,  et  Ch.  Petit-Dutaillis,  professeur  à 
l'Université,  qui  ont  misa  sa  disposition  toute  leur  influence  et 
leur  activité.  Il  ne  peut  non  plus  négliger  d'exprimer  sa  grati- 
tude, pour  la  part  qu'ils  ont  prise  à  l'illustration  de  son  livre,  à 
MM.  Pareil ty,  Directeur  des  Tabacs,  à  Lille,  Cuvellier,  à  Dun- 
kerque, R.  Mancel,  à  Lille. 


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ABRÉVIATIONS  BIBLIOGRAPHIQUES 


Act.  SS.  Belg.  —  Ghesquière,  Aeta  sanctorutu  Belgiae. 
Act.  SS.  lioll.  —  Bollandistes. 

Ane.  Métti.  Ae.  Unix.  —  Ancien*  mémoires  «le  l'Aca«lémie  «le  Bruxelles. 

An».  Ac.  Arrh.  liehj.  —  Aunales  de  l'Académie  d'Archéologie  de  Belgique,  Anvers. 

Ami.  ('.  A.  I'.  W'ifs.  —  Annales  du  Cercle  archéologique  du  pays  de  Waes. 

Ami.  Corn.  fl.  Fr.  —  Aunales  «lu  Comité  flamand  de  France. 

Ami.  E.  S.  —  Annale-,  de  l'Kst  et  du  Nord. 

Ami.  Géofj.  —  Annales  de  (Géographie. 

Ami.  P.-C.  —  Annales  des  l'.mts-et-Chaussées. 

Ami.  S.  H.  Y/n-fs.    -  Annales  de  la  Société  historique  d'Ypres. 

Ann.  Sor.  Arrh.  Bru.r.  —  Annales  de  la  Société  d'archéologie  île  Bruxelles. 

Ami.  Sor.  Em.  Iir.  —  Annales  de  la  Société  d'Kmulatiou  pour  l'étude  de  l'histoire  et 

des  antiquités  de  la  Flandre  Occidentale,  Bruges. 
Ami.  Sor.  licol,  lirhj.  —  Annales  de  la  Société  géologique  de  Belgique,  Liège. 
Ami.  Sor.  GSuf.  y.  —  Annales  de  la  Société  géologique  du  Nord. 
Ami.  Sor.  mal.  Brio.  —  Annales  de  la  Société  malai'olo£ique  de  Belgique. 
Ami.  Tr.  j>.  lirhj.  —  Annales  des  Travaux  puhlies  de  Belgique. 
liiill.  A'\  R.  B>l<j.  —  Bulletin  de  l'Académie  royale  de  Belgique. 
Bull.  C.C.  St.  —  Bulletin  de  la  Commission  centrale  de  Statistique  de  Belgique. 
Bull.  Com.  fl.  Fr.  —  Bulletin  du  Comité  flamand  de  France. 
Bull.  Connu.  H.  S.  —  Bulletin  de  la  Commission  historique  du  Nord,  Lille. 
Bull.  S'-.  Hist.  Lift,  y.  —  Bulletin  scientifique,  historique  et  littéraire  du  département 

«lit  Nord. 

Bull.  Sur.  Anthr.  Briu:  —  Bulletin  de  la  Sociéié  d'Anthropologie  de  Bruxelles. 
Bull.  Sor.  brhjr  Géoij.  —  Bulletin  de  la  Société  belge  de  Géographie,  Bruxelles. 
Bull.  Soc.  belge  Cifo/.  —  Bulletin  de  la  Société  belge  de  Géologie,  Paléontologie  et 
Hydrologie. 

La  Fl.  —  La  Flandre,  Revue  des  monuments,  d'histoire  et  d'antiquité. 
Mrm.  C.  Ar.  H.  Bel  g.  —   Mémoires  couronné-»  publiés  par  l'Académie  royale  «le 
Belgique. 

Mfim.  Sor.  Ac  Bout.  —  Mémoires  de  la  Société  aca«lémique  de  Boulogne-sur-mer. 
Mrm.  Sor.  Ant.  Mur.  —  Mémoires  de  la  Société  des  Antiquaires  de  la  Morinie. 
Mrm.  Sor.  Dinik.  —  Mémoires  de  la  Société  1  mnkerquoise  pour  l'avancement  l^es 

lettres,  des  sciences  et  des  arts. 
Mém.  Sor.  S<\  LUI»'.  —  Mémoires  «le  la  Société  «les  sciences  «le  Lille. 
Mrs*.  Se.  Hist.  —  Messager  «les  sciences  historiques,  Gand. 
M.  (i.  SS.  —  Monumenta  Germattiae,  Scriptores. 
Rrv.  yen.  o(jr.  L.  —  Revue  générale  agronomique,  Louvain. 


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LA 

•••  : 

PLAINE  FLAMANDE 


CHAPITRE  I 
LA  FLANDRE,  RÉGION  NATURELLE 


I.  J/i  Flandre  d'après  l'histoire.  —  II.  Définition  f/éof/ra/ihir/ue  de  la  Plaine  flamande. 


I. 

LA  FLANDRE  D'APRES  L'HISTOIRE 

Extension   exagérée   du    nom   de  Flandre.    —    Le  nom  do 

Flandre,  qui  apparaît  au  VIT  siècle  1  pour  désigner  un  étroit  territoire 
entre  Bruges  et  la  nier,  a  eu  une  singulière  fortune.  D'abord  restreint 
aux  modestes  limites  des  doyennés  de  Bruges,  Oudenbourg  et  Àarden- 
burg  2,  et  distinct  du  Mempiscus,  qui  désigne  le  reste  de  la  Flandre 
actuelle,  il  s'étend  au  IXe  sièclo  à  tout  le  pays  situé  entre  l'Escaut 
et  la  mer,  franchit  le  fleuve  au  XIe  en  annexant  la  partie  occidentale  du 
Brabant,  gagne  vers  le  Sud  et  l'Ouest  aux  dépens  des  petits  pagi  d'entre 


1  Dans  la  vie  «le  St  Eloi,  par  St  Ouen  (Act.  SS.  Belg.,  III):  «  Flandrenses  atquc 
Andoverpense*,  Frisiones  et  Suevi,  ot  barbari  quiqtie  circa  maris  littora  degenies  » 
(p.  231)  et  :  «  multum  practerea  in  Flandris  laboravit  »  (p.  238). 

8  Cf:  Vanderkindere,  Histoire  de  la  formation  territoriale  des  principautés  belges 
au  moyen-âge,  t.  I  :  la  Flandre  (2«  éd.),  pp.  30-37  ;  —  Meycf.  Commeiitarii  sive  Annales 
rerum  Flandrioarum  (Antverpiae,  Steelfius,  Infil)  :  «  Flandrensem  motropolini  ea 
tempestate  (celui  de  StEloi)  Rodenburgum  (Aardenburg)  fuisse  esistimo.  Maritimam 
oram  eo  tract u  Flandras  id  seculum  appellabat...»  (p.  5)  ;  —  «  I'agusautem  Flandrensis 
■lictus  est,  quatenus  aestus  incurrebat  marinus  ;  reliqua  pagi  erant  Mempisci  »  (p.  0)  ; 
— «  Quisquis  oculatius  scrutatur  vetustatem  facile  deprehendil  Pagum  olim  Flandrensem 


2  LA  FLANDRE,  REGION  NATURELLE 

'.  • 

Lys  et'Scarpe,  et  sa  fortune  participe  à  la  brillante  destinée  dos  comtes  de 
la  maison  d'Alsace.  L'admirable  prospérité  du  comté  au  moyen-âge,  la 
vitalité  qu'il  affirme  dans  la  lutte  contre  les  rois,  consacrent  définitivement 
la  fortune  du  vocable,  et  le  glorieux  nom  de  Flandre  désigne  bientôt  dans 
.le  royaume,  aux  dépens  des  termes  plus  modestes  d'Artois  et  de  Hainaut, 
toutes  les  riches  contrées  qui  s'étendent  au  Nord  de  la  Picardie.  L'incerti- 
tude des  limites  naturelles,  les  innombrables  remaniements  de  frontières 
qui  se  succèdent  du  XVIe  au  XVIII'  siècles  augmentent  la  confusion,  que 
complique  encore,  au  XIXe  siècle,  la  création  de  nouvelles  unités  adminis- 
tratives ;  et  de  nos  jours  l'on  continue  à  appeler  volontiers  les  Flandres 
toute  la  région  française  du  Nord,  l'Artois  compris,  dette  incertitude  el  ces 
erreurs  sur  l'étendue  véritable  de  la  Flandre  peuvent  faire  douter  qu'il 
existe  une  région  naturelle  flamande,  c'est-à-dire  un  pays  assez  distinct 
de  tous  ceux  qui  l'entourent  pour  former  une  unité  physique  et  politique. 

Une  Flandre  ou  des  Flandres?  —  La  confusion  est  augmentée 
encore  par  l'emploi  fréquent  du  pluriel  Flandres.  On  dit  couramment 
les  Flandres  pour  la  Flandre,  et  dans  le  monde  savant  plus  que  dans 
le  peuple.  En  usant  de  ce  pluriel  peut-être  veut-on  confusément 
exprimer  que  la  Flandre  n'est  qu'une  juxtaposition  de  petites  régions 
sans  unité,  artificiellement  rassemblées  par  un  fragile  lien  politique  ». 
Mais  que  l'on  examine  les  origines  de  ce  pluriel,  et  l'on  verra  que 
les  nombreuses  raisons  qui  ont  fait  distinguer  de  tout  temps  en 
Flandre  plusieurs  Flandres  ne  sont  pas  d'ordre  géographique  et  n'em- 
pêchent pas  de  considérer  le  pays  flamand  comme  une  région  naturelle. 
Sans  doute  le  nom  même  de  Flandre,  «  de  Vlaanderen  »,  est  un  pluriel  *. 

nusquam  ultra  aestuaria  se  extendisse  ;  quaeque  extra  aestuaria  sunt  in  Mempisco 
fuisse  sita  »  (p.  114).  —  De  même  Borettus,  Cnpitulaires  (I,  p.  301)  :  «  In  Flandris  et  in 
Mempisco  »  (821).  —  Le  Capitulaire  de  Servais  indique  qu'à  côté  du  premier  comte 
Baudouin  Bras-de-Fer,  il  y  avait  en  853  d'autres  fonctionnaires  royaux  dans  le 
Mempisc,  les  pays  de  Gand  et  de  Gourtrai  (Vanderkindore,  Le  Capitulaire  do  Servais. 
Commission  Royale  d'Histoire  de  Belgique,  ."'  série,  VII,  18J>7,  pp.  01-138).  —  Au  XI* 
siècle  encore,  il  arrive  qu'on  distingue  les  «  Flamands  »  des  hommes  du  Mempisc,  du 
Waes,  et  des  autres  habitants  du  comté  de  Flandre  :  «  Maxime  autem  in  Flandriis  ubi 
cum  Menapenses,  Wasiacenses  et  ipsos  Flandrenses  sanetus  Ursmarus  eonvertisset  » 
(Miracula  S.  Ursmaii,  M.  G.  SS.  XV,  p.  838). 

1  C'est  ce  que  dit  formellement  Michelet  :  «  Ce  nom,  les  Flandres,  n'exprime  pas  un 
peuple,  mais  une  réunion  de  pays  fort  divers,  une  collection  de  tribus  et  de  villes. 
Rien  n'est  moins  homogène  ».  (Histoire  de  France,  éd.  de  1837,  t.  III,  pp.  45-40). 

2  Sur  les  origines  du  nom  de  Flandre,  voyez  Kern,  Revue  Celtique,  II,  p.  174;  — 
Kurth  (<!.),  La  frontière  linguistique  en  Belgique  et  dans  le  Nord  de  la  France,  (I, 
pp.  522-523)  ;  —  Jonckheere  (D.),  Do  l'origine  du  nom  de  Flandre  (Revue  Catholique, 
tome  53,  1882,  pp.  535, 615,  700  ;  tome  54,  1883,  pp.  43, 130)  ;  — Vanderkiudere,  Forma- 
tion territoriale,  (2«  éd.,  I,  pp.  35-30  et  p.  44;  ;—  Gilliodts  van  Severen  (L.),  Inventaire  des 


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FLANDRE  OU  FLANDRES  ? 


3 


Pourtant  il  no  s'agissait  guère,  à  l'origine  du  nom,  de  désigner  plusieurs 
régions  artificiellement  réunies  ;  rien  n'était  plus  simple  que  ce  petit  terri- 
toire situé  au  Nord  et  à  l'Ouest  de  Bruges,  cette  étroite  marche  do  défense 
contre  les  Normands;  mais  le  mot  était  employé  au  pluriel  soit  qu'il  vînt 
du  latin  Planaria  et  indiquât  les  vastes  terres  plates  de  la  région  poldé- 
rienne,  soit  plutôt  qu'il  fût  à  la  fois  le  nom  du  pays  et  celui  des  habitants 
et  désignât  la  terre  des  fugitifs.  C'est  du  flamand,  et  par  habitude,  que 
le  pluriel  passa  à  l'équivalent  latin,  s'étendit  au  comté  tout  entier, 
et  fit  employer  jusqu'au  XIIIe  siècle  les  termes  de  «  Flandriae  »  et  de 
«  Cornes  Flandriarum  »  1  .  Vinrent  ensuite  des  motifs  de  distinguer 
plusieurs  Flandres,  lorsque  les  comtes  agrandirent  leurs  domaines  de 
terres  qui  appartenaient  à  l'Empire  ;  et  l'on  eut  à  côté  du  comté 
proprement  dit,  placé  sous  la  suzeraineté  française,  une  Flandre  impériale, 
dépendant  de  l'Empereur,  et  comprenant  les  Quatre-Méliers  *,  le  pays 
de  Waes,  le  comté  d'Alost  et  la  ville  de  Grammont.  Dans  la  partie 
relevant  de  la  France,  on  ne  manquait  jamais  non  plus  de  faire  la  diffé- 
rence entre  pays  de  langue  franchise  et  pays  de  dialecte  germanique, 
Flandre  wallonne  et  Flandre  flamingante.  Même  la  partie  flamingante 
comportait  encore  deux  divisions:  d'un  côté  l'Ost-Flandre,  le  pays  de 
(ïand  ;  de  l'autre  le  West-quartier  3  ;  distinction  qui  correspondait  à  peu 
près  aux  deux  grandes  circonscriptions  ecclésiastiques  :  à  l'Ouest  l'évêché 
de  Térouanne  s'élendant  jusqu'à  l'Yser,  à  l'Est  l'évêché  de  Tournai.  Toutes 
ces  distinctions  de  suzeraineté,  de  langue,  de  pouvoirs  temporels  et  spiri- 
tuels, se  compliquèrent  encore  à  partir  du  XVIIe  siècle,  lorsque  la  Flandre 
fut  partagée  entre  trois  puissances.  Les  Hollandais  annexèrent  le  Nord,  qui 
fut  dès  lors  connu  sous  les  noms  de  Flandre  des  Etats,  ou  Flandre  zélan- 


archives  de  Bruges  (Bruges,  1870,  6  vol.),  volume  d'Introduction,  pp.  245-246  ;  —  Ver- 
couillio  (J.),  L'Etymologie  de  Vlaming  et  de  Vlaanderen  (Bull.  Ac.  R.  Belg.,  Classe 
Lettres,  t(.)03,  pp.  484-4'Jl).  L'étymologie  Planaria,  proposée  par  M.  Jonckheere  et 
acceptée  par  M.  Kurth,  paraît  douteuse  ;  la  forme  «  Vollanden  »,  terres  de  comble- 
ment, donnée  par  M.  Gilliodis,  semble  devoir  être  écartée.  La  solution  la  plus  sédui- 
sante est  colle  de  Kern,  complétée  par  M.  Vercouillie  :  Vlaanderen  vient  dit  Vlame  et 
du  suffixe  der,  qui  dans  les  langues  germaniques  donne  des  noms  d'agent.  Vlaander 
est  donc  synonyme  de  Vlaming,  et  il  a  la  forme  du  pluriel  comme  l'ont  des  noms  de 
pays  qui  sont  en  même  temps  noms  de  peuples,  tels  Polen,  Beieren.  Marne  est  une 
forme  frisonne  de  Vloome,  dérivé  du  verbe  vlicden,  et  signihV  fugitif,  exilé  :  épithète 
qui  s'appliquait  bien  aux  populations  frisonnes  établies  dans  la  région  de  Bruges, 
puisque  les  pays  frisons  ne  dépassent  guère  la  Zélande  au  Sud. 

«  Cf.  Pirenne  (H.),  Histoire  de  Belgique,  I,  p.  45,  note  i. 

2  Hulst,  Axel,  Assenedc,  Boucbaute  et  leurs  dépendances. 

3  Cf.  Diegerick  (I.),  La  West-Flandre  (Auu.  S.  H.  Ypres,  t.  I,  1863,  pp.  13-32,  carte). 


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LA  FLANDRE,  RÉGION  NATURELLE 


daise;  la  plus  grande  partie  du  comté,  rostre  à  l'Espagne,  fut  la  Flandre 
espagnole,  plus  tard  autrichienne  ;  le  Sud  devint  français.  Même  dans  ce 
territoire  assez  restreint  delà  Flandre  française,  le  pluriel  parvint  à  se 
glisser  encore,  car  le  gouvernement  de  Louis  XIV  fit  de  sa  conquête  deux 
petites  provinces:  la  Flandre  wallonne  au  Sud  de  la  Lys,  avec  Lille,  Douai 
et  Orchies  ;  la  Flandre  maritime  ou  «  du  côte  de  la  mer  »,  entre  la  Lys  et 
la  côte.  Cette  distinction  disparue  avec  la  Révolution,  une  autre  naquit 
dans  la  Flandre  autrichienne,  divisée  parla  République  en  départements  .le 
la  Lys  et  de  l'Escaut,  dont  le  gouvernement  hollandais  fit  en  1815  les  deux 
provinces  de  Flandre  Orientale  et  Occidentale.  Ainsi  de  nos  jours  encore  il 
existe  quatre  Flandres  :  Française,  Hollandaise,  Orientale  et  Occidentale  ; 
et  c'est  de  cette  division  arbitraire,  due  au  hasard  des  conquêtes,  que  vient 
la  survivance  du  pluriel;  sans  compter  la  confusion  fréquente  entre 
Flandre  et  pays  de  langue  flamande,  qui  fait  parfois  appeler  Flandres,  ou 
région  flamande,  toutes  les  provinces  germaniques  de  la  Belgique. 

L'unité  attestée  par  l'histoire.  —  Rien  n'autorise  donc  à  nier  l'unité 
géographique  de  la  Flandre  dans  ces  distinctions  de  Flandres  impériale, 
hollandaise,  française,  wallonne,  flamingante,  dues  à  la  situation  du  pays 
dans  une  contrée  ouverte  et  riche,  facile  à  l'invasion,  au  contact  de  deux 
idiomes  et  de  deux  races  refluant  sans  cesse  l'une  sur  l'autre.  L'histoire  de 
Flandre,  au  contraire,  à  laquelle  ces  dénominations  pourtant  sont  dues, 
semble  prouver  d'un  bout  à  l'autre  l'existence  d'une  Flandre  homogène, 
durable  et  puissante.  Ces  luttes  de  ville  à  ville,  Gand  contre  Bruges, 
Ypres  contre  Gand,  qui  ont  frappé  les  historiens  et  leur  ont  inspiré 
des  doutes  sur  l'unité  du  pays,  étaient  fatales  au  moyen-âge  entre 
concurrentes  ayant  les  mêmes  besoins  et  les  mêmes  intérêts,  dès  lors 
jalouses  et  rivales  ;  les  mêmes  phénomènes  se  retrouvent  à  la  même  époque 
dans  les  puissantes  cités  italiennes,  et  pourtant  personne  ne  nie  l'origina- 
lité géographique  de  la  Lomburdie  ou  de  la  Toscane.  Quant  A  la  durée, 
rares  sont  les  provinces  françaises  qui  ont  eu  si  longtemps  une  existence 
distincte  ;  pendant  huit  siècles,  du  milieu  du  IXe  à  la  fin  du  XVIe,  la 
Flandre  est  restée  elle-même,  et  elle  n'a  commencé  d'abdiquer  sa  person- 
nalité que  dans  la  gloire  de  donner,  en  la  personne  du  Gantois  Charles- 
Quint,  un  maître  à  l'Europe.  Seule  en  France  elle  avait  acquis  dès  le  XIIe 
et  retrouvé  aux  XIIIe  et  XVe  siècles  une  puissance  et  une  richesse  incom- 
parables. Elle  est  encore  la  seule  province  qui  ne  se  soit  jamais  laissée 
enserrer  dans  les  mailles  du  domaine  royal,  malgré  les  tentatives  d'un 
Philippe-Auguste,  d'un  Philippe  le  Bel,  d'un  Louis  XI,  et  qui  ait  affirmé 
de  siècle  en  siècle,  à  Courtrai,  Cassel,  Roosebeke  et  Gavere,  son  autono- 


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INCKRTITUDE  DKS  LIMITES  HISTORIQUES 

mie  à  rencontre  des  rois  et  des  comtes  de  sang  étranger.  Sa  personnalité 
s'est  révélée  à  certaines  époques  jusque  dans  une  littérature  et  un  art  origi- 
naux. Il  y  eut  en  Flandre  au  XVe  siècle  une  floraison  d'écrivains  et  d  eru- 
dits  qui  a  peut-être  contribué  largement  à  la  renaissance  de  l'humanisme 
en  France,  et  surtout  un  art  bien  flamand,  qui  exprime  la  tranquille  nature 
du  pays,  introduit  le  réalisme  flamand  dans  la  convention  des  sujets  sacrés, 
élève  des  monuments  adaptés  aux  goûts  et  aux  besoins  des  bourgeois  do 
Flandre.  Cette  originalité  intellectuelle,  cette  indépendance  si  farouche- 
ment défendue  et  conservée,  celle  puissance  et  celle  durée,  ce  sont  là  des 
traits  qui  semblent  l'expression  d'un  pays  homogène,  conscient  de  son 
unité  ;  la  présence  d'une  forte  individualité  historique  est  au  moins  une 
présomption  que  cet  organisme  politique  s'est  développé  dans  une  région 
naturelle  différenciée.  S'il  est  vrai  que  les  régions  naturelles  «  sont  celles 
qui  conservent  la  plus  longue  durée  dans  l'histoire,  celles  qui  sont  aptes  à 
atteindre  le  plus  grand  développement  matériel  et  la  plus  grande  force  » 
la  Flandre  est  bien  une  de  ces  unités  privilégiées. 

Incertitude  des  limites  historiques.  —  11  est  vrai  que  si  l'histoire 
atteste  qu'il  y  eut  une  Flandre,  elle  ne  nous  en  donne  guère  les  limites.  Rien 
de  plus  variable  que  ces  frontières  politiques  du  comté.  Au  Xe  siècle,  nous 
le  trouvons  étendu  du  Zwin  à  la  Canche  ;  Arias  en  est  la  capitale,  et  les  pays 
romans  y  tiennent  presque  autant  dé  place  que  les  contrées  germaniques.  Au 
XIe,  le  comte  Baudouin  de  Lille  annexe  les  Quatre-Métiers  et  le  pays  de 
Waes,  franchit  l'Escaut  et  étend  ses  domaines  jusqu'au  delà  delà  l)endre.  La 
Zélande  lui  appartient,  et  le  protectorat  du  llainaut;  Cambrai  tombe  (Mitre 
les  mains  des  Flamands.  Puis  le  reflux  se  dessine;  Philippe- Auguste  met  la 
main  sur  l'Artois  et  refoule  la  Flandre  au  delà  de  Tournai;  la  Zélande 
échappe  au  protectorat,  et  la  Flandre  ne  sauve  sa  liberté  en  VAiti  qu'en  aban- 
donnant la  partie  wallonne  à  la  France.  Môme  l'extrémité  occidentale  du 
Wost-quarlier, désagrégée  en  douaires  et  apanages,  semble  se  détacher  du 
comté.  Cependant  l'expansion  recommence;  la  politique  des  ducs  de 
Bourgogne  récupère  la  Flandre  wallonne  ;  Philippe  le  Bon  et  Charles  le 
Téméraire  portent  leur  frontière  bien  au  delà  de  la  Canche,  et  l'on  bataille 
deux  siècles  encore  pour  la  possession  de  l'Artois.  Si  les  frontières  poli- 
tiques de  la  Flandre  ont  été  de  bonne  heure  lixées  au  Nord  et  à  l'Kst,  ou 
peut  dire  que  vers  le  Sud-Ouest  le  pays  n'a  jamais  eu  de  limites  historiques. 
L'histoire  nous  a  bien  révélé  l'énergique  vitalité  de  la  petite  patrie 
flamande,  qui  s'affirme  encore  aujourd'hui  dans  les  mœurs,  les  sentiments 

1  Barrois  (Ch.),  Des  divisions  géographiques  de  la  Bretagne  (Ann.  O'èog.,  VI.  18</7, 
pp.  23-24). 


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6  LA  FLANDRE,  RÉGION  NATURELLE 

religieux  ol  les  idées  politiques  dos  Flamands  do  Franco,  do  Belgique  et  do 
Hollande  ;  mais  elle  n'a  pu  ni  on  définir  les  caractères  géographiques,  ni 
on  fixer  les  limites. 

IL 

DÉFINITION  GÉOGRAPHIQUE  DE  LA  PLAINE  FLAMANDE. 

Quelle  étendue  comprend  donc  cette  région  flamande,  où  est  née  une 
puissance  politique  si  vigoureuse  qu'elle  a  souvent  débordé  hors  dos 
limites  géographiques  du  pays  ?  Qu'est-ce  que  la  Flandre,  entendue  non 
plus  au  sens  historique  de  pays  soumis  à  la  domination  des  comtes,  mais 
de  Plaine  flamande,  région  naturelle  distincte  ? 

Caractères  géographiques  de    la    Plaine  flamande.  —  La 

Flandre,  par  opposition  avec  les  pays  voisins,  c'est  le  pays  bas,  c'est  le 
pays  plat,  c'est  le  pays  humide.  Pays  bas  :  tandis  que  le  Brabant  à  l'Est, 
les  plateaux  picards  et  artésiens  à  l'Ouest  se  tiennent  à  des  altitudes 
d'environ  100  mètres,  la  plaine  flamande  dans  son  ensemble  reste  à  la 
hauteur  médiocre  de  20  mètres,  et  la  région  maritime,  étendue  tout  au 
long  des  côtes,  est  à  peine  au  niveau  des  hautes  mers.  Pays  plat  :  la  plaine 
maritime,  sauf  les  dunes  de  la  côte,  n'a  pas  une  éminence  qui  dépasse 
trois  mètres  ;  et  si  l'intérieur  de  la  Flandre  est  tout  parsemé  de  monti- 
cules, de  buttes  de  sable  et  d'argile,  il  n'y  a  là  rien  des  vallées  profondes 
creusées  dans  la  craie  de  l'Artois  ou  dans  les  sables  du  Brabant.  Pays 
humide  :  le  sous-sol,  et  presque  toujours  le  sol,  sont  imperméables  ; 
l'eau  qui  tombe  fréquemment  des  nuages  reste  à  la  surface,  s'écoule 
lentement,  ou  reste  à  une  faible  profondeur. 

Ces  caractères  fondamentaux  donnent  à  la  région  flamande  d'autres 
traits  non  moins  originaux.  L'absence  de  ponte,  l'imperméabilité  du  sol, 
donnent  naissance  à  un  réseau  très  chevelu  de  cours  d'eau,  rivières  et 
ruisseaux  coulant  lentement,  tantôt  indigents,  tantôt  gonflés  et  débordant 
sur  leur  vallée  plate  ;  la  Flandre  est  le  pays  de  l'eau  stagnante,  des  mares, 
des  marécages,  des  rivières  incertaines  do  leur  pente.  L'humidité  assure 
l'existence  d'une  végétation  abondante,  plantes  arborescentes  et  herbacées; 
les  prairies  naturelles  sont  nombreuses,  les  arbres  sont  partout,  alignés 
autour  des  champs  et  pressés  derrière  les  fermes  ;  leurs  rangées 
limitent  l'horizon  de  ces  terres  plates,  qu'on  croirait  immense.  L'abon- 
dance de  l'eau,  amassée  en  nappes  peu  profondes,  permet  à  la  nombreuse 


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LES  LIMITES  VERS  L'OUEST 


7 


population  de  disséminer  ses  habitations  à  travers  tout  le  territoire  ;  la 
maison  isolée  est  la  règle.  Pays  de  plaines  basses  où  les  buttes  ne  font 
que  rendre  plus  sensible  l'horizontalité  et  la  faible  altitude  du  sol  ;  pays 
des  eaux  lentes  salies  par  le  sol  glaiseux,  ou  par  l'utilisation  industrielle, 
pays  des  herbes  et  des  arbres,  des  maisons  innombrables  dispersées  sur 
tous  les  points,  telle  se  présente  la  Flandre. 

Limites  vers  l'Ouest.  —  La  contrée  dont  ces  traits  caractéris- 
tiques l'ont  une  région  naturelle  ne  correspond  pas  exactement  à  celle 
qu'on  est  accoutumé  de  prendre  pour  la  Flandre  historique  ;  ses  limites 
tantôt  dépassent  les  frontières  politiques  de  la  Flandre,  et  tantôt  restent 
en  deçà.  Si  les  données  géographiques  sont  d'accord  avec  l'histoire  pour 
considérer  comme  le  cœur  de  la  Flandre  le  pays  qui  s'étend  outre  la  mer 
du  Nord  et  la  ligne  fluviale  de  l'Aa  (Gravelines  à  Arques),  de  la  Lys  (Aire 
à  Mcnin),  de  l'Escaut  (Audenarde  à  Anvers),  la  plaine  flamande  dépasse, 
du  côté  de  l'Ouest,  la  frontière  politique  de  la  Flandre  ;  elle  déborde  au 
delà  de  l'Aa  et  de  la  Lys  sur  des  territoires  qui  faisaient  partie  de  l'Artois. 

Les  terres  basses  du  Calaisis,  triangle  dont  la  côte,  l'Aa  inférieur  et  le 
haut  pays  du  Boulonnais  forment  les  trois  côtés,  ne  sont  que  la  continuation 
de  la  plaine  maritime  qui  longe  toute  la  côte  de  Flandre  depuis  l'Escaut 
jusqu'à  Gravelines,  et  s'étend  bien  au  delà,  en  Hollande,  en  Allemagne 
et  en  Danemark  ;  mêmes  origines  géologiques,  même  sol,  mêmes 
productions  ;  c'est  la  continuité  complète,  car  le  lit  changeant  de  l'Aa 
n'a  jamais  été  une  limite  naturelle,  pas  même  une  frontière  linguistique. 
Détachée  de  la  région  flamande  et  incorporée  à  l'Artois,  cotte  petite 
contrée  y  conservait  un  caractère  particularisle  ;  die  formait  comme 
trois  petites  républiques,  distinctes  du  reste  de  la  province,  et  dont  les 
coutumes  dérivaient  de  celles  du  Franc  de  Bruges  ;  c'était  une  Flandre 
en  Artois1.  Au  contraire,  la  limite  géographique  est  particulièrement 
nette  entre  le  Calaisis  et  le  haut  pays  qui  le  domine  au  Sud  :  différences 
de  sol,  d'altitude,  de  productions,  rien  n'y  manque.  I^s  hautes  croupes 
rondes  de  la  craie,  aux  pentes  nues  parfois  couronnées  d'arbres, 
dominent  de  100  à  ioO  mètres  les  terres  à  demi  noyées  du  bas  pays,  et 
les  tourbières  viennent  se  terminer  au  pied  des  plateaux  secs  où  se  tint  le 
camp  du  Drap  d'Or  2.  En  haut,  l'agriculture  ost  arriérée,  le  climat  rude, 


1  Mardi,  en  Calaisis,  était  chef-sens  de  Calais  ;  Bourbourg,  chef-sons  de  Marck,  et 
la  coutume  de  Bourbourg  dérivait  de  celle  du  Franc  de  Bruges.  Cf  :  Courtois,  Lettre 
pur  le  lloop  (Bull.  Corn.  tl.  Fr.,  H,  pp.  3S>-330);  _  Chavanon  (F.),  Charte  de  coutume 
do  Marck  (Méra.  Soc.  Ac.  Boul.,  XIX,  Iftt'î,  pp.  429-452). 

«  Voir  phot.  i. 


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LA  FLANDRK,  RF.MON  NATL'REIJ.K 


la  population  clairsemé?  ;  en  bas,  à  la  faveur  d'une  température  que 
l'écran  des  hauteurs  rend  plus  douce1,  et  profitant  d'une  terre  fertile  à 
souhait,  on  voit  ligner  les  cultures  savantes,  assurant  le  bien-être  à  une 
population  nombreuse  et  dispersée.  Nulle  part  la  plaine  flamande  ne 
possède  des  limites  aussi  précises  qu'au  long  de  ce  territoire  devenu  une 
dépendance  politique  de  l'Artois. 

La  distinction  est  encore  facile  à  faire  au  delà  du  Calaisis.  Du  côté 
flamand,  la  colline  boisée  d'Eperlerqucs,  les  terres  basses  des  marais  de 
St-Omer,  les  vertes  ondulations  argileuses  qui  bordent  la  vallée  de 
Neuflbssé,  s'opposent  aux  pentes  de  guérels  nus  et  jaunâtres,  aux  croupes 
pelées  des  hauteurs  crayeuses  semées  des  taches  blanches  des  marnières 
qui  se  succèdent  du  côté  do  l'Artois.  La  limite  géographique  du  pays  s'y 
confond  avec  la  frontière  historique.  Mais  celle-ci,  lorsqu'elle  pénètre 
dans  la\asle  dépression  alluviale  que  la  Lys  et  ses  affluents  ont  creusée 
en  débouchant  de  l'Artois,  coupe  en  deux  une  région  dont  les  caractères 
naturels  font  une  partie  intégrante  de  la  plaine  flamande.  La  Lys,  qui 
fut  souvent  entre  Aire  et  Armentières  la  limite  politique  de  l'Artois  et  de 
la  Flandre,  et  qui  sépare  de  nos  jours  les  départements  du  Nord  et  du 
Pas-de-Calais,  pouvait  a  la  rigueur  former  une  frontière  avec  la  large 
bande  de  prairies  basses  qui  accompagnent  son  lit,  et  qu'elle  recouvre 
chaque  hiver  :  mais  la  partie  qu'isolait  cette  frontière  au  Sud  de  la 
rivière  est  bien  flamande,  avec  ses  fortes  terres  brunes,  ses  innombrables 
fossés  pleins  d'eau,  ses  haies  d'ormeaux,  et  ses  maisons  éparpillées  le 
long  de  rues  intcrminabl&s.  Au  contraire  ce  «  bas-pays  »,  comme  on  dit 
à  Béthune,  se  distingue  aisément  des  hautes  terres  qui  le  limitent  au  Sud. 
Arrivé  à  Aire,  à  Lillers,  à  Béthune,  à  La  Bassée,  le  long  de  cette  ligne 
de  villes,  dont  la  présence  suflirait  déjà  à  indiquer  une  frontière  natu- 
relle, on  voit  le  sol  se  relever,  d'abord  en  ondulations  douces  d'argile, 
bientôt  en  croupes,  plus  accusées,  de  craie,  et  s'élever  en  gradins 
jusqu'aux  collines  de  l'Artois  ;  les  pâtures,  les  arbres,  diminuent,  les 
maisons  se  groupent  on  villages.  La  présence,  sur  ces  premières  pentes, 
de  la  puissante  industrie  des  houillères,  a  accentué  le  contraste  avec  la 
région  flamande,  restée  dans  cette  plaine  delà  Lys  presque  exclusivement 
agricole.  Ainsi  toute  la  plaine  est  bien  un  coin  de  Flandre,  en  dépit  de 
l'opinion  exprimée  par  ses  habitants  que  le  pays  flamand  s'arrête  aux 
coteaux  d'Hazebrouck  et  de  Bailleul,  parce  qu'ils  prennent  pour  une 
frontière  véritable  la  capricieuse  limite  des  langues,  errante  de  la  Lys 
aux  hauteurs,  et  confondent  flamingant  et  flamand. 


i  Voir  la  carie  de  la  moisson  du  blé  en  Flandre,  fig.  3. 


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l.  —  L'Artoit  vu  du  bas  pays  (Landrethun-lci-Ardrcs). 


a.  —  Le  plateau  crayeux  du  Mclantoi»,  vu  de  Lille. 


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LES  LIMITES  VERS  L'EST 


!» 


Limites  vers  l'Est.  —  \jà  limite  du  pays  flamand  est  déjà  beaucoup 
plus  difficile  à  fixer  vers  l'Est.  Sans  doute  l'Escaut,  de  Termonde  à 
Anvers,  peut  être  considéré  comme  une  frontière.  Les  régions  qu'il 
sépare  sont  dissemblables  ;  à  gaucho  le  pays  do  Waes,  avoc  son  sol  de 
limon  sableux,  est  une  terre  d'agriculture  riche,  à  population  dense  ;  à 
droite  les  sables  de  la  Campino  Anversoise  ne  portent  guère  que  des 
bruyères  et  des  forêts  auxquelles  s'attaquent  les  défrichements  modernes. 
Le  vaste  fleuve  jaune,  large  de  500  mètres  devant  Anvers,  était  une 
limite  historique  en  même  temps  qu'une  frontière  géographique  ;  l'enva- 
hissante domination  des  comtes  ne  put  jamais  le  franchir,  et  même  à 
partir  du  XVIe  sièclo,  la  juridiction  du  fleuve,  jusque-là  réservée  a  la 
Flandre,  fut  accaparée  par  ceux  d'Anvers  ». 

Flandre  à  gauche,  Brabant  à  droite;  la  petite  région  de  Lebbeke  et 
Buggenhoul,  dépendance  de  la  Flandre  Orientale  sur  la  rive  droite, 
est  encore  qualifiée  de  Brabant  par  les  habitants  de  la  rive  gauche. 
Les  difficultés  commencent  au  delà  de  Termonde,  où  le  pays  flamand 
commence  d'envahir  la  rive  droite  du  fleuve.  Ce  n'est  plus  pourtant 
l'aspect  de  la  vraie  Flandre  ;  les  accidents  de  terrain,  qui  étaient 
l'exception  à  l'Ouest  de  l'Escaut,  se  multiplient  à  l'Est  ;  il  est  facile 
d'y  reconnaître  les  ruines  d'un  grand  plateau  dont  l'altitude  croît 
vers  le  Sud,  et  que  d'innombrables  vallons  ont  si  bien  entaillé,  qu'il 
n'en  reste  plus  guère  qu'un  squelette.  Tandis  que  ces  débris  du  plateau 
annoncent  le  Brabant  avec  leur  solde  limon  sablonneux  et  leurs  vastes 
champs  nus  et  monotones,  sans  arbres  ni  maisons,  les  vallées  sont  encore 
la  Flandre  ;  l'argile  que  cachait  la  m  isse  sableuse,  mise  à  découvert  par 
l'érosion,  ramène  l'humidité  et  la  verdure;  on  retrouve  le  long  du  ruisseau 
les  prairies  entourées  de  peupliers  ;  les  villages  et  les  fermes  s'espacent 
le  long  des  vallons,  tandis  que  les  bouquets  de  bois,  établis  sur  les  pentes 
trop  glaiseuses,  poussent  leurs  têtesjusqu'au  rebord  du  plateau.  A  mesure 
qu'on  approche  de  la  Dendre,  les  vallées  se  font  plus  rares,  le  plateau 
s'étend,  et  l'on  passe  ainsi  par  une  insensible  transition  au  paysage 
brabançon.  Où  fixer  une  limite  dans  un  pays  aussi  fuyant,  et  qu'on 
pourrait  appeler  aussi  bien  Flandre  brabançonne  que  Brabant  flamand  ? 
Il  faut  se  résoudre  à  le  considérer  comme  une  de  ces  régions  mixtes  qui 
remplacent  les  frontières  dans  ces  contrées  où  les  différences  de  climat, 
de  sol  et  de  relief,  n'apparaissent  qu'insensiblement,  et  l'étudier  avec;  la 
Flandre,  qui  se  l'est  attribué  depuis  huit  siècles. 


1  Duvivier  (Ch.),  L'Escaut  ost-il  flamand  ou  brabançon  ?  (Huit  Ac.  R.  Brl-r., 
Classe  des  Lettres,  1899,  pp.  721-768). 


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10  (  LA  FLANDRE,  RÉGION  NATURELLE 

Limites  vers  le  Sud.—  Plus  incertaine  encore  est  peut-être  la  frontière 
du  Sud,  entre  Grammont  et  La  Bassêe.  A  l'Ouest  et  à  l'Est,  ce  sont  surtout, 
les  différences  de  relief  qui  arrêtent  la  Flandre  au  pied  dos  premières 
pentes  crayeuses  ou  la  poussent  jusqu'à  la  vallée  do  la  Dendre,  à  la 
rencontre  des  plateaux  sablonneux  du  Iirabanl.  Vers  le  Sud,  tout  relief 
disparaît;  la  grande  plaine  du  Nord  de  la  France  étend  ses  monotones 
ondulations  jusqu'au  delà  de  Valencicnnes  et  de  Cambrai.  De  la 
Lys  aux  marais  de  la  Sensée,  c'est  de  nouveau  un  pays  mixte,  où 
s'élabore  lentement  la  transition  de  la  plaine  flamande  aux  hautes 
terres  du  Hainaut  et  du  Cambrésis.  Après  la  Lys,  c'est  jusqu'à  la  Deûle 
et  la  Marcq  le  territoire  humide,  au  sol  d'argile,  qu'occupaient  les  petits 
pagi  de  Weppes  el  de  Ferrain  ;  puis  le  bombement  crayeux,  rattaché 
par  Carvin  au  plateau  de  la  Gohelle,  et  étendu  vers  l'Est  jusque  près 
de  Tournai,  auquel  s'attachent  les  noms  purement  historiques  de  Mélan- 
tois  et  de  Carembaut.  Derrière,  c'est  la  Pévèle,  où  un  petit  massif 
d'argile  tertiaire,  entouré  d'une  auréole  sableuse,  occupe  l'emplacement 
d'une  dépression  de  la  craie  ;  des  bois  assez  compacts  établis  sur  les 
sables  ou  les  argiles  en  jalonnent  la  périphérie  ;  ils  sont  particulièrement 
épais  dans  le  Sud,  sur  le  territoire  de  l'ancien  pagus  d'Ostrevant,  où  la 
craie  qui  se  rapproche  de  nouveau  de  la  surface  est  encore  protégée  par 
une  couche  sableuse  sur  laquelle  s'étendent  des  forêts.  Où  faut-il  s'arrêter 
dans  une  région  où  les  contrastes  sont  si  lents  à  se  produire,  et  où  les 
caractères  propres  au  pays  flamand  se  fondent  peu  à  peu  avec  ceux  dos 
contrées  voisines  ? 

Déjà,  de  Grammonl  à  Tournai,  il  faut  fairo  appel  à  des  souvenirs 
historiques,  ressusciter  des  traits  géographiques  disparus,  pour  justifier 
la  limite  traditionnelle  des  plaines  flamandes  et  des  plateaux  du  Hainaut, 
qui,  par  le  dédale  des  collines  de  Flobecq  et  de  Renaix,  atteint  l'Escaut 
vers  Avelghem,  le  suit  jusqu'à  son  coude  d'Espierres.  C'est  la  frontière 
linguistique  ;  c'est  aussi  la  limite  administrative  entre  Hainaut  et 
Flandre;  c'est  un  des  rares  points  où  la  limite  du  comté  n'ait  presque 
jamais  varié.  Cependant  les  pays  quelle  sépare  ne  sont  pas  très 
différents;  l'aspect,  les  cultures  sont  identiques  ;  ce  n'est  que  peu  à 
peu  que  s'opère  le  passage  aux  paysages  de  plateau  agricole  qui  carac- 
térisent le  Hainaut,  el  où  le  sol  de  limon  repose  sur  le  calcaire  carbonifère 
qui  apparaît  dans  les  vallées,  étroites  el  profondes.  C'est  que  là  s'étendait 
jadis  un  obstacle,  de  chaque  côté  duquel  se  terminaient  les  deux  régions  : 
c'était  l'endroit  où  venait  finir  la  partie  occidentale  de  la  grande  forêt 
Charbonnière,  considérée  par  la  loi  saliquo  comme  la  frontière  du  peuple 
franc,  et  regardée  encore  au  IX0  siècle  comme  une  limite  naturelle.  La 


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LES  LIMITES  VERS  LE  SUD. 


11 


poussé  germanique  venue  du  Nord-Est  n'a  pas  dépassé  l'emplacement  de 
cette  vaste  étendue  boisée  ;  et  c'est  ainsi  que  cette  partie  des  limites  du  pays 
flamand,  qui  pout  paraître  aujourd'hui  la  plus  artificielle  do  toutes,  a  été 
jadis  celle  qui  s'imposait  le  plus  1 . 

Plus  loin  à  l'Ouest,  de  l'Escaut  à  La  Bassée,  il  est  plus  facile  do 
retrouver  une  frontière  naturelle  au  delà  Ho  laquelle  les  traits  propres  au 
pays  flamand  s'atténuont,  se  raréfient,  cèdent  le  pas  à  des  caractères 
étrangers.  Tandis  que  la  bande  de  territoire  qui  s'étend  do  Lille  à  la  Lys 
est  encore  toute  flamande,  avec  ses  hauteurs  qui  continuent  au  delà  do  la 
rivière  la  rangée  dos  collines  d'Ypres,  avec  son  sol  argileux  et  humide,  ses 
pâtures,  ses  arbres  et  ses  haies,  ses  fermes  éparsos,  le  paysage  change 
d'aspect  dés  qu'on  atteint  le  petit  plateau  crayeux  qui  s'étend  au  Sud 
jusque  sous  la  ville  de  Lille.  Tandis  que  des  faubourgs  Nord  de  la  ville 
le  pays  apparaît  verdoyant  comme  un  bocage,  dos  remparts  du  front 
Sud  la  vue  porte  sur  des  champs  nus  de  terre  brune,  séparant  des 
villages  bien  groupes,  entourés  d'arbres  comme  en  Picardie  ;  paysage 
découvert  dont  la  silhouette  de  nombreux  moulins  à  vent  accentue  encore 
le  vide  *.  Non  seulement  le  sous-sol,  mais  le  sol  superficiel  diffèrent  ;  au 
Nord  c'est  un  limon  d'altération  argileux,  gras  et  humide;  au  Sud  le 
sol  ordinaire  des  grandes  plaines  do  la  craie,  le  limon  quaternaire  formé 
d'ergeron  recouvert  de  terre  à  briques,  qui  ne  paraît  pas  dépasser  Lille  ''. 
De  là  dos  différences  dans  la  culture  ;  la  terro,  plus  fertile  au  Sud,  était 
aussi  moins  soignée.  L'intendant  Dugué  de  Bagnols,  a  la  fin  du  XY11° 
siècle,  distinguait  nettement  dans  sa  petite  province  «  la  partie  qui  regarde 
l'Artois,  et  qui  comprend  les  quartiers  de  Carombaut,  de  Mélanlois  et  de 
Pévêle,  au  sol  sec  et  marneux  »,  de  «  la  partie  qui  regarde  la  Flandre, 
les  quartiers  de  Ferrain  et  de  Weppes,  terrain  si  gras  et  si  fertile  ». 
Le  conventionnel  Camus,  revenant  de  Flandre,  «  s'aperçoit  en  appro- 
chant de  Douai  que  le  pays  change  de  mœurs  et  d'habitudes. ...  Ce  n'est 


«  Duvivier  (Ch.),  \m  Forêt  Charbonnière  (Rev.  d'Histoire  et  d'Archéologie,  III. 
iSfiJ.  pp.  l-2fi)  ;  —  l'irenne,  Histoire  de  Belgique,  I,  p.  13.  —  Sur  k--i  limites  histo- 
riques du  Tournaisis  et  de  la  Flandre,  voir  d'Herljoniez  (  A.).  Géographie  historique  du 
Tournai*!»  (Bull.  Soc.  belge  Géog.  10'  année,  18'.£,  pp.  27- "i0,  30t>-:t.'tf,  3HG-V<!3). 

*  Voir  phot.  2. 

3  G osselet  (J.),  Esquisse  géologique  du  Nord  de  la  Finiu  e.  Age  quaternaire  (Ann. 
Soe.  géol.  Nord,  XXX,  l!K)l,  pp.  257-.'i:e},  pp.  aJO-SG. 

»  Mémoire  de  Dugué  de  Bagnols,  intendant  de  la  Flandre  wallonne,  W.  S  (Bull. 
Comm.  H.  Nord,  X,  p.  ir>0). 


I,' 


LA  FLANDRK,  RÉGION  NATURKLLK 


plus  cette  culture  flamande  qui  transforme  les  champs  en  jardins  '  ». 
Aujourd'hui,  les  procédés  sont  devenus  identiques,  mais  les  cultures 
diffèrent  encore.  Au  Nord,  les  pâtures  favorisées  par  l'humidité  du  sol 
tiennent  le  premier  rang  pour  l'importance  des  produits  ;  au  Sud  les 
céréales  et  les  betteraves  à  sucre  sont  la  grande  affaire  du  paysan. 

Cependant  au  Sud  de  cette  bande  crayeuse  si  différente  du  vrai  pays 
flamand  reparait  en  Pévèle  l'argile,  la  roche  caractéristique  delà  Flandre. 
Au  sortir  du  plateau  sec,  le  paysage  redevient  verdoyant  ;  il  rappelle  les 
aspects  du  Nord.  Faut-il  donc,  au  delà  de  la  petite  zone  qui  annonce  déjà 
les  pays  picards,  considérer  la  Pévèle  comme  une  dépendance  de  la 
région  flamande?  Les  nuances  sont  si  délicates  que  l'hésitation  est 
permise.  Cependant  c'est,  plutôt  qu'une  terre  flamande,  une  petite  région 
à  part,  qui  réunit  à  ses  caractères  propres  des  traits  empruntes  aux  pays 
voisins.  Elle  se  dislingue  par  son  relief,  qui  en  fait  un  petit  massif 
argileux,  d'où  descendent  de  tous  côtés  des  ruisseaux;  par  sa  ceinture 
de  bois,  qui  l'isolait  du  pays  d'alentour  ;  par  l'infertilité  de  son  sol,  où 
l'on  ne  peut  guère  labourer  plus  profond  que  vingt  centimètres.  Ce  ne 
sont  plus  les  étendues  vides  de  la  craie,  mais  on  n'y  retrouve  pas  les 
pâtures  et  les  haies  de  la  Flandre.  Les  agriculteurs  ont  plus  de  rapports 
avec  leurs  voisins  du  Sud  qu'avec  ceux  du  Nord  ;  leur  principal  produit, 
la  graine  de  betteraves,  s'adresse  plus  à  la  Picardie  qu'à  la  Flandre,  où 
îa  culture  betteravièro  est  moins  développée.  Les  ouvriers  d'industrie 
sont  également  sollicités  vers  Lille  et  Roubaix,  pour  lesquelles  ils 
travaillent  encore  â  domicile,  et  vers  le  bassin  houiller  où  des  trains  les 
conduisent  chaque  jour.  Evidemment  ce  n'est  plus  là  le  véritable  pays 
flamand,  mais  une  petite  région  mixte,  isolée  de  la  Flandre  par  la  zone 
crayeuse  et  par  sa  bordure  de  bois,  et  où  la  fusion  de  caractères  communs 
aux  contrées  voisines  et  de  quelques  traits  originaux  finit  par  foi-mer  une 
petite  individualité  géographique. 

Ainsi  c'est  vers  Lille  et  Tournai,  au  long  de  la  petite  zone  sèche,  et 
—  coïncidence  curieuse— sur  la  ligne  qui  marque  la  limite  vers  le  Sud 
de  l'expansion  germanique,  que  s'arrête  la  vraie  région  flamande  ;  les 
deux  villes  sont  à  la  frontière  de  la  Flandre.  Le  rôle  d'intermédiaires 
entre  les  pays  du  Nord  et  ceux  du  Sud  domine  d'ailleurs  toute  leur 
histoire;  Lille  continue  à  le  tenir;  Tournai  fut  jusqu'au  XVIe  siècle 
l'avant-garde  de  la  France,  et  le  plus  solide  point  d'appui  de  la  politique 
française  en  Flandre  ;  c'est  par  ses  écrivains  et  ses  artistes  que  les 


i  Voyage  dans  1rs  départements  nouvellement  réunis....  à  la  fin  de  Tan  X  (Paris, 
Beaudouin,  an  XI,  2  vol.),  II,  p.  1«J8. 


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LES  LIMITES  VERS  LE  SUD 


13 


influences  romanes  pénétraient  dans  la  région  germanique.  Fragile 
frontière  quecelle  qu'elles  jalounent  ;  mais  il  ne  faut  pas  être  trop  exigeant 
pour  un  pays  si  ouvert  et  si  peu  accidenté,  où  Ton  entre  si  facilement 
qu'où  en  oublie  qu'il  y  a  une  porte.  Du  moins,  au  delà  des  marches  qui 
servent  souvent  de  limites,  les  différences  apparaissent  avec  netteté  ; 
l'homme  le  moins  averti,  en  passant  de  Boulogne  à  Calais,  de  Lens  à 
Armentières,  de  Bruxelles  à  Garni,  s'aperçoit' qu'il  a  changé  de  pays.  11 
n'en  faut  pas  plus  pour  reconnaître  une  région  naturelle  ;  et  l'étude  des 
principaux  caractères  physiques  de  la  Flandre  ne  fera  que  fortifier  cette 
impression. 


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14 


LE  CLIMAT 


CHAPITRE  II 
LE  CLIMAT  1 

I.  Iss  éléments  du  climat.  Température.  Anomalie  de  la  plaine  maritime.  Pluie. 
Vents.  —  II.  CarrtrtJrt's  du  climat.  Influences  sur  la  nature  et  l'homme.  Prétendus 
changements. 

I/'  climat  de  la  Flandre  n'a  pas  bonne  réputation.  Los  Orangers  qui 
viennent  habiter  le  pays  no  tarissent  pas  sur  les  ennuis  que  leur  cause 
l'atmosphère  flamande;  les  plus  modérés  osliment  (jue  le  climat  est  au 
moins  désagréable;  étouffant  l'été,  aigre  l'hiver,  changeant  et  surtout 
humide  en  tous  temps;  il  n'y  a  pas  de  printemps;  le  soleil  ne  se  montre 
qu'à  regret,  toujours  obscurci,  et  la  boue  n'a  pas  eu  le  temps  de  sécher  que 
la  pluie  recommence.  Au  contraire,  l'examen  des  moyennes  donne  du  climat 
flamand  une  idée  satisfaisante;  la  chaleur  et  le  froid  sont  tempérés,  la 
pluie  ne  paraît  pas  tomber  en  quantités  considérables.  Il  y  a  là  une  ano- 
malie à  expliquer:  on  essaiera  de  le  faire  pour  les  deux  éléments  princi- 
paux, pluie  et  température. 

I.  LKS  ELEMENTS  DP  CLIMAT 
Température 

L'étude  détaillée  de  la  température  d'une  région  est  assez  difficile,  faute 
de  données  suffisamment  nombreuses.  Los  pouvoirs  publics  n'entretiennent 
qu'un  petit  nombre  de  stations,  et  rares  sont  les  observateurs  bénévoles 
assez  zélés  et  consciencieux  pour  faire  chaque  jour  des  observations 
Ihermométriquos.  Dans  la  plaine  flamande  délimitée  comme  on  l'a  vu 


i  A  consulter:  Durieux  (Ch.),  Etude  sur  le  climat  du  littoral  belge  (Ann.  Observât, 
royal  Belg.,  lî*M,  2ô  p.,  9  pl.)  :  —  Lancasier  (A.),  I.a  pluie  en  Belgique,  1"  fascicule 
(Bruxelles.  I lavez,  1894,  in-H",  Z>\  p.,  1  pl.,  carte  à  1.400.000)  ;  —  Blanchard  (IL),  La 
pluviosité  de  la  plaine  du  Nord  de  la  Franco  (Ami.  Géog.  XI,  iOtri,  pp.  2U3-220,  10  fig., 
Pi  caries  à  1  :  1.500.000,  1  carte  a  1  :  750.000). 


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LA  TEMPÉRATURE 


15 


précédemment,  on  n'a  pu  trouver  que  â  stations,  parmi  lesquelles  trois 
donnaient  des  observations  incomplètes.  11  a  donc  fallu  dépasser  les 
frontières  du  pays,  et  s'adresser,  pour  pouvoir  obtenir  quelques  termes  de 
comparaison,  aux  régions  voisines  *.  On  a  réuni  ainsi  les  observations  de 
L3  stations,  assez  heureusement  placées,  il  est  vrai,  pour  étudier  le  pays  : 
quatre  dans  la  plaine  maritime;  trois  dans  la  Flandre  de  l'intérieur,  entre 
la  mer  et  la  Lys  :  deux  dans  la  région  de  Lille,  trois  sur  les  frontières  du 
pays  picard,  une  en  Brabant  *. 

Tableau  des  moyennes  mensuelles  et  annuelles  df  température. 


.STATIONS 


A  mis  

Dunkerque .. . 
Flossingue. . . 

Fumes  

Iscgliem  

f  s\  vont  h?  

Lille  

Maldegem  .  . . 
Ostomio  (ville 
1/0  Qncsnoy.  . 

Selz.'ioti'  

Icele  

Yalouciennes. 


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1  Les  documents  utilis.-s  pour  rétablissement  îles  moyennes  sont  de  provenance 
diverse  :  la  Commission  météorologique  du  Nord  n  fourni  les  ohill'res  des  stations  de 
Lille,  Valeni-iennes  et  Le  Ouesnoy  ;  le  Bulletin  météorologique  de  la  Station  Agrono- 
mique d'Arras,  Laventie  et  Arras  ;  les  Annales  du  Bureau  Central  météorologique,  la 
station  de  Dunkcrqtie  (Service  du  l'on)  ;  l'Observatoire  royal  de  Belgique,  à  Lecle,  les 
stations  de  Punies,  Iseghem,  Maldegem,  Ostende.  Selzaete.  Uccle  ;  l'Observatoire 
royal  néerlandais,  à  de  Bilt  prés  Utrecht,  la  station  do  Flessingue. 

*  On  n'a  pas  utilisé  les  stations  de  Douai  et  Gondecourt,  relevant  de  la  Commission 
météorologique  du  Nord,  dont  les  chiffres  étaient  manifestement  trop  forts.  l.a  station 
de  Somergem  (Plandre  Orientale),  fonctionnant  depuis  trop  peu  de  temps,  a  été 
également  écartée. 


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LK  CLIMAT 


La  plupart  des  stations  considérées  fonctionnent  depuis  peu  île  temps: 
une  vingtaine  (laniifVs  à  peine.  Cependant  on  ne  pouvait  utiliser  les  résultats 
des  dernières  années,  la  période  quinquennale  I901-190Ô  n'étant  pas 
terminée;  on  a  doue  dû  se  résigner  à  prendre,  pour  établir  1rs  moyennes, 
les  chiffres  de  la  seule  période  décennale  1891-1900.  C'est  peu  de  dix  ans 
pour  établir  des  chiffres  moyens  de  température  ;  mais  il  était  impossible  de 
faire  autrement,  les  stations  de  Valenciennes,  du  Quesnoy  et  de  Selzaete 
n'ayant  commencé  à  fonctionner  qu'en  1890,  celle  d'Iseghcm  en  1889, 
Maldegem  et  Ostcnde  en  18X8,  Furnes  en  1887.  Il  a  même  fallu  combler 
par  des  interpolations  quelques  vides  dans  les  chiffres  de  Maldegem  et 
I aveulie.  On  est  arrivé  ainsi  au  tableau  précédent,  donnant  les  moyennes 
mensuelles  et  annuelles  pour  la  période  1891  -10* M). 

Iâi  comparaison  de  ces  chiffres  avec  ceux  que  l'on  aurait  obtenus  en 
utilisant  un  nombre  d'années  beaucoup  plus  grand,  est  rassurante.  A  Lille, 
la  moyenne  de  température  annuelle  obtenue  par  les  observations 
s'étendant  de  1757  à  1888  est  de  9",9  ;  pour  la  période  1891-iiHX),  on 
trouve  0",7.  A  Uccle,  la  moyenne  des  années  1833-1900  est  de9°,l,  contre 
9",  i.  Les  différences  sont  donc  faibles,  et  l'on  peut  affirmer  que  les  chiffres 
du  tableau  précédent  donnent  une  idée  à  peu  près  exacte  des  températures 
moyennes  de  la  Flandre. 

Comme  il  fallait  s'y  attendre  dans  un  pays  largement  ouvert,  et  parallèle 
à  la  mer,  où  les  influences  marines  peuvent  se  faire  sentir  partout,  les 
différences  des  températures  annuelles  sont  faibles  entre  les  différentes 
stations.  Entre  le  minimum  9°,  i,  à  Uccle,  et  le  maximum  I0",3,à  Flessingue, 
il  n'y  a  même  pas  un  degré.  La  différence  diminue  encore  lorsqu'on 
applique  à  ces  chiffres  la  correction  de  l'altitude  ;  en  réduisant  ces  tempé- 
ratures annuelles  au  niveau  de  la  mer,  on  obtient  en  effet  pour  Uccle  9",9, 
pour  Arras  10",  pour  Valenciennes  10",2,  pour  ]/»  Quesnoy  10°,5  ;  l'on  a, 
pour  toute  la  Flandre  à  peu  près,  la  température  moyenne  de  10°. 

Cependant  des  différences  apparaissent  entre  les  moyennes  des  différents 
mois.  En  janvier,  Dunkerque  a  2°,i  de  plus  que  Uccle  ;  en  février,  2°  encore; 
en  mai-s,  1°,  1 .  —  En  juillet,  Lille  a  1", \  de  plus  que  Furnes,  L^l  de  plus 
qu'Ostende.  En  septembre,  Flessingue  dépasse  Arras  «le  !"..">  ;  en  novembre, 
Lille  est  inférieur  de  2".  I  à  Dunkerque  ;  en  décembre,  Dunkerque  a  2°,3de 
plus  que  Le  Quesnoy.  Ainsi,  d'octobre  à  mars,  les  stations  de  la  plaine 
maritime  présentent  les  températures  les  moins  basses;  dans  la  saison 
chaude,  elles  sont  plus  fraîches  que  les  stations  de  l'intérieur.  La  tempé- 
rature de  la  plaine  maritime  paraît  donc  beaucoup  plus  égale  que  celle  de 
l'intérieur  ;  l'amplitude  entre  les  extrêmes  des  moyennes  mensuelles  est 


LA  TEMPERATURE 


17 


de  I  i°  à  Dunkorque,  de  14°,6à  Fumes  ;  elle  est  de  16°,3  a  Uccle,  de  17^ 
au  Quesnoy. 


Hiver- 


Blé 


9? 


8' 


Bxnte/ryis 


A  ulomnt 


Fin.      —  Influence  de  l'éloigiiement  de  la  nier  sur  les  moyennes 
saisonnières  de  température. 

Tableau  des  moyennes  saisonnières. 


ïk  lit 


STATIONS 


Arras  

Dunkerque. . . 

Flessinguo  

Fumes  

iBeghem  

Lavontio  

Lillo  

Maldcgem  . . . . 
Ostende  (ville) 
Ix:  Quesnoy  . . 

Selzaete  

Uccle  

Yalencionnes . 


Iliver 


2,4 
4,2 
X  i 

S 

2A 


eririteuip* 


HA 

8.r. 
972" 


10, 'J 

îbti 

17,4 

EU 

17,0 

Ed 
EU 

17.  M 
ir.,8 
17,2 


Automne 


10,0 
TT7T 

n5 

ÏÔTT 

10,  M 
10,4 
TÏÏTï 

TôTT 
TôTsT 

TôTT 

TTT7T 

iin 

10,3 


18 


LE  CLIMAT 


■ 


l^s  différences  apparaissent  plus  nettement  encore  lorsqu'on  établit  les 
moyennes  saisonnières  :  en  hiver  et  en  automne,  la  température  de  la  plaine 
maritime  est  sensiblement  plus  élevée  qu'à  l'intérieur:  au  printemps  et  en 
été,  le  contraire  se  produit.  L'amplitude  entre  les  moyennes  saisonnières 
n'est  plus  que  12°,2  à  Dunkerque  ;  mais  elle  atteint  encore  15°,3  au 
Quesnoy. 

Les  mêmes  différences  se  retrouvent  lorsqu'on  examine  d'aut  res  éléments 
de  température:  le  nombre  des  jours  de  gelée  et  de  forte  chaleur;  la 
variation  diurne.  Pour  50  jours  de  gelée  à  Ostende  (moyenne  des  10  années 
1801-1900),  on  en  a  déjà  50  à  Furnes,  58  à  Iseghem  ;  le  nombre  s'accroît 
dans  la  région  sablonneuse:  66*  à  Maldegem,  ()7  à  Selzaete.  Plus  loin,  en 
Campine,  la  station  de  Turnhout,  dont  la  température  moyenne  est 
semblable  à  celle  de  la  Flandre,  donne  73  jours  de  gelée;  Uccle  en  a  70. 
Pour  les  fortes  gelées,  dépassant  —  10",  on  obtient  les  moyennes  suivantes  : 
3,0  à  Ostende,  3.0  à  Furnes,  i,0à  Iseghem,  5,0  à  Maldegem,  0,0  à  Selzaete 
et  à  Uccle,  6,1  à  Turnhout.  Il  y  a  donc,  dans  la  plaine  sablonneuse  du 
Nord-Est,  deux  fois  plus  de  fortes  gelées  qu'au  bord  de  la  mer.  Les  jours 
de  forte  chaleur  (au-dessus  de  25")  sont  également  beaucoup  plus  rares  sur 
la  côte,  8  (?)  à  Dunkerque,  12  à  Ostende,  14  à  Furnes  ;  le  nombre  augmente 
dès  qu'on  pénètre  dans  l'intérieur:  27  à  Iseghem,  28  à  Maldegem,  31  à 
Lille,  28  à  Arras,  20  à  Uccle,  3i  à  Laventie  ;  et  il  est  particulièrement 
considérable  dans  la  région  sablonneuse:  38  à  Selzaete  et  à  Turnhout. 

La  variation  thermique  diurne  est  également  moins  forte  sur  la  cô\p  que 
dans  l'intérieur.  Pour  0°,  \  d'amplitude  diurne  (moyenne  annuelle)  à  Ostende, 
on  a  8°,0  à  Uccle,  9",1  à  Turnhout,  9°,5  à  la  station  d'Hechlel  ('(  lampine), 
10", i  à  Bastogne,  dans  l'Ardenne  1  ;  en  Flandre,  Iseghem  a  déjà  8U,  et 
Somergem,  dans  la  région  sablonneuse,  8",9.  Même  dans  la  plaine  mari- 
time, il  y  a  une  différence  entre  la  côte  et  la  zone  des  polders.  A  Furn&s, 
les  nuits,  en  toute  saison,  sont  plus  fraîches  qu'à  Ostende  :  8°,2  contre  9°  au 
printemps  et  en  été,  3"  contre  3",7  en  automne  et  on  hiver;  et  les  après- 
midi  sont  plus  chaudes,  surtout  l'été,  que  sur  le  littoral  :  10",7  contre?  10' à 
Ostende.  Il  eu  résulte  une  amplitude  diurne  plus  considérable  :  7°,5  à  Furnes 
contre  f)",i  à  Ostende  8. 

Ainsi  toutes  les  observations  amènent  à  la  môme  conclusion  :  si  la  tem- 
pérature moyenne  annuelle  est  à  peu  près  la  même  pour  toute  la  Flandre, 
du  Nord  au  Sud,  et  pour  les  régions  voisines,  il  y  a  dans  les  moyennes 


'  Cf.  Monographie  agricole  de  la  région  de.s  Dunes,  p.  3. 
2  Monographie  agricole  île  la  région  des  Polders,  p.  2. 


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LA  TKMI'KKA'ITHK 


mensuelles  et  saisonnières  dos  différences  entre  la  plaine  maritime  et 
l'intérieur.  Sur  la  côte  particulièrement,  l'influence  modératrice  de  la  mer 
adoucit  la  chaleur  de  l'été  et  le  froid  de  l'hiver;  les  températures  très 
élevées  et  très  basses  sont  rares.  Les  courbes  thermomélriques  sont  plus 
capricieuses  à  l'intérieur,  sur- 
tout dans  la  région  sablon- 
neuse. \À  se  fait  sentir  l'in- 
fluence du  sol  ;  cette  légère 
terre  sableuse  s'échauffe  et  se 
refroidit  rapidement  ;  elle 
absorbe  facilement  la  chaleur 
solaire  et  subit  la  nuit,  par 
le  rayonnement,  des  déper- 
ditions thermiques  considé- 
rables. Cependant  le  carac- 
tère excessif  de  ce  climat  de 
la  région  sablonneuse  est 
moins  prononcé  que  dans  la 
Campine ,  située  pourtant 
sous  la  même  latitude:  c'est 
que  la  culture  intensive  de  la 
Flandre  a  peu  à  peu  amendé 
et  alourdi  en  quelque  sorte 
le  sol  du  pays,  devenu  dès 
lors  moins  bon  conducteur 

de  la  chaleur  que  celui  de  la       ^  F.  M  Av. M.  Jn.Jt.  Al.  S.  O.  N-  D. 
(lampilie.  Cependant  les  ge-  Via.  2.  —  Température*  moyenne* 

lées   blanches  sont  toujours  à  Dnnkerque  et  à  Selzaete. 

à  craindre  dans  la  région  sablonneuse,  même  au  milieu  de  l'été.  On  eu 
signale  dans  le  mois  de  juin,  en  1887,  1891),  181)2,  qui  causent  les  plus 
grands  dégâts,  détruisant  les  pommes  de  terre,  b>s  haricots,  le  sarrasin. 
D'autres  se  produisent  en  septembre.  Enfin  en  août  1887,  on  en  constate  à 
plusieurs  reprises  à  Maldegem     (3,  i,  12  et  13  août). 

Il  peut  paraître  intéressant  de  comparer  ces  résultats  avec  ceux  que 
procure  l'étude  de  la  végétation;  par  exemple  avec  une  carte,  dressée 
d'après  des  renseignements  recueillis  sur  place,  et  indiquant  l'époque 
moyenne  à  laquelle  on  fait  la  moisson  du  froment  dans  les  diverses  parties 


*  Monographie  agricole  de  la  région  sablonneuse  dos  Flandres,  p.  7. 


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20 


LE  CLIMAT 


de  la  Flandre  Cette  carte  ne  saurait  prétendre  à  une  précision  absolue, 
et  la  direction  des  courbes  tracées  reste  un  peu  indécise  dans  ses  détails. 
Mais  les  traits  généraux  suffisent  à  la  démonstration.  Le  plus  saillant, 


> 

Echelle  de  1  :  1.500.000 

Fia.  3.  —  La  moisson  du  froment  en  Flandre. 
Localités  où  la  moisson  a  lieu  ordinairement: 

Ç  Avant  le  &  Août        i    0>Du  5  au  15  auùi. 
O  Du  l"  au  10  Août.     I    <J)  Ou  10  au  20  Aoûl. 
-O  Du  15  au  30  Août. 

c'est  l'inclinaison  des  courbes  vers  la  mer;  la  moisson  dans  la  plaine 
maritime  est  plus  tardive,  à  latitude  égale,  que  dans  l'intérieur  ;  et  cette 
différence  s'accuse  surtout  vers  le  Nord.  Tandis  que  les  communes  sablon- 
neuses de  Somergem,  Landegem,  Nevele,  Aeltre,  moissonnent  le  blé  du  5 
au  15  août,  les  communes  de  l'embouchure  de  l'Yser,  Slype,  Westende, 
Coxyde,  même  Ghyvelde  et  la  région  de  Dunkerque  ne  se  mettent  à 
l'œuvro  qu'après  le  15  ;  la  différence  est  d'au  moins  dix  jours.  Gela  tient  a 


*  Dans  certaines  communes  de  la  Flandre  Orientale,  où  le  froment  n'est  presque  plus 
cultivé,  on  a  tourné  la  difficulté  en  majorant  do  15  jours  environ  la  date  de  la  moisson 
du  seigle  ;  c'est  là  h  peu  près  l'intervalle  qui  sépare  les  deux  récoltes  dans  les 
communes  où  l'on  pratique  à  la  fois  la  culture  de  ces  deux  céréales. 


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LA  TEMPÉRATURE 


21 


ce  que  le  printemps  et  l'été  sont  moins  chauds  dans  la  plaine  maritime 
qu'à  l'intérieur,  et  particulièrement  les  mois  de  mai  et  juin,  si  décisifs  pour 
la  végétation  en  Flandre;  la  différence  entre  les  deux  régions  est  d'environ 
un  degré  pour  chacun  de  ces  mois. 


TEMPERATURE  EN  MAI  ET  JUIN 


STATIONS 

Mal 

Juin 

11,4 

14,8 

Plaine  maritime... 

11,5 

15,0 

11,5 

15,1 

12,3 

10,3 

12,1 

15,7 

Intérieur  

<  Selzaete  

12,7 

10,4 

12,3 

10,0  ' 

(  Lille  

12,3 

10,2 

11,5 

15,0 

12,4 

10,1 

Cependant  la  carte  contient  encore  d'autres  particularités,  dues  on 
général  à  l'influence  du  sol.  La  plaine  do  la  Lys,  Steenwerek,  Vieux- 
Berquin,  Merville,  Estaires,  est  en  avance  sur  le  reste  du  pays,  grâce  à 
sa  latitude  et  à  sa  fertile  terre  franche  ;  l'avance  est  d'une  semaine  sur 
Bailleul.  Derrière  l'écran  de  Cassel,  qui  les  protège  des  vents  frais  de  la 
mer,  les  communes  d'Oxelaere  et  Ste-Marie  Cappel  rentrent  leurs  gerbes 
un  peu  plus  tôt  que  leurs  voisines  ;  au  contraire  Serais,  Staple,  Wallon- 
Cappel,  les  terres  froides  à  l'Ouest  d'IIazebrouck,  sont  en  retard  de 
10  jours  sur  Boeseghem,  Steenbecque,  Morbceque,  qui  les  touchent  au  Sud 
et  à  l'Est.  De  Wattenà  Sangatte,  la  jolie  région  de  Bredenarde,  d'Ardres, 
Guînes,  abritée  derrière  les  hauteurs  artésiennes  et  boulonnaises,  jouit  d'un 
climat  plus  doux,  et  sa  moisson  est  en  avance.  Enfin  le  Sud  du  pays  d'Àlost, 
avec  ses  fortes  terres  argileuses  et  son  altitude  assez  considérable,  est  en 
retard  sur  tout  le  reste  de  la  Flandre,  et  on  n'y  moissonne  guère  le  blé  que 
dans  la  2e  quinzaine  d'août.  Mais  le  trait  dominant  reste  la  différence 
entre  la  plaine  maritime  et  l'intérieur.  Tout  le  long  de  la  lisière,  c'est  un 
retard  d'une  dizaine  de  jours  entre  villages  séparés  par  quelques  kilo- 


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22 


LE  CLIMAT 


métros:  entre  Oudenbourg  et  Zandvoorde,  entre  Moerkerke  et  Damme, 
Hondschootc  et  les  Moëres. 

Ainsi  la  Flandre  doit  à  sa  forme  de  grand  parallélogramme  allongé  au 
boni  de  la  mer  du  Nord  une  certaine  variété  climatique.  La  température 
d'ensemble  est douce,  égal»*,  sans  grands  écarts  1  ;  c'est  un  climat  moyen, 
à  peu  prés  semblable  à  celui  du  bassin  de  Paris,  malgré  la  latitude  plus 
élevée.  Cependant  la  plaine  sableuse  du  Nord  doit  à  son  sol  un  climat 
qui  se  rapproche  un  peu  du  type  c.rrcx.sv/;  au  contraire  dans  la  plaine 
maritime  et  surtout  sur  la  côte  l'amplitude  moyenne  annuelle  diminue,  et 
leur  climat  n'est  pas  loin  d'être  régulier,  ou  maritime. 

Anomalie  de  la  plaine  maritime 

Ces  conclusions,  prouvées  pourtant  par  les  chiffres,  ne  laissent  pas 
d'étonner  ceux  qui  connaissent  la  plaine  maritime.  Parler  delà  douceur 
et  de  l'agrément  de  son  climat  leur  semble  une  plaisanterie.  La  vérité,  c'est 
que  le  temps  y  est,  en  toute  sais  tu,  beaucoup  plus  frais  et  plus  désagréable 
que  dans  l'intérieur.  On  pouvait  s'y  attendre  pour  l'été;  mais  l'hiver?  Or 
là-dessus,  les  habitants  sont  unanimes,  et  il  suffit  de  franchir  la  limite  de 
la  Plaine  pour  s'apercevoir  qu'ils  ont  raison.  Climat  froid,  changeant  et 
humide,  déclare-t-on  d'un  bout  à  l'autre.  Climat  froid:  on  va  jusqu'à 
trouver  que  la  différence  avec  l'intérieur  est  encore  plus  sensible  l'hiver  :  et 
les  habitants  de  la  Plaine  sont  ,  sur  ce  sujet,  du  môme  avis  que  leurs  voisins 
de  l'intérieur.  Même  les  silos  de  betteraves  sont  atteints  par  la  gelée  plus 
facilement  que  dans  le  Sud  ;  il  faut  les  recouvrir  d'une  plus  forte  épaisseur 
de  terre.  La  différence  de  température,  d'après  un  paysan  du  Furnambaeht, 
est  bien  de  l'épaisseur  d'un  bon  gilet  de  laine.  Sitôt  que,  la  limite  franchie, 
ou  entre  dans  la  Plaine,  on  s'aperçoit  du  changement  :  à  500  mètres  près, 
les  gens  du  pays  savent  où  le  froid  se  fait  sentir.  Entre  Hondschoote  et  les 
Moëres,  e'est  au  Kingslol  ;  d'Alveringhem  à  Lampernisse,  c'est  à  Forthem  ; 
entre  Caprvcke  et  Watervliet,  à  Bentille.  Climat  changeant:  ce  sont  les 
quatre  saisons  dans  la  même  journée  ;  la  pluie  succède  brusquement  au 
beau  temps,  le  vent  au  calme.  L'ouvrier  agricole  ne  va  pas  aux  champs  sans 
emporter  avec  lui  une  grosse  veste  de  drap,  pour  s'en  couvrir  si  le  temps 


1  Amplitude  maxima  à  Arras  rj8  années  d'observations)  :  57  . 4  ;  maximum  :  37", 'i.  le 
15  juillet  1881  ;  minimum  :  —  20>.0,  le  7  février  I8lf>.  -  A  Lille  (l'i7  années  d'obser- 
vations) :  54"  ;  maximum  :  3T>\  atteint  10  fois,  dont  le  11)  juillet  1881  ;  minimum  :  —  \\f\  le 
3  décembre  1871». 


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L'ANOMALIE  DE  LA  PLAINE  MARITIME  Zi 

change:  précaution  inutile  dans  l'intérieur.  Le  vent  saute  d'un  point 
cardinal  à  l'autre;  le  vent  Nord  peut  souffler  à  Cox\~de  quand  les  girouettes 
de  Furnes  marquent  le  Sud,  et  parfois  à  3  ou  -i  kilomètres  de  dislance 
deux  moulins  sont  orientés  dans  des  directions  différentes.  «  En  général, 
dit  Tully,  le  temps  est  ici  très  inconstant  et  sujet  à  varier  dans  la  même 
journée  du  chaud  au  froid,  et  du  froid  au  chaud  ;  jusque  là,  que  celui  qui 
prend  un  habit  d'été  le  matin,  est  souvent  contraint  d'en  endosser  un 
d'hiver  avant  la  lin  du  jour»1.  Ces  brusques  changements  contribuent  à 
entretenir  les  fièvres  paludéennes.  Enfin  climat  humide,  père  des  rhuma- 
tismes qui  affligent  les  habitants  ;  la  rosée  y  est  abondante  ;  matin  et  soir,  le 
brouillard  monte  fréquemment  du  sol  :  c'est  le  moment  de  se  couvrir, 
surtout  quand  on  vient  de  l'intérieur.  Aussi  l'habitant  des  Polders  est-il 
mieux  vêtu,  mieux  chaussé  que  le  paysan  de  l'intérieur;  cela  prouve  qu'il 
est  plus  aisé,  mais  aussi  que  ce  confort  lui  est  nécessaire. 

11  y  a  donc  contradiction  entre  les  conclusions  a  tirer  des  chiffres  et. 
l'impression  que  ressentent  de  leur  climat  les  habitants  de  la  plaine  mari- 
time. Sans  doute  l'humidité  est  pour  quelque  chose  dans  cette  sensation  de 
froid  qu'on  y  éprouve  été  comme  hiver,  et  qui  s'accorde  peu  avec  les 
moyennes  thermométriques;  et  cette  humidité  est  due  au  sol,  découpé  par 
mille  canaux  et  où  l'eau  est  si  près  de  terre  qu'on  ne  peut  guère  creuser 
un  trou  sans  la  rencontrer.  Mais  il  y  a  aussi  un  autre  élément  :  la 
fréquence  et  la  violence  du  vent.  Le  vent  est  chez  lui  dans  la  plaine  mari- 
time :  rien  ne  l'y  arrête.  Aussi  y  règne-t-il  en  maître  ;  les  journées  calmes 
y  sont  extrêmement  rares.  Il  n'existe  malheureusement  pas  dans  les 
stations  du  littoral  d'observations  scientifiques  sur  la  force,  les  sautes  et 
la  fréquence  de  cet  élément;  mais  il  suffit  de  regarder  l'état  des  arbres 
pour  être  éclairé  au  moins  sur  la  puissance  des  vents  d'Ouest*,  les  plus 
fréquents  et  les  plus  violents  de  Flandre.  En  général,  le  tronc  esta  peu  près 
vertical  dans  les  deux  ou  trois  premiers  mètres,  grâce  au  tuteur  qui  l'a 
soutenu  ;  mais  ensuite  il  penche  gauchement  vers  l'Est,  avec  une  incli- 
naison qui  peut  atteindre  20  degrés,  et  les  branches,  déchiquetées  et 
massacrées,  se  tendent  désespérément  dans  la  même  direction,  vers 
l'Orient,  comme  si  elles  fuyaient  devant  un  ouragan  perpétuel.  Ce  veut 
qui  tord  les  arbres  rafraîchit  aussi  l'atmosphère.  Toutes  les  températures 
semblent  plus  froides  lorsque  le  vent  se  fait  sentir  :  or  il  ne  chôme  pas 
dans  la  plaine  maritime,  et  il  y  rend  le  climat  plus  rude.  Les  habitants 


1  Tully,  Essai  sur  los  maladies  de  Dunkerque  (Duakerque,  do  Boubers,  1700,  in-18", 
att  p.),  p.  13. 

*  Nord-Ouest  et  Sud-Ouest. 


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24 


LE  CLIMAT 


de  l'intérieur,  du  pays  boisé,  attribuent  à  la  présence  de  leurs  arbres 
la  différence  de  temjtérature  qui  est  si  sensible  entre  les  deux  régions. 
11  est  probable  qu'en  effet  ces  «'•paisses  rangées  d'arbres  arrêtent  les  vents 
et  protègent  contre  le  froid;  c'est  pourquoi  beaucoup  de  fermes  de  la 
.  région  (  ôtière  se  couvrent  du  coté  de  l'Ouest  d'un  véritable  rempart  do 
grands  arbres;  mais  s'il  y  a  dans  l'intérieur  tant  de  plantations  pour 
pr  otéger  du  vent,  quand  la  plaine  maritime  en  possède,  pou,  c'est  en  grande 
partie  parce  que  la  violence  des  vents,  qui  empêche  la  végétation  arbores- 
cente de  se  développer  près  des  côtes,  s'atténue  dans  l'intérieur  du  pays 
et  laisse  s'élever  les  ormes  et  les  chênes1.  En  lin  de  compte  c'est  donc 
au  régime  de  ses  vents  que  la  zone  des  polders  doit  son  climat  froid  et 
changeant,  quand  les  moyennes  de  température  semblaient  lui  promettre 
toutes  les  douceurs  du  climat  océanique  s. 

La  Pluie 

- 

C'est  à  une  méprise  analogue  que  mène  l'examen  des  chiffres  de  pluie 
tombée  en  Flandre  ;  et  la  vue  d'une  carte  des  précipitations  annuelles 
ferait  croire  que  la  région  côtière  est  un  pays  où  règne  la  sécheresse.  \À\ 
encore,  il  faudra  montrer  que  les  chiffres  ne  représentent  pas  exactement 
la  réalité  3. 


'  Depuis  HO  ans  les  arbres  sont  abattus  on  granules  quantités  dans  la  Flandre  intérieure 
de  l'Ouest,  ce  qui  ne  laisse  pas  d'exercer  quclquo  influence  sur  lo  climat,  au  dire  des 
vieux  paysans. 

*  Aussi  les  conclusions  de  la  petite  étude  de  M.  Ihirietix  sur  lo  climat  du  littoral 
bel^e  sont  elles  sujettes  à  caution,  lorsqu'il  dit  qu'un  des  principaux  caractères  de  ce 
climat  est  une  grande  modérait  ion  de  la  température,  que  les  hivers  y  sont  particu- 
lièrement doux  et  cpie  l'on  peut  préconiser  la  cote  pour  l'installation  d'établissements 
curatifs  (pp.  24-25),  ce  sont  des  appréciations  faites  plutôt  d'après  les  statistiques,  (pie 
d'après  la  réalité. 

•''  Les  chitïres  des  70  stations  utilisées  représentent  la  moyenne  des  20  années  qui 
s'étendent  de  1881  à  1ÎKJ0.  .'13  stations  sont  françaises.  38  sont  belges,  et  5  hollandaises. 
Les  chiffres  des  stations  françaises  sont  empruntés  à  Blanchard.  Pluviosité,  p.  2U5.  Pour 
les  stations  belges,  les  chiffres  de  1SS1  à  185*2  sont  tirés  de  l^ancaster.  I,a  Pluie  en 
Belgique:  M.  D.  Vanhove,  répéiiteur  à  l'Université  de  dand,  a  bien  voulu  nous 
communiquer  les  chiffres  des  observations  faites  de  1S<<2  à  1000,  non  encore  publiées, 
et  nous  faire  profiter  des  interpolations  de  détail,  portant  sur  des  mois  isolés,  qu'il 
avait  déjà  établies.  Les  chiffres  des  cinq  stations  zélandaises  ont  été  fournis  par  l'Obser- 
vatoire néerlandais  de  do  Bill.  Pour  suppléer  à  l'absence  de  certaines  années  dans 
l'établissement  des  moyennes  mensuelles  et  annuelles,  on  a  eu  recours  au  système 
d'interpolations  formulé  par  M.  Angot  dans  son  mémoire  sur  le  régime  des  pluies  de 
la  péninsule  ibérique.  (Ann.  Bur.  central  météor.,  18U3,  I.  Mém.  pp.  B.  161-1(53). 


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LA  PLUIE 


25 


Tableau  des  moyennes  mensuelles  et  annuelles  de  pluie  1 




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20 


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LA  PLUE 


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Un  rapide  coup  d'oeil  sur  les  moyennes  annuelles  montre  d'abord  que  la 
quantité  de  pluie  tombée  est  ordinairement  comprise  entre  600  et  700  milli- 
mètres. La  différence  est  frappante  entre  Flandre  et  Artois.  Celui-ci,  dont 
l'altitude  dépasse  par  endroits  'JO0  mètres,  et  qui  est  directement  exposé 
au  souffle  humide  des  vents  d'Ouest,  reçoit  une  quantité  d'eau  partout 
supérieure  à  750  millimètres.  La  Flandre,  abritée  derrière  l'Artois,  est 
beaucoup  moins  arrosée,  et  ne  reçoit  qu'en  un  seul  point,  la  colline  do 
Cassel,  une  quantité  supérieure  à  750  millimètres  de  pluie. 

Cependant  de  notables  différences  apparaissent  également  dans  la  plaine 
flamande.  I^t  ligne  des  collines,  reliées  par  Watten  et  Eperlecques  aux 
hauteurs  de  l'Artois,  apparaît  jusqu'à  l'Est  d'Ypres  sur  la  carte  pluvio- 
métrique  avec  une  somme  d'eau  tombée  supérieure  à  700  millimètres.  la 
pays  d'Alost,  grâce  à  son  altitude,  en  reçoit  autant.  Enfin  trois  curieux 
maxima  secondaires  réclament  explication:  Gand  reçoit  71(3  millimètres 
de  pluie,  Lille  711,  la  région  d'Eecloo  711  et  TSI .  Pour  les  deux  grandes 
villes,  dont  l'altitude  est  cependant  assez  basse,  il  semble  qu'il  faille 
attribuer  cette  forte  pluviosité  aux  énormes  quantités  de  poussières  que 
lancent  dans  l'atmosphère  les  fumées  de  leur  groupe  industriel,  poussières 
dont  le  rôle  est  si  grand  dans  la  formation  de  la  pluie  '.  Pour  le  pays 
d'Eecloo,  l'augmentation  de  la  quantité  de  pluie  doit  être  due  à  la  présence 
de  grands  bois.  De  Somergem  à  Thourout,  parMaldegem  et  Aeltre,  c'est  la 
partie  la  plus  boisée  de  la  Flandre  ;  or  les  forets  attirent  la  pluie  *.  Aussi 
ce  maximum  secondaire  se  prolonge-t-il  vraisemblablement  vei-s  le  Sud- 
Ouest,  dans  la  direction  de  Thourout  et  Thielt. 

Entre  hs  maxima,  des  minima  se  creusent  dans  les  vallées.  Celle  de 
l'Escaut,  entre  Condé  et  Berrhein,  ne  reçoit  même  pas  650  millimètres  ;  et 
à  l'abri  des  hauteurs  de  Mouseron  et  Sweveghem,  le  chiffre  des  précipi- 
tation* n'est  plus  que  de  500  millimètres  a  Autryve,  505  à  Espierres.  Mieux 
abritée,  la  vallée  de  la  Lys  est  encore  plus  sèche.  Déjà  sur  le  bord  de 
l'Artois,  il  ne  tombe  plus  que  000  millimètres  d'eau  à  Allouagne  ;  à 
Merville,  au  centre  de  la  plaine,  01  i.  Enfin  entre  Armentières  et  Courtrai, 
où  la  ligne  des  collines  fait  écran  devant  les  vents  d'Ouest  et  Nord-Ouest, 

'  U>s  pluies  à  Lille  ont  augmenté  ;ivi'c  lYssor  industriel  <K*  la  région.  Voici  les 
moyennes  annuelles  : 

De  1811  à  18Î0   651  millimètres 

De  1841  à  1870    681  » 

De  1870  à  1000   726  • 

Donc,  augmentation  «le  30  millimètres  dans  la  première  période,  et  île  4.">  dans  la 
deuxième.  —  Voir:  Sehmcltz,  Observations  météorologiques  faites  à  Lille  de  1757  à 
1888  (Lille,  Dancl,  1001,  in-8",  335  p.). 

1  Cf.  Blanchard,  Pluviosité-,  pp.  215-216. 


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LE  CLIMAT 


la  pluviosité  s'abaisse  à  565  (Comines)  et  570  (Harlebeke).  Au  contraire  à 
la  hauteur  de  Deynze,  où  la  vallée  n'est  plus  abrité,  la  quantité  se  relève 
a  673  millimètres.  La  faible  pluviosité  des  vallées  n'est  donc  pas  due 
uniquement  à  l'altitude,  mais  à  leur  orientation  par  rapport  à  des  régions 
plus  élevées,  sur  lesquelles  les  nuages  pluvieux  épuisent  leurs  réserves 
d'eau. 

Mais  le  trait  le  plus  caractéristique,  c'est  le  minimum  de  la  plaine 
maritime,  que,  l'on  suit  sur  la  carte  de  Gravelines  à  l'Escaut.  Même  ce 
n'est  pas  à  la  Plaine  tout  entière  que  s'étend  cette  faible  pluviosité,  mais 
bien  à  la  région  rôtière.  Là  sont  les  chiffres  les  plus  bas  de  la  région: 
552  millimètres  à  Ostende  et  Ileyst,  545  à  Flessingue  et  Le  Coq,  541  à 
Dunkerque.  Au  contraire  la  pluie  augmente  rapidement  vers  l'intérieur: 

660  millimètres  aux  Moëres,  673  à  Bergues,  683  à  Houthcm,  659  à  Fumes, 

661  à  Bruges,  677  à  Sluis,  679,  675,  674  à  Ijzendijke,  S.  Kruis  et  Steene- 
Schuur.  Ce  sont  là  des  chiffres  considérables,  étant  donné  la  faible 
altitude  des  stations  ;  souvent  plus  considérables  que  ceux  de  l'intérieur. 
Entre  Houthem,  à  l'altitude  4,  et  le  Mont  des  Cats,  à  158  mètres,  la  diffé- 
rence des  chiffres  de  pluie  n'est  que  de  29  millimètres.  Donc,  sur  la  côte 
même,  la  pluie  tombée  est  très  faible,  tondis  qu'à  quelques  kilomètres  de 
la  mer  la  quantité  est  plutôt  forte.  Ce  n'est  pas  cependant  que  sur  la  côte 
la  force  du  vent  empêche  les  gouttes  de  pluie  de  tomber  dans  l'entonnoir 
des  pluviomètres,  car  le  vent  est  violent  aussi  dans  l'intérieur  de  la  plaine. 
Il  faut  s'en  tenir  à  ce  fait,  qu'à  égalité  d'altitude,  la  côte  est  moins 
arrosée  que  l'intérieur  :  Gris-Nez  et  Boulogne  moins  que  Samer,  Dunkerque 
moins  que  Bergues  (différence:  132  millimètres);  Nieuport  moins  que 
Furnes  (63  millimètres),  Hevst  que  Bruges  (109  millimètres),  Knocke  que 
Sluis  (95  millimètres),  Flessingue  qu'Ijzendijke(134  millimètres). 

Cependant,  malgré  ces  différences  formelles,  les  habitants  ne  paraissent 
guère  s'apercevoir  que  la  pluie  tombée  sur  la  côte  est  beaucoup  moins 
considérable  qu'à  l'intérieur  ;  ils  sont  persuadés  qu'à  Dunkerque  comme  à 
Bergues  il  tombe  beaucoup  d'eau,  et  souvent  ;  que  c'est  le  cas  pour  toute 
la  Flandre.  Cette  impression  s'explique  par  la  façon  dont  ces  pluies 
inégales  se  répartissent  en  des  quantités  à  peu  près  égales  de  jours 
pluvieux.  On  trouve  même  à  Dunkerque  157  jours  pluvieux  contre  134  à 
Bergues.  La  moyenne  peut  être  évaluée  à  150  jours  pour  la  plupart  des 
stations,  encore  que  ce  soit  là  un  genre  d'observations  où  l'appréciation 
personnelle  des  observateurs  tienne  trop  de  place.  En  tous  cas,  la  pluie 
tombe  aussi  fréquemment  sur  la  côte,  où  elle  donne  541  millimètres,  que 
dans  l'intérieur,  où  elle  en  fournit  792  ;  les  averses  sont  aussi  nombreuses, 
mais  elles  sont  plus  fines,  moins  abondantes. 


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LA  PLUIE 


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LK  CMMAT 


Ces  pluies  se  répartissent  assez  inégalement  dans  les  différents  mois  :  il 
y  a  des  mois  qu'on  peut  qualifier  de  sers,  d'autres  qu'on  peut  appeler 
pluvieux  :  la  moyenne  de  ceux-ci  étant  parfois  trois  fois  plus  considérable 
que  celle  de  ceux-là.  Cette  constatation  étonne  encore  les  Flamands, 
auxquels  il  semble  que  la  pluie  est  libéralement  distribuée  entre  tous  les 
mois.  En  effet  pendant  les  mois  secs  (printemps),  l'eau  tombe  en  giboulées, 
en  petites  averses  fréquentes  ;  pendant  les  mois  pluvieux  (été  et  automne), 
en  grosses  pluies  d'orage.  Aussi  le  nombre  des  journées  mouillées  est-il  a 
peu  près  le  même  clans  chaque  mois,  exception  faite  pour  octobre,  et  c'est 
ce  qui  masque  les  fortes  différences  qu'on  observe  entre  les  quantités 
d'eau  tombée. 

C'est  au  Nord-Ouest  que  l'amplitude  entre  les  moyennes  mensuelles  est 
la  plus  forte.  A  (iris-Nez,  il  n'y  a  qu'un  minimum  et  un  maximum  : 
AS  millimètres  en  avril,  t:iO  millimètres  en  octobre,  soit  millimètres 
d'amplitude;  la  courbe  se  développe  régulièrement,  sauf  une  chute 
brusque  de  décembre  à  janvier  ;  c'est  un  régime  de  pluies  d'automne, 
assez  semblable  à  celui  de  Bivst  (fig.  A).  A  l'autre  bout  de  l;i  côte  flamande 
(Knoeke),  la  courbe  est  déjà  moins  régulière,  quoique  l'allure  générale 
soit  la  même;  avril  et  octobre  sont  toujours  les  mois  extrêmes,  avec  une 
amplitude  de  5i  millimètres  ;  mais  il  existe  un  second  minimum  en  février, 
un  second  maximum  en  août  ;  ce  n'est  plus,  dans  toute  son  ampleur,  le 
climat  maritime  de  l'Ouest  de  l'Europe.  Dans  le  Sud,  tout  s'égalise.  A 
Arras,  il  y  a  deux  maxima  à  peu  près  égaux,  09  en  octobre,  07  en  juillet, 
et  deux  minima  :  en  avril  et  février;  l'amplitude  est  de  A[  millimètres. 
Les  pluies  d'été  sont  déjà  presque  aussi  abondantes  que  celles  d'automne. 
Enfin  à  l'Est  de  la  Flandre,  les  pluies  d'été  l'emportent  ;  le  maximum  est  en 
juillet  à  M;dines(7G),  contre  70  en  octobre  ;  le  minimum  est  en  février  (  i<)); 
l'amplitude  reste  faible  (,'J6).  ("est  déjà  ce  qui  se  passe  pour  les  pluies  de 
l'Allemagne  occidentale  (région  rhénane).  Aussi  la  comparaison  est-elle 
intéressante  entre  la  carte  des  moyennes  de  juillet  et  celle  des  moyennes 
d'octobre.  En  juillet,  la  quantité  île  pluie  augmente  régulièrement  de  la 
côte  vers  l'intérieur,  de  Dunkerque,  Boulogne,  Heysl  (17,  .~>v!,  5v?)  vers 
Coudé,  Grammont,  Alost  (7i,  TA,  76).  En  octobre,  la  quantité  va  croissant 
de  l'intérieur  vers  la  côte  occidentale,  d'Anvers  (07),  Coudé  (70),  Arras 
(09),  vers  Calais  (11;*),  Cris-Nez  (1J0).  Ainsi  le  régime  des  pluies,  dans  le 
Nord-Ouest  de  la  Flandre,  est  déjà  océanique;  dans  l'Est,  il  tend  à  être 
continental  '. 


•  On  n'a  pas  dressé  «le  moyennes  ni  de  cartes  saisonnières  :  une  saison  pluvio- 
motrique,  en  Flandre,  n'est  qu'une  entité  :  comment  comparer,  en  hiver,  décembre  à 


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LES  VENTS 


En  résumé,  les  pluies  dominantes  on  Flandre  sont  celles  d'automne  et 
d'été,  les  premières  surtout  dans  l'Ouest  ;  les  minima  se  produisent  en 
hiver  et  au  printemps.  De  cette  répartition  résultent  parfois  des  incon- 
vénients pour  la  culture.  Dans  les  cantons  très  argileux,  les  pluies 
d'automne  empêchent  parfois  les  labours  et  les  semailles,  les  champs  étant 
impraticables.  Les  pluies  d'été  nuisent  peu  ;  en  général  elles  sont  brusques, 
rapides,  et  leur  effet  est  faible;  elles  imprègnent  peu  le  sol.  C'est  encore 
aux  fortes  pluies  d'automne  que  sont  dues  les  crues  annuelles  des  cours 
d'eau  et  les  inondations.  Dans  un  mois  humide  comme  octobre,  qu'une 
longue  et  forte  pluie  survienne  lorsque  ce  sol  imperméable  est  déjà  saturé 
d'e  ni,  tout  glissera  à  la  surface  et  ira  grossit-  d'un  flot  de  crue  les  rivières; 
de  là  des  débordements  soudains  qui  peuvent  être  dangereux. 

Les  vents. 

Cette  inégale  répartition  de  la  pluie  dans  les  différents  mois  est  due  aux 
changements,  d'ailleurs  peu  importants,  qui  se  produisent  dans  la  répar- 
tition des  vents  dominants  Pour  l'ensemble  de  l'année,  les  vents  d'Ouest 
l'emportent  de  beaucoup  sur  les  autres,  comme  il  fallait  s'y  attendre  : 
vents  du  S.-W.  à  Ostende,  Furnes,  Iseghem,  Maldegem,  Uccle,  Turnhout, 
vents  d'W.  à  Selzacte,  vents  du  N.-W.  à  Arras  *.  En  janvier,  la  répar- 
tition est  à  peu  près  identique  à  celle  de  l'année  moyenne  ;  à  peine  le  vent 
d'E.  gagne-t-il  quelques  unités  à  Selzaete,  le  vent  S.-E.  à  Arras.  De 
même,  la  répartition  des  pluies  en  janvier  est  à  peu  près  la  même  que 
relie  de  l'année.  La  sécheresse  du  printemps  s'explique  par  la  direction 


février  (différence  à  Lille,  36  millimètres)  ;  on  automne,  octobre  et  novembre  (différence 
à  Lille,  20  millimètres)  ?  On  a  donc  établi  seulement  4  cartes  de  moyennes  mensuelles, 
celles  de  janvier,  avril,  juillet,  octobre,  qui  représentent  assez  bien  les  faibles  précipi- 
tations d'hiver  et  printemps,  les  fortes  pluies  d'automne  ot  été  (voir  les  cartes  à  la  fin 
du  volume). 

'  Les  observations  sur  les  vents  ont  été  recueillies  dans  l'Annuaire  météorologique 
de  l'Observatoire  royal  de  Belgique  pour  les  sept  stations  belges;  pour  Arras.  dans  le 
Bulletin  do  la  Station  agronomique  du  l'as-de-Calais.  Les  moyennes  ont  été  établies 
d'après  les  chiffres  des  dix  années  1891 -1M0O. 

1  I-a  prédominance  du  vont  du  N.-W.  à  Arras,  presque  en  toute  saison,  semble 
s'expliquer  par  la  situation  topographiquo  de  la  ville,  établie  dans  un  fond  que 
protègent  des  vents  d'W.  les  hauteurs  de  Warlus  et  de  Tilloy,  tandis  que  la  vallée  de 
la  Scarpc  ouvre  une  route  aux  vents  du  N.-W.  De  même  les  hauteurs  de  Souciiez 
forment  écran  contre  les  vents  du  N.,  qui  y  sont  plus  rares  que  partout  ailleurs. 


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LE  CLIMAT 


dos  vents  on  avril  ;  los  vents  du  N.  ot  du  N.-E.  prennent  l'avantage  1  ;  ils 
deviennent  les  vents  dominants.  En  juillet,  les  vents  secs,  N.  et  N.-E., 
figurent  encore  honorablement  dans  la  région  eôtière  et  ses  abords,  à 
Ostende,  Fumes,  Maldegem  ;  mais  ils  n'ont  plus  aucune  importance  dans 
l'intérieur,  et  surtout  à  Arras  et  Ueelo,  où  le  N.-W.  d'un  côté,  le  S.-W.  de 
l'autre,  prennent  toute  la  place  ;  ainsi  s'explique  qu'en  juillet  la  quantité  de 
pluie  diminue  de  l'intérieur  vers  la  côte.  Au  contraire  en  octobre  les  vents 
humides  prennent  partout  une  grande  avance:  S.  et  S.-W.  à  Ostende, 
Fûmes,  Iseghem,  Turnhout,  W.  à  Selzaete,  S.  à  Maldegem  :  cependant  à 
Arras  et  à  Uccle,  le  vent  sec  du  S.-E.  garde  une  certaine  importance,  ce 
qui  empêche  les  pluies  de  ces  stations  d'être  aussi  abondantes  que  celles 
de  la  région  eôtière.  Ainsi  les  vents  secs  de  la  région  E.  peuvent  par 
moments  atténuer  les  effets  des  vents  humides  de  l'W.  ;  mais  ceux-ci 
restent  largement  prédominants,  et  peuvent  souffler  des  mois  entiers  :  à 
Arras,  en  juillet  1891,  le  vent  du  N.-W.  resta  le  plus  fort  pendant  126  jours, 
amenant  8  orages,  donnant  jours  de  pluie  et  105  millimètres  d'eau 
(moyenne  67),  dont  45  m/m  6  dans  une  seule  journée.  C'est  d'ailleurs  cette 
fréquence  des  vents  d'W.  qui  amène  dans  l'intérieur  de  la  Flandre  les 
orages  qui  y  éclatent  si  souvent,  en  plus  grand  nombre  que  dans  le  reste 
delà  Belgique,  et  jusque  dans  l'arrière-saison  (\A)  à  30  jours  de  tonnerre 
par  an).  Parfois  l'orage  s'y  accompagne  de  tourbillons,  véritables  petites 
trombes,  assez  fortes  pour  renverser  les  meules  de  lin  ou  de  paille  et  pour 
déraciner  les  arbres,  dans  l'étendue  restreinte  où  elles  se  produisent.  Une 
ferme  fut  ainsi  renversée  près  de  Maldegem  le  13  juillet  1881,  et  un  moulin 
à  vent  à  Ronsele  le  16  avril  1887.  Ce  sont  là  des  sinistres  exceptionnels  ; 
en  général  les  branches  cassées,  les  gerbes  dis|>ersées,  les  tuiles  enlevées, 
témoignent  seules  de  la  force  de  ces  météores  *.  Ces  orages  sont  beaucoup 
plus  rares  dans  la  plaine  maritime  ;  en  revanche  les  tempêtes  y  sont  d'une 
rare  violence,  et  toujours  causées  par  les  vents  d'W.,  dans  les  derniers 
mois  de  l'année.  En  1136,  le  vent  jette  à  bas  60  pieds  de  rempart  à 
St-Omer3;  en  1113  et  1110,  la  tempête  enlève  les  arbres  et  les  toits, 


1  «  Los  vents  d'Est  régnent  ordinairement  dans  la  Flandre  pendant  les  premiers 

mois  de  l'année.  Ils  purifient  l'air  par  leur  sécheresse,  lui  remettent  son  élasticité,  ot 
causent  do  fortes  gelées  Ces  gelées,  quand  elles  arrivent  dans  la  saison  conve- 
nable, font  un  bien  inexprimable  aux  habitants  et  a  la  terre;  les  maladies  ordinaires 
disparaissent,  la  vermine  est  détruite  ».  Abbé  Mann,  Mémoire  contenant  le  précis  de 
l'histoire  naturelle  dos  Pays-Bas  maritimes.  (Ane.  Métu.  Ac.  Brux..  t.  IV,  p.  137). 

*  Monographie  agricole  de  la  région  sablonneuse  dos  Flandres,  p.  14. 

3  Meyer,  Annales,  ad  aunum. 


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LES  VENTS 


foudroie  hommes  et  bêtes  *.  En  1406,  nouveau  sinistre  *  ;  en  1517  l'inon- 
dation suit  l'ouragan 3  ;  les  deux  catastrophes  se  produisent  à  la  fin  de 
décembre.  On  remarque  que  novembre  est  particulièrement  dangereux  : 
c'est  le  mois  des  grandes  inondations  marines,  causées  par  le  vent  de 
N.-W. ,  le  plus  violent  et  le  plus  redoutable  de  tous  v  ;  c'est  lui  qui 
démolit  les  constructions,  fauche  les  arbres,  lance  les  flots  à  l'assaut  des 
digues  5. 

Mais  qu'on  n'oublie  pas  que  le  vent  est  essentiellement  variable  en 
Flandre.  Dans  la  même  journée,  il  n'est  pas  rare  que  la  girouette  regarde 
successivement  de  tous  les  côtés  de  l'horizon.  C'est  un  caractère  commun 
à  toute  l'Europe  occidental»4  ;  mais  il  est  rarement  aussi  développé  qu'en 
Flandre,  particulièrement  dans  la  plaine  maritime.  Et  c'est  cette  variabi- 
lité qui  ramène  de  l'uniformité  dans  le  climat  flamand.  Pas  d'extrêmes  :  ni 
extrêmes  de  température,  grâce  aux  vents  marins  qui  continuent  de 
souffler  en  toute  saison,  presque  en  toute  journée  ;  ni  extrêmes  de  sécheresse 
puisque  les  souffles  humides  de  l'W.  contrarient  l'action  desséchante  des 
vents  d'E.  Et  c'est  cette  uniformité  qui  fait  le  désespoir  des  étrangers: 
les  beaux  jours  sont  rares,  et  l'on  n'est  jamais  sûr  du  temps.  On  peut 
presque  dire  qu'en  Flandre  le  temps  est  uniformément  changeant. 

- 

II. 

LES  CARACTÈRES  DU  CLIMAT 

Chaque  mois  du  climat  flamand  est  ainsi  enveloppé  de  cette  grisaille, 
de  cette  uniformité  de  ton  qui  atténue  ses  caractères  propres.  Janvier,  pour 
le  vieux  calendrier  flamand  6,  c'est  le  Sneeuw-maand,  le  mois  de  neige  ; 
mais  voilà  neuf  ans  qu'il  n'est  guère  tombé  de  neige  ;  en  revanche  il  y 


«  Meyer,  Annales,  ad  annum. 

*  Ibid. 

3  Chronicon  monasterii  Evershamcnsis,  eonscripturn  por  Gorarduin  do  Meesterc. 
(Bruges,  Soc.  d'Em.,  1852,  p.  28). 

*  Sur  40  observations  de  tempêtes  faites  à  Calais,  13  étaient  dues  au  vent  du  N.-W., 
13  au  vent  d  \V.,  0  au  N.-E.,  4  au  N.,  2  a  l'E.,  1  au  S.-W.,  1  au  S.  ;  le  S.-E.  n'en 
avait  produit  aucune.  (Cf.  Aron,  le  Port  de  Calais,  dans  :  Ports  maritimes  de  la  France, 
publication  du  Ministère  dos  Travaux  publics,  t.  I,  Paris,  1874,  gr.  in-8°;  pp.  llJ7-liK). 

5  Meyer,  Annales,  édition  de  1501,  pp.  103  et  270. 

6  Cf.  Werner  de  Haerne,  Quelques  notes  sur  l'ancien  calendrier  llamand.  i  Mess. 
Se.  Hist.,  tome  58,  1890,  pp.  180-192). 


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LE  CLIMAT 


pleut,  et  beaucoup  :  ô3  millimètres  à  Cassel,  50  à  Calais  et  Somergem, 
51  à  Messines,  r>i  à  Grammont:  parfois  plus  de  KM)  millimètres;  et  la 
temj>érature  aussi  varie,  mais  descend  rarement  au-dessous  de  zéro  :  —  1° 
à  Lille  en  1893,  -f  r>"2  on  1900.  Février,  mars,  avril,  sont  les  mois  secs  ; 
avril  reçoit  les  quantités  d'eau  les  plus  faibles  de  toute  l'année  ;  mars  est 
le  mois  dos  vents  qui  sèchent  la  terre,  Doore-maand,  AVind-maand  ;  c'est 
le  moment  de  semer  dans  la  région  sablonneuse,  où  les  plantes  mûrissent 
vite,  sauf  quand  la  pluie  est  trop  abondante,  comme  en  If  Nil .  Mai  et  juin 
sont  déconcertants:  la  température  peut  y  descendre  à  0°,  et  monter 
jusqu'à  30°  ;  la  pluie  varier  de  7  7  (mai  189(3)  à  1Z7  %  :>  (mai  1898)  ». 
Juillet,  mois  chaud,  est  rarement  sec;  il  y  tombe  des  quantités  d'eau 
considérables,  et  la  chaleur  reste  lourde,  humide;  quoiqu'elle  dépasse 
rarement  30°,  elle  est  peut-être  plus  difficile  à  supporter  que  celle  du  midi. 
Au  mois  où  l'on  fait  les  foins  (Hooeij-maand)  succède  celui  où  l'on  mois- 
sonne le  blé  (Ougst-maand)  ;  mais  moisson  en  Flandre  ne  signifie  pas 
sécheresse,  et  août,  aussi  chaud  que  juillet,  esta  peu  près  aussi  humide. 
Les  quinze  premiers  jours  de  septembre  sont  peut-être  les  plus  agréables 
du  climat  flamand  ;  mais  bientôt  les  grandes  pluies  d'automne  se  produi- 
sent, et  octobre  est  uniformément  tiède  et  humide.  Aussi  novembre  est-il 
bien  le  mois  de  boue  (Hore-maand)  ;  mais  il  est  aussi  le  Nevel-maand,  le 
mois  du  brouillard,  ce  brouillard  qui  couvre  la  Flandre  des  journées 
entières;  de  même  en  décembre  qui  est  assez  doux,  rarement  froid, 
puisque  la  température  peut  encore  atteindre  une  moyenne  de  7°,  7 
(Dunkerque,  1898),  avec  des  journées  de  13°,0  (18  décembre  1898),  et  reçoit 
des  quantités  de  pluie  élevées,  70  millimètres  à  Lille,  72  à  Gand,  77  à 
Cassel. 


Influence  sur  la  nature  et  l'homme. 

Dans  l'ensemble  un  pareil  climat  est  favorable  à  la  culture.  Tempéré, 
un  peu  uniforme,  il  favorise  l'éclosion  et  la  croissance  des  végétaux  ;  la 
pluie,  suffisamment  abondante  et  répartie  sur  un  grand  nombre  de  jours, 
est  précieuse  pour  les  sols  sablonneux  du  Nord,  particulièrement  avides 
d'eau,  et  pour  les  terres  argileuses,  qui  se  fendent  à  la  sécheresse.  Le 
climat  corrige  donc  un  peu  les  gros  défauts  du  sol  flamand  ;  il  a  contribué 
à  faire  de  ces  terres  souvent  ingrates  de  riches  terroirs  agricoles.  Mais  il 
n'est  pas  séduisant.  La  pluie  bénie  par  le  paysan  est  désagréable  au 


»  Station  dos  Mot-res. 


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L'INFLUENCE  SUR  LA  NATURE  ET  L'HOMME 


citadin  qui  patauge  dans  une  boue  continuelle,  due  autant  à  l'humidité  de 
l'atmosphère  qu'à  la  nature  gluante  du  sol.  La  nébulosité  est  forte:  (3,0  à 
Furnes,  à  Ostende  (ville),  6,5  ù  Maldegem,  6,8  à  Iseghem  et  Selzaete  ; 
certains  mois  sont  presque  complètement  privés  de  soleil,  surtout  ceux 
d'hiver  ;  Janvier  1806  à  Arras  a  '^6  jours  eomplètements  couverts,  et  le 
soleil  n'éclaire  on  tout  que  pendant  16  heures  ;  Novembre  1802  a  22  jours 
entièrement  gris,  Décembre  1889  et  1895,  19  jours  «.  «  Un  pAle  soleil 
amical  sourit  doucement,  se  cache,  et  tout  caché  qu'il  est,  attiédit  l'air  », 
note  Taine  en  parcourant  la  Flandre  *.  Souvent  le  brouillard  se  met  de  la 
partie  ;  matin  et  soir  il  se  lève  des  terres  basses  ;  dans  les  mois  d'automne 
et  d'hiver  il  couvre  tout  le  pays.  Ostende  en  a,  en  moyenne,  78  jours  par 
an  ;  Iseghem  70,  Maldegem  67.  Même  par  les  temps  clairs,  il  est  rare 
qu'on  voie  quelque  chose  au  loin,  en  Flandre.  Les  objets  s'estompent  d'une 
bruine  bleue,  qui  n'est  pas  sans  charme.  L'horizon  est  vaste,  mais  presque 
toujours  indistinct.  Enfin  l'humidité  règne  d'un  bout  à  l'autre  de  l'année  : 
c'est  la  note  dominante  du  climat  flamand.  Elle  se  révèle  par  la  vigueur 
de  la  végétation,  les  prairies  à  l'herbe  drue,  les  moissons  fortes  en  paille,  les 
arbres  florissants.  Ouvriers  infatigables,  tous  ces  végétaux  travaillent  à 
assainir  l'air  et  la  terre,  à  absorber  l'humidité 3  ;  et  pourtant  ils  n'y  suffisent 
pas  ;  elle  reste  assez  abondante  pour  être  désagréable  ;  une  humidité  tiède, 
mère  des  moisissures  et  des  végétations  crvptogaraiques.  Elle  poursuit 
l'homme  jusque  chez  lui,  s'attaque  à  ses  vêtements,  à  ses  meubles.  L'homme 
se  défend,  frotte,  nettoie,  arrose.  L'humidité  a  l'ait  la  propreté  flamande, 
célèbre  dans  la  France  entière.  On  lave  à  grande  eau,  on  inonde  la 
maison  chaque  semaine.  C'est  pour  le  dimanche  que  la  maison  doit 
être  propre  ;  on  y  travaille  donc  le  samedi,  et  on  Unit  par  s'y  mettre  le 


1  11  est  rare  que  la  nébulosité  mensuelle  descende  au-dessous  de  4.  A  Arras,  les 
minirna  furent  atteints  (pour  la  période  1884-1902)  en  avril  1893,  où  la  nébulosité  fut 
de  1,57  seulement,  20  jours  ayant  été  complètement  découverts  ;  le  veut  resta  19  jours 
au  S.-E.  ;  le  nombre  d'heures  de  soleil  s'éleva  à  275,  au  lieu  de  155  (chiffre  moyen). 
Juillet  1900  compte  308  heures  de  soleil  ;  la  nébulosité  était  de  3,16;  le  vent  variable 
(13  jours  au  N.-W.). 

*  Taine,  Notes  de  voyage  en  Belgique  et  en  Hollande.  (Revue  de  Paris,  1810,  t.  III, 
p.  687). 

3  «  Ce  qu'on  doit  compter  pour  beaucoup  dans  ce  pays  ce  sont  les  vapeurs  humides 
ou  brouillards  qui  se  répandent  presque  continuellement  des  marais  ou  bas-fonds. 
Cette  humidité  serait  peut-être  très  pernicieuse  aux  habitants,  si  elle  n'éiait  absorbée 
continuellement  par  les  plantes  et  les  bleds  qui  y  croissent  abondamment.  C'est  pout-èlre 
cette  humidité  qui  fait  que  ces  pays  paraissent  plus  tempérés  qu'ils  ne  devraient  être, 
selon  leur  position  ».  Guettard  et  Monnet,  Atlas  et  description  minéralogiquo  de  la 
France.  1'*  partie  (Paris,  Didot,  1780),  p.  48. 


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LE  CUMAT 


jour  précédent  ;  dès  le  vendredi,  la  ménagère  flamande  commence  son 
grand  nettoyage.  Boucher  de  Fertiles,  visitant  Lille  en  I8ô6,  trouvait  que 
la  ville  sentait  le  savon  noir.  Le  résultat  paraît  mince  dans  les  grandes 
villes  industrielles,  emplies  de  fumée,  de  poussière  et  de  boue  ;  mais  les 
villes  un  peu  assoupies,  Ypres,  St-Omer,  Furnes,  Builleul  et  même 
Courtrai,  Bruges,  une  partie  de  Gand  sont  réellement  propres,  nettes; 
elles  ont  même  l'air  un  peu  froid,  trop  bien  tenu.  De  môme  les  campagnes 
flamandes  sont  généralement  irréprochables  ;  meubles  frottés,  dallage 
brillant,  tout  bien  en  ordre.  Souvent  la  maison  ne  pave  pas  de  mine,  c'est 
une  vieille  ferme  en  torchis,  murs  déjetés,  toit  de  chaume,  et  l'intérieur  est 
attrayant,  avec  ses  ustensiles  reluisants,  son  grand  poêle  astiqué,  ses 
meubles  cirés,  et  la  petite  collection  d'objets  de  piété  aux  couleurs  claires. 
C'est  que  le  climat  désagréable  force  le  Flamand  à  vivre  beaucoup  chez  lui. 
Aussi  cherehe-t-il  à  se  créer  un  intérieur  qui  soit  gai,  clair,  et  lui  tienne 
lieu  du  monde  extérieur  que  la  pluie,  le  brouillard  et  la  boue,  rendent 
déplaisant.  De  là  les  nombreuses  et  hautes  fenêtres  dont  s'ornent  les  vieux 
manoirs  ruraux,  et  toutes  les  maisons  des  villes;  elles  tiennent  toute  la 
rangée  de  la  façade,  et  n'ont  pas  de  contrevents,  comme  si  on  craignait 
d'empêcher  un  peu  de  jour  d'entrer;  de  là  aussi  les  larges  baies  qui  rem- 
placent les  fenêtres  dans  les  demeures  modernes,  et  laissent  pénétrer  à 
flots  une  douce  lumière  tamisée  dans  la  dentelle  des  rideaux.  Mais  si  l'on 
désire  que  la  lumière  pénètre  le  plus  largement  possible,  l'entrée  de  l'air 
brumeux,  humide,  souvent  agité  par  les  vents  d'Ouest,  est  chichement 
mesurée  ;  toutes  ces  fenêtres  sont  divisées  en  deux  parties,  dont  la  seconde 
seulement  peut  s'ouvrir  :  et  c'est  souvent  la  plus  petite.  C'est  encore  à  la 
lutte  contre  un  climat  brumeux  qu'est  due  la  véranda,  cette  pièce  vitrée 
si  caractéristique  de  la  maison  lilloise,  où  l'on  a  résolu  le  problème  de  voir 
clair,  de  vivre  hors  de  la  maison  un  peu  sombre,  d'être  à  l'extérieur  tout 
en  restant  confortablement  enfermé.  Four  assurer  à  la  pluie  fréquente  un 
écoulement  rapide  les  grands  toits  s'allongent,  interminables,  faits  de 
petites  tuiles  rouges,  qui  donnent  un  aspect  de  gaieté  si  inattendu  aux 
vieilles  villes  flamandes  vues  de  leur  beffroi,  comme  Bruges  ou  Bergues. 

Ce  climat  déplaisant  est-il  malsain  ?  Les  étrangers  l'affirment,  et 
déclarent  qu'ils  en  ont  fait  l'épreuve.  Cependant  la  population  ne  paraît 
guère  s'en  apercevoir.  Cette  humidité  si  redoutée  donne  peut-être  une 
proportion  de  rhumatismes  plus  considérable  qu'ailleurs;  c'est  là  son 
principal  méfait.  Si  la  mortalité  est  très  considérable  en  Flandre,  cela  ne 
tient  guère  au  climat  :  c'est  que  la  Flandre  est  un  pays  pauvre  à  natalité 
trop  forte;  c'est  que  sa  population,  qui  a  des  habitudes  invétérées  de 
propreté, se  croit  par  là  dispensée  de  pratiquer  l'hygiène:  enfin  que  les 


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LES  PRÉTENDUS  CHANGEMENTS  DU  CLIMAT 


grandes  villes  industrielles  sont  encore  mal  assainies,  malgré  de  très 
grands  efforts,  et  assez  insalubres.  Mais  le  climat  n'y  est  pour  rien  ;  et 
c'est  dans  la  plaine  maritime,  la  région  la  plus  humide,  et  où  le  climat 
est  le  plus  désagréable,  que  l'on  se  porte  peut-être  le  mieux.  C'est  qu'elle 
est  plus  aisée  que  le  reste  de  la  Flandre,  et  son  exemple  montre  que  le 
fléau  du  pays  n'est  pas  son  brouillard  ou  sa  pluie,  mais  la  pauvreté  et 
l'ignorance. 

D'ailleurs  le  climat  flamand  est-il  bien  différent  des  climats  voisins, 
hollandais,  picard  ?  La  température  est  à  peu  près  la  môme,  la  quantité  de 
pluie  sensiblement  égale;  les  jours  pluvieux  aussi  nombreux  Si  la 
Picardie  est  moins  humide,  à  cause  de  son  sol  perméable,  la  Hollande 
l'est  encore  plus,  en  raison  de  sa  faible  altitude  et  de  l'imperméabilité  de 
ses  polders.  Cependant  le  climat  hollandais  n'éveille  que  des  idées 
agréables  et  des  souvenirs  d'art,  évoque  l'image  des  tableaux  de  Ruysdael 
et  de  Potier.  Il  a  manqué  au  climat  flamand  d'être  réhabilité  par  un  grand 
peintre;  il  reste  gris  et  triste,  et  n'est  agréable  que  lorsque  cela  ne 
l'empêche  pas  d'être  utile. 

• 

Prétendus  changements  du  climat. 

On  prétend  qu'il  n'en  a  pas  toujours  été  ainsi.  La  Flandre  aurait  connu 
les  ardeurs  du  soleil,  et  les  sécheresses  qui  font  mûrir  la  vigne  délicate. 
Il  aurait  fait  jadis  plus  chaud  en  Flandre  qu'aujourd'hui,  puisqu'on  a 
vendangé  sur  les  bords  de  la  Lys  et  de  la  Deûle.  Il  est  vrai  qu'il  y  eut  jadis 
dans  le  pays  des  vignobles  en  exploitation,  et  qu'on  buvait  du  vin  de 
Flandre.  Même  la  vigne  ne  fut  pas  introduite  artificiellement  dans  le  pays 
au  XI*  siècle  par  le  comte  Baudouin  V,  comme  le  disent  les  chroniqueurs*; 
son  existence  y  est  signalée  bien  avant,  et  au  IXe  siècle  Eginhard  parle 
longuement  du  vignoble  planté  sous  l'abbaye  de  St-Pierre  3,  à  Gand. 
Près  de  Lille  en  812,  les  missi  de  Charlemagne  déclarent  avoir  trouvé  dans 
le  fisc  d'Annapes  et  de  Gruson  une  vigne  d'un  arpent;  en  1235,  il  est 
question  de  la  reconstitution  d'une  vigne  à  Moncheaux  en  Pévèle  ;  en  1265 
et  1296,  les  chartes  parlent  de  vignobles  situés  à  Lille  même,  derrière 


1  Sur  le  climat  de  la  plaine  picarde,  voir  :  Demangeon  (A.),  La  Picardie  et  les  régions 
voisines  (Paris,  Colin,  190f>,  in-8°,  4U6  p.),.PP-  85-110. 

»  M.  G.  SS.  XV,  p.  854. 

3  Van  Lokeren,  Chartes  et  documents  de  l'abbaye  de  St-Pierre  au  mont  Klandin 
à  Gand  (Gand,  1871,  2  vol.  in-4«),  I.  p.  17. 


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LE  CLIMAT 


l'église  St-Mauriee  ;  en  1536,  on  constate  l'existence  des  plantations  de 
Wattrelos  près  Roubaix  1  ;  des  noms  de  fiefs  rappellent  le  souvenir  de 
vignes  à  Roubaix,  Bondues,  Erquinghem,  Linselles,  Prémesques,  Wattre- 
los, Hem,  Tourcoing.  En  Artois,  las  vignes  du  Mont-St-Eloi  fournissaient 
en  1208  assez  de  vin  pour  suffire  aux  deux  repas  des  moines1.  D'autres 
clos  sont  signalés  au  XIIIe  siècle  dans  la  plaine  maritime,  à  Bulscamp  et 
Wulpen  3  ;  dans  les  biens  de  l'abbaye  d'Eename  *  (Fl.-Orientale)  ;  au 
XIV  siècle  à  Bousbeeque,  sur  la  pente  Sud  de  la  colline  du  Colbras  5  ;  au 
*  XVe  siècle  à  Garni,  où  les  plantations  d'Eginhard  s'étaient  développées,  et 
sont  indiquées  en  1  iOG,  111  i,  1452,  etc.8.  Enfin  des  noms  de  lieux-dits 
rappellent  la  présence  do  la  vigne  un  peu  par  toute  la  Flandre,  d'Anvers 
à  la  frontière  française  7.  Or  les  vignobles  sont  disparus  aujourd'hui. 
Déjà  au  XVIIIe  siècle,  on  n'en  trouve  guère  en  Picardie  au  delà  de  Mont- 
didier  8  ;  au  milieu  du  XIXe  siècle,  on  n'en  rencontre  plus  autour  de  Laon. 
On  a  conclu  de  cette  disparition  progressive  que  le  climat  avait  changé, 
devenant  plus  froid  ou  plus  humide,  faisant  reculer  doucement  la  vigne 
vers  le  Sud,  vers  la  Champagne  nu  les  coteaux  parisiens. 

Cependant  les  vignobles  de  Flandre  ont  pu  mourir  sous  d'autres  coups. 
Ils  portaient  en  eux-mêmes  les  causes  de  leur  décadence  ;  l'Apreté  de  leurs 
produits  suscitait  la  concurrence  étrangère.  De  bonne  heure  les  vins  du 
Poitou  et  du  Bordelais  les  chassèrent  de  la  table  des  honnêtes  gens  ;  les 


i  Cf.  Leuridan  (Th.),  Statistique  féodale  du  département  du  Nord  ;  la  châtellenie  de 
Lille  (Bull.  Comm.  H.  N.,  XXI,  pp.  177-178);  —  Hautcœur  (E.),  Cartulaire  de 
St-Pierre  de  Lille,  I,  pp.  227-228  ;  Histoire  de  l'église  collégiale  et  du  chapitre  do 
St-Pierre  de  Lille,  1,  p.  242  ;  —  Roisiu  (Jean),  Franchises,  lois  et  coutumes  de  la  ville 
de  Lille  (édition  Brun-Lavainne,  Lille,  1842,  in-4»),  p.  .m 

î  Recherches  sur  l'abbaye  de  Mont-St-Eloi.  (Mém.  Soc.  Ant.  Mor.,  V,  p.  211V). 
Van  de  Putte  et  Carton,  Ghronicon  et  cartularium  abbatiae  S.  Nicolai  Furnonsis, 
1120-1354  (Bruges,  Soc.  Km.,  18ïU,  in-4»),  p.  70. 

*  Piot  (Ch.),  Cartulaire  de  l'abbaye  d'Kenamo  :  KMÎ!»-152_».  (Bruges,  1881,  in-4  ), 
p.  232. 

5  Dalle  (.).),  Histoire  de  Bousbeeque  (Wervicq,  1880),  p.  114. 

fi  Van  der  Haeghen  (F.),  La  culture  de  la  vigne  à  Gand.  (Mess.  Se.  Hisl.,  t.  .r>4, 
1886,  pp.  133-137). 

7  A  Alost,  Basel,  Beveren-lès-Houlers,  Bruges.  Calloo,  Cruybeke,  Dickelvenne, 
Haringhc,  Hooglede,  Lmgemarek.  Lebbeke,  Kupelnionde,  St-Paul,  Sinai,  Steenhuyzen, 
Waehtebeke,  Wetleren,  Wevelghem,  Wotnlelgem.  —  Cf.  Halkin(.l.),  Etude  historique 
sur  la  culture  de  la  vigne  en  Bclgiquo  (Soc.  d'art  et  d'hist.  du  diocèse  de  Liège,  t.  IX, 
18lf>,  pp.  1-146),  pp.  M-W. 

8  Calonne  (A.  de),  l,a  vie  agricole  sous  l'ancien  régime  dans  le  Nord  de  la  France, 
p.  100. 


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LES  PRÉTENDUS  CHANGEMENTS  DU  CLIMAT 


39 


comptes  d'archives  sont  pleins  do  cette  invasion  ;  et  l'importation  des  vins 
fut  un  des  articles  las  plus  considérables  du  trafic  des  ports.  Plus  tard  les 
ducs  de  Bourgogne  favorisèrent,  les  crus  de  leur  pays.  La  résistance  était 
difficile  :  en  1590,  on  remarque  que  les  vignobles  rapportaient  moitié  moins 
que  les  terres  à  blé  Aussi  dés  cette  époque  l'issue  de  la  lutte  n'était  plus 
douteuse.  On  a  fait  l'ingénieuse  remarque  qu'au  moyen-âge  les  vins,  mêlés 
de  miel,  de  cannelle  et  de  coriandre,  pouvaient  impunément  être  rudes, 
tandis  qu'on  exigea  des  vins  de  bonne  qualité  lorsque  la  mode  eut  délaissé 
l'hypoeras  pour  le  vin  pur*  :  dès  ce  jour,  les  vins  de  Flandre  étaient 
condamnés.  On  peut  ajouter  que  la  disparition  des  vignobles  n'a  pas  été 
aussi  complète  qu'on  le  pense,  puisqu'au  début  du  XIXe  siècle  la  côte  du 
Muziekberg,dans  les  collines  de  Renaix, fournissait  encoro,  année  moyenne, 
29  tonneaux  de  vin  3,  et  qu'on  trouve  aujourd'hui,  jusque  dans  la  Flandre 
zélandaise,  des  treilles  sur  lesquelles  on  peut  manger  du  raisin  à  la  fin  de 
septembre. 

Ainsi  la  disparition  des  clos  de  la  Lys  ou  de  l'Escaut  ne  prouve  pas  que 
le  climat  flamand  soit  devenu  plus  frais  depuis  dix  siècles.  Et  ce  serait 
d'autant  plus  surprenant  que  d'autres  auteurs  prétendent  qu'il  est  plus 
chaud  ;  d'après  Schayes,  la  différence  serait  de  5  à  6°,  et  la  Flandre  de 
César  aurait  joui  d'une  température  semblable  à  celle  de  la  Norvège  4. 
La  présence  d'une  immense  étendue  boisée  qui  aurait  recouvert  tout  le  pays 
serait  la  cause  de  ce  climat  anormal.  Cependant  les  végétaux  trouvés  dans 
la  tourbe  de  la  plaine  maritime,  c'est-à-dire  sur  le  sol  que  foulèrent  las 
Romains,  sont  exactement  les  mêmes  que  les  essences  qui  croissent 
aujourd'hui  dans  la  Flandre  ;  et  c'est  là  une  preuve  sérieuse  que  le  climat 
n'a  pas  changé.  On  verra  d'ailleurs  que  les  forêts  n'ont  jamais  été  aussi 
denses  que  le  prétendent  les  anciens  auteurs  ;  quant  à  s'appuyer,  pour 
caractériser  le  climat  flamand,  sur  les  descriptions  laissées  parles  écrivains 
grecs  et  romains,  Méridionaux  habitués  au  soleil  et  à  la  sécheresse,  autant 
vaudrait  prendre  sur  la  question  l'avis  d'un  Arabe  de  Biskra  8.  Mais  au 


i  Laveleye  («le),  Essai  sur  l'Economie  rurale  de  la  Belgique  (Bruxelles,  Lacroix, 
\8ti3),  p.  276. 

*  Dalle  (J.),  Hist.  de  Bousbecque,  p.  lit. 

3  Delvaux  (E.),  Notice  explicative  de  la  feuille  de  Flobecq.  (Bull.  Soc.  Anthr. 
Brux.,  VIII,  1888-»»,  p.  34). 

*  Schayes,  La  Belgique  et  les  Pays-Bas  avant  ci  pendant  la  domination  romaine  (t.  II, 
pp.  230-231). 

5  «  Chez  eux,  dit  Strabon  des  Ménapiens  et  Morins,  le  ciel  est  plutôt  pluvieux  que 
neigeux;  dans  les  beaux  jours  le  brouillard  tient  assez  longtemps  pour  ne  laisser  voir 
le  soleil  que  3  ou  4  heures  par  jour,  aux  alentours  de  midi  ».  (Strabon,  IV,  5,  3). 


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40 


LE  CLIMAT 


milieu  de  ces  contradictions,  d'autres  témoins,  des  chroniqueurs,  nous  ont 
laissé  non  pas  leur  impression  générale  :  —  hommes  du  pays,  ils  ne 
songeaient  pas  à  en  apprécier  le  climat  —  ;  mais  une  sorte  de  bulletin  des 
phénomènes  météorologiques  qui  les  ont  frappés.  Et  comme  ces  exceptions 
sont  A  peu  prés  celles  que  nos  savants  enregistrent  aujourd'hui,  on  peut  en 
conclure  que  le  climat  ordinaire  était  le  même  que  le  nôtre.  Il  y  eut  des 
hivers  longs  et  rigoureux,  celui  de  11 10  où  la  neige  resta  interminablement 
sur  le  sol  1  ;  celui  de  1 125,  qui  gela  les  récoltes  1  ;  ceux  de  1150  et  1205, 
où  la  gelée  dura  sans  interruption  de  décembre  a  mars,  et  de  février  à 
avril  3,  et  qui  ressemblent  singulièrement  à  ceux  de  1894-95  (où  la  gelée 
fut  à  peu  près  continuelle  du  1"  janvier  au  15  mars),  et  de  1890-91  (gelée  du 
25  novembre  au  1er  mars).  De  même  en  1 40  i,  où  la  température  reste 
au-dessous  de  zéro  entre  le  10  décembre  et  le  15  février4.  La  liste  des 
dates  où  l'Escaut  est  pris  devant  Anvers,  nous  montre  que  le  nombre  des 
hivers  rigoureux,  du  XVe  siècle  à  nos  jours,  est  à  peu  près  le  môme  par 
siècle  5.  En  revanche  on  nous  signale  des  années  chaudes  et  sèches, 
favorables  à  la  vigne  :  1351,  qui  brûle  les  moissons6  ;  1452,  où  il  n'y  a  que 
quelques  jours  de  pluie  {vendant  les  3  mois  d'été  :  on  y  voit  la  main  de  Dieu 
s'appesantissant  sur  les  (îantois  7  ;  1 458,  où  la  sécheresse  dure  d'avril  au 
milieu  d'octobre,  temj>s  précieux  pour  la  vigne,  remarque  le  chroniqueur H. 
Si  l'on  s'étonnait  de  cette  chaleur  sèche,  c'est  qu'elle  n'était  pas  plus 
habituelle  qu'aujourd'hui.  En  revanche,  on  se  plaint  sans  cesse  de  la 
pluie.  En  .820,  les  moissons  pourrissent  sur  pied,  en  1093,  la  Flandre 
est  noyée  d'octobre  à  avril  *;  en  1171,  de  juillet  A  décembre  ,0.  Mêmes 
calamités  en  1275,  1315;  en  1407  Bruges  est  inondée  par  des  pluies  formi- 
dables de  décembre  11  ;  l'hiver  de  1467,  l'eau  tombe  7  semaines  de  suite 1J. 


i  Annales  Formoselenses,  (M.  Ci.  SS.  V,  p.  3ti). 

*  Meyer,  Annales,  ad  annum. 

3  Annales  S.  Pétri  Rlandinieuses  (éd.  Van  de  Putte),  pp.  15  ot  17. 

*  Meyer,  Annales,  ad  annum. 

3  On  trouver;»  cette  liste  dans  Van  den  Bogaerde  l'A.),  Het  distrikt  van  Sint-Niko- 
laas,  voorheen  land  van  Waes  (S.  Nik.,  Dorey,  182.".,  A  d.  in-H°),  I,  pp.  58-4*);  et  dans 
Torfs  (L.),  Fastes  des  calamités  publiques  (Tournai,  Casterman,  185t»-18T»2),  IL  pp.  3-111. 

6  Meyer,  ad  ann. 

I  Ibid. 
«  Ibid. 

»  Ibid.  • 

10  Annales  S.  Pétri  Blandintenses  (éd.  Van  de  Putte),  p.  lrt 

II  Meyer,  ibid. 

•*  Chronicon  monasterii  Evershamensis,  p.  2f>. 


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LES  PRÉTENDUS  CHANGEMENTS  DU  CLIMAT 


il 


Plus  près  de  nous,  dans  la  2e  moitié  du  XVIII*  siècle,  il  ne  se  passe  guère 
3  ans  de  suite  sans  que  le  clergé  de  Bergues  n'adresse  des  prières  pour  la 
cessation  de  la  pluie  ;  en  1767,  pendant  tout  l'été  il  n'y  eut  pas  plus  de 
3 jours  d'accalmie  de  suite;  en  1768  la  pluie  est  continuelle  du  milieu 
d'août  à  la  fin  de  décembre  ;  en  1770  le  temps  a  été  si  affreux  qu'on  n'a  pas 
pu  cultiver  les  champs  au  printemps 

De  cette  liste  monotone  d'intempéries  qui  ont  gelé,  desséché,  noyé  le  sol 
de  la  Flandre,  se  dégage  l'impression  que  rien  n'a  changé  sous  le  pâle 
soleil  de  ce  pays.  Les  mêmes  vajieurs  humides  et  puantes  que  décrit  triste- 
ment le  confident  de  Philippe-Auguste  s'élèvent  encore  des  marais  de  la 
Deùle  *.  Les  petites  pluies,  «  incessantes  en  ce  Nord,  où  sans  trêve  les 
nuages  s'effilochent  en  bruines  »,  sont  tombées  sur  la  vigne  d'Eginhard 
à  (iand  comme  elles  tombent  aujourd'hui  sur  les  seigles  de  la  Flandre 
orientale.  Philippe-Auguste  enlisé  avec  son  armée  dans  la  boue  argileuse 
de  Stecnvoorde,  Harold,  futur  roi  saxon,  chassant  les  oiseaux  de  marais 
dans  les  moeres  de  la  plaine  maritime,  ont  connu  le  môme  ciel  gris,  les 
mômes  pluies  longues  et  lentes  qui  étonnaient  les  anciens,  et  rendent  encore 
le  climat  flamand  si  mélancolique  pour  l'étranger.  Il  n'a  pas  changé  depuis 
.  le  début  de  la  période  historique  ;  c'est  toujours  le  même  climat  moyen, 
où  se  neutralisent  les  influences  maritimes  et  continentales.  Largement 
ouverte  aux  souffles  de  la  mer,  bordée  d'une  longue  étendue  de  côtes,  la 
Flandre  n'en  tient  pas  moins  fortement  au  continent  ;  en  elle  se  fondent  les 
caractères  climatiques  de  la  France  du  Nord,  de  l'Angleterre,  et  de 
l'Allemagne  rhénane  ;  pour  le  climat  comme  pour  la  civilisation,  elle  est 
un  carrefour  de  l'Europe  occidentale. 


1  Pmvost  (A.),  Chronique  et  Cartulaire  de  l'abbaye  de  Bergues  St-\Vinoc  (Bruges, 
Soc.  d'Em.,  1875-78,  2  vol.  in-8°),  II,  pp.  700-771.  —  Il  ne  semble  pas  que  depuis  une 
cinquantaine  d'années  la  pluie  ait  diminué  eu  Flandre,  car  on  ne  s'y  plaint  pas  de 
diminutions  sensibles  dans  le  débit  des  nappes  aquifèros,  comme  dans  certaines 
régions  crayeuses,  et  on  ne  signale  nulle  part  que  des  sources  aient  disparu. 

*  Philippide  de  Guillaume  le  Breton,  M.  G.  SS.  XXVI,  p.  352,  v.  072-07!). 


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42 


LE  SOL 


CHAPITRE  III 
LE  SOL' 


I.  Histoire  géologique.  L'«  dépression  flamande.  Primaire  et  Crétacé,  londonien. 
Yprésien-Panisclien  et  Parisien.  Oligocène.  Miocène,  Plioeène.  Krosion  quaternaire. 
—  IL  Le  sot  actuel.  Imperméabilité  :  lus  nappos  aquiferes.  Le  sol  quaternaire. 

Le  climal  do  la  Flandro,  par  son  uniformité,  s;i  ressemblance  avoc  celui 
dos  rôdions  voisinos,  n'ost  pas  un  do  ces  traits  essentiels  qui  permettent  do 
caractériser  une  région.  Môme  certains  do  sos  dôlails  los  plus  particuliers 
sont  dus  a  dos  différences  dans  la  naturo  du  sol.  ("est  donc  a  colui-ci  qu'il 
faut  on  venir  pourbion  comprendre  la  Flandro  et  y  distinguer  une  certaine 
variété  do  caractères. 

I. 

HISTOIRE  GÉOLOGIQUE 
La  Dépression  flamande 

lu  Flandro  fait  partie  d'un  bassin,  symétrique  do  la  région  parisienne, 
ot  qui  s'étend  de  PArdonno  au  Sud-Ouest  do  l'Angleterre,  d'où  les  noms  do 
bassin  de  Bruxelles  ou  bassin  anglo-flamand.  Entre  les  deux  dépressions 
s'allonge  un  bombement  crayeux,  profondément  entamé  par  l'érosion  dans 
le  Weald  et  le  Boulonnais,  moins  endommagé  à  mesure  qu'on  descend  vers 
le  Sud  ;  c'est  l'axe  de  l'Artois.  Il  ne  s'agit  pas  là  d'un  grand  anticlinal  très 
simple  reliant  le  Boulonnait  l'Ardenne,  car  on  a  pu  y  observer  plusieurs 
plis,  en  particulier  un  synclinal  Est-Ouest  qui  sépare  le  Boulonnais  du 


'  Consulter  :  Gosselet  (.1.).  Esquisse  géologique  du  Nord  de  la  France  et  des  Contrées 
voisines.  Lille,  aux  archives  de  la  Soc.  Géol.  du  Nord.  Terrains  primaires,  secondaires 
et  tertiaires  (1880-83),  3  fase.  in-8°  texte,  342  p.;  3  fa  se.  in-K°  planches;  Terrain  qua- 
ternaire :  Ann.  Soc.  géol.  N.  XXX,  (1001),  pp.  257-335,  4  pl.  ;  —  De  Lapparent  (A.), 
Traité  de  Géologie,  4P  édition  (1900,  fascicule  III),  pp.  1405-1042  ;  —  Mourlon  (M.),  Géo- 
logie .le  la  Belgique.  Paris.  Savy  (1880-HI),  2  vol.  in-8%  317  +  :?92  pp.  ;  —  Légende  de 
la  Carte  géologique  de  Belgique  au  1  :  M.OOO,  dressée  par  ordre  du  Gouvernement: 
édition  de  1000.  Hull.  Soc.  belge  Géol..  XIV,  (1000),  Traductions  et  reproductions, 
pp.  21-42. 


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LE  PRIMAIRE  ET  LE  CRÉTACÉ 


43 


véritable  anticlinal  de  l'Artois  1  ;  mais  peu  importe  puisque  l'ensemble 
forme  une  ligne  de  faite  très  appréciable  entre  les  dépressions  flamande  et 
parisienne.  Les  différences  sont  notables  entre  les  deux  bassins.  Tandis 
qu'au  Sud  la  pente  des  couches  est  douce,  et  que  la  craie  affleure  presque 
jusqu'au  centre  du  bassin  de  Paris,  la  plongée  est  brusque  vers  le  Nord, 
accentuée  par  une  faille,  et  la  craie  disparaît  aussitôt  sous  une  formidable 
épaisseur  de  terrains  tertiaires  5.  Grâce  à  cette  circonstance,  le  bassin 
anglo-flamand  possède,  bien  plus  que  le  bassin  parisien,  le  caractère  d'une 
profonde  dépression. 

Celte  dépression  s'est  produite  à  une  date  relativement  récente.  Pendant 
toute  la  période  jurassique,  les  rôles  étaient  intervertis,  la  Flandre 
émergée,  l'Artois  affaissé  sous  la  mer;  la  limite  du  continent  ardennais- 
flamand  passe  à  l'Ouest  de  Calais  et  de  St-Omcr.  Pas  d'affaissement  non 
plus  à  l'époque  crétacée,  où  Flandre  et  Artois  sont  également  recouverts  ; 
de  même  pendant  le  landénien-thanétien,  où  la  mer  du  bassin  de  Paris 
rejoint  celle  du  bassin  de  Bruxelles.  Cependant  le  plissement  artésien  se 
formait  lentement.  Divers  mouvements  datent  de  l'époque  crétacée,  et 
se  sont  continués  insensiblement  pendant  l'éocène  inférieur,  jusqu'au 
laekénien  (division  du  Lutétien).  C'est  alors  que  se  produit  la  phase  prin- 
cipale du  relèvement,  dont  l'amplitude  a  été  de  100  mètres  au  moins  par 
rapport  à  Bruxelles;  relèvement  qui  atteint  son  maximum  à  la  fin  de 
l'époque  éocène  3. 


Primaire  et  Crétacé 

Depuis  lors,  la  Flandre  constitue  donc  un  vaste  creux,  enfoncé  entre  les 
bombements  de  l'Artois  et  du  Brabant,  un  trou  profond  comblé  par  les 
couches  crétacées  et  tertiaires.  Au  fond  du  trou,  les  terrains  primaires, 


i  Cf  :  Parent  (H.),  Etude  sur  la  craie  à  Micraster  du  Boulonnais  et  sur  les  plissements 
«Je  la  craie  dans  eetu>  région.  (Ann.  Soe.  géol.  N.,  XX,  181/2,  pp.  304-332,  carte, 
pl.  V);  —  Gosselet  (J.),  Les  collines  de  l'Artois.  (XIIIe  Congrès  national  de  Géographie, 
Lille,  1802,  7  p.). 

i  Sur  cette  allure  du  crétacé  et  du  primaire,  voir  Parent  (Op.  cit.). 

3  Cf:  Ch.  Barrois,  Recherches  sur  le  terrain  crétacé  supérieur  de  l'Angleterre  et  de 
l'Irlande  (Mémoires  Soc.  géol.  N.,  t.  I),  p.  170;  —  Ch.  Barrois,  L'Eocène  supérieur 
des  Flandres.  (Ann.  Soc.  géol.  N.,  III,  1875-70,  pp.  84-87);  —  Parent  (H.),  Notes 
supplémentaires  sur  les  plis  du  Nord  de  l'Artois.  (Ann.  Soc.  géol.  N.,  XXI,  1803, 
pp.  03-106). 


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44 


LE  SOL 


atteints  par  d'assez  nombreux  sondages  jusqu'au  Nord  de  la  Flandre  *. 
I/nir  allure  en  profondeur  est  à  peu  près  régulière  ;  les  courbes  d'altitude 
se  succèdent,  dans  l'ensemble,  à  des  distances  à  peu  près  équivalentes, 


Échelle  de  1  :  1.500.000. 
Fig.  T>.  —  Altitude  de  la  surface  du  Primaire  sous  la  Flandre, 
d'après  M.  Gosselet,  (Terrains  Secondaires,  pl.  XII  B.),  el  quelques  sondages  récents. 


plongeant  dans  la  direction  du  Nord  en  s'éloignant  des  bombements  de 
l'Artois  et  de  Tournai.  I*i  seule  particularité,  avec  la  dépression  de  Douai 
qui  n'intéresse  qu'à  demi  la  Flandre,  c'est  la  brusque  déclivité  qui  se 
produit  du  Boulonnais  au  Galaisis,  faisant  tomber  l'altitude  du  primaire 
de  +  80  mètres  vers  Marquise  à  —  320  mètres  à  Calais,  et  —  346  mètres 


1  Sur  l'allure  des  terrains  primaires  en  Flandre,  cf.  Forir  (H.),  Le  relief  des 
formations  primaires  dans  la  basse  et  la  moyenne  Belgique  et  dans  le  Nord  de  la 
France,  et  les  conséquences  que  l'on  peut  en  déduire.  (Ann.  Soc.  géol.  Belg.,  XXVI 
L8B8-G9,  Mém.,  pp.  130-155;  1  carte  à  1 :  500.000). 


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LE  PRIMAIRE  ET  LE  CRÉTACÉ 


à  Gravelines.  C'est  sur  ce  flanc  Nord  du  pli  primaire  du  Boulonnais  que 
l'affaissement  a  été  le  plus  considérable  de  toute  la  Flandre  *. 

Au-dessus  du  primaire,  le  crétacé,  sauf  dans  le  Sud  du  pays  d'Àlost,  où 
les  couches  tertiaires  reposent  immédiatement  sur  le  Silurien  *.  Partout 


ÉrhHlf  de  1 :  1.50O.0M 

Fig.  t'y.  —  Altitude  de  la  surface  du  Crétacé  sous  la  Flandre, 
d'après  quelques  sondages. 


ailleurs,  le  crétacé,  sous  forme  de  craie  blanche  sénonienne  et  de  marnes 
grises  turoniennes,  se  présente  sous  des  épaisseurs  variables  :  80  métrés  à 


•  On  a  pu  espérer  un  moment,  lors  des  premiers  sondages  heureux  en  Campine  pour 
la  recherche  de  la  houille,  que  les  couches  houillères  se  prolongeaient  sous  la  ville 
d'Anvers  et  dans  la  Flandre  orientale.  Cette  attente  semble  déçue  depuis  que  les 
sondages  opérés  à  Kessel  et  à  Santhoven,  jusqu'à  12  kilomètres  à  l'Est  d'Anvers,  ont 
montré  que  l'épaisseur  des  morts  terrains  augmentait  de  ce  côté,  et  que  le  houiller  se 
dirigerait  plutôt  vers  le  Nord-Ouest.  Quant  à  l'altitude  du  primaire,  on  peut  croire 
qu'elle  continue  à  s'abaisser  régulièrement  vers  le  Nord  de  la  Flandre,  si  l'on  s'en 
rapporte  à  l'allure  qu'il  affecte  dans  la  province  d'Anvers.  —  VA:  Kersleti  (J.),  Le 
Bassin  houiller  de  la  Campine  [Bull.  Soc.  belge  (îéol.,  XVII  (liHK'î),  Mémoires, 
pp.  :J5-45,  2  cartes  (pl.  I  et  II)  A  1  :  320.000]  ;  —  Harzé  (E.),  Considérations  géométriques 
sur  le  Houiller  du  Nord  de  la  Belgique  (Bull.  Soc.  belge  Oéol.,  XVII,  1003,  Pr.- 
Verbaux,  pp.  5*58-576). 

1  Cf.  Rutot  (A.),  Note  sur  le  sous-sol  des  villes  de  Gramniont  et  de  Ninove.  (Ann. 
Soc.  géol.  Belg.,  XIII,  1886,  Bull.,  pp.  CII-CIII). 


46 


LE  SOL 


Ostonde,  \T,7()  à  Roulers,22m,50ù  Menin,  10  mètres  à  Courtrai,  15 mitres 
à  Garni,  6  mètres  à  Alost,  7  mètres  à  Ronaix  *.  10  métros  à  Mouseron  *, 
a voc  forte  augmentation  vers  l'Ouest  :  plus  do  120  mètres  à  Hazebrouek  s. 
Quant  à  l'allure  do  la  surface  dos  couches  crétacées,  elle  est  plus  régulière 
encore  que  celle  du  primaire  :  la  descente  s'opère  posément  vers  le  Nord, 
de  Lille  vers  Ostende,  et  l'on  peut  remarquer  que  le  bassin  crétacé 
correspond  exactement  à  la  région  flamande  délimitée  précédemment. 

C'est  dans  ce  bassin  que  sont  venus  s'accumuler  les  dépôts  tertiaires, 
qui  forment  le  vrai  sol  de  la  Flandre  et  lui  donnent  son  originalité.  Craie 
et  Flandre  sont  deux  termes  contradictoires  :  où  paraît  la  craie,  la  Flandre 
s'arrête.  Elle  ignore  les  lointaines  couches  enterrées  sous  100  ou 
200  mètres  de  sables  et  d'argiles,  et  qui  ne  peuvent  mémo  pas  lui  fournir 
les  eaux  pures  qu'elle  est  allée  parfois  y  chercher.  Au  contraire  les  sédi- 
ments tertiaires  de  tout  âge,  du  paléocène  au  pliocène,  réussissent  à 
apparaître  a  la  surface  du  sol,  avant  do  plonger  à  leur  tour  dans  les 
grandes  profondeurs  du  Nord,  où  disparaît  leur  trace. 

Le  Landénien 

Cependant  le  bassin  n'était  pas  encore  formé  au  moment  où  les 
premières  mers  tertiaires  apparurent  sur  le  continent  crétacé,  et  les  limites 
de  leur  extension  dépassèrent  largement  colles  do  la  région  anglo- 
flamande.  \a\  mer  landénienne  étale  jusqu'en  Normandie  ses  sables 
argileux,  qui  passent  parfois  au  tuffoau  ou  au  grès;  en  Flandre  et  aux 
alentours  la  formation  recouvre  encore  15  à  20  mètres  d'argile  plastique 
(argile  de  Louvil),  déposée  dans  les  bas-fonds  île  la  craie.  Au-dessus  des 
sables  à  tuffoau,  et  s'en  distinguants!  peu  qu'il  est  difficilodotrouverla  limite, 
se  sont  déposés  les  sables  verts  dits  d'Ostricourt,  épais  do  10  à  25  mètres, 
qu'on  retrouve  sous  forme  do  sables  et  de  grès  jusqu'au  Sud  de  la  Picardie. 
Toutes  ces  couches  à  leur  tour  sont  à  pou  près  disparues  do  la  surface. 

A  mesure  que  le  bassin  anglo-flamand  s'enfonçait,  de  nouvelles  forma- 
tions venaient  recouvrir  d'un  épais  manteau  les  dépôts  landéniens,  de 
sorte  que  ceux-ci  n'apparaissent  plus  qu'en  débris  sur  les  pentes  do  l'Artois, 


i  l'uur  ces  «-puisMMirs,  i  f  :  Van  Krtborn  ((>.).  Le  projet  Lambert  pour  l'alimentation 
en  eau  de  la  ville  d'Anvers.  (Ann.  Sue.  gé.d.  Helg.,  XXVI,  1895).  Mem.,  pp.  47-iX). 

î  Rutoi  (A.),  Le  puits  artésien  de  la  gare  de  Mouseron.  (Hull.  Soc.  belge  tïéol.. 
X\  111,  lUOi,  l'r.-Verb.,  pp.  10-12). 

Cayeux  (A.;,  Lo  forage  de  la  ville  d'Hazebrouck.  (Ann.  Soe.  géol.  N.,  XVII,  18JK>, 

pp. 


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LE  LANDÉN1EN  47 

et  lf*  long  de  la  lisière  méridionale  de  la  dépression,  où  l'érosion  les  a 
débarrassés  de  leur  revêtement  d'argile  yprésienoe.  Mais  on  les  retrouve 
partout  sous  la  Flandre,  plongeant  vers  le  Nord  avec  la  mémo  allure  que 
les  courbes  de  la  surface  crétacée.  L'épaisseur  de  ces  couches  souterraines 
est  remarquablement  égale:  un  peu  plus  forte  vers  le  S.  et  l'W.  (42  mètres 
à  ]jbl  Gorgue  et  Armentières,  44  mètres  à  Hazebrouck,  55  mètres  à 
Bourbourg  et  Dunkerque,  57  mètres  à  Bailleul),  elle  atteint  encore 
30  mètres  à  Alost,  33  mètres  à  Gand,  37  mètres  à  Wetteren  et  Zele, 


Échelle  de  1  :  1 .500.000 

Fig.  7.  —  Altitude  de  la  surface  du  Landénieu  sous  la  Flandre,  d'après  M.  ('.osselet 
(Esquisse,  Terrains  Tertiaires,  pl.  XI  A.)  et  quelques  sondages  récente. 


38  mètres  à  Lichtervolde  et  à  Ostende  *.  Jusque  dans  ces  forages  du  Nord, 
le  landénien  supérieur  est  représenté  par  ces  fins  sables  verts  d'Ostricourt, 
dont  l'argile  de  Louvil  sous-jacente  fait  un  des  niveaux  aquifères  les  plus 


•  Voir  pour  les  forages  de:  La  Gorgue:  Ann.  Soc.  géol.  N.,  I  (1870-74),  p.  3*  ;  — 
Armentières  :  Ibid.  XIV,  (1887),  p.  181  Ha/.ebrouek:  Ibid.  XVII,  (1890),  pp.  272-3<i  ;— 
Bourbourg,  Dunkerque,  Bailleul  :  Ibid.  IX,  (1882),  pp.  71-70;  —  Alosi  :  Ibid.  X,  (1883), 
p.  1SX  ;  —  Garni,  Wetteren,  Zele  :  feuilles  Gand-Melle  et  Wetteren-Zele  de  la  Carte 
géologique  de  Belgique  à  1  :  40.000;—  Lichtervelde  et  Ostende  :  Rutot  (A.),  Note  sur 
quelques  pointe  nouveaux  de  la  géologie  des  Flandres  (Bull.  Soc.  belge  Géol.,  IX, 
18Î6,  Mém.,  pp.  280-319);  —  Dottignies  :  Rutot  (A.),  Le  puits  artésien  de  Dottignies 
(Bull.  Soc.  belge  Géol.,  III,  1889,  Fr.-V.,  pp.  18-19). 


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LR  SOI. 


abondants  do  la  Flandre.  Morne  au  delà  d'Ostende  l'eau  landénienne, 
infiltrée  aux  lointains  affleurements  do  Tournai  ou  de  St-Omer,  jaillit 
encore  au-dessus  du  sol  de  la  plaine  maritime,  lorsqu'on  perce  la  tenace 
argile  bleuâtre  qui  emprisonne  sous  son  énorme  masse  la  nappe  des  sables 
verts. 

Yprésien  Panieelien  et  Parisien. 

A  la  mer  landénionne  succède  dans  le  bassin  de  Paris  un  régime  do 
lagunes  (Sparnaoien),  dont  la  présence  est  douteuse  en  Flandre  *.  En  tous 
cas,  à  l'époque  yprésienne,  la  mer  s'établit  pour  longtemps  dans  le  bassin 
anglo-flamand  et  y  dépose  lentement  d'épaisses  couches  de  sables  et 
d'argiles.  Rien  de  plus  uniforme,  au  centre  de  la  Flandre,  que  cette 
centaine  do  métros  d'argile  plastique  bleuâtre,  à  peu  près  dépourvue  de 
fossiles,  et  à  peine  entrecoupée  de  petites  lentilles  sableuses.  C'est  un  bloc 
indivisible  où  le  géologue  peine  à  distinguer  plusieurs  niveaux.  I/»s  diffé- 
rences n'apparaissent  guère  qu'aux  bords  du  bassin.  L'Yprésien  devient 
plus  sableux  au  Sud-Est  ;  la  zone  moyenne  y  est  formée  des  sables 
verdàtres  de  Mons-en-Pévèle,  que  l'on  retrouve,  déjà  plus  argileux,  au 
mont  do  la  Trinité  ;  l'assise  supérieure  présente  même,  dans  les  monts  de 
Renaix,  dos  psammitos  grisâtres  et  jusqu'à  un  véritable  calcaire  nummu- 
litique  *.  Mais  sitôt  que  des  collines  on  se  dirige  vers  le  Nord-Ouest, 
on  voit  le  faciès  sableux  disparaître,  et  toute  la  masse  redevenir  argileuse. 

Dans  la  partie  orientale,  au-dessus  de  l'Yprésien  typique  s'étendent  des 
couches  un  peu  différentes,  argiles  sableuses  et  sables,  dont  on  a  fait  on 
Belgique  un  étage  distinct,  le  Panisolien.  Pou  importe  d'ailleurs,  car 
l'Yprésien  passe  au  Paniselien  par  des  transitions  assez  insensibles  pour 
qu'on  puisse  considérer  en  bloc  les  doux  étages.  Kn  ellet  les  sables  lins, 
assez  argileux,  qui  forment  dans  l'Est  do  la  Flandre  le  terme  supérieur  de 
l'Yprésien,  n'offrent  guère  de  différence  avec  les  alternances  de  sable  et 
d'argile  paniseliens  qui  les  surmontent.  Ix  passage  se  tait  ainsi  peu  à  pou 
dos  profondeurs  de  l'argile  plastique  à  la  couche  arénacée,  parfois  agglo- 


•  VA:  Van  E.-tborn  (O.),  Keciilications  stratigraphiques  dans  rKoccne  belge.  (Huit. 
Soc.  belge  »;<'«.l.,  XVII,  liJU-t,  M.'tn.,  pp.  HKMIS);  -  Kuiot  (A.).  Compte  rendu  des 
excursions  de  la  session  extraordinaire  de  la  Soc.  belge  de  (îcologie  dans  le 
Hainaut  et  atix  environs  île  Bruxelles  (Mu'.l.  Soc.  belge  (iéol.,  XVII,  l!H).'l,  Mcm., 
pp.  :K{-4ï»!)). 

*  Cf.  Del  vaux  (K.),  Notice  explicative  du  levé  géologique  de  la  planchette  de  Renaix, 
pp.  4-1». 


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LTPRÉSIEN-PANISELIEN  ET  LE  PARISIEN 


49 


mérée  en  grès  (sablos  d'Aeltre),  que  des  fossiles  caractéristiques  indiquent 
clairement  comme  la  partie  supérieure  de  la  série  tout  entière 

L'épaisseur  de  l'Yprésien-Paniselien  est  considérable.  Ce  sont  ces 
sédiments  et  surtout  l'argile  plastique,  qui  remplissent  jusqu'aux  bords  la 
profonde  cavité  dont  les  couches  crétacées  et  landéniennes  garnissent 
seulement  le  fond.  D'abord  mince  sur,  la  tranche  Ouest,  où  le  dépôt  a  été 
moins  abondant  et  où  l'érosion  on  a  fortement  réduit  l'épaisseur,  la  couche 
d'argile  augmente  rapidement  vers  le  Nord-Est.  De  quelques  mètres  à 
•  Arques,  où  on  l'aperçoit  surmontant  les  sables  d'Ostricourt,  de  5  mètres 
à  La  Madeleine-lès-Lille  et  de  9  mètres  à  Marquette,  elle  atteint  déjà 
39  mètres  à  I,a  Gorgue,  55  mètres  à  Hazebrouck,  98  mètres  à  Bailleul, 
une  centaine  de  mètres  sous  Bourbourg  et  Dunkerque.  Du  Sud  au  Nord, 
l'épaisseur  augmente  régulièrement;  le  profond  bassin  en  est  presque 
comblé  :  50  mètres  à  Mouscron,  80  mètres  à  Zulte,  109  métros  à  Roulers, 
131  à  Lichtervclde,  136  à  Ostende,  177  à  Blankenberghe  ».  Et  il  ne  s'agit 
là  que  de  l'argile  plastique,  proprement  yprésienne  3.  L'épaisseur  est  telle 
que  malgré  la  pente  régulière  du  bassin  vers  le  Nord,  la  puissante  assise 
se  maintient  à  la  surface  du  sol  jusqu'à  la  hauteur  de  Dixmude,  Roulers, 
Audenarde,  où  elle  commence  seulement  à  disparaître  sous  les  sables. 
Mais  toute  cachée  qu'elle  est,  elle  ne  cesse  pas  de  faire  sentir  son  influence  ; 
elle  arrêt*»  de  sa  masse  bleuâtre  la  descente.'  des  eaux  dans  le  sol,  maintient 
l'humidité  à  la  surface,  on  même  temps  qu'elle  comprime  les  eaux  landé- 
niennes dans  leur  élan  pour  remonter  au  jour.  Enorme  et  compacte,  elle 
est  le  trait  caractéristique  du  sol  flamand. 


«  Dans  la  partie  belge,  le  Paniselien  comprend  en  général  un  lit  d'argile  grise 
schistoïde,  et  des  sables  glaueonifères  plus  ou  moins  argileux,  avec  ou  sans  grès.  A 
Cassel,  il  forme  une  couche  de  sables  gris  glauconifères,  surmontée  d'une  marne 
sableuse  à  Turritelles  qui  correspond  aux  sables  d'Aeltre. 

i  Pour  ces  chiffres,  voir  les  références  indiquées  page  47,  note  I,  et  en  plus  :  pour 
Arques:  Ann.  Soc.  géol.  N-,  XX  (185)2),  p.  335;  -  La  Madeleine:  ibid.,  III,  (1875-70), 
p.  152  :  —  Marquette  :  ibid.,  XVII,  (1890)  p.  150  ;  —  Mouscron  :  Bull.  Soc.  belge  (iéol., 
XVIII  (1904),  Pr.-V..  p.  12  ;  — Zulto  :  ibid.,  V,  (1891),  Pr.-V.,  p.  12  ;  —Roulers  :  ibid.,  IX 
(1895),  Mém.,  pp.  28!>-319;  —  Hlankonberghe  :  ibid.,  II  (1888),Mém.,  pp.  260-270,  et  IX, 
(1895),  Mém.,  pp.  296-297. 

s  L'épaisseur  du  Paniselien  proprement  dit  vario  en  général  de  20  à  30  mètres  : 
18  mètres  à  Bruges,  20™ ,9  et  23» ,5  à  Mariakerke-lès-Gand,  21°' ,5  et  24  mètres  à  Gand, 
27",8  à  Zele.  33  mètres  au  Bisschopveld,  prés  Beernem.  (Carte  géologique  au 
l  :  40.000,  feuilles  Bruges-Moerkorke,  Gand-Melle,  Wetteren-Zele,  Lophem-Oedelem). 
—  M.  Hutot  lui  attribue  seulement  13  mètres  au  Mont  de  l'Hotond  (Sur  un  sondage 
effectué  par  M.  Moulan  au  Mont  de  l'Hotond:  Bull.  Soc.  belge  Géol.,  III,  1889,  l'r.-V., 
pp.  16-18). 


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50 


LE  SOL 


La  mer  recommence  après  le  Paniselien  son  mouvement  de  va  et  vient 
sur  ce  sol  qu'elle  ne  peut  se  décider  à  abandonner  ou  à  garder  pour  elle. 
Cependant  il  y  a  quelque  chose  de  changé.  La  mer  yprésienne  commu- 
niquait encore  avec  le  bassin  de  Paris  1  ;  cette  issue  vers  le  Suil  va  se 
fermer  pendant  l'époque  parisienne  (lutétienne).  La  mer  bruxellienne 
parvient  encore  à  pousser  ses  sables  jusqu'au  delà  do  St-Quentiu,  et  à 
travers  toute  la  Belgique.  Après  elle,  le  soulèvement  de  l'axe  de  l'Artois 
barre  définitivement  le  passage  vers  le  Sud,  et  la  mer  se  trouve  enfermée 
dans  le  bassin  de  Flandre.  Elle  y  dépose  la  mine»'  couche  des  sables 
laekeniens  (1  mètre  à  Cassel,  5  mètres  à  Bruxelles),  puis  les  sables  et  grès 
de  Lede  et  de  Wemmel,  a  peine  plus  épais  ( \  mètres  à  (iand),  enfin  l'argile 
glauconifère  assehienne,  parfois  assez  sableuse  (quelques  mètres  à  (iand). 
C'est  par  ces  faibles  dépôts  plus  sableux  qu'argileux  que  se  termine 
rEocène  flamand  ;  sur  les  puissantes  assises  yprésiennes  à  peine  immergées 
erre  une  mer  sans  profondeur,  prête  à  abandonner  le  territoire,  et  qui 
disparait  peut-être  en  elfet  pendant  la  lin  de  l'époque  éocène  -. 

Oligocène,  Miocène,  Pliocène. 

• 

A  l'époque  oligocène,  les  invasions  marines  se  font  dans  une  direction 
nouvelle.  La  mer,  qui  venait  auparavant  du  Nord,  envahit  la  Belgique 
par  le  Nord-Est,  parallèlement  à  l'axe  de  l'Artois.  Il  en  résulte  que  la 
jienlc  des  couches  oligocènes,  miocènes  et  pliocènes  est  dirigée  désormais 
dans  ce  sens,  tandis  que  les  sédiments  éocènes  plongeaient  vers  le  Nord. 
C'est  comme  un  bassin  secondaire  qui  se  creuse  dans  la  grande  dépression 
anglo-flamande,  avec  son  centre  vers  Anvers  et  la  Hollande.  Ainsi 


1  Cf.  Leriche  (M.),  Sur  les  relations  dos  mers  des  bassins  parisien  et  belge  à  l'époque 
yprésienne  (Ann.  Soc.  géol.  N.,  XXXll,  1003,  pp.  120-124). 

Les  sédiments  éocènes  du  Nord  de  la  Flandre,  disparus  sous  les  accumulations 
de  dépôts  pliocènes  et  quaternaires,  se  retrouvent  à  des  profondeurs  qui  augmentent 
r.-ipidcment  vers  le  Nord.  A  Eecloo,  l'Asschien,  épais  de  7a',4T)  est  à  la  cote  —  14,  le 
Wemmelien,  à  la  eote  —  21,  le  Ledien  à  la  cote  — 25  (Hutot,  Note  sur  quelques  points 
nouveaux,  p.  310).  A  Watervliet,  l'Asschien  se  trouve  à  la  cote  -  2(3  ;  au  Hoogkasteel, 
près  Watervliet,  environ  à  la  cote  —  36;  l'épaisseur  en  est  déjà  de  32  métrés  (Feuillo 
Watervliet  de  la  carte  géologique).  A  Terneuzen  on  trouve  l'Asschien  à  la  cote  —  S6 
environ,  avec  la  forte  épaisseur  de  42"»  ,.'10  ;  le  Laekenien  à  la  cote  —  128  (De  Brouwer, 
Le  puits  artésien  des  aciéries  de  Terneuzen.  Bull.  Soe.  belge  Géol.,  XVII,  1903, 
G.-Kendiis,  pp.  37-44).  Au  delà  vers  le  Nord,  on  n'a  plus  rencontré,  jusqu'à  plus  de  200 
métrés,  que  les  dépôts  oligocènes  (Lorié,  Sondages  en  Zélande  et  en  Brabant.  Bull. 
Soc.  belge  Géol.,  XVII,  l'.Kfâ,  Mém.,  pp.  203-21»). 


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L'OLIGOCÈNE,  LE  MIOCÈNE,  LE  PLIOCÈNE 


51 


s'orientent  les  sables  et  argile  sableuse  du  Tongrien  inférieur,  apportés 
par  une  mer  qui  s'avançait  vers  Bruges,  Gand  et  Alost.  Une  nouvelle 
transgression  marine,  celle  du  Rupélien,  ne  dépasse  pas  Termonde  ;  mais 
cette  fois  elle  dépose  une  épaisseur  de  sédiments  qui  rappelle  celle  des 
couches  yprésiennes  :  c'est  une  argile  plastique  qui  porte  le  nom  d'argile 
de  Boom,  et  repose  sur  quelques  mètres  de  sable  gris;  l'ensemble  atteint 
60  mètres  sur  les  bords  du  Rupel  *. 

De  nouveau  la  région  flamande  est  asséchée.  La  mer  semble  renoncer 
à  l'occuper  ;  ses  transgressions  se  font  de  plus  en  plus  restreintes.  A  la  fin 
du  Miocène,  la  mer  boldérienne  tente  un  retour  offensif  qui  ne  dépasse  pas 
le  pays  de  Waes,  et  y  dépose  une  faible  couche  de  sables  glauconifères 
verdâtres,  dont  l'épaisseur  atteint  rarement  un  mètre.  Et  c'est  juste  à  ce 
moment,  où  la  Flandre  peut  paraître  définitivement  émergée,  que  se 
produit  la  grande  invasion  pliocène.  \a  mer  diestienne  (Plaisancien) 
s'avance  vers  le  Sud-Ouest,  ravinant  profondément  les  dépôts  miocènes, 
oligocènes  etéocènes,  comblant  les  vallées  creusées  pendant  les  émersions, 
et  accumulant  sur  toute  la  surface  recouverte  son  conglomérat  de  cailloux 
de  silex,  ses  sables  vert  noirâtre,  glauconifères,  devenus  rougeâtres  par 
la  transformation  de  la  glauconie  en  limonite,  et  qui  ont  formé  ça  et  là 
des  bancs  irréguliers  de  grès  ferrugineux. 

Os  sédiments  caractéristiques  ne  se  rencontrent  plus  aujourd'hui  dans 
le  Sud  de  la  Flandre  qu'à  l'état  de  témoins  très  endommagés,  aux  Noires 
Mottes  près  de  Calais,  au  mont  de  Watten,  sur  les  collines  des  environs 
de  Cassel,  dans  les  monts  de  Renaix  ;  on  en  signale  des  restes  à  Hem,  au 
mont  d'Halluin,  au  mont  de  la  Trinité,  et  jusqu'à  Mons-en-Pévèle  !. 
Il  semble  permis  de  prolonger  encore  les  limites  de  leur  extension. 
Comme  on  l'a  fait  remarquer  récemment 3,  c'est  seulement  sur  la  craie  et 
l'argile  à  silex,  c'est-à-dire  sur  l'axe  de  l'Artois,  que  la  mer  diestienne  a 
pu  aller  chercher  les  galets  de  son  conglomérat  de  base.  Puis  le  relève- 
ment considérable  présenté  dans  l'Ouest  de  la  Flandre  par  le  Diestien,  qui 


<  A  (îoes,  le  Rupelien  s'étendrait  de  la  cote  —  93  mètres  à  ln  cote  —  220  mètres  (sous 
rAmsterd.-imsch-Peil,  niveau  moyen  de  la  mer  à  Amsterdam),  d'après  J.  Lorié  (Sondages 
en  Zélande  et  en  Brabant,  pp.  200-210),  soit  une  épaisseur  de  127  mètres. 

*  (ioasolet  (J.),  Esquisse,  p.  340.  —  Cf.  sur  la  limite  de  la  mer  diestienne:  Van  den 
Broeck  (E.),  Note  sur  un  nouveau  gisement  de  la  Terebratula  grandis  avec  une  carte 
de  l'extension  primitive  des  dépôts  pliocènes  marins  en  Belgique  (Bull.  Soc.  belge 
Géol.,  I,  1887,  Mém.,  pp.  49-59). 

'  Cornet  (J.),  Etudes  sur  l'évolution  des  rivières  belges  (Ann.  Soc.  géol.  Belg., 
t.  XXXI,  1004,  Mém.;  -  Cf.  pp.  403-410). 


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52 


LE  SOL 


passe  de  la  cote  0  à  Anvers  à  l'altitude  de  160  mètres  à  Cassel,  a  dû  se 
continuer  au  delà  des  collines  actuelles,  et  l'ancien  rivage  se  trouve  ainsi 
amené  jusqu'à  la  crête  de  l'Artois,  d'ailleurs  beaucoup  moins  abaissée  à 
cette  époque  qu'aujourd'hui.  Il  est  donc  infiniment  vraisemblable  que  la 
mer  du  pliocène  diestien  s'est  étendue  vers  l'Ouest  jusqu'à  l'Artois,  qui  la 
séparait  du  bassin  parisien,  et  que  la  Flandre  entière  a  été  recouverte  de 
ses  sédiments. 

Tandis  que  las  sables  diestiens  se  trouvent  à  Cassel  à  partir  de  la  cote 
143  mètres,  au  mont  de  la  Trinité  à  145  mètres,  la  base  de  l'étage,  à 
Garni,  n'est  déjà  plus  qu'à  30  mètres  ;  à  Anvers,  les  sables  se  trouvent  à 
peu  près  au  niveau  de  la  mer  ;  à  Goes  (Zuid-Beveland),  la  base  est  déjà  à 
—  93  mètres  ;  à  Gorkum,  un  sondage  de  1 78  mètres  sous  le  niveau  de  la  mer 
n'a  même  pas  atteint  le  sommet  de  l'étage,  pourtant  épais  de  40  mètres 
environ  à  Goes  ;  à  Utrecht,  la  sonde  n'a  pénétré  qu'à  —  *^68  mètres  dans  les 
sables  de  Diest,  et  n'en  était  pas  encore  sortie  à  36T>  mètres,  profondeur  à 
laquelle  on  a  arrêté  le  l'orage;  aussi  à  Amsterdam,  par  335  mètres  au-dessous 
du  niveau  de  la  mer,  n'avait-on  môme  pas  atteint  les  couches  supérieures  au 
Diestien  f.  Un  formidable  mouvement  de  bascule  s'est  donc  produit  depuis 
l'époque  pliocène,  qui  a  élevé  la  Flandre  et  abaissé  la  Hollande,  la  région 
d'Anvers  formant  l'axe.  Ce  mouvement  ne  s'est  pas  produit  tout  d'une 
pièce,  mais  par  oscillations  nombreuses.  Après  la  régression  marine  qui 
suit  le  dépôt  des  sables  de  Diest,  la  mer  reparaît  timidement  dans  la 
Campine  et  sur  le  sol  de  la  Flandre,  pour  déposer  une  couche  de  sables 
jaunâtres  dont  la  situation  a  fait  donner  à  l'étage  le  nom  de  Scaldisien  ; 
et  l'on  a  encore  distingué  à  la  partie  supérieure  du  Scaldisien  un  étage 
l'oederlien,  caractérisé  par  la  présence  d'un  fossile  spécial  (Corbula 
sfriata).  Tous  deux  d'ailleurs  beaucoup  moins  intéressants  par  les  minces 
sédiments  qui  les  représentent  (sable  sur  sable,  dans  un  coin  où  toutes  les 
couches  antérieures  étaient  déjà  sableuses),  que  parce  qu'ils  sont  les 
témoins  de  la  dernière  invasion  marine  eu  Flandre  pendant  l'ère  tertiaire. 

Cependant  l'époque  pliocène  n'était  pas  terminée.  La  mer,  qui  avait 
quitté  le  sol  belge,  se  retirait  lentement,  et  séjournait  longtemps  en 
Zélande,  à  proximité.  C'est  l'époque  de  l'Amstelien,  qu'on  trouve  à  Goes 
à  — 29  mètres,  surmontant  le  Poederlien-Scaldisien,  et  dont  l'épaisseur  (et 


1  Cf.  Lorié  (J.),  Contributions  à  la  Géologie  des  Pays-Bas,  fasc.  I  :  Résultats 
géologiques  et  paléontologiques  des  forages  de  puits  à  Utrecht,  (ioes  et  Gorkum 
(Archives  du  musée  Teyler,  série  II,  vol.  II,  1885,  3°  partie,  pp.  239-240)  ;  —  Idem, 
Contributions,  fasc.  X  :  Sondages  en  Zélande  ot  en  Brabant,  p.  243  ;  —  Harmcr,  Le 
tertiaire  supérieur  du  bassin  anglo-belge  (Ann.  Soc.  belge  Géol.,  X,  1806,  Mém., 
p.  323). 


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fèrpê 


Yperlcc  , 
Jjnhvfiiyk  ItacnkcA' 


Coupe  à  travers  la  Flandi 


PI  Ptnl&ellen  :  argiles  et 
Pi  Pariaien  :  miUn  et  or 
T  Toogrien  I  argile  et  Mlftj 


riogique  do  la  Flandro  d'api 
à  1  :  500.000  de  G.  Ikwalq 


I.  Lendénien. 
P  PanUeUen. 
Kl  Hupelien  inférieur 
Hï  Hupelien  Kupérieu 


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1 


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L'ÉROSION  QUATERNAIRE 


53 


la  profondeur)  vont  sans  cesso  croissant  vers  le  Nord  1 .  Puis  la  mer  quitte  la 
Hollande  elle-même,  recule  sans  cesse  vers  le  Nord,  ot  dépose  sur  la  côte 
anglaise  les  dépôts  pliocènes  supérieurs  du  Norfolk  ;  il  y  a  donc  lacune, 
en  Flandre  comme  en  Hollande,  entre  le  sommet  du  pliocène  et  la  base 
des  couches  quaternaires. 

Erosion  quaternaire. 

Que  deviennent,  pendant  cette  longue  période  d'émersion,  qui  se  continue 
fort  avant  dans  l'ère  quaternaire  et  peut-être  jusqu'à  nos  jours,  les 
sédiments  assez  peu  cohérents  déposés  sur  le  sol  flamand  par  les  dernières 
mers  tertiaires  ?  Sur  la  pente  rapide  que  formait,  entre  l'Artois  et  le  rivage 
amstélien,  le  fonds  émergé  de  la  mer  diestienne,  l'érosion  se  mettait 
aussitôt  au  travail,  faisant  ruisseler  vers  le  Nord-Est  les  oaux  chargées  de 
débris  qui  allaient  combler  les  dernières  mers  pliocènes.  A  mesure  que  le 
rivage  reculait,  l'érosion  devenait  plus  active,  puisque  le  niveau  de  base 
des  cours  d'eau  se  déplaçait  vers  l'aval  et  que  la  hauteur  du  pays  émergé 
s'accroissait.  Cette  activité  atteignit  donc  son  paroxysme  à  la  fin  du 
pliocène,  lorsque  la  mer  était  reléguée  au  delà  du  Norfolk,  et  dut  se 
continuer  pendant  los  premières  périodes  du  quaternaire.  Peut-être  un 
régime  de  fortes  pluies,  contemporaines  de  la  première  extension  glaciaire, 
vint-il  ajouter  ses  effets  à  ceux  du  recul  de  la  mer. 

Sur  les  sables  poederliens,  scaldisiens  et  diestiens,  cette  puissante 
érosion  dut  faire  de  rapides  et  profonds  ravages.  Dans  le  Nord-Kst 
elle  ne  larda  pas  a  atteindre,  sous  les  sables  pliocènes,  les  couches 
boldériennes,  à  les  dénuder  à  leur  tour,  et  à  percer  jusqu'à  l'argile 
rupélienno,  qui  résista  mieux.  Vers  le  Nord,  le  Tongrieu,  que  le  Rupelien 
ne  protégeait  pas  s,  fut  bientôt  «attaqué  et  mis  en  lambeaux,  découvrant 
les  séries  éocènes,  qui  furent  largemont  entamées.  Mais  c'est  surtout  a 
l'Ouest  que  les  ravages  étaient  considérables  et  que  les  sables  et  argiles 
semblaient  fondre  dans  les  eaux.  De  ce  côté,  la  pente  plus  forte  rendait 
plus  efficace  l'action  mécanique  des  eaux  courantes  ;  l'émersion  était  plus 
ancienne,  datant  du  premier  recul  de  la  mer  diestienne  ;  commencée  plus 
tôt,  l'érosion  était  en  même  temps  plus  active.  Déjà  pendant  les  longues 
années  du  Miocène  et  de  l'Oligocène,  les  couches  de  l'Kocène  avaient  dû 
être  fortement  endommagées;  mais  les  sédiments  diestiens  s'étaient 


«  Mêmes  références  qu'à  la  page  précédente. 

*  La  transgression  marine  du  Rupelien  s  étendit  moins  loin  vers  l'W.  que  la  mer 
Tongrienne. 


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54 


LE  SOL 


déposés  dans  tous  les  creux,  avaient  comblé  toutes  les  dépressions,  et 
offert  à  l'érosion  un  nouveau  champ  d'activité.  Peu  cohérents,  les  sables 
diestiens  ne  durent  opposer  qu'une  assez  faible  résistance,  et  il  en  fut  de 
même,  dans  tout  l'Ouest,  pour  l'argile  d'Assche  et  les  fragiles  épaisseurs 
des  sables  parisiens.  L'érosion  en  arriva  bientôt  a  ronger  les  puissantes 
formations  yprésiennes  ;  et  malgré  la  résistanco  plus  sérieuse  qui  lui  fut 
opposée,  elle  parvint  à  eu  enlever  une  épaisseur  d'au  moins  50  mètres  '. 
Sur  le  bord  de  l'axe  de  l'Artois  apparut  môme  une  frange  de  sables  et 
d'argiles  landéniens,  perçant  sous  l'argile  d'Y  près  amincie. 

II. 

LE  SOL  ACTUEL. 

Des  couches  variées  furent  ainsi  ramenées  au  jour  et  lormèrent  le 
nouveau  sol  de  la  Flandre,  affleurant  par  leur  tranche  occidentale  que 
l'érosion  avait  découverte,  et  disparaissant  au  Nord-Est  sous  l'épaisseur 
des  sédiments  plus  récents.  Après  la  petite  zone  landénienne,  c'est  l'argile 
yprésicnnc,  occupant  un  vaste  territoire  qui  s'étend  à  l'Est  jusque  vers 
une  ligne  joignant  Dixmude  à  Houlers  et  Audenarde.  Au  delà,  l'érosion 
n'a  pu  réussir  à  éliminer  le  Paniselien,  plus  épais  et  protégé  lui-même 
plus  efficacement;  aussi  les  sables,  argiles  et  argilites  paniseliens  forment- 
ils  le  sol  de  la  Flandre  jusqu'au  delà  de  Bruges  etdeGand.  Enfin  apparaît 
ce  qui  reste  de  l'ancien  revêtement  parisien,  une  petite  bande  où  le  sol 
est  formé  de  sables  laekeniens,  de  sables  et  grès  lediens  et  wemmeliens, 
d'argile  asschienne.  I*uis  c'est  l'apparition  de  l'argile  rupelienne,  et  des 
lambeaux  d'argiles  et  sables  tongriens,  de  débris  boldériens  et  diestiens. 
L'érosion  a  ainsi  mis  au  jour,  comme  dans  le  bassin  de  Paris,  une  série 
de  bandes  concentriques  orientées  vers  la  dépression  hollandaise  ;  et  sur 
chaque  bande  on  retrouve  des  témoius  des  couches  enlevées,  qui  par  leur 
hauteur  et  leur  isolement  témoignent  de  l'effort  accompli  par  les  eaux. 

Mais  là  s'arrête  la  ressemblance  avec  la  région  parisienne.  Autant  le 
bassin  de  Paris  présente  de  la  variété,  autant  la  dépression  flamande  offre 
des  terrains  uniformes.  Du  pied  de  l'  Artois  à  Anvers,  ce  ne  sont  que  sables 
et  argiles,  argiles  et  sables,  souvent  mêlés  dans  la  même  couche  géolo- 


1  L'argile  yprésieune,  qui  atteint  au  Mont-des-Cats  une  altitude  de  110  mètres,  se 
tient  dans  la  plaine  avoisinante  vers  30  mètres  :  soit  80  mètres  onlevés  par  l'érosion  à 
la  fin  du  pliocène  et  pendant  l'époque  quaternaire. 


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L1MPERMÉABIUTÉ  :  LES  NAPPES  AQUIFÈRES 


pique.  La  formation  la  plus  cohérente  du  système,  l'argile  yprésienne, 
est  elle-même  entrecoupée  de  lits  sableux  ;  et  les  sables  parisiens  sont 
souvent  argileux.  A  peine  quelques  roches  dures  :  psarnmitas  grossiers  du 
Paniselien,  grès  et  conglomérat  do  base  du  Diestien. 

Imperméabilité  :  les  nappes  aquifères. 

Ces  couches  uniformes  sont  également  imperméables.  Ia  présence  des 
sédiments  argileux  arrête  l'eau  ;  au-dessus  de  chaque  formation  s'étale 
une  nappe  aquifère.  A  la  partie  supérieure  du  calcaire  carbonifère  paraît 
s'étendre  une  nappe  continue  ;  on  a  encore  trouvé  de  l'eau  dans  les  schistes 
siluriens  sous  Ostende,  dans  les  fissures  du  Devillien  à  Alosl,  dans  le 
Cambrien  à  Audonarde.  la  craie  contient  plusieurs  niveaux  aquifères  ;  à 
Sangatte  les  sondages  ont  rencontré  trois  nappes,  dans  la  craie  à  Belem- 
tèitex  pfcntfs,  dans  les  couches  à  Ammonites  variais,  et  dans  les  sables 
du  Gault.  Dans  les  terrains  tertiaires  se  trouvent  des  réserves  d'eau 
abondantes  :  la  première  nappe  est  celle  des  sables  verts  landéniens, 
arrêtée  par  l'argile  de  Louvil  et  comprimée  par  la  masse  yprésienne  ;  l'eau 
infiltrée  tout  autour  de  la  dépression  flamande,  le  long  des  affleurements 
landéniens,  jaillit  au-dessus  du  sol  lorsqu'on  perce  les  couches  sus- 
jacentes.  Au-dessus  de  l'argile  yprésienne  s'étend  dans  tout  le  Nord-Kst 
de  la  Flandre,  où  cetto  formation  est  recouverte  par  des  sédiments  épais, 
une  nouvelle  nappe  qui  imbibe  complètement  les  sables  paniseliens.  Le 
Paniselien  lui-même,  avec  ses  lits  argileux;  les  sédiments  parisiens(Ledien, 
Asschien),  recèlent  des  nappes  qui  peuvent  donner,  aux  abords  du  pays  de 
Waes,  des  eaux  jaillissantes.  De  nombreux  forages  ont  été  établis  pour 
aller  capter  ces  eaux  souterraines.  On  pourrait  s'étonner  de  la  présence 
de  tant  de  puits  artésiens  coûteux,  dans  un  pays  humide  où  le  sol  est 
partout  imperméable,  si  l'on  ne  songeait  que  les  eaux  superficielles  sont  à 
peu  près  toutes  contaminées,  que  l'énorme  populalion  qui  vit  sur  le  sol 
flamand  a  des  besoins  considérables,  et  qu'enfin  l'industrie  réclame  des 
quantités  d'eau  que  les  nappes  phréatiques  sont  impuissantes  à  fournir. 
Malheureusement,  le  succès  ne  répond  pas  toujours  aux  efîorts.  La  dispo- 
sition des  strates  primaires,  inclinées  ou  redressées  jusqu'à  la  verlicale, 
réserve  des  mécomptes:  le  puits  de  276  mètres  qui  atteint  sous  la  ville  de 
Gand  les  schistes  et  quartzites  devilliens  n'a  pour  ainsi  dire  rien  donné. 
L'irrégularité  des  couches  crétacées  fait  disparaître  ou  reparaître  les 
nappes  ;  lacraie,  traversée  à  Ostende  sur  90  mètres  d'épaisseur,  n'a  révélé 
la  présence  d'aucun  niveau  aquifère.  L'abondante  nappe  des  sables  verts 


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56 


LE  SOL 


donne  une  eau  trouble,  impropre  a  la  consommation.  Les  eaux  renfermées 
dans  les  sables  paniseliens,  au-dessus  de  l'argile  yprésienne,  recevant 
l'appoint  des  eaux  superficielles  que  n'arrête  pas  une  couche  argileuse 
continue,  se  trouvent  contaminées  ;  à  Bruges,  des  puits  do  iO  mètres  sont 
aussi  dangereux  que  ceux  qui  trouent  à  peine  la  surface.  D'autre  part 
l'épaisseur  de  l'argile  yprésienne  est  un  obstacle  qui  ne  peut  être  traversé 
qu'à  grands  frais.  \&  répartition  des  puits  artésiens  en  Flandre  atteste 
cette  difficulté  :  on  les  voit  établis  surtout  sur  les  bords,  autour  de  la 
grande  cuvette  yprésienne,  nombreux  aux  endroits  où  l'argile  n'est  pas 
épaisse,  c'est-à-dire  au  Sud-Est,  ou  bien  à  ceux  où  elle  est  recouverte  do 
sédiments  plus  récents  contenant  des  nappes  à  leur  tour  (au  Nord-Kst)  ; 
au  contraire  ils  se  font  rares  au  centre  et  vers  le  Nord,  où  la  masse  imper- 
méable augmente  d'épaisseur  et  de  volume  *. 


Le  sol  quaternaire. 

Cependant  les  couches  tertiaires  ne  forment  pas  le  véritable  sol  de  la 
Flandre.  Elles  sont  surmontées  presque  partout  de  sédiments  quaternaires 
d'épaisseur  variable.  Vingt-trois  mètres  de  sables  meubles  recouvrent,  à 
Eecloo,  l'argile  asschienne;  au  contraire  le  Paniselien  sableux  affleure  en 
beaucoup  de  points  de  la  région  boisée  qui  s'étend  deThourout  vers  (iand. 
Les  couches  tertiaires  exercent  une  influence;  elles  donnent  le  relief, 
elles  déterminent  souvent  le  degré  d'humidité  de  la  surface;  elles 
assurent  la  formation  des  réserves  aquifêres.  Mais  ce  sont  les  dépôts 


*  Sur  les  nappes  aquifêres  do  la  Flandre,  voir:  Gosselet  (J.),  Sur  le  forage  do  puits 
artésiens  en  Flandre  (Ann.  Soc.  gëol.  N.,  IX,  pp.  71-76)  ;  —  leçons  sur  les  nappes 
aquifêres  du  Nord  de  la  France  (Ibid.  XIV,  pp.  241  * -306)  ;  —  Rarrois  (Ch.),  Noie  sur 
les  nappes  aquifêres  de  Lille  (Ibid.  XV11I,  p.  1M0)  ;  —  Van  Mierlo  (C. -.!.),  Distribution 
d'eau  potable  à  Ostendc  (Bull.  Soc.  belge  Gëol.,  II,  1888,  Mëm.,  pp.  249-250)  ;  — 
Hutot  (A.),  Le  puits  artésien  de  Blankenberghe  (Ibid.  II,  1888,  Mëm.,  pp.  200-270)  ;  — 
Rutot  (A.)  et  Van  den  Rroeck  (E.),  Composition  chimique  des  eaux  artésiennes  du 
sous-solde  la  Belgique  (Ibid.  IV,  1890,  Mëm..  pp.  170-220);  —  Rutot  (A.),  Note  sur 
quelques  points  nouveaux  de  la  géologie  des  Flandres  (Ibid.  IX,  1895.  Mëm..  pp.  289- 
319)  ;  —  Delvaux  (E.).  Des  puits  arténens  de  Flandre  (Ann.  Suc  gëol.  Relg..  XL  1K83- 
84,  Mëm.,  pp.  3-'i~);  —  Van  Krtborn  ((  ).),  Les  niveaux  aquifêres  du  sous-sol  de  la  ville 
d'Alost  (Bull.  Soc.  belge  Gëol.  XVII,  1903,  Mëm.,  pp.  145-155)  ;  —  La  question  des 
eaux  alimentaires  dans  les  régions  dunale  et  poldérienne  du  littoral  belge  (Ibid.  XVII, 
1903,  Mém.,  pp.  297-315)  ;  —  Le  puits  artésien  du  Royal-l'alaco  à  Ostende  (Ibid.  XV, 
1901,  Fr.-V.,  pp.  178-187). 


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LE  SOL  QUATERNAIRE 


57 


quaternaires  qui  forment  le  vrai  sol,  celui  avec  lequel  est  aux  prises 
l'agriculture  flamande  *. 

L'Ouest  de  la  Flandre  est  limoneux.  Au-dessus  de  l'argile  yprésienne 
qui  se  maintient  près  de  la  surface  sous  les  sédiments  quaternaires 
jusqu'à  la  ligne  Dixmude-Roulers-Audenarde,  et  n'affleure  qu'en  quelques 
rares  points  élevés  où  elle  forme  des  glaises  tenaces,  appelées  clyttes  ou 
pacauls,  s'étend  un  limon  argileux,  bariolé,  d'une  épaisseur  moyenne  de 
3  à  4  mètres,  et  séparé  parfois  de  l'argile  yprésienne  par  une  couche  de 
sable  aquifère,  où  s'alimentent  les  puits.  Ce  n'est  pas  là  l'ergeron,  ce  limon 
sableux,  jaune  clair,  si  fréquent  sur  les  plateaux  de  craie  au  Sud  «le  Lille; 
ce  n'est  pas  non  plus  la  «  terre  à  briques  »,  qui  surmonte  si  souvent 
l'ergeron  dans  le  Cambrésis  et  la  Picardie.  C'est  entre  Lille  et  Lannoy,  au 
contact  des  sables  landéniens,  que  l'ergeron  typique  disparaît  et  passe  au 
limon  argileux  do  Flandre  *.  Seules  les  collines,  qui  dominent  la  plaine 
de  leurs  flancs  de  sable,  présentent  çà  et  là  des  plaques  de  limon  qu'on  a 
pu  comparer  aux  types  classiques  de  la  Picardie  et  de  la  Hesbaye  :  au- 
dessus  de  110  mètres  au  Mont-Noir,  de  130  mètres  à  Cassel  et  au  Mont- 
des-Cats  réapparaissent  les  limons  de  l'assise  moyenne  du  quaternaire 
picard,  et  quelques  fragments  de  limon  supérieur  3.  Enfin  le  sol  de 


1  Sur  le  Quaternaire  flamand  et  ses  origines,  consulter:  Meugy,  Essai  de  géologie 
pratique  sur  la  Flandre  française  (Mém.  Soc.  Se.  Lille,  1850,  p.  82;  1851,  p.  114;  1852. 
p.  1);  —  (iosselet,  Esquisse,  Quaternaire  ;  —  Ladriére  (.1.),  Sur  le  quaternaire  du  Mont- 
dcs-Cat8.pt  du  Mont-Noir  (Ann.  Soc.  géol.  N..  XIX,  1891,  p.  260)  ;  —  Note  pour 
l'étude  du  terrain  quaternaire  en  Hesbaye,  au  mont  de  la  Trinité  et  dans  les  collines 
de  Flandre  (Ibid.  p.  33»)  ;  —  Excursions  dans  le  quaternaire  du  Nord  de  la  France  ot 
de  la  Belgique  (Ibid.  XX,  1892,  p.  200);  —  Ilutot  (A.),  Les  Origines  du  Quaternaire 
de  la  Belgique  (Bull.  Soc.  belge  Oéol.,  XI,  1*07,  Mém.  pp.  1-140,  carte  à  1  :  400.000);  — 
Comparaison  du  Quaternaire  de  Belgique  au  glaciaire  de  l'Europe  eontrale  (Ibid.  XIII, 
1899.  Mém.,  pp.  307-320)  ;  —  Nouvelles  observations  sur  le  Quaternaire  de  la  Belgique. 
Echelle  stratigraphiqae  et  projet  de  légende  du  quaternaire  (Ibid.  XV,  1901,  l'r.-V., 
pp.  554-557)  ;  —  Esquisse  d'une  comparaison  des  couches  pliocènes  et  quaternaires  de 
la  Belgique  avec  celles  du  Sud- Est  de  l'Angleterre  (Ibid.  XVII,  1903.  Mém.,  pp.  57- 
101);  —  Velge  ((}.),  Nouvelles  observations  sur  le  terrain  quaternaire  et  notamment 
sur  les  relations  chronologiques  du  sable  de  Flandre  et  du  limon  de  la  Hesbaye  (Ann. 
Soc.  géol.  Belg.,  XXV,  1897-ÎIN,  Mém.,  pp.  3-7);  —  Mourlon  (M.),  Les  mers  quater- 
naires en  Belgique,  d'après  l'élude  stratigraphique  des  dépôts  flandriens  et  eampiniens. 
ci  de  leurs  relations  avec  les  couches  tertiaires  pliocènes  (Bull.  Ac  H.  Belg..  XXXII, 
1896.  3'  série,  pp.  671-711);  —  Loriô  (.1.),  Mes  observations  sur  le  système  inos.  en  de 
M.  Mourlon  (Bull.  Soc.  belge  tiéol..  XIV,  1900,  Mém.,  pp.  207-216);  -  Van  Ertborn 
(O.).  Quelques  mots  au  sujet  des  terrains  quaternaires  (Ibid.  XVII.  1903.  l'r.-V., 
pp.  99-112). 

*  Oosselet,  Esquisse,  Quaternaire,  pp.  294-295. 

3  I^adrière  (J.),  Note  pour  l'étude  du  terrain  quaternaire  en  Hesbaye....  etc.  (Ann. 
Soc.  géol.  N.,  XIX,  1891,  pp.  330-344). 


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LE  SOL 


l'énorme  vallée  alluviale  que  l'on  appelle  plaine  do  la  Lys  est  formé  d'un 
limon  jaune  argileux,  peu  perméable,  surmontant  3  à  4  mètres  de  sables 
argileux  verdatres  extrêmement  imbibés  d'eau,  parce  qu'ils  reposent  sur 
l'argile  yprésienne  et  reçoivent  les  eaux  d'infiltration  de  la  Lys,  de  la 
biwe,  et  de  tous  les  ruisseaux  (becques)  et  fossés  qui  sillonnent  le  sol 
horizontal  f. 

L'ensemble  constitue  pour  toute  la  Flandre  occidentale,  (la  Plaine 
maritime  mise  à  part),  un  sol  gras,  assez  argileux,  |>eu  perméable.  L'eau 
n'est  pas  loin  :  l'argile  yprésienne,  à  quelques  métrés  de  profondeur,  la 
retient  en  une  nappe  à  peu  près  continue.  Etant  donné  le  régime  des 
pluies,  qui  entretient  sur  le  sol  une  humidité  a  peu  près  continue,  la 
Flandre  devait  être  naturellement  un  pays  de  forte  végétation,  une  terre 
propre  à  l'herbe  et  aux  arbres.  Dans  les  champs  fraîchement  labourés  les 
grosses  mottes  de  terre  brune,  luisant  au  soleil,  et  semblables  à  des 
écailles  de  tortue,  donnent  une  impression  de  fertilité  puissante,  plus 
apparente  d'ailleurs  que  réelle. 

La  terre  devient  moins  forte  vers  l'Est.  Vers  Staden,  Hooglede,  Roulors, 
Lendelede,  Waereghem,  précisément  aux  points  où  l'argile  vprésienne, 
plongeant  lentement  vers  le  Nord,  disparaît  rons  les  sédiments  paniseliens, 
le  limon  devient  plus  sableux.  Dans  les  champs,  les  sillons  sont  plus  mous, 
plus  effacés;  les  chemins  ont  moins  d'ornières  rugueuses.  Par  des  tran- 
sitions insensibles,  le  limon  argileux  de  l'Ouest  devient  un  limon  sableux, 
puis  un  sable  limoneux,  un  sable  avec  zones  limoneuses,  bientôt  un  sable 
jaune  meuble,  un  sable  quarlzeux  parfois  très  grossier  *  ;  c'est  le  Flandrien 
des  géologues  belges.  De  brun  qu'il  était  autour  de  Cassel  et  d'Ypres,  le 
sol  est  devenu  grisâtre;  de  compact,  meuble.  Dans  le  Nord-Est,  autour 
d'Eecloo,  de  Maldegem,  de  Stekene,  le  vent  l'a  amoncelé  parfois  en  petites 
dunes,  reconnaissables  encore  sous  les  cultures  ou  les  petites  pineraies  qui 
les  escaladent. 

Ce  changement  complet,  ce  passage  du  limon  argileux  au  sable,  no  se 
traduisent  pas  dans  la  végétation  par  une  transformation  radicale.  I/»s 
prairies  sont  moins  nombreuses,  mais  les  arbres  augmentent;  la  Flandre 
sablonneuse  a  l'air  d'une  vaste  forêt.  Seulement  les  grands  ormes,  les 
chênes  qui  garnissent  le  pays  du  limon  sont  remplacés  par  des  végétaux 
moins  puissants,  moins  exigeants,  peupliers  du  Canada,  conifères.  Mais 
rien  n'évoque  l'aridité  à  laquelle  semble  condamné  un  pays  de  sable.  C'est 


«  Gosselet  (J.),  (urographie  physique,  p.  50. 

-  Ces  termes  sont  empruntés  à  la  légende  des  feuilles  «amandes  de  la  carte  géolo- 
gique belge  à  1  :  W.uOO. 


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LE  SOL  QUATERNAIRE 


59 


que  ce  sol  léger  et  meuble  reste  en  réalité  aussi  peu  perméable  que  les 
terres  fortes  de  l'Ouest.  A  une  profondeur  de  quelques  mètres  se  rencontre 
toujours  quelque  lentille  argileuse  qui  arrête  l'eau  :  couches  irrégulières, 
discontinues,  qui  n'empêchent  pas  les  communications  de  s'établir  entre 
les  nappes  superficielles  et  les  nappes  profondes,  mais  qui  retiennent  près 
de  la  surface  assez  d'eau  pour  alimenter  une  végétation  drue,  et  même 
pour  former  quelques  marécages,  quelques  étangs  analogues  a  ceux  de 
la  Campine. 

Flandre  argileuse  à  l'Ouest,  Flandre  du  sable  à  l'Est  ;  c'est  la  vieille 
distinction  politique  de  TOst-  et  de  la  West-Flandre.  Pourtant  le  sol  de 
l'Ost-Flandre  présente  çà  et  là  des  particularités  :  tout  n'y  est  pas  sable.  Il 
est  rare  que  dans  chaque  commune  il  n'y  ait  pas  des  terres  fortes  et  des 
terres  légères.  Le  sable  est  plus  ou  moins  argileux,  plus  ou  moins  agglo- 
méré. Au  delà  de  la  Durme,  la  région  du  pays  de  Waes  tout  entière,  sauf 
une  frange  de  sables  blancs  qui  la  limitent  au  Nord,  se  distingue  de 
l'Ost-Flandre  par  son  sol  limoneux.  Ce  n'est  pas  la  terre  grasse  de 
West-Flandre,  mais  un  limon  sableux,  cohérent,  qui  ferait  songer  à 
l'ergeron,  et  que  les  paysans  appellent  le  leem  ;  il  coïncide  à  peu  près 
exactement  avec  l'extension  en  Flandre  de  l'argile  rupélienne.  A  la  pré- 
sence d'un  sol  plus  fertile  tient  en  partie  la  différence  entre  l'agriculture 
du  pays  de  Waes  et  celle  de  la  Campine  voisine,  que  l'on  oppose  souvent 
l'une  à  l'autre  pour  montrer  la  grandeur  de  l'effort  accompli  par  les 
paysans  Wasiens;  la  nature  a  sa  part  dans  le  résultat  obtenu. 

Sables,  argiles,  dans  des  proportions  diverses,  forment  donc  le  sol  de 
la  Flandre  comme  ils  en  constituent  le  sous-sol;  et  là  où  le  sous-sol  est 
d'argile,  le  terrain  superficie!  est  une  terre  forte,  tenace,  tandis  qu'aux 
sables  du  sous-sol  correspond  un  sol  sableux  et  meuble.  Il  y  a  là  peut-être 
plus  qu'une  coïncidence.  Kn  tous  cas,  ce  ne  sont  pas  là,  d'un  bout  à  l'autre 
de  la  Flandre,  de  ces  riches  terroirs  qui  attirent  l'homme  et  lui  promettent 
des  moissons  abondantes.  Sauf  dans  la  plaine  maritime,  où  une  invasion 
récente  de  la  mer  est  venue  déposer  de  fertiles  alluvions,  il  n'y  a 
rien  en  Flandre  qui  soit  comparable  aux  belles  terres  limoneuses  des  pays 
à  craie,  Hesbaye,  Cambrésis,  Santerre  «.  Il  se  trouva  que  cette  infériorité 
devint  un  avantage.  Pour  vivre,  le  paysan  flamand  dut  engager  avec  son 
sol  une  lutte  d'où  sortit  cette  agriculture  savante  dont  s'est  inspirée  depuis 
toute  l'Europe  occidentale. 


«  Sur  les  dernières  invasions  marinos  en  Flandre,  voir  le  chapitre  VIII,  Formation 
de  la  Plaine  maritime. 


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60  RELIEF.  -  FORMES  DU  TERRAIN 

CHAPITRE  IV 
RELIEF.  —  FORMES  DU  TERRAIN 


I.  As/ifcl  et  oriyines  du  relief.  L'ancien  plan  incliné.  Les  collines.   Hypothèse  des 
Cuestas.  Rôle  dos  collines.  —  II.  Les  formes  du  terrain.  Les  sables.  Les  argiles. 

I. 

ASPECT  ET  ORIGINES  1)1  '  RELIEF. 

Le  sol  formé  de  ces  luttes  outre  terre  et  mer  qui  se  poursuivant  dans  le 
bassin  anglo-flamand  pondant  toute  l'époque  tertiaire  et  jusqu'à  la  période 
historique,  n'est  guère  composé  que  de  sédiments  tendres  et  mous,  argiles 
plastiques  ou  sableuses,  sables  fins  ou  grossiers,  dépôts  de  mors  peu 
profondes.  Los  roches  dures,  qui  donnent  les  beaux  reliefs,  sont  inconnues 
on  Flandre  ;  h  peine  trouve-t-on  dans  les  sables  quelques  bancs  do  grès, 
peu  épais  et  discontinus  ;  et  c'est  encore  l'argile,  avec  ses  fortes  couches 
compactes,  qui  résiste  le  mieux  à  l'effort  dos  eaux.  A  s'attaquer  à  do  pareils 
matériaux,  l'érosion  avait  beau  jeu  ;  peu  s'en  fallut  qu'elle  no  fit  place  nette. 
En  tous  cas  elle  a  si  bien  travaillé  qu'elle  a  fait  do  la  Flandre  un  dos  pays 
les  plus  plats  de  l'Europe,  et  qu'elle  n'y  a  laissé  que  dos  débris  do  hauteurs, 
témoins  do  l'effort  accompli.  Aucun  point  qui  atteigne  une  altitude  de 
200  mètres;  à  peine  quelques  sommets  de  collines  s'élèvent-ils  pénible- 
ment à  loi)  mètres  ;  pas  plus  de  cinq  ou  six  La  surface  occupée  par  dos 
altitudes  égales  ou  supérieures  à  100  mètres  se  réduit  à  une  quarantaine 
do  kilomètres  carrés  sur  une  superficie  totale  d'environ  10.000.  On 
peut  dire  que  toute  la  Flandre  est  inférieure  à  l'altitude  100  mètres  ; 
môme  à  l'altitude  80  mètres,  presque  aussi  rarement  atteinte.  I,a  courbe 
de  niveau  de  40  mètres  n'entoure  encore  que  lOiO  kilomètres  carrés, 


•  Mont  Oassel  :  17M  m /•très  :  Moni  des  Oats,  Hi8  mètres  :  Mont  Noir,  1.72  ;  Mont 
Kemmcl,  lîifi  :  l'ottclberg,  1.77;  Mont  de  l'Hntnnd  et  Mu/.iek  lierg.  1.7);  ces  trois  derniers 
dans  les  collines  de  Renaix.  Les  altitudes  des  collines  belges  sont  prises  d'après  la  carte 
topographique  à  1  :  W.000  ;  rapportées  au  zéro  d'Osiende,  elles  sont  inférieures  de 
l"\4(Jû5  à  celles  de  la  carie  française  à  I  :  80.000.  Les  chiffres  donnés  par  cette 
dernière  carte  sont  inexacts,  en  particulier  pour  Cassel,  dont  l'altitude  véritable  est 
17H".rj0;  c'est  le  point  le  plus  élevé  du  territoire  flamand.  —  Cf.  Cantincati  (E.),  Cassel, 
Noies  archéologiques  et  Déductions  historiques.  (Bull.  Comm.  H.  N.»  XXVI,  1904). 


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L'ANCIEN  PLAN  INCLINÉ 


61 


c'est-à-dire  le  dixième  seulement  île  la  Flandre.  Il  faut  aller  jusqu'à  la 
cote  20  pour  trouver  un  territoire  étendu  ;  et  pourtant  beaucoup  de 
parties  descendent  plus  bas  encore  ;  toute  la  plaine  maritime,  un  territoire 
de  2.500  kmq.,  se  trouve  environ  de  1  à  i  mètres,  c'est-à-dire  au-dessous 
du  niveau  des  hautes  mers. 

Cependant  cette  Flandre  d'une  altitude  moyenne  si  peu  considérable  est 
beaucoup  plus  pittoresque  et  accidentée  qu'on  ne  pense.  Hors  de  la  plaine 
maritime,  l'aspect  est  souvent  moins  uniforme  que  celui  des  plateaux 
brabançons  malgré  leur  altitude,  ou  que  celui  du  Cambrésis,  avec  ses 
longues  croupes  nues,  entaillées  de  vallées  invisibles.  Dans  l'Ouest  surtout, 
ce  ne  sont  que  collines,  ravins,  vallons.  Si  les  cotes  d'altitude  restent  peu 
élevées,  elles  diffèrent  «ans  cesse.  C'est  un  relief  en  miettes,  mais  dont  les 
miettes  sont  semées  partout.  Y  première  vue,  rien  de  plus  confus  que 
l'orographie  flamande.  Les  plus  hautes  altitudes  voisinent  avec  les  plus 
basses.  Vers  l'Ouest,  presqu'au  pied  des  collines  de  Cassel  s'étend  la  large 
plaine  de  la  Lys,  dont  l'altitude  moyenne  n'est  guère  que  de  20  mètres;  la 
rivière  et  ses  affluents,  Lawe,  Nave,  Clarence,  en  débouchant  de  l'Artois, 
ont  creusé  dans  la  glaise  yprésienne  cette  vaste  dépression  limitée  par  un 
rebord  argileux  de  10  à  15  mètres,  qui  se  suit  d'Aire  à  Hazebrouck, 
Bailleul  et  Ploegsteertt  de  La  Bassée  à  Fromelles  et  Pérenchies  De  leurs 
150  mètres,  les  collines  deRenaix  dominent  la  vallée  de  l'Escaut,  qui  n'en 
a  guère  que  13.  Jusqu'à  l'autre  bout  de  la  Flandre  se  succèdent  dépres- 
sions et  hauteurs,  et  le  pays  de  Waes  s'élève  encore  jusqu'à  la  cote  33  mètres 
au-dessus  des  plaines  basses  du  Nord.  Même  variété,  au  premier  coup 
«l'œil,  dans  la  direction,  l'orientation  de  ces  traits  du  relief  :  collines  E.-W., 
N.-S.,  N.E.-S.W.,  les  unes  isolées,  les  autres  en  chaînons,  d'autres 
alignées.  Relief  confus,  dont  la  faible  altitude  augmente  le  caractère 
incertain. 

L'ancien  plan  incliné. 

Le  premier  trait  qui  se  dégage  de  cette  complexité,  c'est  l'existence  d'un 
plateau  en  ruines  dans  la  partie  orientale.  Tandis  qu'à  l'Ouest  l'Artois  est 
séparé  des  hauteurs  flamandes  par  un  large  fossé  à  peine  interrompu,  le 
plateau  brabançon  se  continue  au  delà  de  la  vallée  de  la  Dendre.  Il  est  vrai 
qu'on  l'y  retrouve  fortement  endommagé.  Entre  la  Dyle  et  la  Senne,  ce 
plateau  est  à  peu  près  intact,  malgré  les  vallées  qui  l'entaillent.  De  la  Senne 


«  Voir  phot.  3. 


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62  RELIEF.  -  FORMES  DU  TERRAIN 

à  la  Dendre,  les  vallées  élargies  dans  l'argile  yprésienne  occupent  déjà  au 
moins  autant  de  place  que  le  plateau  ;  au  delà  de  la  Dendre,  il  ne  reste  du 
plateau  que  des  lambeaux,  des  îlots  élevés  autour  desquels  les  vallées  se 
rejoignent.  Mais  l'allure  générale  reste  la  même.  L'altitude  décroît 
rapidement  de  Renaix  vers  Wetteren,  suivant  l'inclinaison  des  couches 
tertiaires  vers  le  Nord,  qui  fait  descendre  l'argile  asschicnne,  par  exemple, 
de  120  mètres  dans  les  hauteurs  de  Renaix  à  25  métrés  vers  Alost. 

Cette  inclinaison  générale  vers  le  Nord  et  le  Nord-Est  donne  aux  vallées 

du  pays  d 'Alost  une  forme  carac- 
téristique. Leurs  bords  sont  nette- 
ment dissymétriques:  le  flanc  Est 
ou  Nord  est  raide,  la  pente  y  est 
brusque,  quelle  que  soit  la  nature 
des  sédiments  qui  la  constituent  ; 
les  flancs  Sud  et  Ouest  sont  aplatis, 
et  descendent  doucement  vers  le 
thalweg.  On  peut  reconnaître  dans 
cette  disposition  le  phénomène  qui 
se  produit  régulièrement  dans  les 
vallées  parallèles  à  la  direction  des 
strates  inclinées  1  ;  mais  il  est  pro- 
bable que  l'exposition  des  versants 
par  rapport  aux  vents  dominants 
en  est  la  cause  principale.  Abrité 
des  vents  pluvieux,  le  versant  Ouest 
a  peu  à  peu  adouci  et  régularisé 
son  profil,  tandis  que  le  versant  oriental  était  rajeuni  par  l'érosion  subaé- 
rienne. I^a  vallée  du  Molenbeek  à  Moortzeele,  et  particulièrement  celle 
de  l'Escaut  à  (lavere,  offrent  de  cette  disposition  des  exemples  caracté- 
ristiques. (phot.7.) 

A  l'Ouest  de  l'Escaut,  la  proximité  de  deux  grandes  rivières  a  rendu 
l'érosion  plus  active  ;  on  ne  retrouve  plus  les  assises  supérieures  de  l'ancien 
plateau.  Déjà  le  manteau  de  sables  diestiens  était  à  peu  près  disparu  entre 
Escaut  et  Dendre:  ici  les  couches  parisiennes  ont  eu  le  même  soi  t,  et  leurs 
débris  ne  couronnent  plus  les  sommets;  à  peine  croit-on  apercevoir  dans 
les  graviers  de  faite  d'une  colline  quelques  traces  de  sables  laekeniens.  Ce 
n'est  guère  que  l'ossature  du  plateau  qu'on  retrouve  dans  la  ligne  de 


1  La  Noé  et  Margerie,  Les  formes  du  terrain  (Paris,  Imp.  nat.,  1888),  pp.  28-29;  — 
de  Lapparent,  Leçons  de  Géographie  physique  (Paris,  Masson,  18516),  p.  110. 


K<  helle  de  I  :  44MKM).  F.quldfslaiir*  de*  murlies  :  I". 


Fig.  10.  —  Type  de  vallée  du  paysd'Atost 
aux  flancs  dissymétrique*  :  vallée  du 
Molenbeek  à  Moortzeele  (feuille  fiaud 
de  la  carte  belge  a  1  :  40.000).  Cf.  phot.7. 


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LES  COLLINES 


03 


hauteurs  paniseliennes  dont  le  faite  atteint  83  mètres  près  d'Anseghem. 
(Répondant  on  y  découvre  encore  les  traits  caractéristiques  de  l'orographie 
brabançonne,  la  des-     sw  y t: 

cente  rapide  vei*s  le 
Nord  :  de  83  mètres 
à  Anseghem,  on  des- 
cend à  60  mètres  vers 
Cruyshaulem,  et  à  11 

mètres    à    Nazareth:      Échelle  de*  longueurs  l  :  lfl.000.  Échelle  des  hauteurs  1  :  î.ooo 

72  mètres  (le  pente  Yw.  11.  —  Profil  Me  la  vallée  de  l'Escaut  :  flancs  dissv- 
pour    15   kilomètres.       métriques  (feuille  (iaml  de  la  carte  belge  à  1  :  iO.OOM). 

Au  delà,  il  ne  reste  du  plateau  qu'un  témoin  très  isolé,  la  colline  St-Pierre 
à  Gand,  dont  l'altitude  maxima  n'atteint  pas  25  mètres,  mais  qui  a  gardé, 
à  cause  de  sa  latitude  plus  septentrionale,  le  revêtement  de  couchas 
{wrisiennes  disparu  au  Sud. 

Le  plateau  se  continuait-il  à  l'Ouest  de  la  Lys  ?  \p  relief  actuel  n'en  ferait 
pas  soupçonner  l'existence.  Les  collines  capricieusement  disséminées  à  la 
surface  du  pays,  les  dépressions  jetées  au  travers  des  rangées,  ne  font  guère 
songer  à  l'ancien  plan  incliné  qui  descendait  de  l'Artois  vers  la  dépression 
hollandaise.  Cependant  on  peut  observer  la  décroissance  des  hauteurs 
vers  le  Nord  ;  les  collines  de  Cassel  atteignent  et  dépassent  150  mètres  ; 
celles  de  Thielt  arrivent  péniblement  à  50,  celles  de  Somergem  et  Ursel  se 
tiennent  au-dessous  de  30.  O  premier  indice  de  l'existence  de  l'ancien 
plateau  est  confirmé  par  la  structure  géologique  des  collines.  Les  mêmes 
couches  qui  ne  montent  guère  qu'à  20  mètres  à  Ursel  (Asschien)  sont  à 
I  i0  mètres  à  Cassel  ;  celles  qui  forment  le  sommet  des  hauteurs  de  Thielt 
se  trouvent  au-dessus  de  100  mètres  dans  les  collines  du  Sud  (Faniselien). 
L'identité  (stratigraphique  et  paléontologique)  des  couches  retrouvées  à 
Somergem  comme  à  Cassel  atteste  l'ancienne  continuité,  par  dessus  les 
plaines  d'aujourd'hui. 

Les  collines. 

Cinq  alignements  principaux  peuvent  s'observer  parmi  cetéparpillement 
de  collines,  et  groupent  les  éléments  échappés  à  l'érosion.  Le  premier  est 
constitué  par  les  hauteurs  du  Sud,  de  Watten  à  Renaix  ;  le  second  par 
celles  qui  vont  de  Dixmude  à  Thielt;  le  troisième  forme  le  flanc  Sud  du 
plateau  de  Wynendaele,  le  quatrième  s'étend  entre  Bruges  et  Somergem  ; 
le  cinquième  borde  au  Sud  le  pays  de  Waes.  Tous  sont  remarquablement 
parallèles  entre  eux,  et  orientés  presque  exactement  Ksi-Ouest. 


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(V, 


RELIEF.  -  FORMES  M'  TERRAIN 


La  première  ligne  de  collines  s'accroche  à  l'Artois  à  l'endroit  où  la  petite 
rivière  de  la  Hem  entre  dans  la  plaine  maritime.  Elle  débute  par  la  hauteur 
argileuse  qui  porte  la  foret  d'Eperlecqucs,  et  dont  le  point  culminant 
s'élève  à  95  mètres.  Coupée  à  Walten  par  la  vallée  de  l'Aa,  dépression  d'un 
kilomètre  de  large,  la  colline  retrouve  aussitôt  après,  au  mont  de  Watten, 
l'altitude  de  72  mètres  qu'atteint  également  la  hauteur  du  Halemherg.  au 
delà  delà  dépression  où  naît  l'Yser  (environ  30  mètres).  Après  la  petite 
vallée  de  la  Peene,  <  >n  remonte  au  delà  de  17!  )  mètres  à  (  Missel,  à  1  i  1  mètres 


BcIh-IIc  dr  1  :  WO.OOO.  KqaidlitaDr*  df.s  ronrbr*  :  a»  m. 

Fu».  12.  —  Litfne  dos  collines  de  C.issel  à  Kemmel. 


au  mont  des  Récollets;  puis  par  les  collines  de  St-Sylvestreet  d'Eecke,  on 
atteint  le  mont  des  Cats,  qui  s'élève  à  168  mètres.  I,à  commence  une 
véritable  petite  chaîne  (collines  de  Railleul),  qui  se  poursuit  par  les  monts 
de  Boeschepe  (137  mètres),  Kokereel  (UG  mètres),  Noir  (152  mètres), 
Vidaigne  (135  mètres),  Rouge  (140  mètres),  Kemmel  (156  mètres),  collines 
pittoresques  séparées  par  de  petites  dépressions  dont  l'altitude  ne  descend 
pas  au-dessous  de  70  mètres.  D'autres  petites  hauteurs,  Mont-Aigu 
(125  mètres),  Ravetsberg  (77  mètres),  etc.,  flanquent  au  Nord  et  au  Sud  la 
chaîne  principale,  et  donnent  à  ce  coin  de  Flandre,  avec  ses  bois  de  coni- 
fères, l'aspect  d'un  petit  massif  montagneux.  A  l'Est  de  Kemmel,  l'altitude 
moyenne  décroît  :  81  mètres  à  Wytsehaete,  65  mètres  à  Messines  ;  puis  la 
descente  se  précipite  avec  la  vallée  de  la  Lys  jusqu'à  la  cote  13  à  Comines. 
On  pourrait  croire  que  la  ligne  de  collines,  à  la  hauteur  d'Ypres,  change 
de  direction,  et  se  continue  par  les  plateaux  de  50  à  00  mètres  qui 
s'étendent  vers  le  Nord-Est,  dans  la  direction  de  West-Roosebeke  et 
Staden.  Mais  on  ne  tarde  pas  à  retrouver  l'ancien  alignement  au  delà  de 
la  vallée  creusée  par  la  Lys.  Juste  à  l'Est  de  Kemmel  et  Messines,  derrière 
Comines,  l'altitude  remonte  à  64  mètres  au  mont  de  Wervieq,  à  69  mètres 
au  mont  d'Halluin  (hauteurs  du  Ferrain).  Ce  n'est  plus  la  chaîne  régu- 
lière de  Bailleul,  et  les  collines  sont  fortement  oblitérées  ;  mais  la  direction 


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,!<!••  .«*  !i   iii>>!il  .'«s  sV'li»v««  à  i(N  itu'livs,  \J%  r-i»:i«]ji**ij«*(*  un»1 

v«*Hï»il»li*  j^îi*1'  <•!•  l'ni»'  '<  < |»>  S bti i * >,  «ji<i  s»;  [M'induit  uni  l«*s  i:ioiil> 

d<»  i'i-i.'sih»  j.r  .!!'?  iii«î  i*sï,  l\i.k,«,,*I  {îlt>  uu*rn*>h  Ni'is*  <!">**  ui«',ir<s». 
\  id.tiuiu' il T. ui  'i!"s\  lï-'uu^  il  i1'  n»»,l,"*,Si, Ki'iiiiiif*l  (!"><'•  iu»'I:(kK  i'«'lJ:ues 
nilt >i'i'siju<«s  <»<  •  >'*•>  par  do  pi  iit"^  r|/ij»r»"*sii»ii*î  î  îi'îiiii'îi'  h**  dp^'ond 
tias  H'i-ilf^oiï^  «li*  7«>  uwln'S.  1  >*:m ! t-«*<5  |u  til«  s  ha<itonrs.  Mon»  -Ai^u 
|!?T»  UiAl  i>«s),  H;i\'»H«f«'iy  (77  MiAWvsi.  «•*.<•..  lKili:{U<>tll  ,iu  Nold  M  an  Sial  ta 
rli  iîîK1  |ir<ua'i[Kili\  »'t  iKiïjnout  à  r-nn  «I»*  Htturi'v,  avivai  s  lmis  «!.•  i<>ni 
foifîjs  Ta  ;-:t  d'un  mf.s^if  monlatr.nMix.  A l"Kî*t  Ki'iuiiifdJ'ïdtHjdo 
m«*y*si'.»'  iliVroil  :  Si  môhi's  à  \V\Ni  liaot*»,  *ITi  hîmIivs  à  Mi^sMUok;  jHii.>  la 

•  I»  m  <ik  |»»iVj|.itii  avn"  la  Viili»'«*»K  »a  f.yHjl>qu'A  la  l'nle  l'ï  à  ('miiitii**. 
{"••.      •  ait  frifir»*  <p*i»  lit  l'^H''  «li»  fvllir.i"v  à  la  li:ii!l'%«if  d*Yj*iv>,  <  îian^i' 

•  i        >••  hou.  «>t  s»î  r.'otlîitma  |%ir  1» *s  "la'i'dUX  <lo       A  <h»  ini't.v>  <;in 

*  ul  vi-rs  N»  S»rc'-K>t,  i!:ii:s  la  tlin^tinii  île  V. '«st -Huos^ln-k  »  M 
...  M.i»S"ii     ta t- le  pas  A  r*.'ln>.i\ .*:•  l'aii«  i«Mi    l-s.Tn«*ii»^ïil  au  <lvlà  «î»k 
ii/Hi  ■»tvu«'m<       la  I,yà.        à  l'Kst  ilo  Ki'înna'l  t»l  Mi*NNiin«s,  ilfii'rii*ftrt> 
.i  iM*s,  I';,liitt..]i  n-Hinnl»»  nlti  luotr*1»  an  niuril  «le  W'rrvi-  ij,  a  (55)  m^tii  s 

•  .  (I  llaUuîn  i»  ;*uU'urs  du  F^rruliO.  lîc  n'<  ^t  |d»i«  la  f-haun*  iv-n- 
..  i1»»     î'aiiit'al, el      ^miies  M-nt  f-  •  l«ru»*jiî  iiliHll'1'*»*  ;        la  dii'CcUxii 


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4  —  Vue  d»n»  la  région  de»  colline»  :  Fltnc  »ud  du  Mont  Vidaigne. 


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.       s'  i< 'i'n "  Ij»  à  !'.\"f<«i- A  J'i'htl;»»»!  "ù  l;i  [H'l'îi* 

;        «i  J-  jh-i  ,  t*\  i|i>nl  [m  [ii mit  rul'umuul 

"t  \\  ,nh-'i  j»,n •  »♦«!♦•  I*  Vil,  i!ra]i'*^si<tii<rnji 

'  ivf.u      :iit>si|t»t  ;i'»p''ï»,  au  iii'»i't  il.-  W.illi'H, 

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i  '       Mi-'iil  dfs  M'H  s*«"  tt*-  \  •*  à  liw  in  tri  s.  lii  niiuifH'iii**'  1 1 1 1  «  - 

\i*r:ï*ilu»'  ji»'':t«*  i*i  diu*  •».!;m,s  il,iii!.-ult.  qui  se  poursuit  par  l»  s  munU 
do  lîi  i*s**lh  ji»'  A'.'l  ini'l  ik),  Kil  ■  «'•■I  (110  ihiliv**),  N«*ir  il*V2  nit'ln»»!, 
Viddiulii'il'iTi  nir*ïi>»s*,  li-iuii*'  (1  i*1  ni4»l'vtfu  Koiijiiiid  (l'^i  iiii'tr  osl,  n >1!:ih*$ 
|»«lt  >r«>M|U(ks  >'-p.i !•'■(*>  |i;ti  d?  |»<  ti'»'s  i!Aiiri,*fsiiiiis  d-uM  j':'Milii*if  n»*  dt'v»»îii1 
«'a*!  ii'i-'i» «s«inis  il»»  ?*•  Mi''lri'S.  h'riiili'"^  pfj:t<'.s  tuiuli'urs,  \!"iil-.\i^u 
ll'£î  ui,'*tr«*sl,  Ka*H^ ■••l'rjr  i,77  Ul»!-«»iK  <»U*.,  tiaiiqilt'tll  au  Nord  »*t  ;iu  Sud  l;i 
ru  |îî«i'  pr«li»*il«d*\  «'t  tloUTii'til  'i  •  r«»!li  d«  ï*î«iiidi'**,  uvit  m-s  b<»is  d1*  f*i»lli- 
fi'*''A  .  1*;.      •  d'u*!  [h  (il  m;  »s*if  'uout'it:  -'ux  A  l*Ksl  de  fwiimi'l,    1  î î * u * |.» 

U\<  \-  »'•••  «1  •  1  •  H  i  "»n *t •»  :\  \\"\{\'  haf't",  if»  ï|M»li>»S  à  \li«SSIHi'S  ;  puis  la 

■  ii s»«  •  <•  '.i  '.;ii. \i  ï .  »*s  j  i  .*■«]  i  i*à  ].»  i*m!o  13  A  (  1*  i|]Jllit*!H. 

•  -  >i  ,#*  h.  I               :  .       à      IkiIiI»  «ît  d'Vpn*>.  <  mîmi^'» 

■;  •         •   •          •  »  »  '  't..'*  j  .•    '  ■»  l'tMiit       îjii  A  C»« >  ui»'  l.«  s  ipii 

-    '«•  s«   '     i    I,  »!  -i  *   I.»  itll *•«  U"'H  dô  V.'i»sl  II.» »M*b«  k''  »»| 
.  -i         <       ,  •■  ■.».''*•  !•:•>.  ^  '••  •'•  i\ l\»M«'H*n  id»jfil*'U'**lM  Jt'l  d»'lit 

\i         •      »•'•»  .     U*  1  ,».•>.  .h      i  l'Kst  iîtr  K"uiiii«-1  «'1  M»S"i»i»'s,  d^niôn' 
1  .««in:;  i r  .liil  .  !•  ri'îni-idH  à «'  •  :nrli*^>  au  iik \\c  WVî'vi'  i|,  ;'i  ii!»  HiAln  s 
tzinut  <l  i'iiUii'ii  ii.:iu!i'iir>  du  I*»ir»'iiinl,  lie  u'»'^!  plus  lu  cliaiui'  iv^u- 
li''  in>  di>  j\ûllr*ulf  el  it»s  '  •  »lï lit'-s  .-•••ni  r<#i,t«*H"«*iii'»blil(,iVf*«  ^  ri»;u>  la  diiocli<>n 


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4  —  Vue  dan»  la  région  de»  collines  :  Flanc  sud  du  Mont  Vidaigne. 


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LES  COLLINES 


05 


J 


■S 


persiste,  et  se  continue  onRelgique  par  les  collines  de  Mouscron  (71  métros), 
de  lielleghem  (65  mètres)  et  los  croupes  de  70  à  75  mètres  qui  s'allongent 
au  Nord  de  St-Genois.  Si  la  vallée  de  l'Escaut  creuse  au  delà  une  nouvelle 
dépression  qui  descend  jusqu'à  la  cote  11,  la  chaîne  se  relève  aussitôt  à 
droite  du  fleuve  pour  former  la  belle  arête  des  collines  de  lienaix,  où  l'al- 
titude, sur  une  longueur  de  18 
kilomètres,  ne  descend  qu'une 
fois  au-dessous  de  100  mètres. 
Au  delà,  l'alignement  se  confond 
désormais  avec  ce  qui  reste  du 
plateau  brabançon.  Par  sa  lon- 
gueur, de  Watten  à  Ellezelles, 
par  la  hauteur  de  ses  sommets, 
c'est  la  plus  caractéristique  des 
lignes  de  collines  flamandes. 
C'est  sur  ses  parties  élevées,  à 
Watten,  à  Cassol,  dans  le  groupe 
do  Bailleul,  au  montd'Halluin  et 
vers  Henaix,  que  l'on  a  retrouvé 
les  rares  sédiments  pliocènos  qui 
aient  survécu  à  la  grande  éro- 
sion «.  Au-dessous  s'étagent  les 
sédiments  Parisiens,   de  l'Ass- 
chien  au  Laokenion,  (argiles  et 
sables),  puis  les  sables  glauconifères,  marnes,  argilitos  et  argiles  du 
Paniselien,  enfin  TYpresien,  avec  son  argile  compacte,  véritable  base  de 
toutes  ces  hauteurs. 

Une  seconde  rangée  de  collines,  d'une  altitude  assez  égale,  mais  bien 
inférieure  à  la  première  en  longueur  et  en  hauteur,  commence  au  bord  de 
la  plaine  maritime  à  Dixmude;  de  41  mètres  à  Cloreken,  4i  mètres  à 
l'Ouest  de  Staden,  elle  atteint  au  delà  de  la  dépression  de  Staden  50  mètres 
à  Hooglede,  40  mètres  au  (iitsberg,  40  mètres  vers  Coolscanip,  50  mètres 
à  Eeghem,  51  mètres  à  Thielt,  enfin  38  mètres  à  Aerseele,  au  delà  duquel 


Kchello  de  1  :  M.nuu.    EqiildUiance  de»  rourlw»  :  t  m. 

Fkj.  13.—  Hauteurs  du  Ferra in  (Mouscron). 
l'ente  douce  vers  le  N.-E.,  rai. le  vers  le  S.-W. 


«  L'abondance  d'éléments  ferrugineux  dans  ces  sables  diestiens  semble  indiquer  que 
les  sommets  actuels  des  collines  diestiennes  étaient,  a  la  surface  du  continent  post- 
diestien,  des  parties  basses,  des  synclinaux,  le  fer  ne  pouvant  venir  que  du  liant.  Si 
Ton  trouve  dans  les  sables  sous-jneents  «les  failles  qui  donnent  à  la  colline  actuelle 
une  apparence  anticlinalo,  ces  failles  résultent  seulement  du  tassement  opéré  par  les 
infiltrations.  Les  collines  seraient  «loue  d'anciens  synclinaux  du  plateau  pliocène. 

0 


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m 


RELIEF.  -  FORMES  DU  TERRAIN 


tout  relief  disparaît.  D'Arsoele  à  Dixmudo,  la  rangée  n'a  guère  qu'une 
quarantaine  de  kilométras  :  peu  de  chose  à  côté  des  collines  du  Sud,  dont 
l'alignement  s'étend  à  travers  toute  la  Flandre.  Mais  les  formes  aussi  sont 
différentes  ;  les  pentes  sont  douces  ;  tandis  que  le  socle  est  presque  aussi 
large  que  celui  das  collines  du  Sud,  l'altitude  des  sommets  est  trois  fois 
moindre.  I,a  déclivité  est  un  peu  plus  prononcée  vers  le  Sud,  c'est-à-dire 
vers  la  vallée  de  la  Mandel,  que  vers  le  Nord.  De  môme  pour  le  petit 
massif  de  collines  de  Wynendaele,  séparé  de  celui  d'Hooglede  par  la 
dépression  de  l'Handzaeme  ;  la  longueur  n'en  est  guère  que  de  13  kilo- 
mètres, l'altitude  maxima  de  51  mètres  ;  lui  aussi  descend  vers  le  Nord-Est 
en  pente  douce,  tandis  qu'il  se  termine  vei-s  le  Sud  par  un  petit  abrupt. 

Le  relief  de  la  quatrième  rangée  de  hauteurs  est  encore  plus  insignifiant. 
Ce  ne  sont  plus  des  collines,  mais  une  ondulation  douce,  en  grande  partie 
boisée.  De  7-8  mètres  dans  les  champs  du  Heverhoutsvcld,  à  l'Est  de 
Bruges,  le  sol  s'élève  ;'i  ',J5  mètres  près  d'Oedelem,  et  reste  à  une  hauteur 
moyenne  de  mètres  jusqu'à  Soinergem  ;  quelques  buttes  atteignent 
•J9  mètres.  Partout  ailleurs,  il  serait  ridicule  de  s'occuper  de  pareilles 
montagnes;  mais  au  milieu  de  cette  région  dont  l'altitude  moyenne  est 
de  10  mètres,  une  élévation  de  10  mètres  paraît  notable,  surtout  lorsque 
le  sol  y  diiïère  île  celui  de  la  plaine;  au  milieu  de  l'étendue  sableuse,  «  es 
hauteurs  portent  des  plaques  d'argile  asschieune  et  tongrienne,  sur 


Ti,u.in„i..  «ï,l„s,  n.peluMm,).  particulièrement  nette  ,  dans  la 


dernière  rangée  de  hauteui'S.  La  Durme,  dans  son  cours  inférieur,  et  à  sa 
suile  l'Escaut,  de  Thielrode  à  Rupelmonde,  sont  bordés  à  gauche  par  un 
coteau  au  relief  accusé,  d'une  altitude  très  égale  :  30  à  .'£>  mètres  à  l'Ouest, 
(vers  Waesmunsler),  S)  à  30  mètres  à  l'Est.  !>'  point  culminant  atteint  35 
mèti-es.  Au-dessus  de  la  basse  vallée  dont  les  prairies  sont  à  la  <M>te  J  mètres, 


Krlifllr  île  I  :  tu.lNNi.     Éi|uldUUDce  de»  fourbe»  :  1  m. 

Fio.  l'i.  —  Rt'bun!  du  pays  \Y.u>s 


Cette  forme,  on  la  retrouve, 


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LES  COLLINES 


«7 


le  coteau,  rapidement  dressé,  a  quelque  allure*  ;  il  ferait  penser  parfois  à 
certains  rebords  de  la  vallée  de  la  Loire,  vers  Blois.  Ce  qui  augmente  la 
ressemblance,  c'est  que  la  falaise  est  bien  un  rebord,  et  que  derrière  on 
trouve  une  plaine  descendant  vers  le  Nord  d'une  pente  insensible: 
18  mètres  à  St-Nicolas,  5  mètres  à  St-Gilles  ;  25  mètres  de  pente  pour 
12  kilomètres.  \je  pays  de  Waes  forme  donc  bien  un  plateau  qui  s'abaisse 
dans  le  sens  de  l'inclinaison  des  couches,  et  dont  le  bord  Sud  se  relève  en 
forme  d'abrupt  au-dessus  de  la  dépression  de  l'Escaut-Durme. 

En  dehors  de  ces  alignements  de  collines,  il  reste  peu  de  chose.  Dans 
la  Flandre  française  s'étendent,  au  Nord  de  Watten,  du  Balemberg  et  de 
(lassel,  quelques  ondulations  pittoresques,  dont  la  hauteur  varie  de  40  6 
60  mètres;  orientées  vers  le  N.-E.,  par  Bollezeele,  Zeggers-Cappel,  d'une 
part ,  par  Winnezeele  et  Poperinghe  de  l'autre  (62  mètres  près  de  l'Abeele), 
elles  représentent  bien,  par  leur  allure,  et  leur  direction,  des  débris  très 
endommagés  de  l'ancien  plateau,  abrités  derrière  les  collines.  Il  semble 
qu'il  en  soit  de  môme  pour  la  ligne  de  hauteurs.qui  joint,  à  l'Est  d'Ypres, 
les  collines  du  Sud  à  l'alignement  Dixmude-Hooglede.  Elles  se  relient  vers 
Wytschaete,  par  des  altitudes  d'environ  55  mètres,  aux  massifs  inter- 
rompus par  la  vallée  de  la  Lys,  et  se  dirigent  vers  le  Nord-Est  ;  la  hauteur 
passe  de  64  mètres  vers  Gheluwelt  à  50  mètres  (Becelaere),  56  mètres 
(Zonnebeke),  55  mètres  (Passchendaelo),  49  mètres  (West-Roosebeke),  et 
rejoint  par  40  mètres  environ,  à  Staden,  les  collines  venues  de  Dixmude. 
Donc  encore  une  légère  pente  vers  le  Nord.  On  a  presque  toujours  été 
tenté  de  considérer  ces  collines  comme  le  prolongement  du  massif  de 
Kemmel,  et  de  faire  de  l'ensemble  un  vaste  demi-cercle  de  hauteurs, 
entourant  de  Steenvooitleà  Dixmude  un  large  amphithéàtre-au  fond  duquel 
est  assise  la  ville  d'Ypres.  On  a  vu  qu'il  y  a  bien  plutôt  là  au  Nord  et  au 
Sud  deux  alignements  parallèles  ;  quant  à  la  chaîne  de  jonction,  sa  pente 
vers  le  Nord,  son  orientation,  la  font  ressembler  aux  collines  d'Anseghem  ; 
comme  elles,  elle  doit  représenter  un  fragment  du  plateau,  plus  endom- 
magé que  le  fragment  d'entre  Escaut  et  Lys,  mais  mieux  conservé  que  les 
collines  de  Poperinghe  et  de  Bollezeele.  Os  hauteurs  d'Anseghem, 
d'Ypres,  de  Poperinghe  et  de  Bollezeele  représentent  donc,  en  dépit  des 
dénudations  qui  les  ont  mutilées  et  séparées  parfois  des  massifs  voisins, 
la  pente  douce  vers  le  Nord  des  grandes  collines  Watlen-Renaix.  Elles 
sont  au  mont  Cassel,  au  massif  de  Bailleul,  aux  collines  de  Mouseron,  ce 
que  le  plateau  d'entre  Escaut  et  Dendre  est  aux  monts  de  Renaix.  Par  là 
cet  alignement  méridional,  malgré  ses  dimensions  plus  considérables, 
ressemble  aux  autres  rangées  de  collines,  qui  ont  toutes  leur  plus  faible 
pente  dirigée  vers  le  Nord.  Il  est  facile  d'en  conclure  que  toutes  les  collines 


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RKLIKF.  -  FORMES  DU  TERRAIN 


flamandes  no  sont  que  les  rebords  méridionaux  do  fragments  plus  ou 
moins  intacts,  et  généralement  très  endommagés,  du  grand  plan  incliné 
d'autrefois. 

Hypothèse  des  Ou  estas. 

Cette  constatation  est  très  importante  pour  l'explication  du  relief  de  la 
Flandre.  Kilo  permet  d'éliminer  les  vieilles  hypothèses  qui  attribuaient 
à  des  phénomènes  éruptifs  ou  à  d'autres  causes  profondes  la  formation  des 
collines1.  Le  parallélisme  des  lignes  de  faîte,  la  présence  uniforme  de 
pentes  douces  vers  le  Nord,  rnides  vers  le  Sud,  et  surtout  la  comparaison 
des  superpositions  stratigraphiques  montrent  clairement:  d'abord  qu'il  n'y 
a  là  que  des  témoins  dus  a  l'érosion  ;  ensuite  que  les  collines  flamandes 
sont  l'équivalent  imparfait  des  crêtes  concentriques  du  bassin  de  Paris.  Ce 
dernier  point  a  été  démontré  récemment  à  propos  de  la  rangée  des  collines 
méridionales*  ;  cette  ligne  de  faite,  toute  tronçonnée  et  irrégulière  qu'elle 
est,  paraît  bien  une  de  ces  cuestas  dont  la  formule  a  été  donnée  par 
M.  Morris  Davis.  L'origine  d'une  cuesta  est  due  à  la  présence,  dans  une 
plaine  peu  inclinée,  d'affleurements  successifs  de  couches  cohérentes 
plongeant  dans  la  même  direction  ;  la  tranche  de  ces  couches  mises  à  nu 
par  l'érosion  forme  autant  de  crêtes,  tandis  que  sur  le  plat  s'établissent 
des  dépressions  qui  s'étendent  jusqu'au  pied  de  la  tranche  suivante.  Chaque 
cuesta  doit  donc  être  précédée  d'une  dépression.  Ces  caractères,  si  nets 
dans  le  bassin  de  Paris,  sont  réalisés  dans  chacune  des  lignes  de  faîte 
flamandes,  mais  d'une  façon  très  imparfaite  à  cause  du  peu  de  cohérence 
des  couches  et  de  leur  caractère  uniforme  ;  on  a  vu  que  les  roches  les  plus 
-  dures  de  la  Flandre  sont  des  argiles. 

La  première  rangée  (collines  du  Sud),  c'est  celle  de  l'argile  yprésionne, 
suffisamment  compacte  pour  rester  en  saillie  au-dessus  de  la  plaine, 
formant  un  socle  puissant  élevé  jusque  vers  101)  mètres  à  l'Ouest  et  sur 
lequel  sont  restées  perchées  les  formations  plus  récentes  enlevées 
ailleurs.  Devant  ce  socle  s'étend  une  série  de  dépressions:  marais  de 
St-Omer,  vallée  de  Neuffossé,  plaine  de  la  Lys,  vallées  de  la  Marque  et  de 


'  Exposé  de  eus  anciennes  théories  dans  le  livre  de  M.  Cornet,  Etudes  sur  révo- 
lution des  rivières  belges,  pp.  4fi.'W67. 

i  Cornet  (.1.),  Etudes  sur  l'évolution,  et  particulièrement  les  pages  45!  à  VÎT, 
reprises  dans  un  article  intitulé:  <r  Sur  la  signification  morphologique  .les  collines  de 
Flandre  »  (Mull.  Soc.  belge  oéol.,  XVIII,  1U)4,  Mém..  pp.  115-12-ij. 


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L'HYPOTHKSK  PES  CIKSTAS 


la  Rhosnos,  tandis  que  les  petits  valions  de  la  Peene,  do  la  Douve,  do 
l'Espierres,  serront  do  prôs  lo  piod  dos  hauteurs.  Au  Nord  des  collines, 
c'est  bien  le  plat  do  l'YprésioD  qui  afflouro  jusqu'à  la  deuxiômo  ligne  do 
coteaux,  sauf  aux  endroits  où  los  témoins  panisolions  dos  hauteurs  de 
Poperingheet  de  West-Roosebeke  inasquoutde  leurs  collines  sableuses  le 
sol  d'argile. 


«PL 


Echelle  de»  lonjrueur»  1  :  80.0O0. 


Echelle  de»  hauteur*  1  :  4  000. 


Fui.  1"».  —  Profil  des  collines  de  Kenaix  entre  Kenaix  et  Audenarde. 
l'ion^enient  des  couches  vers  le  Nord  ;  pente  douce  vers  le  Nord,  raide  vers  le  Sud. 

I seconde  rangée  est  surtout  panisolionne.  A  Staden,  Hoogledo, 
Eoghem,  Coolscamp,  Thielt,  Aorsoole,  c'est  l'argilito  sableuse  avec  gros 
argileux  {Pic  de  la  carte  géologique  belge)  qui  est  restée  en  saillie  au- 
dessus  de  l'Yprésien  supérioup,  et  domine  la  dépression  de  la  Mandel.  Les 
mêmes  argiles  sableuses  et  gréseuses  ont  donné  le  relief  de  la  colline  do 
Wynendaele,  pré- 


cédée  de  la  basse 
vallée  de  l'Hand- 
zaomo.  Au  delà,  le 
Panisolien  s'abaisse 
lentement  jusqu'£ 
la  dépression  où 
coule  le  canal  do 
Bruges  à  (  iand  :  dé- 
pression d'une  alti- 
tude si  égale  (envi- 
ron 10  mètres)  que  la  voie  d'eau,  entre  les  deux  villes,  n'a  pas  une  écluse. 
Los  hauteurs  qui  suivent  sont  formées  cette  lois  de  sédiments  parisiens 
(Lutétiens);  c'est  l'argile  d'Assehe,  surmontant  les  sables  de  Wemmel, 
qui  est  on  saillie,  recouverte  eà  et  là  d'argile  tongrionno.  Enfin  le  rebord 
du  pays  de  Waes  est  constitué  par  la  masse  de  l'argile  rupelienne,  beau- 
coup plus  résistante  que  les  sables  qu'elle  surmonte  (sables  ru|>elions)  ou 
qui  la  recouvrent  (boldérions  et  pliocènos)  ;  de  là  la  falaise  quelle  cons- 
titue, avec  la  vallée  de  l'Escaut  eu  bas. 


Fie  1»).  —  Allure  théorique  des  collines  de  Flandre. 


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70 


RELIEF.  -  FORMES  DU  TERRAIN 


Quant  aux  agents  d'érosion  qui  ont  débarrassé  le  pays  de  son  manteau 
pliocène,  mis  à  nu  les  tranches  dos  couches  cohérentes  qui  devaient 
former  les  crêtes,  et  permis  ainsi  aux  cuestas  de  s'élever  modestement  au- 
dessus  de  la  plaine  flamande,  on  les  retrouve  dans  les  dépressions  au  pied 
des  collines.  (>  sont  les  cours  d'eau  subséquents, affluents  des  grands  troncs 
conséquents  qui  coulent  dans  le  sens  général  de  l'inclinaison  des  couches, 
c'est-à-dire  perpendiculairement  aux  zones  d'affleurement.  Ce  sont,  pour 
la  première  ligne  des  collines,  les  ruisseaux  qui  coulent  a  leur  pied,  Peene, 
Douve,  Espierres,  Rhosnes,  affluents  subséquents  des  fleuves  conséquents, 
Yser,  Lys,  Escaut *  ;  la  Mandel  et  l'Handzaeme,  affluents  subséquents  de 
l'Yser  et  delà  Lys,  ont  eu  le  même  rôle  dans  la  formation  des  hauteurs  de 
seconde  et  troisième  ligne;  les  ruisseaux  que  remplace  le  canal  de  Bruges 
à  (îand,  pour  la  quatrième;  la  Durme-Escaut,  pour  la  dernière.  Quant 
aux  troncs  conséquents,  au  lieu  de  traverser  les  crêtes  par  un  défilé  comme 
le  font  les  rivières  du  bassin  de  Paris,  ils  ont  si  largement  entaillé  la  faible 
ligne  des  collines,  qu'ils  en  ont  fait  disparaître  une  bonne  partie:  il  y  a 
loin  de  la  vallée  de  la  Lys  vers  Comines  au  défilé  de  la  Marne  à  Epernay  : 
pourtant  le  phénomène  est  bien  le  même. 

Ainsi  s'expliquent  la  formation  des  collines,  et  leur  alignement,  leur 
parallélisme.  11  peut  sembler  étrange  cependant  que  certaines  de  ces 
hauteurs,  ces  cuestas  des  restes  du  plateau  flamand,  ne  soient  pas  orientées 
perpendiculairement  aux  cours  d'eau  conséquents,  c'est-à-dire  N.W. — S.E. , 
mais  obliquement,  E.-W.  L'observation  est  vraie  surtout  pour  les  deux 
premières  lignes.  C'est  que  les  hauteurs  qui  les  composent,  formées  de 
sédiments  éocènes,  représentent  la  tranche  des  couches  éocènes,  tranche 
de  l'Yprésien,  tranche  du  Paniselien  ;  ces  assises  plongeant  vers  le  N.,  et 
non  vers  le  N.-E.,  leur  tranche  ne  peut  être  orientée  que  W.-E.  ;  et  c'est 
ce  qui  fait  dire  à  l'auteur  de  la  théorie  sur  la  signification  morphologique 
des  collines  que  l'orientation  de  la  cuesta  du  Sud,  régie  par  le  sens  de 
l'inclinaison  de  l'Eocène,  doit  être  Est-Ouest  *. 

Le  relief  confus  et  médiocre  de  la  Flandre  s'explique  ainsi.  Les  assises 
du  plateau  pliocène  ont  opposé  une  résistance  inégale  à  l'érosion  ;  les 
tranches  des  couches  argileuses  se  sont  mieux  tenues,  et  sont  restées  en 
saillie;  il  en  est  résulté  une  série  décrètes  concentriques:  faibles  murailles 
d'ailleurs,  éventrées,  arasées,  tronçonnées,  reconnaissables  pourtant; 
derrière  elles,  des  débris  de  plateau  ont  conservé  leur  allure  primitive, 


»  Cornet,  Etudes  Evolution,  pp.  4fi(M61. 
*  Ibid.,  p.  463. 


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v  .  i.  •:■  !■  »•  \ !"i.t» stiriiuii         l«»s  iu*u\ 

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ui'Vli.x  -  • .;  :   »■    ,, sVvjiijipii'  îMiisi.  î,»«4  n^i^^ 
•*  «>Pt  i»|         .   •  .*    »  »iir«»  iiii»>ial>»  ;\  lY»|i>sion:  l»*s 

-*îiA iihi1^'!  <».ii*.:       ,''îir*'»iri<fti<*s :  faîM»'». ii.u/aiU'^ 
arNi >,  lr*»iiij  r*vi»'iuaî<>aW'»s   [>•  mi rt:*n1  -% 

-  i  '<  f  <li»  [ilal'viu  i  iil  i'hijsi»"Vp  li-nr  al'uio  pritn.li\"o. 


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LE  ROLE  DES  COLLINES 


71 


tandis  que  l'érosion  a  largement  déblaye  devant  elles.  On  a  vu  que  plus 
on  avance  vers  l'Ouest,  moins  le  relief  a  résisté  ;  le  plateau  est  encore 
reconnaissable  à  droite  de  l'Escaut;  il  est  à  l'état  de  collines  a  gauche  du 
fleuve;  il  se  réduit  au  delà  de  la  Lys  à  quelques  lignes  de  hauteurs,  et  à 
des  ondulations  après  l'Yser.  L'érosion  a  donc  été  plus  active  à  l'Ouest, 
malgré  le  peu  d'importance  des  cours  d'eau  qui  y  coulent  aujourd'hui, 
Yser,  Waerdamme  ;  on  en  a  conclu  qu'il  aurait  existé  de  ce  côté  à  la  fin 
du  pliocène  un  grand  cours  d'eau  sur  l'emplacement  actuel  de  la  côte, 
dont  le  rôle  dans  la  dénudation  du  pays  aurait  été  plus  important  encore 
que  celui  de  l'Escaut  et  de  la  Lys  *. 

» 

Rôle  des  Collines 

ta  ressemblance  théorique  constatée  entre  les  hauteurs  flamandes  et  les 
crêtes  du  bassin  de  Paris  ne  doit  pas  abuser.  Quelle  qu'ait  été  l'origine  du 
relief  de  la  Flandre,  il  reste  très  médiocre,  et  à  peu  près  sans  influence  sur 
les  phénomènes  géographiques.  Quelques  centimètres  de  pluie  et  quelques 
orages  de  plus  sur  les  collines,  c'est  là  toute  la  perturbation  qu'il  produit 
dans  le  climat.  tas  fleuves  étendent  leur  vallée  au  travers  des  chaînes  sans 
daigner  la  rétrécir.  Les  routes  ne  se  détournent  pas  à  l'approche  des  monts 
et  n'essaient  pas  de  les  éviter  :  voies  romaines,  routes  des  intendants,  et 
chemins  du  XIXe  siècle  montent  de  tous  côtés  à  Cassel  ;  on  y  a  fait  passer 
la  grande  chaussée  de  Dunkerque  à  Lille.  Les  chemins  de  fer  les  traversent 
comme  sans  y  prendre  garde;  quelques  tranchées  suffisent,  et  les  seuls 
monts  de  Renaix  ont  eu  les  honneurs  d'un  tunnel.  tas  canaux  eux-mêmes 
enjambent  les  chaînes:  celui  de  Bossuyt  à  (lourtrai  traverse  les  collines 
du  Sud  à  Sweveghem  ;  celui  d'Ypros  à  la  Lys  est  en  construction  à  travers 
les  hauteurs  d'IIollebeke  ;  on  projette  depuis  longtemps  d'en  faire  passer 
un  à  travers  les  coteaux  de  Staden,  de  la  Mandel  à  l'Handzaeme.  Jamais 
les  hauteurs  n'ont  rien  séparé  en  Flandre:  sol,  productions,  langue, 
mœurs,  sont  identiques  de  chaque  côté  de  Cassel  ou  de  Kemmel,  et  si  le 
flamand  s'arrête  aux  collines  de  Renaix,  c'est  que  la  Forêt  Charbonnière 
lui  fixa  jadis  cette  limite. 

Seul  le  petit  massif  de  Railleul,  de  Kemmel  au  Mont  des  Cats,  était  assez 
large  et  continu  pour  former  une  petite  région  à  part  :  les  habitants  disent 


1  Cette  hypothèse  de  M.  Cornet  (Etudes  Evolution,  pp.  429-43t )  est  corroborée  par 
une  hypothèse  semblable  à  laquelle  M.  Kutot  esl  arrivé  par  d'autres  moyens  (Origines 
du  Quaternaire,  pp.  54-56). 


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72  REUEF.  -  FORMES  DU  TKRRA1N 

«  de  llorgkant  ».  La  raideur  de>  flancs  sableux,  la  présence  de  bois  épais, 
disparus  on  grande  partie  dopais  une  soixantaine  d'années,  en  faisaient  un 
coin  d'ae<  ès  [dus  difficile,  où  se  réfugiaient  les  mécontents  e!  les  vaincus, 
(le  sont  peut-être  là  les  «  forêts  épaisses  des  hauteurs  »  où  les  Mena  pions, 
d'après  Dion  C.assius,  avaient  caché  loui's  biens  les  plus  précieux  1  ; 
ce  fut  on  tous  cas  au  pied  dos  monts  que  se  produisirent  les  premières 
manifestations  protestantes,  et  le  premier  prêche  se  fit  le  12  juin  1562  dans 
le  cimetière  de  Roeschèpo  ;  c'est  sur  le  mont  Kemmel  que  se  réunissent  le 
1er  août  1500  les  «  gueux  des  bois  »  avant  de  marcher  sur  Nieuport  *.  De 
nos  jours,  et»  sont  les  indigents  des  communes  voisines  qui  sont  fixés  sur 
les  monts,  où  le  sol  est  pauvre  et  se  loue  bon  marché  ;  et  ces  habitants  «les 
hauteurs  ont  chez  ceux  de  la  plaine  la  réputation  d'individus  douteux, 
pillards,  venant  voler  la  nuit  dans  les  fermes  d'en  bas. 

Malgré  leur  médiocrité,  ces  minuscules  montagnes  sont  populaires  eu 
Flandre.  Des  auteurs  graves  les  comparent  sans  sourire  aux  Alpes.  \a> 
pittoresque  de  leurs  poules  boisées,  d'où  coulent  des  ruisseaux,  l'étendue 
du  panorama  visible  du  sommet,  attirent  les  foules.  L'homme  s'y  est  fixé 
de  tout  temps,  lorsqu'il  y -trouvait,  à  peu  de  profondeur,  une  nappe  aquifère 
retenue  par  une  couche  d'argile  :  commode  refuge  pour  le  préhistorique, 
oppidum  naturel  pour  le  Belge  et  le  Romain,  bourgade  commerçante  et 
marché  agricole  d'aujourd'hui,  c'est  le  cas  de  Cassel,  d'Hooglodo,  de 
Thielt  et  de  bien  d'autres.  Le  grand  fabricant  d'Armentièros,  do  Roubaix 
ou  do  Lille  est  aussi  fier  de  sa  villa  de  l'Enelus  ou  de  Kemmel  que  le 
Genevois  de  sa  maison  du  Salève.  L'habilant  dos  plaines  basses  de  Rerguos 
et  de  IJourbimrg  regarde  avec  intérêt  le  profil  grêle  de  la  montagne,  et 
écoute  volontiers  les  légendes  qui  courent  sur  son  origine.  Dans  cette  terre 
prosaïque,  la  colline  représente  modestement  l'élément  pittoresque, 
romantique. 

II. 

LKS  FORMES  DU  TERRAIN. 

L'étude  détaillée  dos  formes  du  terrain  ne  présente  guère,  de  son  côté, 
qu'un  intérêt  théorique.  Il  y  a  on  Flandre  trop  peu  do  variétés  de  roches, 
et  ces  roches  elles-mêmes  ne  sont  pas  assez  cohérentes,  pour  pouvoir 


«  Dion  Cassius,  I,  44. 

*  Wynekius,  Oueu.siani.smus  Flandriae  Occidentalis,  édition  Van  de  Putte  (Drupes, 
Soc.  d'Em.,  1841,  in-4",  107  p.),  pp.  2-20. 


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LES  SABLES  TA 

donner  autre  chose  que  des  formes  assez  simples.  Il  est  bien  rare  que  res 
formes  aient  quelque  importance  pour  l'agriculture  :  tout  au  plus  peut-on 
remarquer  que  sur  les  flancs  raides  les  pâtures  dominent.  Mais  la  culture 
s'y  établit  aussi  en  s'aidant  de  rideaux  comme  en  Picardie,  si  bien  qu'elle 
ne  connaît  guère  de  régions  qui  lui  soient  interdites.  D'ailleurs  les  fortes 
pentes  sont  rares.  Le  versant  Sud  du  mont  Noir  atteint  par  endroits  une 
déclivité  de  45  degrés  ;  certaines  pentes  du  flanc  Nord  de  Cassel,  à  peu  près 
autant  ;  ce  sont  lâ  des  cas  exceptionnels,  même  dans  las  monts.  Sur  le 
versant  Sud  do  Cassel,  les  plus  grandes  pentes  ne  dépassent  pas  15  degrés*. 
Hors  des  monts,  les  pentes  sont  bien  plus  insignifiantes  encore,  et  l'on  peut 
dire  sans  exagération  que  les  déclivités  les  plus  fortes  en  Flandre  sont 
celles  des  digues  qui  défendent  le  pays  contre  la  mer. 

Cette  rareté  des  pentes  raides  s'explique  par  la  nature  des  sédiments 
flamands.  Ix»s  sables  et  argiles,  qui  constituent  le  sol  du  pays  tout  entier, 
sont  généralement  peu  susceptibles  de  donner  des  reliefs  aux  pentes  raides. 
Il  y  a  cependant  d'intéressantes  différences  à  noter  entre  les  formes  des 
sables  et  les  formes  des  argiles  ;  mais  il  faut  toujours  se  garder  de  donner 
aux  termes  un  sens  absolu;  les  pentes  des  argiles,  en  Flandre,  ne  sont 
l'aides  que  par  rapport  à  colles  des  sables. 

• 

Le 8  Sables. 

I,es  sables  présentent  les  formes  les  plus  plates,  les  contours  les  plus 
effacés.  Ce  sont  eux  qui  donnent  aux  sommets  des  collines  d'altitude 
moyenne,  situées  au  centre  de  la  Flandre,  cet  aspect  caractéristique  de 
plateaux  à  peine  ondulés  qu'on  retrouve  partout.  Les  flancs  argileux  des 
collines  peuvent  être  plus  ou  moins  escarpés  :  si  la  partie  supérieure  est 
sableuse,  le  sommet  est  plat.  C'est  le  cas  des  hauteurs  qui  s'étendent  de 
Ciheluvelt  à  Staden,  où  les  sables  paniseliens  (Pfd.  de  la  carte  belge) 
forment  le  sommet  ;  de  la  colline  de  Wynendaele,  vrai  plateau  de  sable 
avec  un  rebord  argileux  ;  des  hauteurs  d'Anseghem,  où  la  pente  diminue 
notablement  dans  les  sables  glauconifères  du  sommet,  dès  qu'on  s'est  élevé 
au-dessus  de  l'argilite  paniselienne.  De  même  pour  la  colline  d'Edelaere, 
et  pour  beaucoup  de  hauteurs  du  pays  d'AIost.  Il  n'y  a  guère  d'exception 


1  I>c  pays  d'AIost.  partie  la  plus  accidentée  de  la  Flandre,  en  offre  d'assez  nombreux 
exemples.  Voir  on  particulier  le  Sud  de  la  feuille  Sottogem  à  1  :  20.000  ;  la  région  des 
hauteurs  dans  la  feuille  Renaix  à  I  :  20.000. 

1  Chiffres  pris  dans  Meugy,  Essai  de  géologie  pratique  do  la  Flandre  française 
(Mém.  Soc.  Se.  Lille,  1862,  pp.  43  ot  50). 


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74 


RELIEF.  -  FORMES  DT  TERRAIN 


que  lorsque  le  sable  est  aggloméré  en  couches  de  grès  assez  puissantes: 
c'est  le  cas  du  I)iestien  des  lui  u  tes  collines,  dont  les  formes  restent  rai  des 
jusqu'au  plateau  qui  les  surmonte.  Enfin  le  sable  meuble  peut  former  des 


Échelle  de»  longueur*  1  :  40.000  Échelle  des  baolears  1 :  1.000. 

Fig.  17.  —  Profil  et  coupe  dee  hauteurs  d'Ansoghem. 
Différence*  de  pente  dans  les  sables  et  les  argiles. 


emmenées  à  flancs  raidis  lorsque  le  veut  l'accumule  en  petites  dunes; 
c'est  de  dunes  intérieures  qu'il  s'agit  ici,  et  non  pas  de  celles  qui  bordent 
une  partie  de  la  côte  ;  on  en  trouve  d'intéressants  exemples  soit  au  Sud- 
Ouest  de  Maldogem,  soit  entre  I .okeren  et  Waesmunster,  soit  à  Dem  ie,  sur 
les  bords  de  la  Lys,  où  ces  monticules  forment  comme  de  grosses  fourmi- 
lières, hautes  d'environ  10  mètres,  toutes  plantées  de  sapins. 

Le  cas  est  déjà  différent  lorsque  les  sables  sont  surmontés  d'une  couche 
d'argile.  Sans  doute,  si  les  couches  sableuses  sont  peu  épaisses  et  si  une 
autre  couche  argileuse  leur  sert  de  support,  il  peut  leur  arriver  ce  qui  s'est 
produit  dans  les  collines  d'Ursel  :  là  le  sable  base  du  Tongrien  et  le  sable 
d'ëmersion  asschien,  faibles  lits  enserrés  entre  l'argile  d'Assche  et  l'argile 
tongrictine,  se  sont  écoulés  latéralement,  entraînés  par  l'eau  de  la  nappe 
aquifére  retenue  entre  les  deux  couches  imperméables;  ce  foirement  du 
sable  intermédiaire  a  fait  glisser  l'argile  tongrienne  jusque  sur  l'argile 
asschien n»'  supprimant  complètement  tout  relief  qui  serait  dû  au  sable. 
Au  contraire,  quand  les  couches  sableuses  sont  épaisses,  l'argile  qui  les 
recouvre  joue  le  rôle  de  manteau  protecteur,  de  parapluie  s,  A  l'abri  duquel 
les  sables  peuvent  conserver  des  pentes  raides,  prolongement  des  pentes 
argileuses  qui  les  surmontent.  C'est  ce  qui  se  produit  généralement  dans  les 
collines  du  Sud,  où  d'assez  fortes  épaisseurs  de  sables  parisiens  sont  com- 
prises entre  l'argile  d'Assche  au-dessus  et  largilite  paniselienne  au-dessous; 
où  I'yprésien  sableux  est  protégé  par  les  argiles  du  Paniselien!  I  n  «  mont 


>  Cf.  Rutot,  Noir  sur  quelques  points  nouveaux  île  la  géologie  dos  Flandres. 
-  Ciosselet,  rù'-og.  physique,  p.  'i2. 


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LES  ARGILES 


de  Flandre  »  comprend  d'abord  un  vaste  socle  d'argile  plastique,  d'une 
faible  inclinaison  générale,  mais  entaillé  de  petits  ravins  assez  profonds. 
Au-dessus  s'étendent,  en  pentes  douces,  les  sables  fins  du  sommet  de 


Nord 


Sud 


Y/irÀsicn  argilcuœ. 


30 


I  :  M.0M. 


!  :  UN, 


Via.  18.  —  Profil  Nord-Sud  et  eoupe  «lu  mont  de  THotond.  DiftV  renées  de  pente 
dans  les  sables  et  les  argiles.  Pente  gt'm  r.de  plus  douce  au  Nord,  plus  raide  au  Sud. 

l'Yprésien,  dont  l'allure  devient  plus  raide  à  la  partie  supérieure,  que 
protège  l'argile  paniselieuue.  Au-dessus  de  la  pente  prononcée  due  à  cette 
dernière  couche,  le  profil  s'adoucit  de  nouveau  légèrement  dans  les  sables 
parisiens,  pour  redevenir  raide  avec  l'argile  asschienne  et  le  l)iestien. 
I^e  flanc  Nord  du  mont  de  l'Holond  offre  un  bon  exemple  de  celle  super- 
position de  pentes  ;  on  en  retrouve  d'autres  au  mont  Vidaigne,  au  monl 
Rouge,  au  mont  Aigu.  Cette  succession  de  pentes  tour  à  tour  plus  raides 
et  plus  douces  contribue  à  rendre  facile  la  montée  ;  elle  a  aidé  l'établisse- 
ment de  l'homme  sur  les  collines. 


Les  Argiles. 

En  résumé,  les  couches  sableuses  ne  donnent  un  profil  accentué  que  par 
la  présence  d'un  revêtement  d'argile,  qui  les  empêche  de  se  fondre  sous 
l'effort  de  l'érosion.  Les  argiles  sont  les  seules  roches  flamandes  capables 
de  donner  par  elles-mêmes  des  formes  de  reliof  appréciables.  Grâce»  leur 
imperméabilité  et  à  leur  ténacité,  elles  résistent  bien  à  l'érosion  et  sont 
capables  de  former  parfois  de  petite  abrupts,  qui  contrastent  avec  les 


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7)'. 


RELIEF.  -  FORMES  PU  TERRAIN 


ondulations  molles  dos  sables,  (le  phénomène  s'observe  fréquemment  dans 
1rs  collines  panisolionnes.  Au-dessus  du  socle  en  poule  doue»'  des  hauteurs 
d'Anseghem,  formé  des  subies  yprésiens  argileux,  on  voit  s'élever  la  pente 
plus  raide  de  l'argilito  glaueouifère  paniselienne,  qui  s'adoucit  on  arrivant 
aux  sablosdo  la  partie  supérieure  (fig.  17).  Mémo  phénomène  à  Hooglode, 
où  le  relief  est  aussi  donné  par  l'argilite  paniselienne  s 'élevant  au-dessus  du 
sable  yprésien  ;  au  Poelberg,  où  l'argilite  se  dresse  en  un  petit  massif  raide 
au-dessus  dos  sables  glaueonifères.  Dans  le  pays  d'Alost,  les  argiles 
asschionno  et  tongrienne  |)euvent  former,  au-dessus  dos  sables  lediens, 
laekoniens  et  paniseliens,  de  petits  massifs  dont  les  flancs  sont  assez  raides 
pour  que  la  ponte  soit  sensible  même  du  côté  du  Nord,  contrairement  à  ce 
qui  se  passe  dans  cotte  région,  où  tous  les  abrupts  font  face  au  Sud  ou  à 
l'Ouest.  Fn  autre  exemple  est  fourni  par  la  falaise  do  l'argile  rupelienne, 

s'élovant  au-dessusdes  sables  rupeliens, 
et  dont  les  flancs  sont  avivés  encore  par 
les  carrières  que  les  briqueteries  y  ont 
pratiquées  Bien  entendu,  tous  ces 
abrupts,  falaises,  pentes  raides,  paraî- 
traient presque  horizontaux  à  côté  d'un 
rebord  do  massif  calcaire  ;  mais  en 
Flandre,  ce  sont  de  vrais  reliefs, 
des  reliefs  sérieux,  qui  s'imposent  à 
l'attention. 

lies  versants  argileux  présentent 
encore  quelques  autres  phénomènes 
intéressants.  Sous  l'influence  de  la 
dessiccation,  dos  fentes,  des  crevasses 
profondes  se  forment  dans  la  masse  ;  les  eaux  pluviales  s'y  introduisent, 
délayent  l'argile,  et  (missent  par  provoquer  le  glissement  de  la  partie 
supérieure,  parfois  des  éboulements  considérables  de  matériaux  qui  vont 
recouvrir  au  loin  les  formations  sous-jacontes  *.  De  là  l'aspect  irrégulier 
dos  versants  argileux,  semés  do  protubérances  et  de  creux,  indices  do 
glissement.  On  en  trouve  en  Flandre  d'assez  nombreux  exemples,  qui 
contribuent  à  rendre  plus  incertain  l'aspect  du  relief.  Dans  l'Ouest,  ils  se 
trouvent  sur  les  pentes  d'argile  yprésienne  ;  brusquement  on  voit  une  pro- 
tubérance s'avancer  jusque  dans  le  thalweg,  rompant  l'alignement  des 
courbes  de  niveau  ;  ailleurs  c'est  une  apophyse  qui  descend  juste  au  milieu 


Echelle  de  1  :  40.000. 

Fip.  I'.'.  —  tilissement  d'argile  pani- 
selienm»,  au  Sud  <le  Wcst-Rooseboko 
(feuille  Roulcrs  à  1  :  iO.000). 


i  Voir  fip.  1.1,  p.  m. 

î  Cf.  La  Not-  oi  Margeriu,  Lct>  Formas. lu  u-rraui.  p.  >1. 


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LKS  ARfJILKS 


77 


d'une  vallée,  a  l'endroit  où  la  profondeur  devrait  être  la  plus  considérable. 
On  a  vu  que  l'argile  tongrienne  des  collines  d'Ursel  peut  glisser  sur  l'argile 
asschienne,  et  descendre  ainsi  de  quelques  mètres.  Mais  c'est  encore 
l'argile  paniselienne  qui  se  déplace  le  plus  facilement,  à  cause  de  sa 
situation  sur  les  collines,  où  les  pentes  sont  plus  fortes.  L'argilite  sableuse 
glauconifère  est,  de  toutes  les  roches  flamandes,  celle  qui  s'éboule  le  plus 


Fi<i.  20.  —  (Jlissement  de  février  lt«M  au  Waienberg,  d'après  M.  F.  Halet. 
C  G  Partie  éboul.-e. 

Ci  C  Nouvel  emplacement  île  1»  partie  éboulée. 

souvent  :  les  collines  de  Re- 
naix  en  présentent  de  nom- 
breux exemples.  En  18  il*, 
après  un  hiver  très  pluvieux, 
une  maison  sur  le  versant 
Ouest  du  mont  de  l'Enelus 
serait  descendue  avec  son  jar- 
din et  ses  arbres  en  fleure; 
elle  aurait  ainsi  parcouru  G00 
mètres,  eu  traçant  un  profond  Erhel,c  ,ie  ' : 10  000 

sillon  dans  l'argilite  ».  Les  faits  Fl(i-  a)-  ~  Emplacement  du  plissement, 
ont  peut-être  été  grossis;  mais  M.  Delvaux  déclare  nvoir  v u  le  versant 
Nord  de  lu  colline  de  Wayenberghe,  à  l'Est  de  Renaix,  descendre  avec 
tous  ses  arbres,  ensevelissant  les  champs  et  le  bois  qui  se  trouvaient 
en  contre-bas,  et  retardant  de  0  mois  l'inauguration  de  la  voie  ferrée 
de  Renaix  à  Ellezelles  *.  La  colline  d'Edelaere,  qui  domine  Audenarde, 


JC 


1  IMvaux,  Texte  explicatif  «le  la  planchette  d'Avclghem. 

*  Delvaux,  Notiee  explicative  de  la  feuille  de  Floheeq  <  Hull.  Soc.  Anthr.  Unix.,  VU, 
188»-»»,  p.  il,  note). 


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78  RELIEF.  -  FORMES  DU  TERRAIN 

est  constamment  menacée  de  plissements  qui  vont  couper  la  route  de 
(irammont  et  descendent  jusqu'à  l'Escaut:  en  bas,  ce  sont  de  vastes 
coulées  d'argile  yprésienne  ;  au-dessus,  des  paquets  d'argilite  paniselienne; 
aussi  cette  montagne  a-t-clle  une  réputation  historique  de  mobilité.  Très 
récemment,  à  la  lin  de  février  1904,  une  prairie  est  descendue  sur  le  flanc 
Nord  de  la  colline  de  Waienberg,  près  deSulsique  ;  cette  fois  c'est  le  sable 
argileux  paniselien  qui  a  glissé  sur  l'argile  plastique  base  du  système,  et 
est  allé  recouvrir,  plus  bas,  le  sable  yprésien  *.  Aussi  se  met-on  à  planter 
d'essences  à  racines  pivotantes  les  pentes  raides  susceptibles  de  glisser  en 
contre-bas.  I)ans  toute  cette  région  des  collines  de  Renaix,  les  glissements 
ont  été  si  fréquents  qu'il  n'est  pas  rare  de  voir  des  sables  wemmeliens  et 
diestiens  reposer  directement  sur  l'Yprésien  s. 

L'argile  produit  encore  une  autre  forme  curieuse;  c'est  la  tète  de  vallon 

a  flancs  raides,  ou  plutôt  le  petit  cirque  par 
lequel  se  termine  une  vallée.  Os  cirques  ne  se 
trouvent  guère  que  dans  les  régions  a  la  fois 
assez  élevées  et  assez  proches  de  dépressions, 
pour  que  les  ruisseaux  soient  obligés  d'approfondir 
considérablement  leur  lit,  étant  donné  la  proxi- 
mité d'un  niveau  de  base  d'une  très  faible  altitude. 
Or,  lorsqu'après  avoir  entaillé  la  couche  argileuse, 
l'érosion  atteint  un  sol  plus  meuble;  lorsque  par 
exemple,  sous  l'argilile  paniselienne  elle  arrive 
au  sable  yprésien,  le  creusement  devient  beaucoup 
plus  facile  ;  le  vallon  s'élargit  par  la  base,  dans 
la  couche  tendre,  faisant  ébouler  et  reculer  les 
flancs  plus  raides  de  l'argile.  On  obtient  ainsi  une 
tète  île  vallon  au  fond  large  et  plat,  aux  pentes  raides.  (l'est  ainsi  que  se 
sont  formés  un  certain  nombre  de  petits  cirques  dans  les  hauteurs  d'Ypres, 
à  proximité  des  vallées  de  la  Lys  et  de  l'Y|>erléc  (11  mètres  d'altitude  à 
Menin,  18  mètres  à  Ypres)  ;  d'autres  sur  les  flancs  des  collines  de  Renaix, 
au  bas  desquelles  la  vallée  de  l'Escaut  descend  a  11  mètres,  et  dans  l'Ouest 
du  pays  d'Alost,  à  la  faveur  du  niveau  de  base  de  la  vallée  de  la  Dendre 
(1  i  mètres  à  Ninove). 

Ailleurs,  le  contraire  se  produit,  lorsque  la  couche  tendre  est  superposée 


«  Cf.  Halet  (F.),  Vu  glissement  de  terrain  aux  environs  .le  Renaix  (Huit.  Soc.  belge 
liéol.,  XVIII,  1SKI4,  Pr.-W,  pp.  im-ifi3). 

*  Delvaux,  Planchette  d'Avelghen). 


Êebelle  de  1 :  40.000. 

Fus.  21.  —  Tête  de  vallon 
à  flancs  raides  et  fond 
plat  (Source  du  Krom- 
mebeek,  fouille  Ypres  à 
1  :  VI.UIO). 

  Limite  de  l'Ypn'^ien  sa- 
bleux et  Ju  Piinixelien  urgiletix. 


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\  .'•  »s«n      I-  tscil'utii»  tpiV  faillir  . 

'»»»■<         »     :  '1M  '■(il  j»lu«;  ilM'JlS'ii*  «  Il  M** «[tu»  |itl< 
K,  •..  ••<!•  ■■    •  '■      ...     ''n'Uvi'Huml  ili'Vli'Ill  tw'HHi''  .ip 

H'*  M""*      ,   i-  .  •    .  îit.p  s\vm.»l  i*:»r  l;i  ksiv,  «l:i;i< 

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liants^  '  -  H-  {\ti'utl«.  Ou  «♦li*i**iiî  u.n>;  u 

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Û  ^  ;  li  >  '.s  f!;K(«'s  (1rs  «'o'I  :!!♦•>  ijl1  lïlMliJ  \. 

•a  v.i'lt'-»'  •!.- 1  I"  •  ■'»  iô  !  î  iii«'-l',«'s,     <I:iîis  I  «  «.j 

i  la  f.iVi*»!!* ilti  t  .*  •.(■;  <|c  I'i  valli-f  tlo  la  1  >•♦»'*•! - 

$•  ..ii-r  «!•  J"<ii|»!.|.  tnr»,»l.i   la  »'IHI«'1m»  trlidl  »'  i'st  si|JmM'[N»s«  . 


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7-  — 


Rebord  Eu  de  la  Vallée  du  Molcnbcck,  a  Moomcclc. 


8.  — 


Tète  de  ravin  en  entonnoir,  boité  | Collines  de  Rcnaix). 


LES  ARGILES 


79 


Échelle  dr  1  :  40.000. 

Km.  22.  —  Tète  de  vallon  à  flanc» 
raides  et  fond  plat,  dans  l'ar- 
gilite pnniselicnne  (St-Ante- 
Hnkx ,  feuille  Graimnont  :'i 
1  :  'iO.(M)O). 


A  la  couche  dure.  I>es  eaux,  creusant  leur  lit  dans  la  partie  meuble,  la 
ravinent  largement  et  établissent  un  profil  de 
pentes  adoucies  et  régulières.  Mais  lorsque 
vers  l'aval  le  ruisseau,  s'enfoneant  à  l'ap- 
proche du  niveau  de  base  pour  atteindre  son 
prutil  d'équilibre,  pénètre  dans  la  couche 
dur»',  le  ravin  se  rétrécit,  s'approfondit,  et 
l'ensemble  prend  la  forme  d'un  entonnoir 
dont  la  pente  deviendrait  plus  raide  vers  le 
fond.  Les  exemples  en  sont  nombreux  sur 
le  flanc  Nord  des  collines  de  Renaix,  où 
l'argile  base  et  l'argilite  glauconifère  du 
Paniselien  peuvent  atteindre  une  épaisseur 
de  ."$0-40  mètres,  surmontée  de  10  à  lô  mètres  de  sables  gluucoui  fores. 
Les  entonnoirs  ouverts  dans  les  sables  se  rétrécissent  rapidement  à  l'entrée 
dans  l'argilite,  et  deviennent  un  ravin 
étroit  et  profond  qui  ne  s'élargit  qu'au 
contact  des  sables  yprésiens.  Presque 
tous  les  vallons  de  ce  flanc  Nord  pré- 
sentent cette  forme,  typique  dans  la 
vallée  de  l'Ingelbeek. 

Mais  si  l'on  quitte  la  région  des 
collines,  la  Flandre  du  Sud-Ouest,  où 
les  brusques  changements  d'altitude  et 
les  différences  de  roches  produisent  ces 
formes  pittoresques,  les  sols  argileux 
ne  sont  guère  plus  accidentés  que  ceux 
des  cantons  sablonneux.  C'est  une 
suite  d'ondulations  douces,  un  paysage 
calme,  aux  contours  lente  et  arrondis  ; 
une  plaine  qui  est  loin  d'être  parfaite- 
ment horizontale,  mais  où  les  décli- 
vités sont  rarement  brusques.  D'ailleurs 
à  l'Fst  d'Ypres,  le  limon  sableux  et  le 
sable  occupent  presque  toute  la  surface, 
remplissent  tous  les  creux,  noient 
truites  les  éminences.  De  là  jusqu'à  Anvers,  c'est  la  Flandre  plate,  avec 
ses  horizons  qui  seraient  immenses,  si  les  rangées  d'arbres  ne  masquaient 
de  leurs*  lignes  monotones  la  monotonie  plus  grande  encore  de  la  vaste 
plaine. 


Krhelle  de  I  :  20.000. 

Km.  23.  —  Tète  de  Viillon  en  ontonnoir 
dans  les  sables  glaucouifères  et 
l'argilite  paniselions  (  Source  de 
1  Ingelbeek, fouille  Renaix  de  la  carte 
topographique  belge  à  l  :  20.000). 


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sn 


RELIEF.  -  FOR  MHS  DV  TERRAIN 


Tel  est  ce  relief  flamand,  très  modeste  assurément,  et  qui  ne  mérite  ni 
l'enthousiasme  de  quelques  patriotes  locaux,  ni  les  railleries  de  ceux  qui 
n'ont  pas  vu  les  pentes  boisées  du  mont  Noir  ou  les  ravins  verdoyants  du 
paysd'Alost.  Modeste,  il  devait  l'être,  dans  un  pays  naturellement  bas, 
a  (laissé,  longtemps  disputé  entre  la  terre  et  la  mer;  où  le  sol  n'est  composé 
que  de  matériaux  grossiers  ou  pou  cohérents;  où  les  influences  tectoniques 
n'ont  produit  ni  rajeuni  les  formes,  si  bien  que  toutes  les  protubérances  ne 
sont  que  les  débris  éehap|>és  à  l'érosion. 


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81 


CHAPITRE  V 
LES  COURS  D'EAU  1 


I.  Hydrograjthir.  Hypothèses  sur  l'origine  des  cours  d'eau.  Cours  d'eau  conséquents 
et  subséquents.  Les  rivières  au  Nord  de  Gand.  —  II.  llt/tirolot/ir.  Eléments  du 
régime.  Crues  régulières  et  inondations.  Travaux  de  régularisation.  Rivières  à 
marée. 

I. 

HYDROGRAPHIE. 

Les  agonis  de  ce  vaste  travail  d'érosion,  capable  do  fairo  disparaître 
dans  l'Ouest  de  la  Flandre  une  épaisseur  de  presque  métros  d'assises 
tertiaires  *,  sont  les  modestes  murs  d'eau  qui  parcourent  lentement  la 
plaine  flamande.  La  plupart  arrivent  en  Flandre  tout  formés.  L'Aa  et  la 
Lys  débouchent  à  Arques  et  Aire  de  pittoresques  vallées  parallèles, 
enfoncées  dans  l'Artois.  L'Escaut,  descendu  sans  halo   dos  croupes 


»  Consulter:  Van  Overloop  (E.),  Les  origines  du  bassin  supérieur  do  l'Escaut 
(Bruxelles,  Hayez,  1881),  in-8°,  48  p..  1  pl.,  2  cartes);  —  Les  origines  du  bassin  de 
l'Escaut  (Annexe  du  Bull.  Soc.  belge  Géol.,  III,  188!»,  02  p.,  1  pl.,  2  cartes)  ;  —  Lorié(J.), 
Contributions  à  la  Géologie  des  Pays  Bas,  fasc.  VII  :  Les  métamorphoses  de  l'Escaut  et 
de  la  Meuse  (Bull.  Soc.  belge  Géol.,  IX,  1803.  pp.  50-77,  2  cartes)  ;  —  Gosselet  (.1.), 
Géographie  physique  du  Nord  de  la  France  et  de  la  Belgique  :  Bradant  et  Pays  de 
Waes  (pp.  103-108)  ;  —  Hutot  (A.),  Le  régime  fluvial  de  la  Belgique  aux  temps 
quaternaires  (Mouvement  géographique,  18!f7,  rr  4)  ;  —  Le  cours  de  l'Escaut  à  travers 
les  âges  géologiques  (lbid.,  n"'  15,  17,  18)  ;  —  Les  origines  du  Quaternaire  de  la 
Belgique  (Bull.  Soc.  belge  Géol.,  XI,  1807,  Mém.,  pp.  1-140,  carte  à  l  :  400.000)  ;  — 
Cornet  (J.),  Etudes  sur  l'évolution  des  Rivières  belges  ( Aun.  Soc.  géol.  Belg.,  XXXI, 
1004,  Mém.,  pp.  261 -500  >;  —  Berlin,  Navigation  intérieure  d<>  la  France,  Notice  sur 
les  voies  navigables  du  Nord  et  du  Pas-de-Calais  (Lille.  Danel,  1870;  in-4",  132  p., 
1  carte);  —  La  Rivière,  Navigation  intérieure  de  la  France,  Notice  sur  les  voies  navi- 
gables du  Nord  et  du  Pas-de-Calais  (Arras,  Repessé-Crespel,  1000;  in-4\  XVI  -f- 
100  p.,  2  cartes,  5  graphiques)  ;  —  Ministère  des  Travaux  publics.  Direction  des 
travaux  hydrauliques.  Voies  navigables  de  la  Belgique.  Recueil  de  renseignements 
(Bruxelles,  Weissenbrueh.  1880,  in-8%  2  vol.,  .Vi8  et  302  p.). 

-  Altitude  de  l'Yprésien  sous  Dunkerque  :  —  21»  mètres;  sommet  du  Uiestien  à 
Cassel,  au  moins  170  mètres. 

u 


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8-J 


LES  COrHS  D'EAU 


crayeuses  du  Cambrésis,  s'attarde  pu  détours;  dirigé  vers  le  N.-E.  jusqu'à 
Coudé,  il  rebrousse  au  N.-W.,  vers  la  Flandre,  qu'il  atteint  après 
Tournai.  Mais  aussitôt  arrivé  dans  ce  pays  le  fleuve  repivnd  vers  le  N.-E. 
un  cours  parallèle  à  c  elui  de  la  Lys  :  et  les  deux  rivières  se  rapprochent 
insensiblement  jusqu'à  se  confondre  à  Cand.  Là,  nouveau  changement;  la 
direction  générale,  en  dépit  d'immenses  méandres,  reste  W.-E.  jusqu'à 
Termonde.  (l'est  le  confluent  de  la  Dendre,  et  le  fleuve  y  adopte  encore 
une  fois  la  direction  N.-E.,  que  cet  affluent  a  fidèlement  suivie  depuis  son 
origine.  Aussi  l'Escaut,  de  Termonde  à  Anvers,  semble-t-il  la  continua- 
tion de  la  Demi re.  Dernier  épisode:  le  coude  de  Coudé  se  reproduit  à 
Anvers,  et  le  fleuve  gagne  la  mer  vej-s  le  N.-W. 

De  son  côté  l'Aa  adopte,  après  Arques,  la  même  direc  tion  N.  \V.  ;  le 
petit  fleuve  de  l'Vser  quille  à  Dixmude  une  direction  N.-E.  pour  tourner 
du  même  côté.  Même  observation  pour  la  Dcûle  à  Lille.  Le  phénomène 
est  donc,  général.  Les  principales  rivières  flamandes  oui  nu  cours  paral- 
lèle, dirigé  soit  vers  le  N.-E.,  soit  vers  le  N.-W.  ;  et  cette  dernière  direction 
s'impose  principalement  dans  la  partie  basse  de  leur  cours.  Ainsi,  au  lieu 
de  descendre  directement  vers  la  mer  flamande,  tous  ces  cours  d'eau 
commencent  par  s'en  écarter;  par  endroits,  ils  lui  tournent  le  dos. 
C'est  vers  le  N.-E.,  c'est  presque  vers  le  continent,  que  leurs  eaux  sem- 
blent sollicitées  de  descendre.  Singulière  anomalie  pour  un  pays  où  le 
sol  présente  si  peu  d'obstacles. 

Quant  aux  affluents  de  <  es  rivières,  ils  sont,  soit  perpendiculaires,  soit 
légèrement  obliques  aux  tronc-s  principaux.  C'est  le  cas  de  la  becque  de 
Sleenwerck,  de  la  Douve,  de  la  Mandel,  du  Doucquesbeek  pour  lu  Lys;  de 
l'Espierres,  de  la  Hhosnes,  du  Marckebeek,  de  la  Zsvnlm  pour  l'Escaut; 
de  la  Dcndre  de  Leuze,  de  la  Marcq,  de  la  Sille,  pour  la  Dendre.  Donc 
nouveau  parallélisme,  aussi  constant  que  celui  des  troncs  principaux.  Ce» 
sont  là  des  faits  d'autant  plus  remarquables  qu'ils  se  reproduisent  à  propos 
de  toutes  les  rivières  belges  au  Nord  de  la  Sambre-Meuse.  La  Senne,  la 
Dvle,  la  Cette  se  dirigent  également  vers  le  N.-E.,  jusqu'au  point  où  elles 
se  détournent  vers  le  N.-W.  pour  former  le  Hupel  qui  vient  rejoindre 
l'Escaut  entre  Termonde  et  Anvers. 

L'origine  de  ces  directions  des  rivières  flamandes  est  une  question 
délicate.  Si  «  les  considérations  morphologiques,  dans  les  problèmes 
d'histoire  des  vallées,  ne  peuvent  rien  prouver»  même  dans  les  pays 
de  montagnes,  que  sera-ce  pour  la  Flandre,  avec  son  misérable  relief?  Il 


1  De  Martonne  (E.),  Problèmes  de  l'histoire  des  vallées  (Ann.  Géog.,  VII,  181*8, 
p.  381»). 


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LES  HYPOTHÈSES  SUR  L'ORIGINE  DES  COURS  D'EAU 


ne  faudra  demander  à  la  morphologie  que  des  indications  générales.  Même 
l'étude  géologique  des  dépôts  fluvialiles  est  singulièrement  difficile.  Les 
vallées  sont  si  larges  et  leurs  flancs  si  aplatis  que  les  ternisses  se  distin- 
guent malaisément  ;  les  matériaux  se  ressemblent  tant  qu'on  peut  bien 
prendre  des  alluvions  de  fleuves  pour  des  roches  en  place.  Aussi  la  question 
est-elle  encore  à  l'étude  ;  et  bien  qu'un  grand  pas  ait  été  fait  récemment, 
la  plupart  des  détails  restent  obscure. 

Hypothèses  sur  l'origine  des  Cours  d'eau. 

La  première  hypothèse  qui  venait  à  l'esprit  était  celle  d'une  origine 
tectonique.  Elle  pouvait  être  permise  tant  qu'on  n'avait  sur  le  sous-sol  que 
des  données  incomplètes.  Le  parallélisme  remarquable  de  toutes  les 
rivières  du  bassin  de  l'Escaut  était  dû  à  une  série  de  failles,  alignées 
S.-W.  N.-E.,  et  parallèles  elles-mêmes  à  la  direction  delà  côte.  Guidés  par 
ces  dénivellations,  les  cours  d'eau,  évitant  la  côte,  descendaient  forcément 
vers  Anvers.  Formulée  par  Dumont  à  propos  des  vallées  de  la  Hesbaye, 
qui  laissent  affleurer  sur  leur  bord  occidental  le  limon  disparu  de  leur 
flanc  oriental  la  théorie  fut  nettement  énoncée  par  d'Omalius  d'Halloy 
et  Houzeau  s.  Restait  à  démontrer  l'existence  des  failles  autrement  que 
par  le  parallélisme  des  rivières.  Pour  cela,  des  constatations  géologiques 
nombreuses  étaient  nécessaires.  Commencées  depuis  1870,  elles  semblèrent 
d'abord  prouver  la  réalité  du  phénomène.  L'absence  des  sédiments  pani- 
seliens  à  l'Est  de  la  vallée  de  la  Senne,  des  sédiments  bruxelliens  à  l'Ouest, 
paraissait  de  nature  a  faire  admettre  la  présence  d'une  faille  qui  suivait 
cette  vallée  de  la  Senne,  et  se  serait  produite  à  la  fin  de  l'époque  panise- 
lienne.  Les  résultats  des  forages  de  Garni  et  de  Mariakerke-les-Gand  firent 
conclure  de  même  en  1887  à  l'existence  d'une  faille  au  droit  du  cours  de 
l'Escaut,  faille  qui  aurait  probablement  suivi  la  direction  générale  de  la 
vallée  de  l'Escaut  au  Sud  de  Garni3.  Mais  l'hypothèse  de  la  faille  de  la 
Senne  est  combattue  par  ceux-là  même  qui  l'avaient  formulée  avant 
1880,  car  il  a  été  reconnu  que  le  Bruxellien  n'est  pas  complètement  absent 


*  Le  limon  a  été  entraîné,  sur  le  bord  oriental  des  vallées,  par  les  pluies  dues  aux 
venus  d*Ouest. 

*  D'Omalius  d'Halloy,  Coup  d'œil  sur  la  géologie  de  la  Belgique  (1842),  pp.  114-115. 

Houzeau  (J.-C),  Essai  d'une  géographie  physique  de  la  Belgique  (1854),  pp.  127-1^8. 

3  Cf.  Rutot  (A.),  Détermination  de  l'allure  souterraine  des  couches  formant  le  sous- 
sol  des  Flandres  entre  Bruxelles  et  Ostende  (Hull.  Soc.  belge  (Vol.,  I,  1887,  Mcm., 
pp.  3-19). 


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84 


LES  COURS  D'EAU 


de  la  rive  occidentale  de  la  Senne  1  ;  enfin  de  nouveaux  sondages  à  Gaud 
ont  montré  sans  contestation  possible  qu'il  n'existait  pas  de  faille  à  eet 
endroit  *.  Rien  ne  permet  donc  de  croire  que  la  direction  des  rivières  de 
la  Basse-Belgique  soit  due  à  des  accidents  tectoniques. 

A  cette  conception  un  peu  métaphysique  de  failles  dont  on  ne  pouvait 
vérifier  l'existence  succédèrent  d'autres  tentatives  d'explication,  appuyées 
sur  des  considérations  morphologiques.  De  l'étude  du  relief  actuel, 
M.  Van  Overloop  déduisit  les  transformations  de  l'Kscaut.  L'allure  des 
courbes  de  niveau,  suivies  sur  la  carte  belge  à  1  :  '20.000,  lui  permit 
«l'établir  la  présence  d'une  série  de  dépressions  par  où  il  supposait  que 
l'Escaut  était  successivement  passé.  Représenté  par  une  énorme  nappe 
d'eaux  sauvages,  large  de  quelques  dizaines  de  kilomètres,  le  fleuve  se 
serait  dirigé  d'abord  du  Vermaudois  vers  Namur,  en  occupant  à  peu  près 
le  cours  actuel  de  la  Sambre  :l.  Mais  un  soulèvement  du  sol  intervient  au 
S.-E.,  qui  affecte  l'Ardenne,  et  refoule  l'immense  courant  vers  l'Ouest: 
«  l'évolution  des  eaux  figure  un  vérilable  mouvement  d'éventail,  ayant 
pour  centre  fixe  le  massif  d'origine  de  l'Kscaut  »  *  ;  et  dans  la  dépression 
que  les  eaux  viennent  de  quitter  s'établit  un  cours  d'eau  indépendant,  la 
Sambre.  Cependant  le  déplacement  vers  l'Ouest  continue,  le  soulèvement 
gagne  de  ce  côté,  refoulant  les  eaux  ;  de  la  vaste  nappe  émergent  des 
îlots,  qui  s'élèvent  peu  à  peu  au-dessus  des  flots,  s'agrandissent,  se 
rejoignent,  et  finissent  par  constituer  une  nouvelle  rive;  c'est  alors 
qu'apparaît  le  Mont  Panisel,  «  qui  débute  à  cette  époque  comme  modeste 
îlot  et  dont  le  plateau  supérieur  porte  la  cote  107  comme  une  date  de 
naissance  »  5.  Les  eaux  se  sont  concentrées  à  l'Ouest  du  nouveau  rivage  ; 
dans  la  vallée  abandonnée  coule  la  Senne;  le  stade  Senne  du  grand 
courant  fluvial  est  terminé.  (Test  le  tour  du  stade  Dendre;  le  fleuve  se 
dirige  de  Quiévrain  vers  Raudour,  puis.de  Coudé  vers  Belœil,  le  cours 
actuel  de  la  Dendre  formant  l'axe  de  la  vallée.  Mais  le  stade  Dendre  a  le 
sort  du  stade  Senne,  les  passes  de  Baudour  et  de  Belœil  se  bouchent,  et 


1  Cf.  Hutot  (A.).  Sur  l'absence  de  faille  dans  la  vallée  de  la  Senne  (Bull.  Soc.  belge 
Géol.,  XVIII,  190'.,  Ur.  V.,pp.  178-179). 

2  Coime  (C).  Noie  sur  le  forage  d'un  puits  artésien  pour  la  distribution  d'eau  de 
Gand  (Ann.  Assoe.  Ittgén.  Garni,  XX,  189d-97,  p.  70):  —  Vanhove  CD.),  Note  sur  le 
nouveau  puits  artésien  de  l'usine  l.oushergs,  à  Gand  (Bull.  Soe.  belge  Géol.,  XV,  1901, 
Pr.-V.,  p.  («). 

3  Van  Overloop,  Origines  du  bassin  de  l'Escaut,  p.  30. 
*  IbiiL,  p.  30. 

s  Ibid.,  p.  24. 


LES  HYPOTHÈSES  SUR  L'ORIGINE  DES  COURS  D'EAU  85 


l'Escaut,  qui  s'est  rejeté  d'abord  sur  la  vallée  de  la  Rhosnes,  finit  par  se 
cantonner  dans  sa  vallée  actuelle,  et  n'en  bouge  plus.  I,a  rive  gauche  peut 
naître.  Jusque  là,  on  n'avait  suivi  les  déplacements  du  fleuve  qu'à  la 
marche  ininterrompue  de  sa  rive  droite  vers  l'Ouest  ;  de  la  rive  gauche  il 
n'étnit  pas  question,  arasée  qu'elle  était  par  les  eaux  dans  leur  mouvement 
latéral.  Désormais,  le  fleuve  étant  fixé,  la  rive  gauche  s'établit  définiti- 
vement, s'allonge  d'ilots,se  rapproche  de  la  rive  droite,  et  l'Escaut  prend 
peu  à  peu  son  aspect  actuel. 

Il  y  aurait  bien  des  chicanes  de  détail  à  faire  à  la  théorie  de  M.  Van 
Overloop.  Pourquoi  la  Meuse,  bien  plus  puissante  que  l'Escaut,  n'a-t-elle 
pas  été  refoulée  comme  lui  vers  l'Ouest,  et  ne  l'a-l-elle  pas  poursuivi  dans 
les  dépressions  de  la  Sambre,  de  la  Senne  et  de  la  Dendre  ?  Pourquoi  la 
Lys  n'a-t-elle  pas  eu  une  histoire  analogue  à  celle  du  fleuve  ?  Au  lieu  de  se 
déplacer  vers  l'Ouest,  elle  a  ramené  vers  l'Est  ses  eaux  qui  d'abord 
gagnaient  la  mer  du  Nord  par  les  passes  de  Staden,  puis  de  Wynghene 
Comment  expliquer  l'inopportune  présence  des  collines  de  Renaix,  qui 
ont  si  victorieusement  résisté  à  l'arasement  des  rives  gauches  ?  Mais  les 
objections  d'ensemble  suffisent.  Jamais  l'Escaut  pliocène  ou  quaternaire 
n'a  pu  avoir  la  largeur  que  lui  prodiguent  les  tracés  de  M.  Van  Overloop; 
où  aurait-il  pris  les  quantités  d'eau  que  suppose  un  lit  pareil  ?  Est-ce  sur 
ce  «  massif  central  »  1  d'où  descend  le  fleuve  d'aujourd'hui,  avec  son 
altitude  moyenne  de  121)  mètres  ?  Comment  croire  qu'un  fleuve  dont  le 
débit  aurait  été  supérieur  à  celui  des  plus  puissants  cours  d'eau  du  globe  3, 
eût  pu  recevoir  tant  d'eau  d'une  région  aussi  restreinte  que  le  bassin 
supérieur  de  l'Escaut  ?  Mais  surtout  ce  déplacement  latéral  d'un  fleuve  à 
travers  tout  le  territoire  belge  est  singulier.  Sans  parler  de  ces  soulève- 
ments de  toute  une  région  qui  ne  sont  démontrés  que  parce  qu'on  a  besoin 
d'eux,  le  mouvement  de  ce  fleuve,  roulant  ses  eaux  vers  le  Nord  et  poussé 
en  môme  temps  vers  l'Ouest,  paraît  un  phénomène  invraisemblable.  Nul 
autre  exemple  dans  le  monde.  Le  Hoang-Ho  déplaçant  son  cours  inférieur 
est  un  cas  bien  différent,  celui  d'un  fleuve  en  crue  qui  reprend,  dans  une 
plaine  alluviale,  un  ancien  cours  abandonné.  En  France  la  Garonne, 
qu'on  dit  poussée  contre  sa  rive  droite,  est  loin  de  la  faire  disparaître  ;  au 
contraire  elle  en  avive  la  pente,  qui  se  dresse  en  escarpements  au-dessus 


«  Origines  Escaut,  pp.  76-78. 

2  Ibid.,  p.  32. 

3  M.  Cornet  calcule  qu'un  fleuve  semblable  aurait  eu  un  débit  de  125.000  mètres  cubes 
par  seconde,  soit  la  somme  des  débits  du  Congo  et  du  Mississipi  (Etudes  évolution, 
p.  275,  note  2). 


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LES  COURS  D'EAU 


du  fleuve.  Rien  de  commun  avec,  cotte  rive  gaucho  fantôme  do  l'Escaut, 
qu'on  no  voit  jamais,  et  qui  devait  exister  pourtant  ;  que  le  fleuve  dévore 
mystérieusement  dans  sa  retraite  vers  l'Ouest,  sans  qu'elle  puisse  l'arrêter. 
Ht  ce  bizarre  déplacement,  qui  n'affecte  que  l'Escaut,  et  ne  fait  émigrerni 
la  Lys  ni  la  Meuse,  se  produit  toujours  vers  l'Ouest,  quoique  la  pente  des 
couches  fût  dirigée  vers  le  Nord.  L'Artois  ne  se  serait  donc  pas  soulevé, 
en  dépit  de  la  présence  des  sédiments  diestiens  à  170  mètres  à  Cassel  ? 

Cours  d'eau  conséquents  et  subséquents. 

C'est  en  s'inspirant,  comme  M.  Van  Overloop,  do  la  morphologie  du 
territoire  flamand,  maison  complétant  cotte  étude  par  des  considérations 
géologiques,  que  l'on  est  arrivé  récemment  à  émettre  sur  la  question  une 
hvpothèse  très  plausible  M.  Cornet  rappelle  d'abord  que  c'est  du  retrait 
de  la  mer  diostienno  que  date  la  formation  du  réseau  hydrographique 
actuel.  Or  il  est  difficile  de  nier  que  la  mer  diostienno  ne  se  soit  étendue 
sur  tout  le  bassin  dos  rivières  flamandes.  C'est  donc  bien  sur  la  surface 
toute  neuve,  peut-un  dire,  abandonnée  par  la  mer  diostienno  en  retraite, 
que  s'est  installé  le  drainage  de  la  Flandre. 

plaine  eôtièro  dieslienne  ne  tarda  pas  à  s'incliner  fortement.  Un 
mouvement  de  bascule,  réel  celui-là,  et  attesté  par  des  données  géolo- 
giques et  paléontologiques  incontestables,  se  produisit  autour  d'un  axe 
situé  à  la  hauteur  d'Anvers:  l'Artois  s'éleva,  la  Hollande  s'affaissa.  Sur 
le  plan  incliné  ainsi  formé  ruisselèrent  les  eaux  pluviales,  coulant  de  la 
partie  haute  vers  la  dépression,  du  S.-W.  vers  le  N.-E.  ;  c'est  le  drainage 
conséquent  qui  s'établit.  Celte  direction,  on  l'a  vu,  est  encore  celle  de 
nombreuses  rivières  *  ;  les  cours  d'eau  orientés  ainsi  sont  donc  les  artères 
conséquentes  du  réseau. 

Cependant  les  eaux  se  réunirent  pour  s'écouler,  en  quelques  branches 
maîtresses:  Lys,  Escaut  d'Audenarde,  Dendre,  Senne,  etc.;  branches 
situées  à  des  dislances  à  peu  près  équivalentes.  D'où  vient  cette  particu- 
larité ?  Faut-il  croire  que  les  rivières  se  sont  dès  l'abord  établies  dans  des 
dépressions  tertiaires  faiblement  accusées  !  M.  Gosselet  «  admet  que  c'est 


•  Cornet  (J.),  Eludes  sur  l'Evolution  dos  Rivières  belges.  —  Une  |>artie  du  travail 
a  «Hé  reproduite  à  part  sous  le  titre  :  «  L'orientation  des  vallées  dans  le  bassin  rie 
l'Escaut  ».  Bruxelles,  Yanderauwera,  190ï,  in-8<\  13  p. 

*  Cette  disposition  a  été  parfaitement  indiquée  par  M.  Gosselet  (Esquisse,  Quater- 
naire, p. 


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LKS  COURS  D'EAU  CONSÉQUENTS  ET  SUBSÉQUENTS 


87 


la  courbure  des  couches  tertiaires  qui  a  déterminé  l'emplacement  des 
vallées  actuelles  de  la  Searpe  et  do  la  Deûlo  aux  environs  de  Douai  »  ;  et 
d'autre  part  ces  synclinaux  tertiaires  remplissent  un  léger  vallon  do  la 
surface  de  la  craie1.  Peut-être  en  est-il  de  même  en  Flandre;  mais  ce 
détail  ne  pourra  être  éclairci  que  par  la  construction  do  coupes  géologiques 
perpendiculaires  aux  troncs  conséquents  *. 

Une  fois  que  les  cours  d'eau  conséquents  sont  formés,  des  affluents  leur 
arrivent  :  ce  sont  les  rivières  subséquentes.  A  pou  près  perpendiculaires 
aux  troncs  principaux.  Le  bassin  de  ces  affluents  subséquents  est  asymé- 
trique, étendu  au  Sud,  restreint  au  Nord,  ('/est  que  la  partie  Sud  correspond 
à  peu  près  au  plat  des  couches  tertiaires,  lentement  inclinées  vers  le  Nord, 
et  la  partie  Nord  a  la  tranche;  celle-ci  est  donc  moins  larpe  et  plus 
inclinée  3.  Parfois  des  affluents  de  rivières  subséquentes  sont  en  prolon- 
pement  les  uns  des  autres,  et  l'on  peut  alors  supposer  que  ce  sont  des 
restes  d'anciens  cours  d'eau  conséquents,  capturés  par  les  affluents 
subséquents.  Tel  serait  le  cas  de  certains  ruisseaux  du  bassin  de  la 
Dendre  ;  tel  celui  du  (laverbeek,  affluent  de  droite  de  la  Lys.  Knfin  l'on 
remarque  que  beaucoup  d'affluents  subséquents  ne  sont  pas  ripoureusomont 
perpendiculaires  aux  rivières  conséquentes  ;  ils  forment,  à  leur  rencontre 
avec  elles,  des  anples  pinson  moins  aipus.  M.  Cornet  en  donne  une  très 
ingénieuse  explication.  Ces  affluents  sont  nés  lorsque  le  pliocène  était 
déjà  enlevé,  et  que  les  couches  éocènes  avaient  été  ramenées  au  jour; 
coulant  sur  l'éocène,  ces  cours  d'eau  so  sont  conformés  à  la  pente  «le  ses 
assises,  qui  est  dirigée  vers  le  Nord,  tandis  que  la  ponte  du  pliocène  est  il 
pou  près  N.-E.  Aussi  ces  affluents  plus  récents  sont-ils  të.-W.  ;  de  là 
l'angle  aigu  qu'ils  l'ont  avec  les  rivières  conséquentes,  qui  continuent  à 
couler  suivant  l'ancienne  pente  du  pliocène  disparu,  et  sont  on  quelque 
sorte  «surimposées»  aux  couches  éocènes,  dans  lesquelles  leur  lit  est 
aujourd'hui  frayé  4 .  Cependant  une  réserve  s'impose.  Ces  rivières  subsé- 
quentes obliques  se  trouvent  être  en  effet  les  affluents  les  plus  importants 
des  troncs  conséquents  :  Douve,  Mande]  pour  la  Lys,  Rhosnes,  Marcke- 
beek,  Zwalm  pour  l'Escaut,  Ancre,  Marcq,  Hellobeek  pour  la  Dendre. 
Faut-il  admettre  que  les  plus  importants  des  cours  d'eau  subséquents 
soient  ainsi  les  plus  récents  ! 


1  (îosselet  (.].),  Coupe  du  Canal  do  Dérivation  autour  do  Douai  (Ann.  Soc.  fjéol. 
N.,  XXXII,  W04,  pp.  88-810. 

*  Etudes  évolution,  p.  454. 
3  Ibid.,  p.  457. 

*  Ibid.,  pp.  458-450. 


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LES  COURS  D'EAU 


Otlo  explication  do  la  direction  dos  rivières  flamandes  a  le  mérite  d'être 
simple,  claire,  cl  do  s'accorder  avec  oc  qu'on  suit  do  la  géologie  du  pays. 
M.  Rutot,  dans  son  travail  sur  lo  creusement  do  la  vallôo  do  la  Lys, 
apporlo  uno  prouvo  nouvollo  :  la  Lys  est  bien  un  cours  d'eau  conséquent, 
qui  ost  descendu  sur  pince  on  laissant  dos  terrasses  qui  marquent  les 
étapes  du  creusement  L  Kn  France,  il  est  facile  de  trouver  d'autres  faits 
qui  viennent  appuyer  la  théorie  de  M.  Cornet:  l'ancienne  rivière  Searpo 
d'Arras-Sensée,  séparée  aujourd'hui  on  \i  tronçons,  était  un  affluent 
subséquent  oblique  do  l'Kscaut  ;  de  môme  pour  la  Searpo  de  Douai- 
St-Amand,  qui  rejoignait  jadis  le  fleuve  vers  Condé  par  une  dépression 


Fi<;.  2î.  —  Direction  «les  cours  , l'eau  flamands. 

-—       DîrccliDti  conséquente. 
■      Direction  subi-equente. 

Anciens  cours  possibles  ou  probables. 


1  Rutot  (A.),  Note  sur  la  découvert!'  «l'importants  gisements  de  silex  taillés  dans  les 
collines  de  la  Flan«lre  Occidentale.  (Coupe  de  la  vallée  de  la  Lys,  page  !»)  ;  —  lilem. 
Creusement  de  la  vallée  de  la  Lys  (Huit.  Soc.  belge  OëoL,  XIII,  180! i,  Ur.-Y., 
pp.  lM-101). 


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LES  COURS  D'EAU  CONSÉQUENTS  ET  SUBSÉQUENTS 


80 


très  nettement  indiquée  encore  à  travers  la  foret  de  Raisinés  Nul  doute 
que  d'autres  observations  ne  viennent  encore  prouver  l'exactitude  de  la 
théorie. 

Cependant  la  théorie  générale  une  fois  admise  il  reste  bien  des  détails 
à  expliquer.  Les  cours  d'eau  de  la  répion  côtière,  Hem,  Aa,  Yser,  Waer- 
damme,  ont  un  cours  supérieur  conséquent  à  l'ancien  rivage  diestien. 
Brusquement,  arrivés  au  bord  de  la  plaine  maritime,  ils  tournent  au  Nord, 
même  au  N.-N.-W.,  vers  la  mer.  D'où  vient  ce  changement  soudain  ? 
C'est  ici  le  lieu  de  rappeler  qu'un  grand  cours  d'eau  a  du  exister  jadis  sur 
remplacement  actuej  de  la  côte.  M.  Rutot  en  a  le  premier  soupçonné 
l'existence  *  :  découvrant  sur  la  plage,  après  des  tempêtes,  des  fragments 
de  grès  paniseliens  avec  fossiles,  il  en  conclut  qu'un  peu  au  large  île  la 
côte  les  sédiments  quaternaires  (sables  flandriens)  ne  surmontaient  plus  le 
Paniselien.  Ainsi  les  sables  flandriens  seraient  amoncelés  dans  une 
dépression  qui  comprend  la  plaine  maritime  et  une  petite  frange  seule- 
ment de  la  mer  du  Nord  ;  cette  dépression  serait  «une  ancienne  vallée 
fluviale  (conséquente  à  la  mer  pliocène),  dans  laquelle  la  mer  flandrienne 
aurait  pénétré.  M.  Cornet  voit  dans  ce  fleuve  disparu  l'agent  de  l'énorme 
flénudation  qu'ont  subie  les  couches  tertiaires  de  la  Flandre  occidentale  3. 
L'existence  de  ce  fleuve  admise,  plusieurs  hypothèses  s'offrent  pour 
expliquer  la  direction  actuelle  des  rivières  de  la  plaine  maritime.  On  peut 
se  demander  si  elles  n'ont  pas  été  (comme  l'Escaut  inférieur)  capturées 
par  l'invasion  marine  du  V°  siècle  ;  ou  plutôt  si  leur  cours  inférieur  ne 
date  pas  du  recul  de  la  mer  quaternaire,  abandonnant  la  plaine  maritime 
au  début  de  l'époque  historique.  Une  hypothèse  plus  complète  encore  se 
pi*ésente.  Les  cours  supérieurs  de  ces  rivières  seraient  des  fragments  de 
cours  d'eau  conséquents,  capturés  par  des  affluents  subséquents  du  grand 
fleuve  de  la  côte.  D'où  la  direction  Sud-Nord  de  leur  cours  inférieur.  La 
mer  flandrienne  pénétrant  dans  la  vallée  du  fleuve,  serait  remontée  dans 
celle  de  ses  affluents,  et  y  aurait  déposé  ses  sédiments  ;  d'où  la  forme  de 
golfes  que  présente  aujourd'hui  la  plaine  maritime  au  débouché  de  la  Hem, 
«le  l'Aa  et  de  l'Vser  :  ces  golfes  étant  d'anciennes  vallées  submergées, 
puis  à  demi  comblées  de  sables  flandriens.  Après  le  départ  de  la  mer, 
les  rivières  auraient  établi  sur  la  plaine  exondée  un  cours  conséquent 


'  Indication  duc  à  M.  Maurice  Lorichc. 
ï  Rutot.  Origines,  pp.  iWrfi. 
3  Etudes  évolution,  pp.  430-431. 


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LES  COURS  D'EAU 


nu  nouveau  rivage  ;  et  les  mêmes  phénomènes  se  seraient  reproduits  avec 
l'invasion  marine  du  IVe  siècle 

D'autre  pari,  des  phénomènes  de  capture  sont  probablement  intervenus 
à  l'intérieur  de  la  Flandre  pour  modilier  le  réseau  primitif;  les  changements 
de  niveau  de  base  qui  se  sont  produits  depuis  le'départ  delà  mer  diestienne 
ayant  donné  aux  lentes  rivières  d'aujourd'hui  une  activité  de  fleuves 
travailleurs.  Rien  qu'A  l'époque  moderne  on  a  pu  constater  des  phases 
torrentielles  dans  le  régime  de  rivières  qui  sont  des  modèles  de  calme.  Vers 
le  IIIMY*  siècle  de  notre  ère,  la  Deùle  a  roulé  des  galets  de  craie  assez 
volumineux,  déposés  dans  un  banc  de  sable  verdàtru  avec  des  fragments 
de  meules  et  de  tuiles  romaines;  et  elle  a  eu  une  autre  forte  crue  au 
XIIIe  siècle  !.  Ainsi  des  rivières  aussi  lentes  et  faibles  que  la  Deûle  ont 
pu,  à  diverses  reprises,  avoir  assez  de  force  pour  creuser  leur  lit,  reculer 
leur  tète  et  capturer  des  systèmes  hydrographiques  voisins.  En  tenant 
compte  de  la  prudence  avec  laquelle  il  faut  étudier  des  phénomènes  qui 
ont  laissé  si  peu  do  traces,  on  pourrait  peut-être  supposer  que  la  Deûle 
actuelle,  jusqu'à  Lille,  se  continuait  jadis  vers  Espierres,  où  l'Escaut 
d'Audenarde  semble  être  son  prolongement.  De  même  il  est  permis  de 
voir,  dans  le  tronçon  de  l'Escaut  qui  va  de  Coudé  à  Espierres,  un  ancien 
affluent  subséquent  de  la  rivière  d'Audenarde,  qui  a  capturé  l'Escaut 
supérieur.  Jusqu'alors,  celui  ci  s'écoulait  probablement  droit  au  Nord, 
par  la  dépression  de  Hlaton  où  passe  maintenant  le  canal  d'Ath  ;  et  la 
Dendre  était  le  prolongement  direct  du  fleuve  de  Cambrai  et  de  Valen- 
ciennes.  C'est  un  peu  le  «  stade  Dendre  »  de  M.  Van  Overloop,  mais  le 
fleuve  reconstitué  n'a  rien  de  l'immense  nappe  que  l'on  présentait  naguère, 
et  ses  transformations  s'expliquent  par  des  phénomènes  vraisemblables; 
l'hypothèse  est  au  moins  possible. 

Les  rivières  au  Nord  de  Gand. 

Où  b'S  difficultés  deviennent  particulièrement,  nombreuses,  c'est  lorsqu'il 
s'agit  d'expliquer  le  cours  de  l'Escaut  et  de  ses  affluents  conséquents  au- 
delà  du  parallèle  de  Cand.  A  première  vue,  le  phénomène  parait  assez 


«  Sur  le  cas  de  l'Aa,  jadis  affluent  de  la  Lys  à  Aire,  et  capturé  par  une  rivière 
venant  de  la  Plaine  maritime,  voir  Briquet  (A.),  Quelques  phénomènes  de  capture 
dans  le  bassin  de  l'Aa  (Ami.  Soe.  p'-ol.  N.,  XXX1Y,  11105,  pp.  111-120.  pl.  Y). 

*  Cf.  Ladrièn-  (.1.),  Les  Ancienne»  rivières  (Ami.  Soc.  géol.  N.,  VIII,  1880-81, 
pp.  11-17;  ;  —  Gosselct,  Esquisse,  Quaternaire,  pp.  3i?4-3#>. 


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LES  RIVIÈRES  AU  NORD  DE  GAND 


Oi 


simple.  Un  cours  d'eau  contrai,  dans  l'espèce  la  Dendre,  a  capturé  par 
l'intermédiaire  d'affluents  subséquents,  les  trônes  conséquents  voisins: 
l'Escaut  de  Wetteren  lui  a  amené  les  eaux  de  l'Escaut  d'Audenarde  et  de 
la  Lys;  le  Rupel,  celles  de  la  Senne,  de  la  Dyle,  de  la  dette.  Rien  de  moins 
compliqué;  et  la  réunion  des  eaux  du  bassin  vers  Anvers  s'expliquerait 
ainsi  facilement.  Mais  à  Anvers  il  n'existe  pour  ainsi  dire  pas  de  sédi- 
ments quaternaires  dans  la  vallée  du  fleuve;  les  alluvions  modernes 
reposent  sur  des  couches  tertiaires  '.  D'autre  p;irt  l'allure  rectiligne  de  la 
limite  Sud  du  Scaldisien  dans  la  région  d'Anvers  montre  que  le  fleuve 
n'existait  pas  pendant  la  période  correspondant  au  dépôt  de  cette  couche2. 
\jo  cours  par  Anvers  daterait  donc  seulement  de  l'époque  moderne. 
Pourtant  des  recherches  laites  sur  le  terrain  semblent  indiquer  qu'à  la  fin 
de  la  période  quaternaire  le  fleuve  gagnait  la  Meuse  par  Rréda,  la  trace 
de  son  passage  existant  encore  dans  les  tourbières  au  Sud  de  cette  ville  3  ; 
et  cette  interprétation  a  l'avantage  d'être  en  harmonie  avec  la  direction 
générale  des  cours  d'eau  flamands. 

A  l'époque  moderne  au  moins,  il  est  à  peu  près  certain  que  le  fleuve 
écoulait  ses  eaux  par  Anvers.  Au  delà,  il  serpentait  sur  la  plaine  de  sables 
flandriens, déposés  parla  mer  quaternaire  en  retraite;  et  par l'Eendracht, 
qui  sépare  aujourd'hui  Tholen  du  continent,  il  allait  rejoindre  la  Meuse  4. 
N'étant  pas  gonflé  par  la  marée,  c'était  un  fleuve  modeste,  coulant  au 
milieu  des  marécages  tourbeux  où  un  nouveau  sol  s'élaborait  au-dessus 
des  sables  flandriens.  C'est  alors  que  le  vit  César,  qui  indique  qu'il  se 
jette  dans  la  Meuse  ».  Quatre  siècles  plus  tard,  la  mer  reparaissait  sur  la 
plaine  déjà  toute  couverte  de  tourbe;  elle  arrivait  jusqu'à  l'Escaut  et 
pénétrait  dans  sa  vallée  jusqu'au  delà  d'Anvers.  Quand  elle  perdit  du 
terrain,  et  qu'une  partie  de  la  plaine  émergea  de  nouveau,  des  criques 
profondes  s'étaient  formées,  et  c'est  par  ces  bras  de  mer  que  s'écoula 
désormais  le  modeste  apport  de  l'Escaut.  Rien  de  commun  entre  ces  deux 
larges  golfes  marins  et  le  fleuve  qui  vient  leur  apporter  ses  eaux  ; 
cependant  on  s'habitua  à  considérer  les  deux  bras  comme  les  branches 


•  Van  ilen  Itrocck  (E.),  Présentation  du  travail  de  M.  Van  Overloop  (Mull.  So*-. 
belge  f.éol.,  III,  1880.  Pr.-V.,  pp.  l'tt-194). 

1  Van  Ertborn  (O.),  Texte  explicatif  du  levé  géologique  de  la  planchette  d'Anvers, 
p.  3. 

Lorié  (J.).  Ijcs  métamorphoses  de  l'Escaut  et  de  la  Meuse  (Mull.  Soc.  bel^e  (u'ol., 
IX,  18U5,  Mém.,  pp.  7T>-77). 

»  Ibid.,  p.  58. 

5  César,  de  Bello  ôallico,  VI,  33,  3. 


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LES  COURS  D'EAU 


d'un  delta,  et  à  les  appeler  Escaut  oriental  et  occidental.  En  réalité  c'est 
au  Doel,  on  aval  d'Anvers,  que  se  termine  le  véritable  cours  du  fleuve; 
c'est  là  qu'il  rejoint  le  bras  de  mer  de  l'Escaut  occidental. 

Cependant  le  détour  qu'accomplit  l'Escaut,  après  Gand,  pour  aller 
rejoindre  la  mer,  reste  un  objet  d'étonnement  pour  tous  ceux  qui 
consultent  une  carte  de  Flandre.  Do  Gand  à  l'ancienne  extrémité  de  la 
crique  du  Hraakman,  étendue  il  n'y  a  que  120  ans  jusqu'au  Sud  de  Sas-de- 
Gand,  il  n'y  a  guère  que  18  kilomètres,  et  le  canal  de  Terneuzen  entre 
Gand  et  le  Sas  n'a  pas  besoin  d'une  seule  écluse;  sur  ce  parcours, 
l'altitude  moyenne  ne  dépasse  pas  8  mètres.  D'autre  part  les  profondes 
criques  qui  traversaient  la  plaine  maritime,  le  Zwin  disparu  au 
NIX*"  siècle,  le  Hraakman  qui  existe  encore,  ressemblaient  trop  à  d'anciens 
estuaires  pour  qu'on  ne  fut  pas  tenté  d'en  faire  des  embouchures  oblitérées 
de  la  Lys  et  de  l'Escaut.  La  présence,  au  Nord  de  Gand,  de  la  bizarre 
vallée  de  la  Cacle,  semblait  une  autre  preuve  de  l'ancienne  direction  des 
cours  d'eau:  se  détachant  vers  Dcynze  do  la  Lys,  la  Caele  s'oriente 
vers  le  N.-E.  ;  la  dépression  marécageuse  où  elle  coule,  bien  lentement, 
est  empruntée  successivement  par  les  canaux  de  Schipdonck  et  de  Hruges. 
Passant  au  Nord  de  Gand,  la  Gaele  vient  se  confondre  avec  le  canal  de 
Terneuzen  ;  mais  un  peu  plus  loin,  à  Roodenhuyze,  sa  vallée  s'écarte  du 
canal  et  s'incline  peu  à  peu  vers  l'Est.  I^t  rivière  a  changé  de  nom  :  c'est 
le  Moervaart;  la  vallée  s'est  élargie  jusqu'à  dépasser  2  kilomètres  ;  elle 
est  digne  d'un  fleuve.  Le  Moervaart  longe  la  rive  Nord  ;  un  autre  bras, 
la  Zuidleede,  recueille  les  eaux  du  Sud  ;  entre  les  deux  courants  s'étendent 
des  prairies  marécageuses,  coupées  de  nombreux  fossés.  I*i  plaine  du 
Moervaart  se  termine  à  l'Est  en  cul-de-sac  vers  Stekeno  ;  Moervaart  et 
Zuidleede  se  réunissent,  tournent  au  Sud,  prennent  le  nom  de  Durme, 
et  la  nouvelle  rivière  gagne  l'Escaut  en  contournant  le  rebord  du  pays 
de  Waes. 

\j\  présence  de  cette  rivière  Caele-Mocrvaart-Durme,  le  peu  de  distance 
qui  sépare  Gand  du  Sas,  l'altitude  si  faible  de  la  région  intermédiaire, 
devaient  donc  faire  naître  l'hypothèse  que  la  Lys  et  l'Escaut  avaient 
jadis  gagné  la  mer  droit  au  Nord.  La  direction  de  la  vallée  Caelo-Moer- 
vaart,  sa  largeur,  les  alluvions  qui  en  forment  le  sol,  rendent  en  effet 
plausible  l'hypothèse  qu'une  partie  des  eaux  de  la  Lys  aient  emprunté 
jadis  ce  chemin,  prolongement  de  la  vallée  supérieure1.  Mais  ou  a  fait 


'  Cf.  sur  la  vallée  du  Moervaart,  la  description  donnée  par  M.  Van  Overloop  dans  : 
Les  silex  de  la  station  préhistorique  de  Mendonek  (Bull.  Soe.  Anthr.  Brux.,  111,  1884- 
1885,  p.  334). 


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LES  RIVIÈRES  AU  NORD  DE  G  AND 


bien  d'autres  suppositions.  On  a  affirmé  que  la  Lys  débouchait  dans  le 
Zwin,  en  passant  sur  les  emplacements  actuels  des  canaux  de  Bruges 
ou  de  Schipdonck.  Or,  rien  dans  le  sol  ni  dans  le  relief  entre  Deynze 
et  Hruges  ne  rappelle  des  alluvions  récentes  ou  une  vallée.  D'autre 
part  trois  consciencieuses  études  ont  été  écrites  pour  prouver  que 
l'Escaut  et  la  Lys,  à  l'époque  historique,  se  jetaient  encore  dans  le 
lîraakman  et  les  criques  voisines  Pour  les  uns,  l'Escaut  empruntait  la 
vallée  du  Moervaart ,  et  se  partageait  en  deux  bras,  dont  l'un,  par 
Stekeiie,  gagnait  Hulst,  Axel  et  le  Braakman,  et  dont  l'autre  continuait 
par  la  Durmo  ;  c'est  assez  longtemps  après  Charlemagne  que  la  première 
passe  aurait  disparu,  comblée  par  le  sable  campinien  que  le  vent  y  aurait 
amené  *.  Cette  date  si  récente,  après  Charlemagne,  peut  surprendre: 
mais  c'est  justement  là  qu'est  le  secret  de  cette  théorie;  beaucoup 
d'historiens,  étonnés  que  le  pays  de  Waes  et  les  Quatre-Métiers  fissent 
partie  de  l'Empire,  ont  pensé  que  l'Escaut,  limite  de  la  Flandre  et  de 
l'Empire  de  Tournai  à  Gand,  avait  dû  continuer  à  former  la  frontière 
au  delà  de  Gand,  jusqu'à  la  mer  ;  le  fleuve  plus  tard  s'était  détourné,  mais 
la  limite  restait,  témoin  de  son  ancien  cours.  La  raison  n'était  pas  suffi- 
sante ;  une  limite  n'est  pas  nécessairement  rivée  à  un  fleuve,  surtout  lors- 
que ce  fleuve  est  un  très  modeste  cours  d'eau.  Aussi  l'auteur  de  la  troisième 
étude  ne  s'y  est-il  pas  arrêté.  Pour  lui  le  Moervaart-Durme  est  le  prolon- 
gement de  la  Lys  \  qui  jusqu'au  XIIIe  siècle  se  jetait  dans  le  Hont 
(Escaut  Occidental)  par  un  véritable  delta,  tandis  que  l'Escaut,  relié  à 
la  Lys  dans  la  ville  de  Gand  par  des  bras  d'une  importance  secondaire, 
continuait  sa  route  par  Wetteren,  Termonde  et  Anvers.  Le  delta  de 
cette  Durme-Lys  comprenait  7  ou  8  bras.  Le  premier  quittait  la  vallée 
principale  à  l^angerbrugge,  se  subdivisait  après  Cluysen  en  deux  rami- 
fications, l'une  allant  au  Hont  par  Rouchaute ,  l'autre  par  Ertvelde  • 
et  Assenede  * .  Une  autre  branche  suivait,  depuis  Roodenhuyze,  l'em- 


*  David,  Recherches  sur  le  cours  primitif  de  l'Escaut  (Bull.  Ac.  R.  Belg.,  1"  série, 
t.  XVI,  184!»,  1"  partie,  pp.  257-282,  et  1"  série,  t.  XIX,  1*52,  1"  partie,  pp.' 64ÎMJ7H)  ; 
—  Wrstraete  (E.-.J.),  Nouvelles  études  sur  le  cours  primitif  de  l'Escaut  on  aval  de 
r.and  (Bull.  Soc.  belge  «iéog.,  Il,  187X,  pp.  313-333)  ;  —  Van  Worveke  (A.-K.),  Etude 
sur  le  cours  de  l'Escaut  et  de  la  Lys-Durme  au  moyen-âge  (Bull.  Soc.  belge  (Jéog., 
XVI,  18<r2,  pp.  4T3-485,  5884311,  2  cartes  à  1  :  240.000  et  1  :  30.000). 

*  Verstraete,  p.  328. 

'  Nombreux  textes  pour  prouver  que,  depuis  (îand  jusqu'au  Moervaart,  le  cours 
d'eau  prolongement  de  la  Lys  est  désigné  plusieurs  fois  sous  le  nom  de  Durme  (Van 
Wcrveke,  pp.  463-406). 

*  Van  Werveke,  pp.  467-470. 


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9* 


LES  COURS  D'EAU 


placement  actuel  du  canal  de  Terneuzen  jusqu'au  delà  de  Selzaete; 
la  I«angeleede,  de  Wachtebeke  au  Canisvliet,  était  une  autre  issue,  b» 
bras  le  plus  important  du  delta  quittait  le  Moervaart  à  (lalve,  passait 
par  Overslag  et  suivait  les  criques  des  Polders  par  Axel  jusqu'à 
Othene,  hameau  à  l'Est  de  Terneuzen  ;  il  était  eneure  important  en  1547 
Le  bras  Haringsleede  suivait  à  l'Est,  et  le  dernier  était  le  canal  de  Stekene, 
qui  rejoignait  Hulsl  et  le  Hellegat.  Le  travail  est  appuyé  sur  de  nombreux 
tvxt<is,  qu'il  faudrait  discuter  pied  à  pied,  sans  arriver  d'ailleurs  à  un 
résultat  très  net,  car  on  pourrait  toujours  équivoquer  sur  le  sens  des 
tenues  désignant  les  «cours  d'eau»;  signifient-ils  rivière  naturelle  ou 
•  anal  ?  Eu  tous  cas  on  peut  fort  bien  penser,  à  voir  ces  bras  du  prétendu 
delta,  que  c'étaient  de  très  anciens  fossés  assurant  l'écoulement  des  eaux 
pluviales  vers  les  Polders  ou  le  Moervaart.  (l'est  dans  ce  but,  par  exemple, 
qu'on  établit  en  UH5  le  canal  de  Stekene  à  Hulst  s;  ce  creusement  de 
canaux  d'assèchement  était  nécessaire  sur  ce  sol  plat,  à  peu  près  imper- 
méable. D'autre  part  rien  n'indique  que  le  pays  qui  sépare  (iand  des 
Polders  fut  un  delta,  c'est-à-dire  une  plaine  à  pente  insensible,  lentement 
formée  des  apports  de  la  rivière,  et  sur  laquelle  celle-ci  se  divisait  capri- 
cieusement en  plusieurs  bras.  Le  sol  est  uniquement  formé  de  sable, 
parfois  assez  grossier  et  meuble,  bien  différent  des  alluvions  argileuses  de 
la  vallée  de  la  Lys  ;  de  même  qu'aucune  trace  d'alluvions  marines  récentes 
ne  s'observe  le  long  des  fossés  qui  sciaient  les  anciennes  branches  du 
delta.  Ainsi  pas  de  traces  de  l'action  marine:  et  cependant  la  marée 
aurait  dû  remonter  dans  ces  bras  au  moins  jusqu'au  Moervaart  ;  pas  de 
traces  d'alluvions  fluvialiles,  sauf  dans  la  vallée,  parallèle  à  la  côte,  de  la 
Caele  et  du  Moervaart.  (lette  ingénieuse  hypothèse,  due  à  une  étude 
soignée  des  cartes  et  des  textes,  ne  se  vérifie  donc  pas  sur  le  terrain.  En 
conclusion,  si  la  Lys  et  l'Escaut  ont  pu  couler  au  Nord  de  (land  à  l'époque 
quaternaire,  ils  n'ont  pas  laissé  trace  d'une  pareille  direction  à  l'époque 
moderne.  Les  contemporains  de  Charlemagne  n'ont  pas  vu  les  eaux 
«  blondes  s»  de  l'Escaut  et  de  la  Lys  se  ramifier  dans  la  plaine  sableuse  de 
Selzaete  ;  l'étroite  branche  de  Wetteren  suffisait  déjà  à  mener  à  la  mer  le 
débit  des  deux  rivières.  \a\  vue  de  l'Escaut  et  de  la  Lys  d'aujourd'hui,  dont 
l'homme  pourtant  soutient  le  niveau  par  des  barrages,  approfondit  le  lit 
et  concentre  les  eaux  dans  un  seul  bras,  doit  faire  réfléchir  ceux  qui 
rêvent  pour  ces  gros  canaux  une  histoire  glorieuse  et  compliquée. 


1  Van  WVrveke,  pp.  iT.'^HO. 

1  Van  de  l'utte,  Cronîca  »>t  Cartulariuni  monasterii  de  Dunis,  Charte  d.»  Robert  de 
Hêthuue,  nu  i.">4i.  p.  00C>. 


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L'HYDROLOGIE 


IL 

HYDHOLO(iIE. 

Rien  n'est  moins  imposant  que  ces  rivières  flamandes.  De  loin,  quand 
on  découvre  d'une  liauleur  la  largo  vallée,  toute  verte  avec  des  lignes  de 
peupliers  inclinés,  et  des  files  de  toits  rouges  le  long  des  versants,  on 
s'attend  à  une  manière  de  fleuve.  Un  étonnement  vient  déjà  de  ne  pas 
apercevoir  la  rivière,  enfouie  souvent  derrière  une  petite  digue.  Mais  la 
désillusion  est  complète  quand,  à  travers  les  prairies,  on  atteint  enfin  le 
cours  d'eau.  Même  pour  ceux  qui  les  connaissent,  il  y  a  toujours  un  peu 
de  surprise  à  les  voir  si  minces.  L'ampleur  de  la  vallée  promettait  un 
fleuve  :  on  trouve  un  canal.  Aux  temps  lointains  de  leur  indépendance, 
lorsque  l'habitant  de  la  Flandre  avait  autre  chose  à  faire  qu'à  essayer  de 
régulariser  leur  lit,  les  cours  d'eau  avaient  peut-être  plus  d'allure  ;  ils 
s'attardaient  dans  la  vallée  plate,  se  compliquaient  de  bras  morts  et  de 
marécages  tourbeux;  leurs  eaux  largement  étalées  pouvaient  faire  illusion 
sur  leur  faible  volume.  Depuis  l'homme  s'en  est  emparé  ;  il  les  a  enfermés 
derrière  des  diguettes,  séparés  de  leur  vallée  par  des  vannes  cadenassées; 
des  barrages  les  découpent  en  sections  égales,  et  ils  ne  peuvent  passer  que 
lorsqu'on  leur  ouvre  les  portes.  Ils  ont  l'air  de  bons  esclaves  créés  pour  se 
rendre  utiles,  pour  transporter  docilement  les  fardeaux  d'un  pays  riche. 
Ouvriers  salis  par  le  travail,  peu  soucieux  d'être  agréables  à  la  vue,  ils  ne 
sont  pas  là  pour  embellir  le  paysage,  mais  pour  servir  à  quelque  chose.  Ils 
mit  tous  au  même  degré  l'air  soumis  et  pacifique  ;  l'affluent,  soutenu  par 
ses  écluses,  est  juste  aussi  imposant  que  le  fleuve.  La  Deùle  à  St-Audré 
fait  autant  d'effet  que  la  Lys  à  Deynze  ou  que  l'Escaut  à  Cavere  ;  elle  est 
seulement  plus  noire. 

Cependant  ces  rivières  bonasses  ont  leurs  caprices.  Ces  travailleurs 
soumis  ont  leurs  défauts;  leur  histoire  contient  beaucoup  de  mauvaises 
pages.  Les  chroniqueurs  ne  laissent  guère  passer  d'années  sans  la  mention 
monotone  d'inondations  :  tantôt  la  mer,  et  tantôt  les  fleuves.  La  dernière 
en  date  est  de  ;  c'est  la  grand»'  crue  de  la  Lys.  Il  faut  donc  que  les 
éléments  du  régime  soient  défectueux.  En  effet,  si  les  pluies  se  répar- 
tissent sur  un  grand  nombre  de  jours  chaque  année,  et  sont  assez  régu- 
lières, en  revanche  l'imperméabilité  générale  du  sol  et  le  défaut  de  pente 
condamnent  la  Flandre  à  être  perpétuellement  menacée  d'inondations: 
fleuves,  rivières,  ruisseaux,  il  n'en  est  guère  qui  ne  débordent  chaque 
année. 


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LES  COURS  D'EAU 


Éléments  du  régime. 


D'un  bout  à  l'autre  du  pays,  le  sol  de  la  Flandre  peut  être  considéré 
comme  imperméable.  La  plaine  maritime,  avec  son  tapis  d'argile  grise  qui 
la  recouvre  presque  tout  entière,  ne  laisse  guère  filtrer  en  profondeur  ce 
qui  tombe  à  la  surface.  Dans  l'intérieur,  la  présence  de  l'argile  yprésienne, 
à  l'Ouest,  suffit  à  arrêter  la  descente  des  eaux.  Pourtant  l'argile  afHeure 
rarement  à  la  surface.  Mais  le  limon  argileux  qui  couvre  le  sol  est 
assez  difficilement  perméable,  et  il  n'est  pas  rare,  l'hiver,  de  voir  de  larges 
flaques  d'eau  dans  les  champs.  Otte  couche  limoneuse  est  d'ailleurs  vite 
saturée,  car  il  existe,  au  contact  du  limon  et  de  l'argile,  une  nappe  perma- 
nente à  laquelle  s'alimentent  les  puits;  on  la  trouve  parfois  à  1  mètre  de 
profondeur,  et  elle  s'enfonce  rarement  au-dessous  de  5  mètres.  De  même 
dans  la  plaine  de  la  Lys,  où  le  limon  argileux,  jaune,  peu  perméable,  qui 
retient  une  bonne  partie  des  eaux  superficielles,  est  superposé  à  l'abon- 
dante nappe  qui  règne  dans  les  sables  verd Aires  au-dessus  de  l'argile 
yprésienne.  Enfin  quand  l'argile  affleure  dans  les  l'aeauls  et  les  Clyttes, 
l'imperméabilité  est  complète. 


On  pourrait  croire  qu'à  mesure  qu'on  s'avance  vers  l'Est,  on  trouve  une 
terre  plus  sèche  ;  que  le  sable  qui  forme  la  surface  est  plus  perméable.  Or 
la  différence  est  assez  faible.  Il  n'y  a  qu'à  voir  combien  le  nom  de  «  pays 
sec  »  est  rare  en  Flandre  ;  à  peine  deux  ou  trois  hameaux  «  Droogclandt  *>, 
et  encore  l'un  d'eux  est  situé  dans  l'Ouest,  sur  territoire  français.  En  effet 
le  sable  yprésien,  sillonné  de  linéoles  argileuses,  n'est  presque  pas 
perméable  ;  le  sable  quaternaire  (flandrien)  est  assez  souvent  limoneux,  ou 


Échelle  de  «  :  800.000 


Fie.  °£>.  —  Exemple  «le  chevelu.  \j-  bassin  «le  la  Pemlrv. 


•  O.  —  La  Ly»  i  Dcvrrc  i  Moulin»  de  Prit^rm  . 


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'  «  -  t.t.l'H"'  li'HAI 


Kit-un  nts  du  r'Mjinw 


M,i  |>;-\s.  i<  >  «1  »!<•  !a  FI  a  ru*  n*  pi'iil  i*ir«'  •••r. »«*•!•• 
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.  «|r:»"  h»  St'lm*  «|  1 1  f«  j<  'a  «"ii'laci*  psi  piusj'rrii  isili.»*.  i  >  • 
••y  ••/.  '.i'M«'.  Il  ii* \  a  'i-.'.'  \<  ;r  mijilûi  n  !»•  iin»n  jI"  «  '..«v- 

|"i.«|t,î"i.  ;  \  .n'Il!»'  »i»*t.\  »HI  I ii<Hil«**l1l\  «  I Jr» »i •V,*"»ii»«»J i  •. 

•^1  .s'iu»» i"nîi>  i*(h]cs!,  su:*     ril«»ir*'  li :»Ii»*ïi.s.  I.'i .  lï* 
Mili'Ma*  «I»'  l'ii''"!<'S  •i:*}*,V|i>ii*«.  u'*'>\  !>'*.•>';•  îm> 
l'i.'îtrt         if!;i?nlt  i»  m  i"  (  .'ins«v  ^"îvi'îiJ  l'iii"ti"n\.  ••• 


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LES  ÉLÉMENTS  DU  RÉCIMK  S/7 

argileux,  à  une  faible  profondeur.  Même  dans  l'extrême  Nord,  où  le  sable 
atteint  une  épaisseur  considérable^  mètres  à  Eecloo),  l'eau  se  trouve 
toujours  à  une  faible  profondeur,  retenue  par  des  linéoles  imperméables. 
Nulle  partie  sable  n'est  assez  pur  ni  assez  meuble  pour  se  laisser  pénétrer; 
partout  à  une  faible  profondeur  s'étend  la  mince  couche  imperméable  qui 
empêche  l'eau  de  descendre.  Quand  ce  n'est  pas  l'argile,  c'est  la  roche, 
«  Rots  »,  tuf  brunâtre,  où  le  sable  est  aggloméré  par  un  ciment  siliceux. 
Enfin  dans  le  pays  de  Waes  c'est  l'argile  rupelienne  qui,  enfouie  d'un  ou 
J  mètres  sous  le  limon  sableux,  force  les  eaux  à  s'écouler  presque  immé- 
diatement sur  Je  sol. 

Cette  imperméabilité  de  toute  la  Flandre  ,*et  les  faibles  différences 
d'altitude,  empêchent  qu'on  y  trouve  beaucoup  de  sources.  Seule,  la  région 
des  collines  et  le  pays  d'Alost  en  possèdent,  minces  filets  d'eau,  parfois 
taris  dans  les  étés  secs,  et  qui  ne  jouent  qu'un  faible  rôle  dans  l'économie 
rurale  du  pays,  ou  dans  le  régime  des  cours  d'eau.  Dans  les  collines  de 
Thielt,  on  ne  trouve  sur  les  flancs  que  de  faibles  suintements  ;  cependant 
chaque  hauteur  paniselienne  contient  plusieurs  nappes,  une  dans  le  sable 
argileux  supérieur,  une  autre  au-dessus  de  l'argile  schistoïde;  celle-ci  est 
la  plus  considérable,  et  sa  présence  explique  que  les  lieux  habités  des 
collines  paniseliennes  ne  sont  pas  établis  tout  au  sommet,  mais  déjà  sur 
un  flanc  (le  Hune  Sud  en  général)  pour  être  à  portée  de  cette  deuxième 
nappe.  Dans  la  colline  de  Wynendaele,  la  principale  nappe  est  aussi  celle 
de  l'argile  base  du  l'aniselien,  dont  les  suintements  forment  des  ruisseaux 
clairs  qui  coulent  rapidement  vers  le  Nord  ;  c'est  là  qu'on  projette  parfois 
de  venir  chercher  de  l'eau  potable  pour  Ostende.  Dans  les  collines  du  Sud, 
les  nappes  sont   parfois  nombreuses  ;  la   plus  importante,  «  elle  qui 
fournit  le  plus  de  sources,  c'est  celle  qui  est  retenue  par  l'argilite  panise- 
lienne. là  s'alimentent  la  plupart  des  ruisseaux  des  collines  de  Renaix, 
des  hauteurs  d'Anseghem,  des  collines  tic  Dailleul  et  de  Cassel.  A  Cassel 
même,  l'argile  asschienne  retient,  dans  la  partie  inférieure  des  sables 
diestiens,  une  nappe  aquifère  qui  a  permis  à  l'homme  de  vivre  sur  la 
colline  ;  et  c'est  pour  se  rapprocher  de  cette  nappe  et  de  ses  fontaines  que 
la  ville  de  Cassel  s'est  bâtie,  comme  Hooglede,  sur  la  pente  Sud  de  la 
butte.  Mais  c'est  surtout  dans  le  pays  d'Alost  que  les  eaux  sourdent  aux 
flancs  des  vallées  ;  l'érosion  y  a  entaillé  dans  le  plateau  des  rainures 
nombreuses,  qui  coupent  les  couches  et  les  nappes  aquifères  ;  de  là 


•  Van  Mierlo  (C.J.),  Distribution  d'oau  potable  à  Ostcndo.  (Huit.  Soc  helire  (V-ol.,  IL 
1888,  Mém.,  pp-  24«>-i»J,  pl.  VI). 

1 


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98  LKS  COI  KS  D'EAt' 

plusieurs  lignes  do  siuuvcs,  aux  points  d'affleurement  île  l'argile 
asschionne,  tlt»  l'argilite  panholionno,  du  sable  argileux  yprésien.  Souvent 
en  descendant  dans  un  ravin,  on  entend  le  bruissement  de  l'eau  courante  ; 
sensation  rare  en  Flandre.  Grâce  à  la  constance  de  la  plupart  de  ces 
sources,  bien  des  vallées  possèdent  un  moulin  à  eau:  et  c'est  encore  là  un 
spectacle  qu'on  n'a  guère  on  Flandre,  sauf  le  long  de  quelques  grands 
cours  d'eau  1 . 

Mais  toutes  ces  sources  sont  peu  de  chose.  I^ii  plupart  sont  trop  faibles 
pour  être  utiles  ;  aussi  ne  trouve-t-on  pas  en  Flandre  la  vénération  qui 
s'attache  aux  fontaines  en  d'autres  contrées.  Les  pèlerinages  à  une  source 
y  sont  rares.  Il  y  a  trop  d'éau  dans  le  sol,  la  terre  en  est  trop  imprégnée 
pour  qu'on  s'ooeupe  beaucoup  du  mince  filet  qui  sort  sans  bruit  de  la 
colline.  Iaïuv  influence  sur  le  régime  des  cours  d'eau  est  nulle;  si  les 
ruisseaux  de  la  région  des  collines  y  gagnent  d'avoir  de  l'eau  tout  l'été,  ils 
n'en  sont  pas  moins  sujets  aux  crues.  Le  moindre  orage  les  fait  déborder, 
sitôt  la  pluie  tombée,  car  la  pente  concentre  rapidement  dans  leur  lit  les 
eaux  des  versants. 

La  pente  des  rivières  flamandes  est  paradoxale:  toujours  trop  forte  ou 
trop  faible.  Surtout,  pour  la  plupart  d'entre  elles,  il  se  produit  un  change- 
ment trop  brusque  entre  la  forte  déclivité  du  cours  supérieur  et  la  pente 
presque  nulle  des  cours  moyen  et  inférieur,  où  la  rivière,  vieillie  et 
fatiguéo,  se  traîne  a  travers  la  plaine,  s'allonge  en  méandres  compliqués,  en 
boucles  presque  fermées.  Tel  est  le  cas  de  la  Lys  et  de  l'Aa  qui,  nées  toutes 
deux  vers  1^0  mètres  d'altitude,  présentent  dans  leur  cours  supérieur  une 
pente  moyenne  de  ~  mètres  par  kilomètre  ;  brusquement  celle  de  la  Lys  à 
l'arrivée  en  plaine  passe  à  <)IU,*J.S,  puis  bientôt  à  0"',07  par  kilomètre;  celle 
de  l'Aa  est  moins  forte  encore,  à  peine  0m,0C  par  kilomètre  entre  St-Omer 
et  (iravelines.  Il  en  est  de  même  pour  les  ruisseaux  qui  descendent  des 
collines;  nés  vers  100  mètres  d'altitude,  il  ne  leur  faut  pas  10  kilomètres 
pour  avoir  atteint  la  cote  .'30.  De  là  une  descente  brusque  des  eaux,  qui  ne 
peuvent  s'écouler  rapidement  en  aval,  faute  de  pente.  L'inondation  est  fatale. 
Mais  le  même  danger  existe  pour  les  cours  d'eau  qui  ont  tout  leur  cours 
en  plaine.  En  cas  de  forte  pluie,  les  eaux  que  ne  peut  absorber  le  sol 
imperméable  encombrent  les  dépressions;  tous  les  ravins  s'emplissent, 
sans  que  l'eau  puisse  s'écouler  assez  vite.  Le  moindre  ruisseau  de  Flandre 
a  ses  inondations  annuelles,  comme  la  Lys. 


1  II  existe  encore  en  Flandre  une  ligne  île  source*  :  celle  que  Ton  trouve  le  long  de 
la  ligne  des  .lunes.  11  en  sera  question  dans  l'étude  de  la  région  côtière. 


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LES  CRUES  RÉfU'LIKRES  ET  LES  INONDATIONS  W 


Ainsi,  il  suffit  que  la  régnlarité  des  pluies  soit  un  instant  interrompue, 
et  qu'il  tombe  pondant  2  ou  3  jours  de  l'eau  en  quantités  un  peu  fortes, 
[>our  que  tous  les  cours  d'eau  flamands  outrent  en  «rue.  Or  il  y  a  une  époque 
de  l'année  où  les  pluies  sont  abondantes  en  Flandre  :  c'est  la  période  de 
fin-septembre  à  lin-décembre.  (Test  le  moment  où  chaque  année  les  rivières 
déborderont. 

* 

Crues  régulières  et  inondations. 

Les  moindres  fossés  sont  capables  de  déborder  l'hiver.  La  plupart  des 
ruisseaux  qui  n'ont  pas  d'eau  les  3/4  de  l'année,  ne  laissent  pas  de  faire 
des  dégâts  aux  pluies.  (Je  qui  est  plus  grave,  c'est  qu'ils  peuvent 
devenir  dangereux  mémo  l'été,  à  la  suite  de  violentes  averses.  Tel  le 
Krombeek  de  Beveren-lés-Roulers,  auquel  un  jour  de  pluie  suffit  pour 
inonder  les  parties  basses  du  village.  De  même  l'Handzaeme  de  Corte- 
marck,  débordée  deux  fois  au  printemps  de  1904  dans  les  prairies;  de 
même  le  Heulebeek  de  <  lulleghem,  et  les  ruisseaux  de  Nazareth,  et  la 
Waerdamme,  et  bien  d'autres.  Le  Pouquesbeek,  ce  ruisseau  de  'S>  kilo- 
mètres environ,  qui  déborde  encore  chaque  année,  et  monte  jusqu'à  la 
chaussée  du  bourg  de  Nevele,  causait  naguère  tant  de  dégâts  que  de  187'J 
à  1877  les  conseils  communaux  de  sa  vallée  ne  cessèrent  d'assiéger  les 
autorités  provinciales  de  réclamations  pour  qu'on  prît  des  mesures  contre 
les  débordements '.  Ce  sont  là  les  méfaits  des  ruisseaux  de  plaine;  les 
«  beeques  »  des  collines  sont  plus  irréguliéres  encore.  L'insignifiant 
Roozebeek  de  Hollebeke  déborde  .*>  ou  0  fois  en  1903,  couvrant  d'un 
mètre  d'eau  la  route  de  Wytschaete  ;  la  Douve  à  Messines  s'élargit  à 
30  mètres  dans  la  crue  de  189  i  ;  le  Warandebeek  de  Walou  en  2  heures 
monte  jusqu'à  la  place;  à  Steenvoorde  le  bourg  est  inondé  par  l'ISybeeque 
en  octobre  1894  ;  à  Poperinghe,  le  Canal  envahit  parfois  la  parti»*  basse  de 
la  ville.  L'Yser  est  le  type  de  ces  petites  rivières  flamandes,  qui  recueillent 
les  eaux  des  collines.  Dans  la  partie  supérieure,  la  pente  est  assez  rapide, 
surtout  sur  son  affluent  la  Peene  qui,  née  de  sources  situées  à  100  mètres 
environ,  sur  le  flanc  Sud  de  Cassel,  est  déjà  descendue  à  ^0  mètres  au  pont 
d'Arneke,  après  1  i  kilomètres  de  cours  (r>n',70  par  kilomètre)  ;  au  contraire 
le  cours  inférieur,  de  la  frontière  à  Nieuport,  est  à  peu  près  sans  pente,  et 
les  écluses  ne  laissent  couler  l'eau  dans  la  mer  qu'à  marée  basse.  De  là  îles 


i  Moniteur  belge,  1K77.  —  Séance  «lu  Conseil  Provincial  .le  la  Flandre  < >rientale, 
.{  juillet  1877;  pp.  2007-3MO. 


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100 


LES  COTRS  D'EAU 


crues,  d'autant  plus  fortes  que  la  région  dos  collines  reçoit  plus  d'eau  que 
le  reste  do  la  plaine.  Le  30  décembre  1880,  la  rivière  endommage  le  peint 
d'Ksquelbeeq,  inonde  les  tt-rivs  de  liollezeele,  Zoggers-Cappol  ».  En  188"', 
l'Vser  déborde  li  lois.  La  cote  moyenne  des  eaux  à  lJambeequo  est  de 
lm,i3:  or  la  rivière  est  descendue  jusqu'à  0m,8i  (juin  1881s  et  est  montée 
à  lm,U  (31  octobre  |s9i)  *.  On  a  dû,  à  certains  endroits,  endiguer  l'Yser, 
reconstruire  et  rehausser  les  ponts  dont  les  dimensions  surprennent, 
lorsqu'on  voit  couler  la  mince  rivière,  jaunie  par  l'argile  qu'elle  arrache  à 
ses  rives  dans  les  parties  concaves  des  innombrables  boucles  qu'elle  décrit 
au  milieu  des  prairies  et  des  saules.  Il  n'y  a  qu'un  moyen  d'éviter  ces  inon- 
dations, qui  peuvent  causer  beaucoup  de  dommages  lorsqu'elles  se 
produisent  l'été:  c'est  de  curer  les  ruisseaux.  Innombrables  sont  les 
arrêtés  des  autorités  communales  à  ce  sujet  ;  et  la  coutume  du  pays  d'Alost, 
où  la  pente  rend  les  inondations  particulièrement  fréquentes,  est  pleine  do 
prescriptions  à  ce  sujet  ;  des  inspections  sont  ordonnées  pour  s'assurer 
de  l'état  des  cours  d'eau,  et  des  amendes  infligées  aux  propriétaires 
négligents  3. 

1rs  grandes  rivières  ne  sont  pas  en  reste  avec  les  petites;  il  n'y  a  pas 
d'hiver  où  elles  ne  dépassent  leurs  rives  basses  pour  se  répandre  dans  la 
vallée,  qui  est  ainsi  leur  véritable  lit  majeur.  La  persistance  de  ces  crues 
hivernales  a  fini  par  devenir  un  bienfait.  Les  riverains  voient  monter  sans 
déplaisir  les  eaux  jaunes,  gonflées  par  les  pluies  de  l'automne,  chargées 
d'alluvions  (blond  waler)  *,  qui  viennent  déposer  leur  limon  dans  les 
prairies.  Ce  limon,  légèrement  sableux  dans  la  zone  qui  borde  le  fleuve 
jusqu'à  50  mètres  environ,  est  constitué  dans  le  reste  de  la  vallée  par  une 
couche  très  fine,  gris-jaunâtre,  qui  est  une  terre  à  briques  très  estimée. 
Aussi  les  vallées  de  l'Escaut  et  de  la  Lys,  en  amont  de  (  iand,  sont-elles 
activement  exploitées  pour  des  briqueteries.  Le  colmatage  est  si  intense 
qu'entre  Gand  et  Syngem,  sur  l'Escaut,  la  couche  limoneuse  utilisée  pour 
la  fabrication  des  briques  peut  être  remise  en  exploitation  de  30  en  30  ans: 


«  Mémorial  de  Lille,  :«>  décembre  18*0. 

2  Service  liydrométrique  et  «l'annonce  des  crues  (département  du  Nord).  Bassin  de 
l'Yser.  Compte-rendu  annuel,  année  UX>^.  (Manuscrit). 

:t  De  Limburg-Siirum.—  Coutumes  des  Pays  et  Comté  de  Flandre.  Quartier  de  Gand, 
t.  I II  :  Coutumes  des  deux  villes  et  pays  d'Alost.  (Bruxelles,  i  vol.  in-4°,  iSt«KI). 
Voir  en  particulier  le  chapitre  «  Van  uutloken  ende  watcrleeden  ».  pp.  .'frSt-.'ÎUI. 

*  Cf  :  Comte  de  Kerckliove  d'Fxaerde,  Quelques  mots  sur  les  inondations  des 
Flandres,  leurs  causes  et  les  moyens  de  les  faire  cesser.  (( iand,  Van  Ryckegem, 
1*4:.'.  in-»»,  5<>  p.). 


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LES  CRUES  RÉGULIÈRES  ET  LES  INONDATIONS  101 

•  •  * 
.•  *  • 

or  celte  couche  a  0m,G0  environ  d'épaisseur  '.  En  amont,  vers"  .Vâdenarde, 
M.  Delvaux  estimait  l'épaisseur  moyenne  du  dépôt  annuei*?.  huit 
dixièmes  de  millimètre  s.  Cet  alluvionnemenl  intense  est  mémo  -<ta.venu 
inquiétant  ;  le  lit  du  fleuve  s'exhausse,  et  ses  rives  sont  plus  élevées  (pie .les 
prairies  de  la  vallée  ;  la  zone  voisine  des  bords  parlieipe  à  l'exhaussement, 
jusqu'à  être  de  1  mètre  à  lm,G0  en  contre-haut  du  reste  de  la  surface  .. 
alluviale3.  Il  devenait  ainsi  très  difficile  d'évacuer  les  eaux  d'inondation  . 
concentrées  dans  les  parties  basses,  ou  Cuves.  Or,  si  l'inondation  hivernale 
est  un  bienfait  pour  les  prairies  qu'elle  fertilise  et  pour  les  briqueteries  dont 
elle  augmente  la  couche  exploitable,  c'est  à  condition  que  les  eaux  auront 
disparu  avant  le  tor  mai  pour  permettre  la  croissance  de  l'herbe.  Il  a  fallu 
pour  opérer  à  temps  le  dessèchement  créer  tout  un  système  de  rigoles 
circulant  à  travers  les  prairies.  Chaque  rigole  s'embranche  sur  la  rivière 
dans  le  bief  supérieur  à  celui  de  la  section  à  drainer,  et  aboutit  en  aval  à 
un  bief  assez  bas  pour  assurer  l'assèchement;  selon  que  la  vallée  est  plus 
large  à  droite  où  à  gauche,  on  les  voit  traverser  par  un  siphon  le  fleuve  ou 
les  autres  rigoles.  Ainsi  les  utiles  crues  d'hiver  sont  régularisées  ;  par  les 
rigoles  ou  inonde  ou  on  assèche  les  prairies  à  volonté  ;  on  peut  assurer 
l'inondation  de  la  vallée  même  lorsque  la  crue  est  trop  faible. 

Si  les  crues  d'hiver  sont  bien  accueillies,  il  n'en  est  pas  de  même  des 
crues  d'été,  qui  font  aux  prairies  et  aux  cultures  le  plus  grand  tort  ;  or  il 
s'en  produit  quelquefois  à  cette  saison  :  telles  la  crue  de  juillet  1879  sur 
l'Escaut,  celle  de  septembre  1800  qui  causa  une  perte  de  îmO.OOO  francs 
aux  propriétaires  du  lin  qu'on  était  occupé  à  rouir  dans  la  Lys  *.  Il  se 
pivduit  enfin  en  toute  saison,  mais  surtout  l'hiver,  de  véritables  inon- 
dations qui  dépassent  les  limites  de  la  vallée  et  atteignent  les  habitations. 
Ixuir  gravité  varie  d'ailleurs  avec  les  rivières  ;  celles  de  la  Dpndre  et  de 
l'Escaut  sont  les  moins  dangereuses  ;  l'Aa,  et  surtout  la  Lys,  en  produisent 
de  plus  redoutables. 

La  I tendre  est  peut-être  la  moins  capricieuse  des  rivières  flamandes.  La 
pente  en  est  assez  régulière,  ni  trop  forte  d'abord,  ni  trop  faible  ensuite: 
les  deux  branches  qui  la  forment  naissent  à  des  altitudes  d'environ  05  et 


1  Grenier  (L.),  Influence  des  travaux  de  régularisation  effectués  à  l'Escaut  sur  le 
régime  de  ce  fleuve.  (Extrait  des  Travaux  du  VII L'  Congrès  International  de  Navi- 
gation, Paris,  KMMI).  Paris,  Lahure,  KM  M),  br.  21  p.,  3  pl.  —  Voir  p.  2. 

s  Delvaux  (E.),   Les  alluvions  de  l'Escaut  et  les  tourbières  aux  environs  d'Aude 
narde.  (Ann.  Soc.  géol.  Belg.,  XII,  1885,  Mém.,  pp.  140-170).  —  Cf.  p.  144. 
3  Ibid.,  p.  143. 

*  Dalle  (J.),  Archives  de  l'agriculture  du  Nord  de  la  France,  2e  série,  t.  IV,  (1800), 
pp.  543-549. 


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102  .  V  LES  COURS  D'EAU 

•  ■  » 

70  mètres;,  à  Ath,  où  la  rivière  se  constitue,  elle  est  encore  à  30  mitres. 
D'Ath^rtiraininonl,  la  pente  est  de  0m,5C)  par  kilomètre  ;  de  (Irammontà 
Alo:a/.olïe  est,  de  bief  en  bief,  de  0"',2S,  0V3,  O»,^  et  (T^i  par  kilo- 
mètre; d'Alost  à  Termonde,  les  redressements  opérés  au  XIXe  siècle 
l'ont  fait  remonter  à  0"',3I.  Ainsi  la  pente  est  partout  convenable, 
■..  et  presque  constante.  L'écoulement  se  fait  donc  avec  une  certaine  facilité, 
.  '  •'*.  d'autant  que  le  lit  majeur  est  assez  vaste  pour  emmagasiner  le  volume 
"•  '"-  des  crues.  Les  plus  grands  dangers  étaient  pour  la  ville  et  la  région 
.  de  Termonde;  lorsqu'une  crue  coïncidait  avec  une  grande  marée  de 

•\  "  l'Escaut,  il  devenait  impossible  d'évacuer  les  eaux  surabondantes  de  la 
rivière,  et  une  bonne  partie  de  la  ville,  les  (niais  de  la  Dendre,  la 
grand'place,  la  rue  de  l'Escaut  étaient  inondés.  L'événement  se  produisait 
au  moins  une  fois  par  an,  et  on  y  était  si  bien  habitué  que  chaque  habitant 
des  rues  menacées  possédait  chez  lui  tout  un  attirail  de  défense:  des 
planches  qui  s'adaptaient  à  la  porte,  et  de  la  terre  glaise  pour  rendre  les 
joints  étanehes  ;  aussitôt  que  d'Ostende  le  service  du  port  avait  télégraphié 
l'approche  d'une  grande  marée,  la  ville  se  préparait  à  la  résistance.  Le 
danger  a  disparu  depuis  qu'en  1806  on  a  relevé  les  quais  de  la  Dendre,  et 
depuis  il  ne  s'est  produit  qu'une  inondation,  causée  en  ÎIM)^  par  une  marée 
extraordinaire. 

L'Escaut  est  déjà  moins  régulier  que  la  Dendre,  au  moins  dans  la  partie 
belge,  où  son  défaut  de  pente  lui  a  valu  de  nombreuses  inondations.  En 
France,  la  pente  des  ">0  derniers  kilomètres,  de  Bouchain  à  la  frontière, 
est  encore  de  0m,3(i  environ  par  kilomètre  ;  en  Belgique,  la  pente  d'en- 
semble, delà  frontière  à  (iand,  n'est  que  de  0"',11,  malgré  les  travaux  de 
redressement  qui  ont  réduit  la  longueur  du  fleuve  de  1 1  i  à  87  kilomètres. 
Jusqu'en  187J,  la  pente  totale  était  de  0/u(>0  par  kilomètre,  et  de0,ml)8 
seulement  entre  Audenarde  et  Oand.  Le  fleuve  décrivait  dans  sa  vallée  de 
longues  boucles,  qu'il  avait  tendance  à  allonger  encore  :  ainsi  à  Escanaffles, 
à  la  limite  des  pr  ovinces  de  Flandre  Orientale  et  de  Hainaut,  une  boucle 
était  en  formation,  qui  avait  entamé  la  rive  droite  de  lm,ÔO  en  1881  ;  en 
iJOans  on  avait  dû  reculer  3  fois  le  chemin  de  terre  qui  longeait  le  fleuve,  et 
le  déplacement  du  lit  peut  être  évalué  pour  celte  période  à  mètres*.  C'est 
à  ces  sinuosités  où  s'attardaient  les  eaux  qu'étaient  dues  les  inondations  du 
fleuve,  comme  celle  de  1808-1800  qui  persista  13  semaines*.  Ce  fut  pire 


i  Delvaux  (E.),  Texte  explicatif  <lo  levé  géologique  do  la  planchette  d'Avelghem. 
p.  :*.». 

«  Coppens,  Mémoire  pour  prévenir  les  inondations.  (Garni,  Kernand,  1810,  24  p.) 
-  Cf.  p.  2. 


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LES  CRUES  RÉGULIÈRES  ET  LES  INONDATIONS 


103 


encore  après  1840  ;  les  travaux  exécutés  en  France,  de  I83T>  à  1S39,  sur 
la  Searpe  et  l'Escaut,  redressements  du  lit,  approfondissement,  amenèrent 
beaucoup  plus  rapidement  les  eaux  de  crues  dans  la  partie  belge.  Les 
inondations  se  suivirent  crue  de  18il,cruede  18i.">,  où  78  rues  de  (iand  sont 
envahies  par  les  eaux,  et  les  communications  dans  plusieurs  quartiers  de 
la  ville  complètement  interrompues  L  Quelques  travaux  furent  entrepris; 
mais  ils  étaient  insuffisants,  comme  le  montra  la  crue  de  décembre  1 872, 
qui  mit  sous  l'eau  tous  les  quartiers  ouvriers  de  (iand,  nova  et  arrêta  la 
plupart  des  usines,  et  no  cassa  complètement  qu'à  la  mi-janvier  *;  les  cuves 
de  la  vallée  faisaient  office  de  réservoirs,  et  rendaient  très  lent  l'abais- 
sement du  plan  d'eau.  Le  débit  fut  considérable:  au  lieu  des  OG1"3,^  par 
seconde  atteints  par  la  crue  de  18  U,  celle  de  1872  alla  jusqu'à  fournir 
170*3  .^  Gand  3,  dix  fois  plus  que  le  débit  moyen  du  fleuve.  D'autres  crues 
survinrent,  juillet  1870,  décembre  1880,  mai  1881,  qui  démontrèrent 
l'urgence  absolue  des  travaux  à  effectuer;  travaux  dont  les  résultats  ont 
été  excellents,  puisque  les  crues  du  8  décembre  188Ô,  du  22  février  1807 
et  du  26  février  1000  n'ont  eu  à  aucun  degré  le  caractère  désastreux  des 
précédentes,  et  qu'on  peut  considérer  aujourd'hui  la  ville  de  Garni  comme 
à  l'abri  d'inondations  aussi  fortos  que  celle  de  1872*.  Ainsi  l'Kseaut,  ce 
paisible  Escaut  dont  on  parle  toujours  comme  d'un  grand  fossé,  a  eu  ses 
inondations  ;  il  est  vrai  qu'elles  sont  dues  non  à  son  impétuosité,  mais  à  sa 
lenteur.  Il  a  fallu  néanmoins  exécutera  trois  reprises  d'importants  travaux 
pour  qu'il  devint  une  rivière  vraiment  navigable  et  ne  causât  plus  de 
dégâts  à  ses  riverains. 

L'A  a  3  et  la  Lys  sont  cependant  moins  pacifiques  encore  que  l'Escaut, 
la  Lys  surtout,  qui  est  la  vraie  rivière  flamande,  et  par  sa  direction,  et  par 
son  régime.  Ses  crues  sont  les  plus  dangereuses  de  toutes.  Cela  tient  à  la 
déclivité  de  son  cours  supérieur  (2  mètres  par  kilom.  jusqu'à  Aire),  et  aussi 
à  l'imperméabilité  des  terrains  qu'elle  traverse.  La  rivière  naît  dans  les 
marnes  à  [no<  cnu,nt.s  Inbiatms,  et  coule  jusqu'à  Aire  entre  deux  collines 
de  marnes  imperméables  (Cénomanien  et  Turonien  inférieur)  ;  do  là  un 


1  De  Denterghem  (Prosper),  Lettre  adressée  à  MM.  les  Membres  de  la  Chambre  «les 
Représentants  et  du  Sénat  à  propos  «les  inondations  de  l'Escaut  et  do  la  Lys. 
(Bruxelles,  Devroyo,  18W,  in-X°,  24  p.). 

s  Mess.  Se.  hist.,  année  187."?,  pp.  11ÎM20. 

3  Grenier,  Influence  des  travaux,  p.  8. 

»  Ibid.,  pp.  20-21. 

s  L'A  a  flamand,  d'Arqués  à  Gravelines,  coule  tout  entier  dans  la  plaine  maritime  ou 
ses  dépendances,  les  marais  de  St-Omer;  son  régime  est  donc  étudié  au  chapitre  XI, 
L'Eau  dans  la  Plaine  maritime. 


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toi 


les  coins  D'i:.\r 


ruissellement  intrus*',  plus  considérable  que  celui  do  ln  vallée  do  FAt, 
taillée  presque  t» .ut  au  long  dans  la  craie  sénonienne       Los  masses 
d'eau  tombées  sur  le  bassin  supérieur  arrivent  doue  rapidement  à  Aire; 
o!'  les  pluies  sont  fortes   dans  la  région  ('.MM  millimétrés,  moyenne 
annuelle,  à  Fruges)  ;  et  surtout  les  précipitations  de  l'automne  sont  parti- 
culièrement abondantes:  !►!>  millimètres  en  septembre,  |-n  on  octobre, 
iMI  en  novembre,  UN)  on  décembre  :  117  millimètres  pour  ces  4  mois.  C'est 
donc  un  flot  considérable  qui  descend  l'hiver  sur  Aire,  et  qui  s'épanche 
dans  la  plaine,  faute  do  pente.  Ces  crues  hivernales  deviennent  vite  des 
inondations.  L'histoire  eu  est  longue.  C'est  la  plaine  de  la  Lys,  de  Mer- 
ville  à  Armenlièrcs,  qui  soutire  le  plus,  b's  affluents  do  droite  do  la  rivière, 
Clarence  et  Iunve,  augmentent  encore  l'afflux  d'eau;  descendant  rapide- 
ment des  hauteurs  de  l'Artois,  nourries  dos  mêmes  pluies  que  la  Lys,  elles 
ont  leurs  inondations,  qui  se  joignent  à  celle  de  la  rivière.  Armentières  est 
particulièrement  frappée.  Les  archives  communales  de  la  ville  attestent, 
de  VM)  au  XVIIT  siècle,  la  continuité  et  l'importance  do  ces  désastres  :. 
L'ne  enquête  du  XVIII*"  siècle  signale  les  dégâts  causés  par  ces  inondations 
fréquentes,  qui  couvrent  et  submergent  deux  lieues  et  demie  de  distance 
des  deux  côtés  de  la  rivière,  empêchent  la  culture  des  terres,  et  obligent 
les  habitants  d'abandonner  leurs  domiciles  3.  On  indique  des  sinistres 
presque  chaque  année  :  17CI,  176V;  en  mars  176°,  on  constate  que  depuis 
août  I76X,  la  Lys  a  débordé  cinq  fois,  et  qu'à  cette  date  les  chemins  sont 
recouverts  de  .'*  pieds  d'eau  ;  on  no  peut  faire  les  mars,  et  les  semailles 
d'automne  sont  perdues  ».  En  17Ni,  l'inondation  est  si  forte  à  St- Venant, 
Merville,  I^aCiorguo,  que  le  roi  accorde  3  millions  pour  procurer  les 
denrées  de  première  nécessité,  remplacer  les  bestiaux  et  outils,  et  rétablir 
les  habitations  détruites  '.  Les  travaux  de  redressement  et  d'approfondisse- 
ment accomplis  de  1775  à  178J  font  diminuer  le  nombre  des  crues,  mais  non 
leur  intensité.  Ils  eurent  même  un  effet  .fâcheux  pour  la  Lys  belge,  où  l'eau 
arriva  dès  lors  avec  plus  de  rapidité.  Là,  la  pente  est  remarquablement 
faible  .  I)n,,07  par  kilomètre  de  Merville  à  Caiid  ;  dos  courbes  à  vaste  rayon 
se  succèdent,  allongeant  le  lit.  Aussi  les  crues  de  l'Escaut  semblent  peu 


*  Cf.  Parent.  Notes  supplémentaires  sur  les  plis  du  Nord  de  l'Artois  (Ann.  Soc. 
géol.  N.,  XXI.  t8t'3.  pp.  ifl-KHii. 

i  Département  du  Nord.  Ville  d'Armemière.-.  Inventaire  sommaire  des  archives 
communales  antérieures  à  17'.*).  Lille.  Lclebvre  Ducrn .•<],  tSTT.  in-'»".  —  Voir  série  DD. 

3  Archives  l 'as-de-Calais.  C.  .~>83,  pièce  H2. 

*  lbid.,  C.  TiS4.  pièce  1.  Rapport  du  Subdélégné  d'Ain -sur-Lys. 

•»  Arch.  Nord,  Flandre  wallonne.  C.  1.  Lntre  du  baron  de  Dreteud. 


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LKS  CRUES  RÉGULIÈRES  ET  LES  INONDATIONS 


m 


de  chose  à  côté  de  celles  de  la  Lys  ;  et  déjà  Meyer  remarque  qu'en  octobre 
1  A'S.i,  lors  de  la  terrible  crue  qui  ravage  la  vallée,  la  Lys  refoule  l'Escaut 
au  confluent,  et  le  fait  refluer  vers  l'amont  I,a  situation  se  fit  pins  grave 
encore  après  les  nouveaux  travaux  exécutés  en  France  de  1<S\.C>  à  ÎS^G. 
I„a  Lys  devenait  pour  toute  la  Flandre  un  véritable  fléau.  Lorsqu'elle 
débordait,  non  seulement  elle  ravageait  sa  vallée,  et  la  ville  de  (land, 
mais  elle  causait  l'inondation  de  la  vallée  de  l'Escaut,  dont  elle  faisait 
refluer  les  eaux  vers  l'amont;  elle  faisait  monter,  et  parfois  déborder,  le 
canal  de  lland  à  Iîruges,  qu'elle  alimente;  elle  inondait  la  vallée  de  la 
Caele,  son  ancien  lit  vers  le  Nord-Est.  Enfin  elle  empêchait  d'évacuer  vers 
(land  le  tro[>-plein  de  la  Lieve,  canal  creusé  entre  Damme  et  (land  ;  et  dès 
lors  les  eaux  de  la  haute  Lieve,  dont  l'écoulement  était  arrêté  vers  le 
Sud,  sortaient  de  leur  lit  étroit,  gagnaient  à  travers  les  terres  la  basse 
Lieve  qu'on  essayait  de  leur  interdire  par  le  barrage  de  Balgerhoecke, 
noyant  les  communes  d'Adegem,  Oostwinkel,  Eccloo,  Waerschoot, 
Middelburg,  Lapscheure,  Moerkerke  ;  le  dommage  s'étendait  jusqu'à 
la  plaine  maritime,  dans  des  communes  que  ,'iO  kilomètres  séparaient  de 
la  Lys  l.  L'inondation  de  IS4Ô  fut  si  violente  que  les  travaux  d'amélio- 
ration furent  décrétés  en  l<SiG.  Cependant  l'œuvre  accomplie,  qui  consis- 
tait à  dériver  vers  le  Nord,  par  un  canal  spécial,  une  partie  des  eaux 
delà  Lys,  ne  suffisait  pas  encore  à  faire  disparaître  les  grandes  crues: 
témoin  l'inondation  de  1X04,  particulièrement  typique.  Octobre  isDi  avait 
été  très  humide,  et  lorsque  le  sol  était  déjà  saturé  d'eau  et  complètement 
imperméable,  des  pluies  torrentielles  survinrent  :  les  •*,)  et  octobre, 
il  tomba  à  Fruges  94  millimètres  d'eau,  à  Merville  101  millimètres,  à 
Lavenlie  105  millimètres,  à  Lille 04,  à  Comines  et  Meniu  76,  à  Harlebcke5:*. 
Une  énorme  masse  d'eau  descendit  dans  le  lit  de  la  rivière,  dont  la  section 


1  Meyer,  Annales.  a<l  annum. 

*  VA.  Kerckhovc  d'Exaerde,  Quelques  moLs,  etc  ;  —  Rapport  sur  le  cours  de  l'Escaut 
et  «le  ses  aflluents,  ainsi  que  sur  les  inondations  extraordinaires  causées  par  eeitc 
rivière  (Bruxelles,  Dubois,  lHi.l,  in-'i°,  1 40  p.).  Ges  curieuses  inondations  d'un  pays  oit 
ne  passe  aucune  rivière  étaient  désastreuses  par  leur  fréquence  :  certaines  terres  en 
étaient  irrémédiablement  gâtées.  Eu  ISil,  les  habitants  de  Middelburg,  Lapscheure, 
Moerkerke,  se  trouvent  deux  mois  (octobre-novembre)  dans  un  vaste  lac.  Des  contes- 
tations se  produisent:  en  I82ÎI,  le  bourgmestre  d'Eecloo.  voyant  la  haute  Lieve 
déborder,  court  au  barrage  de  Balgerhoecke,  fait  ouvrir  de  force  les  poutrelles  qui 
empêchent  Leau  de  descendre  dans  la  basse  Lieve,  et  place  un  garde-champêtre  qui 
veille  deux  jours  et  deux  nuits  pour  empêcher  la  fermeture  du  barrage.  Tous  les  bonis 
de  la  basse  Lieve  furent  inondés  à  leur  tour.  L'anecdote  montre  l'importance  d'une  déni- 
vellation de  quelques  mètres  dans  un  pays  si  plat.  On  en  trouvera  d'autres  exemples 
dans  la  plaine  maritime. 


mx; 


LES  COURS  D'EAU 


n'est  que  de  27  mètres  carrés  jusqu'à  Estaires  ;  en  deux  jours  la  suréléva- 
tion fut  de2n\22à  St-Yenant,  de.V',  IDà  Mcrville,  de:im,7Sà  domines,  où  la 
rivière,  du  !J0  au  iJl,  monta  de  I,es  crues  de  1*72  et  de  1SS0  étaient 

largement  dépassées;  à  Merville  il  y  avait  ln,,40  d'eau  dans  les  rues  ;  à 
Cou  rirai  les  quartiers  bas  furent  inondés,  le  chômage  s'étendit  à  plusieurs 
usines.  Des  fermes  furent  envahies,  les  récoltes  avariées  ou  détruites,  les 
lins  qui  séchaient  sur  les  prairies  furent  endommagés,  las  ballons  de 
rouissage  emportés  par  le  courant  *.  Dans  le  Bas-Escaut  même,  l'amplitude 
delà  marée  fut  annulée  complètement  à  (  lentbrugge  ;  elle  fut  réduite  à 
()m,7l)  à  Wetteren. 

Après  ce  récit  de  leurs  méfaits,  les  rivières  flamandes  ne  paraissent  déjà 
plus  des  serviteurs  irréprochables,  dociles  à  tous  les  désirs  de  l'homme. 
Il  faut  avouer  qu'elles  ont  encore  d'autres  défauts.  I^a  lenteur  du  courant, 
due  à  l'absence  de  pente,  provoque  la  formation  d'atterrissements,  de  hauts» 
fonds.  ImI  Lys,  aux  eaux  chargées  d'alluvions  arrachées  à  son  cours 
supérieur,  en  était  particulièrement  encombrée,  surtout  dans  la  partie 
belge,  où  les  vases  se  déposaient  dans  les  remous  qu'occasionnaient  les 
sinuosités:  on  citait  jadis  le  «  plal  »  d'Oyghem,  où  la  profondeur  était 
réduite  à  ()m,80  en  basses  eaux  ;  le  plat  de  Wacken,  long  de  200  mètres, 
où  les  bateliers  étaient  obligés  pour  passer  de  prendre  des  allèges,  à  moins 
de  forte  crue;  le  plat  de  Yive-Sl-Eloi,  de  4lX)  mètres  de  long3.  Les 
péniches  ne  pouvaient  guère  circuler  sans  risquer  des  avaries;  aussi 
évitaient-elles  autant  que  possible  la  Lys.  Enfin  la  pénurie  d'eau  se  faisait 
souvent  sentir  pendant  l'été.  Dans  celte  région  imperméable,  où  les  cours 
d'eau  ne  sont  pas  soutenus  par  des  sources,  le  débit  de  la  rivière  devient 
dérisoire  en  saison  sèclie  :  c'est  la  contrepartie  des  crues  d'hiver.  L'Escaut 
descend  à  .V'3  à  (iand  ;  la  Lys  en  étiage  roule  MX)  litres  par  seconde  à  Aire, 
2m3  après  I m  (lorgne,  .V"3  après  le  confluent  de  la  Dcûle.  Son  affluent  la 
Lawe  s'abaisse  à  200  litres  à  Déthune.  L'Aa,  qui  a  dû  atteindre  HX)'"3  à  Clra- 
velines  dans  la  crue  de  l^Oi,  tombe  à  l.H(X)  litres  aux  plus  bas  éliages  ; 
la  proportion  est  de  1  à  r>6.  Enfin  la  Deùle,  si  heureusement  dirigée  pour 
faire  communiquer  la  Lys  avec  la  Scarpe,  la  Flandre  avec  l'Artois  et  la 


1  Navigation  intérieure  (iîlOO),  p.  10T>. 

-  Rapport  do  la  Commission  instituée  à  la  suite  des  inondations  survenues  dans  la 
vallée  de  la  haute  Lys  aux  mois  d'octobre  et  «lo  novembre  189i  (Bruxelles,  Goemaere, 
18!»*,  in-8",  28  p.  ;  1  diagr..  1  carte  à  i  :  JO.OOOh 

3  De  Rive  (B.-L.),  Précis  historique  et  statistique  des  canaux  et  rivières  navigables 
de  la  Belgique  et  d'une  partie  de  la  France.  (Bruxelles,  18X>,  iu-8").  —  Cf.  pp.  116- 
117. 


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LES  TRAVAUX  DR  RÉGULARISATION 


107 


France,  n'avait  guère  en  été,  avant  l'adduction  «les  eaux  de  la  Scarpe, 
plus  de  l.l KM)  litres  par  seconde.  Des  travaux  considérables  et  multiples 
étaient  donc  nécessaires. 

Travaux  de  régularisation. 

On  se  préoccupa  d'abord  d'assurer  aux  rivières  la  quantité  d'eau 
nécessaire  à  la  navigation.  Pour  cela,  il  n'y  avait  qu'un  moyen:  retenir 
l'eau  derrière  des  barrages.  Dès  les  XIIe  et  XIIIe  siècles,  il  est  question 
des  «  portos  d'eau  »  de  Deûlémont  1  ;  la  Doûle  n  avait-elle  pas  particuliè- 
rement besoin  de  ce  secours  ?  D'autres  écluses  sont  établies  en  IJ'rJ  à 
Marquette,  Wambrechies  et  Quesnov-sur-Deûle  ;  en  à  Menin  et 

Harlebeke  !.  En  l  isô,  on  en  construit  sur  la  Dendre  ;  et  bientôt  après  sur 
l'Escaut.  On  continue  d'en  élever  aux  XYIP  et  XVIIIe  siècles.  Cependant 
le  nombre  en  était  encore  insuffisant.  Pour  suppléer  à  la  pénurie  du  débit, 
la  navigation  se  faisait  par  bonds  d'eau  ;  deux  fois  par  semaine  seulement 
on  livrait  passage  à  la  masse  liquide  amoncelée  derrière  les  barrages,  et 
le  flot  emportait  la  rame  de  bateaux  de  bief  en  bief.  Les  quantités  retenues 
en  amont  des  barrages  étaient  si  considérables  qu'elles  noyaient  les 
prairies,  et  empècliaient  leur  dessèchement.  On  augmenta  donc  au 
XIX'  siècle  le  nombre  des  barrages  sur  la  Lys,  l'Escaut  et  la  Dendre, 
pour  pouvoir  supprimer  le  système  des  bonds  d'eau  et  assurer  la  navigation 
d'une  manière  permanente,  à  la  remonte  comme  à  la  descente.  C'est  ainsi 
que  la  Lys,  d'Aire  à  tiand,  voit  sa  chute  de  16  mètres  répartie  entre 
V*  biefs  ;  que  les  \2  mètres  de  chute  du  Haut-Escaut  belge  sont  rachetés 
par  S  barrages  et  écluses,  et  les  ^5  mètres  de  la  Dendre  par  11  biefs. 
Pour  la  Deûle,  il  ne  suffisait  pas  d'établir,  pour  compenser  les  1  ()"',. ~>0  de 
pente,  S  écluses  entre  Fort-de-Scarpe  et  Deûlémont  ;  il  fallait  surtout 
amener  de  l'eau.  Vauban,  désireux  d'augmenter  le  débit  pour  pouvoir 
tendre  l'inondation  autour  de  Lille,  fil  joindre  à  la  Scarpe,  par  un  canal 
entre  Douai  et  Courrières,  la  haute  Deûle  ou  Souciiez;  le  volume  de  la 
Deûle  s'accrut  ainsi  des  eaux  de  l'Escrébieux  et  de  la  saignée  faite  à  la 


•  Diegerick  (L-L.-A.),  Iuvontaire  analytique  et  chronologique  «les  chartes  et  docu- 
ment apparu^iant  aux  archives  do  l'abbaye  «le  Messines.  (Bruges,  Soc.  d'Km..  187C), 

*  Flammermont  (J.),  Lille  et  le  Nord  au  moyen-âge  (Lille,  188X,  in-8"),  p.  XK*. 

3  Woltcrs  (Ci.),  Recueil  des  lois,  arrêtas,  règlements,  etc.,  concernant  r.-idmiiiistratiou 
.les  eaux  et  polders  de  la  Flandre  orientale  ((îand,  Iloste,  2  vol.  in-î>"),  tome  I  (3"  éd., 
1874),  p.  12u4. 


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IOK  LES  COURS  D'EAU 

Scarpe  par  la  rigolo  des  Pestiférés;  les  eaux  moyennes  s'élevèrent  a 
'J.ftHI  litres  à  Lille.  Kn  lSjr»,  on  abaissa  le  plan  d'eau  du  eanal,  et  l'eau  de 
la  Scarpe  put  descendre  librement  sur  Lille;  le  débit  se  trouva  porlé  à 
.'U'OO  litres,  et  après  le  relèvement  du  niveau  de  la  Scarpe  opéré  en  1 S 50, 
il  put  arriver  en  moyenne  5  mètres  cubes  par  seconde.  Suffisant  pour 
assurer  la  navigation,  ce  débit  ne  l'était  pas  pour  assainir  la  ville  de  Lille. 
On  cboivba  plus  loin.  Les  travaux  de  suppression  du  faite  de  partage, 
exécutés  depuis  1!MU  sur  le  canal  de  la  Sensée  pour  rendre  la  navigation 
plus  rapide,  donnèrent  l'augmentation  souhaitée  ;  l'eau  do  l'Escaut,  parla 
Sensée,  la  Scarpe  et  la  haute  Deûle,  peut  maintenant  descendre  vers  Lille. 
Mais  le  Haut-Escaut  lui-même  est  alimenté  indirectement  par  l'Oise,  car 
c'est  la  rigole  souterraine  de  l'Oise  qui  amène  de  l'eau  à  l'Escaut  supérieur 
parle  canal  de  St-Quenlin.  Ainsi  l'eau  de  l'Oise  elle-même  vient  contri- 
buer à  l'augmentation  du  débit  de  la  Deûle,  et  on  peut  prévoir  le  moment 
où  le  futur  canal  du  Nord-Est  amènera  à  son  tour  le  tribut  de  la  Sambre, 
toutes  les  eaux  du  département  contribuant  ainsi  a  assainir  les  canaux, 
boueux  de  son  chef-lieu  L 

En  même  temps  qu'on  régularisait  le  débitpar  la  construction  de  barrages 
et  d'écluses,  on  se  préoccupait  d'organiser  au  mieux  possible  la  distribution 
des  crues  d'hiver.  Le  point  capital  était  d'assurer  l'évacuation  des  eaux 
avant  la  fin  du  printemps  ;  pour  cela  on  creuse  des  rigoles,  et  on  veille 
à  leur  entretien  ;  une  ordonnance  de  l'empereur  Charles  VI  (1740)  prescrit 
le  nettoyage  des  canaux  d'irrigation,  le  faucardemenl  des  herbes  trois  fois 
par  an,  pour  éviter  les  dommages  causés  aux  prairies  de  l'Escaut  1  ;  et  le 
préfet  de  l'Escaut,  d'IIoudetot,  reprend  cet  arrêté  en  août  1 S 1  > 3 .  Sur  la 


'  Cf.  Mertin,  Navigation  intérieure,  pp.  r>7-.*i8. 

11  est  intéressant  de  voir  le  chemin  que  parcourt  ensuite  cette  eau  amenée  <le  si  loin 
dans  la  Deûle.  Une  partie  s'écoule  dans  le  canal  d'Aire  à  La  Massée,  dont  le  bief 
supérieur  communique  librement  avec  la  Deùle:  elle  arrive  ainsi  à  la  Lys,  et  au  canal 
■  le  Neuftossé.  Celui-ci  supplée,  eu  été,  à  la  pénurie  de  l'Aa,  et  l'eau  de  la  Deùle  peut 
ainsi  descendre  dans  l'Aa,  le  canal  de  Kmirbourg,  et  arriver  jusqu'à  Dunkerque.  L'autre 
partie  tombe  dans  la  Lys  moyenne  a  Deùléniont  et  descend  vers  (iand.  Là.  elle  con- 
tribue à  l'alimentation  du  canal  de  (iand  à  Mruges.  Celui-ci  à  son  tour  déverse  se>  eaux 
dans  le  canal  d'Usiende.  Le  canal  d'Ostendç,  plus  élevé  que  celui  de  Plasschendaele, 
lui  fournit  son  trop  plein,  et  l'on  arrive  ainsi  à  Nieuport.  Là  il  se  trouve  que  le  canal 
de  I'ia.-schendacle  est  la  plus  élevée  des  artères  qui  aboutissent  à  cette  ville:  par  suite 
il  est  appelé  parfois  à  donner  un  peu  d'eau  au  canal  de  Furnes.  Et  l'on  revient  ainsi  à 
Dunkerque.  l'ar  deux  chemins  éloigné*,  l'eau  de  l'Oise  finit  donc  par  arriver  à 
Dunkerque,  après  un  voyage  bizarre.  C'est  là  un  curieux  exemple  de  la  circulation  de 
l'eau  en  Flandie. 

2  Wolters,  Recueil  ,1e  lois,  I,  pp.  a»i-241. 

3  lbid.  1,  p.  .7.(4. 


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LES  TRAVAUX  DR  RÉGULARISATION 


10) 


Lys  française,  deux  rigolos  continues  sont  organisées  en  se  servant  des 
anciens  bras,  de  1850  à  1861.  Le  mémo  travail  est  fait  sur  l'Escaut  après 
l'inondation  de  187i.  Désormais,  l'évacuation  des  eaux  des  prairies  se  fait 
à  volonté. 

Enfin  on  songea  à  empêcher  les  inondations.  Jusqu'au  XIX'  siècle, 
on  ne  s'était  guère  préoccupé  que  de  protéger,  par  des  digues,  ou  en 
détournant  le  cours  de  la  rivière,  telle  ou  telle  localité  Maintenant  on 
essaie  de  s'en  prendre  à  la  cause  même  du  mal  Les  riverains  se  groupent 
en  associations  de  défense,  et  forment  des  Wateringues  auxquelles  est 
confié  l'enl retien  des  digues  ;  il  s'en  constitue  tout  le  long  de  la  Dendre, 
de  l'Escaut  et  de  la  Lys  (181*8-1847)  *.  b»s  ingénieurs,  s';ipercevant  que  le 
défaut  de  pente  est  la  cause  principale  des  inondations,  cherchent  des 
moyens  de  faire  écouler  l'eau  plus  vite.  L'ingénieur  Wolters  propose  en 
1843  d'établir  sur  le  Bas-Escaut  à  Termonde  un  barrage  contre  les  marées  ; 
le  remplissage  du  réservoir  ainsi  formé  en  amont  du  barrage  aurait 
augmenté  de  moitié,  suivant  ses  calculs,  la  décharge  des  eaux  en  aval  de 
Gand  3.  Mais  il  était  dangereux  de  toucher  au  régime  d'un  fleuve  à  marée  ; 
et  l'on  s'aperçut  bientôt  que  le  mieux  était  de  suivre  l'exemple  des  ingé- 
nieurs français,  qui  avaient  amélioré  le  régime  de  la  Scarpe  et  de  la  haute 
Lys  en  redressant  le  cours  et  en  supprimant  les  courbes.  Le  procédé 
présentait  le  double  avantage  de  raccourcir  la  distance  que  les  eaux 
devaient  parcourir  et  d'augmenter  la  pente.  On  avait  déjà  essayé  au 
XVIII*  siècle:  en  175',  on  proposait,  comme  remède  aux  inondations  de 
l'Escaut,  plusieurs  coupures,  à  Gand,  à  Molle;  eu  1754  et  1756,  à 
Seevergem,  à  Hourne  ».  A  partir  de  1847,  on  en  proposa  et  en  exécuta  de 
nombreuses  sur  l'Escaut  et  la  Dendre  ;  on  pratiqua  de  nouveaux  redresse- 
ments après  la  grande  crue  de  1872,  si  bien  que  le  Haut-Escaut  belge  fut 
réduit  de  111  à  87  kilomètres,  soit  24  kilomètres  en  moins.  Depuis  1881), 
les  inondations  ne  se  sont  plus  reproduites  sur  l'Escaut  ;  et  la  partie  la  plus 


'  Eu  1270,  la  comtesse  Marguerite  redresse  à  Meirelbeke  le  cours  de  l'Escaut  pour 
mettre  à  l'abri  des  inondations  sou  manoir  d'Oltersam.  Cf.  Van  Lokeren,  Chartes  et 
documents  de  l'abbaye  de  St-l*ierre  au  mont  Hlandin,  à  (land  (daud,  1871,  2  vol. 
iu-lM,  I,  p.  383,  n°  871. 

*  Cf.  Schramme  (J.),  Des  Wateringues  (Kruges,  Maertens,  185/J,  in-8',  200  p.). 
Deuils  de  l'organisation  des  wateringues  fluviales,  pp.  'tl-7iti.  Liste  des  wateringues  de 
l'Escaut,  de  la  Dendre  et  de  la  Lys,  pp.  148-100. 

3  Wolters,  Mémoire  sur  les  marées,  et  sur  le  moyeu  de  diminuer  les  inondations  de 
l'Escaut,  de  la  Lys  et  do  la  Durrae  (Bruxelles,  Devroye,  IK44,  in-4J,  110  p.,  3  pl.), 
pp.  2*-28. 

*  Wolters,  Recueil  de  lois,  1,  pp.  204,  282,  3*0. 


110 


l.KS  COIHS  D'KAl" 


menacée  de  la  vallée,  entre  Audenarde  et  Oand,  est  restée  indemne. 
A  chaque  crut'  nouvelle,  ou  constate  que  l'amplitude  tend  à  diminuer  vers 
l'aval.  Les  crues  de  1897  et  rie  1«HM),  égales  ou  supérieures  à  la  crue  de 


Rigol*  tilrrigaHon  • 

Échelle  de  1  :  TA O00. 

Khi.  2»ï.  —  L'Kseaut  «le  Melsen  à  Zwyn.ienie.  Anciennes  boucles  et  rectifications. 

1885  aux  écluses  de  Berchem  et  d'Audenarde,  lui  furent  notablement 
inférieures,  (surtout  celle  de  1ÎMK)),  à  Syngem  et  a  Semmerzaeke.  Ctand 
peut  se  ronsidérer  aujourd'hui  comme  à  l'abri  des  inondations  do  l'Escaut  '. 

Sur  la  Lys  belge,  le  mal  était  si  grand  qu'on  avait  cru  devoir  recourir 
a  des  moyens  plus  puissants.  Les  ingénieurs  français  avaient,  de  1775  à 
1782,  redressé  la  rivière;  en  18^5  et  18^3,  on  avait  curé  le  lit,  fait  dispa- 
raître les  plats.  Le  résultat  avait  élé  désastreux  pour  la  partie  belge,  où 
les  eaux  arrivaient  plus  rapidement.  Désespérant  de  jamais  pouvoir 
écouler  par  le  Bas-Fscaut  les  masses  liquides  qui  descendaient  de  la 
France,  on  songea  à  leur  créer  une  voie  spéciale  à  travers  la  Flandre. 
Cette  voie  avait  existé  jadis;  avant  la  reconstruction  du  canal  de 
Terneuzen,  la  Lys  avait  un  débouché  d'inondation  par  la  Yieille-Caele,  le 
Moervaart  et  la  Durme.  Comme  le  flot  de  marée  dans  la  Durme  empêchait 
l'écoulement  régulier  des  crues,  le  gouvernement  de  Marie-Thérèse  fit 
même  approfondir  en  1775  le  passage  de  la  I.angeleede,  qui,  par  l'écluse  de 
Wachlebeke,  donnait  aux  eaux  de  la  Lys  une  issue  directe  dans  le  bras  de 
mer,  aujourd'hui  disparu,  du  Canisvliet  *.  Lorsque  le  canal  de  Tenieuzen 
eut  été  achevé  (18:J8),  barrant  l'ancienne  vallée  de  la  Caele  et  empêchant 
l'écoulement  vers  le  Moervaart  du  trop  plein  de  la  Lys,  il  fallut  aviser. 
On  en  revint  à  l'idée  d'un  canal  de  dérivation  qui  traverserait  toute  la 


1  (îrenier,  Influence  des  travaux,  pp.  20-21. 

*  Yil'quain  (J.H.),  Ues  voies  navigables  en  Belgique  (Bruxelles,  Dovroye,  1842. 
in-V,  41 14  p.)  p.  82. 


uigiii 


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LES  TRAVAUX  DE  RÉGULARISATION 


111 


Flandre,  de  la  Lys  à  la  mer  du  Nord,  vers  Heyst.  Déjà  en  1788  l'ingénieur 
Mathieu  proposait  de  doubler  le  canal  de  Cand  à  Bruges  et  Ostende  par 
un  canal  parallèle  qui  servirait  uniquement  à  la  décharge'.  On  préféra 
établir  le  tracé  par  Somergem,  Rccloo,  Maldegem,  une  région  où 
l'ancien  canal  do  la  Lieve  était  devenu  plus  nuisible  qu'utile.  Comme  il 
fallait  avant  tout  préserver  Gand,  on  plaça  le  point  de  départ  assez  loin  en 
amont,  à  Deynze.  Le  18  juillet  1810,  une  loi  autorisait  l'ouverture  du 
canal  entre  Deynze  et  Schipdonck,  point  de  rencontre  du  canal  de  Gand  à 
Bruges;  le  20  décembre  1851,  on  décrétait  la  continuation  entre 
Schipdonck  et  la  mer  du  Nord.  Cette  nouvelle  voie  d'eau  devait  offrir  des 
avantages  multiples:  empêcher  les  inondations  de  la  Lys  en  assurant 
l'écoulement  rapide  de  ses  eaux;  assurer  la  navigation  jusqu'en  aval 
d'Eecloo,  au  barrage  de  Balgerhoecke  ;  soulager  le  pays  d'Eecloo  des 
débordements  de  la  Lys  ;  débarrasser  la  rivière  des  eaux  infectées  par 
le  rouissage  du  lin  *.  C'est  un  spectacle  curieux,  dans  son  bief  inférieur, 
que  celui  do  ce  fleuve  solitaire,  enfermé  entre  de  hautes  berges  couron- 
nées de  quatre  rangées  d'arbres  magnifiques,  et  roulant,  avec  rapidité 
des  eaux  noires,  moirées  de  taches  luisantes.  Une  odeur  abominable  s'en 
dégage.  «  Cela  vient  do  la  Franco  »,  disent  les  habitants3. 

Cependant  le  canal  de  Schipdonck  ne  fut  pas  la  panacée  qui  devait 
guérir  tous  les  maux  de  la  vallée.  Les  inondations  continuèrent  en  amont 
do  Deynze  ;  il  fallut  donc  poursuivre  les  améliorations.  En  France,  on 
continua  à  redresser  le  lit  (dérivation  d'Armentières),  à  l'élargir  et  à  l'appro- 
fondir  »  (1873,  1883-87).  En  Belgique,  il  fallut  bien  se  décidera  en  faire 
autant.  L'inondation  de  1894  démontra  l'urgence  des  travaux.  La  Commis- 
sion réunie  pour  aviser  aux  mesures  à  prendre  écarta  le  projet  d'une 
nouvelle  dérivation  de  Menin  à  la  mer,  et  celui  d'un  bras  d'évacuation 
parallèle  a  la  rivière,  qui  aurait  fait  à  l'industrie  du  rouissage  un  tort 
considérable;  elle  décida  qu'il  fallait  avant  tout  opérer  des  rectifications 


'  Rapport  sur  le  cours  de  l'Escaut  et  de  ses  affluents  (1843),  p.  111. 

-  Le  canal  de  la  Dérivation,  appelé  aussi  canal  de  Schipdonck,  a  deux  biefs,  celui 
île  Deynze  a  Halgerhoecke,  celui  de  Halgerhoecke  à  la  mer;  le  lrr  seul  communique 
avec  le  reste  du  réseau  navigable.  Le  canal  peut  être  mis  on  communication  avec  le 
canal  de  Mruges  à  (iand;  mais  lorsqu'on  veut  éviter  d'introduire  dans  celui-ci  les  eaux 
de  rouissage  ou  le  trop  plein  des  crues,  on  fait  passer  le  canal  de  Schipdonck  sous 
l'outre  par  un  siphon.  Un  autre  siphon  assure  le  passage  sous  le  canal  de  Damme. 

3  En  réalité,  l'infection  de  ces  eaux  est  duo  surtout  au  rouissage  du  lin,  industrie 
extrêmement  active  tout  le  long  de  la  Lys,  de  Menin  à  Deynze.  U  part  de  la  France 
est  représentée  par  l'apport  de  la  Deûle.  chargée  des  résidus  de  Lille. 

*  La  Rivière,  Navigation  intérieure,  p.  5*7. 


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LES  COURS  D'E.M" 


do  courbes  ».  Lo  travail  est  en  cours  d'exécution:  ainsi  disparaîtront, 
outre  Vive-Sl-Kloi  «'I  Grammene,  les  laineux  Krommewatcrs,  avec  leurs 
hauls-fonds  et  tourbillons;  la  rivière  en  sera  raccourcie  de  T.iU)  mètres. 
On  doit  se  metlrc  ensuite  à  la  Lys  moyenne,  do  Houplines  à  Menin.  où 
t-i nq  rectifications  sont  prévues. 

Ainsi  s'étend  à  la  Lys  le  système  qui  a  si  bien  réussi  a  l'Escaut.  Peu  à  peu 
disparaît  l'aspect  des  anciens  cours  d'eau  flamands,  traçant  leurs  longues 
courbes  il  travers  les  prairies.  La  rivière  qu'on  voit  aujourd'hui  rectiligne, 
d'une  largeur  partout  égale  entre  les  deux  berges  réglementairement 
inclinées,  c'est  le  plus  souvent  un  bras  artificiel,  qui  relie  parle  plus  court 
chemin  les  racines  des  grandes  courbes.  La  vér  itable,  l'ancienne  rivière, 
dort  au  loin  dans  les  prairies,  désormais  fermée  au  courant,  encombrée  de 
roseaux:  le  colmatage  est  rapide,  le  vieux  bras  se  comble  et  disparaît. 
S'il  survit,  c'est  pour  devenir  un  vivier.  Le  nouveau  cours  est  banal  ; 
l'ancienne  rivière  était  plus  pittoresque,  avec  ses  replis  imprévus.  Et 
surtout,  ce  qui  fait  tort  aux  rivières  actuelles,  c'est  l'aspect  repoussant  de 
leurs  eaux.  La  Lys  n'est  déjà  pas  séduisante  après  la  traversée  du  groupe 
industriel  Armentières-Houplines  ;  plus  loin  elle  reçoit  la  Deùle,  que  son 
passage  dans  Lille  transforme  en  véritable  égout.  Puis  de  Menin  à  Deynze, 
le  rouissage  du  lin  achève  de  salir  et  d'empoisonner  la  rivière.  L'Escaut, 
déjà  trouble  à  Tournai,  est  abominablement  souillé  par  l'Espierres, 
ruisseau  qui  lui  apporte  les  eaux  industrielles  de  Roubaix,  Tourcoing, 
Mouscron  et  Wattrelos;  plus  loin  la  Hhosnes  lui  amène  les  déchets  de 
Henaix  ;  la  rivière,  vers  Avelghem,  est  lamentable  :  liquide  épais,  noir  el 
puant,  avec  des  bulles  qui  viennent  crèvera  la  surface.  (>  sont  des  égouLs 
à  ciel  ouvert  qui  traversent  ainsi  la  Flandre  :  et  dans  ce  pays  où  l'absence 
de  relief  a  permis  l'extension  du  réseau  navigable,  les  répercussions  sont 
lointaines.  Ilruges  même  est  iucommodée  par  les  eaux  de  la  Lys,  qui 
alimentent  le  canal  de  Garni  à  Ostende  *. 

Rivières  à  marée. 

11  faut  faire  une  place  à  part  aux  rivières  a  marée,  le  Bas-Escaut,  de 
Gand  à  Anvers,  et  la  Durme.  La  marée  s'étend,  lorsque  les  eaux  supe- 


1  Rapport  île  la  Commission  de  1856,  pp.  l."> -JH. 

1  Un  solution  semble  devoir  se  trouver  dans  des  procédés  économiques  d'épuration 
des  eaux  industrielles.  Cf.  les  expériences  du  docteur  Calmettc.  de  Lille,  relaté-os  dans 
(îosselet  (•!.).  L'alimentation  en  eau  de  la  ville  de  Lille  (Lille,  Daiiel,  P.rfd  br.,  lî»  p.), 
p  IL 


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LES  RIVIÈRES  A  MARÉE 


113 


Heures  sont  basses,  jusqu'à  l'écluse  de  la  Pêcherie,  à  Gand,  à  92  kilo- 
mètres d'Anvers,  à  184  de  Flessingue  *  ;  dans  les  hautes  eaux,  elle  ne 
dépasse  guère  Wetteren.  Dans  la  Durme,  elle  remonte  aux  basses  eaux 
jusqu'à  Moerbeke,  à  59  kilomètres  d'Anvers,  et  aux  hautes  eaux  vers  le 
confluent  du  Moervaart  et  do  la  Zuidleede.  La  vitesse  de  translation  est 
plus  forte  dans  l'Escaut  que  dans  la  Durme,  dont  les  innombrables  sinuo- 
sités arrêtent  le  courant.  Quant  à  l'amplitude  moyenne  de  la  marée, 
M.  Wolters  l'évaluait  à  4"',(KJ  à  Anvers,  2m,63  à  Termonde,  1«",38  à 
Wetteren,  3m,58  à  Harame,  lm,G3à  Lokeren;  elle  devient  très  faible  en 
amont  de  Termonde  à  cause  du  rétrécissement  du  lit,  où  les  eaux  supé- 
rieures remplissent  immédiatement  une  partie  de  la  capacité  abandonnée 
par  la  marée  descendante  *. 

Etant  donné  le  faible  volume  d'eau  qu'apportent  a  Gand  le  Haut-Escaut 
et  la  Lys  saignée  par-  les  canaux  de  Bruges,  de  Terneuzen  et  do  Schipdonck, 
c'est  la  marée  qui  fait  le  Bas-Escaut.  La  disproportion  est  énorme  entre 
son  apport  et  celui  des  eaux  supérieures.  Alphonse  Belpaire  évaluait  la 
part  de  la  marée  à  533  millions  de  mètres  cubes  en  6  heures,  celle  de  la 
rivière  à  4,5  millions;  le  rapport  est  de  118  à  1 3.  M.  Petit  a  calculé  les 
volumes  d'eau  passant  par  le  fleuve  en  des  points  précis.  A  Termonde, 
il  u  trouvé  qu'il  était  passé  à  un  flot  moyen,  3.529.521  mètres  cubes,  et  au 
jusant  3.8b3.U&5  :  la  différence,  qui  donne  le  débit  du  fleuve  pendant  le 
jusant  (7  h.  31)),  est  de  333.5  42  mètres  cubes.  Tel  serait,  à  Termonde, 
l'apport  des  eaux  supérieures  ;  ce  n'est  pas  la  10e  partie  de  celui  de  la 
marée  K  A  Lillo,  un  peu  en  aval  d'Anvers,  ses  calculs  lui  donnaient 
92.115.005  mètres  cubes  pénétrant  dans  le  fleuve  avec  le  flot,  contre 
12.8i2.129  mètres  cubes  de  débit  de  l'Escaut  :1a  marée  était  presque 
8  fois  plus  considérable  que  l'apport  du  fleuvo  s.  D'ailleurs,  ce  n'est  pas 
l'eau  de  mer  qui  pénètre  ainsi  dans  le  fleuve  à  chaque  marée  ;  ce  sont  les 


1  Cf.  Wolters,  Mémoire  sur  les  marées,  p.  11.  Ces  chiffres,  donnés  en  1844,  sont 
devenus  trop  forts,  à  cause  îles  redressements  qu'on  a  opérés  et  qu'on  opère  encore  en 
HO '•- l'.«0t">  sur  le  Kas-Kscaut,  «le  (iand  à  Termonde. 

i  Mémoire  sur  les  marées,  pp.  11-22. 

•T  Belpaire  (Alph.),  Etude  sur  la  plaine  maritime  depuis  Boulogne  jusqu'au 
Danemark  (Anvers,  Schotmans,  1855,  in-8«,  242 -f  2«  p.,  carte),  p.  173. 

*  Petit,  Ktudc  sur  les  courants  de  l'Escaut  et  de  la  Durme  (Ann.  Tr.  p.  Belg., 
tome  40,  1883.  pp.  Z'Û-'MK  1  pl.)  -  Cf.  pp.  271-278. 

5  Etude  sur  les  courants,  p.  3T>4.  —  Ces  chiffres  semblent  sujets  à  caution.  Le  débit 
du  fleuve  serait  à  Lillo  de  559  mètres  cubes  environ  par  seconde,  ce  qui  semble  énorme, 
malgré  l'apport  du  Rupel.  Etant  donné  ce  que  fournit  l'Escaut  à  Gand,  le  chiffre 
devrait  être  4  ou  T>  fois  moins  considérable. 

s 


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114  LES  COURS  D'EAU 

eaux  douces  déjà  rejetées  par  l'Escaut,  et  qui  ne  s'écoulent  que  très 
lentement  à  la  mer,  sans  cesse  repoussées  par  le  flux.  Un  flotteur  lancé  à 
Termonde  mit  7  jours,  10  heures,  10  minutes  à  atteindre  Lille,  soit  une 
distance  de  60.234  mètres  ».  L'eau  de  mer  ne  dépasse  guère  Anvers,  et  le 
fleuve  n'y  contient  de  l'eau  saumàtre  qu'à  marée  haute  ;  la  densité  y  est 
alors  de  1002.  A  l'embouchure  du  Rupel  l'eau  reste  douce  même  à  marée 
haute.  Même  à  Bath,  sur  l'Escaut  maritime,  la  densité  n'est  encore  que  de 
1007  à  marée  basse,  contre  1020  devant  Flessingue  2. 

Malgré  l'apport  de  la  marée,  le  Bas-Escaut  est  encore  un  fleuve  médiocre 
entre  Gand  et  Termonde,  même  entre  Termonde  et  Hupelmonde.  La 
profondeur  est  insuffisante  ;  elle  atteint  en  certains  endroits  5m,20,  mais 
ailleurs  le  tirant  d'eau  n'est  que  de  l,u,00  :|.  Les  courbes  étaient  immenses 
sur  cette  partie  du  fleuve.  La  section  n'étant  pas  assez  large,  et  la  pente 
trop  faible,  les  inondations  se  produisaient  comme  sur  le  Haut-Escaut. 
M.  Petit  jKMise  qu'on  a  trop  pris  aux  eaux  supérieures,  à  l'Escaut  pour 
alimenter  les  canaux  de  l'Espierres  et  de  Bossuyt,  à  la  Lys  pour  la  Déri- 
vation, le  canal  de  Bruges,  le  canal  de  Terneuzen.  Aussi  le  débit  est 
insuffisant;  il  s'ensuit  que  le  jusant  no  dure  pas  assez  longtemps,  et  n'a 
pas  assez  de  force  pour  nettoyer  le  fleuve.  De  là  les  bancs  qui  l'obstruent 
de  Termonde  à  Tamise.  Il  a  donc  fallu  exécuter  les  mêmes  travaux  qu'en 
amont  :  dragages,  et  surtout  redressements  du  cours.  Ainsi  sont  disparues 
les  gigantesques  courbes  de  Destelbergen,  de  Calcken,  d'Overmeire,  dont 
les  restes  se  devinent  au  milieu  des  prairies  ;  on  en  a  transformé  les 
tronçons  en  routoirs.  On  continue  à  supprimeras  petites  courbes,  à  Melle, 
à  Wetleren.  On  a  exhaussé  les  digues,  pour  régulariser  l'emploi  des  crues 
d'hiver  ;  de  décembre  à  février,  les  associations  do  wateringues  laissent 
pénétrer  et  séjourner  l'eau  d;ins  les  prairies  ;  et  souvent,  après  la  fenaison, 
on  ramène  l'eau  dans  les  bras  morts  pour  y  faire  le  rouissage  du  lin. 

Après  Rupelmonde,  les  dangers  d'inondations  persistent.  Aux  fortes 
marées  coïncidant  avec  des  crues  du  fleuve,  les  terres  basses,  malgré  les 
digues,  risquent  d'être  englouties.  De  1800  à  18  J0,  une  dizaine  de  marées 
se  sont  élevées  à  6"',  10  à  Anvers  1  ;  dans  ce  cas  les  digues  peuvent  céder. 
En  1880,  le  polder  de  Ouybeke  fut  inondé  pendant  5  jours;  en  avril  1003 


*  De  Moy  (P.),  Elude  sur  l'amélioration  el  l'entretien  des  ports  en  plage  de  sable  et 
sur  le  régime  de  la  cote  de  Belgique  (Paris,  Baudry,  1N<)Î,  1  vol.  in-4\  538  p.),  p.  53. 

2  Ibid.,  p.  53. 

3  peheui  (A.),  Etude  sur  le  matériel  de  la  navigation  intérieure  circulant  en  Belgique 
(Anu.  Tr.  p.  Belg.,  UWl,  i"  fascicule  ;  158  p.,  5  pl.),  p.  145. 

*  YVolters,  Mémoire  sur  les  marées,  p.  15. 


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LES  RIVIÈRES  A  MAREE 


115 


et  en  mai  1904,  l'eau  monta  jusqu'au  sommet  de  la  digue.  Sur  la  Durme, 
le  danger  est  dû  à  des  endiguements  mal  conçus,  qui  restreignent  trop  le 
lit  de  la  rivière  ;  il  arrive  par  suite  qu'aux  époques  de  grande  pluie  la 
Durme  trop  resserrée  ne  peut  pas  évacuer  en  un  jusant  tout  l'apport  des  . 
eaux  supérieures  ;  d'où  une  accumulation  dangereuse  au  moment  de  la 
haute  marée  suivante  1  .  Aussi  les  riverains  sont-ils  constitués  depuis 
longtemps  en  associations  de  Wateringues,  pour  défendre  leurs  prairies. 
Ces  Wateringues  veillent  a  l'entretien  des  digues,  répartissent  les  eaux  de 
crues  dans  les  prés.  Le  règlement  d'organisation  de  la  wateringuo  Thiel- 
rodebroeek  date  du  7  mai  1555  ;  celui  du  Baselbroeck,  du  26  mars  1587  *. 

Dangereux  aux  polders  du  voisinage,  en  revanche  le  fleuve  est  bon  pour 
la  navigation.  De  Rupelmonde  à  Anvers,  le  tirant  d'eau  atteint  de  4m,20  à 
8'",  40  ;  d'Anvers  à  Lillo,  de  5m,40  à  9*50  3.  L'afflux  de  la  Durme  et 
surtout  du  Rupel  lui  ont  donné  la  force  érosive  que  ne  peut  lui  fournir 
l'Escaut  appauvri  de  Gand.  Il  est  vrai  que  depuis  Termonde,  le  fleuve 
n'est  plus  qu'à  moitié  flamand.  Transformé  par  l'appoint  du  Rupel,  ce 
n'est  plus  le  véritable  Escaut.  Les  ports  sont  sur  la  rive  droite,  du  côté 
brabançon.  Enfin,  après  le  Doel,  le  vaste  courant,  large  de  1.200  mètres, 
n'a  plus  aucun  rapport  avec  le  modeste  fleuve  de  Gand  ;  ce  n'est  plus 
l'Escaut,  c'est  le  bras  de  mer  du  Hont. 

Ainsi  les  fleuves  flamands  portent  tout  au  long  de  leur  cours  les  traces 
de  l'influence  de  l'homme.  Depuis  le  premier  barrage,  qui  retient  leurs 
eaux  naissantes,  jusqu'aux  hautes  digues  entre  lesquelles  ils  débouchent 
dans  l'estuaire,  ils  sont  dirigés,  réglés,  asservis.  Leur  état  actuel  est  le 
résultat  d'une  longue  suite  d'efforts  qui  a  corrigé  leurs  défauts  primitifs. 
Depuis  dix  siècles  on  les  améliore.  On  a  cherché  d'abord  à  rendre  la  navi- 
gation aisée,  et  l'on  a  patiemment  construit  écluses  et  barrages.  Puis  on 
s'est  occupé  de  régulariser  les  effets  des  crues  hivernales.  Enfin  c'est  au 
XIXe  siècle  seulement  qu'on  a  essayé  sérieusement  de  prévenir  les  inonda- 
tions. L'homme  est  allé  d'abord  à  son  profit  :  il  a  songé  ensuite  à  sa  sécu- 
rité. Le  résultat  semble  satisfaisant.  Les  grandes  crues  sont  de  plus  en 
plus  rares  ;  l'Escaut  n'en  a  pas  eu  depuis  1872,  la  Lys  depuis  1894.  La 
navigation  est  assurée  ;  et  grâce  aux  dépressions  qui  séparent  les  lignes  do 
collines,  on  a  pu  établir  entre  les  rivières  des  canaux  qui  complètent  le 


*  Petit,  Etude  sur  les  courants,  pp.  306-367. 

*  Moniteur  Belge,  1877  (Séance  du  Conseil  provincial  de  la  Flandre  orientale, 
3  juillet  1877),  p.  2007. 

3  Dehem,  Etude  matériel,  p.  145. 


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110 


LES  COURS  D'EAU 


système  des  voies  d'eau.  L'œuvre  a  été  considérable,  mais  le  résultat  en 
valait  la  peine;  ce  sont  les  cours  d'eau  qui  ont  fait  la  Flandre.  C'est  le 
long  des  vallées  qu'a  marché  la  civilisation,  et  que  s'est  fait  le  peuplement 
du  pays.  Les  rivières  lui  ont  assuré  de  bonne  heure  cette  activité  commer- 
ciale qui  a  fait  de  ce  pays  au  sol  pauvre  une  des  régions  les  plus  peuplées 
de  l'Europe.  Rien  ne  semblait  spécialement  y  attirer  l'homme;  le  climat 
était  humide,  le  sol  souvent  ingrat,  trop  sableux  ou  trop  compact.  Mais  ou 
y  passait  facilement;  pas  de  montagnes,  juste  des  buttes  pour  se  défendre; 
et  surtout  des  rivières  partout,  lentes,  faites  pour  le  trafic  ;  la  Flandre  en 
devint  un  des  pays  les  plus  fréquentés  de  l'Europe.  Il  y  a  peu  de  contrées 
où  le  réseau  navigable,  rivières  et  canaux,  pénètre  si  avant  dans  les 
terres,  et  soit  si  intimement  lié  au  sol;  c'est  un  véritable  système  circu- 
latoire, qui  assure  les  relations  entre  les  parties  de  l'organisme  flamand. 


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117 


CHAPITRE  VI 
DIVISIONS  DE  LA  FLANDRE  :  LES  VARIETES  REGIONALES  1 


Les  noms  de  pays.  Distinction  essentielle  :  Plaine  maritime  et  Intérieur. 

L'étude  dos  phénomènes  actuels  a  montré  que  dans  la  plaine  flamande, 
une  par  sa  situation,  son  histoire,  sa  vie  physique  et  économique,  il  existait 
des  variétés  régionales.  La  température,  la  pluie  tombée,  l'humidité, 
changent  de  la  plaine  maritime  à  l'intérieur.  Ces  différences  sont  dues  à  la 
situation  par  rapport  à  la  mer;  elles  dépendent  aussi  du  sol  et  du  relief: 
ici  une  plaine  basse  et  presque  horizontale,  forcément  humide  puisque  son 
niveau  est  inférieur  à  celui  des  hautes  mers  ;  là  un  sol  sablonneux  et  léger, 
avec  de  légères  éminences  argileuses,  prompt  à  absorber  la  chaleur  et  à 
la  perdre  par  rayonnement  ;  plus  loin  des  terres  recouvertes  d'un  limon 
peu  perméable,  (dus  élevées  et  plus  ravinées,  barrées  d'une  ligne  de  collines 
de  sable;  ailleurs  un  plateau  entaillé  de  vallées  profondes,  et  qui  doit  à  son 
altitude  de  recevoir  un  peu  plus  d'eau  que  le  reste  de  la  plaine  flamande. 
Ces  variétés  de  sol. et  de  relief  appellent  dos  différences  hydrographiques  ; 
le  réseau  des  ruisseaux  qui  descendent  rapidement  du  plateau  alostois,  ne 
ressemble  pas  au  lacis  de  canaux  immobiles  qui  s'étend  sur  la  plaine 
maritime,  ni  aux  calmes  rivières  et  aux  fossés  indigents  de  la  région  inter- 
médiaire. Il  se  découvre  ainsi  dans  cette  plaine  flamande,  en  apparence 
uniforme  et  platement  semblable  à  elle-même  dans  tous  ses  aspects,  une 
variété  de  caractères  inattendue;  des  régions  dont  les  cultures,  l'industrie, 
les  mœurs,  les  intérêts  diffèrent  aussi  bien  que  leur  température,  leur  sol 
ou  leurs  cours  d'eau.  Ce  sont  là  plus  quo  des  nuances  ;  il  s'agit  de  pays 
distincts,  connus  du  peuple,  auxquels  il  a  donné  des  noms,  et  dont  il 
s'explique  les  différences. 


1  A  consulter:  Piot  (C).  Les  pagi  de  la  Belgique  et  leurs  subdivisions  pendant  le 
moyen-âge  (Mém.  G.  A.  R.  Belg.,  in-4°,  t.  XXXIX,  1874)  :-  Letiridan  (Th.),  Statistique 
féodale  du  département  du  Nord.  Première  partie  :  l^i  Chàtellenie  de  Lille  (Rull. 
Gomm.  H.  N.,  XI,  p.  45,  XII  p.  160,  XIU  p.  7.\i. 


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118        DIVISIONS  DE  LA  FLANDRE  :  LES  VARIÉTÉS  RÉGIONALES 


Les  Noms  de  Pays. 

Cependant  cos  régions  qui  portent  un  nom,  possèdent  un  état-civil,  ne 
sont  pas  aussi  nombreuses  qu'on  se  l'imaginerait  d'après  la  carte  de 
France  à  l'échelle  de  1  :  oOO.lXH)  *.  Cette  carte  indique  en  effet  un  Pays  de 
Bredcnarde  étendu  entre  les  hauteurs  de  Licques  et  Audruiek,  sur  le  flanc 
Sud  du  Calaisis  ;  une  grande  région  du  FraucoruU,  d'Ostende  à  Eecloo  par 
Bruges  ;  un  Pays  de  Kadzand  et  un  Pays  d'Axel^  qui  occupent  toute  la 
Flandre  zélandaise,  avec  le  Braakman  entre  eux  ;  un  Bidscaatjjvell 
couvrant  les  bois  de  Thourout  et  Wynghene,  auquel  un  Alfervelt  fait  suite 
dans  la  direction  de  Gand  ;  un  Pays  de  Waes(\m  se  déroule  de  Maldegem 
à  Anvers,  sur  tout  le  pays  sableux  du  Nord.  Autour  de  Lille,  le  Ferrain  va 
de  la  Deûle  à  la  frontière,  avec  Roubaix  et  Tourcoing  ;  le  Weppes  sépare 
Lille  de  la  plaine  de  la  Lys,  tandis  que  sur  les  plateaux  crayeux  qui 
recèlent  l'avant-garde  des  couches  houillères  s'étendent  le  MéfrudoisH  le 
Carembatdt.  Pour  être  complet,  il  faut  ajouter  à  ces  noms  celui  de  Y  Alleu, 
qui  désigne  un  petit  canton  de  la  plaine  de  la  Lys,  vers  taventie,  et  celui 
du  Meetjeslaad,  enserre  entre  Franconat  et  pays  de  Waes,  dans  le  triangle 
Eecloo,  Somergem,  Waerschoot. 

C'est  là  beaucoup  de  noms  et  beaucoup  de  pays.  La  plupart  sont  de 
vieux  termes  historiques,  d'origine  féodale  ou  ecclésiastique,  qui  ne  corres- 
pondaient pas  pour  la  plupart  à  une  unité  géographique,  et  qu'on  a  repris 
au  XIXe  siècle  pour  les  plaquer  sur  des  divisions  d'ordre  géologique*. 
C'est  la  un  emploi  un  peu  artificiel,  car  le  peuple  ne  connaît  pas  ces 
noms,  et  les  circonscriptions  auxquelles  on  les  applique  ne  correspondent 
plus  exactement  aux  vieux  Pagi  pour  lesquels  ils  étaient  créés.  Déjà 
l'on  peut  trouver  abusif  le  nouvel  emploi  des  termes  Ferrain  et  Weppes, 
pour  distinguer  deux  cantons  dont  les  différences  sont  assez  faibles,  le 
premier  plus  ondulé,  le  second  très  plat.  Le  pays  de  l'Alleu  n'est  qu'un 
coin  de  la  plaine  de  la  Lys  ;  et  le  souvenir  de  la  domination  qu'y  exerçait 
l'abbaye  de  Sl-Waast  ne  suffit  pas  a  sauver  de  l'oubli  le  nom  géographique 
de  cet  ancien  alleu.  Le  Franconat,  ou  plutôt  Franc  do  Bruges  (net  Vrije) 
était  une  ancienne  circonscription  politique  de  la  Flandre,  à  cheval  sur 


1  Voir  la  carte  à  la  fin  du  volume. 

t  C'est  ainsi  que  M.  («osselet  a  ressuscité  les  tenues  .le  Ferrain,  Weppes,  Mélantois, 
Carembanlt,  et  leur  a  donné  une  signification  géologique;  les  habitants  ignorent  ces 
noms,  qu'on  retrouve  seulement  accolés  à  ceux  des  communes  qui  avaient  besoin  d'une 
dénomination  pour  empêcher  des  confusions  :  Ncuville-en-Ferrain  s'oppose  à  Neuvillo- 
sur-Kscaut  ;  Sainghin-en-W'cppes,  à  Sainghin-en-Mclantoia. 


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LES  NOMS  DE  PAYS 


110 


la  plaine  maritime  et  l'intérieur;  ce  terme  n'a  jamais  eu  une  valeur  géo- 
graphique, et  a  le  tort  d'être  complètement  tombé  dans  l'oubli.  Los  pays 
de  Kadzand  et  d'Axel  désignent  les  doux  arrondissements  de  la  Flandre 
zélandaise,  sans  plus.  Bulseampvelt  et  Altervelt  existent,  mais  on  a  fait 
de  ces  termes  un  emploi  singulièrement  étendu  :  car  l'un  désigne  réellement 
une  ancienne  bruyère,  aujourd'hui  boisée,  dans  la  commune  d'Oost- 
camp,  et  l'autre  n'est  qu'un  lieu-dit  de  la  commune  d'Aeilre. 

Les  autres  noms  expriment  peut-être  plus  de  réalité,  quoiqu'on  ait  beau- 
coup trop  agrandi  la  petite  région  dont  ils  indiquent  l'existence  et  l'origi- 
nalité. On  a  toujours  appelé  Bredenarde  le  plateau  argileux,  plus  élevé 
que  la  plaine  maritime  qui  l'enserre  presque  partout,  et  qui  comprend 
les  quatre  communes  de  Zutkerquc,  Nortkerque,  Audruick  et  Polincove  : 
un  coin  de  Flandre  intérieure  égaré  entre  les  penles  de  l'Artois  et  la 
Plaine;  ce  terme  historique  s'appliquait  donc  à  un  petit  territoire  diffé- 
rent de  ceux  qui  l'entourent.  Mais  il  faut  bien  se  garder  de  pousser  la 
Bredenarde  au  Sud  d'Ardres  jusque  sur  les  pentes  de  la  forêt  de  Licques. 
Le  Meetjesland  est  plus  incertain,  un  peu  en  l'air.  A  Eecloo,  Waerschoot, 
Somergem,  tout  le  monde  en  parle,  les  habitants  s'intitulent  Meetjeslan- 
ders,  les  journaux  en  entretiennent  leurs  lecteurs.  Mais  hors  de  ce  petit 
cerelo,  on  entre  dans  le  vague  ;  à  Bollem,  les  Meetjeslanders  sont  ceux 
qui  habitent  au  Nord  du  canal  de  (  iaud  ;  à  Evergeni  on  en  parle  sans  trop 
savoir  ce  que  c'est  ;  à  Knesselaerc,  Nevele,  Loolenhulle,  Landegem, 
(laprycke,  on  convient  que  ce  nom  n'est  guère  connu  que  des  gens  cultivés. 
Si  le  Meetjesland  a  une  signification  géographique,  il  désignerait  donc 
la  partie  de  la  plaine  sableuse  qui  se  trouve  à  l'Est  des  collines  dTrsel; 
mais  rien  no  distingue  ce  pays  des  cantons  voisins  ;  aussi  est-il  à  craindre 
que  le  Meetjesland  ne  soit  un  vieux  nom  ou  sobriquet  historique  égaré 
dans  la  géographie 

Le  pays  de  Waes  a  beaucoup  plus  «l'originalité.  Non  pas  qu'il  faille 
l'étendre  aussi  loin  vers  l'W.  quo  le  fait  la  carte  à  1  :  500.000;  jamais 
(>aprycke,  Ertvelde,  Selzaete  n'en  ont  fait  partie.  La  circonscription  histo- 
rique qui  portait  ce  nom  s'arrêtait  a  l'Escaut,  a  la  Durme,  et  à  la  frontière 
hollandaise  actuelle  *.  ( ^graphiquement,  le  Waes  est  plus  restreint 
encore  :  c'est  le  pays  du  limon  sableux  qui  surmonte  l'argile  rupelienne.  . 
Au  milieu  d'un  pays  de  sable,  ce  limon  forme  une  terre  plus  fertile,  qui  fait 


1  M.  Gosselet  fait  du  Meetjesland  la  continuation  du  pays  do  Waes,  celui-ci  sY-tcti- 
daut  de  Gaud  à  Anvers,  celui-là  de  Gand  à  Hruges.  (Géographie  physique,  pp.  109-110). 

*  Cf.  Van  den  Bogaerde,  Het  distrikt  van  St-Nikolaas,  vorheen  land  van  Waes. 
(S.  Nikolaas,  Dorey,  1825,  3  d.,  in-8°). 


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DIVISIONS  DE  1.A  FLANDRE:  LES  VARIÉTÉS  RÉGIONALES 


du  pays  de  Waes  la  région  la  mieux  cultivée  qui  soit  ;  c'est  le  jardin  do  la 
Flandre.  Ce  limon  s'étend  jusqu'à  Waesmunster ,  Beleele ,  Stekene  ; 
comme  ce  n'élait  pas  là  une  frontière,  on  a  reculé  les  limites  jusqu'à  la 
Durme,  grossie  par  le  Hot  de  marée.  Mais  les  communes  situées  au  delà 
n'en  ont  jamais  fait  partie  :  Zele,  Loochristy,  n'ignorent  pas  qu'ils  sont  en 
dehors,  que  le  pays  de  Waes  s'arrête  à  Lokeren  ;  les  habitants  conviennent 
que  leur  région,  entre  la  Durme  et  (  iand,  n'a  pas  de  nom  ;  et  ils  paraissent 
en  prendre  aisément  leur  parti. 

Plaine  Maritime  et  Intérieur. 

Mais  il  y  a  d'autres  noms  que  ceux  dont  parlent  les  cartes.  Le  peuple 
qui  ignore  le  Francouat  et  le  Bulscampvelt,  qui  se  soucie  peu  du  Meetjes- 
land  ou  de  la  Bredenarde,  a  toujours  fait  la  distinction,  en  Flandre,  entre 
deux  grandes  variétés  régionales,  la  plaino  maritime  et  l'intérieur.  C'est  là 
que  s'accumulent  vraiment  les  différences  physiques,  économiques, 
ethnographiques  même.  Aussi  pour  exprimer  ce  qu'il  y  a  de  tranché  entre 
les  deux  régions  existe-t-il  des  formes  nombreuses,  populaires,  qui  sont 
de  vrais  noms  de  pays,  car  ils  n'ont  pas  d'ancêtres  historiques  et  désignent 
des  phénomènes  naturels.  A  l'Ouest,  ce  qui  frappe,  c'est  la  différent  e  entre 
les  croupes  élevées  de  la  craie  et  les  étendues  plates  du  Calaisis  :  d'un 
côté  c'est  donc  le  Haut  Pays,  appelé  parfois  les  Côtes  ;  de  l'autre  le  Pays- 
Bas,  la  Bassure.  Plus  loin,  après  l'Aa,  les  hauteurs  s'éloignent  de  la  lisière 
des  deux  régions  ;  le  relief  de  l'intérieur  n'est  guère  plus  puissant  que 
celui  de  la  plaine  ;  mais  ce  qui  saute  aux  yeux  c'est  que  la  plaine  n'a  pas 
d'arbres,  et  que  l'intérieur  en  foisonne;  l'une  est  donc  le  pays  découvert 
(BlootCy  Blooteland),  l'autre  la  l  égion  boisée  {Ilouthriuf).  Après  Chistelles, 
et  jusqu'au  delà  de  Bruges,  la  distinction  se  fait  plus  simplement  encore 
entre  le  Noorden  et  le  Zuyde.n,  habités  par  les  Noordenaars  et  les 
Zuyderlingen  ;  la  différence  est  si  nette  entre  les  deux  régions  qu'on  n'a 
pas  besoin  d'une  désignation  plus  précise.  Au  delà  le  terme  Houtland 
reparaît  et  se  maintient  jusqu'à  la  hauteur  du  pays  de  Waes,  tandis  que  la 
plaine  prend  le  nom  de  Polders,  ou  Polderland  ;  c'est  la  terre  des 
Polders,  terme  qui  a  une  signification  précise  puisque  toute  la  Flandre 
zélandaise  est  en  effet  composée  de  polders  arrachés  depuis  quelques 
siècles  seulement  à  la  mer.  F^ufin  dans  le  pays  de  Waes  on  appelle  terres 
hautes  (Hoog/and,  ou  toi  hooyen)  l'intérieur,  qui  monte  en  pente  douce 
jusqu'à  l'altitude  de  30  mètres,  tandis  qu'on  continue  à  qualifier  de  pol- 
ders les  terres  basses  qui  s'étendent  jusqu'à  Anvers. 


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LA  PLAINE  MARITIME  ET  L'INTÉRIEUR 


121 


Ce  sont  là  do  vrais  noms  géographiques.  I/*s  habitants  rendent  la 
distinction  plus  nette  encore  par  les  épithètes,  les  sobriquets  qu'ils  se 
renvoient  d'une  région  à  l'autre.  L'homme  do  la  Plaine,  enrichi  par  la 
fertilité  du  sol,  aisé  et  cossu,  se  moque  du  paysan  de  l'intérieur  que  le 
travail  courbe  sur  un  sol  ingrat  :  lloutlander  est  un  terme  méprisant  ;  ces 
gens  de  l'intérieur  ne  sont-ils  pas  d'un  siècle  en  arrière  {  Ce  sont  de 
pauvres  sires;  on  les  bafoue  du  nom  bizarre  d'IIoutlandsche  priïm  (prune 
du  Houtland).  Le  lloutlander  riposte  en  se  moquant  des  gros  défauts  du 
Blootenaar,  son  amour  d'une  bonne  table,  du  confortable,  sa  morgue, 
son  peu  de  sociabilité  ;  dans  l'Ouest  les  gens  du  pays  haut  traitent  de  gris 
ffos  ceux  de  la  Bassure  ;  par  là  ils  entendent  des  orgueilleux,  dos  parve- 
nus. A  l'Est  on  considère  comme  pointilleux,  rigides  et  désagréables  les 
Hollandais  des  Polders,  qui  traitant  les  Flfunands  de  l'intérieur  de 
fanatiques  arriérés,  et  «l'ignorants.  Il  n'est  pas  un  fonctionnaire,  insti- 
tuteur, prêtre,  passant  d'une  région  à  l'autre,  qui  ne  s'aperçoive  rapidement 
qu'il  est  dans  un  autre  pays,  et  que  le  climat  est  aussi  différent  que  les 
gens  :  ceux  de  la  plaine  froids  comme  le  vent  qui  souffle  sans  cesse  sur 
leur  pays,  ceux  de  l'intérieur  plus  démonstratifs,  de  tempérament  plus 
vif,  comme  réchauffés  par  la  tiédeur  de  leur  atmosphère  1. 

(l'est  là  la  distinction  profonde  en  Flandre,  le  pays  bas  au  long  de  la 
côte,  et  le  pays  boisé  derrière  ;  pays  de  Waes,  Bredonarde,  ne  sont  que 
des  détails  dans  cet  ensemble.  Plaine  maritime,  Flandre  intérieure,  sont 
les  deux  grandes  divisions  du  pays,  dépendant,  vers  le  Sud,  des  nuances 
nouvelles  s'observent;  on  sent  la  transition  avec  les  pays  voisins.  La 
plaine  de  la  Lys  tourne  le  dos  à  la  Flandre,  elle  regarde  déjà  un  peu  vers 
le  Sud,  vers  le  bassin  houiller  et  la  région  lilloise.  Le  puissant  foyer  indus- 
triel de  Lille-Roubaix  est  également  un  peu  à  part  ;  la  frontière  l'isole  du 
Nord  et  le  rapproche  du  Sud,  en  dépit  des  aftinités  physiques.  Le  pays 
d'Alost  sert  de  transition  entre  les  plateaux  brabançons  et  les  plaines 
de  Flandre.  Ainsi  la  Flandre  est  bordée  au  Sud  de  régions  mixtes,  où 
se  ménage  le  passage  de  la  nature  flamande  à  la  Picardie,  au  Hainaut, 
au  Brabant.  Ce  sont  là  des  distinctions  dont  il  faudra  tenir  compte  dans 
l'élude  de  la  Flandre  intérieure. 


'  «  Sans  transition,  écrit  un  médecin  «  le  Dixintide  qui  connaît  bien  le  ]>;tys.  de  la 
plaine  à  1  intérieur  tout  change  inopinément  d'aspect  :  terrain,  coutumes,  mœurs, 
température,  climat,  tout  varie.  On  «lirait  un  autre  peuple,  un  autre  pays».  {W'oets, 
Topographie  médicale  île  l'arrondissement  administratif  de  Dixmudv.  —  Aim.  «le  la 
Soc.  médico-chirurgicale  de  Bruges,  1*47,  p.  W). 


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RÉGIME  DE  LA  MER  FLAMANDE 


CHAPITRE  VII 
RÉGIME  DE  LA  MER  FLAMANDE' 


La  nier  flamande.  Régime  des  marées  :  lo  gain  de  flot.  Formation  des  bancs. 

I)o  Sangalte  à  Anvers,  sur  une  largeur  d'une  douzaine  de  kilomètres  lo 
long  de  la  côte,  la  Flandre  présente  l'aspect  d'une  plaine  basse,  au  sol  gris 
ou  noirâtre,  coupée  d'innombrables  fossés  ou  canaux,  plantée  de  rares 
arbres  tordus;  du  roté  do  la  terre,  l'horizon  semble  infini,  jusqu'aux 
arbres  du  Houtland  aperçus  dans  les  brumes  bleuâtres;  vers  la  mer.  l'œil 
s'arrête  sur  une  rangée  de  dunes  blanches  irrégulières,  ou  sur  le  profil 
vert  d'une  digue,  (l'est  la  plaine  inarilime. 

(lot  aspect  n'est  pas  particulier  à  la  Flandre.  Il  y  a  plusieurs  petits  pays- 
bas  semblables  sur  les  côtes  de  France  :  marais  poitevin,  marais  breton, 
marais  de  l)ol,  bas-champs  de  Picardie.  Mais  ce  type  de  région  paraît 
surtout  développé  le  long  de  la  mer  du  Nord  ;  la  Zélande  continue  la 
plaine  maritime  flamande,  et  sans  interruption  se  succèdent  les  polders 
hollandais,  la  Frise,  occidentale  et  orientale,  les  Marschen  de  l'Elbe,  les 
Dittmarschen  du  Ilolstein,  et  ainsi  de  suite  jusqu'en  Danemark,  au  cap 
Blaavands  Huk.  Fn  lace,  sur  la  côte  anglaise,  la  plaine  basse  des  Fen, 
autour  du  golfe  de  Wash,  fait  pendant  aux  polders  germaniques.  Tous  ces 


«  Principaux  travaux  à  consulter:  Keller  (F.A.K.).  Exposé  du  régime,  des  courants 
observés  depuis  le  XVI'-  siècle  jusqu'à  nos  jours  dans  la  Manche  et  la  mer  d'Allemagne 
(Paris,  Didot.  1K.T>.  in-8\  17.")  p.):  —  StoseU  (A.),  Des  courants  de  marée  sur  le 
littoral  de  la  Belgique  Ann.  Tr.  P.  Bel-.,  XXV,  18*17,  pp.  27-iï);  —  Ploeq(A.j,  Ktude 
des  courants  et  de  la  mardi,-  des  .-illuvioiis  aux  abords  du  détroit  de  Douvres  et 
du  Pas-de-Calais,  sur  les  cotes  de  France  et  d'Angleterre  (  Ann.  P.-C,  i*  série.  3* 
année.  Is'i.'î,  pp.  1U.M77.  7  pl.:  ;  —  Do  Mey  il'.).  Ktude  sur  l'amélioration  et  l'entretien 
îles  ports  en  plaire  de  sable  et  sur  le  régime  de  la  côte  de  Belgique  (Paris,  Baudry. 
18".»4,  1  vol.  texte  in-i",  :>.'i8  p.,  I  vol.  atlas  gr.  in-<l°,  \2  pl.);  —  Van  Mierlo  (C.-.I.).  Iji 
carte  lithologique  de  la  partie  méridionale  de  la  mer  du  Nord  (Bull.  Soc.  belge  (Jéol., 
XIII,  iHÎO,  IJanvier  l'.fUl],  .Mém.  pp.  ->i<l-'>t\\  carte);  —  Van  Mierlo  et  Sp>  ssdiacrl, 
Carte  générale  de  la  partie  méridionale  de  la  mer  du  Nord,  dressée  d'après  les  son- 
dages le>  plus  récents;  publiée  parla  Soc.  belge  de  (îéologie  (Bruxelles  Pamertm, 
ISÎI7);—  Gilson  (<l.).  Exploration  de  la  mer  sur  les  cotes  de  la  Belgique  eu  1810 
(Mém.  Musée  Hist.  Nat.  Belgique,  I,  11*00). 


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LA  MER  FLAMANDE 


123 


pays  bas  ont  le  même  aspect  général,  la  même  horizontalité  parfaite  du 
sol  ;  les  arbres  peuvent  y  être  plus  ou  moins  nombreux,  suivant  la  distance 
à  la  mer  :  mais  l'humidité  est  partout  forte,  les  canaux  nombreux  ;  c'est 
toujours  un  pays  à  demi  aquatique.  La  couleur  du  sol  gris,  semblable  à 
celle  des  vases  marines,  la  présence  do  coquillages  identiques  à  ceux  que 
contient  encore  la  mer  voisine,  l'altitude  surtout,  avertissent  que  ces 
plaines  sont  un  fond  de  mer  oxondé.  Même  la  mer  semble  prête  à  réoc- 
cuper  un  territoire  qu'elle  parait  n'avoir  abandonné  que  provisoirement  ; 
le  pays  bas  est  presque  partout  inférieur  au  niveau  des  hautes  mers.  Dans 
des  marées  extraordinaires  commo  celle  du  31  janvier  1877,  il  resterait 
dans  la  plaine  maritime  de  Flandre  une  bien  faible  étendue  émergée, 
sans  la  protection  des  digues  et  des  dunes.  Il  s'agit  donc  bien  d'une  plate- 
forme marine  à  peine  hors  des  eaux,  due  à  la  mer,  et  qu'il  faut  a  grand' 
peine  protéger  contre  elle.  Aussi  peut-il  paraître  utile,  avant  d'en  commen- 
cer l'étudo,  d'examiner  le  régime  de  cette  mer  qui  l'a  formée. 


La  mer  flamande. 

Ce  n'est  pas  d'une  étude  de  la  mer  du  Nord  qu'il  s'agit.  Celle-ci  est 
vaste,  et  la  Flandre  n'en  bordequ'une  bien  petite  étendue.  Comparée  à  la 
véritable  mer  du  Nord,  celle  qui  s'étend  du  Jutland  à  l'embouchure  de  la 
Tyne,  la  partie  qui  intéresse  la  Flandre  est  singulièrement  restreinte  : 
c'est  un  «  canal  >  au  môme  titre  que  la  Manche,  à  peine  plus  large 
qu'elle  ;  presque  un  cul-dc-sac  assez  étroit,  s'entr'ouvrant  de  biais  par  la 
fissure  du  Pas-de-Calais.  C'est  la  une  partie  très  distincte  de  la  mer  du 
Nord,  une  )uer  flamande,  comme  il  y  a  une  mer  allemande  entre  la 
Frise  et  le  Schleswig.  Les  pécheurs  du  littoral  n'appellent  Nordzee  que 
la  grande  mor,  au  delà  de  la  Hollande,  colle  du  Doggcr-Hank  ;  au  Sud  du 
53-  et  surtout  du  degré  de  latitude  Nord,  c'est  la  région  des  bancs  de 
Flandre  (Flemish  lianks,  Vlaemschc  banken)  C'est  celte  partie  seule 
qui  intéresse  la  côte  et  la  plaine  flamandes,  car  ses  conditions  physiques 
sont  différentes  de  celles  qu'on  trouve  dans  la  Nordzee  proprement  dite  : 
là  à  cause  de  l'influence  de  la  Manche  toute  proche,  ici  pan  e  que  les  flots 
de  l'Atlantique  pénètrent  librement  par  la  large  ouverture  du  Nord. 

Or,  commo  la  Manche,  et  plus  encore  que  la  Manche,  la  mer  flamande 
est  sans  profondeur.  En  dehors  des  fonds  de  plus  de  50  mètres  qui  s'echo- 


t  Gilson,  p.  01. 


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124 


RÉGIME  DE  LA  MER  FLAMANDE 


lonnent  dans  le  détroit  (61  mètres  entra  Wissant  et  Douvres),  il  faut  aller 
loin  do  la  rôle  de  Flandre,  jusqu'au  delà  de  la  rangée  des  grands  bancs, 
pour  que  la  sonde  accuse  plus  de  40  mètres,  et  l'on  n'atteint  de  nouveau 
50  mètres  qu'auprès  des  bancs  anglais  du  Galloper.  A  côté  de  ces  maxima 
on  trouve  des  profondeurs  extrêmement  faibles:  7m,  20  sur  le  banc  du 
Noord-Hinder,  5m,  20  sur  lo  Sandettie.  situés  au  beau  milieu  du  canal  :  plus 
près  des  côtes,  on  arrive  à  lm,50, 1°  10,  Om,50  (Goodwin  Sands),  et  même 
à  des  plateaux  découverts  à  marée  basse,  le  Braeck  de  Dunkerque,  le 
North-Coodwin.  Ainsi  cette  mer  étroite  est  à  peine  recouverte  d'eau.  Si 
la  plaine  maritime  n'est  qu'une  plate-forme  marine  à  peine  exondée,  la 
mer  flamande  est  un  socle  continental  faiblement  inondé.  Terre  et  mer 
s'emmêlent,  se  pénètrent  réciproquement.  On  a  vu,  dans  l'histoire  du  sol 
flamand,  qu'il  en  avait  toujours  été  ainsi.  Dans  cette  lutte  entra  les  deux 
éléments  qui  se  le  disputaient,  aucun  n'a  été  assez  fort  pour  vaincre  défi- 
nitivement. 

C'est  de  l'époque  quaternaire  que  datent  les  dernières  batailles  rangées. 
Après  des  fortunes  diversos,  la  terre  l'avait  emporté  pendant  le  quater- 
naire moyen,  et  la  Flandre  se  joignait  a  l'Angleterre.  Mais  à  l'époque 
flandrienne  (quaternaire  supérieur),  la  mer  traverse  de  nouveau  le  Pas-de- 
Calais,  et  s'y  est  maintenue  depuis.  C'est  d'alors  que  date  la  mer  flamande. 
L'évènemont  n'alla  passansquelque  violence.  Kn  effet,  la  marée,  beaucoup 
plus  forte  dans  la  Manche  que  dans  la  mer  du  Nord  à  l'époque  actuelle 
(8"\55  à  Dieppe,  7,n,86  a  Boulogne,  contre  5"\45  à  Dunkorque,  4"',60  à 
Ostonde,  •4"',"J0  à  Flessinguc)  1  devait  être  bien  plus  considérable  encore 
lorsque  la  Manche  n'était  qu'un  cul-de-sac,  où  le  flot  venait  s'accumuler 
comme  il  le  fait  aujourd'hui  dans  le  golfe  de  Saint-Malo  ou  la  baie  de 
Fundy  s.  Tandis  que  ce  formidable  bélier  battait  l'isthme,  la  mer  qui  avait 
peu  à  peu  envahi  la  plaino  du  quaternaire  moyen  en  Flandre  devait  avoir 
des  flux  et  reflux  insignifiants;  de  nos  jours  on  voit  la  marée  propre  à  la 
mer  du  Nord  diminuer  de  l'Kcosse  jusqu'à  la  ligne  joignant  Varmouth  au 
Texol,  où  vient  la  renforcer  Tonde  de  la  Manche  ;  on  peut  donc  supposer 
qu'à  l'époque  où  le  détroit  n'était  pas  oncore  ouvert,  l'amplitude  de  la  marée 
restait  faible  au  fond  du  golfe  :  peut-être  2  mètres,  peut-être  moins. 
Mais  lorsque  l'isthme  céda  sous  les  coups  du  flot  de  la  Manche,  une  véri- 
table catastrophe  dut  se  produire  ;  la  marée  venue  de  l'Ouest  dut  préci- 


1  Do  Moy,  Ports  en  plage,  p.  27. 

*  M.  Van  Mierlo  Tc-tinie  à  environ  20  mètres.  —  Cl":  Van  Mierlo  (C.-.I.),  Los  marres 
a  la  lin  do  l'époque  quaternaire  sur  les  cotes  do  Belgique.  (,Hull.  Soc.  belge  (iéol., 
XI,  I&I7,  Mena.,  pp.  273-3$). 


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LE  RÉGIME  DES  MARÉES  :  LE  GAIN  DE  FLOT 


125 


piter  par  l'ouverture  des  torrents  d'eau,  qui  noyèrent  le  pays,  élevèrent 
le  niveau  do  la  mer  du  Nord  et  finirent  par  donner  les  marées  actuelles. 

Régime  des  marées  :  le  gain  de  flot. 

Or,  c'est  encore  du  système  de  marées  de  la  Manche  que  dépend  celui 
de  la  mer  de  Flandre;  c'est  l'onde  marée  venant  de  la  Manche  qui  pénètre 
dans  la  mer  flamande  en  suivant  les  côtes  de  Belgique  ot  de  Hollande 
jusque  vers  le  Texel,  tandis  que  sur  les  côtes  anglaises  c'est  l'onde  de  la 
mer  du  Nord  qui  produit  le  flux  et  le  reflux,  jusque  vers  l'embouchure  de 
la  Tamise.  Il  en  résulte  que  les  mouvements  du  flux  et  du  reflux  sont 
différents  sur  la  côte  flamande  et  sur  la  côte  anglaise.  I/O  long  de  la  côte 
belge,  le  courant  au  début  du  flot  porte  au  Sud-Est,  vers  la  côte,  et  incline 
peu  à  peu  vers  l'Est  ;  a  l'heure  de  la  haute  mer,  lorsque  le  flot  atteint  sa 
plus  grande  vitesse,  il  est  presque  parallèle  à  la  côte.  \j&  renversement 
commence  au  jusant,  le  reflux  portant  d'abord  vers  le  Nord,  et  s'incli- 
nant  lentement  vers  l'Ouest  ;  lors  de  sa  plus  grande  vitesse,  le  jusant  court 
àrW.-S.-W.,jusqu'aumomentoù,  au  retour  du  flot,  il  va  touruerau  Sud, 
vers  la  côte.  C'est  un  mouvement  giratoire  inverse,  c'est-à-dire  contraire 
à  la  marche  des  aiguilles  d'une  montre,  tandis  que  sur  la  côte  anglaise  la 
marée  décrit  un  mouvement  giratoire  direct. 

Ainsi  les  flots  de  la  mer  flamande  subissent  deux  fois  chaque  jour  un 
mouvement  de  va-et-vient,  qui,  au  moment  des  plus  grandes  vitesses, 
les  porte  vers  l'Est,  puis  vers  l'Ouest.  Le  déplacement  vers  l'Ouest  dure 
plus  longtemps,  car  lorsque  le  vent  n'intervient  pas,  le  courant  de  jusant 
persiste  en  moyenne  1  heure,  même  1  heure  et  demie  de  plus  que  le 
courant  de  flot.  En  revanche  la  force  du  flot  est  plus  considérable,  parce 
que  sa  vitesse  est  plus  grande;  sur  le  littoral  français,  elle  est  de  2*",15 
par  seconde  devant  Calais,  de  1"\80  dans  la  rade  de  Dunkerque  (marées 
moyennes  de  vive  eau);  plus  loin  elle  est  de  1"',30  dans  la  rade  de 
Nieuport,  de  lm,20dans  la  grando  rade  d'Ostende,  de  ln,,5U  au  large  de 
Knocke  ;  celle  du  jusant  dans  les  mêmes  conditions  est  de  devant 
Calais,  de  lm,50  vers  Dunkerque,  de  i"',10  à  Nieuport,  0,u,95  à  Ostende, 
lm,45  vers  Knocke  *.  Ainsi  le  flot  est  plus  fort,  mais  le  jusant  dure  plus 
longtemps,  et  il  serait  difficile  à  priori  de  dire  lequel  des  deux  courants 
l'emporte,  de  quel  côté  se  trouvent  transportées  les  alluvions  que  charrie 
la  mer. 


•  De  Mey,  forts  en  plage,  pp.  29  et  33. 


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120 


RÉGIME  DE  LA  MER  FLAMANDE 


Cependant  il  existe  des  preuves  nombreuses  qu'il  y  a  gain  de  flot,  c'est- 
à-dire  que  les  objets  abandonnés  à  la  mer  sont  transportés  vers  l'Est.  I^s 
bouées  de  Dunkerque  dont  les  chaînes  se  sont  rompues  sont  toujours 
retrouvées  sur  la  côte  belge.  Les  fucus  trouvés  entre  les  bancs  de  Flandre, 
et  qui  viennent  des  côtes  bretonnes,  fournissent  la  même  indication 
Enfin  une  expérience  scientifique  a  prouvé  cette  prédominance  du  flot: 
sur  100  flotteurs  inunorgés  lo  2  mai  1891)  au  bateau-feu  du  Wesl-Hindcr, 
5  seulement  ont  été  retrouvés,  du  0  au  15,  à  l'W.  du  point  de  départ, 
tandis  que  49  autres  ont  été  recueillis  à  partir  de  juin  sur  les  côtes  de 
Hollande,  dont  33  à  la  fois,  entre  Ymuiden  et  Schiermonnikoog,  du  1er 
au  15  septembre  *.  Or  les  vents  avaient  été  plutôt  défavorables,  puisque 
du  2  mai  au  1er  septembre  1899,  ils  avaient  fourni  108  unités  favorables 
au  courant  de  flot  contre  251  contraires.  Ils  ont  sans  doute  leur  influence, 
puisque  ce  sont  des  soufflas  du  N.-E.  qui  dans  les  premiers  jours  de  niai 
portèrent  5  flotteurs  à  l'W.  du  bateau-feu,  et  que  ce  sont  les  bourrasques 
d'équinoxe  W.-S.-W.  qui  ont  jeté  à  la  côte  .'J3  flotteurs  du  1er  au  15  sep- 
tembre ;  cependant  le  courant  de.  flot  est  puissant  par  lui-même,  puisqu'il 
a  conduit  vers  le  N.-E.  la  grande  majorité  des  flotteurs  malgré  des  vents 
contraires:  70  unités  de  vents  N.-E.  du  20  mai  au  19 juillet,  52  unités  de 
vents  N.-N.-W.  du  3  au  27  juillet,  enfin  pour  l'ensemble  143  unités  de  plus 
au  N.-E.  qu'au  S.-W..  M.  Gilson  conclut  que  la  fore»'  qui  a  fait  cheminer 
les  flotteurs  lui  parait  être  la  résultante  d'une  influence  éolienne  et  d'une 
influence  neptunienne,  la  dernière  étant  la  plus  efficace. 

Cette  constatation  déroute  un  peu,  car  ou  s'était  habitué  à  prendre  pour 
cause  du  gain  de  flot  la  prédominance  bien  constatée  des  vents  d'Ouest.  Il 
est  certain  que  ceux-ci  ont  sur  la  marée  une  influence  considérable;  dans 
certaines  marées,  fussent-elles  de  morte  eau,  accompagnées  de  violents 
vents  d'Ouest,  le  flot  duro  presque  constamment  dans  les  ports  flamands, 
mollit  à  peine  à  l'heure  du  jusant,  et  reprend  ensuite  avec  plus  de  force  3. 
Cependant  il  est  probable  que  la  force  du  courant  de  flot  n'a  pas  été 
justement  appréciée  jusqu'ici,  et  que  c'est  à  elle  qu'est  due  une  bonne 
partie  du  gain  constaté  par  l'expérience,  et  par  les  remarques  des  marins. 

Ce  gain  de  flot  doit  naturellement  transporter  vers  l'Est  les  matériaux 
tenus  en  suspension  par  les  eaux  de  la  mer  flamande.  Celle-ci  est  forte- 
ment chargée  d'alluvions  ;  sa  couleur  jaune  eu  prévient  :  on  a  pu  recueillir 


«  Dlocq,  Étude  courants,  pp.  138-140. 

*  Cf.  Gilaon,  pp.  67-80.  —  Deux  flotteurs  parvinrent  aussi  sur  la  côte  du  Sehleswig. 
3  De  Mey.  Ports  en  plage,  p.  88. 


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LE  RÉGIME  DES  MARÉES  :  LE  GAIN  DE  FLOT  127 

3  centimètres  cubes  do  sable  dans  6  litres  de  ces  eaux  troubles  *.  La 
présence  de  ces  grandes  quantités  de  matériaux  provient  sans  doute  du 
peu  de  profondeur  de  la  mer,  où  les  vagues  de  fond  agitent  les  sables  des 
bancs  ;  elle  f  st  due  aussi  à  l'apport  de  la  Manche.  Ce  sont  les  falaises  du 
pays  de  Caux,  du  Boulonnais,  du  Gris-Nez  et  du  Blanc-Nez,  qui  four- 
nissent les  matériaux  entassés  dans  la  mer  du  Nord.  Les  alluvions 
transportées  parles  fleuves  sont  eu  faible  quantité,  air  les  fleuves  flamands, 
dont  la  penteest  presque  nulledans  la  dernière partiedeleurcours,  amènent 
à  la  mer  des  eaux  à  peu  près  décantées,  et  où  ne  se  trouvent  guère  que 
les  matières  ténues.  L'Escaut,  par  exemple,  si  trouble  à  Wetteren,  à 
Termonde  et  a  Anvers,  se  clarifie  vers  l'aval  ;  ses  eaux  sont  déjà  moins 
sales  à  Bath ,  et  presque  limpides  à  Terncuzen  ;  si  elles  redeviennent 
troubles  à  Flessingue,  ce  n'ost  pas,  en  tout  cas,  par  l'apport  de  vases 
fluviatiles  !.  Donc,  étant  donné  la  présence  du  gain  de  flot,  et  l'apport  des 
fleuves  étant  insignifiant,  c'est  bien  de  la  Manche  que  viennent  les  allu- 
vions delà  mer  flamande. D'ailleurs, la  nalurede  cesélémentsvarieà  mesure 
qu'on  va  du  Pas-de-Calais  vers  le  Nord-Est.  Ce  sont  d'abord  des  galets, 
semblables  à  ceux  qui  encombrent  les  ports  français  de  Normandie.  A  la 
hauteur  de  Dunkerque,  les  galets  se  font  tout  petits  :  c'est  plutôt  du  gravier; 
et  ce  gravier  n'est  plus  que  du  gros  sable  au  large  de  Nieuport  ;  c'est  du 
sable  fin  qu'on  trouve  à  Ostende,  et  vers  Wenduyne  déjà  du  sable  vasard 3. 
En  dépit  de  la  violence  des  courants,  il  se  forme  même  des  vases,  qui  se 
déposent  dans  les  criques  sous-marines  fermées,  comme  le  fond  de  la 
petite  rade  d'Ostende,  ou  l'ancienne  anse  du  Zwin  ;  elles  s'accroissent 
avec  une  grande  rapidité;  ce  qui  restait  du  Zwin  après  l'endiguement 
de  1872  était  comblé  20  ans  plus  tard,  et  on  pouvait  le  franchir  à  marée 
basse  *.  Ces  vases,  produit  de  la  désagrégation  des  côtes  calcaires,  de  la 
dissolution  des  coquilles,  de  l'attaque  par  les  courants  do  couches  argi- 
leuses affleurant  sous  les  eaux,  contiennent  parfois  jusqu'à  28  u/0 
carbonate  de  chaux,  d'où  leur  fertilité  quand  elles  sont  émergées  ;  leur 
couleur  est  grise  au-dessus,  noirâtre  au-dessous,  par  l'oxydation  que 
produit  l'oxygène  de  l'eau  de  mer  5.  C'est  cette  vase  qui  devient  l'argile 
des  polders,  celle  qui  forme  la  plus  grande  partie  du  sol  de  la  plaine 
maritime. 


1  Jonglez  de  Ligne,  La  Kado  de  DuDkerque.  (LxU'ait  de  la  Revu©  mariUrne  et  colo- 
niale, 18*54  ;  Paris,  Challamcl,  180-i,  br.  in-*,  20  p.,  1  carte),  p.  12. 

*  Van  Mierlo,  Carte  lithologique,  p.  225. 
3  Ibid.,  pp.  227-228. 

*  Ibid.,  pp.  223-224. 
»  Gilsoii,  pp.  36-£ft. 


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128 


RÉGIMK  DE  LA  MER  FLAMANDE 


Formation  des  bancs. 

C'est  avec  ces  matériaux  amenés  do  l'Ouest  que  les  marées  ont  édifié  les 
bancs  de  Flandre.  Resserré  dans  le  couloir  du  Pas-de-Calais,  le  courant 
y  balaie  avec  force  les  matériaux  ;  mais  lorsque  la  passe  s'élargit,  et  que 
l'onde  marée  de  la  mer  du  Nord  viont  contrarier  la  marche  du  flot  sorti 
de  la  Manche,  le  courant  diverge,  sa  violence  diminue,  et  il  dépose  les 
matériaux  qu'il  tenait  en  suspension.  Ce  dépôt  est  particulièrement  abon- 
dant à  la  hauteur  de  Dunkerque,  où  les  courants  pourtant  conservent 
assez  de  force  pour  labourer  les  alluvions  qu'ils  apportent  et  y  tracer  de 
profonds  sillons.  A  mesure  qu'on  s'avance  vers  l'Est,  ce  système  de  bancs 
est  moins  serré,  moins  varié  ;  ils  deviennent  plus  larges,  et  moins  nom- 
breux, les  dépôts  sont  plus  lins,  plus  également  répartis.  Il  en  est  de 
même  sur  la  côte  anglaise  où  les  bancs  présentent  presque  tous  des  formes 
aplaties,  dues  probablement  à  la  rencontre  des  deux  marées  du  Nord  et 
du  Sud  ». 

Les  bancs  de  la  mer  flamande  ne  commencent  donc  qu'à  l'endroit  mi  la 
force  du  courant,  qui  atteint  2m,ih  par  seconde  dans  les  marées  moyennes 
de  vive  eau,  commence  à  s'apaiser.  l)u  (iris-Nez  à  Calais,  le  banc  à  la 
Ligne  et  les  Ridens,  abrités  derrière  le  promontoire  crayeux,  n'ont  pas 
grande  importance.  Au  contraire,  à  la  hauteur  de  (Jravelines,  les  longues 
arêtes  de  sable  apparaissent  simultanément  dans  toute  l'étendue  de  la 
mer;  c'est  un  véritable  éventail,  qui  diverge  dans  tous  les  sens.  Ce  sont 
d'abord  les  (Joodwin-Sands  anglais,  à  forme  aplatie,  dont  le  sommet  appa- 
raît à  marée  basse  ;  puis  le  South  Falls,  très  long  et  étroit,  à  talus  raidos, 
où  on  ne  sonde  guère  moins  de  7  à  8  mètres  d'eau  *.  L'on  tombe  ensuite 
à  40  mètres,  entre  le  Falls  et  le  Sandettie,  orienté  vers  le  N.-E.,  et  où 
l'on  touche  le  fond  sur  un  petit  plateau  a  5m,20  et  ÏVV-IO.  Troisième  fosse 
de  27  à  36  mètres  et  banc  du  Ruytingen,  avec 5  à  8  mètres  d'eau  en 
moyenne,  sauf  quelques  parties  élevées  où  l'on  ne  sonde  plus  guère  que 
3  mètres;  heureusement  ce  banc  est  traversé  par  plusieurs  dépressions 
de  15  à  30  mètres,  précieuses  aux  navires  du  Nord  qui  gagnent  la  côte  de 
Gra  vélines.  Nouvelle  fosse,  et  série  des  bancs  du  Dyck  (occidental, 
oriental),  et  Cliff  d'Islande,  hauts-fonds  dangereux  à  cause  de  leur  peu  de 
profondeur  (8  à  1  mètres)  et  de  la  raideur  des  talus,  sur  lesquels  se  brisent 


<  Plocq,  Gourants,  p.  133. 

*  Tous  «  es  chiflres  «le  profondeur  sont  donnés  pour  marée  basse. 


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LA  FORMATION  1>KS  BANCS  13» 

violemment  les  flots  poussés  parles  vents  du  N.-W..  l>e  Binnen  et  le 
Buiten-Ralel  succèdent  aux  Dyck  ;  puis  vient  le  Breedt,  très  large  devant 
Dunkerque,  avec  des  l'omis  de  1  mètre.  Le  Smal-Bank,  situé  derrière, 
n'est  guère  plus  profond  :  à  marée  basse  il  n'a  que  do  l  à  7  mètres 
d'eau.  Enfin  vient  la  longue  ligne  des  bancs  qui  bordent  la  côte,  Snouw, 
Braeek,  Hills,  ïraepegeer.  dont  certaines  parties  affleurent  ù  marée 
basse,  particulièrement  le  Braeek  devant  Dunkerque;  ils  se  relient  par 
des  fonds  insignifiants  de  6  h  7  mètres,  dont  l'un  constitue  la  passe  de 


jmtM 


Krhelle  do  longueur»  1  :  glO.OM).  Echelle  «1rs  hauteur-  t  :  1.WH). 


Vu;.  3S.  —  Profil  du  fond  do  la  mer  flamande  entre  North-Foreland  et  Dunkerque. 

Zuvdcootc,  une  des  issues  de  la  rade  de  Dunkerque.  Du  Dyck  à  la  dernière 
ligne,  les  bancs  continuent  a  être  séparés  par  des  fosses  profondes,  inter- 
rompues ça  et  là  par  des  apophyses  projetées  d'un  banc  ;\  l'autre  :  entre 
le  Dyck  occidental  et  le  Binnen-Hatel,  un  plateau  de  G  à  9  mètres;  du 
Ratel  au  Breedt,  un  haut-fond  de  0  à  7  mètres;  du  Breedt  au  Smalbank, 
du  Smalbank  au  Hills,  d'autres  plateaux  do  i  à  5  mètres.  Enfin  le  Traepe- 
geerva  se  relier  à  la  rôle  à  l'Ouest  de  Nieuport,  par  5  mètres  de  fond 
environ. 

C'est  donc  une  série  de  9  rangées  de  bancs  et  de  fosses  qui  se  développe 
en  éventail  de  Dunkerque  à  la  côte  anglaise  ;  la  mer  flamande  à  cet 
endroit  ressemble  à  un  champ  labouré,  aux  gigantesques  sillons.  C'est 
surtout  le  long  de  la  côte  française,  où  l'action  de  la  marée  venant  de  la 
Manche  est  seule  à  se  faire  sentir,  que  le  spectacle  est  curieux  :  b'  ligues 
de  bancs  y  sont  pressées  les  unes  contre  les  autres,  comme  des  murs 
séparés  par  des  ruelles,  le  tout  sur  une  largeur  d'environ  20  kilomètres. 
Car  ces  bancs  sont  généralement  très  accores,  surtout  du  côté  de  la  côte. 
Cette  particularité  s'explique  :  à  la  fin  du  jusant  et  au  début  du  flot,  le 
courant  porte  au  S.-E.,  vers  la  côte,  et  tend  à  transporter  les  particules 
sableuses  dans  cette  direction,  par  dessus  les  bancs;  aussi  ceux-ci 


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RKdIMK  I)K  LA  MKR  FLAMANDE 


prouncnt-ils  une  pente  douce  du  côté  du  Nord,  d'où  leur  viennent  des 
dépôts,  et  restent  BCCOres  vers  le  Sud  1 .  Le  Sandettie,  le  Ruytingen,  le 
Dyck,  le  Braeck,  présentent  cet  aspect.  Puis  le  flot  tourne  vers  l'Est, 
creusant  les  fosses  entre  les  bancs,  sans  déranger  l'équilibre  établi  entre 
les  deux  flancs  de  chaque  crête. 

Les  bancs  allongés  devant  Dunkcrque  sont  proprement  les  bancs  de 
Flandre  ;  et  les  plateaux  que  l'on  trouve  encore  au  large  de  la  cote  belge 
ont  déjà  un  autre  aspect.  Le  courant  est  moins  fort  :  ils  sont  plus  larges, 
moins  élevés,  moins  réguliers.  l,e  Fairv  Bank,  avec  7m,30  d'eau  sur  sa 
partie  la  plus  haute,  prolonge  le  Sandettie  ;  le  West-Hinder,  l'Oost-Hinder 
et  le  Noord-Hinder  ont  des  fonds  de  7  à  5  mètres,  mais  des  passes  de  20  à 
35  mètres  les  séparent,  et  rendent  possible  la  navigation.  I,a  plus  faible 
profondeur  sur  le  Bligh  est  do  9  mètres  ;  sur  le  Thornton,  10  mètres,  sauf 
un  petit  plateau  avec  4  mètres.  Fnlin  le  Kwintebank,  avec  5  à  7  mètres 
de  fond,  prolonge  le  Smal-Bank  ;  les  bancs  de  Nieuport,  do  Middelkerke, 
d'Ostendeet  de  Wenduyne,  avec  des  profondeurs  variant  de  i  a  8  mètres, 
s'alignent  parallèlement  à  la  cote  d'Ostende  ;  plus  près  encore,  le  Slrooin- 
bank  vient  se  souder  à  la  plage  à  l'Ouest  de  Wenduyne,  Knlre  ces  derniers 
bancs  les  passes  sont  moins  profondes,  et  ne  dépassent  guère  15  mètres  ; 
parfois  elles  se  réduisent  à  0.  A  l'Est  de  Wenduyne,  les  bancs 
disparaissent,  remplacés  par  un  grand  plateau  sableux,  net  Zand,  qui 
descend  lentement  vers  les  l'omis  du  large,  et  n'a  guère  que  (i  mètres  de 
profondeur  devant  Blankenberghe.  Mais  lorsqu'on  arrive  à  la  hauteur  de 
Heyst,  de  nouveaux  bancs  et  de  nouvelles  fosses  apparaissent.  Cette  fois 
l'orientation  n'est  plus  la  môme  :  le  manche  de  l'éventail  est  engagé  dans 
l'Escaut  occidental.  C'est  au  jeu  des  courants  entrant  dans  l'estuaire  et  en 
sortant  qu'est  dû  ce  nouveau  groupe  :  le  Paardemarkt,  qui  n'a  guère  plus 
de  2  mètres  d'eau  à  marée  basse,  et  que  la  fosse  de  l'Appelzak,  profonde 
de  7  h  9  mètres,  sépare  de  la  côte; les  bancs  de  Hoysl,  Knocke,  et  du 
Hompel,  dont  le  point  le  plus  élevé  est  à  3  mètres  sous  marée  basse,  et 
que  longe  au  Sud  la  belle  passe  de  Wieliugen,  dont  les  profondeurs 
varient  de  9  à  23  mètres:  c'est  la  véritable  entrée  du  fleuve.  Puis  se 
succèdent  vers  le  Nord  la  passe  du  Spleet,  qui  n'atteint  parfois  que  5"',50, 
le  grand  plateau  du  Haan,  la  mauvaise  passe  du  Deurloo,  les  bancs  du 
Rassen  et  de  Caloo,  la  rainure  de  l'Oostgat.  Enlin  au  large  quelques 


«  CA.  Van  Miorlo,  Carte  lithologique,  p.  228.  —  Cet  elTct  n'est  pas  modiûé  par  le 
courant  de  jusant,  qui  à  son  début  porte  pourtant  vers  le  large  ;  car  le  jusant  à  sou  début 
n'a  pas  autant  de  force  que  le  flot,  la  masse  d'eau  qui  porte  de  la  eùte  vers  les  bancs  étant 
beaucoup  moins  considérable  que  celle  qui  porte  du  large  vers  les  bancs  et  la  cote. 


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L\  FORMATION  DKS  BANCS 


131 


médiocres  plateaux  continuent  en  face  des  côtes  de  Zélande  l'alignement 
des  bancs  de  Flandre. 

L'édilication  d'une  pareille  rangée  d'arêtes  et  de  plateaux  sableux  ai 
milieu  de  la  mer  flamande  est  une  œuvre  considérable,  dont  l'ampleur 
s'accorde  mal  avec  ce  que  nous  savons  de  la  puissance  actuelle  du  gain  de 
flot,  qui  paraît  être  assez  peu  importante.  D'ailleurs,  les  bancs  ont  peu 
changé  depuis  qu'on  a  pu  en  relever  exactement  l'emplacement  et  la 
hauteur.  En  1776,  l'abbé  Mann  rapporte  qu'au  dire  de  tous  les  marins,  et 
contrairement  à  ce  qu'il  pensait  lui-même,  les  orages  et  tempêtes,  si 
violents  qu'ils  soient,  ne  font  aucun  effet  sensible  sur  les  bancs,  et  qu'on 
ne  remarque  aucun  changement  sensible  ni  dans  leur  forme,  ni  dans  la 
profondeur  d'eau  qui  les  couvre  '.On  comprend  l'étonnement  de  l'abbé 
Mann,  car  l'aspect  jaunâtre  de  la  mer,  toujours  chargée  de  particules 
sableuses,  la  présence  de  ces  rangées  de  bancs,  d'origine  évidemment 
alluvionnaire,  l'envasement  des  ports  dans  les  parties  non  soumises  aux 
chasses,  font  croire  volontiers  à  des  transports  considérables  de  maté- 
riaux. Le  transport  existe,  mais  les  transformations  sont  rares  et  lentes. 
I^es  cartes  dressées  en  1801  par  lîeautemps-Heaupré.  celles  que  construi- 
sit en  1866  le  lieutenant  de  vaisseau  Stessels,  celles  de  M.  Petit  en  1882, 
pas  plus  que  les  cartes  néerlandaises  établies  tous  les  dix  ans  depuis  18*^5, 
ou  celle  de  M.  Van  Mierlo  (1897),  n'accusent  de  changements  importants  !. 
L'étude  détaillée  des  côtes  montrera  que  les  transformations  sont  insigni- 
fiantes, sauf  sur  3  ou  1  points  déterminés  ;  si  les  grands  fonds 
s'exhaussent,  très  lentement  d'ailleurs,  les  fosses  de  moyenne  importance 
paraissent  garder  leurs  profondeurs  '. 

Il  faudrait  donc  en  conclure  que  l'apport  des  alluvions  de  la  Manche  est 
relativement  peu  considérable,  et  que  les  sables  et  vases  dont  les  eaux  delà 
mer  du  Nord  sont  si  souvent  chargées  ne  proviennent  que  d'échanges  faits 
entre  les  bancs  et  les  plages,  échanges  opérés  si  équilablementque  chacun 


'  Kxcepté  pour  les  bancs  du  Traepeg.-er  ol.  du  Stroombank,  qui  se  rapprochent  de 
la  côte.  —  Abbé  Mann.  Mémoire  sur  l'histoire  naturelle  de  la  mer  du  Nord  et  sur  la 
pèche  qui  s'y  fait.  |_Anc.  Mëm.  Ac.  Brux.,  t.  11,  (17»»).  pp.  1  .">!>- 221  (lu  en  l'Tti,  publié 
en  17*0).  (X  pp.  191-192J. 

*  Des  échantillons  de  la  plupart  de  ces  carte-»  se  trouvent  dans  l'Atlas  annexé  au 
livre  de  M.  de  Mey.  Torts  en  plage  .le  sable. 

•''  Ce  phénomène  n"est  pas  particulier  à  la  mer  du  Nord.  «  Il  résulte  de  la  compa- 
raison des  cartes  marines  levées  à  différentes  époques  depuis  HMI  que  la  masse  des 
alluvions  de  la  baie  de  la  Merscy  n'a  pas  sensiblement  augmenté  ;  on  y  constate  certaines 
fluctuations  dans  la  configuration  des  bancs  et  dans  la  direction  des  chenaux,  mais  la 
baie,  considérée  dans  son  ensemble,  n'a  pas  subi  de  grandes  modifications  ».  il>  Mcy, 
Torts  en  plage,  p.  ITôi. 


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KK'UMK  DK  LA  MKK  FLAMANDE 


finit  par  retrouver  son  capital  à  j»eu  près  intact,  (iela  n'a  rien  de  surprenant 
d'ailleurs,  puisque  ce  qu'apporte  le  flot,  le  jusant  le  remporte.  Il  faut  bien 
croire  pourtant,  d'après  la  forme  allongée  dos  bancs,  d'après  leur  orien- 
tation par  rapport  aux  courants,  qu'ils  sont  dus  aux  transports  de  maté- 
riaux amenés  do  la  Manche  par  le  gain  de  flot  ;  mais  il  faut  ajouter,  ou 
que  <•  ces  dépôts  ne  peuvent  être  que  le  résultat  d'ellbrts  millénaires  »  », 
ou  que  les  conditions  actuelles  n'ont  pas  toujours  existé.  I,es  deux  hypo- 
thèses sont  probablement  exactes.  I,a  première  ébauche  des  bancs  date  de 
l'ère  quaternaire  (époque  flandrienne);  cela  donne  plusieurs  milliers 
d'années  avant  notre  ère.  Mais  les  courants  avaient  à  coup  sûr  plus  de 
violence  qu'aujourd'hui.  Lorsque  la  mer  y  pénétra,  le  Pas-de-Calais  était 
plus  resserré  qu'à  l'heure  actuelle  ;  l'histoire  en  a  constaté  l'élargissement, 
dû  au  recul  des  falaises  du  (Iris-Nez.  du  Blanc-Nez  et  de  Douvres:  il 
continue  à  s'élargir.  Dans  ce  bras  plus  étroit,  les  courants  étaient  plus 
rapides,  le  gain  «le  Ilot  devait  donner  des  résultats  plus  appréciables.  ls>s 
vagues  qui  amenaient  de  la  Manche  dos  quantités  plus  considérables 
d'alluvions,  érodaienl  aussi  avec  plus  de  vigueur  le  fond  de  la  mer  du 
Nord,  accumulant  en  longues  tiles  les  galets  et  leurs  débris,  graviers  et 
sables,  les  dépôts  quaternaires  recouverts  par  l'invasion  flandrienne,  et 
jusqu'au  soubassement  tertiaire  ;  les  blocs  de  grès  paniseliens  y  ont  été 
trouvés  en  grand  nombre  î.  Kt  l'on  se  rapproche  ainsi  do  la  théorie  de 
M.  Van  Mierlo,  qui  veut  que  les  bancs  de  Flandre  soient  dus  à  la  violence 
du  flot  de  marée  de  la  Manche,  franchissant  brutalement  le  détroit  et 
ravinant  sur  son  passage  le  fond  de  la  mer  du  Nord. 

Kn  revanche,  si  les  dépôts  alluviaux  sont,  faibles  dans  les  parties  de  la 
mer  flamande  exposées  aux  courants,  ils  sont  considérables  dans  les 
anses,  les  bassins,  les  parties  abritées.  On  a  cité  l'exemple  du  Zwin,  qui 
s'est  comblé  si  rapidement  dès  qu'il  eut  été  fermé  en  arrière.  Dans  ' 
l'estuaire  de  l'Kseaut,  le  Braakman  semble  destiné  à  disparaître  d'ici  un 
siècle;  le  lit  de  l'Kseaut  oriental,  coupé  par  un  barrage  en  1867,  est  en 
grande  partie  endigué  aujourd'hui,  et  cultivé.  Dans  les  ports,  les  anciens 
bassins  de  chasse  étaient  vite  envasés,  et  à  Dunkerque  le  bassin  Becquet, 
creusé  en  1827  et  supprimé  en  1S8^,  s'était  rempli  dans  ces  55  années 
d'une  épaisseur  do  1  à  -d  mètres  d'argile  et  de  sable  :|.  Aussi  les  anfractuo- 
sités  ne  peuvent-elles  subsister  sur  une  côte  semblable,  et  la  crique 


i  Do  Mt;y.  forts  en  plage,  p.  ÎK). 
*  «.iilsoii,  pp.  3C-."<*. 

3  Gos-elct  <J Géographie  physique,  p.  J3. 


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LA  FORMATION  DKS  HANCS 


ouverte  aux  XVIIe  ot  XVIIIe  siècles  à  l'Kst  d'Oslende  ne  larda  pas  a 
être  comblée. 

Tel  est,  dans  ses  grands  traits,  le  régime  de  la  mer  flamande.  De 
puissants  courants  de  marée,  issus  de  l'onde  de  la  Manche,  la  parcourent 
chaque  jour  de  l'Ouest  à  l'Kst  et  do  l'Kst  à  l'Ouest  :  cependant  le  premier 
est  le  plus  fort,  et  amène  peu  à  peu  vers  l'Kst  les  matériaux  arrachés  aux 
côtes  normandes  et  picardes.  Ainsi  se  sont  déposées  dans  la  mer  flamande, 
en  grandes  masses  autrefois,  en  petites  quantités  aujourd'hui,  lesalluvions 
que  labourent  chaque  jour  le  flot  et  le  jusant,  et  qu'ils  ont  alignées  en 
bancs  longs  et  étroits,  séparés  par  des  fosses  profondes.  Malgré  la 
violence  des  courants,  et  en  dépit  de  son  aspect  souillé,  la  mer  modifie  à 
peine  ces  bancs  et  ces  passes  ;  le  rythme  est  si  bien  établi  que  ces  énormes 
mouvements  d'alluvions,  qui  jaunissent  les  eaux,  se  bornent  à  des 
échanges  et  à  des  restitutions.  Les  courants  de  marée  qui  comblent  les 
anses  et  font  disparaître  les  golfes  nettoient  les  chenaux  et  entretiennent 
les  passes,  et  cette  mer  qui  parait  si  peu  hospitalière  a  au  inoins  le  mérite 
de  rester  semblable  a  elle-même  ;  elle  ratisse  les  dépressions  par  lesquelles 
se  glissent  les  bateaux,  et  va  porter  ce  qu'elle  a  enlevé  au  fond  des  golfes 
où  elle  prépare  do  nouveaux  polders. 

C'est  dans  ces  conditions  que  s'est  formée  la  plaiue  maritime. 


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131 


FORMATION  DE  LA  PLAINE  MARITIME 


CHAPITRE  VIII 
FORMATION  DE  LA  PLAINE  MARITIME ' 


1.  I.«  Heine  m-nnt  l'inniiflftion  ,/u  V  siè,  h\  Hypothèses  sur  l'origine  de  la  Plaine. 
Structure  du  sol.  Date  de  l'inondation.  Nature  de  l'invasion  marine.  — 11.  Assccfie- 
htcitt  tir  f/i  Iltiinr  :  Y'-XIl  sirctr.s.  Les  premières  localités  :  VII' -X'  siècles.  Estuaires, 
diluer-  et  dunes.  Disparition  des  estuaires.  —  III.  Vi'rissifiu/rs  d>-  In  t'htmln- 
zch'inhiisr.  Prospérité  des  endiguements  ;uix  XI IL  cl  Xl\v  siècles.  Inondations  et 
réendiguemeiits  :  XIV -XIX' siècles  ;  rôle  des  événements  historiques.  —  IV.  I.<- 
ZirÂn. 

I. 

LA  PLAINE  AVANT  L'INONDATION  PL  V«  SIECLE. 

Hypothèses  sur  l'origine  de  la  Plaine. 

On  ne  s'est  jamais  trompé  sur  l'origine  marine  du  sol  <!<•  la  plaine 
maritime.  La  proximité  de  la  mer.  l'horizontalité  de  la  plaine,  la  faible 
altitude  du  sol,  et  surtout  la  présence  dos  coquilles  marines,  semblables  à 
celles  que  rejette  la  mer  du  Nord  sur  ses  plages,  avaient  éclairé  les 


I  Principaux  travaux:  Gossdet  0 .).  La  plaine  maritime  du  Nord  delà  France  et 
de  la  Belgique.  (Ann.Géog.,  |«tt-<«,  pp.  mVMk,  1  carte  à  I .."^ ).( M N >>  :  —  Géographie 
physique  du  Nord  de  la  France  et  de  la  Belgique.  (La  plaine  maritime),  pp.  1 12  ;  — 
Belpaire  :  Do  la  plaine  maritime  depuis  Boulogne  jusqu'au  Danemark  :  1"  partie. 
Mémoire  sur  la  plaine  maritime  depuis  Anvers  jusqu'à  Boulogne,  par  Antoine  Belpaire. 
I  '»3  p.  ;  2"  j>artie.  Etude  sur  la  plaine  maritime  depuis  Boulogne  jusqu'au  Danemark. 
parAlphonsH  Belpaire.  'J 12  f-  21» p.  (Anvers,  Kornicker,  1HV»,  in-8"):—  Dehray  (A.),  Etude 
géologique  et  archéologique  de  ipielques  tourhières  du  littoral  tlainand  et  du  dépar- 
tement de  la  Somme  (Mém.  Soc.  Se.  Lille,  aune.'  I8~.'V)  :  Pans.  Dumoulin.  ÎST.'Î  ;  — 
Bigaux  (H.).  Etude  sur  la  topographie  de  l'arrondissement  de  Dunkerque  antérieu- 
rement au  XII'  siècle  :  golfes  rie  Sangattc  et  de  l'Yser  (Hull.  Gom.  11.  Fr.,  VI,  lHT.'i, 
n'4  T»  et  fi)  :  —  Rutot  (A.)  :  les  opinions  définitives  de  M.  Butot  sont  exprimées  dans: 
Esquisse  d'une  comparaison  des  couches  pliocènes  et  quaternaires  de  la  Belgique  avec 
celles  du  Sud-Est  de  l'Angleterre  i  Hull.  Soc.  belge  Géol..  XVII.  iMN.  Mém.  pp.  :»7- 
1(11);  —  Sur  les  antiquités  dé-couvertes  dans  la  partie  belge  de  la  plaine  maritime, 
et  notamment  sur  celles  recueillies  à  l'occasion  du  creusement  du  nouveau  canal  de 
Bruges  à  la  mer  (Mém.  Soc.  Anthr.  Brux.,  XXL  1!H»3);  —  .lonekheere  (  Ed.),  L'origine 
de  la  cète  de  Flandre  et  le  Bateau  de  Bruges  (Bruges,  de  Haene-Bodart,  l'.Hfl,  1  vol. 
in-8"  texte,  120  p.,  1  vol.  pl..  4 cartes). 


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LES  HYPOTHKSKS  StR  1/ORIGINK  DK  LA  PLA1XK 


habitants.  Les  inondations  marines,  l'infiltration  des  eaux  saumàtres 
dans  le  sous-sol,  la  ressemblance  de  la  terre  poldérienne  avec  le  sol  des 
schorres  abandonnés  récemment  par  les  marées,  étaient  d'autres  signes 
infaillibles.  Les  quelques  mètres  d'alluvions  qui  surmontent  la  tourbe  du 
sous-sol  étaient  bien  un  dépôt  marin.  «  Les  gens  du  pays,  écrit  l'inten- 
dant Des  Madrys,  croient  que  la  tourbe  a  été  submergée  lors  du  déluge, 
et  que  la  mer  a  couvert,  encore  iongtemps  depuis,  la  surface  de  tous  ces 
terrains  bas  :  ce  qui  se  vérifie  par  A  ou  i  pieds  de  sable  de  mer  mêlés  de 
coquillages  que  Ton  trouve  au-dessus  de  celte  tourbe....  »  '.  C'est  encore 
aujourd'hui  l'avis  des  paysans  du  Furnambacht  que  leur  pays  est  le 
résultat  du  déluge. 

Du  déluge  biblique,  l'érudition  passa,  sur  la  foi  d'un  texte  bien  vague, 
au  déluge  cimbrique  *,  et  s'en  tint  là.  «  Il  faut,  dit  Bu  (Ton,  que  dans  les 
siècles  reculés,  lorsque  la  Flandre  n'était  qu'une  vaste  forêt,  une  inon- 
dation subite  de  la  mer  ait  submergé  tout  le  pays         Cette  inondation 

doit  avoir  été  bien  longtemps  avant  la  conquête  que  fit  Jules  César, 
puisque  les  écrits  des  Romains,  depuis  cette  époque,  n'en  ont  pas  fait 
mention  »  3.  L'argument  paraissait  sans  réplique  :  puisqu'aucun  historien 
n'avait  parié  d'une  inondation  aussi  considérable,  l'événement  devait  se 
perdre  dans  la  nuit  des  temps.  D'ailleurs  on  n'avait  jamais  vu  se  produire 
de  catastrophe  géologique  un  peu  importante  ;  tous  les  accidents  de  ce 
genre  devaient  doue  avoir  une  formidable  antiquité. 

C'est  l'archéologie  qui  permit  de  reconnaître  ces  erreurs  et  de  préciser 
la  date  à  laquelle  s'était  produite  la  dernière  invasion  marine.  Aux  XV II* 
et  XVIIIe  siècles,  on  commençait  à  collectionner  les  découvertes  faites 
dans  les  Pays-Bas4  ;  au  commencement  du  XIX''  siècle,  le  chanoine  de  Bast 
rassemblait  en  un  très  beau  travail  ces  notions  éparses  3.  I,es  recherches 
ont  continué  au  XIXe  siècle,  et  l'on  peut  aujourd'hui  drosser  de  la  plaine 
maritime  une  carte  archéologique  où  les  points  d'observations  sont  assez 
nombreux  pour  permettre  d'en  tirer  des  conclusions  valables.  Ceux  des 
objets  trouvés  qui  se  rapportent  à  l'époque  romaine  ou  aux  Ages  anté- 


'  Mémoire  de  Dos  Madrys,  intendant  de  la  Flandre  maritime.  {HHK).  dans  Bull. 
Comm.  H.  N.,  XL  pp. 

*  Kloms.  Rer.  Rom.  Kpit.,  lilt.  III.,  eap.  III. 

1  Huflbn,  (Kuvres  complètes,  éd.  Delanglc,  II.  p.  :C'S. 

*  Cf:  Ac^idii  Bucherii  Belgium  Romanuni  {L-odii.  IliV»,  gr.  m  i  ,lib.  VI. eap. IX.— 
Heylen,  I)e  antiquis  Romaiioruni  moniimentis  in  Austriaco  Itelgu»  superstitibus  (Ane. 
Mém.  Ac.  Brux.,  VI,  1783).  pp.  lOVl'lO. 

5  de  BastfJ.  M.),  Recueil  d'antiquités  romaines  ot  gauloises  trouvées  dans  la  Flandre 
proprement  dite.  (Gand,  188-1813.  2  vol.  in  'r  . 


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FORMATION  DE  LA  PLAINE  MARITIME 


rieurs  son!  de  diverses  sortes  :  silex  polis  do  provenance  néolithique,  vases 
grossiers  attribués  aux  Gaulois  (Morins  et  Ménapiens)  ;  surtout  des 
poteries  samiennes  de  l'époque  romaine,  pots,  plats  de  terre,  urnes,  vases 


Fio.  13».  —  Découvertes  d'objets  romains  et  pré-romains  dans  la  plaine 


chargés  ou  non  de  bas-reliefs,  briques  ;  des  objets  de  métal,  fibules,  fers 
de  lance.  Enfin  ou  a  trouvé  des  monnaies,  qui  aulhentiquont  el  datent  le 
reste:  une  monnaie  gauloise  à  la  Panne,  attribuée  aux  Ambiani  ;  des 
médailles  et  monnaies  romaines  à  Calais,  Sangaltc,  Marck,  llames- 
Iloucres,  Bois-en-Ardros,  Ardrcs,  Salperwick,  Drinebam,  Killem,  la 
Panne,  St-Georges-le/.-Niouport,  Damme,  enfin  Domburg,  dans  l'île  de 
Walehoren 


1  Les  découvertes  archéologiques  sont  indiquées  dans  les  travaux  suivants:  de 
Hast,  Recueil,  I,  pp.  2UJ.R1:  -  Kelpaire  (Alph.),  Étude,  p.  :«)  ;  —  Fouilles  de 
Reaumarais  et  de  Marck  dans  le  canton  de  Calais  (Mém.  Sue.  An  t.  Mor.,  IX.  ^  |>artie. 
pp.  :«1-:îTvÏi  ;  —de  Coussemaker,  in  Rull.  Conmi.  H.  N„  IX,  pp.  i'H^ii;  —  Rivaux. 
Topographie,  pp.  2i.'t-21."i  :  —  Debray,  Tourbières,  passim  :  —  Hull.  Se.  Ilist.  Litt. 
Nord,  Y,  p.  18.1;  —  (lousiu.  I  n  itinéraire  au  X"  siècle.  Mém.  Soe.  Dunk.,  XVI  : 

appendice  G  :  —  Macquet  i  I..  >.  Histoire  de  la  ville  de  Danime  (Rrugcs,  1H.V>),  p.  R>. 
note  1  ;  —  Smallegange,  Nieuwe  Cronyk  van  Zeeland  (Middelburg.  Meertens, 
p.  K7>  ;  —  de  \/>ï>  (Raron  A.),  I.a  station  préhistorique,  helgo-romaine  et  franque  de  la 
Panne  (Mém.  Soe.  Antlir.  Unix..  XX,  l!t>*Ji  :  —  Rutot  (A.),  Sur  les  antiquités  décou- 
vertes dans  la  partie  belge  de  la  plaine  maritime  (Mém.  Soc.  Anthr.  Rrux..  XXI, 
RIO,*);  —  enfin  dans  les  papiers  inédits  de  M.  Debray,  à  la  Ribliotheque  communale 

de  Lille 


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LES  HYPOTHÈSES  SUR  L'ORIGINE  DE  LA  PLAINE 


137 


Or,  tous  ces  objets  ont  été  trouvés,  non  pas  sur  le  sol  ou  dans  les 
couches  supérieures,  d'origine  marine,  mais  dans  la  tourbe  qu'elles 
surmontent  do  quelques  mètres,  (l'est  en  creusant  le  sol,  et  on  extrayant 
la  tourbe  pour  le  chauffage  de  leurs  maisons,  que  les  paysans  de  la  Plaine 
ont  découvert  ces  antiquités  ;  c'est  ce  qui  explique  que  depuis  50  ans  on 
n'en  trouve  plus  guère,  sauf  dans  les  terrassements  exécutés  pour  de  grands 
travaux,  l'exploitation  de  la  tourbe  ayant  cessé.  Les  objets,  dont  certains 
sont  lourds  et  les  autres  légers,  ne  sont  pourtant  pas  entourés  dans  la 
tourbe,  on  ne  les  trouve  que  dans  les  0m,5°  de  la  partie  supérieure.  Ils 
ont  donc  été  jetés  a  la  surface  de  l'ancien  sol  tourbeux,  ou  enfouis  a  une 
faible  profondeur. 

La  conclusion  [à  tirer  de  leur  présence  en  cet  endroit  c'est  que  la 
surface  de  la  tourbe  représente  le  sol  que  foulaient  les  hommes  à 
l'époque  romaine  et  aux  époques  précédentes,  et  que  les  2  ou  À  mètres 
de  sables  et  d'argiles  qui  surmontent  la  tourbe  ont  été  apportés  par  une 
inondation  marine  postérieure  à  la  présence  de  la  civilisation  romaine. 
Le  sol  de  la  plaine  maritime,  ce  dépôt  dont  l'origine  marine  n'a  jamais 
été  discutée,  serait  le  produit  d'une  invasion  de  la  mer  sur  le  sol  flamand, 
survenant  non  dans  les  lointaines  époques  géologiques,  mais  tout  près  de 
nous,  dans  les  premiers  siècles  de  notre  ère. 

Cette  théorie  semblait  si  extraordinaire  que  l'intelligent  érudit  Vredius, 
au  XV  IF  siècle,  n'osait  pas  l'admettre  tout  entière,  etconvenaitseulemenl 
que  les  Morins  et  les  Ménapiens  avaient  vécu  sur  le  sol  tourbeux  1 .  De 
Hast,  dont  les  travaux  ont  fait  faire  un  si  grand  pas  à  la  question,  n'ose 
pas  encore  être  tropaffirmalif.  C'est  à  Antoine  Uelpaire,  dans  son  mémoire 
de  1825,  que  revient  l'honneur  (l'avoir  très  fermement  déclaré  que  la  date 
de  l'invasion  marine  devait  être  lixée  au  plus  tôt  au  IIF  siècle*.  Depuis, 
l'on  a  apporté  à  cette  thèse  des  vérifications  de  toute  sorte.  (  )n  a  précisé  les 
limites  de  la  région  inondée,  les  caractères  marins  du  sol  et  de  la  faune  ; 
on  a  ajouté  aux  arguments  géologiques  de  nouvelles  preuves  archéolo- 
giques et  historiques.  Aujourd'hui  la  structure  de  la  plaine  est  connue,  et 
il  est  possible  d'en  esquisser  l'histoire. 


1  «  t  bi  nunc  apiam  illam  alcmlo  i^rni  materiam.  alta  humo  additam.  ni»ueana 
serutatur  industria.  Aussi-  (uni  teinporis  Morinorum  et  Menapioruni  soltiin  »  (Yrolius, 
Klandria  Ethnica,  p.  .TJ). 

!  «  Nous  i>cnsons  donc  que  c'est  pendant  la  domination  romaine  que  la  mer  est 
venue  pour  la  première  fois,  depuis  sa  retraite,  se  jeter  sur  ces  terres....  Ce  n'est  que 
pendant  la  dernière  moitié  du  111'  siècle  qu'elle  semble  avoir  atteint  cette  parue  du 
continent  qui  l'orme  maintenant  l'île  de  Wakheren  »  (p.  »w). 


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FORMATION  I)K  LA  PLA1NK  MARITIME 


Structure  du  sol. 

Les  dépôts  quaternaires  el  modernes,  propres  à  la  plaine  maritime, 
atteignent  une  épaisseur  de  20  a  40  mètres.  Ils  surmontent  les  couches 
tertiaires,  que  les  sondages  ont  rencontrées  dans  le  même  ordre,  et 
occupant  respectivement  les  mêmes  territoires  que  dans  l'intérieur  de  la 
Flandre.  Vers  l'Ouest,  c'est  l'argile  yprésienne.  que  la  sonde  atteint  à  la 
profondeur  de  23  mètres  sous  Bourbourg,  de  27n',r>0  sous  Fumes,  de 
2P..")0au  Petit  Crocodile  (Middelkerke),  de  2  îm,îK)  à  I^ffinghe.  de  33»,50 
à  Ostende.  Puis  vient  le  Panisclicn,  que  M.  Hutot  reconnaît  à  Blankcn- 
berghe  sur  une  épaisseurde  2'i  mètres,  surmonté  de  30  mètres  de  dépôts 
quaternaires  et  modernes.  Sous  la  Flandre  zélandaise  apparaissent  les 
derniers  étages  tertiaires;  le  Rupclien  sentit  atteint  à  I9"\50  sous 
Schoondijke,  à  22  mètres  sous  Watervliet,  à  18  mètres  sous  Terneuzen. 
A  Walsoorden,  il  faut  descendre  jusqu'à  29,n,5()  pour  trouver  le  Diestien. 
Fnfîn  à  Flessingue,  le  tertiaire  est  apparu  à  22  mètres  ;  à  (ioes,  à 
30  mètres  Les  résultats  de  ces  sondages  prouvent  que  l'épaisseur  des 
terrains  de  la  plaine  maritime  est  variable,  mais  qu'en  moyenne  elle 
atteint  à  peu  près  25  mètres;  ils  montrent  aussi  que  la  région  n'est  une 
plaine  eôlière,  au  sens  précis  du  mot,  que  par  rapport  aux  couches  quater- 
naires et  modernes,  puisque  les  terrains  tertiaires,  sous  la  plaine  comme 
dans  l'intérieur,  plongent  vers  le  Nord,  dans  une  direction  presque  per- 
pendiculaire à  celle  de  la  côte  actuelle  *. 

Au-dessus  de  ces  couches  tertiaires  s'élève  l'épais  dépôt  marin  des 
sables  pissarts,  que  l'on  s'accorde  a  considérer  comme  flandriens  (quater- 
naire supérieur).  A  Calais,  ils  ont  20  mètres,  à  (lravelines28,  à  Bourbourg 
23,  à  Duukerquc  une  trentaine  de  mètres  '.  A  Fumes,  ils  se  réduisent  à 
I8r"20;à  Ostende,  le  dépôt  retrouve  27  mètres  d'épaisseur,  a  Illankenbcrghe 
30  mètres  ;  à  Coolkerke  près  Bruges,  le  sondage  s'est  arrêté  après  en 
avoir  traversé  ÎT^SO.  A  Watervliet  ,  les  sables  flandriens  atteindraient 
18  mètres  ;  à  Schoondijke.  une  diz:tine  de  mètres  ;  à  Sluiskil,  plus  de  20 


1  four      .hilUvs  .!<•  <vs  soihlaircs.  voir:  Wrroustre,  Smidago  à  Mourlxtnrfî.  'Ami 
Sue.  p'-ol.  >.'..  \ "L  pp.  .'Vi -.'f» )  ;  —   Rntoi,  Note  sur  quelques  points  nouveaux  <!<•  la 
p;»ilop<>  ili's  Klamliv?».  pp.  '*.*'■>  '.\['.\ ;  —  Les  Onpiu-s  du  Ouatei  nain-  île  la  Belgique, 
p.  IL';  —  I).'  Brouwer.  Le  puits  ariésten  «les  Aeiéries  de   Terneuzen;  —  I.orie  (.1.), 
Somlap-s  en  ZèlanuV. 

-  Cornet,  Ktu.le*  évolution,  p.  Î.'ÎO. 

'  Cos.selet,  Esquisse,  Quaternaire,  p.  ."H Kl. 


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LA  STRUCTURE  DU  SOI. 


mètres  ;  à  Terneuzen  (Aciéries)  t3m,50  ;  à  Walsoorden,  15  mètres  ; 
a  Flessingue  (puits  artésien)  14  mètres  ;  à  (ioes  une  trentaine  «le  mètres 
En  dépit  de  quelques  irrégularités,  ces  chiffres  prouvent  l'épaisseur  consi- 
dérable, 20  à  30  mètres,  de  ces  sables,  épaisseur  d'autant  plus  remar- 
quable que  sauf  aux  environs  d'Eecloo  le  quaternaire  supérieur,  dans  le 
reste  de  la  Flandre,  ne  dépasse  guère  quelques  mètres. 

Ces  sables  sont  généralement  gris,  très  fins,  et  complètement  imbibés 
d'une  eau  qui  s'écoule  dès  qu'on  les  extrait  de  terre  ;  de  là  le  nom  de  sables 
pissarts,  que  leur  donnent  les  paysans  du  Calaisis.  Cependant  ils  ne  sont 
pas,  sur  toute  leur  épaisseur,  complètement  homogènes.  A  Coolkerke,  ou 
signale  en  profondeur  des  éléments  très  grossiers,  fragments  de  grès 
paniscliens.  éclats  anguleux  de  silex  ;  en  haut,  des  couches  plus  argileuses, 
et  un  sable  très  coquillier.  A  Bourbourg,  le  sable  de  base  est  plus  gros, 
avec  coquilles,  sur  2  mètres  d'épaisseur.  A  Sluiskil,  une  des  couches 
inférieures  contient  du  sable  grossier,  avec  cailloux  de  quartz  et  de  silex  ; 
à  Ostende  on  indique  du  gravier  à  la  base  ;  a  Calais  les  sables  reposant 
sur  une  couche  de  2  mètres  de  gros  silex.  Tous  ces  éléments  grossiers  et 
roulés  trouvés  à  la  base  du  dépôt  semblent  indiquer  une  profondeur  d'eau 
peu  considérable.  Au  contraire  a  la  partie  supérieure  le  sable  devient  le 
plus  souvent  argileux  :  c'est  ce  qu'on  observe  sur  2"',70  à  Ostende,  3'" ,50  à 
Blankenberghe,  3m,iO  à  Sluiskil,  3n,,00  à  Flessingue  (Sondage  des 
Kcluses).  Un  régime  de  lagunes  se  serait  donc  établi  à  la  fin  delà  période. 
F.n  tous  cas,  toute  la  masse  est  marine,  comme  l'attestent  les  coquilles 
qu'on  trouve  du  haut  en  bas,  et  qui  appartiennent  aux  espèces  actuelles 
de  la  mer  du  Nord  {Cardium  ertit/e)  et  à  des  formes  étrangères  (Corbwulu 
(luminalis). 

Les  sables  pissarts  sont  presque  partout  surmontés  d'une  couche  de 
tourbe,  d'épaisseur  très  variable,  allant  de  quelques  centimètres  à  4  mètres. 
Parfois  même  le  banc  est  remplacé  par  quelques  linéoles  noirâtres,  ou  de 
la  poudre  tourbeuse  mêlée  à  une  autre  couche,  sable  ou  argile.  Il  est 
très  rare  répondant  que  la  tourbe  fasse  complètement  défaut,  si  rare  que 
dans  ce  cas  on  peut  supposer  qu'elle  a  été  enlevée  par  un  ravinement.  Sur 
20  sondages  indiqués  dans  la  Monographie  agricole  de  la  région  des 
Polders,  3  seulement  n'ont  pas  rencontré  de  tourbe  *  ;  les  autres  men- 
tionnent des  épaisseurs  allant  de  0™,  10  (Avecapello)  à  ;>m,50  (Cleemskerke). 
A  Ostende  on  en  trouve  1"\.T>;  à  Blankenberghe.  2  mètres.  Dans  la  partie 
française,  la  plupart  des  sondages  l'ont  atteinte  et  traversée  sur  des 


i  Références  indiquées,  p.  I.i8,  note  I. 

1  Monographie  agricole  de  la  région  des  Polder*,  pp.  ii-7. 


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l'.O 


FORMATION  DE  LA  PLAINE  MARITIME 


épaisseurs  analogues.  Los  forages  zélanriais  l'ont  trouvée  sur  2  mètres 
à  Flossingue,  0n,,iO  h  Sluiskil,  l"',(j<)  entre  Sluiskil  et  Torneuzen, 
2"V"><>  aux  Aciéries  de  Turneuzen,  même  6  mètres  à  Schoondijke  ;  à 
Walsoorden,  ce  n'étaient  plus  que  quelques  miettes.  Dans  l'île  de  Sud- 
Develand,  l'épaisseur  varie  de  I  mètre  à  2"',r>0  1^  tourbe  se  retrouve 
en  général  sous  la  ligne  des  dunes,  et  jusque  sur  l'estran,  au  moins  à  l'Ksl 
de  Dunkerque  ;  parfois  les  tempêtes  et  les  foi'tos  marées  la  mettent  à  nu, 
en  la  débarrassant  des  sables  de  la  plage,  et  il  n'est  pas  rare  de  trouver 
dans  les  laisses  de  mer  des  fragments  roulés,  qui  forment  de  véritables 
galets  tourbeux. 

Celle  tourbe  semble  s'être  formée  dans  des  marais  plutôt  que  dans  des 
eaux  courantes,  car  les  coquilles  fluviales  y  sont  rares.  Klle  se  compose 
surtout  de  débris  végétaux,  feuilles  de  joncs,  racines,  mousses;  les 
Ivphas  et  les  prêles  y  dominent  *.  De  grandes  crevasses  verticales, 
remplies  d'argile  ou  de  sable,  parcourent  la  niasse.  l,a  grande  curiosité, 
du  temps  où  l'on  pratiquait  le  tourbage,  c'étaient  les  troncs  d'arbres  qu'on 
y  trouvait  couchés,  la  tète  entre  le  Sud  et  l'Ksl  :  ordinairement  des  chênes, 
mais  aussi  d'auires  essences  qui  indiquent  un  climat  analogue  au  nôtre  : 
frêne,  noyer,  sapin,  sorbier,  bouleau,  saule,  buis,  noisetier.  Kiifin  c'est  là 
que  se  trouve  le  niveau  archéologique  qui  a  permis  de  fixer  l'époque  à 
laquelle  la  tourbe  a  été  recouverte  par  la  mer;  et  pêle-mêle  avec  les 
poteries  et  les  monnaies,  des  restes  d'animaux  qui  sont  ceux  que  nous 
voyons  vivre  encore  sur  le  sol  flamand.  L'on  rencontre  parfois  deux  couches 
de  tourbe  superposées  :  dans  les  polders  qui  avoisinent  Anvers,  les  sables 
gris-bleuàtres  du  flandrien  sont  surmontés  d'un  banc  appelé  le 
«  moergrond  »,  sorte  d'argile  tourbeuse  indiquant  une  période,  de  marais, 
où  la  croissance  des  mousses  et  plantes  aquatiques  a  été  interrompue  par 
quelque  invasion  du  fleuve,  qui  a  déposé  une  argile  grise,  le  «  duy  »  des 
paysans.  Au-dessus  la  végétation  productrice  de  la  tourbe  s'est  do  nouveau 
développée,  formant  un  nouveau  banc,  épais  parfois  de  2  mètres,  cl 
dans  lequel  on  a  retrouvé  le  niveau  archéologique  des  monnaies  et  des 
poteries.  Le  tout  est  recouvert  d'argile  poldérienne  '.Ailleurs,  la  tourbe  se 
retrouve  au-dessus  de  la  couche  marine  d'origine  moderne,  c'est-à-dire  à 
la  surface  du  sol  ;  c'est  le  cas  du  puits  de  Flessingue,  où  l'on  a  2  mètres 
de  tourbe  à  la  profondeur  de  (>  mètres,  et  1  mètre  de  tourbe  mêlée  de 


1  I.oik'.  Soml.i^'s  en  Zùl.ni.li',  p.  3 M. 
î  (  iu-x-lf».  lit'-opraphu-  physique,  p.  'Ah 
Y..ii  Erthoin  (O.  ),  !.<■>  t.Trains  moti«-nu>  ci  los  .liruiiwrto  rc-crnlo  du  Kauondijk. 
(Hull.  Soc.  (îéogr.  Anvrs.  lSH'ij. 


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LA  STHL'CTI  RK  DC  SOL 


1*1 


sable  à  l  mètre  seulement  au-dessous  rie  l'orifice  '  :  celle-ci  s'est  vraisem- 
blablement formée  rians  un  marais  de  l'époque  actuelle.  Le  cas  semble  se 
présenter  aussi  dans  la  partie  française,  où  les  pures  eaux  courantes  qui 
descendent  ries  bauleurs  crayeuses  entretiennent,  rie  l'Aa  âSangatte,  une 
active  végétation  propre  à  la  production  de  la  tourbe.  La  même  végétation 
tourbeuse  moderne  se  retrouve  en  Hollande,  et  jusque  dans  les  marais 
de  bol. 

Au-riessus  rie  la  tourbe  s'étendent  les  couches  les  plus  caractéristiques 
du  littoral,  les  dépôts  laissés  par  l'invasion  marine  contemporaine  de  l'épo- 
que romaine.  Ils  ne  constituent  pas  une  roche  homogène,  mais  un  mélange 
ou  une  superposition  de  sables  et  d'argiles.  L'argile  grise  ou  bleuâtre  (argile 
ries  Polders),  plastique,  iwvcllydrobia  ulvae  ;  le  sable  blanc,  assez  grossier, 
contenant  rie  nombreuses  coquilles  marines,  se  répartissent  assez  irrégu- 
lièrement dans  la  Plaine.  A  Frethun,  0"',:}0  rie  sable  jaune  tin  surmontent 
l r,;iT>  d'argile  bleuâtre  s.  A  Craywiek,  l  mètre  d'argile  plus  ou  moins 
sableuse  repose  sur  du  sable  jaune  ou  bleu,  parfois  sur  de  l'argile1.  Aux 
Moéres,  on  trouve  sous  quelques  décimètres  rie  limon  brun  soit  du  sable 
marin  coquillier,  soit  rie  l'argile.  A  Fûmes,  c'est  une  argile  finement 
sableuse  sur  i "',00  k  ;  à  (Monde,  de  l'argile,  puis  .T',ti0  d'alternances  rie 
sable  et  d'argile  ;  à  Slykens,  rie  même  ;  à  Coolkerke,  du  sable  jaunâtre 
{2  mètres)  sur  du  sable  gris  (4"\75)  ;  à  Schoondijke,  4  mètres  ri'argile  ;  à 
Waisoonlen  <T',7(J  d'argile  sableuse  sur  2™,  10  de  sable  quarlzeux  très  fin  ; 
à  (  ioes,  5"' ,50  ri'argile  sableuse  â  (  'ardium  ;  à  Flessingue,  jusqu'à  6  couches 
au-riessus  de  la  tourbe,  argile,  sable,  et  éléments  intermédiaires.  En 
général,  c'est  sur  les  parties  élevées  rie  la  surface  tourbeuse  que  semble 

s'être  déposée  l'argile,  et  dans  les  fonds  les  sables  ft  sauf  exceptions, 

comme  le  cas  signalé  dans  les  marais  d'Ardres,  où  le  sable  ravine  l'argile  " , 
et  est  lui-même  surmonté  d'une  nouvelle  couche  argileuse. 

Ces  dépôts  variés  sont  tous  d'origine  marine  ;  on  y  trouve  exactement 
la  même  faune  que  sur  les  plages  de  la  mer  flamande.  Le  Cardiuat  edute, 
si  commun  dans  la  mer  du  Nord,  abonde  dans  les  sables;  le  sable  argileux 


1  Kutol,  Origines  du  Quaternaire,  pp.  14-15. 

*  bebray,  manuscrits  inédits. 

3  bebray,  in  Aun.  Soc.  géol.  N.,  III,  p.  88. 

*  Gosstdet,  Géogr.  physique,  p.  22. 

s  bewalque,  Note  sur  le  sondage  ..le  Fumes.  (Anti.  Soe.  géol.  Helg.,  V,  1S77-78, 
p.  CVlIlj. 

«  Gossclet,  Esquisse,  Quaternaire,  p.  327. 

*  bebray,  Anu.  Soc.  gôol.  N.,  111,  p.  88. 


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I',L>  FORMATION  1>K  I.A  H.AINK  M AH1TIMK 

recèle  surtoui  lu  Scrobicular/a  phtnu  ;  l'argile  proprement  dite,  YHyrfro- 
hia  u/rae.  On  a  môme  trouve,  dans  les  fondai  ions  du  pont  sur  le  Mardvek 
(iraeht,  élabli  pour  le  passage  de  la  voie  ferrée  de  Bourbourg  à  Ihinkerque, 
vertèbres  de  la  baleine  des  Hasques  L'argile  des  polders,  c'est-à-dire 
cette  couche  argileuse  si  commune  dans  la  plaine  maritime  qu'elle  en 
caractérise  lo  sol,  est  assurément  une  formation  marine.  I,a  présence  dans 
cette  argile  des  mollusques  qui  vivent  dans  les  mers  voisines  en  est  une 
preuve  suffisante  ;  et  les  quelques  formes  fluviatiles  qu'on  y  rencontre 
parmi  les  Diatomées  sont  si  rares  tant  comme  individus  que  comme 
espèces,  que  ce  sont  à  coup  sûr  des  animaux  entraînes  de  l'intérieur  des 
terres  ;  au  contraire  les  Diatomées  marines  y  sont  si  abondantes  qu'elles 
constituent  parfois  le  cinquième,  voire  le  quart  de  la  masse  !.  Il  y 
a  cependant  une  exception:  les  marais  de  St-Omer,  c'est-à-dire  la 
région  basse,  à  l'altitude  moyenne  de  (î  mètres,  qui  ressemble  tant  à  la 
plaine  maritime  par  son  sol  plat,  ses  canaux,  son  humidité,  que  peu 

d'auteurs  ont  résisté  à  la 
voix  populaire,  qui  dé- 
clare que  la  mer  est  ve- 
nue jadis  jusqu'à  Sainl- 
Omer.  On  a  cependant 
montré  dès  1871  que  si 
l'on  y  trouve  une  couche 
de  tourbe  qui  continue 
celle  de  la  Plaine,  le  dé- 
pôt de  limon  rougeatre 
ou  noirâtre  qui  la  re- 
couvre n'est  pas  d'ori- 
gine marine,  puisqu'il  est 
rempli  de  coquilles  d'eau 
douce.  11  est  même  bi- 
zarre d'y  entendre  appe- 
ler fond  de  mer  un  gravier  de  grains  de  calcaire  conciétionné, 
d'origine  fluviatile  \  La  mer  n'a  donc  jamais  dépassé  vers  le  Sud 
l'espèce  de  défilé,  large  de  quelque  5tXt  mètres,  par  lequel  les  marais 
de  St-Omer  rejoignent  la  plaine  maritime  à  Wallon. 


*  Dehray,  Ami.  Soc.  jréol.  N  ,  III,  p.  «8. 

î  Deby  f.l.  i.  Note  sur  l'argile  des  polders,  suivi»'  d'une  liste  .1.-  fossiles  qui  y  ont  été 
observés  dans  la  Flandre  occidentale.  (Ann.  Soc.  malac.  Help.,  t.  XI,  IHTii.  pp.  C'.MKI). 
3  Gosselet,  Esquisse,  Quaternaire,  pp.  et 


Moderne 


Quaternaire' 


.  ■ 


Argiles  et 
sai'U.s 

Tourlie 

'Fades  &rijiJeu<x 


SaMe  fui 


L//i;  Fade* 


acte*  a  gros 
èlèmettts 

Fio.  30.  —  Coupe  théorique  des  terrains  propres 
à  la  plaine  maritime. 


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LA  DATE  DR  L'INONDATION 


L'argile  des  polders  est  le  dernier  terme  do  la  série  particulière  à  la 
plaine  maritime,  dont  elle  l'orme  le  sol.  Aucun  autre  sédiment  ne  s'y  est 
déposé  depuis  que  la  mer  l'a  abandonnée,  sauf  la  tourbe  des  marais 
d'Ardres  ou  de  quelque  autro  lieu  bas.  Les  inondations  qui  ont  désolé  la 
plaine  émergée  n'y  ont  apporté  encore  que  des  sables  et  surtoutde  l'argile. 
II  est  donc  possible  de  résumer  les  indications  précédentes  en  un  tableau 
qui  serait  une  coupe  théorique  du  sol  de  la  plaine,  dans  laquelle  on  peut 
évaluer  à  25  mètres  l'épaisseur  des  sables  flandriens,  à  2  mètres  celle  de 
la  tourbe,  à  3  mètres  celle  des  couches  marines  modernes. 


Date  de  l'inondation. 

Ces  données  géologiques  permettent  de  reconstituer  à  grands  traits 
l'histoire  du  pays.  A  la  fin  du  quaternaire  supérieur,  la  mer  occupe 
l'emplacement  de  la  Plaine  maritime,  et  y  dépose  les  25  mètres  de  sables 
pissarts.  I^es  éléments  sablo-argileux  qui  forment  la  partie  supérieure  du 
dépôt  indiquent  un  régime  lagunaire  ;  la  mer,  à  la  lin  du  quaternaire,  aban- 
donne la  plaine  ;  les  eaux  douces  envahissent  la  lagune,  et  la  végétation 
spéciale  des  tourbières  s'y  établit.  Le  pays  va  devenir  habitable  :  lorsque 
le  marais  tourbeux  est  mûr,  des  plantes  arborescentes  se  fixent  sur  lo  sol 
tremblant  ;  les  arbres,  chênes,  hêtres,  sapins,  noisetiers,  s'y  développent  ; 
ils  y  forment,  lo  long  de  la  lisière  méridionale  do  la  Plaine,  un  peu  abritée 
des  vents  de  mer,  de  véritables  forêts  ;  ils  y  meurent  de  vieillesse,  et  les 
vents  d'Ouest  font  tomber  leurs  troncs  dans  la  direction  de  l'Est.  L'homme 
finit  par  y  apparaître,  attiré  sans  doute  par  la  présence  des  oiseaux  de 
marais;  il  y  laisse  quelques  traces  de  son  passage,  haches  polies,  pointes 
de  flèches,  qui  attesteront  sa  présence.  Plus  tard  les  populations  des 
époques  celtique  et  gallo-romaine  s'y  établissent,  comme  le  prouvent 
les  poteries,  les  ornements  fuuéraires,  les  trésors  qu'elles  ont  abandonnés 
sur  le  sol.  C'est  la  plaine  de  la  tourbe  que  foulèrent  les  soldats  de  César 
et  de  Labienus.  Le  général  romain  a  été  bref  dans  sa  description  :  les 
Morins  et  les  Ménapiens  habitent  un  pays  plein  de  forêts  ot  de  marais, 
derrière  lesquels  ils  s'abritent  ;  deux  expéditions  ont  été  nécessaires 
pour  parvenir  au  cœur  de  ce  pays  inondé  '.  Strabon  a  été  un  peu  plus 
explicite.  «  Les  Ménapiens,  dit-il,  habitent  de  petites  îles  dans  les  marais. 


1  «  Continentes  silvasae  paludes  habebant  .>  (De  Mello  gallico,  III,  cap.  XXVIII,  2). 
«  Ferpetuis  paludibus  silvisque  muniti  »  (Ibid.,  VI,  cap.  V,  4).  «  In  silvas  puludes«pie 
confugiunt  »  (Ibid.). 


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Frm\l\TloN  !)K  l.\  PLUN'K  MVK1TIMK 


Ils  avaient  là,  dans  les  pluies,  des  refuges  assurés  ;  mais  en  temps  sec  on 
les  y  prenait  aisément  »  '.  Forêts,  marécages  ;  la  plaine  restait  à  demi- 
noyée,  la  menace  d'une  nouvelle  invasion  marine  pesait  sur  elle. 

La  présence  dessables  el  argiles  d'origine  marine, snperposésau  niveau 
archéologique  de  la  tourbe,  prouve  que  cette  inondation  a  recouvert  toute 
la  plaine  vers  la  tin  de  la  domination  romaine.  Il  e-<l  possible  d'en  fixer  la 
date  avec  quelque  précision.  Depuis  longtemps  on  avait  remarqué  que  les 
pins  récentes  séries  monétaires  trouvées  dans  la  tourbe  s'arrêtaient  toutes 
aux  empereurs  gaulois,  Posthumus  et  Tetricus.  C'est  le  cas  à  Salperwick, 
où  les  dernières  en  date  des  pièces  sont  de  Quintillus;  à  Ardres,  à  la 
Panne,  où  la  série  s'arrête  aux  monnaies  de  Posthuinus;  à  Duinburg 
(Walcheren)où  la  dernière  médaille  esta  l'efligie  de  Tetricus  *.  On  a  donc 
admis  que  l'invasion  marine  s'était  produite  postérieurement  au  règne 
des  empereurs  gaulois,  dont  le  dernier,  Tetricus,  disparait  en  273.  Cepen- 
dant la  disparition  des  médailles  postérieures  à  l'année  273  ne  prouve  pas 
.  que  l'inondation  se  soit  produite  immédiatement  après  cette  époque.  En 
effet  l'absence  de  monnaies  datant  d'après  Tetricus  est  un  fait  général  en 
Flandre.  Vredius  l'avait  déjà  remarqué:  dans  la  Flandre  entière,  la 
plupart  des  séries  monétaires  s'arrêtent  à  J'osthumus  ■'.  A  peine  peut-on 
citer  localités  flamandes,  presque  toutes  situées  le  long  de  l'Escaut  el 
de  la  Lys,  où  l'on  ait  trouvé  des  médailles  romaines  plus  récentes  que  celles 
des  empereurs  gaulois  *.  Il  semble  que  peu  après  la  chute  «le  cette  dynastie 
locale,  un  véritable  cataclysme  se  soit  abattu  sur  la  Flandre,  quelque 
brusque  invasion  de  Barbares,  à  l'approche  desquels  les  habitants  enfouis- 
saient leurs  trésors,  et  qui  dévastèrent  si  complètement  le  pays  que  la 
population  disparut,  excepté  sur  les  bords  de  la  Lys  et  de  l'Escaut. 
M.  Kurth  place  cette  catastrophe  dans  la  période  de  troubles  qui  suivit 
la  mort  d'Aurélien5.  Ainsi  l'absence  do  médailles  postérieures  à  l'année '^73 
ne  prouverait  pas  que  l'inondation  marine  est  la  cause  de  cette  lacune, 
puisque  cette  pénurie  est  commune  à  la  Flandre  entière.  D'ailleurs  on  a 


'  NYiotàia  Ï/ovtk  èv  tal€  ÊXeaC  sv  \ùv  o  jv  xai;  troiiSpiai;  i<r?otX«tç  tàç  xaTaç'jyi;  îfyov.  sv 
ôè  toï;  *$x|iotç  rfkioxovo-m  fcMuz  (Strabon,  IV,  3,  ."»). 

2  Ci:  Rigaux,  Ktude  sur  la  topographie,  p.  .«);  —  I)e  hast,  Kecueil,  l,  p.  ;  — 
de  Loe,  Fouilles  à  la  Panne,  p.  b. 

3  Vredius,  Flandria  Ethnica,  pp.  »>42-<>iH. 

*  Le  Recueil  de  de  liast,  (1,  pp.  iUO-V.'ij  on  indique  10:  Meerlebeke,  Segelsetn. 
Melden,  Yelsicque,  Cassel,  Gand,  Lokeren,  St-.Nicolas,  St-Ueuis-WCstreni,  Audeuarde. 
—  M.  Yan  llesstd  ajoute  à  la  liste  :  Helcele,  M.dle,  W  aesmunster,  Killeni  ^  Statistique 
archéologique,  passiiu j. 

i  Kurth  (,0.),  Clovis,  1,  pp.  St-Si. 


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LA  DATK  DK  L'INONDATION 


145 


découvert  çà  et  là  dans  la  plaine  maritime  des  médailles  postérieures  à 
Posthumus,  dont  la  trouvaille  a  échappé  à  la  plupart  des  érudits:  a 
Sangatte  une  médaille  de  Constantin  le  Grand  1  ;  à  Calais,  une  pièce  à 
l'effigie  de  Maximien  *  -,  dans  les  tourbières  de  Hames  des  monnaies  de 
Dioctétien,  Maximien  et  Constantin  1  ;  a  Dam  me,  des  effigies  de  Tetricus, 
Victorinus,  Constantin  et  Maxenco  4.  La  date  de  l'invasion  marine  se 
trouve  donc  reculée  jusqu'après  la  mort  de  Constantin  le  Grand,  c'est-à- 
dire  après  337.  On  pouvait  déjà  se  rapprocher  de  celte  date  rien  qu'à  lire 
le  panégyrique  adressé  vers '300  au  césar  Constance  Chlore  à  l'occasion 
de  sa  lutte  contre  Carausius  par  un  rhéteur  que  l'on  croit  être  le  Gaulois 
Eumène.  Ce  pays  des  Ménapiens  «  qui  mérite  peu  le  nom  do  terre,  mais 
est  tellement  imbibé  par  les  eaux  que  non  seulement  dans  les  parties 
marécageuses  il  cède  aux  efforts  et  se  dérobe  sous  nos  pieds,  mais,  dans 
les  endroits  même  où  il  paraît  le  plus  ferme,  il  frémit  sous  les  pas  et 
semble  flotter  sur  les  abîmes. . .  »*,  c'est,  bien  la  plaine  de  la  tourbe,  que 
la  nier  ne  recouvrait  donc  pas  au  début  du  IVe  siècle.  Enfin  la  Notice  des 
dignités  permet  do  reculer  jusqu'au  Y-  siècle  la  date  de  l'inondation.  Klle 
mentionne  en  effet  la  présence  d'un  escadron  de  cavalerie  dalmale  sur 
la  côte  flamande  :  «Equités  I)almatae  Mareis  in  lit  tore  Saxonico»8.Le  Liltus 
Saxonicum,  c'est  la  cote  défendue  contre  les  Saxons  ;  Marcis  a  été  identifié 
avec  Marck,  près  Calais  ;  et  il  se  trouve  ainsi  que  vers  l'an  400,  époque 
à  laquelle  on  rédigeait  ce  vaste  almanach  officiel  qu'est  la  Notice  des 
dignités,  la  mer  n'avait  pas  encore  envahi  la  plaine  au  delà  de  Marck  7.  Il 
est  vrai  que  l'inondation  n'a  pas  dû  tarder  à  se  produire.  C'est  l'époque  où 
les  peuples  germaniques  envahissent  la  Flandre  et  s'y  établissent  :  or  ils 
n'ont  pas  laissé  trace  de  leur  présence  sur  la  tourbe,  ce  qui  donneà  croire 
qu'ils  ont  trouvé  la  plaine  inondée.  L'invasion  marine  se  serait  donc 


»  Debray,  Tourbières,  p.  R». 

s  Mém.  Soc.  Ant.  Mor.,  IX,  2*  parti.-,  p.  Mil. 

:<  Notes  manuscrites  de  H.  Pcbray,  à  la  bibliothèque  communale  .le  l.ille,  Catalogue 
manuscrit,  N'J  1-'J8. 

*  Macquet  (L.j,  Histoire  .le  la  ville  de  Damme,  de  ses  institutions  civiles  et  politiques 
et  de -es  monuments  (  Hi  tiges,  paveluy,  lK"i»it  in-*'\  2ï'i  p.  i— Cf.  p.  11»,  note  1.  L'auteur 
déclare  avoir  acheté  lui  même  les  pièces,  au  nomb.e  de  M7. 

3  XII  Panegyrici  Latim,  (éd.  Kehrcns),  VUI.  p.  137. 

«  Notitia  dign.imp.  roui..  Kd.  Pm-king.  Il,  p.  Ut*. 

"  On  peut  objecter  que  remplacement  de  Marck.  situé  sur  le  banc  des  Pierrettes 
n'a  pas  été  inondé  par  l'invasion  marine.  Mais  c'aurait  été  j>our  un  corps  de  cavalerie 
une  garnison  bizarre  que  ce  banc  isolé  par  la  mer,  et  élevé  de  '>  à     métrés  au-dessus 
des  flots. 

lu 


Dig 


FORMATION  DE  I.A  l'LUNE  MARITIME 


avancée  sur  la  plaine  au  cours  des  premières  années  du  Ve  siècle,  en 
même  temps  que  l'invasion  germanique  prenait  possession  des  valléos  de 
la  Lys  et  de  l'Escaut  ;  lo  désarroi  était  complet,  et  l'on  s'explique  que 
personne  n'en  ait  parlé  '. 

Nature  de  l'invasion  marine. 

Ce  fut  bien  uoe  véritable  invasion  marine  qui  se  produisit.  Le  dépôt  de 
sables  et  d'argiles  n'est  pas  le  fait  d'une  simple  inondation  ;  il  est  trop 
épais  et  trop  continu  pour  cela  ;  d'ailleurs  les  mollusques  lamellibranches 
découverts  dans  ces  alluvions  marines  s'y  trouvent  avec  leurs  deux 
valves,  dans  la  position  où  ils  ont  vécu,  verticaux,  le  crochet  en  bas,  le 
siphon  en  haut !.  I,a  mer  a  donc  séjourné  quelque  temps  dans  la  plaine, 
tout  au  moins  dans  les  dépressions.  Il  ne  semble  pourtant  pas  que  son 
entrée  sur  cette  terre  ait  été  une  effroyable  catastrophe,  comme  on  le 
croirait  on  songeant  à  la  submersion  d'un  territoire  si  étendu.  L'invasion 
a  dû  être  lente  et  continue,  car  le  ravinement  de  la  tourbe  ne  fut  nulle 
part  bien  considérable,  étant  donné  le  peu  de  solidité  de  cette  couche.  On 
a  même  observé  que  la  partie  inférieure  des  sédiments  déposés  par 
l'inondation  est  parfois  formée  de  potits  lits  argilo-sableux  bien  stratifiés 
traversés  par  des  trous  oii  l'on  trouve  encore  une  tige  presque 
charbonnée,  ce  qui  prouve  la  lenteur  de  l'envahissement,  pendant  lequel 
la  végétation  a  essayé  de  lutter  en  traversant  les  sédiments  marins  3.  Les 
choses,  comme  le  dit  I^aveleye,  se  passèrent  avec  calme  1  ;  c'était  encore 
une  raison  pour  qu'on  n'en  parlât  pas.  Même  phénomène,  d'après 
Chèvremont,  dans  la  baie  du  Mont-Sl-Miehel  ;  commencée  sous  l'époque 
romaine,  l'invasion  marine  fut  extrêmement  lente  et  n'atteignit  son 
maximum  qu'au  Y*"  siècle.  Ces  inondations  n'avaient  rien  d'un  cata- 
clysme. 


i  I /inoffensive  phraséologie  .le  St-Paulin  de  Noie  dans  une  lettre  à  St-Victrice 
(Migne.  Patrologia  latina.  vol.  (il,  p.  2.R»i,  invoquée  parfois  pour  fixer  la  date  de 
l'invasion  marine,  n'apporte  aucun  renseignement  :  au  pays  des  Morins,  «  les  chœurs 
vénérables  et  angéliques  des  fidèles  s'élèvent  pacifiquement  des  églises  et  des  monas- 
tères, dans  les  villes  et  dans  les  bourgs,  au  milieu  des  Urs  et  des  bois.  »  Discussion 
sur  cette  date  de  l'invasion  marine  dans  Blanchard  (R.),  Sur  la  date  de  l'invasion 
marine  dans  la  plaine  maritime  de  Flandre  à  l'époque  historique.  (Ann.  E.  N..  I,  l<<r>, 
pp.  :&'i-r>îl). 

*  Gosselet.  (îéog.  physique,  p.  ~5. 

3  Gosselet,  Esquisse,  Quaternaire,  p.  ."fc!8. 

»  Laveleye,  Géologie  (l'aris,  bi.roix,  IKV.»,  'i'i  p.),  p.  |S. 


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LA  NAITRE  DE  L'INVASION  MARINE 


147 


D'ailleurs,  «Uant  donné  l'altitude  actuelle  du  niveau  de  la  tourbe,  on 
s'aperçoit  que  la  mer  ne  devait  s'étendre  sur  toute  la  plaine  qu'à  marée 
haute.  Encore  faut-il  tenir  compte  do  l'affaissement  que  les  couches 
tourbeuses  ont  certainement  subi  sous  le  poids  des  nouveaux  dépôts 
marins,  et  qui  en  ont  abaissé  le  niveau.  Le  banc  des  Pierrettes,  près  de 
Calais,  offre  un  autre  point  do  repère.  La  mer  ne  l'a  pas  recouvert,  il  est 
resté  émergé  de  2  à  3  mètres,  et  cependant  les  marées  de  la  côte  calai- 
sienne  atteignent  ordinairement  5m,30  d'amplitude  ;  or  on  trouve  partout, 
autour  du  banc,  la  surface  do  la  tourbe  à  moins  de  8  mètres  au-dessous 
du  niveau  des  Pierrettes  ;  à  marée  basse,  il  n'y  avait  donc  plus  d'eau 
sur  le  sol  tourbeux.  D'ailleurs  la  faible  épaisseur  des  couches  indique 
la  faible  profondeur  de  la  tranche  d'eau.  Deux  fois  par  jour,  la  mer 
venait  donc  recouvrir  la  plaine  maritime,  et  s'y  décantait;  deux  fois  par 
jour,  la  plus  grande  partie  du  territoire  se  retrouvait  à  sec.  Alph.  Delpairo 
avait  même  calculé,  d'après  le  rapport  entre  l'épaisseur  des  sédiments 
déposés  et  le  temps  que  la  mer  avait  dû  occuper  la  plaine,  que  les  eaux 
salées  ne  visitaient  guère  leur  conquête  que  2  à  5  fois  par  an,  probablement 
dans  les  grandes  marées  d'équinoxo  Belpaire  se  trompait  sur  l'un  des 
termes  du  rapport,  car  il  évaluait  à  12  siècles  le  séjour  de  la  mer  dans  la 
plaine,  taudis  que  les  documents  historiques  publiés  depuis  50  ans  permet- 
tent de  réduire  à  i  siècles  environ  la  durée  de  l'inondation  ;  mais  il  est  vrai 
que  la  mer  ne  recouvrait  pas  constamment  la  plaine,  et  qu'elle  ne  pénétrait 
peut-être  dans  tous  ses  recoins  que  lors  des  marées  do  vive  eau.  Il  faut 
faire  exception  pour  les  chenaux  que  la  nier  s'était  creusés  au  milieu  de 
la  plaine  tourbeuse,  ot  qui  gardaient  probablement  de  l'eau  a  marée  basse, 
de  même  que  dans  un  polder  qu'elle  vient  d'envahir,  la  mer  approfondit 
une  crique  sinueuse  par  laquelle  la  marée  pénètre  et  sort. 

Au  milieu  de  l'inondation,  il  est  resté  dans  la  Plaine  quelques  parties 
émergées.  Il  existe  dans  le  Calaisis,  dépassant  de  quelques  mètres  le 
niveau  des  alluvions  modernes,  quelques  ondulations  formées  de  galets 
que  l'invasion  marine  a  respectées.  L'une  d'elles,  qui  porte  le  nom 
significatif  des  Pierrettes,  s'étend  de  Nieulay  à  Marck,  ses  éléments 
devenant  de  plus  en  plus  fins  vers  l'Est  ;  les  galets  disparaissent  après 
Marck,  de  même  que  sur  la  côte  actuelle  ils  ne  dépassent  guère  Calais, 
mais  les  hautes  terres  continuent  vers  Oye,  dans  la  direction  de  l'Aa,  et 
derrière  Gravelines  on  en  retrouve  d'autres  qui  se  dirigent  vers 
Dunkerque  par  Loon  et  Synlhe.  Au  Sud  de  cette  première  ligue  s'en 


«  Belpaire  (Alph.).  U  plaine  maritime  de  Houlogne  au  Danemark',  pp.  ltfM.ÎI. 


148 


FORMATION  DE  LA  1  M.  AI  NE  MARITIME 


amorce  une  seconde  au  pont  de  Coulogno  ;  c'est  encore  un  banc  de  galets 
formant  un  monticule  d'environ  i  mètres,  très  visible  du  canal  et  du 
chemin  de  fer  de  St-Omor  a  Calais  ;  on  l'appelait  jadis  l'ile  de  Colne  Sa 
direction  est  un  peu  différente  de  celle  du  premier:  il  s'oriente  à  l'E.-S.- 
E.  ;  mais  sa  pointe,  connue  celle  des  Pierreltes,  regarde  vers  Sangatte, 
vers  le  détroit.  Après  le  village  de  Coulogne,  où  le  banc  porte  le  nom  des 

Hauts  -  Champs, 
le  sol  s'abaisse 
légèrement  puis 
se  redresse  près 
des  Attaques  en 
un  deuxième 
tertre  qui  vient 
se  terminer  aux 
hautes  terres  de 
Guemps.  Enfin, 
à  l'Est  «le  Dun- 
kerque,  le  village 
de  Ghyvclde  se 
trouve  sur  une 

éminenec  sableuse,  plus  élevée  que  la  plaine  d'environ  deux  mètres, 
qui  commence  au  Meulhouck  de  Zuydcoote  et  se  continue  jusqu'au 
village  d'Adinkerke.  C'est  encore  là  un  de  ces  bancs  formés  proba- 
blement dans  la  mer  Haiulrienne,  et  qui  ressemblent  aux  levées  de 
galets  des  Bas-Champs  de  Picardie;  respectés  par  l'invasion  du  Y*'  siècle, 
ils  ont  offert  aux  habitants  revenus  dans  la  plaine  les  premiers  empla- 
cements favorables  à  un  établissement  humain. 

D'autre  part,  il  a  existé  sur  remplacement  actuel  de  la  côte  un  autre 
territoire  émergé,  dont  il  est  difficile  de  définir  l'étendue,  mais  qui 
comprenait  en  tous  cas  un  petit  rayon  de  pays  autour  de  la  frontière 
franco-belge,  dans  les  dunes  entre  la  Panne  et  Hray-Dunes.  On  a  trouvé 
là,  à  200  mètres  à  l'Est  de  la  frontière,  une  station  archéologique 
contenant  des  objets  qui  se  rapportent  à  toutes  les  époques  entre  l'âge  de 
la  pierre  polie  et  le  VIII'' siècle  de  notre  ère:  silex,  poteries  du  premier 
Age  du  fer,  monnaie  gauloise,  poteries  romaines,  médailles  d'Hadrien, 
Faustine  jeune  et  Posthurnus,  fibule  barbare,  denier  mérovingien  en 


i  Au  XV-  siècle,  d'après  Laridrin  (G.),  Essais  historiques  sur  le  Galaisis  d.qmis  les 
temps  les  plus  reculés  jii>qu'à  la  lin  du  X\T  siècle  (Gâtais,  Y1'  Oontier,  IHs'.l,  iu-8\ 
15*8  p.),  p.  80. 


Fui.  'M.  —  Altitudes  dans  le  Galaisis  calculées 
d'après  le  zéro  des  caries  marines. 
Bancs  des  l'ierreltes  et  de  Goulo^ne. 


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LA  NATURE  I»K  L'INVASION  MARINK 


140 


argent,  scealtas  anglo-saxons  Ainsi  ce  point  paraît  avoir  été  habité 
d'une  façon  constante  jusqu'au  YIITsièeleau  moins;  il  faisait  doiio  partie 
d'une  terre  émergée  au  Y*"  sièele.  Peut-être  était-il  un  tronçon  d'une  ligne 
de  dunes  qui  protégeait  la  plaine  de  la  tourbe  et  que  la  mer  aura  rompue 
a  la  lin  du  \\r  siècle.  Au  delà  vers  l'Est,  on  ignore  s'il  y  avait  encore  des 
bancs  hors  de  l'eau,  et  quelle  était  leur  position,  quoiqu'il  paraisse 
infiniment  probable  que  d'autres  fragments  fussent  étendus  dans  cette 
direction,  jusqu'à  l'estuaire  de  l'Escaut  :  il  n'y  a  guère  à  faire  fonds 
sur  une  tradition  populaire  qui  veut  que  le  plateau  sous- marin  de 
Schoonevcld,  au  large  de  l'estuaire,  ait  été  une  terre  habitée  qui 
possédait  encore  un  château  à  l'époque  de  (luy  de  Dampierre  s.  Vers 
l'intérieur  des  terres,  l'inondation  marine  entourait  quelques  îles,  cernait 
des  presqu'îles.  La  petite  élévation  qui  porto  le  village  d'IIolque,  à  la 
tète  du  delta  de  l'Aa,  était  préservée  des  flots;  le  mont  St-\Vinoc, 
devenu  Bergues,  tenait  par  un  isthme  au  continent.  La  mer  pénétrait 
largement  dans  le  golfe  de  l'Yser,  où  elle  ne  respectait  qu'un  îlot  à  l'Est 
de  Loo.  Vers  Ghistelles,  elle  dessinait  une  baie  assez  profonde,  à  l'entrée 
de  laquelle  s'étendait  l'île  de  Zevecote.  Enfin  tout  a  l'Est  elle  détachait 
du  continent  les  lambeaux  de  St-Kruis,  Zuiddorpe,  Kieldrecht  et 
Meerdonek.  Aujourd'hui  encore  on  reconnaît  ces  anciennes  îles  au 
premier  coup  d'œil.  Au  milieu  de  la  plaine  poldérienne  nue,  champs 
immenses  sans  arbres  et  presque  sans  maisons,  on  voit  apparaîtra  un  ilot 
de  verdure,  des  haies  autour  de  chaque  champ,  des  rangées  de  saules  et 
de  peupliers  entourant  de  nombreuses  petites  maisons  qui  contrastent  par 
leur  nombre,  leurs  dimensions  restreintes,  leur  aspect  pittoresque  et 
pauvre,  avec  les  rares  grandes  fermes  du  polder. 

Dans  ces  conditions,  la  plaine  flamande  inondée  devait  singulièrement 
ressemblera  une  région  encore  aujourd'hui  submergée,  les  Wadden  de  la 
Frise.  Mômes  îles  de  sable  allongées  vers  le  large,  môme  étendue  vaseuse 
tour  à  tour  asséchée  et  noyée,  découpée  par  d'innombrables  criques  et 
chenaux.  A  marée  basse,  une  vaste  plaine  grise,  couleur  sale,  avec  des 
paquets  d'herbes  marines  jetés  çà  et  là;  une  surface  inégale,  parsemée 
d'une  quantité  de  petites  bosses,  pareilles  à  des  vagues  figées  ;  des 
nuées  d'oiseaux  s'abattant  sur  les  flaques,  goélands,  barges,  hirondelles 


«  De  Loë,  I,a  Station  de  la  Panne,  passim. 

2  Van  Vaerncwijek  (Historié  van  Helgio,  éd.  1611»,  IV.  p.  .TV),  rapporte  qu'il  a  vu 
(XVI'-  siècle)  a  Sluis  des  pierres  tombales  apportées  île  H  le  «le  Schooneveld,  laquelle 
existait  encore  au  temps  de  Guy  de  Dampierre.  dépendant  aucun  document  historique 
n'atteste  l'existence  de  cotte  île  au  XIII'  siècle. 


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FORMATION  I)K  LA  PLAINE  MARIT1MK 


de  nier.  Puis  le  flot  réparait,  l'eau  remplit  les  chenaux,  pénèlro  par  toutes 
les  rainures,  déborde  rapidement  sur  la  plaine;  d'un  désert  grisâtre  et 
aride  elle  lait  en  peu  d'instants  un  vaste  détroit  aux  eaux  vaseuses, 
séparant  la  côte  des  îles  basses  qui  semblent  des  vaisseaux  a  l'ancre  ;  et 
pour  quelques  heures,  la  plaine  est  redevenue  une  mer  • . 

Alors  pendant  quelques  siècles,  l'histoire  du  pays  reste  comme 
suspendue;  la  plaine  est  livrée  à  la  mer,  qui  y  prépare  les  magnifiques 
terres  fortes  dont  h»  sol  est  aujourd'hui  formé.  Les  documents  qui 
permettent  désormais  d'évoquer  les  vicissitudes  du  pays  changent  de 
caractère  :  jusqu'au  Y°  siècle  on  ne  pouvait  guère  s'appuyer  que  sur  des 
données  géologiques  et  archéologiques;  à  partir  du  VIIe,  il  s'agit  surtout 
de  commenter  des  textes  historiques.  A  coup  sûr  un  grand  nombre  restent 
encore  cachés  dans  les  dépôts  d'archives;  à  leur  défaut  ou  ne  peut 
qu'essayer,  à  l'aide  des  documents  publiés,  de  dessiner  les  grands  traits 
de  celle  lutte  entre  la  terre  et  l'eau,  d'où  sortit  la  plaine  maritime  *. 


1  Cf.  Winkler,  Considérations  géologiques  (Areh.  Musée  Teyler,  V,  1880,  pp.  10-72, 
1  carte). 

2  C'est  sur  les  documents  écrits  qu'il  faut  s'appuyer,  et  non  sur  les  cartes  de  l'état 
du  pays  aux  différents  sièeles.  Les  fameuses  cartes  de  la  Flandre  au  XIII*  siècle, 
conservées  aux  Archives  de  la  Flandre  Orientale  à  Gand,  et  qui  procèdent  toutes  d'un 
même  type,  ne  méritent  aucune  confiance.  Naïvement,  elles  tracent  les  cours  d'eau  du 
Franc  suivant  leur  direction  actuelle,  mais  n'osent  pas  les  pousser  plus  loin  que 
l'endroit  ou  ils  rencontrent  aujourd'hui  la  mer,  tandis  qu'elles  dessinent  la  cote 
beaucoup  plus  loin  au  large.  Ou  ne  peut  guère  accorder  quelque  confiance  qu'aux 
canes  du  pays  depuis  le  XVI"  siècle.  Excellent  catalogue  dans  :  Pejardin  (A.).  Cane^ 
de  la  Flandre  ancienne  et  moderne,  plans  de  la  ville  de  Gand  (Gand,  Hebbelynek. 
18(>7,  in -8".  220  p.).  Pour  les  cartes  de  Flandre  depuis  le  XYP  sièele,  on  peut  y  joindre 
les  figures  de  l'ouvrage  de  Sanderus  (Flandria  lllustrata).  et  de  Smallegange  (Cronyk 
van  Zeeland),  la  carte  de  Menator.  celle  de  Pourhus,  les  atlas  de  de  Wit  (Niem 
kaerto-boeck  van  de  XVII  Nederlands  Provincie,  Amsterdam,  hij  Fred.  de  YVidt, 
s.  d.),  Sanson  (Atlas  nouveau  ilu  voyageur  pour  les  17  province-,  des  Pays-Has., 
Amsterdam.  Mortier,  s.  d.),  Fncx  (Table  des  cartes  des  Pays-Has  et  des  frontières  de 
France,  Hruxelles,  Fricx.  1712,  7!'  c).  la  belle  carte  topographique  de  Ferraris,  etc. 

Les  principaux  travaux  à  consulter  sont  :  Guérard  (H.),  Cartulaire  de  l'abbaye  do 
St-Rertin  [Cartulaires  de  Folcuin  et  de  Simon].  (Paris,  1840,  in-4")  ;  —  Haigneré  et 
Rled,  Les  Chartes  de  St-Rertin  d'après  les  cartulaires  de  dom  de  Witte  (St-Onier, 
1880-811,  4  vol.  in-43)  :  —  Pruvost  (A  ),  Chronique  et  Cartulaire  de  l'abbaye  de 
Rergues  St-Winoe,  de  l'ordre  de  St-Renoit  (Rruges,  1875-1878,  Soc.  d'Km.,  2  vol. 
in-4°,  883  p.)  :  —  Van  l.okeren,  Chartes  et  documents  de  l'abbaye  de  St-Pierreau  mont 
Rlandin  (Gand,  1871,  2  vol.  in-4-)  ;  —  Yan  de  Putte  (F.).  Annales  abbatiae  S.  Pétri 
Rlandiniensis  (Gand,  Annoot-Rraeckman,  1S42,  in  -4%  208  p.);  —  Cronica  et  Cartulariuni 
monasierii  do  Punis  (Pruges.  Soc.  d'Km.,  1804,  in-4",  XIX  -f  KW  -f  23  p.);  — 
Mussel  v  et  Molilor,  Cartulaire  de  l'ancienne  église  collégiale  de  Notre-Dame  de  Courirai 


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LA  NATURE  DE  L'INVASION  MARINE 


151 


II. 

ASSÈCHEMENT  DE  LA  PLAINE  :  Y'-XII"  SIÈCLES. 

Du  Ve  au  milieu  du  VII'  siècles,  depuis  l'apparition  de  la  Notice  des 
dignités  (vers  400)  jusqu'à  l'année  (548,  soit  pendant  250  ans,  c'est  la  nuit 
complète.  La  mer  travaille  silencieusement  dans  les  Wadden  flamands. 
Il  semble  que  le  désert  se  soit  fait  jusque  sur  les  bords  de  la  plaine 
inondéo.  Pas  de  mention  de  villages  sur  cette  côte  :  les  habitants  ont 
peut-être  fui,  craignant  que  la  mer  ne  continuât  son  lent  mouvement 
d'invasion.  Derrière  le  rideau  de  forêts  qui  va  d'Anvers  à  Dixmudo,  par  le 
pays  de  Waes,  le  Meetjesland,  les  bois  et  bruyères  de  Thourout  et 
d'Houthulst,  les  Francs  s'établissent  dans  les  vallées  de  la  Lys  et  de 


(Gand,  Annoot-Braeckman,  1N^>,  in-4",  434  p.)  ;  —  de  Coussemaker  (I.),  Cartulaire  do 
l'abbaye  de  N.-D.  de  Bourbourg  (Lille,  Diicoulombier,  1882-iJl,  3  vol.  in-8u);  —  Haut- 
cœur  (E.).  Cartulaire  do  l'église  collégiale  de  St-Pierre  de  Lille  (  Lille,  Quarré,  lxlt'i, 

2  vol.  in-8»)  ;  —  (ïilliodts  van  Severen  (L.),  Inventaire  «les  archives  de  la  ville  de  Bruges 
(Bruges.  I87«î,  in-4",  t  vol.  Introduction,  (î  vol.  texte.  1  vol.  table);  —  Delepierre  (0.) 
etPriem  (F.).  Précis  analytique  des  documents  que  renferme  lo  dépôt  des  archives  de 
la  Flandre  Occidentale  (Bruges,  lK40-IH'i!»,  2  séries  de  3  et  »i  vol.  in-Hn)  ;  —  Coutumes 
des  Pays  et  Comté  de  Flandre  :  Quartier  de  Bruges  :  Coutumes  de  la  ville  de  Bruges 
(Bruxelles,  |K7'i-7.*>.  2  vol.  in-4°);  Coutumes  du  Franc  de  Bruges  (Bruxelles.  I87.I-H0, 

3  vol.  in  î  'j  ;  Coutumes  du  Bourg  de  Bruges  (Bruxellos.  1KK3-K~s  3  vol.  in-V')  :  Coutumes 
de  Li  Prévôté  de  Bruges  (Bruxelles,  |ss~,  2  vol.  in-'iu);  Coutumes  des  Petitos  villes  et 
seigneuries  enclavées  (Bruxelles,  1 81(0-1  »2,(ï  vol.  in-4".):  —  Quartier  tic  Fûmes  :  ('ont  unies 
de  la  ville  et  chàtellenie  de  Furnes  (Bruxelles,  IKK7-1W,  î  vol.  in-V")  :  Coutumes  de  la 
ville  et  du  port  «le  Nieuport  (Bruxelles,  100 1,  1  vol.  in-V):  Coutumes  «!«•  Lomharsidc, 
Loo  et  Poperinghe  (Bruxelles,  1002,  1  vol.  in-'i°)  :  —  Kluit,  Historia  critica  comitatns 
Hollandiae  et  Zeelantliae  ab  antiquissimis  inde  deducta  temporibus  (Medioburgi. 
Gillisscn,  1777-K2,  2  vol.  in-4")  :  —  Dresselhuis  (J.  ab  l'treclui,  De  Provincie  Zeelan.l, 
in  hare  aloude  gesteldheid  en  geregelde  vorming  beschouwd  (Middelburg.  Abrahams, 
IS'O,  IV  -f  151  p.,  1  carte);  —  Roos  ((î.  P.),  Bekuopt  geschied-en  aardrijks-kundig 
woordenbock  van  Zceuwsch-Vlaanderens  weestelijk  deel  ((  lostburg,  Bronswijk.  1  HT 4 , 
in-*\  SJ'i  p.)  :  —  Haigntré  (D.),  Dictionnaire  topographique  ■!«•  la  France  comprenant 
le*  noms  de  lieu  anciens  et  modernes  :  Arrondissement  de  Boulogne-  s  mer  (Méin.  Soc. 
Ac.  Bout.,  XI,  IHK^,  (]\IA  -f  392  p.);  —  Courtois  (A.),  Dictionnaire  géographique  «le 
l'arrondissement  de  St-Omer  avant  1785»  (Mém.  Soc.  Ant.  Mor..  XIII,  1N?.I|;  — 
Mannier,  Etudes  étymologiques  historiques  et  comparatives  sur  les  noms  des  villes, 
boorps  et  villages  du  département  «lu  Nord  (Paris.  Anbry,  tNlil,  in-8",  3H">  p.)  ; — 
Chotin  (A.-C),  Etudes  étymologiques  sur  les  noms  de  lieu  de  la  Flandre  occidentale 
lAnn.  S.  H.  Ypres,  VII,  187(5,  pp.  18T>-328  et  VIII,  1*78,  pp.  1  -T>! #>  ;  —  De  Smet,  Essai 
sur  l'étvmologie  des  noms  do  villes  et  communes  des  deux  Flandres  (Mém.  Acad.  Brux. 
XXVI,  1851,  41  p.). 


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i:»2  FORMATION  DE  LA  PLAINE  MARITIME 

l'Escaut;  ils  ne  se  risquent  pas  plus  à  travers  cette  solitude  boisée  que 
dans  les  fourrés  de  la  Charbonnière.  Ce  n'est  qu'au  VIIe  siècle  que  des 
établissements  humains  sont  indiqués  le  long  de  la  côte:  Sithiu,  le  futur 
St-Onier,  est  occupé  en  CiS  par  St  Berlin  1  ;  Oudenbourg,  la  «  vieille 
forteresse  »,  reçoit  la  visite  de  St  Eloi  !  ;  Bruges  s'élève  peut-être  déjà  au 
fond  de  l'estuaire  du  Zwin.  On  ne  pouvait  espérer  trouver  des  habitants 
dans  la  partie  émergée  de  la  plaine  tant  que  l'homme  ne  serait  pas  revenu 
sur  ses  bords.  Il  ne  resto  guère  de  cette  époque  qu'un  témoin  archéolo- 
gique :  un  bateau  trouvé  près  de  Bruges,  sous  trois  mètres  de  sédiments, 
et  dont  on  fait  un  bateau  saxon  du  VIe  siècle,  échoué  dans  une  crique 
des  Wadden  3. 

Pendant  ces  ^50  années,  la  marée  poussait  activement  le  comblement 
de  la  région  inondée.  Elle  déposait  ces  petits  lits  argilo-sableux  bien 
stratifiés  que  MM.  ('.osselet  et  Kutot  ont  reconnus  à  la  base  des  dépôts 
modernes.  Etant  donné  la  faible  épaisseur  de  la  tranche  d'eau  et  les 
conditions  spéciales  de  l'inondation,  le  comblement  devait  se  faire 
rapidement,  à  l'abri  des  îles  qui  constituaient  des  brise-lames  derrière 
lesquels  les  flots  pouvaient  se  décanter  tranquillement.  Pour  que  des 
localités  pussent  apparaître,  comme  on  le  verra,  dès  le  début  du  IXe  siècle 
au  beau  milieu  de  la  plaine,  il  faut  que  l'envasement  ait  été  rapide,  car  il 
dut  s'écouler  encore  bien  des  années  avant  que  des  habitants  osassent  se 
risquer  sur  un  sol  tout  neuf,  qui  restait  à  la  merci  des  hautes  marées. 
Aussi,  tandis  que  le  sable  continuait  à  se  déposer  dans  les  chenaux,  des 
sédiments  de  plus  en  plus  fins  s'accumulaient  sur  les  parties  élevées, 
formant  cotte  argile  grise  romplie  iVHyrtrohitr  ulvae  que  l'on  trouve  à  la 
partie  supérieure  des  couches  de  la  plaine,  et  qui  constitue  la  plus  grande 
partie  de  son  sol.  Bientôt  ces  dépôts  argileux,  que  les  paysans  zélaudais 
appellent  blikken  paire  qu'on  voit  luire  au  soleil  la  grève  laissée  à  sec, 
furent  assez  élevés  pour  que  les  plantes  marines  pussent  commencer  à  y 
croître  ;  à  leur  suite  l'herbe  paraît  lorsque  l'eau  salée  n'inonde  plus  le 
sol  que  pendant  un  quart  du  temps  de  la  marée,  et  l'on  obtient  ces  prés 
marins  que  l'on  appelle  des  schorres,  vasles  laisses  de  mer  couvertes 
d'une  végétation  épaisse,  aux  couleurs  gris  et  vert  sombre,  coupées  d'un 
lacis  de  criques  tortueuses.  Ainsi  le  bras  de  mer  s'envase  de  lui-même,  et 
finit  par  accumuler  ses  alluvions  jusqu'au-dessus  du  niveau  des  hautes 
marées  ;  la  plaine  a  donc  pu  sortir  de  la  mer  sans  qu'il  y  ait  besoin 


*  Haigncré,  St-Uertin,  L  |>.  I,  n'  1. 

*  Act.  SS.  Holg.,  111,  p.  22î*. 

3  Jouckhceru,  L'Origine  «le  la  côte,  2*  partie.  Surtout  pp.  8-11  et  14-15. 


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LES  PREMIÈRES  LOCALITÉS  :  VII--V  SIÈCLES 


ira 


d'expliquer  l'assèchement  par  une  oscillation  du  sol.  Aujourd'hui  encore, 
la  plus  grande  partie  de  ce  sol  n'est  guère  qu'à  la  hauteur  dos  hautes 
mers  ;  sans  les  digues  et  les  dunes,  «die  pourrait  être  inondée  par  quelques 
grandes  marées. 

Aussi,  par  crainte  de  ces  retours  offensifs,  les  premiers  hommes  qui 
s'aventurèrent  à  mener  leurs  moutons  sur  les  pâturages  des  schorres 
prirent-ils  la  précaution  d  élever  ça  et  là  des  tertres  de  refuge,  huttes  qui 
atteignent  île  7  à  10  mètres  de  hauteur  en  Zélande,  et  où  l'on  peut  s'établir 
pour  laisser  passer  la  marée;  ce  sont  les  Terpen  «.  La  mer  est  revenue 
visiter  la  base  des  terpen ,  puisqu'on  ne  voit  plus  trace  à  leur  pied  des 
excavations  où  on  a  pris  les  matériaux  de  la  butte,  ce  qui  indique  que  la 
marée  les  a  comblées.  Tu  de  ces  monticules  de  refuge  se  voit  encore  près 
de  Steene  (Belgique),  et  porte  le  nom  de  de  Sicile  *  ;  on  en  a  fait  explorer 
un  autre  à  Vlisseghem  *. 


Les  premières  localités  :  VIT  -  X'  siècles. 

A  partir  du  milieu  du  VII0  siècle,  des  noms  do  localités  com- 
mencent à  apparaître  dans  la  plaine  maritime,  fournis  par  les  cartu- 
laires  des  grands  monastères,  St-Berlin,  St-Pierre,  St-Havon,  ou  parles 
vies  des  saints,  ('es  données  sont  d'un  maniement  délicat.  La  présence  d'un 
nom  de  lieu  h  telle  date  prouve  seulement  que  la  localité  existait  a  cette 
date,  mais  n'indique  pas  à  quelle  époque  elle  a  commencé  d'apparaître. 
En  général,  on  peut  cependant  tenir  pour  certain  que  les  données  fournies 
par  ces  cartulaires  sur  l'époque  approximative  où  apparaissent  les  localités 
ont  de  la  valeur;  on  peut  s'en  assurer  en  comparant  les  dates  données 
pour  les  villages  des  bords  de  l'Escaut  et  pour  ceux  de  la  plaine 
maritime;  entre  700  et  1050  le  cartulaire  de  St-Pierre  dedand  mentionne 
environ  80  paroisses  de  la  Flandre  intérieure,  contre  lô  de  la  région 


1  Cf.  Mathieu,  Sur  les  huttes  de  terre  «le  la  Zélande  (Mém.  Soc.  antiq.  Franco.  II, 
1820.  pp.  I'i3-I.~>4); —  Cumont  (<;.),  L-s  tertres  *!■  *  refuge  de  la  Zélande  (Ami.  Soe. 
Areh.  Hrux.,  XII,  lSîft*,  pp.  21'.>-22!')  ;  résume  un  hon  article  de  De  Man.  paru 
dans  les  Archives  de  la  Société  zélandaise  des  Sciences,  sur  les  collines  ou  tertres  de 
refuge  de  Sehouwen,  Ueveland  et  Tholen  (Middelhurg,  Alterner,  1H!»7,  in-S',  142  p., 
1  carte). 

2  De  Loë  (A.),  Rapport  sur  les  fouilles  exécutées  par  la  Soc.  d'Arch.  de  Hruxelles 
pendant  l'exercice  1ÎKX)  (Bruxelles,  Yrotnant,  iiJUl,  23  p.),  p.  t."). 

3  De  Loë  (A.),  Rapport  sur  les  fouilles  de  ÎSUJ,  pp.  '.MO. 


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\m'  formation  dk  la  plaink  maritime 

poldérienne,  tandis  que  la  proportion  se  renverse  après  la  IXe  siècle 
Il  reste,  il  est  vrai,  la  crainte  que  la  découverte  d'une  pièce  nouvelle  ne 
vienne  bouleverser  des  résultats  qu'on  croyait  acquis  ;  il  faut  donc  tenir 
ces  données  pour  provisoires,  et  s'attacher  surtout  aux  ensembles. 

A  l'année  618  apparaissent  donc  à  la  l'ois  b>on  et  Synthe,  réunies  dans 
le  vocable  Losantanas  »,  que  tous  les  érudils  identifient  avec  «  Loon  ad 
Senlenas  »  9  ;  d'ailleurs  l'abbaye  de  St-Bertin  possédait  en  effet  des  biens 
à  Loon,  qui  reparait  en  877  sous  la  forme  Loom  ad  Sentinas  »,cn  1040  et 
107Ô  (Lho  et  Lon)  s,  et  est  encore  indiqué  dans  îles  chartes  de  1211  et 
1212 b.  Les  parties  élevées  qui  bordent  aujourd'hui  la  mer  auraient  donc 
été  peuplées  les  premières.  Constatation  confirmée  par  d'autres  textes 
qui  font  apparaître  aussitôt  après  Loon  les  îles  de  Wulpcn  7  et  de 
Walchercn.  C'est  vers  695  que  d'après  Alcuin,  qui  écrivait  un  siècle  plus 
tard  la  vie  du  saint,  le  bienheureux  Willibrord  fondait  une  église  à 
Wulpen  et  abordait  dans  une  île  du  nom  de  Walchercn  8.  De  même  que 
pour  I/>on,  on  retrouve  au  IXr  siècle  Walchercn,  mentionnée  comme  une 
île  dans  laquelle  débarquent  les  Normands  en  8!}79.  Si  l'on  songe  qu'a  la 
même  époque  (VIIe  siècle)  la  station  de  la  Panne  était  habitée,  et  que 


I  Do  même  «huis  les  listes  que  donne  le  travail  de  Vlaminck  (A.  de),  La  Ménapie  et 
la  Flandre  (Ami.  Sue.  d'Arch.  de  Belg...T  série,  t.  IV,  p.  M)  sqq.) 
î  Haigneré.  St-Bertin,  I,  p.  1,  ir>  t. 

3  Haignerë.  St-Bertin,  ibid.  ; —  de  Coussemakcr  (K.).  Documents  historiques  sur  la 
Flandre  maritime  :  l*r  fascicule.  Résumé  analytique  des  chartes  du  grand  cartulain-  de 
St-Bertin  relatives  à  la  Flandre  maritime  (Bull.  Corn.  11.  Fr.,  V);—  Mannier,  Ktudes 
étymologiques,  p.  2T>;  —  Bigaux  (H.),  Topographie,  pp.  l'.K>l«.i7  ;  —  Bigaux  <E.i, 
Quelques  noms  de  lieu  du  Cartulaire  de  Folquin  (Bull.  Soc.  Ac.  Boni.,  V.  ISiU-lC», 
pp.  r>!i'i-3.X)). 

*  Cucrard,  St-Bertin,  p.  l^i. 
Ibid.,  pp.  -'i  et  :ti,      70  et  S3. 

Ibid..  pj».  t£0  et  Z*.K  n"'  ."»U>  et  ."^.'1.  Bemarqucr  que  jusqu'au  XII'  siècle  il  n'est 
pas  question  do  Mardick,  situé  entro  Loon  et  Synthe,  et  dont  on  a  voulu  quelquefois 
faire  un  grand  port  île  l'époque  romaine,  qui  se  serait  maintenu  jusqu'en  îrvJO. 

~  11  >'agit  ici  de  l'ile  de  Wulpen,  disparue  aujourd'hui,  et  dont  le  banc  du 
Paardcmarkt,  le  long  de  la  côte  de  Kad/.and,  semble  indiquer  l'emplacement.  Il  n'e>t 
nullement  question,  comme  l'a  cru  Hein.lerickx  (Jaerboeken  van  Veurnc  en  Veurnam- 
baeht,  P  Beel.  p.  .Tu,  du  village  de  Wulpen  près  Fumes,  qui  parait  seulement  au 
XII1'  siècle.  Cf.  (ïilliodis  van  Severen.  Coutumes  de  Furnes,  I,  p.  2T>. 

*  «  Venit  ad  quamdam  insulam  Walachrum  noniine  ».  (Migi.e,  Palrologia.  CI, 
p.  7(12).  La  forme  insulam  est  de  Mabillon.  Mijjnc  écrit  «  villum  ». 

»  Annales  Bertiniani.  nnno  837  (M.  (i.  SS.,  I,  p.  i.'iO).  |,a  Pc  mention  des  îles  de 
Zélande  serait  de  (TH,  dans  le  testament  de  (iertrude,  fille  de  Pépin  de  Lmden 
(Miracus,  Opéra  diplomalica  et  historica,  éd.  Foppens,  1,  1723,  p.  «v>4). 


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LKS  l'RKMIKRKS  LOCALITÉS  :  VIF-X»  SIKCLKS 


I.» 


Marek,  dont  le  nom  reparaît  en  877  n'avait  peut-être  pas  cessé  de 
l'être  depuis  l'an  100,  on  s'aperçoit  que  les  premières  parties  habitées 
furent  bien  cette  ligne  de  terres  hautes  que  la  mer  avait  fractionnée  en  un 
long  archipel  semblable  aux  îles  frisonnes.  Face  au  «large,  des  dunes  avec 
leur  végétation  particulière  d'argousiers  et  d'oyats;  vers  la  plaine 
inondée,  des  schorres  asséchés,  coupés  d'anciennes  criques  zigzaguant 
dans  tons  les  sens,  tantôt  larges,  tantôt  étroites  et  profondes;  entre  les 
dunes  et  les  schorres,  le  village  aux  maisons  jetées  comme  au  hasard, 
séparées  par  des  pistes  de  sable  et  des  clôtures  de  bois,  entourées  de 
peupliers  et  de  saules  penchés  sous  l'effort  du  vent;  l'aspect  fruste  et 
pauvre  d'un  hameau  de  montagne.  Ainsi  se  présentent  aujourd'hui  les 
îles  frisonnes,  Ameland,  Sehiermonnikoog  :  il  est  probable  qu'il  en  fut  de 
même  pour  les  anciennes  îles  flamandes;  et  le  village  actuel  de  Loon, 
avec  ses  petites  maisons  exiguës,  ses  jardins  enclos  de  haies  et  bordés  de 
saules,  dominés  par  des  peupliers  tordus,  son  air  de  bocage  poussé  dans  le 
sable,  ressemble  encore  à  Nés  ou  Ballurn,  les  villages  de  l'île  d'Ameland  2 
(phot.  18). 

Après  les  îles,  de  nouvelles  terres  émergent  définitivement  vei-s  le  Sud, 
contre  le  bord  de  la  plaine.  Aardenburg  est  mentionné  en  707  3  ;  une 
tradition  veut  même  que  St  Kloi  y  ait  prêché  l'Evangile  en  (ii9  1  ;  un  peu 
plus  loin,  la  ville  d'Oostburg  aurait  été  visitée,  entre  7(M)  et  713,  par 
Si  (Trsmar,  qui  y  trouve  400  milites  de  mœurs  rudes  et  de  passions 
sauvages5.  1^'  territoire  entre  ces  deux  villes  semble  d'ailleurs  complè- 
tement émergé  à  la  fin  du  VIIIe  siècle  :  en  793,  donation  à  l'abbaye  de 
St-Picrre  du  schorre  de  Cumbescura  près  d'Oostburg  fi  ;  entre  XI 1  et  871», 
le  Pages  Rodensis,  ou  région  d'Aardenburg,  nous  paraît  entièrement 
constitué,  avec  ses  schorres  de  Yaeke,  Locwirde,  (îreveninge,  sur  lesquels 
paissent  des  troupeaux  de  moulons,  sa  rivière  de  l'Absentia  (tëedc  ?),  et 


1  (imrard,  St  Berlin,  p. 

2  D'après  Chèvrcmont  (l^a  Mouvements  du  sol.  ete.,  pp.  ^ftM^iX),  un  aneien 
b* >urr«îl«* t  littoral  aurait  subsiste'  dans  le  golfe  du  Couesnon  inondé  .tu  \°  siècle,  et  là 
s'établit  dés  te  \c  si«*vle  le  village  de  St  Henoit  des  Ondes.  —  Kn  Hollande,  le 
peuplement  a  eommeneé  .'gaiement  parla  région  des  dunes:  Kgmont  est  de  fîilî, 
Alkmaar  de  «7*,  Haarlem  de  1177.  ave.-  Nonlwijk.  Ileiln.  Sassenbeim.  (Cf.  Kluit. 
Ilistoria  eritica.  pp.  (i-.Tfl). 

3  Van  Lokeren,  St-I'ierre,  L  p.  7,  n" 

4  Warnkônig,  Flandrisebe  Stuns-  und  Rechts-fiescbichto,  lus  znm  .labre  I :<0T» 
(Tubuigen.  ISS>  vol.  in-S>),  IIL  p.  X>. 

s  Yiia  S.  I" remari,  Actn  SS.  Holl.,  Aprilis.  11,  p.  ">7(i. 

>>  Van  de  Hutte.  Annalos  S.  l'etri  Hlandiniensis,  Chronicuu,  p.  i. 


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FORMATION  RK  I.A  PI.AINK  MARITIME 


le  bras  de  nier  qui  en  840  s'avance  encore  jusque  vers  Adegem  1  ,  à  la 
limite  Su»!  de  la  plaine. 

Mais  on  môme  temps,  dans  tous  les  coins  du  pays  inondé,  et  jusqu'au 
milieu  des  Wadden,  surgissent  des  villages.  Au  Nord  de  Bruges,  Dudzeele 
existe  en  830  i .  Dans  le  golfe  de  l'Yser,  Lampernisse  est  indiquée  en 
857  3  ;  [dus  loin  Furnes  groupe,  vers  8(iU,  quelques  habitations  autour 
d'un  château  destiné  â  repousser  les  Normands  4  .  Guemps,  derrière 
Coulogne,  est  signalé  en  820  5  ;  sur  son  banc  de  galets,  Coulogne  parait 
en  891  6  ;  il  est  question  de  Marck  en  877  7  ;  Holque,  sur.  son  îlot,  est 
probablement  de  la  même  date8.  Chose  intéressante:  parmi  ces  localités, 
il  y  en  a  qui  sont  établies  sur  des  endroits  élevés,  asséchés  de  bonne 
heure  ou  à  l'abri  de  l'inondation,  Holque,  Marck,  Coulogne,  Guemps; 
mais  les  autres  sont  situées  à  des  altitudes  moyennes  ou  basses  (Lamper- 
nisse), ce  qui  semble  indiquer  que  l'assèchement  était  déjà  très  avancé. 
D'ailleurs  c'est  le  moment  où  les  bords  de  la  plaine  se  couvrent  de 
villes  et  de  villages,  dont  les  habitants  trouvent  évidemment  des  res- 
sources sur  les  nouvelles  terres  émergées  :  (iuines,  Ruminghcm,  Millam, 
Drincham,  Steene,  Bergues,  Vinckem,  Oudenbourg  »  ;  Bruges  est  déjà 
une  ville  commerçante,  où  l'on  frappe  des  monnaies  à  l'effigie  de  Charles 
le  Chauve. 

Il  est  donc  à  peu  près  certain  que  l'ensemble  de  la  plaine  était  asséché 
à  la  (in  du  IXe  siècle.  Sans  s'arrêter  à  cette  date  brutale  de  8i()  que  l'on 
lixe  parfois  comme  la  fin  de  la  période  de  submersion  10,  on  peut  dire 
que  la  région  poldérienne  est  à  ce  moment  sinon  habitée,  du  moius 


i  «  Res  suas  supra  mare  in  Addingahim  »  (Van  de  Putte,  Chronicon,  p.  ">).  Pour  les 
.•mires  noms  de  lieu,  voir  Chronicon  aux  pages  70,  78,  71».  SU.  81,  82. 

5  Van  l.okeren,  St-Pierre,  I,  p.  11,  n°  0. 

3  Haigneré,  St-Rertin,  I,  p.  VA,  n"  30. 

»  Gilliodts.  Coutumes  de  Fumes,  I,  p.  25.  Cf.  dans  Guérard,  Si-Rertin,  p.  124  :  «  in 
Kurnis  ».  dipl.  de  877. 

5  Haigneré.  St-Rertin.  I,  p.  10,  n'J  30. 

6  Haigneré,  Quelques  chartes  de  l'abbaye  de  Samer.  —  Mém.  Soc.  Ae.  Roui.,  XII, 
p.  S «8,  note  2. 

'  Guérard,  St-Rertin,  p.  124. 

8  Ibid. 

*J  Pour  les  références,  cf.  Guérard,  St  Hertin.  pp.  80-124;  Malou  (.1.-R.).  Chronique 
du  monastère  d'Oiidenbourg  (Hrugos,  Soc.  d'Kni.,  1840,  2  vol.  iu-V),  I,  p.  3i. 

<o  Rutot,  Antiquités  découvertes,  p.  (i;  Esquisse  d'une  comparaison,  p.  88. 


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X'  ET  XP  SlKCLES:  RSTI'AIRES,  DIGUES.  DI  NES 


abandonnée  par  les  eaux.  Il  n'y  en  a  pas  de  meilleure  preuve  que  l'appa- 
rition, pendant  le  Xe  siècle,  d'un  grand  nombre  de  localités 

X'  et  XP  siècles  :  Estuaires,  digues,  dunes. 

De  l'Ouest  à  l'Est,  on  voit  surgir  en  Petresse,  le  futur  St-Pierre-lès- 
Calais  ;  Oye  en  91  i  ;  Hourbourg  entre  9S7  et  995  ;  Teteghem  en  904  et 
l'xem  en  9S1  ;  Ix)o  en  944  ;  Leffinghe  en  988,  et  Testerepb,  à  peu  de 
dislance  de  l'emplacement  d'Ostendo,  en  i)92.  Le  groupe  du  Nord  de 
Bruges  prend  de  l'importance  :  Meetkerke,  Houttavo,  Vlisseghem,  Lisse- 
weghe,  l'ytkerke,  Oostkerke,  Lapscheure,  apparaissent  entre  901  et  988. 
I.e  Pagus  Rodensis  étend  au  delà  d'Oostburg  ses  prés  salés  vers  Ijzendijke 
et  Galcrnisse  (98 i)  ;  l'île  de  Wulpen  reparait.  Enfin  pour  la  première  fois 
on  soupçonne  des  terres  habitées  à  l'Est  d'Aardenburg  :  au  milieu  du  siècle 
on  mentionne  les  Quatre-Métiers  ;  les  environs  de  Watervlietsonl  signalés 
en  972;  lioterzand,  au  N.-E.  du  liraakman,  est  de  990,  Axel  de  991,  s'il 
n  est  pas  de  821  comme  l'indiquerait  une  charte  citée  par  Sanderus. 
Mais  il  est  probable  que  beaucoup  de  ces  terres  élevées  au-dessus  des 
hautes  mers  n'étaient  pas  encore  habitables.  Los  eaux  douces,  s'attardant 
dans  les  dépressions,  cherchant  leur  voie  sur  ce  sol  sans  pente,  tonnaient 
de  nombreux  marais.  Les  mots  marisei,  prata,  pastoralia,  bientôt  le  terme 
moer.  indiquant  la  présence  de  prés  bas  et  de  marécages,  sont  nombreux 
dans  les  chartes.  Enfin  il  y  a  encore  sur  la  plaine  des  bras  de  mer, 
qui  sont  pour  la  plupart  des  estuaires. 

Nous  possédons  deux  moyens  de  connaître  ces  estuaires  du  Xe  siècle. 
1^  premier  est  de  s'en  tenir  à  l'altitude,  et  de  chercher  les  parties  basses 
où  la  mer  s'est  évidemment  maintenue  le  plus  longtemps  ;  le  second  est 


•  Petresse  :  Haigneré,  St-Hcrtin,  I,  p.  111,  rr  62  ;  —  Oye  :  Vie  de  St  Wandrogisilus, 
Acta  SS.  Boll.,  Julii.  V,  pp.  21)8-300  ;  —  Hourbourg  :  Van  Lokeren,  St-Pierre,  L  p.  50, 
ir  (53;  —  Teteghem  :  Ibid.,  I,  p.  38.  n"  35  ;  —  l.'xero  :  Ibid.,  I,  p.  50,  n°  53  :  —  Leffinghe 
••t  \  li--tgh.Mn  :  Le  Vasseur,  Annales  de  l'Eglise  de  Noyon  (Paris,  1033,  in-4  '),  p.  734  ; 
—  T'M.  rcpli  :  Van  Lokeren,  St-Pierre,  I,  p.  00,  n°  71  ;  —  Loo,  Meetkerke,  Houttave, 
Lixoweghe,  L'ytkerke,  Oostkerke,  Wulpen  :  dans  la  charte  d'Arnoul  le  Grand  érigeant 
la  Prévôté  de  St-l)onat,  reproduite  dans  Gilliodls,  Coutumes  de  la  Prévôt*!-  de  Si-Donat 
à  Bruges,  II,  pp.  3-H  ;  —  Oosiburg  :  Van  Lokeren,  St-Pierre,  I,  p.  25,  nJ  18  ;  —  Ijzendijke 
et  Gatenns.se  :  acte  inconnu  cité  par  Sanderus,  Klandria  illiistrata,  IL  p.  207  ;  —  les 
Quatre-Métiers:  Vanderkindere,  Formation  territoriale  des  principautés  belges,  1, 
[>.77:  —  Osthold  près  Watervliet  :  Van  Lokeren,  St-Pierre,  I,  p.  VI,  n  'i7  ;  — 
Boter/and  :  Ibid.,  I,  p.  00,  n'  (?.)  ;  —  Axel  :  Ibid.,  I,  P-  6»,  n8  "0  ;  cité  en  821  dans  une 
charte  de  Louis  le  Pieux,  reproduite  dans  Sanderus,  Flandna  illustrât»,  II,  p.  220. 


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FORMATION  I)K  I.A  1M.AINK  MARITIME 


de  s'adresser  aux  textes.  Les  plus  basses  terres  s'étendent  de  la  Bredenarde 
à  Calais,  le  long  des  rotes  crayeuses;  au  Sud  de  Dunkenjue,  de  1  {orgues 
jusqu'au  fond  des  Moëres  ;  dans  le  golfe  de  h>o,  où  certaines  parties  ne 
sont  guère  qu*jiu  nive;ru  moyen  de  la  nier  ;  dans  les  tnoeivs  de  Ghistelles, 
et  le  long  du  Houtland  entre  Oudenbourg  et  Bruges;  enfin  vers  Damme, 
Moerkerke  et  Westeapelle  Or  ce  sont  bien  là  les  emplacements  que  les 
documents  historiques  assignent  aux  anciens  golfes.  Dans  l'Ouest,  le 
cortège  qui  transporte  de  Boulogne  à  Bruges  les  reliques  des  saints 
Ausbert,  Wulfran  et  Wandrille  (944)  trouve  a  Fretbun  nu  golfe;  «  villa 
Woretha  secus  mare  sita  est  »  :  et  la  mer,  dans  une  furieuse  tempête, 
menace  d'envahir  le  rivage,  ce  qui  indique  qu'il  était  encore  fort  bas  !.  O 
golfe  (alveus)  qu'on  appelle  la  Neuna,  le  cortège  le  traverse  le  lendemain, 
à  marée  basse  évidemment,  pour  gagner  Oye  où  l'on  fait  étape  3.  Après 
Oye,  on  va  jusqu'à  Bergues  sans  qu'il  soit  question  d'un  estuaire  aux 
bouches  de  l'Aa  ;  c'est  que  cette  baie,  qui  existait  pourtant  encore  au 
XIIIe  siècle,  était  déjà  de  dimensions  assez  restreintes  pour  qu'on  pût,  entre 
Oye  et  Bergues,  l'éviter  sans  faire  un  trop  grand  détour  vers  le  Sud.  Au 
contraire  la  mer  vient  jusqu'il  Bergues,  comme  l'indique  un  texte  de  1107, 
confirmant  la  possession  d'une  bergerie  de  cent  tètes  à  Bergues  au  bord 
de  la  mer  (juxta  mare)  4,  et  un  autre  de  981,  où  Bergues  est  encore  indi- 
quée comme  située  dans  la  Gorsta  (?)  sur  la  mer8.  Or  cette  Gersta,  où 
l'on  trouve  un  bras  de  mer,  s'étend  vers  l'xem,  comme  en  témoignent 
des  documents  de  9SI  et  1037  '"'  ;  il  est  donc  probable  que  cette  crique,  par- 
les terres  basses  qu'assèchent  aujourd'hui  les  «  anaux  des  ChaLs  et  des 
Glaises,  joignait  à  lit  mer,  vers  Synth»',  la  dépression  des  Moëres.  Au 
delà  s'étendait  le  golfe  de  l'Yser,  qui  remontait  encore  dans  les  terres  au 
moins  jusqu'à  la  hauteur  de  Loo  ;  la  procession  de  94  île  traversa  à  un 
endroit  nommé  Driulil,  "  les  trois  branches  ",  vraisemblablement  celui 


«  Vers  l'Est,  les  changements  ont  été  si  considérables  qu'il  est  difficile  .le  retrouver 
dans  lViat  actuel  .les  traces  authentiques  d'un  passe  lointain. 

*  ('eue  rainure  profonde  au  pie.l  des  terres  hautes  rappelle  un  peu  la  fosse  par  ou  la 
marée  sort  du  Zuider/.ée.  à  Nieuwdiep.  Cf.  t]>[.  'M. 

3  «  Mare  funditus  eversum  ita  se  mole  fluctuum  subri^ehat  in  altum,  acsi  divino 
mo\  imperio  terminos  proprios  egressiirum,  et  superfieieni  lerrae  occupaturum  » 
(p.  2M>.  «  Alveum.  quem  dicunt  Neunam.  Sanctorum  suorum  ohsequio  iransveeti...  .» 
(p.  3  KM.  (Acta  SS.  Holl.,  Julii,  V). 

*  Huile  du  pape  I*;iseal  II.  donnée  par  Pruvost,  Berpues,  p.  87. 

5  Van  de  l'utle,  St-I'ierre,  p.  1^1.  «Juxta  castruin  Herga  in  (iersta  supra  mare  ». 

6  Van  Lokeren.  St  Pierre,  1,  p.  ">0,  ir  .\t  et  I,  p.  8Î,  n"  Mit. 


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X*  ET  XI-  SIKGLKS  :  KSTT  AIRES,  DIGUES,  IUNKS  In'.» 

où  la  crique  recevait,  par  des  chenaux  secondaires,  les  eaux  de  l'Yser,  du 
Kemmelbeek  et  de  l'Yperlée.  \x  baie  existait  au  IXe  siècle  sous  le  nom 
d' «  Isère  portus  »  \  ce  qui  indique  que  le  pays  environnant  était  déjà  à 
sec;  la  relation  du  Xe  siècle  précise  que  la  marée  avait  l'habitude  d'y 
|>énétrer,  et  que  la  cavalerie  du  comte  eut  grand  mal  à  la  franchir  *. 

A  l'Est  de  Dixmude,  la  carte  est  beaucoup  plus  imprécise.  11  y  eut, 
semble-l-il,  un  bras  de  mer  devant  Oudenbourg  au  IX"  siècle  3  ;  mais 


Erbellu  de  I  :  1W0  000 

Fig.       —  Essai  de  reconstitution  de  la  Plaine  à  la  fin  du  X"  siècle. 

 Hivage  actuel. 

Extension  maïimn  Je  l'inondation  itu  V*  siocte. 


gagnait-il  la  côte  par  le  Zwin,  ou  par  l'Yser?  L'incertitude  est  complète, 
<  iir  le  murs  d'eau  qui  remplaça  cette  crique,  l'Yperleet,  allait,  presque 
sans  pente,  de  Dixmude  à  Bruges.  Au  delà,  le  vaste  estuaire  du  Zwin 
sépare  Wulpen  du  continent,  et  vient  longer  les  terres  du  Pagus  Rodensis; 
Cumbescura,  localité  toute  voisine  d'Oostburg  4,  est  en  951  au  bord 
d'une  mer  qui  pourrait  bien  être  un  bras  du  Zwin  8.  Peut-être  faut-il 
lui  rattacher  le  bras  de  mer  signalé  en  8i<)  près  d'Adegem  ?  Enfin  après 
le  Zwin,  les  textes  ne  laissent  plus  rien  paraître.  On  en  est  réduit 


i  «  In  sinuin  qui  vocatur  Isère  portus  »  (8-4(1).  (Cuérard,  St-Bertin,  pp.  107-IO<). 

:  «  Ad  alveum  venere,  cognomine  Driulit,  quod  nos  latine  trinum  fluentuni  dicere 
possuniiis.  (lut  scilicet  alveo,  quia  ex  mort*  mare  e.xaestuans  jam  inundnre  cœpit, 
nianhisus  eu  m  omni  exercitu,  magno  equoruin  et  labore  et  sudore  vix  transmeahilein 
h.tbuit  ».  (Acta  SS.  Boll.,  .lulii,  V,  p.  Cf.  un  commentaire,  déjà  vieilli,  de  ce  texte 
dans  :  Cousin  (I,.).  Un  itinéraire  au  X''  siècle  (Mêm.  Soc.  Dunk.,  XVI,  p.  '£H\  sqq). 

3  Oudenbourg  :  «  t  ivitatem  munitam  et  fortem,  quum  juxta  litus  maris  sita  a  barbaris 
(Normands)  crebro  impetebatur»  (Malou,  Chronique  du  monastère  d'Oudenbourg,  p.  'M). 

»  «  In  loco  mincupante  Cumbescura  in  Ostborch...  ».  Van  de  Putte.  St-Pierre,  p.  81. 
5  «  In  loco  mari  proximo,  vocabulo  Cumbescura...  ».  Van  de  Putto,  p.  ÎK).  —  Sur  les 
origine»  du  Zwin,  cf.  ci-dessous  p.  11)1. 


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1*50 


FORMATION  DK  LA  PLAIXK  MARITIME 


aux  conjectures.  I>e  diplôme  d'Otton  II  à  l'abbaye  de  St-I3avon  (976). 
en  mentionnant  Walchoren  et  lîeveland  1  laisse  entendre  que  le  Hont 
existe  bien,  puisque  ces  îles  sont  séparées  de  la  Flandre.  Il  faut  même 
croire  qu'il  avait  déjà  une  certaine  importance,  puisque  la  keure  (loi) 
des  Quatre-Métiers  prévoit  à  l'article  XXIV  le  cas  des  réparations  à  faire 
au  littoral  de  la  mer  s,  et  que  la  mer  qui  borde  les  Quatre-Métiers  ne 
peut  être  que  le  Braakman  ou  le  Hont.  De  même  il  faut  bien  croire 
que  le  Hraakman  existe,  puisque  le  territoire  des  Quatre-Métiers,  distinct 
du  reste  de  la  Flandro,  appartient  à  l'évèché  d'Utrecht  dès  la  fondation 
de  celui-ci  (696)  \  et  qu'au  IXr  siècle  il  fait  partie  de  l'Empire,  tandis 
que  les  villages  de  Hiervliet,  Pieté  *,  situés  de  l'autre  côté  du  bras  de 
mer,  sont  compris  dans  le  Franc  de  Bruges. 

(les  données  sont  encore  bien  imparfaites  ;  néanmoins  elles  permettent 
do  se  faire  une  idée  de  ce  qu'était,  aux  environs  de  l'an  1000,  la  plaine 
maritime  à  l'Ouest  du  Pagus  Hodensis.  En  dehors  des  estuaires,  assez 
étroits  pour  qu'on  puisse  les  franchir,  presque  tout  le  pays  est  émergé. 
Une  partie  du  sol  est  encore  inhabitable,  coupée  de  marais  où  s'abattent 
pendant  l'hiver  des  bandes  criardes  d'oiseaux  du  Nord  5  ;  ailleurs  sont 
des  schorres  où  l'on  mène  paître  des  troupeaux  de  l.'fl)  et  190  tètes  de 
moutons  B.  Cependant  l'homme,  attiré  par  la  fertilité  de  ce  sol  vierge, 
essayait  de  prévenir  le  retour  des  hautes  marées  sur  les  territoires 
où  il  s'établissait  :  les  premières  digues  nous  apparaissent  au  Xe  siècle  ;  le 
premier,  le  nom  «  Isendic  »  (984)  en  fait  mention  ;  mais  elles  sont 
probablement  beaucoup  plus  anciennes.  Vers  la  côte,  le  rivage  est  déjà 
fixé  dans  ses  grands  traits,  et  ressemble  singulièrement  au  rivage  actuel  ; 
St-Pierre,  Marck,  Oye,  Loon,  Synthe,  la  Panne,  Testereph,  Wulpen, 
en  jalonnent  la  direction.  File  est  bordée  de  dunes  :  le  nom  de  Dunkerque, 
cité  en  1067  dans  la  grande  charte  de  Baudouin  de  Lille  en  faveur  de 
St-Winoc  7,  atteste  leur  existence  au  milieu  du  XIe  siècle,  à  l'endroit  où 


•  Serrure,  St-Havon,  p.  10,  n°  8. 

î  Warnkûnig.  Flandrische  Geschichte,  III,  pp.  I9T'»-I1J7  :  «De  réparation*  littons 

maris  ». 

:i  Cf.  Vanderkindere,  Formation  territoriale,  1.  p.  14. 

1  l'iete,  bourgade  au  S.  de  Biervliet,  disparue  au  XV'  siècle. 

3  Harold,  fils  de  Godwin  et  futur  roi  d'Angleterre,  veut  venir  chasser  vers  10(53  sur 
les  cotes  marécageuses  de  la  Flandre  les  oiseaux  qui  y  abordaient  en  grand  nombre 
des  contrées  du  Nord.  Cf.  Kervyn  de  Lettenhove,  Histoire  de  Flandre,  I.  p.  'Mi  ; 
nombreuses  références  indiquées. 

6  Van  de  l'utte,  St-Pierre,  p.  81. 

'  Pruvost,  Hergues,  p.  59  :  Dunkerka. 


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X'  KT  XI'  SIÈCLES:  ESTC  AIRES,  DHHES,  DUNES  KM 

elles  sont  encore  aujourd'hui  ;  d'où  la  probabilité  qu'elles  existaient  déjà 
au  moins  à  la  fin  du  IX'  siècle.  Les  «  sablières»  des  salines  de  Synthe 
sont  citées  pour  1097  Enfin  Lambert  d'Ardres,  au  XIIe  siècle,  parle  des 
dunes  de  Snngatte  comme  existant  depuis  longtemps,  «  ab  antiquo  »  s. 
Lorsque  l'abbaye  des  Dunes  est  fondée  en  1107,  on  l'établit  dans  les 
dunes,  dans  une  solitude  de  sable  •',  où  son  emplacement  so  trouve 
encore  aujourd'hui,  ce  qui  prouve  que  les  dunes  n'ont  guère  changé 
depuis  cette  époque.  A  coup  sûr  elles  existent  en  l'an  1000,  et  ne  sont  pas 
éloignées  de  leur  emplacement  actuel.  Les  déplacements  qu'elles  subi- 
ront depuis  cette  époque,  et  dont  nous  connaissons  quelques  détails, 
montrent  qu  elles  n'ont  pu  faire  depuis  le  X"  siècle  des  progrès  assez 
sensibles  pour  que  le  rivage  actuel  fût  sensiblement  différent  de  celui  de 
l'an  1000. 

A  l'abri  des  dunes,  la  plaine  so  peuple  rapidement.  Dans  cette  région 
de  la  Gersla  par  où  la  mer  s'avançait  jusqu'au  pied  du  mont  St-Winoc, 
huit  noms  de  villages  sortent  do  terre  :  Bierno  et  Steene  en  1022  4  ;  Arm- 
bouts-Cappel,  (  loudekerque,  Dunkcrque,  Ghyvelde,  Hoymille,  Spyeker 
en  1067  5.  Dans  le  Furnambaeht,  Steenkerque  est  de  1040,  Caeskerke  de 
1060;  Pervyse  et  Eggewaertscapelle  indiqués  comme  existant  au 
XIe  siècle  6.  A  l'Est  du  golfe  de  l'Yser  paraissent  Slype,  Snaeskerke, 
Hreedene,  Clemskerke,  Ter  Doest 7.  Les  derniers  villages  se  montrent 
au  XIIe  siècle,  quelques  attardés  au  XIIIe.  Les  anciennes  paroisses  se 
démembrent  ;  des  chapelles  sont  élevées  sur  leur  territoire,  qui  devien- 


1  Coussemaker  (E.  de).  Documents  relatifs  h  la  Flandre  maritime  extraits  du  cartu- 
laîre  de  l'abbaye  de  Watten.  (Ann.  Corn,  il.  Fr.,  V,  1850-00,  p.  .334). 

*  I^mbert  d'Ardres,  éd.  Codefroy-Ménilglaisc  (  Paris,  Renouard,  1855,  in-8"),  p.  17'.*. 
3  Meyer,  Annales,  ad  annum. 

»  Pruvost,  Rergues,  p.  31. 
s  Ibid.  p.  50. 

«  Steenkerque  :  Haigneré,  St-Bortin,  I,  p.  24,  n»  70;—  Caeskerke:  Miraeus,  Op. 
diplom.,  I,  p.  (Eï;  —  Pervyse:  Van  de  Pu  lté  et  Carton,  Chronicon  et  Cartularium 
abbatiae  S.  Nicolai  Furnensis,  1120-1354  (Bruges,  Soc.  d'Emulation,  1840,  in-4°),  p.  30: 
—  Eggewaertscapelle:  Haigneré,  St-Bertin,  I,  p.  il,  n°  115, 

•  Slype  :  Spic.  d'Achery,  II,  p.  !*1!»;—  Snaeskerke:  Pruvost,  Berguos,  p.  50;  — 
Breedenc  :  lettre  de  Badbod,  évèque  de  Tournai,  dans  Duvivier  (C),  Actes  et  documents 
anciens  intéressant  la  Belgique  (Aead.  roy.  de  Belgique,  Connu,  roy.  d'histoire,  18î*8), 
p.  153  ;  cf.  Opdedrinck  {.!.),  Notice  concernant  certains  centres  d'évangélisation  et  de 
civilisation  au  N.  de  la  Flandre  au  VII*  et  au  Vlll"  siècles.  (Congrès  archéologique  de 
Bruges,  1!*I2,  C.-Rendu,  pp.  350-3J4);—  Clemskerke  :  Van  Lokeren,  Si-Pierre,  I,  p.  71, 
n"  1)1  ;  — Ter  Doest  :  Van  de  Putte  et  Carton:  Chronique  de  l'abbaye  de  Ter  Doest 
(  Bruges.  Soc.  d'Ém.,  1845,  82  p.),  p.  5. 

Il 


â*§*Mé*>y  Google 


102 


FORMATION  RE  LA  IM.A1NR  MARITIME 


dront  paroisses  à  leur  tour  :  Capelle-Brouck  est  formée  de  Uourbourg, 
Dixmude  de  Eessen,  Zoetenaye  d'Alveringhem.  Dans  le  Calnisis,  toutes 
les  paroisses  actuelles  sauf  les  Attaques,  créée  au  XIXe  siècle),  existent 
au  début  du  X IIP  siècle  *.  A  l'Est  de  l'Aa,  dans  la  partie  française,  la 
seule  église  de  Leffrinckoucke  n'est  pas  encore  apparue  en  1200  *.  En 


Êchpllc  .Je  1  :  I  .VKmmni 


Km.  33.  —  Ri-partition  des  n  s  de  paroisses  en  Kerke, 

Eglise,  Capelle.  dans  tonte  la  Flandre. 

Rares  dans  l'intérieur,  ils  forment  des  groupes  compacts  dans  la  plaine  maritime 

et  l'île  de  Waleheren. 


«  Sangatte  au  XI*-  siècle:  éd.  Chronique  de  I,ambert  d'Ardres,  (îodefroy,  p.  177  ;  — 
Calais  en  11»):  Maigre.  St-Rertin,  I,  p.  1»»,  nu308;  —  Oflekerque  et  N'11'  Eglise  en 
1100:  Courtois,  Dictionnaire,  pp.  171  et  174;  —  St-Folquin  en  1040  :  Haigneré.  St-Rer- 
tin, I,  p.  24,  n"  î<>  ;  —  Vieille- Eglise  en  1119  :  Haigneré,  St-Hertin,  1,  p.  52,  n°  135  ;  — 
St-Omer-Capelle  en  121»'»:  Courtois,  Dictionnaire,  p.  240;  —  S«-Marie-Kerque  en 
1221  :  Haigneré.  St-Rertin,  1,  p.  28fi.  n"  <m 

*  Mardick  en  1107  (l'ruvost,  Rergues.  p.  8»î);  —  St-Rierrebrouck  en  1113  (Cousse- 
maker,  Rourbourg,  I,  p.  13,  n°  XVII);  —  Craywiek  et  St-Georges  en  1119  (Cousse- 
maker,  Rourbourg,  I,  p.  21,  n°  XXV  et  Haigneré,  St-Rertin,  I,  p.  52,  n°  135);  — 
Zuydcoote  en  1121  (l'ruvost,  Rergues.  p.  90>;  —  Rrouckerque  en  1102  (Coussemaker, 
Rourbourg.  I,  p.  50,  n°  LUI  )  ;  —  Capellebrouck  en  1 181  (Haigneré.  St-Rertin,  l,  pp.  139- 
140,  n-  314-317). 


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I.A  DISPARITION  HKS  ESTUAIRES  163 

Itelgique  le  peuplement  se  fait  moins  rapidement,  peut-être  à  cause  de  la 
persistance  des  estuaires;  Wulpen  près  r  urnes.  Adinkerke,  Ramscapelle, 
Houthem,  Oost-Dunkerke,  Mannekensvere,  Boitshoucke,  sont  du  XIIe 
siècle;  Bulseamp,  S'Heerwillemscapelle,  Schoore,  Nieuca pelle,  Zoete- 
naye,  Oostkerke  près  Fumes,  Oudecapelle,  Coxyde,  Heyst,  Knocke, 
Nieuwmunster,  du  XIIIe  siècle  On  voit  iippu raitœ  en  foule  ces  noms  en 
herke  ou  capelle,  qui  caractérisent  la  toponymie  de  la  plaine  maritime,  et 
dont  la  répartition,  due  à  leur  origine  chrétienne  et  récente,  suffirait 
presque  pour  tracer  les  limites  du  golfe ,  à  défaut  d'une  carte  géolo- 
gique s.  Les  conquêtes  de  l'homme  se  font  maintenant  aux  dépens  des 
marais;  la  mise  on  culture  des  «terres  neuves»  emplit  les  chartes. 
On  fait  une  rude  guerre  aux  palus  de  l'Aa,  entre  Watten  et  Hourbourg, 
et  Philippe  d'Alsace  célèbre  en  termes  pompeux  son  triomphe  sur  les 
eaux  \  Enfin  on  s'attaque  aux  estuaires. 

Disparition  des  estuaires. 

Les  premiers  disparurent  ceux  de  Frethun  et  de  Hergues.  Au  XIe  siècle, 
pour  qu'on  pût  habiter  dans  le  marais  d'Ardres  le  château  de  Selnesse, 
il  fallait  que  la  mer  se  fût  retirée  assez  loin  déjà  vers  le  Nord  ».  Lorsqu'est 
fondée  en  1090,  vers  l'emplacement  actuel  des  Attaques,  l'abbaye  de  la 
Capelle,  il  est  encore  question  de  terres  à  gagner  vers  l'endroit  où  le 
Merckled  (rivière  de  Marck)  se  jette  dans  la  mer;  mais  il  est  fort  possible 
que  cette  embouchure  fût  située  au  Nord  des  Pierrettes,  et  que  déjà  le  golfe 


«  Wulpen,  1114  (Haigneré.  St-Rertin,  1,  p.  47,  n°  123):  —  Adinkerke,  ontro  ll.rx»  et 
1107  (Van  de  Putte,  Dunes,  p.  20);  —  Ramscapelle.  1130  (Van  de  Putte  et  Carton, 
Cart.  de  St  Nicolas  de  Fumes,  p.  fiO)  ;  —  Houthem,  1121  (Pruvost,  Hergues,  p.  101); 

—  Oost-lJunkerke,  11.33  (Van  de  Putte  et  Carton,  Cart.  de  St  Nicolas  de  Fumes,  p.  4); 

—  Mannekensvere,  1170(I)uvivier,  Actes  et  documents  anciens,  p.  230);  —  Roitshoueke, 
1 100  (Van  de  Putte  ot  Carton,  Cart.  de  Si  Nicolas  de  Fûmes,  p.  22X)  ;  —  HuLseamp.  1203 
(Guillaume  le  Hreton,  Philippide,  vers  33Nj  ;  -  S'Hcer-Willeniscapelle,  1218  (Van  de 
Putte  et  Carton,  Cart.  de  St  Nicolas  de  Fumes,  p.  !7.i)  ;  —  Schoore,  1281  (Van  Lokcren, 
St-Pierre,  I,  p.  401,  n»896);  -  Nieucapclle.  1202  (Miraeus,  Op.  dipl.,  III,  p.  674);  — 
Zoetenaye.  1204  (Van  de  Putte  et  Carton,  Cart.  de  Si  Nicolas  de  Fûmes,  p.  84)  ;  — 
Oostkerke,  1244  (Ibid..  p.  223)  ;  —  Oudecapelle.  1212  (  Ann.  Soc.  Km.  Hr.,  2*  série,  t. 
IX,  p.  200);  —  Coxyde.  12UTi  (Van  de  Putte,  Dunes.p.  130);  —  Hoyst.  1221  (Haigneré. 
St-Bertin,  I,  p.  200,  nu  010)  ;  —  Knocke.  12Ti3  (Ibid.,  H,  p.  TiS,  rr 1007)  ;  —  Nieuwmunster, 
1214  (Van  Lokeren,  St-Pierre,  I,  p.  233,  nn  437;. 

5  Rigaux  (H.),  Topographie,  p.  220. 

*  I^mbert  d'Ardres,  éd.  (îodefroy,  p.  1(58. 

*  lbid.,  pp.  220-227. 


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if»',  •        FORMATION  DK  LA  PI-AINE  MARITIME 

ne  dépassât  guère  Nieulay  En  1112  on  trouve  dans  cet  ancien  estuaire 
de  la  Neuna  que  rencontrait  la  procession  de  944  une  pâture  à  moutons 
«  Bercariam  de  Nivenna  »  *  ;  la  crique  du  X'  siècle  était  remplacée  par 
une  "  saline  ".  Au  début  du  XIIIe  siècle,  une  controverse  au  sujet  de  la 
pèche  des  cours  d  eau  nous  montre,  entre  Guînes  et  les  Pierrettes,  un  pays 
marécageux,  avec  de  nombreux  watergands,  où  l'écoulement  des  eaux 
est  arrêté  fréquemment,  «  necessilatibus  patrie  »,  probablement  par  le  jeu 
des  écluses  qui  gardent  la  contrée  3.  Mais  il  n'y  a  pas  trace  d'un  golfe, 
pas  plus  qu'en  1210  ou  en  1280  où  la  région  est  toujours  qualifiée  de 
«  marais  »  4.  Cependant  cette  disparition  du  golfe  ne  dut  pas  aller  sans 
à-coups.  Lambert  d'Ardres,  qui  vivait  au  XIIe  siècle,  raconte  qu'un  jour 
(quondam)  la  mer  fit  irruption  à  travers  les  dunes  de  Sangatte  et  inonda 
la  terre  ferme  (solida  terra)5.  La  date  n'est  pas  précisée:  mais  l'événe- 
ment lui  paraît  ancien,  peut-être  du  début  du  XIe  siècle.  Enfin  M.  Gosselet 
indique  qu'entre  Ardres  et  Guemps,  on  a  trouvé  au-dessus  de  la  tourbe  et 
sous  une  petite  couche  de  sable  marin  des  vases  el  poteries  du  XIIIe 
siècle,  ce  qui  indiquerait,  à  la  fin  de  ce  siècle,  un  retour  et  un  court  séjour 
de  la  mer  en  cet  endroit fi.  L'événement  a  de  quoi  étonner,  car  personne 
n'en  parle  ;  et  ce  silence  n'est  pas  aussi  explicable  que  celui  qui  accom- 
pagna de  son  indifférence  l'invasion  du  Ve  siècle.  Ce  ne  pourrait  être 
que  le  résultat  d'une  inondation  rapide,  dont  aucun  chroniqueur  n'aurait 
parlé,  à  laquelle  aucune  charte  n'aurait  fait  allusion.  Mais  est-on  bien  sûr 
que  les  poteries  trouvées  sous  le  sable  soient  du  XIIIe  siècle  ? 

Le  golfe  que  l'on  a  cru  apercevoir  au  X"  siècle,  entre  les  Moëres, 
Bergues,  et  la  mer,  n'est  pas  disparu  moins  rapidement  que  celui  de 
Frcthun.  En  1107  cependant,  Bergues  est  encore  qualifiée  de  «juxta 
mare  »  7  ;  mais  la  Gcrsta  s'assèche  ;  on  y  trouve  fréquemment  des  seborres 


*  Desplanque.  L'abbaye  de  la  Capelle.  (Ann.  Com.  fl.  Fr.,  IX,  pp.  0-7  et  39).  Il  est 
question  d'une  terre  neuve  située  entre  les  bergeries  du  Merckled  et  la  dune  chauve 
(1110). 

*  Miraeus,  Op.  diplom.,  III,  p.  87. 

*  Haigneré,  St-Hortin,  I,  p.  215,  n°  493. 

*  Duchesne  (André),  Maisons  de  Gand  et  de  Guînes.  Preuves  (Paris,  1031,  1  vol. 
in-fJ),  p.  295.  —  Voir  également  la  description  donnée  par  Godefroy-Ménilglaise  dos 
cours  d'eau  du  comté  de  Guînes  au  XIII'  siècle,  dans  son  édition  de  Lambert  d'Ardres, 
pp.  514-510. 

5  Lambert  d'Ardres,  éd.  Godefroy,  p.  179. 

6  requisse,  Quaternaire,  p.  329. 
'  Pruvost,  Morgues,  p.  87. 


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LA  DISPARITION  DKS  KSTUAIRKS 


irr> 


pour  moutons1.  Les  Moêres  sont  désormais  distinctos  du  golfe;  elles 
portent  déjà  le  nom  qui  leur  est  resté  :  c'est  «  la  solitude  qu'on  appelle 
Moere  »  (1144) *  ;  c'est  «  un  territoire  situé  à  Houthem  et  que  les  habitants 
appellent  Moor»3  (1183  .  Cependant  une  crique  devait  subsister  entre 
Dunkerque  et  Synthe.  L'abbaye  des  Dunes  possédait  là  un  domaine  sur 
l'emplacement  actuel  de  la  ferme  Groote-Meunycken,  au  Sud  de  Petite- 
Synthe  4,  qui  pouvait  vers  1171  s'accroître  par  conquête  sur  la  mer,  ou 
craindre  une  inondation  5.  (/étaient  là  les  restes  du  golfe  qui  allait  peu 
à  peu  se  rétrécir  jusqu'à  devenir  le  port  de  Dunkerque,  comme  celui  de 
Frethun  est  devenu  le  port  de  Calais,  et  comme  ceux  de  l'Aa  et  de  l'Yser 
ont  formé,  les  ports  do  Gravelines  et  de  Nieuport.  Vers  1183,  on  ne 
considère  plus  comme  paroisses  maritimes  (maris  contiguae}  dans  la 
chàtellenie  de  Bergues  que  Mardiek,  Synthe,  Dunkerque,  Tetoghem, 
Zuydcoote  et  Ghyvelde  6.  La  côte  serait  donc  arrivée  à  peu  près  au  même 
état  qu'aujourd'hui. 

L'estuaire  de  J'Aa  était  déjà  peu  de  chose  au  Xe  siècle;  aucun  texte  n'y 
fait  allusion,  et  la  Translation  de  St  Wandrille  parait  l'éviter  sans  peine. 
Au  XIe  siècle,  la  rivière  gagnait  la  mer,  nous  dit  la  chronique  de  Watten, 
par  de  nombreuses  et  petites  embouchures  7  ;  ce  qui  laisse  supposer  une 
plaine  basse  et  marécageuse,  qu'allaient  envahir  peu  à  peu  les  endiguo- 
ments  du  XIIe  siècle  8.  Cependant  la  mer  n'a  pas  encore  quitté  complète- 
ment, au  milieu  du  XI" siècle,  le  pays  au  N.-W.  de  Hourbourg9.  C'est  en 
1040  qu'on  voit  apparaître  le  village  de  Sl-Folquin.  «  in  Gravenenga 
sita  »  ,0.  Cette  Gravenenga  ou  Greveninga  n'était  pas  une  ville,  mais 
toute  une  région  de  schorres  où  se  trouvaient  éparses  les  habitations  de 

1  1120:  Henarias  in  Gersta  (Van  Lokeren,  St-Pierre,  I,  p.  12.'?,  n°  11(7). 

*  Van  de  Putte  et  Carton.  Gart.  <!r  St-Nieolas  de  Fumes,  p.  07. 
3  Pruvost,  Hergues,  p.  Pif}. 

*  Sur  l'identification  du  domaine  des  Dunes  avec  la  ferme  Groote-Meunycken,  cf. 
Archives  dép.  du  Nord,  série  C.  Kl'  maritime,  liasse  l'A. 

î  «  Si  quid  ex  fratrum  dunensium  labore,  aut  ex  maris  adjeitione  eidem  terrae  accre- 
vorit....  Siquid  vero  ex  C.  mensuris  vi  maris  iinminutum  fuerii...  (Van  de  Putte.  hunes, 
p.  m  n°  4<il). 

6  Charte  de  Philippe  d'Alsace  (Pruvost,  Hergues,  p.  Pifi). 

'<  «  ....  Ah  Occano,  rui  multis  ostirdis  infusus  exeipitur  ».  (Chronica  Walmensis, 
M.  G.  SS.,  XIV,  p.  îai. 

8  Cf.  Coussemaker,  Mourbourg,  I,  p.  (>,  n"  VII  ;  I,  p.  11,  n''  XV;  I,  p.  l'A.  W  XVII  ; 
I,  p.  1<>,  w  XIX  ;  I,  p.  17,  n^  XXI  ;  I,  p.  L'S.  n^  XXXII.  etc.  :  endipiements  dans  les 
mamis  de  Millarn,  St-Pierre-brouck.  Capclle-brouck  et  Bourbourg  au  début  «lu 
XII'  siècle. 

»  Guérard,  St-Bertin,  pp.  18o-187. 

">  Haigneré,  St-Bertin,  I,  p.  24,  n"  7U. 


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FORMATION  DE  LA  PLAINE  MARITIME 


St-Folquin  ci  plus  lard  celles  de  St-Willebrord  et  de  St-Georges 1 .  Le  môme 
terme  se  retrouve  d'ailleurs  le  long  du  Zwin,  où  un  schorre  de  Greve- 
ninga  est  indiqué  au  IXe  siècle  !.  En  1095  on  élablit  sur  cette  Greveninga 
une  seconde  église  qui  forme  la  paroisse  de  St-Willebrord  3  ;  en  111  i  une 
ecclesiolade  St-Nicolas,  au  bord  de  la  Grevoninge  (juxta  Greveningam) 4; 
eu  11 19  on  fonde  la  paroisse  de  St-Georges  5.  I,a  mer  est  refoulée  vers 
l'emplacement  actuel  de  Gravelines  ;  mais  ello  se  maintient  longtemps 
à  cet  endroit.  Il  y  a  là,  devant  St-Folquin,  un  schorre  ou  «  hem  me  », 
comme  on  dit  dans  le  Calaisis,  appelé  Bonhem  dans  les  lextos  du 
XIIe  siècle,  et  qu'on  espère  dès  1106  agrandir  aux  dépens  de  la  mer6: 
mais  en  1 183  les  choses,  de  ce  côté,  paraissent  être  restées  on  l'état  7  ;  et 
en  1211  on  craint  qu'avec  les  tempêtes  de  l'hiver  Honhem  ne  soit  envahi 
par  la  mer  8.  Si  la  terre  ferme  gagnait  sur  la  rive  Est,  puisqu'on  y  édifiait 
en  11(50  une  ville  que  son  fondateur,  le  comte  Thierry,  appelait  «  Novus 
portus  de  Greveninge  s> 9,  il  restait  à  l'Ouest  de  cette  nouvelle  ville,  le  futur 
Gravelines,  une  large  crique  s'étendanl  vers  St-Folquiu,  car  en  1218 
les  paroisses  de  St-Folquin,  St-Nicolas  do  Liage,  St-Georges,  sontau  même 
titre  que  Gravelines  et  St-Willebrord  considérées  comme  riveraines  de  la 
mer,  et  doivent  payer  la  dime  des  harengs  que  pèchent  leurs  habitants  ,0. 
Entre  1250  et  13IX),  la  mer  est  encore  au  large  de  Bonhem  11 ,  n'aban- 
donnant que  peu  à  pou  de  nouveaux  schorres  qualifiés  Hernisses  **. 
Ce  qui  reste  du  golfe  subsistera  longtemps  encore;  au  XVe  siècle  il  ne 
dépasse  plus  Gravelines  au  Sud,  mais  ce  n'est  guère  qu'au  XVIIe  qu'on 
voit  émerger  les  terres  des  Hems  Sl-l'ol  et  c'est  au  XVIIIe  seulement 
que  disparaît  ce  qui  reste  de  l'estuaire  (p.  203). 

i  D'après  M.  Finot(J.).  Inventaire  <li\s  archives  de  la  ville  de  Cira  vélines  (Lille,  Danel, 
1000),  p.  VIL  Gravenenga  signifierait  région  des  grèves  ou  des  «lunes, 
î  Van  de  Putte,  St- Pierre,  p.  HL 
3  Haignerë,  St-Bertin,  1,  p.  47,  n"  124. 
i  Ibid.  I,  p.  48,  n»  120. 
s  Ibid.  I,  p.  .r»2,  n-  135. 
<"•  Coussemaker.  Hourbourg,  I,  p.  '5.  ir  III. 
-  Ibid.  I,  p.  70,  n-  LXXVI. 
8  Ibid.  I.  p.  1(14,  n"  CM. 

,J  I  n  vidimus  de  l'acte  de  fondation  existe  #aux  Archives  du  Nord.  H.  1~>01,  1"  rariu- 
laire  de  Flandre,  picee  44.  —  Gravelines,  comme  devait  bientôt  s'appeler  le  Novus 
portus,  resta  distinct  de  St-Willebrord,  paroisse  rurale  s'étendant  à  l'Est  delà  ville, 
vers  Loon. 

«o  Haignerë,  St-Bertin.  I,  p.  13<3,  n"  308  ;  p.  140,  n°  320  ;  p.  247,  n°  n»». 
n  Goussemakcr.  Hourbourg,  I,  P-  218,  n°CCXX. 

12  Ibi.l.  1,  p.  114.  n"  GX1X  ;  p.  123,  n»  CXXXII  :  p.  12»},  n'  GXXXVI,  etc. 

13  Goussemaker  (E.).  Document  historiques.  1"  fascicule,  pp.  40-40. 


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LA  DISPARITION  DKS  KSTTAIRKS 


un 


Le  golfe  de  l'Yser,  le  plus  vaste  des  estuaires  du  Xe  siècle,  diminue 
aussi  rapidement  que  les  autres  et  se  réduit  au  XIIIe  siècle  à  une  petite 
crique.  En  014,  il  s'étend  jusqu'à  b><>  ;  au  milieu  du  XIe  siècle,  c'est  encore 
une  baie  imposante  où  pénètre  la  Hotte  de  Godwin  ».  Cependant  la  partie 
méridionale  s'assèche;  en  1000  remplacement  des  communes  de 
St-Jacques-Capelle,  Oudecapello,  Caeskerke,  Stuvvekenskerke,  forme 
un  grand  schorre,  une  bergerie  appelée  Bircla,  et  dépendant  de  la  paroisse 
d'Eessen  *.  Une  longue  digue,  l'Oudenzeedyck,  protège  les  parties 
émergées  les  premières,  Lampernisse,  Fumes,  Eggewaertscapolle,  contre 
un  retour  offensif  des  eaux  ;  la  levée  part  des  dunes  vers  Oost-Dunkerke, 
passe  par  Avecapelle  et  Zoetenacv,  et  aboutit  a  la  rivière  vers  le  fort  de 
Knocke  3.  Au  Nord,  la  côte  forme  une  échancrurc  assez  prononcée,  car  la 
ligne  de  dunes,  à  partir  d'Oost-Dunkerke,  va  droit  à  l'Est;  c'est  la  vieille 
ligne  qui  borde  encore  aujourd'hui  le  Sud  du  polder  Lens,  passe  sous  la 
ville  de  Nieuport  et  continue  jusque  vers  St-Georges,  contrastant  par  la 
nature  de  son  sol  et  par  son  élévation  avec  les  basses  terres  qui 
l'entourent  au  Nord  et  au  Sud.  (l'est  là  qu'entre  10&5  et  1093  apparaît  la 
terre  de  Sandeshoved  *,  sur  laquelle  Philippe  d'Alsace  établira  un  siècle 
après  la  ville  de  Nieuport.  Sur  la  rive  Est,  le  bord  «le  la  baie  est  constitué 
par  les  vieilles  dunes  de  l/unbartzvde  et  de  Westende  ;  peut-être  même 
un  bras  sépare-t-il  Eorabartzyde  de  Westende,  si  l'on  en  croit  le  dicton 
qui  veut  que  le  premier  de  ces  villages  ait  jadis  fait  partie  du  Furnam- 
bacht 5.  Par  les  tempêtes  du  N.-W.,  la  mer  pénètre  largement  dans  le 
golfe,  et  fait  encore  sentir  l'effet  du  flux  jusqifau  delà  de  Loo,  puisque  les 
moines  d'Eversham  ne  sont  pas  quittes  des  dégâts  de  l'inondation  de  1105 6. 

Mais  le  recul  définitif  du  golfe  s'accuse  au  XIT  siècle.  Au  Sud,  on 
s'empare  des  terres  neuves  de  Dixmude  (1104)  7,  et  en  1 106  l'Yser  devant 


1  Kervyn  de  I>ettenhove,  Histoire  de  Flandre,  I,  p.  2i0. 
'  Hautcœur,  St-Pierre  de  Lille,  l,  pp.  :>-»•. 

3  Van  de  Velde  (H.),  Dissertation  historique  et  topographique  sur  lVi.it  ancien  du 
Furnambacht,  (Ann.  Soc.  Km.  Rr.,  IV.  1SÎ0,  pp.  \M -i(>Vs  p.  1  «2.  —  Cette  «ligue 
est  indiquée,  entre  Avecapelle  et  Limpcrnisse,  sur  la  feuille  Laniperuisse  de  la  carte 
topographique  belge  à  1  :  20.000. 

»  Cf.  I'ruvost,  Hergues,  p.  8T>. 

s  l)'après  Van  den  Hussche.  le  Veuniambacht  (la  Fl.,  t.  II,  pp.  .Vi). 

I.omtiiiorl7.ije 
liKhet  ji.-t  Vrije. 
wnret  wi'l  otiilerMirht 
"t  luge  jn  Vt'iirmimborh!. 

fi  Chronicon  monasterii  Kvershainensis  (Hruges,  Soc.  d'Km.,  18T>2,  70  p.»,  pp.  10-11. 
"  Cuussemaker,  Bourbourg,  1,  p.  1,  n"  1. 


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il»  FORMATION  DE  LA  PLAINE  MARITIME 


cette  ville  paraît  bien  n'être  plus  qu'une  rivière  «.  Au  Nord,  la  langue  de 
terre  de  Sandeshoved  s'accroît  aux  dépens  de  l'estuaire,  et  le  monastère 
de  Bourbourg  se  partage  les  terres  neuves  avec  le  chapitre  de  Ste-Walburge 
(11 11-11 12)  ».  Il  semble  qu'un  bras  existe  encore  vers  l'Est,  rejoignant 

les  terres  basses  .  des 
moeres  de  Ghistelles  3  ; 
il  est  encore  question  en 
1 171  de  terres  que  le  flot 
avait  abandonnées  jadis 
dans  les  paroisses  de 
Slype,  Leffinghe  et 
Stcene  * ,  ee  qui  ferait 
songer  à  une  communi- 
cation entre  le  golfe  de 
l'Yser  et  les  terres  basses 
d'Oudenbourg  par  une 
crique,  qui  sorait  deve 
nue  plus  tard  l'Yperleet. 

A  son  tour  en  1138, 
l'abbaye  des  Dunes  ac- 
quiert des  terres  neuves 
dans  l'estuaire  s.  On 
s'empare  des  grèves  si- 
tuées devant  Ramsca- 
îiriwiu- <i<- 1  :  :i*i.<mm>.      pelle,  devant  Pervvse 

Fi<i.  .'Vt.  —  ReeoiiMitutiun  .le  lestuaire  «If  l'Yser       (1130)°;  à  l'embouchure 

;,u  début  du  XII-  siècle.  lle  ia  Vencpc,  qUi  amène 

les  eaux  de  Fumes,  les  schorros  ont  tendance  à  s'accroître,  et  on  peut 
prévoir  qu'ils  seront  un  jour  mis  on  culture  7.  Do  l'autre  côté,  les  terres 


■  Cousscmaker.  Bourbourg,  I,  p.  ,">,  n°  IA  II  et  p.  f>7,  n°  L1X. 
»  Ibid.  I,  p.  !»,  u"  XII;  p.  10,  n»  XIII. 

:<  «  Terrain  quam  in  loeo  «[«ai  Gistelamor  vocatur  juste  pos>idetis,  et  quidquid  ip.-i 
terre  deiuceps  mare  adjecerit  >>.  Bulle  dTlonorius  II,  vers  11^7,  in  l'ruvost,  Bergues, 
p.  101. 

»  Miraeus,  Op.  dîplom.,  IL  p.  l'?10. 

5  Van  de  l'utte,  Dîmes  (Chronie.i),  p.  138. 

6  Coussemaker,  Bourbourg,  I,  p.  iO,  ir  XIA  ;  Van  de  l'utte,  Dunes,  pp.  ViO-UI, 
n"435. 

i  Van  do  l'utte,  Dunes,  p.  U3,  n"  UO. 


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LA  DISPARITION  DES  ESTUAIRES 


s'augmentent  vers  Schoore  (1176) 1  ;  enfin  à  Wostende  Philippo  d'Alsace 
donne  à  l'abbaye  d'Oudenbourg  les  terres  neuves  où  s'élèvera  la  ferme  de 
Bamburg,  «  entre  les  dunes  et  l'Yser  »,  resserrant  ainsi  les  passes  de 
l'estuaire  (1173)  \jcs  scborres  continuent  de  s'accroître  en  1205  à  i'ein- 
boucbure  de  la  Venepe  :';  l'apparition  des  paroisses  de  Mannekensvere 
(1239)*  et  St-Georges5  (1^10)  indique  un  nouveau  rétrécissement  de  la 
crique,  quoiqu'il  soit  encore  question,  dansées  nouveaux  territoires, d'inon- 
dations de  la  mer  a  empéeher.  Pendant  toute  la  fin  du  XIIP  siècle  on 
continue  a  endiguer,  à  délimiter  les  terres  neuves,  du  côté  des  Herames  de 
l'abbaye  des  Dunes,  a  Westende,  à  St-Georges  fi.  Enfin  en  1291  le  comte 
Guy  de  Dampierre  accorde  l'octroi  de  faire  une  écluse  qui  barre  la  crique  de 
Nieuwendam  7  ;  c'est  la  fin  du  golfe  intérieur  ;  en  1309  on  peut  construire 
un  pont  entre  lx)mbartzyde  et  Nieuport 8.  Les  atterrissements  se  forment 
dès  lors  entre  la  nouvelle  ville  de  Nieuport  et  la  mer;  en  1271  le  llemme- 
kin  «  ke  li  mors  a  jetée  et  ki  onques  ne  fut  dikée  »  9  ;  en  1280  un  «  jet  de 
mer  »  entre  Nieuport  et  les  dunes  10  :  c'est  le  futur  polder  Lens,  que 
viendra  protéger  bientôt  la  digue  du  comte  Jean. 

Désormais,  tout  l'intérêt  abandonne  cette  partie  occidentale  de  la 
plaine.  1,0  pays  est  délivré  de  la  mor;  il  ne  reste  plus  qu'à  organiser  le 
mieux  possible  l'évacuation  des  eaux  intérieures.  Au  XIV  siècle  les  marais 
disparaissent  à  leur  tour;  les  terres  cultivées  l'emportent.  Les  deux 
étangs  des  Moêres,  entre  Furncs  et  Hergues,  restent  les  derniers  témoins 
de  l'invasion  marine  :  on  ne  les  dessècbera  qu'au  XYIP  siècle.  I,a  mer 
réussit  parfois  à  rompre  les  digues,  ou  à  faire  des  brèches  aux  dunes  : 
mais  l'inondation  n'ost  l'affaire  que  do  quelques  marées,  et  les  dégâts 
sont  promptenient  réparés.  En  1393,  la  ville  d'Ostende  est  obligée  de 
reculer  l'emplacement  de  ses  maisons,  et  de  les  abriter  derrière  la  digue 


1  Van  de  l'utte  et  Carton,  Cari.  St-Ni  ■.  de  Kurues,  p.  70. 

1  Ft'vs  et  Van  Je  Castcele.   Histoire  d'Oudcnboiirp  (Hrupes,  Soc.  d'Km..  IS7."t-7i», 
2  vol.  in-'o,  II,  p.  !«». 
3  Van  de  l'utte.  Dunes,  p. 
»  Ibid.,  p.  ."I,  n«  7*1. 

'■'  Van  de  l'utte  et  Carton.  C;irt.  St-Nicolas  de  Kurm-s,  p. 

«  Cf.  Coussemaker,  Hourbourp,  p.  i:n,  n  '  Cl.XXX  Y  :  pp.  n  •  CXC1;  pp. 

n°  CCXX;  —  Feys,  Oudenbourg,  I,  p.  'M\. 
'  Gilliodts.  Coutumes  de  Nieuport,  p.  174. 
»  Feys,  Oudenbourp,  II,  pp.  102-103. 
»  Coussemaker.  Bourbourp.  I.  p.  17M,  ir  CLXXXll. 
»•  GilliodLs,  Coutumes  de  Nieuport,  p.  ltiG. 


170 


FORMATION  DE  LA  PLAINE  MARITIME 


du  Franc  1  ;  on  1  i()9  c'est  le  tour  do  la  châtellenie  de  Morgues  2  a  souffrir 
des  eaux  ;  on  1508,  du  pays  de  Langle  1  ;  en  151*),  de  toute  la  côte  ;  en 
l.V>2,de  Niouport  J.  \a  uiouotono  liste  continua  jusqu'au  XIX''  siècle,  où 
rinondalion  de  1808  fait  des  dégâts  sur  toute  la  côte,  jusque  dans  le 
Calaisis.  On  sonnait  le  tocsin,  la  population  valide  accourait  ;  on  jetait 
dans  la  brèche,  à  marée  basse,  dos  fascines,  des  sacs  de  terre  ;  on  conso- 
lidait en  toute  hAte  avec  dos  liens  de  paille;  le  danger  était  conjuré  5. 
Mais  à  l'Kstde  Hruges,  la  lutte  de  la  terre  et  de  l'eau  continue,  violente. 
De  terribles  inondations  se  succèdent,  et  ce  n'est  guère  que  depuis  la  fin 
duXVlTsiècle  que  l'homme  reprond  définitivement  l'avantage. 

III. 

vicissrrrnKs  de  la  Flandre  zélandaise. 

Apparue  la  dernière  dans  les  eartulairos,  la  Flandre  zélandaise  semble 
se  développer  rapidement  au  XIIe  siècle.  Vers  1200,  toutes  les  parties  du 
pays  paraissent  habitées  :  à  l'Kst  Calloo,  Ilulsterloo,  Graauw,  Hulst, 
Vorrebroeck.  Hengstdijk,  Hontenisso,  Ossenisse  ;  au  centre  ïramsblide 
près  d'Axel,  Zatfmslag,  Vronendicke;  à  l'Ouest,  Hiervliet,  Hamere, 
Kl  marc.  Hoeslaore.  llenekinswerve,  Kadzand,  viennent  s'ajouter  aux 
localités  dont  nous  connaissons  déjà  le  nom  au  début  du  XIe  siècle.  Le 
pays  d'Oostburg  est  particulièrement  florissant:  Ijzondijke  devient 
paroisse;  Vulendik,  Oostmanskapello,  Gatcrnisso,  Groede,  Hughevliet, 
Ueiderwan,  sont  fondés  de  1150  à  12iMI  «.  Wulpon  et  Kadzand  sont  à  l'état 

<  Delepicrrc.  Précis  analytique,  III,  p- 

î  Pruvost,  Herbues,  p.  J9i. 

3  Arch.  Pas-de-Calais,  série  C,  3U"»,  pièce  »Vi. 

*  Oilliodts.  Coutumes  de  Nieuport.  p.  329. 

!>  Pour  des  détails  sur  es  inondations  partielles  :  cf.  Feys.  Oudenbourg,  I,  p.  323 
fl'ieil):  I,  p.  273  Ll!Y.{(h,  etc.  Les  habitants  de  la  répion  entière  n'étaient  jamais  sûrs  de 
ne  pas  se  réveiller  dans  l'eau.  Le  1K  février  10(19,  une  forte  marée  inonda  et  noya 
Moerkerke  et  la  banlieue  de  Damme.  recouvrant  tout  au  point  (jue  la  population  dut  se 
réfugier  dans  les  arbre*  et  sur  le  liant  des  maisons  ;  on  alla  les  ebereber,  tous  presque  ' 
pelés,  le  lendemain  de  Damme  en  bateau  par  dessus  l'inondation,  abandonnant  les 
bestiaux  qu'on  n'avait  pas  pu  sauver  aussi  subitement  eu  pleine  nuit  (Extrait  d'un 
registre  en  flamand  de  la  cure  de  Damme,  publié  dans  F. -Y..  L'ancien  port  de  Damme. 
Afin.  Soc.  Em.  Hr.,  2-  série,  1.  p.  *f>i. 

«  Calloo,  11.7.»  (Van  Lokeren.  St-Pierre,  I,  p.  l.Y>,  n*  204):  —  Ilulsterloo,  il:»»; 
Verrebroeck.  1 1  i7:  llenpstdijk,  lt<»"7  i  De  Smet.  Chronique  de  l'abbaye  de  Troncbiennes. 
|  Re.neil  des  Chroniques  de  Flandre,  I  (1*37),  pp.  7.11-73!"].  pp.  (iOti,  7oti,  712;;  — 
Hulst,  ll'.M  (Mussely  et  Molitor,  Courtrai,  p.  i)  :  —  draauw,  1170  (Serrure,  St-Havon, 
p.  5.'5.n  '  -Td)  :  —  Os.sentssc  et  Tramsblide,  Hii-i  (Van  Lokeren,  St-Pierre,  I,  pp.  ltlil-170, 
i."29U>;  -  Hontcnisse.  11*3  (Ibid.  I,  p.  1*9,  «r<  342,1  ;  -  Zaan.slag,  lH«(lbid.  1,  p. 


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LA  PROSPÉRITÉ  DES  RNDIGUEMF.NTS  AUX  XIII»  KT  XIV-  SIÈCLKS  171 

d'îles,  entourées  par  des  bras  du  Zwin  ;  le  Hont  sépare  toujours  Waleheren 
du  continent  1  ;  il  borde  les  terres  d'Ossenisse  et  Hontenisse  1  :  et  déjà 
l'aspect  général  du  pays  no  paraît  pas  si  différent  qu'où  pourrait  le  croire 
•  le  celui  qu'il  avait  au  début  du  XIXe  siècle.  Des  terribles  inondations  de 
1170  que  citent  avec  épouvante  les  chroniqueurs,  il  n'est  pas  question. 

Prospérité  des  endiguements  aux  XIII  et  XIV'  siècles. 

D'ailleurs  la  prospérité  du  pays  continue  au  XIII"  siècle.  Partout  on 
assèche,  on  endigue,  on  réendi^ue.  Dos  particuliers,  de  riches  bourgeois, 
s'y  mettent  :  mais  rien  n'égale  l'activité  monastique.  Les  Cisterciens  des 
Dunes,  dans  leurs  domaines  éloignés  d'Ossenisse  et  Ilontenisse.  donnent 
l'exemple  ;  en  1240  ils  possèdent  dans  cette  seule  région  5.000  mesures 
•le  terres  endiguées  et  2.400  de  schorres,  soit  8.00(3  mesures  :|.  I,es 
vieilles  abbayes  bénédictines  suivent  cet  exemple;  St-Pierre  de  (landa 
des  domaines  partout,  et  possède  presque  la  totalité  des  territoires 


n»  277)  ;  -  Vronendieke.  1114  (Ibid.  I.  p.  US,  n"  187)  ;  -  Hicrvliot,  1 1*3 (Gilliodts, 
Petites  villes,  I.  p.  51.".);  —  Manière,  ll'.O  (Ibid.  I,  p.  51<i)  ;  —  Elmare.  H2-S(\  ;ui  Loke- 
ren.  St-Pierre.  I,  p.  128,  n"  20»>)  :  —  Koeslaere,  lUV»  (Ibid.  p.  *2)  ;  —  Henekin>werve, 
llfï»  (Ibid.  p.  ii>.  n"  î.">>  :  —  Kad/and,  1112  (Ibid.  p.  2f>,  n"  18)  ;  —  Vulendik,  Oostmans- 
kap.-lle.datemisse,  ll.-|U(Ibid..  1,  p.  1 ',5,  n"  244>;  -  llu.iîhevlict,  1174  (Ibid.  I.  p.  IS'2, 
u  32T>)  ;  —  Heiderwan,  11KÎ  (Ibid.  I,  p.  2(«,  n"  371). 

1  On  a  prétendu,  d'après  le  récit  de  la  Translation  des  reliques  de  S  le  Lidwinne 
iProgoms  Trauslatio  S.  Lowinnae.  M.  G.  SS.  XV,  pp.  7SS-7S9).  opérée  en  10r>8.  que  le 
Mont  n'existait  pas  à  cette  époque,  ou  du  inoins  n'avait  aucune  importance,  ('..  pendant 
le  texte  dit  bien  «  Walacra  insula  »,  ee  qui  implique  l'existence  du  Hont.  l\t  rien  dans 
le  texte  n'indique  qu'on  y  soit  allé-  à  pied.  11  est  puéril  de  dire  que  la  procession  rie 
pouvait  se  rendre  dans  Waleheren  si  le  Hont  avait  été  déjà  aussi  étondu  qu'aujourd'hui  : 
il  ne  faut  guère  que  trois  quarts  d'heure  à  un  bateau  à  voile  pour  gagner  l'île,  eu 
partant  de  Hreskens.  Kn  réalité,  le  Hont  était  plus  large  encore  que  de  nos  jours, 
puisque  Groede.  ni  Mreskens  n'existaient  à  cette  époque;  Grocde,  en  1133.  est  une 
terre  nouvelle,  qui  s'est  jointe  peu  à  peu  à  la  terre  ferme  (Van  Lokcron,  Sl-Pierre,  I, 
|».  132,  u"  2lî).  Quant  au  Zwin.  qui  existe  des  le  VHP  siècle  sous  le  nom  de  Smeial, 
d'après  les  lois  du  peuple  frison,  il  entoure  de  ses  bras  Yv'ulpen  des  Kf.tti  (Serrure. 
St-Havon.  p.  22,  n"  ITn  :  et  Kad/and  est  depuis  longtemps  une  île,  puisqu'en  i'SM 
l'abbé  de  St-Kavon  déelare  que  l'ile  a  toujours  é»é  entourée  par  la  mer.  «<  praediela 
insula  semper,  ut  nunc,  fuit  cincla  mari  »  (Serrure.  St-Havon.  p.  171,  n-  ÎTÔ).  H'ailleurs 
en  ll'.m  la  Keure  du  Franc,  donnée  par  Philippe  d'Alsace,  reconnaît  au  paragraphe  l."> 
que  Wulp«m  et  Kadzand  sont  des  îles.  Cf.  Gilliodts,  Coutumes  du  Franc  de  Drupes, 
H,  p.  23. 

ï  «  Totam  illam  terrain  maris  inter  Hossenesse  et  Hontenesse  ...  (  Van  <le  Putte. 
Dunes,  p.  42G).  II!*'». 
î  Van  -le  Puttc,  Dunes,  pp.  m -Mi.  Soit  près  -le  4.<HK)  hectares. 


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172 


FORMATION  DE  LA  PLAINE  MARITIME 


d'Oostburg,  (  Iroede  el  Ijzendijke  ;  St-Havon  étend  son  autorité  sur  Wulpen 
et  Kadzand.  I)'autres  plus  récentes,  Cambron,  Courtrai,  Ter  Doest.  se 
taillent  leur  part  dans  les  terres  neuves.  A  la  fin  du  siècle,  presque  toutes 
les  localités  sont  apparues,  et  parmi  elles,  quelques-unes  qui  disparaîtront 
plus  tard  I .a  carte  se  précise.  La  plaine  n'est  pas  continue:  on  y  voit 
quelques  bras  de  mer,  le  long  desquels  on  endigue  sans  relâche.  Déjà 
on  devinait  leur  présence  au  XIIe  siècle  :  Kad/.and  et  Wulpen  séparés  de 
la  côte  :  la  mer  entourant  vers  le  Nord  et  PHst  les  terres  de  l'ambacbt 
d'Oostburg,  et  y  découvrant  les  schorros  sur  lesquels  s'établissent  Groedc 


i.i lu-Ile  de  I  :  :»0rt.ixnt. 


Fli».  .T».  —  Ess.ii  de  rceunstiliilion  île  la  Flandre  //-landaise  au  début 

du  XIII-  S.ède. 

Hiviige  ïi.-tiu*l. 

et  Biervliet  ;  le  «  fluviolun»  »  appelé  Ilelmara  vers  112N,  devenu  «  Klma- 
riam  mare»  en    1188*.  indique  qu'un  bras  de  mer  se  trouve  dans  la 


1  Haarzande  près  Breskens,  1212  (Van  Lokeron,  St-Pierre,  1,  p.  234.  nj  433) ;  — 
Sehoondijke.  1248  (Ibid.  I,  p.  2*5.  n"  5'.«K)  :  —  Heille.  1204  (Van  de  Putte,  Dunes, 
p.  4*3.  h"  503)  :  —  Moiikewerve  et  Steenlant,  ll'.Cl  (Limburg-Stiruin.  Cartulairo  d<* 
Louis  d.>  Mate,  [Soc  En..  Dr..  \K*<-\\H\ .  2  vol.  in-4"].  L  pp.  5i?.<-572i  :  —  Willemskerkc. 
1221  (Van  Lokercn.  St-Pierre,  I,  p.  245.  n-  :  —  Wevelswalc,  1227  (Serrure.  St- 
Kavon,  p.  141.  n'  I5H)  :  —  Koudekcrque,  12*7  (St-denois.  Inventaire  analytique  do> 
chartes  .L-s  comtes  de  Flandre  (  Cand,  Yanryeke^hem.  1S43-40.  in-4\  XL!  Y  +  070  p.  |, 
p.  l.T>.  n-  445)  ;  —  Pieté.  1242  (Van  Uikeren,  St-Pierre,  L  p.  271.  n1'  554)  :  —  Pelchein. 
124*  (Ihid.  I.  p.  287.  n"  »i(  14)  ;  —  Zuiddorpe.  12X8  ilbid.  L  p.  430,  n"  102);  —  West- 
dnrpe.  1270  (A'jiii  de  Putte,  Dunes,  p.  4I3i  ;  —  Adendijk.  1220  (Ibid.  p.  505.  n"  555)  ;  — 
Copwijk.  122*  (Ibid.  p.  340>:  -  Smppeldijk.  1220  (Ibid.  p.  520,  ir  500)  ;  -  Deoosten- 
blij.  1240  (Yan  Lokeren,  St-I'ierre.  I.  p.  27*.  n"  "8i)  :  —  l.anis\vaarde,  1233<Musselv 
et  Molitor,  Courtrai.  p.  3710;  —  l'au lus  Polder.  1242  (Kluit,  Historia  entier.  II. 
p.  4*5);  —  Saaltinpe.  1231  (Yan  de  Putte.  Dunes,  p.  550,  n»  «îT4»)  ;  —  Kieldrecht,  1200 
(De  Sni-t,  Tronehiennes.  p.  (112);  —  le  Doel,  1207  !  (Kùmnier.  Notice  historique  sur 
les  Polders  du  Pas-Escaut.  |Aiu..  Tr.  |).  Hel-r.,  II.  1*44.  pp.  5-00,  0  cartes],  pp.  12  22). 

î  Van  Lokeren,  St-Pierre,  I,  p.  128,  n-  200:  I,  p.  100,  n»  3T.7. 


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LA  PUOSPKRITK  I>KS  KXDUU'EMKXTS  M  X  XIII*  KT  XIV-  SIÈCLES  173 

région  de  Watervliet,  probablement  un  bras  du  Braakman,  dont  l'existence 
est  pleinement  confirmée  au  XIIIe  siècle.  Les  criques  du  pays  d'Axel  ne 
se  montrent  pas  encore,  mais  la  mer  est  indiquée  à  Ilulst  en  1 1 09  1 .  Après 
1200,  la  fréquence  des  endiguomenls  resserre  et  précise  les  chenaux. 
Kadzand  et  Wulpen  sont  de  grandes  îles,  toutes  coupées  d'anciennes 
criques,  des  ♦  Vliel  »,  et  agrandies  peu  a  peu  par  l'adjonction  de  nouveaux 
polders,  comme  une  cellule  qui  pousse  tout  autour  d'elle  des  prolonge- 
ments *.  Les  détroits  se  resserrent  entre  les  îles  et  le  continent  :  en  1257 
on  voit  émerger  sur  la  côte  du  pays  d'Oostburg,  en  face  Wulpen,  un 
schorre  qui  forme  le  nouveau  polder  d'Yzendorp,  et  en  1261  on  endigue 
entre  Yzendorp  et  (iroede  :i  ;  aussi  organise-t-on  mieux  le  service  de 
passage  entre  la  terre  et  les  îles;  Arneuld  de  Maldegem  lègue  par 
testament  de  1275  deux  grosses  sommes  pour  que  la  traversée  soit 
gratuite  l,  et  un  acte  de  1280  nous  apprend  qu'en  effet  au  bac  de  Veere 
(passage)  on  passe  sans  payer  dans  l'île  de  Kadzand  5.  Enfin  une  nouvelle 
île  s'est  formée  sur  la  côte  orientale  de  Wulpen  ;  c'est  Koesant,  qualifiée 
en  12'i7  de  jet  de  mer,  dont  les  accroissements  sont  signalés  en  1276  R, 
et  qui  dès  le  XIVe  siècle  se  joindra  à  Wulpen,  agrandie  d'autant7.  En 
face,  sur  la  côle,  il  n'existe  pas  do  bras  de  mer  joignant  le  Zwin  au 
Hraakman.  Delleilleà  Aardenburg  et  Oostburg,  rien  que  des  terres 
cultivées  et  endiguées  ;  aucune  allusion  à  une  crique*.  Aardenburg  est 
déjà  aussi  éloigné  de  la  mor  qu'il  l'était  au  XYIN'"  siècle,  puisque  les 
échevins  obtiennent  en  1241  l'autorisation  de  creuser  un  canal  entre  leur 
ville  et  la  nier,  à  Slependamme9.  L'évêque  de  Tournai  Walter  de  Marvis 


i  Kluit,  Historia  Critica,  IL  p.  241. 

î  A  Kadzand  en  1171  et  I18λ,  on  voit  1»?  Suilpolre,  le  Uoudelinsvliet,  1e  Grotvliet, 
le  Tarwedie,  le  Wertvliet,  le  Kerpolre,  le  Dumbinsvliet  ;  un  «  Utdic,  id  est  incre- 
mentum  »  (Serrure.  St-Uavon,  p.  IX.  n°  ;77,  et  p.  f>7,  n°  71).  Dans  un  dénombrement 
de  1227,  on  n'y  compte  pas  moins  de  ir»  polders  (Ibid.  pp.  rrfMHO,  n"  Kit). 

a  Van  Lokeren.  St- Pierre,  I,  pp.  314-317),  n«  672,  et  p.  331,  n»  728. 

»  Ibid.  L  p.  377,  n"8T)9.  —  Cf.  Voisin,  Le  Testament  d'Arnould  de  Maldeghem, 
Ann.  Soc.  Em.  Hr.,  2"  série.  VII  (18W),  pp.  3<'i3sqq. 

5  Delepierre,  Précis  analytique,  l"  série,  I,  p.  LXXV. 

*  Inventaire  analytique  et  chronologique  des  archives  hospitalières  de  la  ville  de 
Lille  (I-  vol.,  Lille,  Leiebyre  Ducmer,,  in-4",  1871  :  2-  vol.,  Lille.  Le  Bigot,  in-',»,  1SW) 
I,  p.  L  et  1.  p.  10. 

'  Cf.  le  texte  de  1Ô10  dans  Areh.  hosp.  Lille,  I,  p.  Ni. 

»  Cf.  Serrure,  St-Havon,  pp.  233-234,  n»2il  (1244). 

9  Charte  publiée  dans  Gilliodts.  Petites  villes,  I,  pp.  83-8T».  —  C'est  déjà,  en  12711 
comme  aujourd'hui,  la  rivière  de  l'Hee  (Lede)  qui  coule  d'Aardenburg  à  Slependamme 
(StrOenois,  inventaire,  p.  78,  n°  2Tj0). 


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17'i 


FORMATION  PK'LA  PLAINK  MARITIME 


délimite  en  12-W  les  paroisses  de  St-Nicolas  de  Varne,  Oostmanskerke, 
Ste-Catherino  et  St-liavon  d'Oostburg.  Iloeslaere,  Aardenburg  et 
Maldegem  ce  qui  prouve  la  disparition  des  criques  qui  auraient  pu 
servir  de  limites  naturelles.  Mais  au  N.-E.  des  ainbachten  d'OosIburg  et 
d'Ijzendijke,  nous  retrouvons  la  mer.  La  wateringue  de  l'Onde- Yevene, 
dont  on  entend  parler  en  1239,  mais  qui  existe  probablement  depuis  la 
tin  du  X':  siècle,  écoule  ses  eaux  par  Haarzande  s,  vers  le  N.-të.  :  ce  qui 
indique  que  la  côte  du  Ilont  se  trouve  à  peu  près  à  la  hauteur  de 
Haarzande,  c'est-à-dire  à  la  môme  place  qu'aujourd'hui.  Plus  loin,  Uicrvliet 
est  également  terre  ferme  3.  Mais  en  face  de  Bicrvliet  s'étend  un  large 
bras  de  mer,  le  Hraakman,  séparant  la  petite  ville  et  le  métier  de  Bruges 
de  l'île  de  Milme,  et  des  terres  du  métier  d'Assenede,  Willemskerke, 
Vronendic,  sur  l'emplacement  actuel  de  la  commune  de  Hoek  *.  Ce  bras 
de  mer  pénètre  profondément  au  Sud.  Roeslaere,  à  côté  de  Watervliet, 
est  près  de  la  mer  en  1218  5,  probablement  l'ancienne  crique  d'Klmare  ; 
la  paroisse  de  Watervliet,  à  la  même  date,  comprend  des  parties  qui 
louchent  à  la  mer  6  ;  on  prévoit  en  1260  que  dans  un  de  ses  hameaux  des 


1  Descamps  (A.-P.),  Notice  sur  Walter  de  Marvis,  évéque  de  Tournay  (Mém.  Soc. 
hist.,  Tournai,  I,  [18Tv3],  pp.  îaVttK)),  pp.  272-273. 

1  Van  Lokeren,  St-Pierre,  I.,  pp.  2»i8-2fî9,  n°  742.  Charte  de  wateringue  extrêmement 
intéressante.  Située  entre  Oostburg  et  Ijzendijke,  l'Oude-Yevene  correspond  exactement 
au  Partis  Gasterna  apparu  à  la  fin  du  X»  siècle  (cf.  p.  1.77,  note  I)  ;  c'est  sur  son  liane 
occidental  que  s'est  l'orme  le  schorre  de  Groede,  sur  sa  côte  N.  la  terre  de  Haarzande. 
La  charte  prévoit  les  cas  où  la  mer,  attaquant  la  côte  do  Haarzande,  obligerait  à 
reculer  la  digue  vers  l'intérieur,  et  celui  oii  l'accroissement  des  schorres  nécessiterait 
la  construction  d'une  nouvelle  digue  plus  loin  en  mer.  —  Publié  également  dans 
Wolters,  Recueil  de  lois,  II,  pp.  1-2.  —  Pour  Haarzande:  Van  Lokeren,  St-Pierre,  l, 
p.  173,  n"  303. 

3  12S1  :  «  si  le  fermier  de  St-Pierre  dans  l'Abbekinspolre  ne  paie  pas  le  montant  de 
son  fermage,  l'abbé  peut  envoyer  un  homme  à  cheval  à  Riervliet  demander  assis- 
tance. .  .  »,  etc.  (Van  Lokeren,  St-Pierre,  I,  p.  413,  m>S9t>i.  L'Abbekinspolre  élaità  Pieté, 
entre  Watervliet  et  Houehaute  (lbitl.  I,  p.  271.  n"  îïïi). 

*  Les  textes  sont  formels  :  124(1  :  Cession  à  l'abbaye  de  Groeninghe  des  dîmes  de  la 
terre  «  vi  marini  fluctus  jacte,  vel  post  modum  jaciende  iuter  Milmcn  et  Hiervliel- 
termuden  ».  (Van  <le  Pulte,  Chronique  et  Cartulaire  de  l'abbaye  de  Groeninghe 
|  Hruges.  Soc.  d'Km.,  1S72.  iri-'r],  p.  3)  ;  —  12il  :  terra  inter  insulam  quae  vocatur 
Milme.  quai  est  in  officio  de  Hasscnede,  et  Saternessoort.  (juae  est  in  offieio  de  Hrugis; 
.  ..  et  niedietatem  totius  lerre  que  per  jaetum  maris  torris  predietis  accrevit,  vel  futuris 
lemporibus  accrescet,  seu  quoeumque  modo  mare  jacet  contra  terras  predictas  (Ibid. 
p.  12).  —  Plus  loin  est  indiqué  que  ces  terres  de  Milme  sont  situées  sur  les  ]  croisses 
de  W  illemskerke  et  Vronendieke  (Ibid.  p.  7V). 

3  \'an  Lokeren.  St-Pierre.  I,  p.  23i),  n  44lî. 

«  Circa  maritima  (Ibid.  1,  p.  240,  n°  448). 


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LA  PROSPÉRITÉ  DES  KNDHU'KM  KNTS  AUX  XUP  KT  XIV'  SlKCLKS  ITT» 

schorres  pourront  continuer  à  se  former1.  Houchaute,  Assenede,  doivent 
être  encore  au  boni  de  la  mer,  puisque  la  keure  des  Quatre-Métiers  de 
12-42  leur  prescrit  de  fournir  chacune  un  bateau  ponté  de  guerre  (hercog- 
ghen) *,  et  que  la  sentence  de  1281  pour  l'évacuation  des  eaux  de  Caprycko 
et  I^nibeke  indique  que  les  écluses  sont  à  Houchaute  :i.  Vers  Axel,  les 
données  du  XIIIe  siècle  sont  moins  précises,  et  on  pourrait  hésiter  sur  la 
direction  de  la  crique  qui  s'étendait  certainement  jusqu'à  Axel  4,  si  un 
texte  très  précis  du  XIVe  siècle  ne  venait  donner  tous  les  éclaircissements 
désirables,  en  indiquant  qu'autrefois  les  paroisses  de  Zaamslag,  (  Mhene 
et  Aandijke  formaient  une  île  entourée  par  les  eaux  de  la  mer  \  et  qu'à 
ces  bras  se  joignait  le  «  havene  d'Axele  exstendant  en  la  meer  »  Aucune 
communication  n'est  indiquée  avec  le  Hraakman,  et  le  métier  d'Assenede 
s'étendait  vers  le  Nord  sans  solution  de  continuité.  Au  contraire  le  bras 
de  mer  qui  contournait  l'île  de  Zaamslag  rejoignait  en  face  d' Aandijke 
la  crique  d'Hulst.  Celle-ci,  dont  les  traces  s'aperçoivent  encore  fort  bien 
sur  la  carte  néerlandaise  à  1:50.000,  suivait  au  N.  d'Hulst  le  bord  Ouest 
du  Dullaarl-polder  7,  le  bord  Kst  des  terres  de  l'abbaye  de  Cambron  8, 
passait  devant  Stoppeldijk  9  ;  c'est  dans  cette  crique  pompeusement 
qualifiée  en  1221  par  l'évôque  de  Tournai  de  «  Neptuni  mare  >  10  que  se 


1  Van  I/okeron,  St-Pierre,  I,  p.  328,  n»  708.  Des  textes  de  127i>  et  12S2  confirment 
la  présence  de  la  mer  à  Watervliet  (Ibid.  I,  p.  38»»,  u°  884  et  I,  p.  427,  n»  !«*)). 

i  Warnkônig,  Flandrische  Geschichtc,  III.  p.  187. 

3  Wolters,  Recueil  de  lx>is,  II,  pp.  '.-.">. 

1  En  12T.7,  endiguements  à  Oostenblij  de  terres  qui  doivent  être  mises  à  l'abri  «les 
inondations  «le  la  nier  (  Van  Lokcnn,  St-Piurre,  I,  p.  '.Vf.*,  n"  ImU).  Kn  1^»S.  endigue- 
nient  de  terres  inondées  par  la  mer  entre  Axel  et  Peerbooni  (Ibid.  I,  p.  ,'til,  nu  7.'53)  ; 
Peerbooni  est  situé  vers  l'emplacement  actuel  du  Sas-de-Gand.  (Van  de  Putte,  Dunes, 
p.  337).  Eu  121  M,  défenses  contre  les  inondations  de  la  mer  dans  le  Canisvliel,  au 
Sud  d'Axel  (Ibid.  p.  343). 

5  Réponse  de  la  comtesse  de  Namur  à  une  supplique,  vers  13T>4  (Van  Lokeren,  II, 
p.  117.  n°  120T>,  note  1).  Gf  :  Ab  l'trecht  Dresselhuis,  De  Provincie  Zeeland,  pp.  8<i-87. 
—  Des  schorres  sont  indiqués  à  Zaamslag  en  1281  (Van  Lokeren,  St-Pierre,  l,  p.  401, 

«  Ibid.  II,  p.  78,  n-  12iT)  (i»>3). 

"  Terres  dans  le  Dullaart  polder,  près  du  bord  de  la  mer,  en  12517  (Archives  du 
Séminaire  épiscopal  de  Rruges,  nJ37!<;  cite  dans  Van  Hollebcke,  Lisseweghe,  son  église 
et  son  abbaye,  [Hruges,  Soc.  d'Em.,  18»i3,  in-4°,  282  p.),  p.  122). 

8  Charte  de  la  comtesse  Marguerite,  i'AYJ  (Kluit,  Historia  Critica,  II,  pp.  77s-78'i). 

9  Mussely  et  Molitor,  Courtrai,  p.  î(2  (1240). 

10  Ibid.  p.  T>3.  —  I/Oude  haven  actuel,  entre  Stoppeldijk  et  Rummersdijk,  est  le 
dernier  reste  de  la  vieille  crique  de  Hulst. 


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ITti 


FORMATION  DE  LA  PLAINE  MARITIME 


jetait  à  Hengstdijk  la  crique  de  Vogel,  endiguée  en  1270  Kntin  tout  est 
endigué  à  l'Ksl  d'Ossenisse  ;  les  polders  de  Saaftinge,  de  Nainen,  existent 
en  1280  au  boni  du  Hont  1  et  se  relient  par  des  schorres  nouveaux  (1267) 
aux  polders  de  Kieldreeht,  Calloo  et  le  I)oel  ■'. 

Ce  tableau  un  peu  minutieux,  niais  qui  ne  peut  avoir  d'intérêt  que  par 
le  nombre  et  l'exactitude  des  détails,  n'éveille  pas  l'idée  d'un  pays  qui 
s'affaisse.  L'homme  y  est  en  progrès  continuel,  et  ses  conquêtes  se  font 
avec  une  rapidité  qui  inspire  le  respect  pour  cette  <euvre  des  particuliers 
et  des  moines.  Le  gain  de  la  terre  est  constant  ;  la  mer  ne  paraît  dans 
l'action  que  pour  préparer  de  nouveaux  schorres.  A  peine  signale-t-ou  une 
inondation,  qui  s'est  accomplie  vers  1214  sur  les  terres  de  (Iraauw  et  de 
Frankendijk.  et  dont  les  dégâts  sont  réparés  par  un  réendiguemont  en 
I2.'i2et  1233*.  C'est  la  monnaie  courante  dans  une  région  de  polders. 
Les  bras  de  mer  entrevus  depuis  le  X"  siècle  sont  toujours  là.  mais  ils 
vont  sans  cesse  se  resserrant,  avec,  rapidité.  Cette  région  zélandaise  est 
sortie  plus  tard  des  eaux  que  le  reste  de  la  plaine  parce  que  la  présence  d'un 
grand  estuaire  augmentait  à  cet  endroit  la  force  et  la  hauteur  des  marées "•; 
mais  avec  un  ou  deux  siècles  de  retard  elle  s'est  asséchée  et  peuplée  aussi 
rapidement  que  le  pays  à  l'Ouest  de  Bruges.  On  n'y  trouve,  pas  plus  qu'à 
Dunkerque,  Calais  ou  Nieuport,  trace  d'une  oscillation  négative  qui  eût 
précipité  la  mer  à  travers  ses  polders.  Au  contraire  à  la  fin  du  siècle,  en 
1282  et  1286,  le  gain  de  la  terre  s'annonce  comme  plus  fort  que  jamais. 
Guy  il*1  Dampierre,  pauvre  d'argent,  est  riche  de  schorres:  et  pour  doter 
son  tils  Jean  de  Namur,  il  lui  octroie  toutes  les  terres  neuves  formées  aux 
replis  des  estuaires  et  au  front  des  digues.  La  liste  en  est  longue  :  la  mer 
a  perdu  du  terrain  partout,  depuis  le  fond  du  havre  du  Zwin  jusqu'aux 
lointains  polders  de  Saaftinge  (1.  L'envasement  a  marché  si  vite  qu'on 


1  Musselv  et  Molitor.  Courtrai.  p.  \'iK 

*  Hautou'ur,  Cartulaire  <le  l'abbaye  de  Flincs  (Lille,  Quarré,  1873.  2  vol.  iu-'c).  I. 
pp.  23SU240. 

3  Van  l/jkeren,  Std'ierre,  I,  p.  3T)3,  nJ  7*7. 

*  Mussely  et  Molitor.  Courtrai,  pp.  f',i-4i2,  <>7,  7.%  83. 

5  Li  marée  à  Anvers  a  une  amplitude  sensiblement  plus  forte  qu'à  We^tkappel  : 
'i-,3i  contre  3»,!»2  (syzygicsj.  (Wolters.  Mémoire  sur  les  marées,  pp.  11-17). 

s  L-s  deux  chartes  sont  publiées  dans  Gilliodts,  Coutumes,  Petites  villes,  t.  III. 
p.  3T»1  et  VI,  p.  331.  l'our  la  première,  M.  Cîilliodts  accepte  la  lecture  Asscnede  au 
lieu  d'Alkems,  inintelligible  :  il  tant  doue  lire  :  «  tous  les  utdi-  (hors  des  digues)  entre 
Damme,  Hiervliei  et  A-senede  ».  Cette  lecture  est  conforme  à  l'état  du  pays  à  cette 
date;  Jean  de  Namur  reçoit  les  schorres  formés  dans  le  Zwin  et  dans  le  Braakuian. 
La  charte  de  1 2» '»  lui  donne  ceux  qui  se  sont  formés  dans  les  criques  d  Axel  .-t 


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LKS  INONDATIONS  KT  RKKN DKU' KMKNTS  :  XIV'-XIX*  SIÈCLES  177 

dispute  à  Groede  dès  1267  sur  les  alluvions  formées  depuis  que  l'évêque 
Walter  de  Marvis  est  venu  (1243)  partager  entre  les  paroisses  riveraines 
les  nouveaux  schorres 1 . 


Inondations  et  réendiguements  :  XIV*  XIX*  siècles. 
Rôle  des  événements  historiques. 

On  était  peut-être  allé  un  peu  trop  vite.  La  spéculation  sur  les  endi- 
guenients  faisait  oublier  les  précautions  nécessaires  ;  on  s'emparait  des 
schorres  avant  qu'ils  fussent  mûrs.  Les  criques  restaient  profondes  ;  la 
marée  prenait  plus  de  force  dans  les  chenaux  resserrés,  et  la  mer 
commença  à  jeter  bas  les  nouvelles  digues  Aussi  les  inondations 
commencent-elles  à  devenir  graves  depuis  la  fin  du  XIIIe  siècle.  Il  s'en 
produit  une  en  1277 3  :  ses  effets  durent  être  négligeables,  car  les  chartes 
laissent  aux  chroniques  le  soin  d'en  parler.  Celle  de  1288,  que  Meyer 
donne  pour  prodigieuse  *,  mit  sous  l'eau  la  terre  d'Ossenisse,  qui  fut 
réendiguée  quatre  ans  après  5. 

C'étaient  là  des  avertissements,  qu'on  négligea.  On  continua  d'endiguer. 
Wulpen  s'agrandit  encore  ;  l'île  comprend  5  paroisses  à  la  fin  du 
XIVe  siècle  8.  A  Oostburg  et  Ijzendijke,  rénumération  est  longue,  dès 
1357,  des  terres  endiguées  depuis  1348  '.  Au  Nord  d'Axel,  on  s'empare 
des  schorres  de  l'île  de  Zaamslag,  et  en  1350  on  voit  apparaître  le  polder 
de  Terneuzen  8.  Devant  ces  entreprises  nouvelles,  la  mer  se  cabre.  Les 
inondations  partielles  deviennent  fréquentes.  Dans  la  liste  dressée  en  1357 
des  terres  nouvelles  d'Oostburg,  on  découvre  plusieurs  petits  polders 


Hulst,  ainsi  que  devant  Frankendijk  et  Saaftinge.  —  Sur  la  question  voir  :  Chartes  au 
sujet  des  alluvions  et  schorres  ou  jets  de  la  mer  dans  les  Quatre-Métiers  (1285-1 3(58), 
Mess.  Se.  Hist.,  t.  50,  1888,  pp.  242-248. 
1  Van  Lokeren,  St-Pierre,  I,  p.  353,  n°  787. 

*  De  même  en  180!),  les  ingénieurs  remarquent  que  les  marées  depuis  quelques  mois 
s'élèvent  plus  haut  dans  le  Braakman,  et  qu'il  y  a  plus  souvent  des  marées  extraor- 
dinaires ;  que  cela  répond  à  la  fréquence  des  endiguements.  —  Arch.  Nat.  F«» 
1122. 

3  Meyer,  Annales,  ad  annum. 

*  Ibid. 

5  Van  de  Putte,  Dunes,  p.  219. 

6  Cf.  Voisin,  Testament  d'Arnould  de  Maldoghem,  p.  382. 
"  Van  Lokeren,  St-Piorre,  II,  pp.  01>-70,  n»  121<i. 

»  U>id,  II,  p.  52,  n°  lim  ;  p.  m,  n«  1188  ;  p.  61,  n»  1102  ;  p.  78,  u-  1245. 


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178 


FORMATION  DR  LA  PLAINE  MARITIME 


submergés,  dont  Pun  endigué  dans  le  courant  de  l'année  et  inondé 
aussitôt  ».  Le  Westpolre  de  Saaftinge  est  sous  l'eau  en  1338  *  ;  le  détroit 
de  Biervliet  s'agrandit,  réduisant  les  terres  endiguées  à  Milme  au  siècle 
précédent 3.  On  finit  par  s'inquiéter  et  par  réparer  les  digues;  en  1353 
on  rétablit  celles  de  Kieldrecht  et  de  Calloo  *;  en  1376,  on  en  hausse, 
élargit  et  renforce  une  qui  protège  le  Nord  du  pays  d'Oostburg  5  ;  on 
allait  commencer  des  travaux  analogues  du  côté  d'Ijzendijke 6,  lorsqu'une 
grande  inondation  survint. 

Cette  catastrophe  de  1377,  qui  ne  paraît  pas  avoir  frappé  les  contem- 
porains, a  épouvanté  les  historiens.  Meyer,  Gabbema,  Smallegange,  Van 
Waernewyck,  en  parlent  avec  terreur  :  c'est  la  mer  s'introduisant  par  les 
écluses  mal  fermées  (?)  d'Hughevliot  et  noyant  22  villages  daus  le  pays 
de  Biervliet,  Ijzendijke  et  Watervliet 7;  le  Hont  est  élargi,  lo  Braakman  est 
formé.  C'est  beaucoup  de  dégâts  pour  une  seule  inondation.  On  a  vu  que  le 
Braakman  existait  avant  1377,  sur  le  même  emplacement  qu'aujourd'hui,  au 
moins  entre  Assenede  et  Biervliet  ;  quant  au  Hont,  les  textes  du  XIVe  siècle 
nous  le  présentent  comme  aussi  important  que  de  nos  jours8.  Enfin  un 


i  Cf.  p.  177,  note  7. 

s  Mussely  et  Moliior,  Gourtrai,  p.  244. 

3  (1341)  Van  de  Putto,  Groeninghe,  p.  74. 

*  Limburg-Stiruin,  Cartulaire  de  Louis  de  Maie,  II,  p.  120. 

5  Van  Lokeren,  St-Pierre,  II,  p.  88,  n»  12tr7. 

«  31  août  1377  (Ibid.  IL  p.  04,  n-  1300). 

7  Meyer,  Annales,  ad  annum  ;  —  Gabbema  (S.-A.),  Nederlandsche  Watervloeden, 
of  naukeurige  beschrijvingo  van  aile  Watervloeden  voorgevallen  in  Holland,  Zeeland, 
Flaandren,  eng.  (Gouda,  Cloppenburg,  1703,  in-Hu,  3(58  p.),  pp.  137-138;  —  Smalle- 
gange, Cronvk  van  Zeeland,  V,  p.  22T>  ;  —  Van  Waernewvek,  Historié  van  Belgie,  I, 
p.  174. 

8  L'opinion  qui  fait  du  Hont,  avant  la  fin  du  XVe  siècle,  un  bras  insignifiant,  peut- 
être  discontinu,  date  de  loin  ;  Kluit  la  formule  (I,  2e  partie,  pp.  13*1-140  et  104),  et  tous 
les  historiens  et  géographes  l'ont  reprise  après  lui.  Kilo  repose  uniquement  sur  une 
charte  do  Jacqueline  de  Hollande  (XV0  siècle),  rappelée  à  la  cour  de  Malines  en  1Ti04 
(Kluit,  I,  p.  104)  qui  déclare  que  «  par  les  grandes  inondations  qui  advinrent  en  son 
temps  et  aussi  auparavant,  la  rivière  de  la  Honte  qui  avait  été  petite,  étroite  et  peu 
profonde,  était  devenue  si  large  et  grande  et  profonde,  que  les  marchands  étrangers 
commençaient  à  prendre  leur  chemin  par  icelle  Honte,  ete.  ».  Cependant  la  cou- 
flamande  du  Hont  n'était  pas  située  plus  au  N.  qu'aujourd'hui  :  Saaftinge,  Ossenisse, 
Terneuzen,  Hughevliet  près  Biervliet,  Baar/.and,  la  jalonnaient.  A  Ossenisse,  à  Saaf- 
tinge, le  Hont  est  qualifié  de  mer  en  1183,  en  1280,  ce  qui  ne  laisse  guère  supposer 
un  bras  étroit  et  sans  profondeur  (Van  Lokeren,  St-Pierre,  I,  p.  181),  n°  3'i2  ; 
Hautcœur,  Cartulaire  de  Flines,  I,  pp.  239-240).  Cet  estuaire  était  navigable; 
Kluit  cite  des  tonlieux,  cAté  zëlandais.  à  Rieland,  à  Valkeniase,  en  1270  et  1283 
(pp.  130-140);  l'abbaye  des  Dunes  se  fait  exempter  en  1201  des  droits  do  tonlieu 


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LES  INONDATIONS  ET  RÉENDIGUEMENTS  :  XIV-X1X-  SIÈCLES  1*70 


certain  nombre  des  villages  donnés  comme  inondés  ne  paraissent  pas  en 
avoir  beaucoup  pâti.  Willemskerke  existe  toujours  en  14021;  Gaternisse 
en  1395  et  1398*;  Nieuwerkerke  près  d'Oostburg  en  1410 3.  Il  est 
probable  que  l'inondation  ne  recouvrait  les  parties  envahies  que  d'une 
tranche  de  1  à 2  mètres  d'eau  à  marée  haute,  et  quittait  les  terres  à  marée 
basse  :  aussi  essaie-t-on  de  réendiguer  aussitôt.  En  1388,  on  projette  une 
digue  pour  assécher  le  métier  d'ijzendijke,  et  en  attendant  on  en  fait  une 
pour  protéger  l'Oude  Yevene  *.  Ce  n'est  qu'en  1399  que  l'on  s'informe 
du  nom  des  locataires  qui  ont  l'intention  d'abandonner  les  terres  inondées 5. 
L'on  n'avait  malheureusement  pas  accompli  les  travaux  nécessaires  avec 
la  célérité  désirable.  C'est  l'époque  des  troubles  qui  agitent  la  Flandre 
sous  Louis  de  Nevers  ;  occupés  au  Heverhoutsveld  et  à  Roosebeke,  les 
gens  du  Franc  négligèrent  leurs  digues  6  ;  par  passion  politique,  on  les  eut 
plutôt  crevées,  s'il  l'eut  fallu  7.  Et  l'on  découvre  là  la  principale  cause 
des  désastres  de  la  Flandre  zélandaise.  Si  l'inondation  pénètre  dans  les 


sur  tout  le  parcours  du  Hont  (Van  de  Putte,  Dunes,  p.  218).  Enfin  la  largeur  de 
l'estuaire  est  démontrée  par  la  position  des  villages  placés  sur  les  bords  ;  on  a  énuméré 
ceux  du  côté  flamand  ;  du  côté  zélandais,  Rieland,  Valkenisse,  sont  aujourd'hui  un 
peu  dans  les  terres  ;  Melis  Stoke  (Rijnikroniek  van  Holland  en  Zeeland,  VII,  v.  1117) 
qualifie  le  Hont  de  «  mer  s'étendant  d'Arnemuiden  (Walcheren)  jusqu'en  Flandre  ». 
Un  précieux  point  de  repère  est  fourni  par  le  procès-verbal  de  délimitation  d'un  schorre 
à  Hontenisse  en  1308  ;  on  prend  comme  point  de  mire  la  tour  zélandaise  de  Kruiningen 
(Van  de  Putte,  Dunes,  p.  75*5).  Cela  indique  que  la  largeur  du  Hont  n'a  guère  varié  à 
cet  endroit.  S'il  y  a  eu  un  changement  depuis  la  fin  du  XIIIe  siècle,  il  faut  le  chercher 
dans  un  rétrécissement  lent,  mais  continu,  de  l'estuaire. 

•  Mussely  et  Molitor,  Gourtrai,  p.  288. 

•  Van  Ukeron,  St-Pierre,  II,  p.  123,  n«  1421  et  II,  p.  139,  n«  1449. 

5  Ibid.  II,  p.  Kr>,  n°  1554.  —  Oosemanskerke  est  citée  en  1495,  mais  peut-être  après 
rôendiguement  ;  St-Nicolas  de  Varne  est  indiqué  comme  inondé  en  1424  seulement 
(Ibid.  II,  p.  402,  n°  2221).  Enfin  dans  les  Comptes  du  Franc,  on  indique  au  29  avril 
1404  qu'un  messager  fait  en  3  jours  la  tournée  de  Bruges  à  Moerkerke,  Coxydo, 
ljzendijke,  Hulst,  avec  retour  par  Ursel  et  Sysseele  (Delepierre,  Précis  analytique, 
2e  série,  I,  p.  70).  Pour  que  cette  course  pût  se  faire  en  3  jours,  il  fallait  que  le  pays 
fut  à  sec. 

•  Van  Lokeren,  St-Pierre,  II,  p.  107,  n»  1350. 
s  Ibid.  II,  p.  141,  n°  1459. 

6  En  1387,  les  digues  de  l'Oude- Yevene  sont  en  très  mauvais  état,  à  cause  des  troubles 
de  Flandre  qui  ont  empêché  de  les  réparer  (Van  Lokeren,  St-Pierre,  II,  p.  101,  n"  1341). 
En  1395,  nomination  d'inspectours  de  digues  dans  le  métier  d'Oostburg,  ou  l'entretien 
des  digues  a  été  négligé  depuis  longtemps,  par  suite  des  troubles  (Ibid.  Il,  pp.  123  et 
125,  n»  1421,  1422,  1424). 

7  C'est  ce  qui  se  produit  en  1384  à  Hontenisse,  où  Arnould  Janssoone  rompt  les 
digues,  au  cours  de  la  lutte  de  Gand  et  du  comte.  (Meyer,  Annales,  ad  annum);  cf. 
Van   Lokeren,  St-Pierre,  II,  p.  141,n°  1402. 


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ISO 


FORMATION  I)K  LA  PLUNK  MARITIME 


terres  et  s'y  maintient,  c'est  que  l'homme,  occupé  à  la  guerre  civile  ou 
étrangère,  néglige  l'entretien  des  digues  et  ne  répare  pas  aussitôt  les 
dégâts  de  l'inondation;  le  vent  du  N.-W. ,  qui  pousse  les  flots  dans 
l'estuaire  et  dans  le  Braakman,  est  moins  coupable  que  le  spéculateur 
pressé  qui  a  endigué  trop  tôt  et  que  le  dykgraaï  de  la  wateringue,  dont 
les  préoccupations  vont  à  Yoens  et  Van  Artevelde  plutôt  qu'à  l'entretien 
de  ses  digues. 

Aussi  le  pays  d'Oostburg  et  d'Ijzendijko,  où  les  dégâts  de  1377  avaient 
été  mal  réparés,  restait  à  la  merci  d'une  nouvelle  inondation.  Elle  se 
produisit  en  4404,  et  eut  des  effets  beaucoup  plus  considérables  que  la 
première.  A  Damme,  la  marée  reste  24  heures  sans  descendre  Cette 
fois,  les  chartes  en  parlent  *.  Le  Transport  de  1408,  qui  est  un  véritable 
dénombrement  de  la  Flandre  pour  cette  date,  énumère  les  paroisses 
disparues  :  à  l'Est  du  Braakman,  Wevelswale,  Koudekerke,  Boterzande, 
Visschersdorp  ;  à  l'Ouest,  Watervliet,  Elmare,  Hamere,  Roeslaere, 
Ijzendijke  ;  Biervliet  est  fortement  diminué  ;  le  pays  d'Aardenburg  perd 
Coxyde  et  Lang-Aardenburg  3.  La  mer  s'avance  jusqu'au  Houtland  de 
Caprycke  et  Lembeke  4,  elle  joint  le  Zwin  au  Braakman  par  le  Coxijsche- 
Gat,  qui  s'ouvre  entre  Slependamme  et  Oostburg  5.  Tout  le  pays  entre 
l'Oude-Yevene,  qui  reste  intacte,  et  la  ligne  des  terres  hautes,  par 
St-Kruis,  Bentille  et  Bouehaute,  est  sous  les  eaux.  Biervliet,  avec  les 
deux  Zouto-polders,  forme  une  île  ;  le  Braakman  s'allonge  vers  Peerboom, 
dans  la  direction  d'Axel 8. 

Ainsi  le  domaine  de  la  mer  paraît  démesurément  accru  ;  le  Braakman 


«  Comptes  de  Panime,  1403-4,  f*  30,  ir  t.  Cité  danH  Gilliodts,  Inventais,  Introduction, 
p.  41)7. 

*  Charte  de  la  duchesse  Marguerite  de  Maie,  de  février  1405  (datée  à  faux  de  1404 
par  Van  Lokeren,  St-Pierre,  II,  p.  ir>4,  n°  l."i03);  —  attestation  de  1411  que  les  terres 
do  l'abbaye  à  Watervliet  sont  couvertes  par  les  flots  de  la  mer  (Ibid.  II,  p.  100,  n"  1550)  ; 
—  charte  de  141(5  pour  l'abbaye  des  Dunes  (Van  de  l'utte.  Dunes,  p.  773)  ;  —  charte 
de  Maxiniilien  de  1403,  rappolant  l'inondation  de  1404  (Gilliodts,  Inventaire  des 
Archives  de  Hruges,  VI,  pp.  430-437)  ;  —  octroi  de  Philippe  le  Heau,  de  1497  (Wolters, 
Recueil  de  lois,  II,  pp.  38-30)  ;  —  «  Payé  40  scli.  par  jour  à  Nicolas  Tolnin  pour  aller 
examiner,  le  long  des  côtes,  où  la  mer  a  rompu  les  digues  »  (Comptes  du  Franc,  1403-4, 
dans  Delepierre,  Précis  analytique,  2<  série,  I,  p.  70). 

3  Cf.  Gilliodts,  Inventaire  des  Archives  de  Hruges,  IV,  pp.  23-25  ;  —  Priem,  Précis 
analytique,  2"  série,  VI,  pp.  151-175. 

4  Van  Ijokeren,  StrPierre,  II,  p.  154,  nu  1503. 

s  Cf.  Charte  de  Jean  sans  Peur,  de  1410,  dans  Wolters,  Rocucil  de  lois.  II,  p.  13, 
et  Gilliodts,  Coutumes,  Petites  villes,  I,  p.  ».K). 

6  Van  de  Putte,  Dunes,  p.  248. 


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LES  INONDATIONS  ET  RÉENDIGUEMENTS  :  XIV«-XIX«  SIECLES  181 


devient  énorme.  Mais  en  réalité,  ces  terres  inondées  restent  à  l'état  de 
schorres,  d'où  pointent  des  débris  d'édifices,  tours,  églises.  En  1557,  quand 
on  retrouve  le  cimetière  de  St-Christopho  d'Ijzendijke,  on  constate  que 
les  ossements  humains  sont  éparpillés  à  la  surface  du  schorre  *,  ce  qui 
prouve  que  les  courants  ont  été  bien  faibles  à  cet  endroit,  et  le  dépôt 
d'alluvions  très  restreint;  d'où  l'on  conclut  que  le  territoire  inondé  n'était 
recouvert  que  par  les  très  grandes  marées.  L'eau  s'était  établie  seulement 
dans  trois  chenaux  principaux  :  le  Passegeule,  qui  faisait  suite  au  Coxijsche- 
Gat,  et  occupait  l'emplacement  de  l'ancienne  crique  d'Elmare  ;  le  Droochte 
et  le  Zuiddiep,  qui  prolongeaient  le  Passegeule  au  Nord  et  au  Sud  de  l'île 
de  Biervliet,  et  rej oignaient  le  Braakman 


Aussi  recommence-t-on  aussitôt  à  réendiguer  3.  On  prend  cette  fois  des 


1  Procès- verbal  de  la  visite  dans  Van  Lokeren,  St-Piorrc,  II,  p.  410,  ii°  225T>. 

!  Détails  tirés  des  chartes  accordant  des  endiguements  au  cours  du  XV"  siècle,  et 
citées  par  la  suite.  On  peut  hésiter  sur  la  question  de  savoir  si  c'est  bien  après  1404 
que  le  Braakman  entre  définitivement  en  communication  avec  le  Zwin.  Il  s'est  produit 
an  XV«  Biècle  d'autres  inondations,  celle  de  1450  notamment,  à  laquelle  des  histo- 
riens zélandais  attachent  une  grande  importance  (Hunnitis  fil.],  Het  Staatische 
Vlaanderen  of  rte  Zeeuwsche  lmize,  me1  de  veranderinpe,  dio  't  zeewater  aan  de 
Zeeuwsche  eylanden  heeft gegevr-n,  eng.  fMiddelburg.  Clément,  1718,  in-8°,  388  p.], 
p.  'SV.i  ;  —  Dresselhuis  [ab  Utrecht],  Het  distrikt  van  Sluis  in  Vlaanderen  [Middelburg, 
Van  Heu  t  hem.  181!>,  in-S",  1<>2  p.],  p.  2T>>.  Li  communication  n'est  pas  indiquée  sur 
la  carte  du  pays  au  début  du  XV"  siècle,  à  d'autres  égards  satisfaisante,  par  Willems 
(Historisch  Onderzook,  etc.  Autwery>en,  Van  der  Hey,  1828,  in-H",2;«  p.).  Mais  M.  Roos, 
dans  son  travail,  la  croit  même  antérieure  i  Woordenboek  van  Zeeuwsch-Vlaanderen, 
pp.  40-41). 

Dès  décembre  1404,  on  travaille  dans  tout.'  l'étendue  des  ambachten  d'Oostburg 
et  Aardenburg.  Cf.  Van  Lokeren.  St-Pierre,  II,  p.  150,  n"  r>lf>. 


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1*2 


FORMATION  DE  LA  PLAINE  MARITIME 


précautions  :  c'est  alors  que  s'élève,  tout  le  long  du  Houtland,  de  St-Laurent 
jusqu'au  delà  d'Assenede,  cette  «  digue  du  comte  Jean  >  que  l'on  attribue 
à  Jean  de  Naraur,  fils  de  Guy  de  Dampierre,  et  dont  on  doit  reporter 
l'honneur  à  Jean  sans  Peur,  dont  le  règne  est  contemporain  de  l'inon- 
dation et  de  la  reconquête  du  sol  *.  On  protège  ainsi  les  paroisses  de 
Bentille,  Caprycko,  Bassevelde,  Bouchaute,  effrayées  par  la  catastrophe, 
et  on  constitue  une  base  solide  sur  laquelle  vont  s'appuyer  les  endigue- 
ments.  Puis  on  se  met  à  l'œuvre  avec  prudence.  En  1409  le  Hellenpolder, 
en  1410  le  Kokhuijtpolder,  en  1412  le  Fazierspolder  sont  conquis  1  ;  la 
région  qu'on  appellera  désormais  «  Waterlanden  »,  le  pays  des  eaux, 
commeace  à  redevenir  une  terre  habitée.  En  1416,  on  se  dispute  déjà  les 
dîmes  des  schorres  de  Watervliet  et  de  Varne  3.  Après  un  temps  d'arrêt, 
dû  peut-être  à  l'inondation  de  1440,  les  endiguements  recommencent  :  en 
1448,  on  songe  à  s'attaquer  aux  schorres  d'Ijzendijke  ;  en  1467,  il  existe  un 
polder  St-Georges  «  au  lieu  appelé  jadis  Watervliet  »,  et  à  côté  un 
Mariapoldre  ».  La  marche  en  avant  est  lento  et  sûre.  De  l'autre  côté  du 
Braakman,  on  reprend,  à  partir  de  14,'M,  les  terres  inondées  de 
Wevelswale,  Koudekerque,  Vronendijk  6  ;  de  ce  côté  le  liraakman 
commence  à  retrouver  ses  anciennes  limites.  Partout  ailleurs,  où  les 
inondations  du  début  du  siècle  avaient  envahi  des  territoires,  on  réendigue 
activement  :  à  Othene  en  1461 7,  à  Saaftinge  où  on  a  repris  on  1421  les 
terres  perdues  par  «  les  grandes  tempêtes  et  inondations  des  eaux  de  la 
mer  »  8,  qui  sont  celles  de  1404  9  ;  à  Ossenisse  où  on  répare  en  1467  les 
dégâts  causés  par  Arnould  Janssoone  10  ;  dans  les  polders  du  pays  do 
Waes,  où  on  reconquiert  les  terres  de  Calloo,  Kieldrecht,  Verrebroeck, 


1  Jean  devient  comte  en  avril  1404.  On  a  vu  qu'à  l'époque  de  Guy  de  Dampiorre  et 
de  son  fila  Jean  de  Namur,  la  mer  est  retirée  au  delà  de  Groede,  Biervliet  et  Assenede  ; 
pourquoi  serait-on  allé  construire  à  co  moment  une  digue  à  15  kilomètres  dans 
l'intérieur  ? 

»  Roos,  Woordenbock,  pp.  113-115. 

s  Van  Lokeren,  St-Pierre,  II,  p.  180,  n°  1508. 

»  Ibid.  11,  p.  234,  n°  1753. 

»  Ibid.  II,  p.  273,  n°  1872. 

«  Placcaetboek  van  Vlaanderen,  III,  p.  43f. 

i  Van  Lokeren,  St-Pierre,  II,  p.  270,  n»  1858. 

»  Hautcoeur,  Flines,  II,  pp.  740  et  752-754. 

»  Van  de  Putte,  Dunes,  p.  7(54.  —  Do  même  :  Van  de  Putte  et  Carton,  Ter  Doesi, 
pp.  79-81. 

<•  Van  Lokeren,  St-Pierre,  II,  p.  273,  n°  1870. 


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LES  INONDATIONS  ET  RÉENDIOUEMENTS  :  XIV'-XIX*  SIÈCLES  183 


Melsele  *.  Malheureusement  le  pays  est  de  nouveau  agité,  après  la  mort 
de  (  lharles  le  Téméraire,  par  la  guerre  civile  et  la  guerre  étrangère.  De 
1477  à  1500,  sous  le  règne  de  Marie  de  Bourgogne  et  la  régence  do 
Maximilien,  se  déroule  un  des  plus  tristes  moments  de  l'histoire  de  Flandre. 
[ai  mer  en  profite;  l'inondation  de  1477  ravage  toute  la  côte,  de  Nieuport 
à  l'Escaut s  ;  le  métier  d'Aardenburg  est  endommagé,  et  l'on  voit  bientôt 
se  reformer  entre  Aardenburg  et  Damme  l'énorme  crique  du  Lapschuurs- 
che-Gat. 

Mais  lorsque  l'archiduc  Philippe  et  son  fils  Charles-Quint  eurent  rendu 
la  paix  au  pays,  l'éternelle  lutte  reprit  contre  la  mer,  avec  un  plein  succès. 
De  1495  à  1560,  l'homme  gagne  sans  cesse  sur  les  flots s,  et  cette  continuité 
de  succès  marque  bien  qu'il  ne  faut  pas  chercher  dans  des  oscillations 
du  sol  la  cause  des  retours  offensifs  de  la  mer  en  Flandre  zélandaise; 
quand  l'homme  sait  se  défendre,  la  mer  n'avance  plus  ;  quand  on  l'attaque, 
olle  recule.  Les  inondations  de  détail  qui  se  produisent,  et  elles  sont 
nombreuses,  n'y  font  rien  ;  une  population  active  et  bien  dirigée  veille*. 
Il  est  à  peu  près  certain  qu'il  ne  se  passait  guère  d'années  sans  que,  çà  et 
là,  une  digue  ne  fût  rompue,  un  polder  inondé,  un  village  submergé.  Huit 
jours  après,  le  dommage  était  réparé.  On  obstruait  la  brèche  avec  des 
toiles  à  voile  et  des  sacs  de  sable  ;  on  réparait  la  digue  avec  la  terre  grasse 
du  schorre,  et  il  ne  restait  guère  de  traces  qu'un  peu  d'eau  saumâtre  dans 
une  crique.  A  l'automne  suivant,  il  y  avait  un  peu  plus  de  fièvres,  mais 
les  moissons  ne  s'en  portaient  pas  plus  mal. 

L'activité  des  ondiguements  se  porte  do  deux  côtés  ;  on  reprend  les 
territoires  perdus  en  1404,  et  on  en  conquiert  de  nouveaux  entre  Kadzand 
et  la  côte.  Ia  tâche  était  considérable.  Une  partie  des  polders  rétablis 


'  Woltere,  Recueil  de  lois,  II,  pp.  i(»-2fj,  27-38;  —  Van  lx>keren,  St-Pierre,  II, 
p.  250,  n°  1780. 

î  Comptes  du  Franc,  1477-78  (Priem,  lYéeis  analytique,  2*  série,  II,  pp.  138-13!)). 
—  Dans  une  charte  de  1403,  Maximilien  constate  qu'à  la  suite  des  guorres  les  digues 

et  écluses  de  mer  abandonnées  sont  près  de  se  rompre         (Gilliodts,  Inventaire,  VI, 

pp.  43K-437). 

3  Dates  d'octroi  pour  endiguetnent  d'un  grand  nombre  de  polders  indiquées  dans 
de  Wulf,  Generaolen  Index  van  de  vyf  Placcaertboeckcn  van  Ylaenderen  (Gendt,  de 
Goesin,  1770,  in-4°,  000  p.)  à  larticlo  Dyckon-Dyckage,  pp.  K»i-Hr>. 

»  Les  Comptes  du  Franc  indiquent  des  inondations  pour  1502  (Wulpon),  1500,  1511, 
1513,  1514,  1511),  1517,  1521  (d'Ostende  à  Hiorvliot).  Celle  du  5  novembro  1530  fut 
particulièrement  considérable  :  cependant  on  rcendigua  aussitôt.  Cf.  :  Delepiorre  et 
Priem,  Précis  analytique,  lre  sério,  II,  p.  40  ;  2*  série,  II,  pp.  240-47,  203-<>4,  2»i8-(î0, 
274,  277,  285,  288  ;  III,  pp.  4,  40,  54  ;  IV,  pp.  34,  '.4.  etc. 


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18-4 


FORMATION  DE  LA  PLAINE  MARITIME 


avant  1477  avait  succombé  pendant  les  troubles  de  Flandre1.  Ruinées 
par  les  guerres  et  les  inondations,  les  grandes  abbayes  étaient  hors  d'état 
de  reconquérir  leurs  anciens  territoires.  Ce  furent  des  sociétés  capitalistes 
qui  en  assumèrent  l'entreprise.  La  famille  de  Baenst,  en  1497,  reçoit  la 
concession  de  tous  les  schorros  entre  Assenede  et  Kadzand  *  ;  c'était 
vraiment  trop,  et  les  de  Baenst  passèrent  bientôt  à  Jérôme  Laureyns  la 
besogne  et  le  profit  d'endiguer  les  Waterlanden.  Alors  sous  l'impulsion 
de  ce  hardi  homme  d'affaires,  en  50  ans  le  pays  est  transformé.  Aux 
polders  de  la  lisière  méridionale,  St-Joris  de  l'Est,  St-Jean  in  Eremo,  St- 
Liévin,  St-Joris  de  l'Ouest,  déjà  reconstitués  en  1497  3,  viennent  s'ajouter 
en  1501  le  Christoffols,  en  1503  le  Jeronemus,  en  1504  les  Maria,  l,aurei- 
nen  et  Helle-polders,  en  1506  le  Philippus  *,  dans  lequel  Jérôme  laureyns 
bâtit  la  même  année,  en  l'honneur  de  son  souverain,  la  ville  de  Philippine B. 
Ainsi  de  ce  côté,  où  le  Kapel-Polder  existe  déjà  en  1503  6,  la  côte  est  à 
peu  près  au  même  point  qu'aujourd'hui.  Après  un  si  beau  début,  la  famille 
Laureyns  continue  les  traditions  de  son  chef;  Mathias  Laureyns,  fils  aîné 
de  Jérôme,  annexe  à  ses  domaines  l'Oudemans-polder  (1521),  l'Oosemans 
(1523) 7  ;  on  était  arrivé  ainsi  au  bord  de  l'ancienne  crique  du  Passegeule, 
qui  faisait  communiquer  leZwin  et  le  Braakman,  mais  qui  s'était  si  bien 
comblée  d'elle-même  qu'en  1516  les  Brugeois,  désireux  de  rétablir  cette 
communication,  avaient  dû  creuser  entre  Coxyde  et  Ste-Catherinc 
d'Oostburg  un  canal  maritime  qui  prit  leur  nom  (Brugsche  Vaart)  *.  En 
1528,  le  Passegeule  polder  existe  ;  la  crique  est  terre  ferme  ;  vers  1530 


1  Le  polder  St-.Jacques,  endigué  en  1472  (Van  Lokeron.  St-Pierro,  II,  p.  278,  n°  1K1I7), 
est  indiqué  comme  inondé  ensuite,  puisqu'on  accorde  l'octroi  do  réendiguement  en 
1505  (Gilliodts,  Coutumes.  Petites  villes,  V,  pp.  332-."  133).  Et  on  lit  dans  cet  octroi  «que 
durant  les  guerres  et  divisions  de  Flandres,  la  digue  principale  a  été  rompue  »,  etc. 
Mêmes  indications  dans  Gilliodts,  Ibid.  II,  pp.  (Kio-'iM. 

«  Charte  d'octroi  dans  Gilliodts,  Petites  villes,  V,  pp.  280-281. 

3  Van  Lokeren,  St- Pierre,  11,  p.  307,  n°  lMî-4.  Les  polders  actuels  de  Si-Anna  et 
Barbara  y  compris. 

*  Dates  dans  Gilliodts,  Coutumes,  Petites  villes,  V,  p.  ir>i,  note  3  ;  —  Roos,  Woor- 
denboek,  pp.  113-11")  et  passim. 

b  Gilliodts,  Ibidem,  V,  pp.  356-360. 

«  Van  Ix>koren,  St-tferre,  II,  p.  330,  n»  2005. 

7  Roos,  Woordenboek,  pp.  113-115. 

8  Le  canal  est  ouvert  en  151(5  dans  le  Dierkenstenpolder.  Cf.  Gilliodts  van  Severen, 
Bruges  Port  de  mer  (Ann.  Soc.  Em.  Br.,  5e  série,  t.  VII,  1894,  540  p.,  3  cartes), 
pp.  170-186,  et  la  suite,  p.  66. 


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LES  INONDATIONS  ET  RÉENDKM  EMENTS  :  XIV-XIX"  SIÈCLES  187, 

s'y  ajoute  le  Vrijen  polder'.  Bientôt  l'île  de  Biervliet  s'agrandit  par 
l'endiguement  de  nouveaux  schorres(lô38)  ».  Le  Zuiddiep  se  réduit  ;  on  le 
diminue  encore  en  1542  du  Gouden-polder,  en  1516,  du  vaste  Jonkvrouw- 
polder 3.  Entre  la  digue  du  comte  Jean  et  les  derniers  schorres  du  Droochle, 
toute  une  petite  province  est  sortie  de  l'eau  ;  on  y  élève  maisons  et  églises, 
les  vieux  noms  d'Oosemanskerke,  Sl-Nicolas  de  Varne,  Watervliet 
reparaissent  ;  on  y  plante  la  garance  et  le  colza  ;  on  y  dispute  âprement 
sur  les  anciennes  dîmes  ». 

Pendant  qu'on  regagnait  le  terrain  perdu  à  l'Est,  on  faisait  de  nouvellos 
conquêtes  à  l'Ouest.  Les  chenaux  entre  le  continent  et  les  îles  de  Wulpen 
et  Kadzand  avaient  continué  à  s'atterrir  pendant  le  XVe  siècle.  Le  Vloel, 
entre  Wulpen  et  la  côte,  existait  encore  en  15 18 8,  mais  à  peu  près  comblé, 
comme  en  témoigne  la  carte  du  Franc,  dressée  en  1562  par  Pourbus  6. 
Un  schorre  s'élait  formé  devant  la  côte  de  (iroede,  comblant  peu  à  peu 
l'ancien  bras  du  l^mmer;  dès  1500,  il  paraissait  mûr.  Entre  Kadzand  et 
Wulpen,  le  gros  bras  du  Zwartegat,  le  «  trou  noir  »  aux  violentes 
tempêtes,  était  encore  ouvert  en  1435  7  ;  niais  il  devait  s'être  fermé  au 
milieu  du  siècle,  puisque  les  Brugeois,  pour  ramener  l'eau  dans  le  Zwin, 
projettent  de  le  rouvrir  en  1470  ».  l,a  réouverture  a  lieu  dès  1471,  sans 
que  le  Zwin  y  trouve  l'approfondissement  désiré;  si  bien  qu'on  travaille, 
dès  1485,  à  refermer  la  crique,  sans  succès  d'ailleurs  9.  Il  resta  donc, 
derrière  Kadzand,  une  sorte  de  canal  que  la  mer  remplissait  à  marée 
haute.  Mais  de  chaque  côté  de  cette  crique,  l'activité  des  endiguements 
est  intense.  Les  de  Baenst  accomplissent  sur  ce  terrain  l'œuvre  qu'ils 
avaient  abandonnée  à  Watervliet  à  l'activité  de  Jérôme  Laureyns  :  le 


'  Cf.  Van  den  Bussche,  Inventaire  des  archives  «lu  Franc,  p.  2.'**  ;  Gilliodts,  Coutumes, 
Petites  villes,  Y,  pp.  .'fir?  et  IHO. 

i  Yan  Lokercn,  St-Pierre,  II,  p.        n»  2154 
3  Ibid.  II,  p.  371,  n'21% 

»  Cf.  nombreux  actes  dans  Yan  Lokeren,  II,  pp.  .*>7à  410,  n-  214."»,  2104,  2178.22171, 
221<J,  2221,  2222,  2230,  2243,  227Û. 

5  Comptes  du  Franc,  l7»47-48  (Priem,  Précis  analytique,  2"  série,  II,  p.  100). 
"  Pourbus,  Carte  du  Franc  de  Bruges.  (Ann.  Soc.  Em.  Br.,  2'  série,  YllI,  187»0, 
p.  201). 

^  Etat  des  fiefs  de  l'ile  de  Kadzand,  1437»  (Gilliodts,  Coutumes,  Petites  villes,  II, 
p.  27»), 

8  Texte  du  projet  dans  Diegerick,  Inventaire  analytique  et  chronologique  des  chartes 
et  documenta  appartenant  aux  archives  de  la  ville  d'Ypres  (Bruges,  187)3-08,  7  vol. 
in-8»),  III,  pp.  287-88. 

»  Gilliodts,  Bruges  Port  de  merv  pp.  47-40  et  78. 


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m 


FORMATION  DE  LA  PLAINE  MARITIME 


Haenstpolder  est  de  1510,  le  St-Jans  de  1502  appuyé  à  l'Antwerpcr, 
qui  est  créé  en  1417  et  réendigué  en  1506  *  ;  l'Adornis  est  établi  on  1535, 
le  Mettenijo  en  1510,  le  Nieuwenhoven  en  1554  3,  le  Lijsbet  en  1556,  et 
après  une  inondation,  en  1562  l.  I*i  lutte  avait  été  dure,  mais  la  victoire 


restait  à  la  terre,  et  il  n'y  avait  plus  en  1570  qu'un  étroit  chenal  occupé 
aujourd'hui  par  le  Groote  St-Anna  polder.  Au  Nord  de  Groede,  les  schorres 
qu'on  appelle  déjà  Breskinszant  au  XVe  siècle  sont  concédés  en  1510  à 
Philippe  de  Clèvcs  5,  qui  y  établit  entre  1511  et  1550  les  polders  Oud- 
Breskens,  Jong-Breskens,  Kleefschen,  Barbara  et  Grunters,  en  partie 
disparus  aujourd'hui 8.  Ainsi  au  milieu  du  XVIe  siècle,  il  semble  que  la 
Flandre  zélandaise  soit  près  de  prendre  sa  forme  définitive.  Wulpon  et 
Kadzand  se  joignent  à  la  terre  ferme  7  ;  le  comblement  du  Braakman 


i  Endigué  en  1502,  englouti  en  1512,  réendigué  en  1527,  onglouti  en  1547,  réendigué 
ensuite  (Roos,  Woordenboek,  p.  74). 

*  Roos,  Woordenboek,  p.  18. 

3  Dates  dans  Gilliodts,  Coutumes,  Petites  villes,  VI,  pp.  f  504-4  >05. 

*  Ibid.  111,  pp.  307-31».  Il  faut  y  joindre  le  St-Joris  (1513),  l'Eiken  (1543),  le  Loodijk 
(1550),  (Roos,  Woordenboek.  pp.  70,  48,  100). 

5  Van  Lokeren.  St-Pierre,  II,  p.  333,  n°  2024. 

s  Gilliodus,  Coutumes,  Petites  villes,  III,  p.  :*». 

7  Cependant  les  deux  îles  commençaient  à  courir  de  sérieux  dangers  du  côté  de  la 
pleine  mer.  L'ile  de  Wulpcn.  qui  compte  encore  au  moins  5  paroisses  au  milieu  du 
XVe  siècle  (Gilliodts,  Coutumes,  Petites  villes,  11.  p.  5)  est  extrêmement  menacée 
au  XVIe  ;  les  Brugeois  déclarent  en  1513,  avec  une  exagération  calculée,  qu'elle  a 
perdu  4  villages  (Gilliodus,  Bruges  Port  de  mer,  p.  145);  l'inondation  do  1530,  celle  de 


Échelle  de  I  :  500.000. 


Fig.  37.  —  Ijx  Flandre  zélandaise  vers  1570. 


Rivage  ncluel. 


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LES  INONDATIONS  ET  RÉENDIGUEMENTS  :  X1V--XIX»  SIÈCLES  187 

s'accomplit  lentement  et  sûrement;  pendant  que  la  famille  Laureyns 
pousse  ses  digues  vers  Biervliet  et  Philippine,  on  établit  sur  l'autre  rive 
les  Kouden  et  Lovenpolders  (1511-42) 1  ;  de  grands  schnrres  prêts  à 
l'endiguement  s'étendent  de  Philippine  à  Axel.  Hulst  a  toujours  une 
communication  avec  le  Hont  par  l'étroit  chenal  de  l'Oude-Haven  *  ; 
Saaftinge,  Ossenisse,  Frankendijk,  Namen-polder  résistent  aux  inondations 
qui  les  assiègent  \  et  l'on  reconquiert  en  1567  les  schorres  du  Doel, 
abandonnés  depuis  plus  de  200  ans  *. 

Quarante  ans  après,  la  Flandre  zélandaise  est  presque  complètement 
sous  l'eau.  Depuis  le  XIIe  siècle,  jamais  le  pays  n'avait  été  aussi  largement 
inondé.  La  nier  a  reconquis  le  Zwartegat,  agrandi  le  canal  de  Nieuwer- 
haven  ouvert  entre  le  Hont  et  le  Zwin  vers  1515,  de  Gaternisse  à 
Oostburg  s.  Wulpen  n'existe  plus  •.  A  la  place  du  Hrugsche  Vaart  comblé, 


1542  ou  elle  fut  submergée  «  par  les  grans  vens  et  glaces  qui  rompirent  les  dicques  » 
(Arch.  hosp.  de  tille,  I,  p.  421»,  n°  4.721),  compromettent  jusqu'à  son  existence,  l/île 
est  singulièrement  réduite  en  1502,  d'après  la  carte  de  Pourbus.  Kadzand  soufl'ro  des 
mêmes  catastrophes  ;  mais  l'île  est  plus  grande,  et  moins  exposée  à  l'attaque  des 
courants  qui  vont  et  viennent  dans  l'estuaire.  Elle  perd  pourtant  500  mesures  en  1531, 
et  Charles-Quint,  en  1537,  pour  rendre  plus  énergique  la  résistance,  fusionne  les 
innombrables  petits  polders  qu'indique  le  dénombrement  de  1435  (Archives  de  la  ville 
de  Bruges,  Reg.  de  dén.  de  l'i35,  fol.  'û  à  53)  en  une  seule  association  de  wateringue 
(Charte  dans  Gilliodts,  Coutumes,  Petites  villes,  II,  pp.  1.3-22)  ;  en  même  temps  il  fait 
abandonner  à  la  mer  une  partie  du  polder  dos  Mille  Mesures,  «  a  cause  des  passes 
profondes  et  des  brisants  de  la  mer  qui  se  trouvent  à  proximité  de  la  digue  du  dit 
polder  »  (Ibid.).  Ainsi  la  passe  de  Wielingen  semble  se  rapprocher  de  la  côte,  dont 
elle  dévore  des  lambeaux. 

1  Seharp  (.).),  Gesçhiedenis  en  costumen  van  Axel  (Middelburg,  AbrahamB,  1787, 
in-8°,  3  vol.),  I,  p.  300.  —  La  carte  de  1'.  Verbist,  pour  15ti5,  montre  que  le  Braakmau 
rejoint  toujours,  derrière  Zaamslag,  la  crique  d'Axel  (Arch.  Flandre  Orientale,  carte 
n°  434). 

2  Cf.  Gheldolf  (A.-E.),  Notes  sur  la  carte  des  pays  inondés  en  1583  au  Nord  de 
Hulst,  St-Gilles,  Vraccne,  Beveren,  Melsele  et  Zwyndrecht.  Mess.  Se.  Hist.,  X  (1842), 
pp.  348-358,  carte. 

3  Par  exemple  celle  de  1530.  —  Cf.  Hautcœur,  Flines,  I,  p.  4S8  ;  —  Schouteto  de 
Tervarent,  Inventaire  général  analytique  des  archives  de  Ja  ville  et  de  l'église  do 
St-Nicolas  (Bruxelles,  Muquardt,  1872,  in-4»,  X  +  350  p.),  pp.  '.0-47  et  50,  n«  10.  94, 
109, 

*  Van  Lokeren,  St-Pierre,  II,  pp.  420  et  421,  n"  2290  et  2298. 

5  Cf.  Diegerick,  Arch.  d'Ypres,  III,  pp.  287-K8  ;  —  Delepîerre,  Précis  analytique, 
P"  série,  III,  p.  227  ;  —  Van  Dale  (.1.),  De  Heerlijkheid  Breskens  (Bijdragen  tôt  de 
Oudheidkunde,  etc.,  II,  pp.  115-177),  p.  134. 

8  Le  dernier  indice  que  l'on  possède  de  l'existence  de  Wulpen  est  un  bail,  daté  do 
1593,  de  diverses  pièces  de  terre  en  la  paroisse  St-I.ambcrt  (Arch.  hosp.  de  lille,  1, 
p.  138).  Les  inondations  de  la  grande  guerre  sont  donc  la  cause  de  la  disparition 
complète  de  l'île. 


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188 


FORMATION  DE  LA  PLAINE  MARITIME 


la  mer  s'est  ouvert  entre  Zwin  et  Braakraan  un  nouveau  Passegeule, 
subdivisé  en  plusieurs  bras,  Haenljesgat,  Brandkreek,  entourant  des 
schorres  dévastés.  Toute  l'œuvre  des  Laureyns  est  à  refaire.  Du  pays 
d'Axel,  il  ne  reste  que  deux  îles  ;  la  petite  ville  voit  les  marées  battre  ses 
remparts.  Un  énorme  bras  se  dirige  d'Axel  vers  Hulst,  et  de  là  au  Hont, 
entre  Zaamslag  et  Stoppeldijk.  Tout  le  pays  à  l'Est  d'Hulst,  les  polders  de 
Saaftinge,  Graauw,  Kieldrecht,  Calloo,  Zwyndrecht,  sont  sous  l'eau. 
Des  bancs  d'alluvions  grises  on  voit  émerger  des  décombres,  comme  la 
tour  de  Zaamslag,  ([n'indiquent  toutes  les  cartes.  Sur  les  terres  restées 
sauves,  il  n'y  a  plus  d'habitants  ;  les  uns  se  sont  enfuis  eu  Zélande,  les 
autres  en  Flandre. 

Tout  cela  est  l'œuvre  de  l'homme.  \a  lutte  des  Pays-lias  contre 
Philippe  II  a  fait  de  nouveau  négliger  les  défenses  de  la  côte.  I^a  mer  en 
profite  :  dès  1570,  une  formidable  inondation  envahit  le  pays.  Mais  cela 
ne  serait  rien,  et  on  réparerait  les  dégâts,  comme  on  l'a  fait  à  Saaftinge  J, 
si  les  belligérants  ne  provoquaient  eux-mêmes  l'envahissement  du  pays 
par  la  mer.  En  1584,  les  Zélandais  qui  craignent  un  débarquement  dans 
Zuid-Beveland  brisent  l«s  digues  à  Saaftinge,  et  le  pays  disparaît  sous 
l'eau  *.  En  1583,  la  garnison  de  Sluis  inonde  le  Beoostereede  3  ;  en  1586, 
c'est  le  tour  du  pays  d'Axel4.  Ceux  de  Groede,  en  1583,  mettent  leur 
village  sous  les  eaux  plutôt  que  de  le  laisser  prendre  par  l'armée 
d'Alexandre  Farnèse8.  ta  Flandre  zélandaise  devient  la  province  sacrifiée 
qu'elle  est  encore  aujourd'hui.  Désireux  d'assurer  la  sécurité  de  Walche- 
ren  et  de  Zuid-Beveland,  les  Etats-Généraux  devenus  possesseurs  du  pays 
ne  se  pressent  pas  de  réendiguer.  Quand  on  s'y  mot,  on  commence  parles 
schorres  du  Nord,  où  viennent  s'établir  des  Zélandais  protestants;  c'est  un 
bastion  que  l'on  établit  au  delà  du  vaste  fossé  du  Hont  ;  en  avant,  la  ligne 
d'inondations  reste  un  excellent  moyen  de  défense.  Groede,  Breskens, 
Kadzand,  Ijzendijke  d'une  part,  le  pays  entre  Axel  et  Terneuzen  do  l'autre, 
réapparaissent  ainsi  après  la  trêve  de  1609  ;  mais  le  reste  n'a  la  permission 
de  vivre  qu'après  la  paix  de  Westphalie.  Alors  les  endiguements  se 
précipitent,  comblant  le  Zwartegat,  le  Passegeule  et  ses  criques,  le  chenal 
d'Axel  à  Hulst.  Le  pays  se  reconstitue  avec  une  rapidité  inouïe,  soit  que 
l'art  des  endiguements  ait  progressé,  soit  que  la  mer  pendant  sou  séjour  ait 


*  Van  Lokcren,  St-t'ierre,  II,  p.  423,  w  2302. 

*  Hunnins,  Staatische  Vlaandoren,  p.  204. 
3  Roos,  Woordonboek,  pp.  40-47. 

*  Himnius,  Staatischc  Vlaandercn,  pp.  328-20. 
5  Roos,  Woorderiboek.  pp.  58-f«<*. 


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LES  INONDATIONS  ET  RÉENDinUEMENTS  :  XIV' XIX»  SIÈCLES  i») 


haussé  les  schorres  du  dépôt  de  nouvelles  alluvions.  Parfois  les  Etats- 
Généraux  font  mettre  sous  l'eau,  à  l'approche  de  l'ennemi,  quelques 
polders  du  Sud  :  la  guerre  de  Hollande,  la  guerre  de  la  ligue  d'Augsbourg, 
la  Succession  d'Espagne  et  la  Succession  d'Autriche,  la  lutte  de  Joseph  II 
contre  la  Hollande  et  la  campagne  de  1794  voient  inonder  les  environs 
d'Hulst,  d'Axel,  du  Sas-de-Gand,  dcSluis.  lorsque  les  criques  se  comblent 
et  qu'en  dépit  des  efforts  pour  la  retenir,  la  mer  s'éloigne  et  abandonne  le 
pays,  les  Etats-Généraux  lui  ouvrent  et  lui  approfondissent  un  nouveau 


Ér belle  de  1 :  500.000. 

Fi«.       —  Flandre  zélandaise  à  la  fin  <lu  XVIP  siècle. 


  Limite  de»  tenv*  découvertes  il  idmvr  Ihissh. 

lit;  quand  le  Passegeule  est  disparu,  l'ingénieur  Wildschut  en  1735 
creuse  entre  le  Zwin  et  le  Braakman  un  nouveau  lit  baptisé  Nieuw  Passe- 
geule, qui  renforce  la  «  Linie  »,  cette  ligne  de  redoutes  et  de  bastions 
dont  la  Zélande  se  protège  contre  une  aggression  venue  du  Sud 

Ce  ne  fut  guère  qu'au  milieu  du  XVIIIe  siècle  que  le  pays  eut  vraiment 
retrouvé  sa  forme,  et  qu'on  put  conquérir  prudemment  les  bras  de  mer 
qui  restaient  au  milieu  des  terres  comme  des  menaces  d'inondation.  Le 
Oude-haven  de  Hulsl,  déplacé  vers  l'Ouest,  était  remplacé  par  la  crique 
du  Hellcgat,  qui  passait  entre  Zaamslag  et  Stoppeldijk  :  en  1789  on  en 
supprime  le  fond  on  créant  les  Riet-cn-Wulfdijk  et  Absdale  polders  ;  en 
1795  on  isole  la  Hulster  Vlakte  par  la  digue  do  Luntershoeck  *.  Au 
XIXe  siècle,  on  a  refoulé  le  Hellcgat  jusqu'à  (lampen,  à  l'endroit  où 

•  On  trouvera  les  dates  do  récndiguement  dans  Roo.s,  Woordenboek,  pour  le  Pays 
de  Kadzand,  c'est-à-dire  la  région  à  l'W.  do  Philippine  ;  \Voltors,  Recuoil  de  Lois,  II, 
pp.  136-2TÀ»;  Dresselhuis,  De  Provincie  Zeeland,  pp.  80-f<0  ;  Hunnius,  Staatischo  . 
Vlaandcren,  pp.  2<î8-2*i9  ;  Kûinmer,  les  Polders  du  Ras-Escaut,  pp.  34-54,  etc. 

«  Urcssolhuis,  Uo  Provincie  Zeeland,  p.  89;  —  de  Potier  (L-C),  Beschrijving  van 
de  stad  on  het  ambacht  van  Hulst  (Oorinchem,  Noorduyn,  1844,  in-8»,  08  p.),  p.  10. 


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100 


FORMATION  DE  LA  PLAINE  MARITIME 


aboutissait  à  la  mer  cet  Oude  haven  qui  fut  si  longtemps  le  portdellulst  ; 
il  n'en  reste  plus  qu'un  misérable  tronçon  d'un  à  deux  kilomètres,  que 
guette  le  service  des  endiguements  (fig.  56,  p.  329).  Le  Braakman,  au  milieu 
du  XVIIIe  siècle,  poussait  encore  deux  criques,  séparées  par  desschorres, 
vers  ces  parages  d'Axel  et  de  Zuiddorpe  où  il  s'était  avancé  au  XVe. 
La  crique  du  Sud,  ou  Canisvliet,  fut  réduile  la  première;  le  polder 
St-François  date  de  1709,  le  Moerspuij  de  1707  ;  en  1787,  on  annexait  à 
la  terre  les  deux  grands  polders  do  Canisvliet  ;  le  golfe  s'arrêtait  au  Sas- 
de-Gand.  Au  Nord,  le  Beoosten-en-bewesten-Blij  était  conquis  en  1780; 
et  les  parties  émergées  entre  les  deux  bras  s'accroissaient  en  1807  du 
Nieuw-Vogelschor.  Cependant  de  1800  à  1810  on  voit  encore  des  frégates 
françaises  poursuivies  par  les  vaisseaux  britanniques  s'avancer  à  pleine 
voile  vers  Philippine,  et  y  mouiller  à  marée  basse'.  Mais  en  1827  on 
barre  les  deux  criques  entre  leSasetSluiskil  par  une  forte  digue  derrière 
laquelle  on  creuse  le  canal  de  Gand  au  Sas  et  à  Terneuzen.  Alors  la 
décadence  du  Braakman  se  précipite.  Les  barques  ne  peuvent  plus  passer 
où  stationnaient  les  frégates.  De  nouveaux  polders  sont  établis  au  milieu 
du  golfe,  le  Kleine  Stelle  (1860),  que  deux  nouveaux,  Kanal  et  Mossel- 
polders,  sont  venus  en  1900  rejoindre  à  la  côte.  Philippine,  que 
Jérôme  Laureyns  établissait  hardiment  en  1500  au  bord  du  golfe,  est 
maintenant  entourée  de  terres  cultivées  ;  il  a  fallu  ménager  un  canal  pour 
que  ses  pécheurs  de  moules  pussent  gagner  co  qui  reste  du  Braakman.  A 
l'Ouest,  il  y  a  longtemps  que  Biervliet  l'insulaire,  où  Beukels  inventa  le 
procédé  de  la  caque,  est  devenue  un  village  agricole  ;  l'Elisabeth  polder 
lui  a  fermé  la  mer  en  1806,  et  récemment  le  Koningin  polder  a  rejoint  à  la 
côte  le  polder  Angelina.  Ce  qui  n'est  pas  endigué  n'en  vaut  guère  mieux. 
La  crique  de  Philippine,  entre  l'Angelina  polder  et  le  Kleine  Stelle,  n'est 
qu'un  grand  schorre  tout  couvert  do  végétation,  où  il  faut  creuser  des 
chenaux  pour  l'écoulement  des  eaux  intérieures  vers  la  mer.  La  crique 
de  Mnuritsfort  est  dans  le  même  état;  le  schorre  n'y  est  plus  couvert 
qu'aux  hautes  mers  de  vives  eaux;  la  maréo  ne  pénètre  que  dans  quelques 
chenaux  tortueux.  D'ici  dix  ans,  une  digue  joindra  le  Kleine-Stelle  aux 
polders  de  Hoek,  et  Mauritsfort  demande  déjà  un  canal  comme  l'a  obtenu 
Philippine.  I.e  Waterstaat  procède  avec  prudence,  car  la  mer  a  le  recul 
capricieux  ;  en  1887  elle  a  rompu  la  digue  du  Pierssens  polder. 
Néanmoins  il  semble  que  dans  un  sircle,  il  ne  restera  guère  du  Braakman 
que  les  canaux  par  où  s'écoulera  vers  la  mer  le  trop  plein  des  eaux  des 
wateringues. 


i  Vifquain,  Dos  voies  navigables  en  Helgiquc,  p.  21t. 


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LE  ZWIN 


191 


IV. 

LF.  ZWIN. 

L'histoire  de  l'agonie  du  Braakman  de  175f)  a  nos  jours  montre  bien 
que  la  prolongation  de  l'état  de  paix  dans  le  pays,  la  science  des  ingénieurs 
et  la  vigilance  des  dijkgraafen,  ont  un  rôle  plus  important  que  d'hypo- 
thétiques oscillations  du  sol.  Lt  mort  du  Zwin  est  un  exemple  plus 
remarquable  encore  do  la  stabilité  du  sol  depuis  le  Xe  siècle  dans  la  plaine 
maritime.  Dès  qu'on  parle  de  lui,  c'est  porr  signaler  les  diminutions 
qu'il  subit.  L'histoire  du  Zwin,  c'est  l'histoire  de  sa  disparition. 

L'orientation  du  bras  de  mer,  de  Bruges  vers  Sluis  (l'Ecluse),  indique 
qu'il  fut  a  l'origine  l'estuaire  commun  de  l'Yperleet,  venu  de  Dixmude  par 
Oudenbourg,  et  de  la  Waerdamnie,  qui  traverse  Bruges  sous  le  nom  do 
Reye  !.  A  la  fin  du  VIIIe  siècle,  c'est  encore  un  vaste  golfe  que  la  loi  des 
Frisons  appelle  le  Sincfal,  et  qui  forme  la  limite  de  ce  peuple  *  vers  le 
S.-W.  On  l'a  vu  au  Xe  siècle  établi  le  long  des  pays  d'Aardenburg  et 
Oostburg,  au  XIe  entourant  de  ses  bras  Wulpen  et  Kadzand.  Mais 
l'envasement  se  produisit  vite.  Les  eaux  intérieures,  trop  peu  abondantes, 
ne  pouvaient  suffire  à  entretenir  l'estuaire.  Le  Hont  avait  au  moins 
l'appoint  de  l'Escaut  :  le  Zwin  n'avait  que  les  quelques  ruisseaux  descendus 
du  plateau  de  Wynendaele.  Tant  qu'il  put  aux  grandes  marées  s'épancher 
à  travers  les  schorres,  il  conserva  ses  dimensions  de  bras  de  mer,  entretenu 
par  la  forte  quantité  d'eau  qui  circulait  à  travers  ses  passes.  Mais  quand 
le  grand  commerce  s'établit  le  long  do  l'estuaire,  il  fallut  en  fixer  les 
bords  et  ceindre  le  Zwin  de  digues,  qui  restreignirent  le  champ  de 
débordement  dos  hautes  martes.  Ainsi  la  masse  d'eau  qui  parcourait  le 
golfe  fut  diminuée,  et  les  alluvions  se  déposèrent  rapidement  à  l'abri  dos 
digues,  dans  les  replis  où  l'eau  tranquille  pouvait  se  décanter  facilement, 
l^es  chasses  insuffisantes  d'amont  n'y  pouvaient  rien.  Le  Zwin  s'est  ainsi 
rétréci  et  atterri  dès  sa  première  utilisation.  Les  riverains  ont  peut-être 
hâté  l'envasement,  dans  la  fièvre  des  eudiguements  du  XIIIe  siècle  :  mais 


1  Le  nom  de  Zwin  est  un  ancien  vocable  signifiant  cours  d'eau.  M.  ûilliodts  en 
donne  quelques  exemples,  tels  que  le  Swin  de  Zuyenkerke  (Uilliodts,  Inventaire, 
Introduction,  p.  380,  note  1). 

*  Mon.  Germ.  I^gum  III,  I^x  Krisionum,  éd.  Kichthofen,  pp.  031-711.  Le  texte 
porte  Sincfal  et  Sincfalam  fluvium  (tit.  XIV*),  ce  qui  indique  bien  un  estuaire.  Discussion 
sur  l'identité  du  Sincfal  et  du  Zwin  dans  la  préface,  pp.  (»32-635.  Deux  ebartes  de 
1241  et  1275  déclarent  que  le  Zwin  est  l'ancien  Sincfal  ;  de  même  le  poète  Maerlaut 
(Xlll*  siècle),  dans  son  Spiegel  Historiael  (Leyden,  Clignett,  1784),  I,  p.  51. 


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102 


FORMATION  I)K  LA  PLAINK  MARITIMK 


il  était  inévitable,  par  l'absence  d'un  grand  cours  d'eau  en  arrière.  Le 
Zwin  ne  fut  guère  qu'un  hasard  heureux,  dont  on  a  tiré  tout  le  parti 
possible. 

Le  premier  disparut  le  tronçon  de  Bruges  à  Damme.  Au  XIe  siècle,  la 
mer  venait  encore  jusqu'à  Bruges,  et  sur  ses  rives  s'élevaient  de  vastes 
chantiers  dont  l'existence  est  attestée  par  les  noms  du  quai  «  Houtbrekers- 
dam  »  et  de  Rombautswerf 1  .  Or  ce  bras  n'existe  plus  au  début  du 
XIIIe  siècle,  et  l'on  creuse  pour  le  remplacer  un  canal  de  navigation 

prolongeant  la  Reye  jusqu'à 


Damme:  le  Varssche  vaart, 
canal  d'eau  douce,  par  oppo- 
sition au  Zoute  vaart ,  canal 
salé ,  qui  désigne  la  partie 
restée  marine  en  aval  de 
Damme.  C'est  alors  que  cette 
ville,  terminus  de  la  naviga- 
tion maritime,  prend  do  l'im- 
portance. Philippe  d'Alsace  y 
fait  élever  en  1180  de  grandes 
digues  par  des  ouvriers  zélan- 
dais.  Une  écluse  à  sas,  proba- 
blement la  première  construite 
en  Europe,  y  fait  communi- 
quer le  nouveau  canal  avec  le 
Zwin  ». 

Kchelle  <l«  1  :  MO.000.  . , 

Fig.  35».  -  Essai  de  reconstitution  du  Zwin         U  deuxième  période ,  du 

au  début  du  Xlii-  siècle.  XIIIe  au  XVe  siècles,  voit  la 

Rivage  «ctuei.  décadence   du   Zwin  entre 

Damme  et  Sluis.  La  description  de  Guillaume  le  Breton  nous  montre, 
vers  1204,  un  golfe  marin  qui  se  resserre  brusquement  à  Damme, 
et  forme  devant  la  ville  une  vaste  rade  soumise  à  l'action  des  marées  3. 


m. m. 


1  Gilliodts  van  Severcn,  Bruges  ancienne  et  moderne  ;  notice  historique  et  topo- 
graphique sur  cette  ville  (Bruxelles,  I81K>,  in-i",  81  p.,  pl.),  p.  11. 

*  Uilliodts,  Inventaire,  Introduction,  p.  470.  Le  nouveau  canal  s'atterrit  lui-même,  et 
on  est  obligé  de  le  recreuser  en  1333  et  1399.  (Bruges  ancienne  et  moderne,  p.  80). 
3  Ubi  faucibus  arctis 

A  pelago  refluit  in  Danica  littora  fluctua  (v.  439) 

Portus 

Qui  tain  latu.s  crat,  tantaeque  quietis,  ut  omnes 
In  se  sufticiat  nostras  concluderu  naves  (v.  375). 

Hetracto 

Quippe  mari  stccuui  naves  navale  tenebant  (v.  508). 
Pbilippide,  M.  G.  SS.  XXVI,  pp.  310-3-19. 


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LE  ZWIN 


m 


Le  lit  se  fixe  et  se  rétrécit  au  delà  de  Damme  ;  des  bourgades  s'établissent 
sur  les  bords  :  Monikerede,  apparue  en  1243  «  super  rivum  maris  »  1  ; 
Houcke,  indiquée  dans  la  charte  de  Guy  de  Dampierre  de  1282;  Mude 
(St-Anna  ter  Muiden)  et  Sluis,  qui  datent  du  début  du  XIIIe  siècle  *.  C'est 
l'époque  de  la  grande  prospérité  de  Damme,  et  cependant  le  Zwin  n'est 
déjà  pas  sûr.  Des  atleirissemenLs  se  forment.  En  1240  il  y  a  à  Monikerede 
un  terrain  «  extra  dicum  »  :t,  un  schorre.  En  1274  la  comtesse  Marguerite 
vend  200  mesures  dans  un  nouveau  polder  entre  La pscheure  et  Moerkerke  *. 
En  1282,  Guy  de  Dampierre  donne  a  son  fils  Jean  de  Namur  «  un  seor  à 
la  Moenkerede  entre  deux  havenes,  encore  un  scor  encoste  Lapscure, 
encore  un  scor  entre  Moenkerede  et  le  Houke,  et  tous  les  utdis  gisans 
entre  Dam  et  Bierulet  »  3.  Le  bosoigneux  comte  s'empressait  de  faire 
argent  des  terres  neuves,  encore  toutes  fraîches  du  passage  des  marées  ; 
au  moins  sa  hâte  a  en  profiter  indique-t-ello  les  rapides  progrès  de 
l'envasement.  Il  est  probable  qu'on  se  réjouit  d'abord  de  voir  sortir  des 
eaux  ces  terres  fertiles  :  mais  bientôt  on  comprit  l'imminence  du  danger, 
et  la  lutte  s'organisa  au  XIVe  siècle.  Les  Brugeois  portèrent  leurs  efforts 
de  deux  côtés.  A  l'amont,  on  creusa  des  rigoles  pour  recueillir  et  amener 
rapidement  au  Zwin  toutes  les  eaux  des  plateaux  :  on  les  poussa  jusqu'à 
Ursel,  Bellem  et  Hansbeke,  à  trois  lieues  de  Garni 6.  Si  près  de  la  Lys,  il 
était  naturel  de  songer  à  pratiquer  vers  Damme  une  dérivation  de  cette 
rivière  :  c'était  débarrasser  sa  vallée  d'inondations  incessantes,  produire 
dans  le  Zwin  des  chasses  efficaces,  et  créer  vers  Damme  une  magnifique 
voie  de  communication.  Bruges  s'y  employa  dès  1330,  puis  en  1301  ;  mais 
ce  n'est  qu'en  1378  que  le  canal,  débouchant  d'Aeltre,  parut  devoir 
atteindre  bientôt  la  Lys  par  Poucques  et  Deynze.  Mais  Gand  ne  voulut  pas 
laisser  détourner  vers  sa  rivale  la  rivière  qui  faisait  sa  fortune;  les 
chaperons  blancs  de  Yoens  massacrèrent  les  terrassiers  de  Bruges,  et 
le  projet  du  canal  disparut  dans  la  tourmente  de  Koosebekc.  On  no  devait 
le  reprendre  qu'en  1604  lorsque  le  Zwin  de  Damme  était  depuis  longtemps 
disparu  7 . 

En  môme  temps  on  luttait  dans  le  chenal  même.  On  fait  venir  des 


*  Van  de  J»utte,  Dunes,  p.  .".77,  n"  7."m  et  p.  200.  n 

*  (îilliodts,  Coutumes,  Petites  villes,  IV,  pp.  ViT-toO.  UL  p.  ZK. 
;»  Van  de  Putte,  Dunes,  p.  200,  n'' 

*  Schaeyos,  Les  Pays-Ras.  IL  p.  178,  note. 

3  Charte  dans  Gilliodts,  Continues,  Petites  villes,  III,  p.  3ôL 

•*'  Gilliodts,  Inventaire,  Introduction,  p.  iHS.  Compte  de  Druires  pour  1300,  f1  IL 

'  Ibid.  pp.  40K-470. 

U 


m 


FORMATION  DE  LA  PLAINE  MARITIME 


ingénieurs  étrangers,  des  Hollandais  experts  aux  chasses  et  aux  dicagos1  ; 
on  s'inspire  de  leurs  conseils.  Une  drague  fonctionne  dans  les  passes  *  ; 
on  se  préoccupe  d'empêcher  de  nouveaux  endigueraents  3.  En  1375  et 
1384,  on  recreuse  l'Yperleet  et  on  augmente  la  section  de  tous  les  cours 
d'eau  qui  convergent  vers  Damme  4.  Après  1395,  il  ne  se  passe  pas  d'années 
sans  sondages,  inspections;  on  ne  peut  imaginer  plus  grande  sollicitude. 
Déjà  approfondi  deux  fois,  le  canal  Bruges-Dam  me  est  abandonné  en  1402, 
et  on  en  creuse  à  l'Est  du  premier  un  nouveau,  à  grande  section,  dont  le 
jeu  put  augmenter  les  chasses  5.  Pour  ces  chasses,  il  faut  de  l'eau  :  on  va 
en  chercher  jusqu'à  Heysl  ;  on  endigue  l'Eede  pour  ne  pas  perdre  une 
goutte  de  ce  qu'elle  fournit  ;  on  pratique  dans  les  digues  des  débouchés 
pour  laisser  passer  le  trop  plein  des  watoringues  ;  les  Brugeois  redeman- 
dent du  renfort  à  l'Yperleet,  aux  ruisseaux  du  plateau  ;  ils  élargissent 
les  fossés  de  leur  ville  pour  en  faire  des  réservoirs  c  :  on  ne  perdrait  pas 
un  hectolitre.  On  sacrifie  un  polder  sous  les  remparts  de  Damme  pour  en 
faire  un  bassin  de  chasses  7.  Quand  un  sehorre  se  forme  en  dépit  de  la 
drague  et  des  chasses,  la  ville  de  Bruges  le  loue,  pour  qu'on  ne  l'endigue 
pas  *  .  Et  sans  trêve  on  continue  à  sonder,  draguer,  consolider  les 
digues,  rectifier  et  baliser  le  chenal. 

Rien  n'y  fit.  LoZwin  de  Damme  s'envasait  avec  une  elfrayante  rapidité. 
En  1421,  le  lit  entre  Damme  et  Mude  n'est  plus  qu'un  canal  sinueux  entre 
deux  digues,  tantôt  large,  tantôt  étroit,  passant  de  10  à  50  verges  (30  à 
150  métrés),  frangé  au  long  des  digues  d'allerrissenieuts  couverts  de  végé- 
tation, et  découvrant  à  marée  basse  des  «  plaaten  »  jaunâtres  et  allongés. 
Des  bancs  de  moules  viennent  encore  rétrécir  la  passe  La  navigation 
soutire  ;  déjà  en  1350  les  grosses  nefs  espagnoles  ne  dépassent  pas  Sluis, 
et  en  1307  les  lettres  patentes  accordées  par  Louis  de  Maie  considèrent 


1  Eu  1.331,  Michel  de  Calo  est  appelé  et  remet  au  magistrat  un  mémoire  sur  les 
moyens  d'améliorer  le  régime  du  Zwin  entre  Damme  et  Sluis.  En  13T>3.  l'ingénieur 
.lau  Vlucghon  de  Délit  e.si  prié  do  venir  donner  son  avis.  En  1412  on  envoie  des 
ingénieurs  à  Middolburg  examiner  le  chenal  d'Arnemuiden,  et  on  fait  venir  des 
praticiens  zélmidais.  (Gilliodts,  inventaire,  Introduction,  pp.  470-71,  et  IV,  pp.  210-2141. 

*  Dragages  incessants  de  1380  à  lift*)  (Ibid.  III,  pp.  341-314). 
•i  Limburg-Stinim,  Gartulaire  de  Louis  de  Maie,  II,  p.  128. 

*  Gilliodts,  Inventaire,  LU,  pp.  341-344. 
5  Ibid.  111,  pp.  404-465. 

f>  Ibid.  IV,  pp.  215-210,  pp.  308-361  ». 
"  Ibid.  IV,  pp.  317-318. 

«  En  1417  et  1421  (Ibid.  IV,  pp.  344-340,  p.  308). 
9  Ibid  IV,  p.  308. 


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LE  ZW1N 


195 


Dammo  comme  le  port  où  passent  les  barques,  mais  où  le  «  défaut  de 
marée»  empêcherait  l'accès  des  navires  En  1403  à  leur  tour,  les 
Osterlings  de  la  Hanse  se  plai- 
gnent que  le  Zwin  est  trop 
étroit  et  présente  de  grands 
dangers  pour  leurs  vaisseaux*. 
I>es  Brugeois  songent  déjà  en 
1415  à  s'ouvrir  vers  Ostende, 
par  l'Yperleet,  la  communica- 
tion avec  la  mer  que  le  Zwin 
ne  leur  procure  plus  3 .  Dam- 
me,  le  grand  entrepôt  du  XIIIe 
siècle,  est  déchue  dès  1400. 
La  ville  se  débat  entre  ses 
créanciers;  au  XVIIe  siècle, 
une  description  du  pays  dé- 
clare que  son  unique  impor- 
tance vient  d'une  grande  foire 
aux  chevaux  *.  Le  Zwin  de 
l)amme  existeencoreen  1 488 5 , 
mais  en  15G7,  son  rôle  se 
borne  à  celui  d'émissaire  prin- 
cipal des  wateringues  de  la  région0;  le  bras  de  mer  est  devenu  un 


Echelle  de  I  :  3*0.000. 

Via.  '•<>.  —  Rasai  de  reconstitution  du  Zwin  au 
milieu  du  XIVe  siècle. 

Rivage  actuel. 


Sluis  hérite  dès  le  XIVe  siècle  de  la  prospérité  de  Damme.  Philippe  le 
Bon  en  1430  la  qualifie  de  «  plus  principal  port  de  mer  de  nostre  pais  de 
Flandres  7  ».  Mais  la  décadence  fut  aussi  rapide  que  pour  Damme,  car  ce 


«  Finot  (J.),  Le  commerce  entre  la  France  et  la  Flandre  au  moyen-âge  (Ann.  Coin, 
il.  Fr.,  XXJ,  pp.  l-3l/2>,  pp.  »»  et  77. 
i  Delepierre,  Précis  analytique,  2'  série.  I,  p.  03  (Comptes  du  Franc,  1403-04). 
••»  Gilliodts,  Inventaire,  IV,  pp.  338-331». 

*  Nouvelle  description  des  Pays-Bas  et  de  toutes  les  villes  des  dix-sept  provinces 
(Cologne.  Van  don  Boom,  l«kX »,  in-l^,  2Î*0  p.),  p.  l-">-  —  Pour  l'agonie  de  Damme.  voir  : 
Van  den  Bussche,  Inventaire  des  archives  «le  l'Klat  à  Bruges,  Franc  de  Bruges,  1,  pp. 
227,  231,  273,  278,  301,  3>7.  Pour  la  décadence  de  Mude,  Houcke,  Monikeredo.  voir 
Gilliodts,  Coutumos,  Petites  villes,  III,  pp.  »,  pp.  r»l-07,  pp.  337-3Î8. 

5  Comptes  du  Franc,  1-487-88,  dans  Priom.  Précis  analytique,  2"  série.  U,  pp.  101- 
LU2. 

«  GilliodLs,  Coutumes  du  Franc  de  Bruges,  II,  p.  771. 
-  Oilliodls,  inventaire,  V,  p.  lit). 


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FORMATION  DE  LA  PLAINE  MARITIME 


qui  restait  de  l'estuaire,  entre  Sluis  et  la  mer,  se  trouva  bientôt  dans  une 
fâcheuse  situation.  Ce  beau  golfe  qu'une  charte  de  1243  qualifiait  de 
«  corpus  maris  1  »,  se  rétrécissait  sur  les  bords  et  s'envasait  au  milieu. 
Le  Vieux  Polder  du  Hazegras  existe  dès  1304  *  ;  la  région  des  grèves,  la 
Greveninge  de  Mude,  était  endiguée  en  1282  jusqu'au  Maneschijn  polder 
inclus  3.  De  l'autre  côté  de  l'estuaire,  Ter  Hofstede,  dans  Kadzand,  était 
déjà  indiquée  en  1303  par  Melis  Stoke  v.  En  1450,  l'endiguement  de 
Hobbemoreel  restreint  des  deux  tiers  la  largeur  du  chenal  entre  Mude  et 
Sluis  5.  11  est  grand  temps  de  faire  des  travaux  en  aval  de  Sluis  ;  la 
charte  de  Fhilippe-le-Bon  de  1403  constate  que  les  marchands  n'osent 
plus  hanter  le  port,  qui  s'amoindrit  de  jour  en  jour  6.  Il  fallait  faire 
grand,  car  ce  n'est  pas  une  mim  e  besogne  que  de  ressusciter  un  bras  de 
mer.  Les  projets  proposés  en  1470  se  réduisent  à  deux  :  rétablir  par  un 
canal  parlant  de  Gaternisse  ou  d'Ooslmans-Capelle  la  communication 
entre  Zwin  et  Braakman;  ouvrir  le  Zwartegat,  le  détroit  entre  Kadzand 
et  Wulpcn,  qui  s'était  eomblé  au  cours  du  siècle  7.  On  espérait  que  le 
flot  de  marée,  passant  violemment  par  ces  ouvertures,  nettoierait  le 
cbenal  et  ferait  l'oftice  de  ces  chasses  que  les  eaux  douces  étaient  impuis- 
santes à  fournir.  On  se  décida  pour  le  Zwartegat.  Mais  à  peine  était-il 
ouvert  (1471)  que  l'on  s'apercevait  que  le  flot  de  marée  qui  entrait  par  le 
redoutable  «  Trou  noir  »,  loin  de  débarrasser  le  Zwin,  venait  accumuler 
les  dépôts  au  Sud  de  Kadzand  et  faisait  augmenter  l'envasement  avec  une 
effrayante  rapidité  8.  Dès  1485,  on  essayait,  sans  succès  d'ailleurs,  de 
refermer  la  passe  9. 

Cette  fâcheuse  expérience  avait  augmenté  le  danger.  Ordonnances  sur 
le  pilotage,  création  de  stations  de  pilotes  Rengageant  à  ne  conduire 
aucun  navire  ailleurs  que  dans  le  Zwin  ,f\  amélioration  des  balises  et 


1  Charte  du  comte  Thomas,  dans  Kluit,  II,  p-  '«87. 

â  Comptes  do  Bruges,  1304,  f°  30  (Gilliodts,  Inventaire,  Introduction,  p.  \h~j>). 

•'<  Rons,  Woordenboek,  pp.  vkS-'û. 

*  (Rijmkroniek,  VU). 

■>  Gilliodts.  Inventaire,  Y,  p.  322. 

«  Delepierre,  Précis  analytique,  lr"  série,  I,  p.  102. 

"  Diegerick.  Inventaire  des  archives  d'Ypres,  III,  pp.  287-288. 

H  Lettre  de  Mavimilien.  du  2'«  avril  1 48' î.  Un  y  constate  après '.I  ans  d'expérience  que 
la  marée  qui  entre  par  le  Zwartegat  sort  par  le  même  trou,  et  «  ainsi  sont  les  dits  bancs 
et  sablons  de  plus  en  plus  accrus  et  augmentés  et  l'entrée  du  havre  do  l'Keluse 
diminuée  et  devenue  plus  étroite  ».  (Gilliodis,  Inventaire,  VI,  p.  ~>Sj. 

9  Détail  des  travaux  dans  Gilliodts,  Dbid.  p.  2*it  et  Bruges  Port  de  mer,  pp.  4iV78. 
1"  ordonnances  de  |',Si  h  liSiV,  ,l;,ns  Gilliodts,  Inventaire.  VI.  pp.  £ï>  e|  27»;. 


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LE  ZWIN 


bouges  1  ,  consultation  des  pêeheurs  tic  (loxyde  et  des  Zélandais  *, 
création  de  commissions 3,  voyages  d'études,  enquêtes,  rapports,  n'empê- 
chaient pas  le  hâvre  d'être  «  tellement  diminue,  appovri  et  destruit...., 
que  la  ville  de  l'Écluse  est  taillée  de  tomber  en  totale  ruvne,  perdition  et 
désolation  »  4  (1500).  I^es  étrangers  partent.  I,es  Portugais  dont  les 
grosses  nefs,  bâties  pour  les  grandes  traversées  des  mers  tropicales, 
avaient  un  tonnage  Irop  considérable  pour  les  passes  atterries  Hu  Zwin, 
transfèrent  officiellement  en  1503  leur  résidence  à  Anvers.  Les  Italiens 
les  imitent  en  1510.  Les  Hanséates,  ces  fidèles  clients  de  Bruges, 
s'éloignent  définitivement  en  151i5.  Kn  1500.  «  le  dit  havre,  ensemble 
lanthise  d'icellui  et  de  la  dicte  ville  de  l'Ecluse,  est  comme  du  tout 
tlélaissée  et  habandonnée  »6.  Pourtant  Bruges  s'obstine,  l^e  projet  du  Zwar- 
tegat  n'a  pas  réussi  :  on  essaye  de  la  communication  avec  le  Braakman. 
Elaboré  en  1 190,  le  projet  do  canal  Coxyde-Oostburg  est  mis  à  exécution 
dès  1502,  et  le  Brugsche-Vaart  ouvert  en  1515  7.  Peut-être  empècha-t-il 
le  Zwin  d'être  complètement  comblé  à  la  fin  du  XXV  siècle  ;  mais  l'enva- 
sement était  rapide  dans  le  Braakman  lui-même  :  les  endiguements  des 
Laurevns  gênaient  l'entrée  du  canal  ;  il  fallait  percer  en  1517  le  schorre 
de  Vlaeke  qui  s'était  formé  devant  la  passe,  et  on  finissait  par  délaisser  la 
crique,  au  moment  où  allait  commencer  la  guerre  de  HO  ans.  Celle-ci,  par 
les  inondations  quelle  causa,  dut  rendre  quelque  profondeur  au  Zwin, 
puisqu'on  1518  les  Brugeois,  infatigables,  commençaient  à  creuser  tle 
Damrneà  Sluis  un  canal  d'eau  douce  pour  remplacer  leur  vieux  Zoutevaert 


1  (iilliodis.  Inventaire.  VI,  p.  237. 

2  Comptes  du  Franc,  14<JK-'.J!M."jlJ0,  «tan*  Priera,  Précis  analytique.  2""  série.  Il,  pp. 
235-C,  239. 

3  Gilliodts,  Inventaire,  VI,  p.  4r»l. 

*  Charte  de  Philippe  le  Beau,  dans  (iilliodis,  Coutumes,  Petites  villes,  IV,  p.  r>8!'. 
5  Kinot,  Commerce  entre  la  Flandre  et  la  Franc»',  pp.  242-24  4. 
B  Gilliodts,  (Coutumes,  Petites  villes,  IV,  p.  603. 

"  Gilliodts.  Bruges  Port  de  mer,  pp.  '.KMJl.  170- IN».  Lu  charte  de  Philippe  le  Peau, 
de  1Ô02,  constate  (pie  le  Zwin  est  «  tellement  rempli  de  terre  et  autre>  ehoses  que  les 
navires  <pii  y  souloient  arriver  en  grande  quantité....  n'y  povoient  et  encore  n'y 
peueiit  entrer  ne  yssir,  sinon  en  «rraii t  danger  et  péril  de  jnunder  ».  Le  canal  fera 
entrer  «  leaue  de  ladicle  mer  dedans  ledict  Zwin,  aftin  de  par  ee  moien  dehouier  et 
regeeter  les  bancs  et  sahlons,  pour  neetoyer,  parfonder  et  amender  icelluy  Zwin  ». 
(GiUiodls,  Coutumes,  petites  villes,  IV.  pp.  .7»:}-.7X>).  Le  Brusgche  Vaart,  dont  il 
reste  une  crique  profonde  à  l'Kst  d'Oosthurg.  n'a  donc  jamais  été  un  canal  «le  navigation, 
mais  une  passe  permettant  au  Ilot  de  marée  de  circuler  du  Zwin  dans  le  Braakman  et 
•le  nettoyer  l'estuaire. 


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1!« 


FORMATION  DK  LA  PLAINE  MARITIME 


envasé1,  et  que  ce  travail  termine  en  1564,  ils  se  mettent  à  en  établir  un 
autre  entre  Damme  ot  Hruges,  au  Nord  de  la  voie  creusée  au  XITsiècle  *. 
Tout  était  terminé  en  1572,  lorsqu'intervinrent  les  Hollandais  :  maîtres  de 
Sluis,  ils  ne  songèrent  qu'à  combler  le  nouveau  canal,  et  cette  dernière 
tentative,  le  Nieuwe  Gedelf  des  Brugeois,  avorta  misérablement. 

Le  Zwin  de  Sluis  languit  encore  trois  siècles.  Les  inondations  de  158.'*, 
en  rouvrant  le  Passegeule,  rendaient  à  la  marée  la  force  d'entretenir 
l'estuaire.  Maîtres  de  la  Flandre  zélandaise,  les  Hollandais  avaient  intérêt 
à  maintenir  ce  large  fossé  de  défense  devant  Kadzand  3.  Il  fallut  attendre 
le  XVIII"  siècle  et  le  comblement  des  passes  de  l'Est  pour  reprendre  les 
endiguements.  Le  Godefroi-en-Hurkel,  le  Gouverneurs  polder  à  gauche 
(1716-1718),  le  Casteel  à  droite  (1737),  rétrécissent  de  moitié  l'estuaire. 
La  fermeture  du  Nieuwo  Haven  en  1742,  et  surtout  la  disparition  définitive 
du  Passegeule  en  1788  par  la  construction  de  la  digue  de  Hakkersdam, 
furent  la  véritable  cause  de  la  mort  du  Zwïn.  Le  Crâne  polder  est  établi 
on  1799;  le  grand  Hazegras  est  de  1789;  le  Kleine  Pas,  qui  prend  encore 
une  moitié,  est  endigué  en  1793.  C'était  un  peu  tôt  :  le  Zwin  l'inonda 
aussitôt,  et  le  reprit  encore  en  1808.  Mais  en  arrière,  les  conquêtes  étaient 
définitives.  Napoléon  concède  au  général  Vandamme  le  fond  du  golfe,  et 
celui-ci  endigue  l'Olieslager  en  1803,  l'Austerlitz  en  1805,  le  Sophia  en 
1807,  l'Aardenburgsche  Haven  en  1813,  le  Diomede  en  1827.  Le  Zwin  do 
1830  n'a  plus  que  8  kilomètres  de  long,  et  on  le  traverse  à  marée  basse 
devant  le  Hazegras  4.  Cependant  on  y  navigue  encore  et  en  183(3  une 
canonnière  hollandaise  vient  s'y  embosser  pour  bombarder  l'écluse  belge 
du  Hazegras  ;  le  Sluissche  Haven  ne  disparaît  qu'en  1860  :  à  cette  date  le 
Zwin  polder  comble  5  km.  de  l'estuaire.  Il  restait  deux  petits  bras 
entourant  un  schorre,  l'île  Vandamme  ;  on  les  absorbe  en  1873  dans  le 


1  Comptes  du  Franc,  1547-48,  dans  Priem,  Précis  analytique,  2™  série,  III,  pp. 
10(). 

»  Gilliodts,  Bruges  Port  do  mer,  pp.  188-234. 

'  En  1748,  «  il  part  toutes  les  semaines  de  Sluis  plusieurs  bâtiments  pour  la  Hollande 
et  la  Zélande  ».  (Description  abrégée  géographique  et  historique  du  Brabant  hollandais 
et  de  la  Flandre  hollandaise  [Paris,  Bauche,  1748,  in-12",  314  p.],  p.  2.Y>).  —  Kn  1783, 
d'après  Dérivai,  lo  port  de  l'Écluse,  négligé  par  les  Hollandais,  no  contient  que  quelques 
petits  bâtiments  (Dérivai,  Lo  Voyageur  dans  les  Pays-Bas  autrichiens,  ou  lettres  sur 
l'état  actuel  de  ce  pays,  [Amsterdam, chez  Ghanguion,  1782-83,  0  vol.  in- 12"]  vol.  V,  p.  22). 
Encore  n'est-il  pas  ensablé  complètement,  ce  qui  prouve  que  le  Zwin  s'était  à  peu  près 
maintenu  depuis  deux  siècles. 

*  Andries  (J-O.),  Recherches  historiques  sur  los  voies  d'écoulement  des  eaux  dos 
Flandres  (Bruges,  do  Paehtere,  18.18,  in-8û,  K*2  p.,  carte)  p.  ."52. 


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LE  ZWIN 


Willem-Leopold  polder  1 .  Aujourd'hui  il  n'y  a  plus  du  Zwin  qu'une  petite 
crique  d'un  kilomètre,  perdue  dans  un  vaste  schorre  grisâtre  où  paissent 
des  moutons,  et  il  ne  s'y  aven- 
lure  guère  que  de  rares  bar- 
quettes de  pêche  à  marée  haute. 
Bientôt  cette  crique  disparaî- 
tra :  au  long  de  la  mer  une 
ligne  de  dunes  s'avance  avec 
rapidité, qui  finira  paratteindre 
Kadzand.  I,e  Zwin  ne  sera  plus 
alors  qu'un  souvenir  *. 

Ainsi  le  Zwin  n'a  pas  cessé 
de  diminuer  depuis  qu'il  appa- 
raît dans  l'histoire.  Kn  général, 
on  le  fait  mourir  trop  tôt  ou 
trop  tard  ;  trop  tôt  puisqu'il  en 

existe  encoro  un  débris  ;  trop  EcheU« dc  '=  ™-m)0 

tard  puisqu'il  était  à  peu  près  Fl,i-  —  Kndigiicmeius  .lu  Zwi..  aux  xvui» 
impraticable  dès  la  tin  du  XV  et  X,X'  siècks< 

siècle.  I/envasement  a  été  plus  rapide  en  amont  de  Sluis,  oîi  l'action  de 
la  marée  n'était  pas  aidée  par  un  afflux  puissant  d'eaux  intérieures  ;  plus 
lent  entre  Sluis  et  la  mer,  grâce  à  la  communication  avec  le  Braakmau. 
Mais  le  comblement  a  été  continu  ;  il  s'est  poursuivi  sans  arrêt  du  Ve  au 
XXe  siècle.  Et  cette  étude  permet  de  préciser  l'histoire  des  vicissitudes  de 
la  plaine  après  l'invasion  du  V  siècle  ;  il  paraît  bien  probable  qu'il  ne 
s'y  est  produit  depuis  celto  époque  aucune  oscillation  du  sol,  et  que  le 
comblement  des  estuaires  s'y  serait  tranquillement  et  régulièrement 
poursuivi,  si  l'homme  s'y  était  prêté  3. 


1  On  trouvera  los  dates  des  endiguements  dans  Roos,  Woordenboek,  et  Andries, 
Recherche»  historiques,  pp.  4T>-47. 

2  I>e  Zwin  disparu,  le  Rraakman  en  voie  do  disparaître,  on  s'occupe  maintenant  de 
reconquérir  le  territoire  que  la  guerre  de  80  ans  a  fait  perdre  au  pays  du  coté  de 
Saaftinge.  l/s  Nieuwen-Arenhorg  est  de  1781  ;  le  Saftingen  polder .  de  18UT»  :  les 
polders  l.ouisa,  Van  Alstein,  l'rosper.  du  XIX"  siècle.  Il  y  a  dix  ans,  on  a  endigué  le 
vaste  Koningin-Kmma  polder,  et  en  l'iOi  un  nouveau  polder  au  N.  du  l'rosper.  Ces 
travaux,  exécutés  pour  le  compte  de  la  famille  d'Arcnberg .  rappellent  ceux  des 
Laureyns  a  Watervliet. 

'  Voir  dans  Clouzot,  Les  Marais  de  la  Sèvre  Niortaise  et  du  l.ay  du  X'  siècle  à  lu 
fin  du  XVI'  siècle  (Paris,  Champion,  Hrft'i,  in-8',  282  p.,  pl..  carte  à  1:  200.000), 
pp.  47- 18.  r«3-Tvi,  tMi-71,  les  désastres  que  la  guerre  de  Cent  ans  et  les  guerre**  de  Reli- 
gion ont  fait  subir  à  l'œuvre  du  dessèchement,  entreprise  et  achevée  dès  les  XII'- 
XIIIe  siècles  par  les  moines. 


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M) 


FORMATION  I)K  LA  PLAINE  MARITIME 


Il  n'y  a  pas  do  catastrophes  dans  l'histoire  du  Zwin,  et  il  n'y  en  a  guère 
dans  toute  l'histoire  de  la  Flandre  zélandaise.  Dépouillées  de  l'aspect 
terrifiant  que  leur  prêtaient  les  chroniqueurs,  les  inondations  n'appa- 
raissent plus  que  comme  des  accidents  dont  les  hommes  sont  plus  respon- 
sables que  la  nature,  et  dont  les  effets  sont  temporaires  et  rapidement 
réparés.  Rien  u'a  beaucoup  changé  à  l'Kst  de  Bruges,  du  X'au  XXe  siècle. 
Le  Braakman  existait  avant  lo  XIVe  siècle  ;  le  Hellegat  a  remplacé  le 
vieux  chenal  de  Hulst;  le  Passegeule  est  toujours  reparu  sur  rempla- 
cement de  l'ancienne  criquo  d'Khnare.  Le  Hont  existait,  et  au  lieu  d'être 
plus  étroit,  il  était  probablement  plus  large  qu'aujourd'hui.  S'il  y  a  eu 
changement,  c'est  toujours  dans  le  môme  sens:  les  criques  se  sont 
comblées  lontement  depuis  dix  siècles,  et  continuent  do  se  combler 
aujourd'hui 


1  La  différence  de  niveau  que  l'on  remarque  dans  toute  la  Plaine  entre  deux  polders 
endigués  à  des  dates  différentes,  et  qui  fait  que  le  plus  récent  domine  parfois  de  2  métrés 
le  plus  ancien,  s'explique  autrement  que  par  un  affaissement  général  :  il  s'opère 
évidemment  un  tassement  important  dans  ces  matériaux,  d'ailleurs  compressibles 
(tourbe),  lorsqu'on  en  assure  convenablement  le  dessèchement.  Certains  polders  des 
Fens  et  de  Vénétie  sont  descendus  à  un  niveau  si  bas  après  l'assèchement  que  l'écou- 
lement des  eaux  pluviales  ne  pouvait  plus  s'y  effectuer.  De  là  vient  que  les  parties  de  la 
plaino  d'où  la  mer  s'était  jadis  retirée  d'elle-même  sont  descendus  aujourd'hui  à  un 
niveau  un  peu  inférieur  à  celui  îles  grandes  marées. 


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CHAPITKU  IX 
LA  COTE.  —  LES  DUNES* 


I.  Asjivct  et  mourenuids  de  lu  rôti-.  Kt-eit I  de  la  nier  a  l'Ouest.  Recul  de  In  terre  à 
l'Est.  Causes  des  mouvements  de  la  côte.  —  II.  Les  hunes;  carnetères  physiques. 
Largeur  îles  dunes.  Formes.  Mouvements  et  fixation.  —  III.  La  rie  d<nis  les  du  tus. 
L'agriculture.  L'homme  et  l'habitation. 

I. 

ASPKCT  KT  MorVKMKNTS  I)K  LA  C<  >TK. 

Pays  bas,  cote  basse  ;  tout  lo  long  de  la  mer  du  Nord,  la  plaine  maritime 
do  l' Allemagne,  do  la  Hollande,  de  la  Flandre,  aligne  un  rivage  plat  et 
triste.  Du  large,  sur  le  bateau  qui  se  faufile  entre  les  bancs,  le  voyageur 
qui  cherche  la  Flandre  ne  découvre  d'abord  que  des  tours  lointaines  et 
embrumées,  les  grands  phares  blancs,  les  clochers  et  les  beffrois,  la  rude 
silhouette  de  St-Éloi  de  Dunkerquc,  la  flèche  de  Notre-Dame  do  Hruges. 
même  la  vieille  tour  carrée  do  Watten,  à  cinq  lieues  de  la  cote*.  Puis  l'on 
voit  sortir  des  eaux  des  rangées  de  maisons  étranges,  des  villes  de  rêve, 
le  «  front  de  mer  des  stations  balnéaires  avec  leurs  villas  où  s'entrecho- 
quent tous  les  styles.  Fntin  apparaît  la  côte  véritable,  le  mur  bas  des  dunes 
blanchâtres  dont  parle  Guillaume  le  Dreton  '1,  précédées  de  l'cstran  de 
sable  fauve,  large  parfois  de  deux  kilomètres.  Il  a  fallu  jalonner  de 


l  Principaux  travaux  à  consulter  pour  ce  chapitre  et  le  chapitre  suivant  :  Ministère  .le-* 
Travaux  Publics,  Ports  maritimes  .le  la  Krauee  :  tome  I"',  île  Dunkerquc  a  Ktr.-tat  (Paris. 
Impr.  liât.,  t*7'i;  :  Plocq,  Dunkerquc,  pp.  1-107  ;  Plocq,  (Iravelines.  pp.  HKM'.fl  :  Aron, 
Calais,  pp.  V£t-27>2  :  —  de  M'  y  'P.i.  Ports  en  plage  «le  sable  ;  —  Les  Installations 
maritimes  belges  (Imposition  universelle  de  l'.IOH;  .Notices  -ur  les  Plans  et  Modèles 
exposés  dans  le  salon  des  Ponlsei-Chaiissées  :  Hru\c||-s.  Striekaert,  l'.KKI.  in-S".  107  p., 
phot..  graph.,  plans,  cartes)  :  —  Monographie  agricole  de  la  Hégion  des  Dunes 
(Minist.  de  l'Agriculture,  Bruxelles,  lt<UI,  in-S",  ,'>7  p.i. 

i  Kn  1X12.  la  manne  à  Dunkerquc  -'oppose  éncrgiquement  à  la  démolition  de  la 
tour  de  NVatteu,  parce  qu'elle  sert  d'amer  pour  reconnaître  le  banc  d'(  nn-Kuvtiugen. 
(Areh.  Nat.  F*  m). 

3  Caudent.a  littora  (Philippide,  M  (i.  SS.  XXVI,  p  T.:.,  v  XX). 


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LA  COTE.  -  LES  DUNES 


feux  les  bords  de  cette  côte  incertaine;  les  phares  sont  nombreux  an  long 
do  la  Flandre,  et  leur  usage  y  est  ancien  i. 

Cette  côte  basse  est  rectiligne.  De  Sangatte  à  Kadzand,  il  n'y  a  guère 
de  pointas  que  les  jetées  des  ports,  de  golfes  que  leurs  chenaux.  Sous 
l'effort  des  courants  de  marée,  les  alluvions  amenées  par  le  gain  de  flot 
ont  comblé  toutes  les  échancrures,  et  presque  effacé  les  dernières  traces 
des  estuaires.  Il  n'y  a  plus  guère  que  deux  angles,  très  arrondis  :  la  pointe 
de  Gravelines  et  la  côte  de  Kadzand,  pour  rappeler  que  devant  elles  les 
golfes  de  l'Aa  et  du  Zwin  gagnaient  jadis  la  mer.  On  a  vu  le  Zwin  se 
combler  au  XIXe  siècle,  le  golfe  de  Nieuport  au  XIVe.  Ce  qui  restait  des 
estuaires  de  Calais  et  de  Gravelines  mit  plus  de  temps  a  disparaître.  De 
bonne  heure,  ils  n'étaient  plus  guère  que  des  lagunes,  enserrées  entre  la 
côte  et  un  cordon  littoral  de  sable,  une  Nehrung,  que  le  gain  de  flot  pous- 
sait peu  à  peu  vers  l'Est,  ne  laissant  plus  aux  eaux  de  l'intérieur  qu'un 
étroit  passage  vers  la  haute  mer.  Ces  lagunes  furent  réduites  peu  à  peu. 
Il  semble  quo  ce  fut  au  début  de  la  domination  anglaise  que  fut  établie, 
de  Sangatte  à  Nieulay,  la  digue  Royale  appuyée  sur  l'extrémité  du  banc 
des  Pierrettes  *  ;  mais  l'espace  entre  Nieulay  et  le  cordon  littoral  resta  une 
crique  jusqu'en  1770(fig.45).  Au  Nord  de  Gravelines,  il  s'était  formé  aussi 
une  lagune  entre  la  ville  et  une  rangée  de  dunes  appuyées  a  l'Ouest  ; 
mais  cetto  lagune  était  vite  devenue  un  schorro,  appelé  les  Hems-St-Pol, 
à  travers  lequel  serpentait  l'Aa,  qualifié  en  1 140  de  havre  «  tout  atterry 
et  de  petite  valeur  »  \  Rejeté  peu  à  peu  vers  l'Est  par  les  progrès  de  la 
Nehrung,  le  courant  venait  ronger  les  dunes  qui  formaient  la  côte  de  la 
chAtellenie  de  Rourbourg,  finissait  par  en  «  abattre,  caver  et  emporter  la 
greigneure  partie  »  »,  et  il  fallait  y  organiser  au  XVIe  siècle  de  sérieux 
travaux  de  défense  5.  Le  comblement  du  havre  continua  aux  XVIIe  et 
XVIir  siècles;  les  dunes  de  l'Ouest,  poussées  par  les  vents  dominants, 
obstruaient  de  plus  en  plus  le  chenal,  causant  de  graves  inondations  dans 


1  Octroi  de  Philippe  le  Hardi:  «  Que  pour  le  sauveinent  des  diz  marchons,  leurs 
biens  et  noifs,  il  soient  ordenez  encontre  les  costiercs  «le  Flandres  sur  le  mer.  à  Dun- 
kerke,  Neufport.  Ostendc.  Hlnnekenberghe,  nouvelles  lumières  et  vierboetes  si  comme 
soldent  estre  en  ricttx  temps  ».  (Arch.  Nord.  H.  l.">0!t,  b'  reg.  des  Chartes,  ^  33,  verso: 
H.  I.VVî,  (i"  cartulairc  de  Flandre,  f°  34.  verso). 

*  Aron,  Calais,  p.  202. 

:*  Octroi  de  Jean  de  Luxembourg  à  la  ville  de  St-Omer.  (Copie  aux  Areh.  Nat. 
0'  82!l). 

I  Haignerc,  St-Hertin,  111,  p.  3K",,  n"  2!*Î8. 

5  Plusieurs  chartes  de  Charles-Quint,  aux  Areh.  du  Nord.  Série  C  (Flandre  maritime'), 
liasses  44,  40,  60. 


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L'ASPECT  DE  LA  CÔTE  20.T 

l'intérieur  des  terres.  On  se  décida  on  fin  en  1712  à  creuser  à  l'Aa  un 
nouveau  chenal  vers  le  Nord-Ouest,  à  travers  les  Homs-St-Pol.  Dès  lors 
ce  qui  restait  do  l'ancien  estuaire  devait  disparaître  rapidement  ;  les 
demandes  de  concession  affluèrent     ou  barra  ce  qui  restait  du  golfe 


Basse  mer 


Fig.  42.  —  Us  Hems-St-Pol  on  1747, 
d'après  doux  plans  aux  Arch.  Nat.,  Q<  82ï>,  pièces  *  Kl  et  «IT>  î. 


par  une  digue  recouverte  aujourd'hui  d'un  amas  de  sable  qui  joint  les 


I  Détails  sur  ces  demandes  dn  concessions  aux  Arch.  Nat.,  Q<  S21I,  et  aux  Arch.  «lu 
Nord,  C  (Fl.  mar.),  liasse 

i  Comme  dans  l'ensemble  delà  plaine  maritime,  les  parties  asséchées  les  premières 
>e  trouvent  au  Nord,  le  long  des  dunes:  d'abord  la  I^ampernesse,  qu'il  n'a  pas  été 
nécessaire  d'endiguer,  puis  le  Vieux  et  le  Nouveau  Poldre. 


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204  LA  COTK.  -  LES  DUNKS. 

dunes  de  Calais  à  celles  de  Dunkerque.  Ainsi  celte  côte,  laissé-  A  elle- 
même,  se  fait  forcement  rectiligne  ;  elle  allonge  des  levé»  s  littorales 
devant  les  estuaires,  et  les  comble  ensuite  A  loisir. 

On  pourrait  croire  que  cette  tendance  à  raccorder  par  une  ligne  droite 
les  anciennes  sinuosités  indique  que  l'emplacement  de  la  côte  n'a  pas  varié 
depuis  l'invasion  marine  du  Ve  siècle,  et  que  la  mer  s'est  contentée  de 
réparer  les  brèches  que  l'inondation  avait  faites  A  l'ancien  cordon  littoral. 
Pourtant  la  côte  a  subi,  entre  Calais  et  Kadzand,  un  double  mouvement 
d'avance  et  de  recul.  De  Calais  A  Dunkerque,  la  terre  a  gagné,  et  parfois 
une  largeur  de  1500"'.  A  l'Est  de  Xieuport,  la  mer  avance,  et  la  côte  a 
reculé  d'une  quantité  difficile  à  évaluer,  mais  qui  atteint  peut-être  un 
ou  deux  kilomètres. 


Recul  de  la  mer  a  l'Ouest. 

Le  gain  sur  la  mer,  A  l'Ouest  de  Dunkerque,  n'a  guère  besoin  d'être 
prouvé  par  les  textes:  l'examen  des  lieux suftil.  A  la  hauteur  de  Mardick, 
on  ne  compte  pas  moins  de  sept  témoins,  sept  étapes  du  recul  do  la  mer. 
C'est  d'abord,  au  S.-W.  du  village,  les  vieilles  dunes  sur  lesquelles  est  bftti 
le  village  de  Loon  ;  là  était  vraisemblablement  le  rivage  des  Vol  VIe siècles. 
Mardick  lui-même  est  sur  une  légère  éminence  sableuse,  que  l'on  suit  A 
l'Est  jusqu'au  canal  envasé  de  Louis  XIV.  Digue  ou  dune  ?  Il  est  difficile 
de  le  dire,  car  les  sables  s'accumulaient  si  bien  sur  les  digues  qu'elles 
prenaient  bientôt  l'apparence  d'une  ligne  de  dunes  naturelles.  Peut-être 
est-ce  là  ces  dunes  de  Synlhe  dont  parle  un  acte  de  1097?  Devant  vient 
une  saline,  c'est-à-dire  un  ancien  schorre  cultivé,  drainé  par  un  watergand. 
Cette  fois  c'est  bien  là  la  terre  indiquée  par  l'acte  de  1067,  «  Salinas  in 
Sintonis  quas  grevas  vocant  »  1 ,  qui  ne  tarda  pas  à  être  endiguée,  car  elle  est 
bornée  au  .Nord  parla  digue  du  Comte  Jean(phol.  II).  Elle  est  bien  décrépite 
aujourd'hui,  la  célèbre  digue  que  fit  faire  le  comte,  disent  les  paysans, 
pour  ne  pas  passer  sur  los  terres  dautrui  ;  les  schorres  qui  se  sont  formés 
devant  elle  ont  fini  par  égaler  sa  hauteur,  et  on  ne  la  distingue  plus  guère 
qu'à  la  ligne  de  maisons  qui  se  cramponne  à  son  tracé:  non  que  ce  léger 
renflement  sableux  constitue  encore  une  sauvegarde  contre  les  attaques 
d'une  mer  refoulée  à  plus  d'un  kilomètre,  (car  dès  177  i  l'intendant  la 


1  Pruvust,  Herbues,  p.  l'A).  Os  salinrs  partagées  outre  1rs  abl>ayo>  de  Herbues  et  de 
Wallon  dépendaient  de  la  ferme  du  l'rédenibourg  (Are  h.  Nord,  C,  Kl.  Mar..  liasse  44). 


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LE  RF.Cn.  OK  LA  MRR  A  L'OUEST 


20G 


donnait  comme  percée  el  même  effacée  en  plus  do  30  endroits)  1  ;  mais 
parce  que  la  digue,  jadis  propriété  do  l'Etat,  est  devenue  sans  bruit  la 


Fin.  4M.  —  <  lai  us  do  la  terre  sur  la  mer  à  l'Ouest  <lo  Duiikerque. 

I.  Vieilles  dunes  de  LOOB.  IV.  Dunes  .lu  XVIe  llcclft 

II.  Ligne  mbtoaM  de  Murdiek  \\v  rièolef).  V.  Ditfue  de  l?fl». 
[II.  Digue  du  Comte  Jean,  VI.  Digue  de  M6R 

vu.  Dune*  en  for  nation  sUr  l'entrai!. 


possession  de  tous  ceux  qui  en  ont  bien  voulu  s'emparer  *.  Devant  la  digue 
s'étend  une  nouvelle  ligne  de  dunes,  la  plus  importante  de  la  série  ;  celles- 
ci  existaient  dès  la  fin  du  XVIe  siècle,  puisqu'un  bail  de  1003  parle  des 
terres  situées  entre  le  banc  do  Grave-Jean  ot  les  Dunes,  jusqu'à  l'eau  tlo  la 


*  Arch.  Nat.  Q«  2H7. 

*  L'est  pourquoi  l'on  voit  des  familles,  simples  localairos  de  maisons  situées  au 
long  de  la  digue,  être  les  tranquilles  propriétaires  des  enclos  eontigus  à  leur  maison, 
niais  situés  sur  la  digue,  sur  le  liane  du  comte  Jean. 


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LA  COTE.  -  LES  DUNES 


mer1.  Puis  viennent  les  grandes  salines,  mûres  an  milieu  du  XVIIIe  siècle, 
endiguées  à  parlir  de  1709  parle  comte  de  La  Morlière;  et  devant,  une 
nouvelle  conquête,  une  saline  conquise  en  1859.  Mais  les  progrès  de  la 
terre  ne  s'arrêtent  pas  là,  et  devant  la  digue  de  mer  se  sont  établies,  en 
50  ans,  de  nouvelles  dunes  déjà  couvertes  de  végétation.  Ainsi  3  ou  4  lignes 
de  dignes,  alternant  avec  3  ou  4  rangées  de  dunes,  indiquent  les  étapes  du 
reeul  de  la  mer,  presque  chaque  siècle.  Une  conséquence  intéressante  de 
ce  progrès  de  la  côte  a  été  le  comblement  d'une  fosse  qui  séparait  un  banc 
de  la  terre  ferme,  et  l'annexion  de  ce  banc  au  rivage.  Jusqu'au  XV1F  siècle 
s'étendait  devant  Dunkerque  parallèlement  a  la  côte  et  aux  autres  bancs 
de  Flandre  le  Scheurken,  découvert  à  marée  basse,  et  dont  il  faudrait 
aujourd'hui  chercher  remplacement  vei-s  l'ancien  Sanatorium  de  St-Polet 
le  grand  phare.  Une  passe,  profonde  au  minimum  de  4  pieds  aux  basses 
eaux,  appelée  la  fosse  de  Mardick,  séparait  le  banc  de  la  côte,  et  servait 
de  rade  au  port  de  Dunkerque,  qui  y  débouchait  s.  Déjà  en  1587  s'allon- 
geaient entre  la  principale  ligne  de  dunes  et  la  fosse  de  Mardick  des 
schorres  à  peu  près  secs,  servant  de  pâtures  et  appelés  les  Hems  Au 
début  du  XVIIe  siècle,  et  probablement  à  la  suite  de  travaux  de  forti- 
fication exécutés  afin  d'interdire  aux  vaisseaux  ennemis  l'accès  de  la  fosse 
de  Mardick  vers  l'Ouest,  (construction  sur  les  hommes  de  la  batterie 
dépendant  du  Forl  île  Mardick),  on  vit  la  partie  centrale  de  la  passe 
s'atterrir  avec  une  rapidité  singulière,  et  le  Scheurken  s'allonger  vers 
l'Kst  en  se  rapprochant  de  la  côte.  En  1(124,  on  avait  devant  la  ville  3  à  4 
brasses  d'eau  (de  l^fc!)  à  marée  basse  ;  en  1639  on  n'y  trouvait  plus  que 
3  à  4  pieds,  et  il  avait  fallu  creuser,  entre  le  banc  et  la  côte,  un  chenal 
bordé  de  fasciuages.  Kn  1645,  la  fosse  de  Mardick  n'existait  plus  que  dans 
sa  partie  occidentale,  dont  l'amorce  s'est  conservée  jusqu'à  présent;  à 
marée  basse  le  Scheurken  était  réuni  à  la  côte,  et  le  port  de  Dunkerque 
réduit  à  une  misérable  crique  qui  gagnait  la  mer  vers  l'Ksl.  L'ensablement 
de  la  passe  fut  si  complet  qu'un  navire  espagnol  sabordé  vers  la  fin  du 
XVr  siècle  dans  la  fosse,  devant  l'entrée  du  port,  a  été  retrouvé  en  1900 


•  Série  baux  pour  les  terres  île  l'abbaye  de  Watten  au  (ïran.I  Frédeinbourg,  de 
UUi  à  1700  (Areh.  Nat.,  Q»  287). 

-  Les  phases  de  la  jonction  du  Scheurken  à  la  côte  au  XVII''  siècle  nous  sont  connues 
grâce  au  précieux  rapport  de  Florent  Van  Langren,  ingénieur  au  service  du  roi 
d'Espague,  qui  proposait  en  Uî53  de  creuser  entre  Ouukerque  et  Fort  Mardick  le  canal 
qui  fut  exécuté,  en  1713,  par  ordre  de  Louis  XIV.  Ce  rapport  est  publié  dans  :  do  Rive, 
Frécis  historique  et  statistique  des  canaux  et  rivières  navigables  de  la  Belgique  et  d'une 
partie  de  la  France  (Bruxelles,  iu-4»,  1835),  pp.  005-008- 

3  Arcb.  Nat.,  Qi  287. 


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LE  RECUL  DK  LA  MKK  A  L'OUEST 


207 


recouvert  de  7  métros  de  sédiments  '.  Vauban  consacra  la  disparition  de 
la  fosse  et  l'annexion  du  banc  à  la  côte,  en  lançant  vers  le  N.-W.,  à  travers 
leur  ancien  emplacement,  le  nouveau  chenal  do  Dunkerque.  Ce  qui  restait 
de  la  fosse  en  face  de  Fort-Mardick  disparut  à  son  tour  :  en  10  ans  le  ter- 
rain s'élevait  de  5  pieds  au  droit  des  écluses  du  canal  de  Louis  XIV,  entre 
1703  et  1779  ;  eu  1778  on  constatait  que  les  schorres  établis  en  face  la  partie 
Ouest  de  l'ancien  Scheurken  s'étaieut  accrus  en  2.*i  ans  de  .'38  toises  dans  la 
direction  du  Nord  *.  Aussi  en  1781  accorde-t-on  au  vicomte  de  Gand  la 
concession  des  «  terres  salines  délaissées  par  la  mer  3  »  depuis  Fort-Mar- 
dick jusqu'à  Dunkerque.  La  plage  actuelle  semble  continuer  à  s'accroître  ; 
les  courants  passant  par  la  dépression  qui  reste  de  l'ancienne  fosse  appor- 
taient vers  l'Est  des  quantités  d'alluvious  si  considérables  qu'il  a  fallu 
prendre  des  mesures  spéciales  pour  les  écarter  de  la  jetée  Ouest  du  port1. 
Les  dunes  formées  devant  la  Digue  de  l'Ouest,  crevée  pourtant  en  1875, 
s'accroissent  avec  rapidité. 

Les  mêmes  phénomènes  se  reproduisent  à  l'Ouest  de  Dunkerque  et  de 
Mardick,  jusqu'à  Calais.  A  Loon,  on  retrouve  au  N.-W.  du  village,  au  delà 
d'une  ancienne  ligne  de  dunes  très  effacée,  la  digue  du  comte  Jean, 
toujours  bordée  de  nombreuses  maisons,  et  au  delà  de  la  saline  d'Enna, 
possédée  depuis  le  début  du  XIV"  siècle  par  les  dames  de  Clairmarais, 
une  épaisse  ligne  de  dunes  qui  borde  les  Hems-St-Pol  5.  A  Oye,  on  ren- 
contre en  marchant  au  N.-E.  uno  ligne  très  continue  de  hautes  terres 
sableuses,  parcourue  tout  au  long  par  la  vieille  route  de  Calais  à  Grave- 
lines,  et  qui  paraît  plutôt  une  ancienne  digue  augmentée  par  les  apports  de 
sable  qu'une  véritable  dune  :  c'est  probablement,  entre  Graveliues  et 
Calais,  le  prolongement  do  la  digue  du  comte  Jean.  Fuis  vient  le  Banc 
à  Groseilles,  dont  le  nom  (banc)  et  la  forme  ne  laissent  aucun  doute  sur 
l'origine  ;  c'est  une  digue,  qui  limite  au  Sud  une  large  bande  de  terres  fortes, 
les  Hemmes  de  Fort-Philippe  et  d'Oye,  où  une  ferme  porte  le  nom  signi- 
ficatif de  Terre-neuve.  Ces  anciennes  salines  aboutissent  vers  le  Nord  aux 

■ 


'  Voir  à  ce  sujot  la  note  Je  M.  (Josselet,  Note  sur  les  sables  tle  la  plage  de  Dun- 
kerque, et  l'intéressant  travail  <le  MM.  Luiery,  Cleenewerek  et  Debacker,  Découverte 
•l'un  navire  profondément  enseveli  dans  les  sable-  de  Dunkerque,  publiés  dans  Ann. 
Soc.  géol.  N.,  XXIX  (1!>U0),  pp.  128-ir.i»,  2  pl. 

2  Arch.  Nord,  C  (FI.  Mar.j,  44,  u«  m  et  ïû. 

3  Arch.  Nat.  Q'  2*7. 

*  Eyriauddes  Vergnos,  Etude  sur  l'établissement  et  l'entretien  des  ports  en  plage  de 
sable,  (Ann.  l'.-C,  <i«  série,  l*  année  [lïWllJ,  pp.  iKViOtj,  G  pl.),  pp.  328-332. 

3  Copie  d'un  diplôme  de  Charles-y.iint  de  1.712,  aux  Arch.  Nat.,  OJ  257. 


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LA  COTE.  -  LES  DUNES 


dunes  d'Oyc,  accumulées  le  long  d'une  digne  qu'éleva  en  1630  le  marquis 
de  Valençay  ;  mais  ces  dunes  sont  encore  précédées,  du  côté  de  la  mer, 
par  une  nouvelle  digue,  celle-ci  par  une  dernière  ligne  de  dunes  couvertes 
de  végétation,  le  Gros-Banc,  en  avant  duquel  on  trouve  enfin  un  estran  de 
prés  d'un  kilomètre.  De  Marck  à  la  côte,  même  accumulation  de  dunes  et 
de  digues  :  après  cette  large  et  triste  bande  de  sables  jaunes  qui  s'élend 
du  village  aux  remparts  de  (Valais,  c'est  le  banc  de  la  vieille  route  de 
Gravelines,  assez  élevé  à  cet  endroit  pour  que  la  différence  de  niveau  avec 
la  saline  siluéo  au  Nord  soit  rachetée  dans  un  champ  par  un  rideau. 
Derrière,  la  ligne  de  dunes  où  se  suivent  les  nombreuses  maisonnettes  des 
Pelites-Hemmes  ;  dunes  déjà  bien  aplaties,  couvertes  d'herbe,  ayant  l'air 
de  grandes  vagues  vertes;  puis  la  vaste  dépression  d'argile  grise  gagnée 
aux  XVIIe  et  XVIIIe  siècles  par  les  digues  Robelin  et  Taaf.  Des  dunes  en 
formation,  hautes  de  3  à  \  mètres,  s'adossent  à  ces  dernières  jsurl'estraii 
s'étendent  quelques  monticules,  couverts  de  végétation,  où  paissent  des 
troupeaux  de  moutons;  ça  et  la  circulent  des  chenaux  remplis  de  vase 
argileuse,  où  la  mer  pénètre  par  les  très  fortes  marées.  On  pourrait  s'y 
croire  revenu  au  IX'  siècle,  au  temps  où  l'abbaye  de  St-Pierro  do  Gand 
commençait  à  faire  paître  ses  brebis  sur  les  terres  que  «jetait  »  la  mer 
autour  d'Aardenburg  et  Oostburg.  Enfin  dovant  cette  saline  bientôt  mûre 
pour  les  endiguements,  1000  mètres  d'un  estran  jaunAtre,  qui  parait 
s'étendre  à  l'infini.  A  marée  basse,  on  ne  soupçonnerait  pas  la  présence  de 
la  mer  sans  l'apparition  au-dessus  des  sables  de  quelques  voiles  et  du  phare 
do  Waldam,  marquant  de  ce  côté  la  limite  provisoire  des  conquêtes  de  la 
terre  sur  les  eaux. 

Ainsiïa  mer  a  reculé  tout  au  long  de  la  côte,  de  Dunkerque  à  Calais, 
depuis  le  X"  siècle,  peut-être  même  d'une  manière  continue  depuis  le 
VIT.  Ce  progrès  de  la  terre  a  changé  légèrement  la  forme  primitive  du 
rivage;  la  ligne  qui  prolongo  vers  l'Ouest  la  direction  île  la  côte  belge 
passe  par  la  ville  de  Dunkerque,  au  Nord  de  Loon,  par  Gravelines,  Oye 
et  Marck. Au  contraire  il  est  probable  que  de  Dunkerque  à  l'Vser.  et 
particulièrement  entre  la  frontière  française  et  Nieuport,  la  côte  n'a  guère 
bougé.  Zuydcoote  était  déjà  une  paroisse  maritime  au  XIIe  siècle  ',  et 
entre  la  mer  et  l'ancien  emplacement  du  village,  il  n'y  a  toujours  qu'une 
ligne  de  dunes,  dont  l'épaisseur  indique  l'âge  avancé.  L'emplacement  de 
l'abbaye  des  Dunes,  établie  à  la  fin  du  XIP  siècle  dans  une  dépression 


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LE  RECUL  DE  IJV  TERRE  A  L'EST 


200 


ou  panne  des  dunes  de  Coxyde  est  toujours  environné  de  sables  ;  la 
largeur  des  dunes  à  cet  endroit,  qui  était  en  123(3  de  G32  verges  *,  soit 
1.900m,  est  aujourd'hui  d'environ  deux  kilomètres.  A  Westende,  la  situa- 
tion n'a  guère  changé  depuis  1241,  où  il  est  question  d'un  chemin  allant 
de  l'église  de  Westende  à  la  mer  à  travers  les  hautes  dunes  3.  Il  y  a  là 
comme  un  point  mort,  autour  duquel  la  mer  et  la  terre  ont  gardé  leurs 
positions.  La  terre  y  a  du  moins  gagné  l'ancien  estuaire  de  l'Yser,  devant 
lequel  la  mer  a  accumulé  une  si  grande  épaisseur  de  sable,  que  la  digue 
du  comte  Jean  est  maintenant  séparée  de  l'est ran  par  1.400  mètres  de 
dunes,  et  que  Lombartzyde  est  éloignée  d'autant  de  la  mer,  qui  la  tou- 
chait au  XIIIe  siècle  4. 


Recul  de  la  terre  à  l'Est. 

Mais  passé  Westende,  on  se  trouve  en  présence  d'un  recul  indéniable 
de  la  côte.  On  a  trouvé  sur  la  plage  de  Haversijde,  entre  Middelkerke  et 
Ostende,  des  débris  archéologiques  attribués  au  haut  moyen-âge 5. 
Ostende  a  reculé  à  plusieurs  reprises  devant  la  mer;  sa  vieille  église 
d'Onze-Lieve-Yrouw-ter-Streep  fut  détruite  en  1334  par  les  flots,  en 
même  temps  que  l'église  do  Blankenberghe  *,  et  en  1395,  la  ville  dut 
se  réfugier,  après  avoir  beaucoup  souffert  par  les  «  fortunes,  orrages,  et 
jnundations  des  eaues  de  la  mer  »,  à  l'abri  de  la  digue  que  ceux  du  Franc 
avaient  élevée  un  peu  en  arrière  7  ;  ce  qui  restait  de  l'ancienne  ville  était 
complètement  disparu  en  1502  8.  Wenduyne  a  émigré  vers  le  Sud 
depuis  le  XVIe  siècle,  et  la  grande  marée  du  2  février  1791,  qui  dévora 


•  Voir  la  charte  de  la  comtesse  Jeanne,  12111,  dans  Van  de  Putte,  Dunes,  p.  3(52. 

i  Charte  de  la  comtesse  Jeanne,  dans  Van  de  Putte,  Dunes,  pp.  104-16. 

3  Charte  do  Thomas  et  Jeanne,  dans  Foys  et  Van  do  Casteelo,  Histoire  d'Oudenbourg, 
II,  pp.  100-101. 

*  Aucun  texte  ne  vient  d'ailleurs  corroborer  la  légende  de  Lombartzyde  grand  port 
aux  XI*  et  XII*  siècles,  si  souvent  rapportée  dans  les  travaux  des  anciens  érudits. 

3  Ruiot  (A.),  Sur  les  antiquités  découvertes  dans  la  partie  belge  de  la  plaine 
maritime. 

fi  Cf.  Carton  (C),  Notice  sur  Hlankenberghe  (Ann.  Soc.  Em.  Br.,  111,  pp.  53-114), 
pp.  72-70. 

?  Charte  d'extension  d'échevinage  accordée  à  Ostende  par  Philippe  le  Hardi,  dans 
Van  den  Hussche,  Inventaire  Arch.  Franc  de  Hrugcs,  L  p.  102. 

«  lions  détails  dans  Helpairo  (Ant.),  Notice  historique  sur  la  ville  et  le  port  d'Ostende, 
(27  p.),  imprimée  a  la  suite  de  son  travail  sur  la  Plaine  maritime. 

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210 


LA  COTE.  -  LES  Dl'NES 


une  largeur  de  35  piods  de  dunes,  mit  au  jour  les  murailles  et  les  puits  de 
l'ancien  village    Le  même  phénomène  de  recul  est  constaté  à  Blanken- 
berghe,  à  Heyst,  à  Knocke  :  même  l'ampleur  du  mouvement  augmente 
vers  l'Est.  Sur  la  plage  de  Heyst  existerait  l'emplacement  d'un  village 
du  haut  moyen-âge.  Le  Transport  ou  cadastre  général  de  1408,  enregis- 
trant les  perles  faites  depuis  un  siècle  exactement,  énumère  :  un  grand 
village  nommé  Harendyke,  peu  habité,  entre  Wenduyne  et  Blanken- 
berghe  ;  devant  Heyst,  le  hameau  «  de  Panne  »  et  80  mesures  ;  sur  les 
wateringues  de  Heyst  et  Rheingarsvliele,  100  mesures  et  un  village  de 
pêcheurs  ;  à  l'Est  de  Knocke,  8  mesures  et  un  hameau  important  ».  La 
digue  du  comte  Jean,  à  l'Est  de  Heyst,  se  trouve  entre  les  épis  27  et  il 
en  retrait  sur  l'ancienne  direction,  et  cette  courbure  indique  qu'il  y  eut 
là  un  tronçon  rompu,  dont  les  vestiges  se  voyaient  sur  la  plage  aux 
environs  de  l'épi  37  (aujourd'hui  port  de  Zeebrugge)  ».  Au  XVIIe  siècle, 
pour  prévenir  de  nouveaux  progrès  de  la  mer,  il  fallut  hérisser  d'épis 
toute  la  côte  entre  Wenduyne  et  Heyst  ».  Cela  n'a  pas  empêché  qu'au 
XIXe,  la  mer  a  fait  encore  aux  dépens  des  dunes  quelques  progrès; 
la  plus  haute  cime  du  littoral,  le  «  Mont  Blanc  *>  de  Heyst,  a  été  dévoré 
en  1886;  les  dunes  devant  le  phare  de  Knocke  ont  fondu  de  2  mètres 
en  moyenne  par  an  entre  1870  et  1880,  et  les  ingénieurs  avouent  pour 
certaines  dunes  de  Knocke,  propriétés  particulières  moins  bien  défendues 
que  les  dunes  de  l'Etat,  une  porte  de  25  mètres  en  10  ans.  A  Heyst  la 
prospérité  de  la  plage  semble  menacée:  les  grandes  marées  attaquent  la 
digue  et  la  mer  haute  couvre  si  bien  tout  l'estran  qu'à  son  approche  toutes 
les  cabines  roulantes  doivent  être  remontées  sur  le  promenoir.  Mais  c'est 
surtout  à  l'Est  du  Zwin  que  la  retraite  de  la  côte  a  été  rapide  et  désas- 
treuse. On  a  vu  Kadzand  diminuer  au  Nord  pendant  qu'elle  s'annexait  au 
Sud  les  schorres  du  Zwin  et  du  Zwartegat;  Wulpen  et  ses  cinq  paroisses 
s'émietter  peu  à  peu  dans  les  eaux,  et  disparaiti-e  sous  les  coups  de  la 
mer  5. 


1  Belpaire  (Ant.),  Mémoire  sur  la  Haine  maritime,  p.  50,  note  1.  Cf.  également  Roche, 
Histoire  de  Wouduyne-sur-iner,  suivie  d'une  note  sur  l'ancienne  topographie  de 
Wenduyne,  par  L.  Gilliodts  van  Severen  (Bruges,  Daveluy,  181*2,  in-8",  74  p.). 

*  Texte  dans  (jilliodts,  Inventaire  Arch.  Bruges,  IV,  p.  24. 
3  De  Mey,  Ports  en  plage  de  sable,  p.  1,7». 

*  Baron  de  Serrot,  Mémoire  sur  les  empiétements  do  la  mer  tels  qu'ils  oiu  lieu  sur 
un  point  particulier  des  côtes  de  la  Flandre  Occidentale.  (Bruges,  Bogaert,  1817,  br., 
n-8u,  43  p.). 

Cf.  p.  18(3,  note  7  ;  p.  187,  note  t>. 


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LE  RECl'L  OK  LA  TEK  RE  A  L'EST 


211 


L'aspect  des  deux  parties  do  la  côle  se  ressent  de  cette  situation.  À 
l'Ouest  de  Dunkerque,  le  rivage  est  imprécis  et  fuyant  ;  les  digues  basses 
que  l'homme  plante  pour  abriter  ses  faciles  conquêtes  et  fixer  aux  eaux 
leur  limite  sont  bientôt  dans  l'intérieur  des  terres,  masquées  par  les  petites 
dunes  que  la  mer  et  le  vent  accumulent.  Où  chercher  la  vraie  côte, 
sur  cet  estran  si  large,  que  l'eau  s'aperçoit  à  peine  au  bout  de  la  frange  de 
sable  jaune,  et  si  plat  que  la  vive  eau  s'avance  un  bon  kilomètre  plus  loin 
que  la  morte  eau  ?  Au  lieu  d'accumuler  des  défenses  contre  une  mer  si 
peu  agressive  et  dont  les  caprices  sont  rares,  il  faut  aller  à  sa  rencontre  ; 
et  l'on  voit  les  porLs  allonger  désespérément  leurs  hautes  jetées  de  bois  à 
travers  l'estran,  vers  les  fosses  profondes,  vers  une  eau  qui  ne  recule 
plus  :  800  mètres  a  Dunkerque,  1.500  métrés  à  Gravelines.  Peine  perdue  : 
l'estran  s'allonge  à  mesure  ;  à  Dunkerque,  il  s'étend  encore  à  500  mètres 
plus  loin  que  le  musoir  de  la  jetée  Ouest.  A  chaque  tentative  pour 
s'approcher  d'elle,  la  mer  fuit;  le  prolongement  sur  300  mètres  des  jetées 
de  Dunkerque,  en  1830,  a  provoqué  presque  aussitôt  un  gain  égal  de 
l'estran  vers  le  large  ;  et  la  môme  opération  faite  à  Calais  (sur  250  mètres) 
a  également  reporté  la  laisse  de  basse  mer  de  la  même  largeur  vers  le 
Nord.  Kn  revanche,  que  l'on  enlève,  comme  à  Gravelines,  une  petite 
portion  de  jetée,  et  la  laisse  de  basse  mer  se  rapproche  d'autant  vers  la 
côte  Rien  de  pareil  à  l'Est  de  Nieuport  ;  le  prolongement  des  jetées 
d'Ostende,  entre  1837  et  1843,  n'a  donné  lieu  à  aucun  mouvement  de 
l'estran,  et  la  ligne  de  basse  mer  se  tient  aujourd'hui  à  plus  de  75  mètres 
en  arrière  des  musoirs  s.  C'est  que  là,  la  mer  no  recule  pas  :  ello 
attaque.  L'estran  est  rétréci  à  300  mètres,  200  mètres,  parfois  moins; 
à  l'Est  de  Kadzand  il  est  des  points  où  il  n'existe  plus,  et  où  la  mer  basse 
continue  à  battre  le  pied  des  digues.  La  côte  se  défend  ;  le  pied  des  dunes 
est  protégé  par  des  plantations  de  branchages  ;  des  épis  formés  de  gros 
blocs  assujettis  entre  des  pieux  projettent  dans  la  mer  leurs  têtes  verdies 
par  les  plantes  marines.  Entre  chacune  do  ces  petites  jetées,  la  mer 
dépose  des  sables  fins,  plus  abondants  vers  la  partie  Est  de  chaque  com- 
partiment (phot.  13).  Il  y  en  a  devant  Middelkerke,  devant  Ostende,ettout 
au  long  de  Wenduyne  à  Heyst  :  50  pour  moins  de  20  kilomètres.  Les 
Hollandais  en  ont  bardé  la  côte  de  Kadzand.  Pourtant  l'estran  ne 
«  s'engraisse»  pas;  c'est  tout  juste  si  on  maintient  on  bon  état  les  plages  de 
l'Est,  comme  Heyst.  Il  a  fallu  de  bonne  heure  construire  des  digues  aux 
endroits  où  les  dunes  étaient  trop  minces  pour  résister  longtemps.  Les 


1  Plocq,  Courants,  pp.  143-144. 
*  De  Mey,  Ports  en  plage,  p.  298 


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212 


LA  COTE.  -  LES  DUNES 


ingénieurs  du  moyen-âge  les  avaient  élevées  en  arrière  des  dunes,  pour 
donner  à  ces  collines  mouvantes  un  point  d'appui  solide  qui  leur  permît  de 
s'accumuler,  de  se  renforcer.  C'est  la  fameuse  digue  du  comte  Jean,  que 
nous  retrouvons  ainsi  par  tronçons  tout  le  long  de  la  roi»'  et  dans  l'intérieur, 
entre  Gravelines  et  le  Sas-de-Gand  1  ;  de  Wenduyne  à  Knocke  elle  aligne 
derrière  la  dune  son  faible  rempart,  souvent  forcé,  mais  qui  empêche 
l'anéantissement  de  la  barrière  dos  sables.  Aujourd'hui  c'est  au  bord  de 
l'estran  que  s'est  installée  la  défense;  on  établit  sur  les  dunes,  face  à  la 
mer,  des  digues  magnifiques,  à  la  fois  remparts  et  promenades,  véritable 
boulevard  de  la  Flandre  belge  vers  la  mer.  Déjà  il  étend  d'Ostende  à 
Westende,  tout  le  long  de  l'ancien  Streep,  ses  perrés  de  briques  fortifiés 
de  beaux  blocs  calcaires  de  Soignies,  et  ses  promenoirs  de  carreaux  céra- 
miques. L'œuvre  est  superbe,  et  l'on  se  propose  de  faire  plus  grand  encore  : 
relier  par  une  digue  unique  les  promenoirs  de  Knocke,  Hevst,  Blanken- 
berghe  et  Wenduyne,  pousser  la  digue  du  Streep  jusqu'à  Nieuport-Hains 
et  Dunkerque  et  joindre  les  deux  tronçons  entre  Wenduyne  et  Ostende. 
Ce  jour-là,  la  cote  belge  ne  sera  plus  qu'une  belle  muraille  de  pierres  et  de 
briques,  qui  défiera  la  mer  de  continuer  ses  progrès  :  il  suffira  d'entretenir 
les  épis  submersibles  et  les  berraes  en  fascinages  qui  défendent  le  pied  de 
la  digue  pour  que  la  côte  soit  désormais  fixée  2. 

Causes  des  mouvements  de  la  côte. 

D'où  vient  ce  double  mouvement  de  la  côte  ?  La  théorie  courante  a  été 
longtemps  et  est  peut-être  encore  que  la  côte  subit  une  double  oscillation 


1  La  situation  de  ces  tronçons  indique,  en  l'absence  de  chartes,  que  la  digue  n'a  pas 
été  construite,  comme  on  l'a  vu,  d'un  seul  coup,  et  tout  au  long  de  la  côte.  Celui  des 
Waterlanden  (St-Kruis  a  Sas-de-Gand)  est  postérieur  aux  inondations  de  1377  et 
1 504  ;  celui  de  Wenduyne-Knoeke  est  cite  pour  la  première  fois  en  1288  (Carton, 
Blankenberghe,  pp.  G.VG6).  Le  tronçon  Oost-Bunkerke  Nieuport  n'a  du  être  établi 
qu'après  1280  (cf.  p.  1(>S»).  Aucune  indication  n'a  été  donnée  jusqu'ici  sur  la  date  exacte  de 
la  construction  entre  Dunkerque  et  Gravelines.  11  n'y  en  a  jamais  eu  dans  les  parages  où  le 
rivage  était  protégé  par  une  forte  ligne  de  dunes:  La  l'aune,  Westende,  Breedene.  Il 
est  probable  que  ces  digues,  construites  a  des  époques  différentes,  auront  été  restaurées 
par  ordre  de  Jean  sans  Peur,  sous  l'empire  de  la  crainte  causée  par  les  inondations  de 
l'Est;  et  elles  auront  pris  le  nom  de  ce  princt»  aux  dépens  de  celui  qu'elles  portaient 
auparavant,  «  Zeedyek  »  par  exemple  à  Blankenberghe.  * 

*  Il  n'y  a  pa.>  à  craindre  que  des  accumulations  de  sable  viennent  se  produire  devant 
la  ligue,  comme  cela  arriverait  infailliblement  sur  la  cote  française;  on  a  vu  que  la 
cote  belge  n'avait  aucune  tendance  à  s'engraisser,  et  que  la  prolongation  vers  le  large 
des  jetées  d'Ostende  n'avait  produit  aucun  déplacement  de  la  laisse  des  basses  mers. 


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LES  C.USES  DES  MOUVEMENTS  DE  LA  COTE 


213 


autour  d'un  axe  qui  passerait  par  Nieuport  ;  tout  ce  qui  est  à  l'Ouest  s'élève, 
tandis  que  la  partie  orientale  s'affaisse.  Cette  explication  est  très  simple, 
mais  ne  tient  pas  compte  de  deux  anomalies:  il  y  a  tout  a  l'Ouest  un  frag- 
ment de  côte  qui  ne  s'élève  pas,  et  ou  en  trouve  un  autre  à  l'Est  qui  n'a  pas 
du  tout  l'apparence  de  s'affaisser.  Sans  s'étendre  sur  les  retours  offensifs 
dont  la  mer  est  encore  capable  entre  Dunkerque  et  Calais  et  qui  ne 
paraissent  pas  indiquer  un  soulèvement  du  sol  en  cet  endroit,  comment 
concilier  la  théorie  d'une  oscillation  positive  avec  la  présence  d'un  point 
aussi  faible  que  la  cote  de  Sangatte  ?  C'est  peut-être,  avec  certains  polders 
de  la  Flandre  zélaudaise.  l'endroit  le  plus  menacé  de  la  côte  llamande.  Là 
aussi  le  rivage  paraît  avoir  reculé,  puisqu'on  croit  que  les  puits  creusés 
dans  la  tourbe  qui  affleure  sur  la  plage  sont  ceux  d'une  ancienne  partie 
du  village  de  Sangatte  qui  existait  encore  au  XIIIe  siècle  *.  Ces  progrès  de 
la  mer  étaient  dangereux,  car  Sangatte  commandait  l'entrée  du  bas  pays 
d'Ardres  et  de  Guines,  cinq  lieues  de  terres  marécageuses  au  pied  de 
l'Artois,  a  peine  situées  au  niveau  moyen  de  la  mer.  Il  fallait  que  la  côte 
fût  fixé<«  à  cet  endroit  :  do  là  la  fameuse  digue  de  Sangalle,  qui  apparaît  à 
la  fin  du  XVr  siècle,  et  dont  l'entretien  dispendieux  rappelle  celui  de  la 
grande  digue  de  Westkapelle,  en  Walcberen. 

L'homme  et  la  mer  ont  mis  un  égal  acharnement  à  la  résistance  et  a 
l'attaque  :  la  lutte  dure  encore.  On  travaille  déjà  à  la  digue  en  1Ô89  ;  on  la 
répare  en  1501,  15D  i  ;i  ;  pourtant  en  101 4  la  mer  fait  brèche,  court  d'un 
trait  jusqu'à  Guines;  pendant  0  ans,  tous  les  marais  en  restent  impro- 
ductifs l.  On  crut  que  la  faute  en  était  à  cette  maudite  terre  grasse,  pas 
assez  résistante:  à  un  bastion  si  important,  qui  protège  «  plus  de  15  lieues 
de  pays  de  circonférence  »  B,  ce  n'est  pas  faire  trop  d'honneur  que  de 
mettre  bonnes  pierres  boulonnaises,  bous  grès  compacts  descendus  par 


1  Inondations  de  1508  et  1520  dans  les  pays  de  Mcrgues,  Hourbourg,  Gravelines  et 
Langle  (Aivh.  Pas-de-Calais,  C.  3<f»,  pièce  ♦  vï)  ;  rupture  de  la  digue  de  mer,  en  lt.512, 
entre  Mardick  et  Gra vélines  (Archives  de  liergues,  1)1»  7\ï)  ;  ruptures  de  .ligues  el 
inondations  m  ÎTIV»  et  1737,  entre  Dunkerque  et  Calais  (Fourerov  «le  Ranieeoiin. 
Observations  sur  les  marées  de  la  cote  de  Flandre,  Mémoires  de  Math,  et  Phys. 
présentés  à  l'Acad.  des  Sciences,  t.  VIII,  Paris,  17N0.  pp.  577-<>00  et  Arch.  Nat.  H1  «'47, 
pièce  HT»);  inondation  de  ISUS  (Arch.  Nat.  F11  572)  ;  rupture  de  la  digue  de  Fort- 
Mardick  en  1875,  prés  de  la  ferme  Standart. 

i  Rigaux  (H.),  Remarques  archéologiques  h  propos  d'une  communication  sur  Sangatte 
(Ann.  Soc.  GéoL  N\,  VII,  187'.i-80,  p.  121). 

1  Arch.  Pas-de-Calais,  C.  142. 

1  Homard,  Annales  de  Calais,  pp.  15- if». 

5  Mémoire  de  l'intendant  Chauvelin,  Arch.  Pas-de-Calais,  C.  14M,  pièce  1. 


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214 


LA  COTK.  -  LES  DUNES 


Guînes  ;  après  1624,  on  la  reconstruit  en  pierres  de  taille !.  Apparemment 
la  pierre  do  taille  ne  suffisait  pas,  puisquo  la  mer  y  fait  brèche  en  1011, 
en  1691 ,  en  1691.  On  s'ingénie  à  consolider;  l'adjudication  do  1691 
comporte  la  fourniture  de  grosse  charpenterie,  ferrures,  pierres  de 
Boulogne,  glaise,  fascinages,  tunages  et  nattages  V  I„a  mer  repond  par  la 
terrible  marée  du  31  décembre  1720:  quatre  brèches  à  la  digue;  déjà  le 
flot  a  renversé  une  partie  de  l'ouvrage  à  corne  du  Fort-Nieulay  : 
«  encore  une  marée  semblable,  et  le  plat  pays  était  mis  sous  l'eau 
jusqu'à  St-Omer  »  3.  Grande  alarme  dans  le  Calaisis  ;  la  corvée  est 
commandée  au  tocsin  dans  les  21  paroisses  ;  tous  les  hommes  valides 
accourent  en  désordre,  chacun  avec  un  louchet  ou  une  brouette  ;  on  répare 
les  brèches  avec  une  activité  désordonnée  *.  Il  faudra  recommencer  en 
1727,  en  1736,  en  1749  3.  On  perd  confiance  aux  pierres  détaille  ;  n'est-ce 
pas  là  un  obstacle  trop  rigide,  que  la  mer  démolit  à  coups  de  bélier  ? 
Puisqu'il  faut  tout  refaire  après  1749,  on  se  décide  pour  une  digue  en  bois, 
défense  plus  élastique.  Il  en  coûte  09.(100  livres,  et  dès  1751  les  ingénieurs 
déclarent  que  la  digue  de  charpente  donne  moins  de  sécurité  que  jamais  ; 
en  1760,  on  constate  qu'elle  ne  tient  plus  ;  le  2  janvier  1767,  tout  le  bas 
de  Sangatte  est  submergé  «.  Force  est  de  revenir  aux  vieux  errements  ; 
et  depuis  c'est  contre  une  digue  en  revêtement  de  pierres  que  la  mer 
brise  ses  fureurs.  Il  est  rare  qu'on  soit  dix  ans  tranquille;  il  faut 
réparer  des  brèches  en  1790,  1791  ;  en  1795,  la  mer  emporte  137  toises  ; 
en  1802  la  digue  est  presque  détruite  ;  les  marées  l'endommagent  en 
1808,  1812,  1813,  et  la  bouleversent  entièrement  dans  la  grande  inon- 
dation de  1825,  qui  fit  sentir  ses  effets  jusque  dans  l'Escaut.  Les  ingénieurs 
procèdent  alors  à  une  reconstruction  totale  :  c'est  la  digue  de  Péué- 
lope.  Fendant  30  ans  le  pays  fut  tranquille  :  mais  en  1860,  la  mer 
déchaussa  le  pied  sur  30  mètres  de  long;  elle  faillit  euvahir  le  pays  en 
1862  ;  la  dune  à  l'Est  de  la  digue  fut  réduite  à  12  mètres  do  large  ;  il  fallut 
prolonger  l'ouvrage  dans  celle  direction  ;  on  y  travailla  de  1865  à  1867. 
Le  coup  de  mer  de  1882  nécessita  de  nouveaux  efforts  7  et  un  dernier 


t  [Vétillart].  Conseil  général  du  Pas-de-Calais.  Digue  de  Sangatte.  Renseignements 
historiques.  Rapport  de  l'Ingénieur  en  chef  des  Porta  et  Phares  du  Pas-de-Calais 
(Arras,  Scoutheer-Dubois,  188(5,  br.  61  p.). 

*  Arch.  Pas-de-Calais,  C.  142,  pièce  9. 
a  Ibid.  pièce  21  ;  C.  143,  pièce  1. 
4  Ibid. 

8  Ibid.,  C.  142,  pièces  96  et  108;  Arch.  Nat.  H'  647,  pièces  46  et  85. 
«  Ibid.,  C.  143,  pièces  11,  104  ;  C.  144,  pièces  10,  16. 

7  A  partir  do  17W,  les  détails  sont  empruntés  au  rapport  Vétillart,  pp.  28-Ô8. 


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LES  CAUSES  DES  MOUVEMENTS  DE  LA  COTE 


215 


désastre  faillit  se  produire  le  7  janvier  1905  *.  Il  en  coûte  2.0()0  francs 
environ  par  an  au  Syndicat  des  Digues  et  Dunes  du  Pas-de-Calais,  chargé 
de  l'entretien  do  la  digue  ;  et  il  lui  faut  tous  les  20  ans  environ  sollicitor 
du  département  et  de  l'Etat  un  secours  de  45  à  50.000  francs  pour  les 
grosses  réparations.  Rien  que  les  dégâts  du  7  janvier  1905  auront 
nécessité  une  dépense  d'environ  60.000  francs  *.  Il  faudra  se  résoudre 
à  continuer  la  lutte,  et  à  accumuler  sur  ce  coin  de  la  côte,  devant  la  mer 
envahissante,  dos  obstacles  sans  cosse  renouvelés. 

L'histoire  do  la  digue  de  Sangatto  contredit  l'hypothèse  d'un  exhaus- 
sement do  la  côte  française;  il  ost  superflu  de  démontrer  longuement  que 
l'histoire  du  Zwin  indique  que  la  côte  belge  ne  s'affaisse  pas.  Si  elle 
s'enfonçait  lentement  sous  les  eaux,  comment  la  mer  se  serait-elle  retirée 
du  golfe  qu'elle  occupait  encore  en  1860  jusqu'à  Sluis  ?  comment 
achèverait-elle  à  l'heure  qu'il  est  do  faire  disparaître  la  dernière  anse 
respectée  par  réalignement  do  1873?  Si  la  côte  belge  n'est  pas  nourrie, 
ne  s'engraisse  pas  à  l'Est  de  Nieuport,  il  faut  en  chercher  les  raisons 
ailleurs.  C'est  d'abord  la  proximité  de  l'embouchure  de  l'Escaut;  la 
profonde  passe  de  Wieliugen,  où  l'on  soude  jusqu'à  2'i  mètres  en  face  de 
Groede,  se  raccorde  avec  la  côte  par  un  talus  sous  marin  qui  est  trop  raido 
pour  former  un  estran  un  peu  largo;  il  s'ensuit  que  les  apports  de  sable 
dans  la  belle  saison  y  sont  peu  considérables,  et  qu'ils  sont  vite  repris  par 
les  tempêtes.  D'autre  part  les  bancs  de  Flandre  cessent  d'étendre  à  l'Est 
d'Ostonde  leur  écran  protecteur  devant  la  côte;  aussi  les  grosses  vagues 
qui  viennent  librement  du  large  buter  contre  le  rivage  ont  beau  jeu  pour 
corroder  en  quelques  instants  les  sables  apportés  pendant  les  temps 
calmes  sur  l'estran.  Par  les  grandes  tempêtes  du  N.-W.,  les  lames 
viennent  attaquer  avec  violence  cette  côte  mal  abritée  ;  c'est  alors  que 
sont  minées  les  digues,  et.  dévorées  les  dunes  ;  en  novembre  1897  la 
digue  d'Albertus  à  l'Ouest  d'Ostende  a  été  entamée,  celle  de  Middelkerke 
très  menacée  ! 

Proximité  des  passes  de  l'Escaut,  et  jadis  des  passes  du  Zwin,  absence 
du  rideau  de  bancs,  sont  les  deux  grandes  causes  de  l'amaigrissement  do 


1  Journal  Officiel  du  17  février  l'.Kf».  Comptes  rendus  des  séances  de  la  Chambre  des 
députés,  Session  ordinaire  de  liior»,  pp.  .T.9-360. 

2  Renseignements  de  M.  l'ingénieur  dos  Ponts-et-Chaussées  à  Calais,  et  du  Président 
du  Syndicat  des  Digues  et  Dunes.  Les  comptes  du  XVIIIe  siècle  indiquent  des  dépenses 
équivalentes;  en  moyenne  l.(XK)  livres  par  an,  sans  compter  les  grosses  sommes 
dépensées  dans  les  grands  travaux,  1720,  (Arch.  Pas-de-Calais,  C.  Li5).  —  A 
consulter:  Blanchard  (K.),  La  digue  do  Sangatto,  Mém.  Soc.  Dunk.,  li.(0T>. 


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21  « 


LA  COTE.  -  LES  DUNES 


la  côte  belge.  Ainsi  s'explique  quo  les  effets  s'en  fassent  sentir  de  plus  en 
plus  fortement  vers  l'Est,  où  la  passe  de  Wiolingen  se  rapproche  de  la 
côte  à  la  toucher  ;  de  là  viennent  le  recul  de  Kadzand  et  la  disparition  de 
Wulpen.  Du  côté  français,  rien  de  tel  ;  les  cinq  rangées  de  bancs 
constituent  un  véritable  brise-lames,  qui  rompt  la  violence  des  grosses 
lames  de  tempête.  Débouchant  dans  les  parages  calmes  qu'abrite  cette 
précieuse  muraille,  les  eaux  intérieures  chargées  d'alluvions  qui  s'écoulent 
à  marée  basse  par  les  écluses  de  Nienport,  Dunkerque  et  Gravelines  sont 
entraînées  par  le  jusant  dans  la  direction  de  l'Ouest,  puis  portées  tout 
doucement  vers  la  plage  par  les  premiers  efforts  du  flot.  Les  matières 
en  suspension  viennent  ainsi  se  déposer  sur  l'estran,  à  l'Ouest  des 
ports  français,  surtout  dans  les  parties  abritées  par  les  jetées1,  sans 
que  les  grosses  lames  du  large,  arrêtées  par  les  bancs,  puissent  venir 
corroder  et  entraîner  au  loin  les  matériaux.  Finalement  c'est  donc 
à  la  présence  des  bancs  qu'il  faut  attribuer  surtout  les  différences  du 
régime  de  la  côte.  L'exception  de  Sangatte  vient  confirmer  la  règle  :  les 
bancs  ne  dépassent  guère  Calais  à  l'Ouest,  laissant  la  côte  deSangatte 
exposée  à  toutes  les  violences  des  vents  et  des  courants  du  détroit 

Cette  explication  est  plus  rassurante.  La  Flandre  belge  ne  sombre  pas 
dans  la  mer.  Elle  a  perdu  en  8  siècles,  dans  la  partie  la  plus  exposée, 
quelques  kilomètres  (?)  (Wulpen);  mais  on  peut  espérer  que  de  ce  côté-là, 
la  mer  a  fini  ses  conquêtes.  Il  est  peu  probable  que  la  côte  flamande  continue 
son  mouvement  de  recul  à  l'Est,  de  progrès  à  l'Ouest.  Au  delà  de 
Nieuport,  l'établissement  des  épis  empêchera  l'amaigrissement  de  la  plage, 
et  la  jonction  des  grandes  digues  de  mer  fixera  définitivement  le  rivage. 
Vers  Dunkerque  et  Calais,  en  s'abstenant  de  nouveaux  endiguements  et  en 
n'allongeant  plus  les  jetées,  on  verra  la  côte  garder  son  état  actuel  ;  déjà 
la  comparaison  avec  les  cartes  de  1801  montre  que  l'estran  n'a  varié  que 
sous  l'influence  des  travaux  d'art,  el  aux  endroits  où  ils  ont  été  exécutés. 
Pour  ne  pas  obstruer  les  rades,  et  ne  pas  éloigner  oneore  la  mer  de 
l'entrée  des  ports,  on  paraît  décidé  de  ce  côté  à  ne  plus  faire  de  conquêtes 
sur  les  flots.  Ainsi  la  côte  flamande  semble  avoir  atteint  aujourd'hui  un 


«  De  là  vient  qu'un  allongement  des  jetées,  constituant  un  nouvel  abri,  augmente 
régulièrement  la  largeur  des  ostrans. 

*  Les  bancs  du  Riden  de  Calais  ne  protègent  pas  la  digue  :  on  sonde  devant 
Sangatte  il  mètres,  puis  23  mètres,  à  une  distance  de  (i  kilomètres  de  la  côte.  Le  recul 
continu  de  la  falaise  du  Blanc-Nez  augmente  encore  le  péril,  en  laissant  les  courants 
du  détroit  se  rapprocher  de  plus  en  plus  de  la  côte. 


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LA  LARGEUR  DES  DUNES 


état  d'équilibre  ;  elle  restera  à  pou  près  semblable  a  elle-même  si  l'hommo 
sait  se  défendre  a  l'Est,  et  cesse  d  attaquer  à  l'Ouest.  La  destinée  du 
rivage  est  entre  les  mains  de  ses  habitants. 

II. 

LES  DUNES  :  CARACTÈRES  PHYSIQUES. 

Derrière  la  cote  s'étend  le  mur  gris  des  dunes,  do  hauteur  variable  :  6  à 
8  métrés  vers  Calais,  moins  encore  jusqu'à  Dunkerque  ;  atteignant 
39  mètres  entre  Zuydcoote  et  Oosl-Dunkerke,  27  mètres  à  l'Est  d'Ostende, 
23  mètres  à  Knocke.  On  a  vu  combien  l'existence  de  cette  ligne  de  dunes 
est  ancienne  ;  leur  présence  au  Xe  siècle  est  attestée  par  des  documents 
écrits,  et  il  est  probable  qu'il  en  a  toujours  existé  sur  ce  rivage  bas, 
môme  pendant  que  la  mer  avait  envahi  la  plaine  de  la  tourbe.  Les 
conditions  n'étaient-elles  pas  les  mêmes?  une  plage  peu  inclinée  faisant 
suite  à  un  sol  très  bus,  une  mer  fortement  chargée  de  dépôts  où  la  violence 
des  courants  amenait  plus  d'alluvions  encore  qu'a  présent,  un  régime  do 
vents  dominants  semblable  au  nôtre,  et  qui  couchait  les  arbres  de  la 
plaine  tourbeuse  dans  le  môme  sens  où  les  inclinent  aujourd'hui  les  venLs 
d'Ouest. 

Largeur  des  dunes. 

Ixîs  dunes  se  forment  de  l'accumulation  des  grains  de  sable  déposés  sur 
l'estran  par  la  mer.  Il  existe  donc  forcément  une  relation  entre  la  nature 
de  l'estran  et  celle  des  dunes.  On  a  vu  que  l'estran  de  la  côte  flamande 
présentait  des  différences  considérables.  Entre  Calais  et  Gravelines,  sa 
largeur  varie  entre  1.000  et  1. SI K) mètres,  et  comprend  trois  tranches  :  une 
zone  inférieure,  large  de  350  à  500  mètres,  couverte  en  tous  temps  par 
la  haute  mer  de  morte  eau  ;  une  2"  zone  qui  atteint  800  et  1.0()0  mètres 
aux  abords  des  ports,  sur  laquelle  ne  s'étendent  que  les  hautes  mers  de 
vive  eau  ;  une  dernière  de  largeur  très  variable  (quelques  centaines  de 
mètres),  mouillée  seulement  par  les  hautes  mers  extraordinaires,  et  sur 
laquelle  la  végétation  est  déjà  établie.  Après  Dunkerque,  l'estran  se 
rétrécit  à  500,  puis  à  350  mètres,  et  les  hautes  mers  de  vive  eau  ordinaires 
s'approchent  à  une  trentaine  de  mètres  du  pied  dos  dunes;  déjà  la  plage 
est  sillonnée  jusqu'à  cette  distance  do  petites  dépressions  parallèles  à  la 
côte,  et  creusées  par  les  courants,  qui  sont  caractéristiques  oies  stations 


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218 


LA  COTE  -  LES  DI  NES 


balnéaires  flamandes.  Après  Wenduvne,  l'eslran  se  rétrécit  à  230  mètres 
en  moyenne,  sauf  à  l'ancienne  embouchure  duZwin  ;  la  haulemer  de  vivo 
eau  vient  battre  le  pied  des  dunes  ;  avec  elle  se  rapprochent  les  dépressions 
de  la  plage.  Enfin  l'estrau  disparaît  presque  après  Kadzand,  au  droit  du 
Zwarte  Polder,  aujourd'hui  inondé;  et  la  dune  disparait  avec  lui.  On 
s'attendrait  à  voir  la  largeur  des  dunes  en  rapport  avec  celle  de  l'estran 
et  à  trouver  la  plus  forte  épaisseur  de  monticules  aux  endroits  où  le  vent 
trouve  à  sa  disposition  de  vastes  champs  d'un  sable  qui  reste  sec  pendant 
des  périodes  très  étendues.  Or  la  largeur  des  dunes  flamandes  ne  varie 
pas  en  fonction  de  l'étendue  de  l'eslran.  Par  trois  fois  leur  ligne  s'étend 
et  se  rétrécit.  Après  la  muraille  haute  et  étroite,  vrai  rempart  de  12  à 
15  mètres  qui  protège  Kadzand  contre  la  mer,  les  dunes  s'épanouissent  à 
Knocke;  derrière  le  phare,  elles  couvrent  1.500  mètres  jusqu'au  village. 
Puis  elles  s'amincissent  a  Heyst,  se  réduisent  à  une  cinquantaine  de  mètres 
avant  Blankenberghe,  à  la  largeur  d'une  forte  digue  jusqu'à  Wenduyne. 
I^i  elles  s'élargissent  brusquement,  et  atteignent  900  mètres  avant  Ostende. 
Rasées  entre  cette  ville  et  Mariakerke,  elles  retrouvent  120  a  150  mètres 
vers  Middelkcrke,  1.000  mètres  après  Westende,  enfin  jusqu'il  2.300  mètres 
avant  la  frontière  française,  vers  Oost-Dunkerke.  Elles  diminuent  ensuite 
vers  Dunkerquo  jusqu'à  1  kilomètre,  et  se  partagent  à  l'Ouest  de  cette 
ville  en  plusieurs  tronçons,  nouveaux  et  anciens,  dont  la  largeur  totale 
reste  assez  faible,  et  n'atteint  jamais  les  1.000  mètres. 

(les  bizarreries  montrent  que  le  rôle  de  l'eslran  dans  la  formation  des 
dunes  peut  être  contrarié  par  d'autres  phénomènes.  Si  les  dunes  ne  sont  pas 
plus  larges  tout  le  long  de  la  plage  démesurée  Calais-Dunkerque,  c'est  que 
les  dépôts  fins,  assez  argileux,  que  cette  partie  de  l'estran  doit  à  l'apport 
des  eaux  intérieures,  sont  relativement  compacts  et  moins  facilement 
entraînés  par  le  vent  que  les  sables  purs.  A  Knocke,  l'épanouissement  de 
la  dune  a  une  cause  historique  ;  il  y  a  là  en  réalité  deux  lignes  do  dunes, 
très  nettement  séparées  par  la  dépression  appelée  Zoute-Panne  ;  celle 
du  Sud,  la  plus  ancienne,  s'est  formée  le  long  de  l'estuaire  de  l'ancien 
Zwin,  dans  le  prolongement  du  vieux  polder  du  Hazegras  ;  c'est  celle 
dont  parle  le  texte  de  1408  qui  indique  les  progrès  des  sables  à  Knocke 
(lolle  qui  s'étend  au  Nord  du  Zoute  est  récente;  elle  ne  s'est  formée 
qu'au  XIXe  siècle,  après  l'endiguement  du  Hazegras-Polder  (1789);  et 
précisément  cette  seconde  ligne,  formée  derrière  une  plage  étroite,  est 
beaucoup  moins  largo  que  l'ancienne,  établie  aux  dépens  des  vastes  laissas 


1  Cf.  p.igc  ZZt. 


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»'«»j^im'  nu  *N  «  »  i  *  ï  iln  /«»ni«»  »«st  rA)%i«iitc;  «'II*'      v*«^t  1  -m  • 
«•«"t'i*,  ,'ijnvs  r<*:iiiijfiuniiiMil  ilu  Ii;:/**j:ra^-l,<M«I«-r  (1TS  |  ; 
!!••  Sim-u;],1.'  Muni».  foflIllV  il'Tii.Ti*  MJtO  l'iaiv  ôtr« "I  . 
for^i»        rrlU''H-jin»:,  ■'•l,t!»lir  a»:\  ilrjuMi^'lrs  ViiMd^  l.i'- 


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i  3.  —  Protection  de  la  cote  par  des  épi»  (Grocdc). 


'  -  .,,1 

14.  —  Mur  eâtier  des  Dune»  (Kadtand). 
Canelure»  produite»  par  le  vent  sur  le  flanc  des  Dunet. 


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LES  FORMES  DES  DI  NES 


210 


do  l'estuairo.  Enfin  pour  los  zones  si  étendues  d'Ostendo-Wenduyno  et  dtî 
Dunkerque-Nieuport,  il  existe  une  coïncidence  qui  pourrait  bien  indiquer 
la  solution  :  eos  parties  élargies  des  dunes  se  trouvent  juste  a  l'endroit  où 
deux  bancs,  lo  Traepegeer  et  le  Stroom,  viennent  se  joindre  à  la  côte.  Or 
la  présence  d'un  banc  contigu  à  la  plage  amené  a  coup  sûr  une  augmen- 
tation de  dépôts  sableux  sur  l'estran  ;  car  le  flot  arrache  au  banc  et 
transporto  à  la  eôle  de  grandes  quantités  de  sable  que  le  jusant,  contrarié 
par  la  proximité  du  banc,  et  sans  force  au  début  de  son  mouvement,  c'est- 
à-dire  lorsqu'il  porte  vers  la  pleine  mer,  est  impuissant  à  ramener  en 
totalité.  Avec  l'excès  de  ces  dépôts  sableux,  le  vent  a  poussé  vers  la 
terre  les  masses  de  sable  qui  forment  aujourd'hui  les  épaisses  bandes  de 
dunes  de  Nieuport  et  de  Iîreedene  '.  (l'est  la  une  nouvelle  preuve  de 
l'importance  des  bancs  pour  tout  ce  qui  concerne  la  côte  flamande.  Déjà 
c'est  en  s'appuyant  sur  d'anciens  bancs  que  semble  s'être  formé  le  rivage 
actuel,  et  c'est  la  présence  des  bancs  qui  en  détermine  le  progrès  ou  le 
recul.  On  verra  que  le  rôle  qu'ils  jouent  dans  la  formation  des  dunes  n'est 
rien  encore  à  côté  de  l'influence  qu'ils  exercent  sur  rétablissement  et  la 
prospérité  des  ports. 

- 

Formes  des  dunes. 

Même  daus  les  parties  larges,  ces  dunes  flamandes  présentent  rarement 
la  forme  classique,  faible  penle  du  côté  d'où  vient  le  vent  dominant,  flanc 
raide  du  côté  opposé.  Elles  commencent  toujours  du  côté  de  l'estran  par 
un  vrai  mur  côtier,  continu  sauf  d'étroites  brèches,  qu'on  retrouve 
jusqu'en  Hollande  (le  strandreep)  ;  la  pente  vers  la  mer  est  parfois  de 
•15  degrés,  vers  l'intérieur  d'une  trentaine.  Derrière  cette  bordure  peu 
épaisse  (50  à  100  mètres)  s'étendent,  dans  un  désordre  extraordinaire, 
monticules  et  dépressions,  jusqu'à  une  nouvelle  ligne  à  peu  près  régu- 
lière qui  limite  la  rangée  vers  la  plaine  maritime,  et  où  le  flanc  raide, 
cette  fois,  se  trouve  être  celui  du  Sud.  C'est  donc,  entre  ces  deux 
murailles  extérieures,  une  étendue  d'un  à  deux  kilomètres  de  sables.  I 
sont  mélangées  toutes  les  formes,  toutes  les  orientations.  On  finit  pourtant 
par  s'apercevoir  que  ces  dunes  intérieures  semblent  s'aligner  grossiè- 
rement en  chaînes  obliques  au  rivage,  orientées  du  S.-W.  au  N.-E.  ;  ces 
chaînes,  tronçonnées,  rompues  par  des  cols,  sont  loin  d'ailleurs  d'être  en 


•  Cette  théorie  est  également  celle  «le  M.  C.-J.  Van  Mierlo,  dans  le  texte  annexe  à 
sa  Carte  lithologique  de  la  partie  méridionale  de  la  Mer  du  Nord  (Bull.  Soc.  belge 
Géol.  XIII,  IW.h  Mém.  pp.  210-21)5). 


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220  LA  COTE.  -  LES  Dl'NES 

ligne  droite,  et  présentent  des  convexités  tantôt  vers  l'Ouest,  le  plus 
souvent  vers  l'Est  ».  D'un  côte"  elles  vont  se  rattacher  au  mur  côtier,  do 
l'autre  elles  viennent  former  la  bordure  intérieure;  et  l'on  peut  voir 
ainsi,  entre  Bray-Dunes  et  Adinkerke,  deux  alignements  qui  sont  arrivés 

en  contact  avec  la  plaine, 
et  s'y  sont  tixés.  Celte 
direction  est  à  peu  près 
conforme  a  ce  que  nous 
pouvons  attendre  de  l'ac- 
tion des  vontsdominanLs. 
A  Dunkerque  comme  sur 
toute  la  côte,  c'est  du 
Sud  -  Ouest  ,  puis  de 
l'Ouest  que  le  vent  souffle 
,.  ...  ,  .  le  plus  souvent  ;  le  Nord- 

r  if».  u.  —  Allure  théorique  des  chitines  de  dunes.  ^ 

Ouest  ne  vient   qu  en 

troisième  ou  quatrième  ligue,  après  le  Nord-Kst.  Mais  les  vents  du  Nord- 
Ouest  sont  parmi  les  plus  violents  et  les  plus  mauvais;  leur  vitesse  horaire 
moyenne,  calculée  pour  les  8  années  1878-1885,  est  de  25  km.  tîi,  contre 
20  km.  il  pour  les  vents  Sud-Ouest  ;  seuls  les  vents  d'Ouest  ont  une 
vitesse  supérieure  J.  C'est  l'action  de  ces  deux  vents  combinés  qui  oriente, 
face  à  l'E.-S.-E.,  les  rangées  irrégulièros  de  dunes. 

Non  moins  irrégulières  sont  les  formes  de  ces  dunes.  Tantôt  ce  sont  bien, 
en  effet,  de  longs  alignements,  de  vraies  crêtes,  parfois  surmontées  de 
monticules  bizarres,  en  dents  de  scie,  qui  sont  de  petits  amas  de  sable 
fixés  par  la  végétation.  Ailleurs,  les  chaînons  sont  tronçonnés  par  des 
cols  profonds,  orientés  W.-K.  ou  N.-W. — S.-E.  D'autres  dunes  sont 
isolées,  parfois  bizarrement  plantées  au  milieu  d'une  dépression.  \a\ 
plupart  des  dunes  isolées  sont,  chose  étrange,  en  pente  douce  vers  l'Est, 
et  présentent  vers  l'Ouest  un  flanc  raide,  dénudé,  que  le  vent  creuse  en 
son  milieu  jusqu'à  lui  donner  une  forme  concave.  Toutes  ces  bizarreries 
indiquent  bien  qu'il  intervient  dans  la  formation  des  dunes  flamandes 
d'autres  éléments  que  l'action  des  vents  dominants  Ouest  et  Nord-Ouest. 
\â\  principale  cause  d'irrégularités  est  sans  doute  l'extrême  variabilité  des 
vents.  Ceux  du  Nord-Est  soufflent  même  plus  souvent  que  ceux  du  Nord- 


•  Même  observation  dans  le  travail  de  MM.  Kelépino  et  Labeau,  Le  littoral  français 
do  la  nier  du  Nord  (Feuille  des  Jeunes  naturalistes,  IV*  série,  34e  année,  1004,  pp. 
161-100  et  18SM07). 

*  Chi lires  empruntés  à  Eyriaud  des  Yergnes,  Ports  en  plage  de  sable,  pp.  288-281». 


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»i\«',,>  !■  ■    Sa  vi'.     i.-.*..  \!i"i  .     <  i|ia:iHrus  son!  lr  iîhiiiiîjô»  tu  r  •  ■  » 

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;*.<  !<  -,  ;  l*'Zii"n»»i»»*:  •  ;•   s  an  mil  Vu  d*Mlhs  •ir,j'ti  ->:<  !i,  f.a 

•  '.!:-."S  isoii'-'s  «•■••.*,  i  i''        '"'TulîUi'.    'Il  J»«'UI<m1i  lUff»  \rf>   l'I  !, 

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Î0iMi>S"4>(l  irn'^  i!  i<i!i'-.;  «•■>!  >as:?  d.iulw  IV^ti^linMariubtUt'i' 

N»n!-Ksl  s.millriil  juiune  j>his  somvoi»!  t[Ht*  o'ux  'lu  .s<>'*-i- 

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MOrVRMKNTS  HT  FIXATION  DES  DUNES 


221 


Ouest,  et  leur  vitesse  horaire  moyenne  est  presque  aussi  considérable. 
On  n'a  pas  là  un  régime  uniforme  comme  celui  qui  édifie  les  dunes  régu- 
lières de  Gascogne.  L'humidité  extrême  du  climat  doit  également  inter- 
venir ;  elle  rend  le  sable  plus  cohérent  et  permet  aux  vents  d'y  découper 
ces  formes  bizarres,  en  contradiction  avec  les  conditions  générales  de 
formation  des  dunes.  Les  vents  sculptent  la  dune,  et  les  érosions  qu'ils  y 
pratiquent,  particulièrement  du  côté  exposé  à  l'Ouest,  contrebalancent 
les  effets  de  l'accumulation,  suppriment  les  pentes  douces  qu'on  devrait 
trouver  île  ce  côté.  Rien  n'est  plus  commun  que  de  voir  les  flancs  des 
dunes  tout  striés  de  cannelures  qu'on  prendrait  aisément  pour  des  plans  de 
stratification,  et  qui  témoignent  de  l'action  érosivedu  vent  phot.  14).  Enfin 
la  végétation  contribue  à  différencier  les  formes,  en  maintenant  en  saillie 
les  parties  qu'elle  a  fixées  :  de  là  les  dents  de  scie  dont  se  hérissent  les 
dunes  chauves. 

Cette  variété  de  formes  n'empêche  pas  le  paysage  des  dunes  d'être 
uniformément  triste  et  désolé.  Ce  chaos  de  pentes  douces  et  de  flancs 
raides,  cet  enchevêtrement  de  crêtes  pelées  et  de  cratères  à  demi  effondrés 
sont  mélancoliques  sous  le  ciel  gris.  On  songe  à  un  paysage  lunaire.  Les 
dépressions  sont  à  peine  plus  attrayantes.  La  végétation  épineuse  qui  s'y 
développe  au  printemps  donne  à  leur  sol  une  teinte  noire  ;  on  croirait  un 
champ  d'herbes  brûlées.  Parfois  on  trouve  dans  les  parties  profondes  des 
plus  grandes  Pannes,  (c'est  le  nom  que  l'on  donne  à  ces  dépressions), 
quelques  saules,  l'argousier,  le  sureau,  l  ue  petite  mare  d'eau  douce 
occupe  souvent  le  fond  ;  un  tapis  de  mousse  s'établit  sur  les  premières 
pentes  qui  entourent  la  panne.  Cette  végétation  pauvre  repose  un  peu  des 
tristesses  du  paysage  ;  mais  la  vue  ost  bornée  :  bientôt  la  panne  s'eflace 
derrière  une  colline  qui  l'envahit,  et  va  serpenter  plus  loin  à  travers  les 
rangées  incertaines  et  menaçantes  de  dunes  grises. 

Mouvements  et  fixation  des  dunes. 

Les  dunes  flamandes  se  déplacent  en  effet  ;  leurs  mouvements,  moins 
réguliers  et  moins  vastes  que  ceux  des  dunes  gasconnes  et  hollandaises, 
n'en  sont  pas  moins  constatés.  La  faible  largeur  de  ces  dunes,  la  variabi- 
lité du  vont,  l'orientation  de  la  côte,  qui  fait  que  les  vents  dominants  ne 
prennent  les  dunes  qu'en  biais,  ompêchent  la  marche  des  sables  d'être 
continue  et  vraiment  menaçante.  Cependant  les  exemples  de  déplace- 
ment de  dunes  abondent.  En  1159,  les  «  sables  vidants  »  ont  recouvert  un 
territoire  voisin  de  Oavelines,  donné  au  début  du  siècle  par  le  comte 


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222 


LA  COTK.  -  LES  Dt'NKS 


Robert  à  l'abbaye  de  St-Bertin  *.  L'abbaye  des  Dunes,  qui  est  allée  s'éta- 
blir au  milieu  de  ces  collines  changeantes,  est  sans  cesse  en  lutte  avec  le 
«  sablon  »  qui  menace  de  l'ensevelir  s.  Le  Transport  de  1408  fait  rayer  de 
la  liste  des  terres  imposables  80  mesures  à  l'Ouest  de  Wenduyne,  recou- 
vertes par  le  sable  ;  1.500  mesures  à  Tolmzant,  avec  de  beaux  hameaux 
qui  sont  disparus,  sur  les  territoires  de  Vlisseghem  et  Clemskerke  ;  enfin 
000  mesures  à  l'Est  d'Ostende.  Blankonberghe  sollicite  une  réduction 
parce  qu'elle  est  réduite  a  rien  par  le  sable  des  dunes  ;  enfin  du  Furnam- 
bacht  on  signale  plusieurs  terres  perdues  En  1415,  le  métier  de 
Breedene  a  tant  souffert  «  par  le  vol  des  sables  »  que  plusieurs  habitants 
ont  quitté  le  pays  l.  En  1623  on  répare  les  dunes  d'Ostende  qui  submer- 
geaient rapidement  les  terres  fortes  situées  derrière  5.  La  destruction  par 
les  sables  du  village  de  Zuydcoote,  la  nuit  du  31  décembre  1777,  est  restée 
célèbre  dans  la  contrée  ;  en  réalité  il  n'y  eut  probablement  de  recouvertes 
que  l'église  et  quelques  maisons  :  Zuydcoote  qui  avait  160  habitants  en 
1716,  en  comptait  185  en  1804,  après  la  catastrophe.  Le  récit  de  la 
tempête,  écrit  au  milieu  du  XIXe  siècle  en  s'iuspirant  des  souvenirs  de 
vieillards,  témoins  oculaires,  montre  bien  ce  que  fut. ce  coup  de  vent  du 
Nord-Ouest  qui  fit  descendre  les  dunes  sur  quelques  chaumières  6.  Les 
progrès  des  dunes  ont  continué  au  XIXe  siècle  autour  do  Dunkerque,  «  cou- 
vrant des  terres  déjà  fertilisées,  encombrant  des  habitations,  des  hameaux 
entiers»7.  Plus  récemment  la  grande  tempête  des  10-11  septembre  1903, 
qui  a  déraciné  tant  d'arbres  en  Flandre,  a  comblé  des  pannes,  enterrant 
argousierset  saules;  et  on  a  pu  observer  une  panne  mesurant  80 à  100  mètres 


i  Haigneré,  St-Hertin,  I,  p.  103,  n»  230. 

î  Charte  do  la  comtesse  Marguerite,  1250,  dans  Van  de  Putte,  Dunes,  p.  202. 
:'  Priem,  Précis  analytique,  2e  série,  VI,  pp.  157-172. 

*  Comptes  du  Franc,  141.r>-10,  dans  Delepicrro,  Précis  analytique,  2"  série,  I.  p.  193. 
5  Gilliodts,  Coutumes  du  Franc  do  Hruges,  III,  pp.  230  sqq. 

«  De  Bertrand  (R.),  Notice  historique  sur  Zuydcoote.  (Mém.  Soc.  Dunk.,  18TV3-54, 
pp.  21.V3-52).  En  ouvrant,  pendant  l'année  1004,  une  chaussée  à  travers  les  dunes,  de 
Zuydcoote  ;i  la  mer,  on  a  mis  au  jour  des  fondaiions'd'iine  maison  en  briques  blanches, 
et  retrouvé  deux  couches  végétales  superposées,  noirâtres,  cohérentes,  parfois 
plastiques,  toutes  deux  criblées  «le  débris  de  briques,  poteries,  charbons  de  bois.  Les 
poteries  de  la  couche  inférieure  ont  été  attribuées  par  M.  Kigaux  au  XVe  siècle.  Donc 
cet  emplacement,  occupé  pur  l'homme  avant  le  XVe  siècle,  aurait  été  recouvert  de 
quelques  mètres  de  sables,  à  la  surface  desquels  se  seraient  établies  de  nouvelles 
cultures  ;  et  ce  nouveau  sol  serait  celui  que  vint  recouvrir  la  tempête  de  1777.  Zuydcoote 
aurait  donc  été  submergé  par  les  sables  à  deux  reprises. 

t  Arch.  Nord,  C.  Fl.  Mar.,  38"*  (pièces  de  182-5). 


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MOrYKMKNTS  KT  FIXATION  DES  DUNES 


223 


do  large  on  190f),  réduit©  on  1904  à  40-50  mètres,  parfois  à  20  mètres  '.  Il 
n'est  pas  rare,  on  parcourant  les  grandes  dunes,  de  voir  des  arbrisseaux 
d'une  panne  émerger  de  la  couche  de  sable  pur  qui  vient  de  s'amonceler 
dans  la  dépression.  Sur  la  voie  ferrée  do  Fumes  à  Dunkerque,  les  maison- 
nettes de  garde-barrière  sout  à  demi  entourées,  et  s'abritent  derrière  des 
palissades  que  l'on  est  obligé  de  surélever  sans  cesse.  Evidemment  ce 
n'est  qu'A  force  de  soins  et  d'attention  laborieuse  que  les  dunes  sont 
retenues  au  Nord  de  la  ligne  de  cultures  et  d'habitations  qui  les  borde  le 
long  de  la  plaine  maritime. 

De  bonne  heure  on  a  sougé  a  utiliser  la  végétation  spéciale  des 
dunes  pour  lixer  ce  sol  mouvant  *.  Outre  les  quelques  arbres  et  arbris- 
seaux qui  croissent  dans  les  pannes,  les  dunes  possèdent  des  plantes  carac- 
téristiques, des  graminées  pourvues  de  longues  racines  rampantes  qui 
consolident  le  sable,  comme  l'oyat,  la  plus  utile  et  la  plus  répandue.  Avec 
ses  tiges  vert  sombre,  tout  en  pointe  et  en  piquant,  l'oyat  n'est  agréable 
ni  à  voir  ni  à  toucher;  mais  il  retient  si  bien  les  sables  les  plus  arides  que 
non  seulement  on  le  tolère,  mais  qu'on  le  propage  par  des  plantations  en 
alignement.  L'usage  en  est  ancien,  et  les  moines  des  Dunes  savaient  déjà 
se  défendre  contre  la  montée  du  sablon  en  utilisant  ces  rudes  végétaux  3  ; 
des  règlements  défendaient,  dans  les  paroisses  de  dunes,  Adinkerke, 
Coxyde,  Oost-Dunkcrke,  d'arracher  les  oyats  et  épines,  sous  peine 
d'amende*.  Les  ordonnances  du  Franc  de  Bruges  aux  XVIIe  et  XVIIIe 
siècles  insistent  à  maintes  reprises  sur  la  nécessité  de  consolider  la  dune 
en  y  plantant  ou  replantant  de  l'oyat 5.  En  même  temps  on  s'attaque  à 
l'agent  le  plus  actif  de  la  destruction  de  la  dune,  le  lapin,  qui  pullule  dans 
ces  sables,  et  qui  en  creusant  des  terriers,  en  détruisant  la  végétation, 
rend  au  sable  une  mobilité  qui  donne  prise  au  vent.  Leurs  dégâts  sont  si 
grands  qu'à  plusieurs  reprises  les  comtes,  à  qui  appartenaient  les  duues 
et  qui  s'y  réservaient  jalousement  le  droit  de  chasse,  permirent  temporai- 
rement aux  riverains  de  détruire  ces  malfaisants  animaux.  Il  est  vrai  que 


'  Delépine  et  Labeau,  l.e  littoral  français,  p.  W0. 

*  Sur  la  flore  des  dunes  de  Flandre  :  Masclef.  Etude  sur  la  géographie  botanique  du 
Nord  de  la  France  (Journal  de  Botanique,  II,  LSS*,  pp.  231-2.37)  ;  —  Dumortior,  Bouquet 
du  littoral  belge  (Bull.  Soc.  roy.  de  Botanique  de  Belgique,  l>S07t);  —  Labeau  (A.),  Note 
sur  la  flore  maritime  du  littoral  français  de  la  mer  du  Nord  (Feuille  des  Jeunes  Natu- 
ralistes, IV'  série,  3>  année,  l!KiTi.  pp.  141-150). 

:1  Van  de  Butte,  Dunes,  p.  202. 

*  Gilliodts,  Coutumes  de  Fûmes,  II,  p.  273. 

5  Gilliodts,  Coutumes  du  Franc  do  Bruges,  III,  pp.  230-241. 


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224 


LA  COTE.  -  LES  DUNES 


les  dommages  étaient  grands,  et  le  danger  parfois  sérieux  :  les  conins, 
comme  on  les  appelle,  détruisent  les  dunes  de  Blankenbergho  à  Heyst  à 
tel  point  que  la  mer  pénètre  au  travers  (14(K3)  1  ;  en  1034  ils  ont  fait  tant 
de  dégâts  aux  dunes  do  la  Waleringue  d'Kyensluis  qu'ils  ont  ruiné  jusqu'à 
sou  écluse  2.  L'abbaye  des  Dunes  est  menacée  de  ruine  par  les  conins  qui 
creusent  par  dessous  ses  murs  et  sont  prés  de  la  faire  choir  (1411)  3.  En 
1877  l'oau  de  mer  a  pénétre  pendant  une  dizaine  d'heures  dans  un  polder 
à  L/unbarlzyde  par  un  trou  que  res  animaux  avaient  creusé  dans  la  digue 
de  l'Yser.  Il  suffit  aujourd'hui  encore  de  voir  l'état  de  certaines  dunes 
réservées  aux  chasses,  et  où  les  lapins  sont  chez  eux,  pour  comprendre 
les  dégâts  dont  est  capable  cetle  engeance  ;  le  sol  est  troué  de  terriers 
comme  une  écumoire,  ot  on  risque  de  le  voir  céder  sous  les  pas. 

Enfin  l'on  a  songé  au  XIXe  siècle  â  fixer  et  protéger  les  dunes  par  le 
boisement.  Les  difficultés  étaient  grandes,  à  cause  du  vent  qui  racornit 
les  arbres,  du  lapin  qui  dévore  les  jeunes  pousses.  Les  essais  n'ont  pas 
donné  grands  résultats.  Le  pin  sylvestre,  qui  a  réussi  au  Hazegras,  n'a 
rien  donné  â  Blankenberghe.  Les  peupliers  du  Canada  qui  ont  grandi 
avec  succès  à  la  Panne,  sont  restés  médiocres  â  Nieuport-Bains.  (Test 
encore  le  saule  qui  réussit  le  mieux.  En  vérité,  jusqu'ici,  rien  n'a  pu 
remplacer  l'oyat.  Des  plantations  d'arbres  auraient  l'avantage  de  constituer 
quelques  revenus  â  une  bande  de  territoire  qui  n'en  a  pas  trop  ;  reste  â 
savoir  si  les  conditions  météorologiques  no  s'opposeront  pas  toujours  à 
ce  que  le  boisement  s'étende,  au  delà  des  dépressions,  sur  les  pentes  et 
le  sommet  des  dunes  *. 


'  Delepierre,  Précis  analytique,  2*  série,  1,  p.  02.  Cf.  également  pp.  1(5,  23,  30,  38, 
Wi,  etc. 

î  Gilliodts,  Coutumes  du  Franc  de  Bruges,  III,  pp.  230-241. 

3  Van  de  Butte,  I Mines,  p.  247.  —  Les  dommages  causés  par  les  lapins  et  les  récla- 
mations auxquelles  ils  donnent  lieu  sont  exposés  dans  la  charte  imposée  en  1477  à 
Mario  de  Bourgogne  (Cilliodts,  Coutumes  du  Franc,  11.  p.  22),  et  la  «  Requête  des 
Dunkerquois  à  la  dame  de  Vendôme  »,  éditée  par  Derode  (Mém.  Soc.  Dunk.,  ISûrfisVT. 
pp.  230-24'.). 

*  Sur  le  boisement  des  Dunes,  consulter  :  Bulletin  de  l'Association  maritime  et 
agricole  d'Ostende,  n0'  de  décembre  IKST>  et  novembre  1887  ;  — Van  derSwaelmen  (L.), 
Le  boisement  du  littoral  maritime  belge  (  Bruxelles,  Muquardt,  1*88,  87  p.,  lpl.):  — 
Baraban  CL.),  Les  Dunes  de  Belgique  (Revue  des  Eaux  et  Forêts,  t.  21»,  181(0,  2*  série, 
4*  vol.,  pp.  14r>-r>7;  ;  —  Berger  (L.),  La  llore  forestière  maritime  de  la  Belgique  (Bull. 
Soc.  centrale  forestière  de  Belgique,  III,  18110,  pp.  803-883). 


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LA  VIE  DANS  LES  DUNES 


22T, 


m. 

LA  VIE  DANS  LES  DUNES. 

Cette  inhospitalière  bande  de  sables,  battue  par  des  vents  froids  et 
violents,  hérissée  de  plantes  rares  et  rudes,  abrite  pourtant  une  population 
particulièrement  dense.  Sans  parler  des  ports  qui  étendent  leur  banlieue 
sur  les  dunes  voisines,  on  peut  dire  qu'il  existe,  de  Calais  à  Kadzand,  une 
ligne  ininterrompue  de  maisons  le  long  du  bord  intérieur  des  dunes. 
D'autres  se  sont  glissées  dans  les  pannes.  Enfin  les  stations  balnéaires 
s'installent  tout  le  long  du  mur  cô lier.  Ces  sables  infertiles  et  mouvants 
ont-ils  donc  des  qualités  qui  attiront  et  retiennent  les  hommes  ?  Pourquoi 
aller  s'établir  sur  les  dunes,  quand  la  riche  plaine  des  polders  étend  eu 
arrière  ses  terres  fertiles  ? 

La  raison  de  ce  choix,  c'est  que  la  petite  zone  des  dunes  possède 
précisément  les  qualités  qui  manquent  aux  Polders.  Ce  sol  infertile  a 
l'avantage  d'être  élevé,  do  dominer  de  quelques  mètres  les  riches  terres 
fortes  ;  cela  lui  valut  jadis  d'être  indemne  des  inondations  marines,  cela 
le  met  aujourd'hui  à  l'abri  des  débordements  d'eau  douce.  On  a  vu  qu'il 
fut  le  premier  dans  la  plaine  maritime  à  recevoir  de  nouveaux  habitants  ; 
ce  sont  là  ces  «  Barbari  circa  maris  littora  degentes  »  dont  parle  le 
biographe  de  St  Eloi,  marins  et  pêcheurs,  qui  se  glissent  le  long  des 
dunes  et  s'établissent  sur  les  sables  que  l'invasion  marine  a  respectés. 
Plus  tard,  quand  la  plaine  fut  émergée,  et  que  des  villages  commencèrent 
à  s'y  disséminer  autour  de  leur  «  Kerke  »,  la  zone  des  dunes  resta  un 
des  rares  points  des  Polders  où  l'on  pouvait  circuler  en  toute  saison.  Cela 
peut  sembler  paradoxal,  et  pourtant  il  est  parfaitement  exact  que  cette 
bande  do  sables  à  peine  fixés  a  toujours  servi  de  passage.  Les  dunes  sont 
un  lieu  de  routes.  Routes  peu  agréables,  avec  de  profondes  ornières  de 
sable,  mais  qui  valaient  par  la  comparaison  avec  la  plaine,  où  les  rivières, 
les  canaux,  «  vliet  »,  «  graecht  »,  «  watergand  »,  sans  compter  l'argile 
tenaco  où  les  attelages  restent  enlisés,  empêchaient  la  circulation.  Les 
vieilles  routes  de  Calais  à  Gra vélines,  de  Gravolines  à  Dunkerque,  de 
Nieuport  à  Ostende,  suivent  fidèlement  le  bord  des  dunes.  Quand  une 
armée  s'aventurait  dans  la  plaine  maritime,  ce  n'est  pas  dans  les  vastes 
champs  découverts  qu'elle  livrait  bataille;  c'est  sur  les  sables  qu'elle 
rencontrait  l'adversaire.  Les  rares  combats  qu'on  ait  livrés  dans  la 
plaine  ont  eu  pour  théâtre  les  sables  :  bataille  des  Dunes  de  Dunkerque, 

15 


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22fi 


LA  COTE.  -  LES  DUNES 


bataille  des  Dunes  de  Nieuport.  ("est  par  les  dunes  que  le  duc  de  Guise 
mot  la  main  sur  Calais  ;  par  les  dunes  que  Condé,  Turenne,  prennent 
Dunkerque,  que  le  due  d'York  s'en  approche  en  1793,  que  l'archiduc 
Albert  se  cramj>onne  a  l'attaque  d'Ostende.  A  côté  de  l'argile,  plastique, 
coupée  de  canaux,  le  sable  est  le  chemin  naturel,  la  route  des  armées  et 
des  échanges 

Les  Dunes,  qui  possédaient  les  routes  les  moins  impraticables  de  la 
plaine,  avaient  encore  l'avantage  de  receler  les  eaux  les  moins  mauvaises 
pour  l'alimentation.  Il  existe  dans  les  dunes  une  nappe  aquifère  continue, 
bombée  dans  la  partie  centrale,  parce  qu'elle  se  déverse  par  tiltration 
vers  la  plage  et  vers  l'intérieur;  de  là  les  sources  comme  celle  de  la  Sama- 
ritaine, à  l'Ouest  de  Dunkerque.  Elle  arrive  parfois  au  niveau  des  pannes, 
et  produit  alors  les  petites  mares  d'eau  douce  qui  en  garnissent  le  fond. 
Le  niveau  varie  suivant  les  saisons,  mais  d'une  quantité  assez  faible, 
(T,50  environ  ;  l'évaporation  des  eaux  pluviales  étant  plus  considérable 
l'été,  la  nappe,  moins  alimentée,  s'abaisse  légèrement.  Mais  elle  ne  subit 
pas  l'action  de  la  marée,  même  tout  au  bord  de  la  mer.  La  présence  de  ce 
précieux  réservoir  d'eau  douce  dans  une  région  où  les  eaux  sont  presque 
toujours  saumatres  est  une  des  grandes  raisons  du  peuplement  de  la  zone 
des  Dunes.  Le  modeste  puits  profond  de  l'",50  à  2  mètres,  que  le  maraîcher 
des  dunes  a  creusé  à  la  bêche,  et  où  l'eau  potable  ne  manque  jamais, 
triomphe  de  la  répulsion  qu'on  éprouverait  pour  un  sol  ingrat  et  mobile. 
Ainsi  la  plaine  maritime  n'est  que  paradoxes  :  c'est  au  bord  de  la  mer 
qu'on  y  trouve  les  parties  les  moins  basses,  les  plus  sèches,  ot  les  mieux 
pourvues  d'eau  potable  !. 


«  Cela  est  si  vrai  que  les  vieilles  lignes  .le  dunes  intérieures  servaient  également 
de  chemins,  lin  procès-verbal  <!■•  visite  aux  dunes  de  Ghyvelde,  en  170.5,  constate  que 
«  cette  partie  étant  exposé».'  au  passage  pour  aller  à  Fumes,  était  remplie  de  voies  et 
de  carrières  de  chemins  »  (Arcli.  Nat.,  Q1  KiM). 

1  L'existence  de  la  nappe  aquifère  îles  dunes,  indiquée  déjà  par  Daubrée,  (Les  eaux 
souterraine;*  à  l'époque  actuelle,  Paris,  1S«S7,  m-S',  1,  pp.  .~>3-.">),  a  été  étudiée  récem- 
ment par  MM.  Van  Mierlo  (Distribution  d'eau  potable  à  Ostende,  Hull.  Soc.  belge 
(ïéol.,  11,  Méui.  pp.  2i! I,  2  pl.):  —  Van  Ertborn  (La  question  des  eaux  alimen- 

taires dans  les  régions  dunale  et  poldérienne  du  littoral  belge,  Hull.  Suc.  belge  Géol., 
XVII,  i\m,  Mém.  pp.^fT-Mi:»:  -  d'Andrimont  [Notes  sur  l'hydrologie  .lu  littoral  belge, 
Ann.  Soc.  Géol.  Helg.,  XXIX,  1!H)2.  Mém.  pp.  1*M  i  l  ;  Contribution  à  l'étude  de 
l'hvdrologie  du  littoral  belge,  ibid.  XXX,  11X13,  Mém.  pp.  1  —43  ;  Note  complémen- 
taire à  l'étude  hydrologique  du  littoral  belge,  ibid.  XXXI,  iî*U4,  Mém.  pp.  167-183  ; 
L'allure  des  nappes  aquil'éivs  contenues  dans  les  terrains  perméables  en  petit,  baignés 
par  la  mer,  Bull.  Soc.  belge  Céol.,  XIX.  IWfi,  Pr.-V.  pp.  .17-58).  M.  d'Andrimont 
estime  que  la  nappe  des  dunes  est  la  partie  supérieure  d'une  grande  nappe  aquifère 


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I/ACRICriTURE  DES  DUNES 


227 


La  zone  des  dunes  a  d'autres  avantages  encore.  Sa  pauvreté  même  la 
favorise  :  la  terre  y  coule  bien  moins  cher  que  dans  les  Polders  ;  c'est  une 
raison  pour  aller  y  bâtir,  et  y  louer  bon  marché  un  petit  champ.  La  foule 
des  pauvres,  des  journaliers,  au  service  des  gros  fermiers  du  Sud,  vient 
donc  habiter  les  dunes.  On  s'y  établissait  parfois  sans  payer  le  terrain. 
Les  Dunes  appartenaient  au  comte,  à  l'Etat.  Mais  l'Etat,  ce  n'est  personne, 
surtout  aux  époques  troublées;  et  on  profitait  des  défaillances  du  pouvoir 
pour  s'établir  sur  la  digue  du  Comte  Jean  ou  sur  les  sables.  Pas  de  loyer 
à  payer,  et  des  potits  prolits  accessoires  :  quelque  bois  de  chauffage 
ramassé  dans  les  pannes,  la  nourriture  de  la  vache  assurée  dans  les 
«  communes  »,  pannes  ou  salines  ;  à  l'occasion,  le  braconnage  de  quelques 
lapins.  L'autorité  reparue  respectait  cette  prise  do  possession  Ainsi  se 
sont  établies  les  lignes  si  denses  do  maisonnettes  qui  suivent  les  digues  et 
les  dunes  entre  Dunkerque  et  Calais,  «  huttes  »  de  journaliers  et  de 
pêcheurs. 

L'Agriculture  des  dunes. 

C'est  là,  pour  la  zone  des  dunes,  un  ensemble  de  conditions  physiques 
et  économiques  très  avantageuses.  Pourtant,  si  ce  petit  lerritoiro  possède 
assez  do  qualités  pour  attirer  l'homme,  a  - 1  -  il  assez  de  ressources 
pour  lui  permettre  d'y  vivre  ?  Le  sol  est  vraiment  peu  favorable  à  l'agri- 
culture. Son  analyse  physique  indique  d'énormes  proportions  de  sable  lin, 
un  peu  do  calcaire,  mais  peu  ou  pas  d'argile  ;  dans  la  pineraie  de  Knoeke, 
050,7  pour  i.000  do  sable  lin,  18  de  sable  poussiéreux,  10,7  de  sable 
grossier,  0,5  do  matières  organiques,  1,9  do  débris  organiques,  0,3  de 
débris  minéraux,  le  reste,  12,3,  considéré  comme  calcaire.  Pour  l'argile, 
l'analyse  indique  :  traces.  A  Wenduyne,  la  terre  arable  comporte  950,4 
de  sable  lin,  pas  d'argile.  A  Westende,  9113,7  de  sable  fin,  35,5  de  sablo 
poussiéreux,  3,5  d'argile  *.  Uîs  défauts  d'un  pareil  sol  sautent  aux  yeux. 


superposée  à  l'argile  yprésienne,  et  que  lVau  de  mer.  plus  dense,  refoule  vers  le  haut. 
Voir  à  ce  sujet:  Dubois  (E.),  Etudes  sur  les  eaux  souterraines  des  Pays-Has.  |>au 
douce  du  sous-sol  des  dunes  et  des  polders  (Arch.  Musée  Teyler,  série  II,  volume 
IX,  1' partie):  —  l'eiitiink  (I.  M.  K.),  De  «Prise  d'eau»  der  Am-te  rdamsrhe  duin- 
waterleiding  (Communication  faite  à  la  séance  du  10  nov.  1!N«  de  l'Institut  royal  des 
Ingénieurs,  La  Haye). 

1  Nombreux  documents  d'arebives  sur  cette  prise  de  possession  des  dunes  par  les 
populations  pauvres  :  Arch.  Nat.  L) '  827 (Mémoire  de  la  Ch.  de  Commerce  de  Dunkerque, 
1770);  Arch.  Nord,  C.  El.  Mar.,  U  ;  Arch.  Pas-de-Calais,  C.  10ti,  137,  1118. 

*  Monographie  agricole  Dunes,  pp.  12-13. 


LA  COTE.  -  LES  DUNES 


Aucune  cohésion  :  faute  de  protection,  les  semences  peuvent  être  mises  à 
nu  ou  enterrées  sous  une  couche  épaisse  de  sable  meuble.  Perméabilité 
complète  ;  aussi  les  sécheresses  de  l'été  peuvent-elles  être  très  nuisibles 
sur  ce  sol  qui  s'échauffe  facilement.  Les  matières  organiques  s'y  décom- 
posent très  rapidement  ;  il  y  faut  des  quantités  d'engrais  considérables. 
L'analyse  chimique  n'est  pas  moins  défavorable  :  manque  d'azote,  d'acide 
phosphorique,  de  potasse  ;  seule  la  chaux  se  présente  en  quantités  rela- 
tivement élevées  *,  grâce  aux  débris  de  coquillages  calcaires  mélangés  au 
sable.  Parfois  ces  débris  de  coquilles  agglutinés  avec  les  grains  de 
sable  forment  une  sorte  de  tuf  calcaire,  couche  imperméable  peu 
profonde  au-dessous  des  pannes,  et  qui  nuit  aux  planlations  d'arbres.  C'est 
là  un  bien  pauvre  sol.  Même  entre  les  mains  du  cultivateur  flamand,  il  ne 
peut  porter  que  des  récoltes  insuffisantes.  L'orge,  le  blé,  n'y  poussent  pas. 
Le  seigle,  la  seule  céréale  dont  la  culture  soit  possible,  donne  de  faibles 
rendements:  800  à  1.000  kgs  de  grain  à  l'hectare,  et  12  à  1.500  kgs  de 
paille  *,  contre  environ  2.500  à  3.000  et  6.500  à  7.000  kgs  dans  la  Flandre 
intérieure.  Un  paysan  qui  voudrait  vivre  dans  les  dunes  en  pratiquant  la 
culture  ordinaire  ne  le  pourrait  pas. 

Il  faut  donc  que  l'homme  des  dunes,  pour  assurer  sa  subsistance  et  celle 
des  siens,  ajoute  à  la  culture  de  ses  sables  une  ressource  extraordinaire. 
Ou  plutôt,  on  peut  dire  que  pour  les  habitants  de  cette  zone,  l'exploitation 
du  sol  des  dunes  n'est  qu'un  appoint.  Avant  tout,  ils  sont  journaliers  pour 
les  fermes  des  polders,  maraîchers  pour  les  villes  voisines,  ou  pêcheurs. 
Tous  pratiquent  d'ailleurs  la  même  culture  patiente  et  opiniâtre.  Il  faut 
d'abord  protéger  le  champ  contre  ses  grands  ennemis,  le  vent  et  le  lapin. 
Dans  ce  but,  1'  «  akker  »  est  souvent  creusé  d'un  mètre  dans  le  sable,  ce 
qui  a  l'avantage  de  fournir  aux  plantes  un  sol  moins  meuble  ;  avec  ce  qu'on 
a  enlevé,  ou  édifie  autour  du  champ  une  véritable  diguette  de  sable 
(barm),  que  l'on  plante  d'oyats,  d'argousiers,  ou  de  branches  sèches  fichées 
en  terre.  Ce  sont  devrais  champs  enterrés.  Ailleurs  on  établit,  autour  des 
carrés,  des  haies  taillis  épaisses  d'aulnes,  de  saules,  de  peupliers  du 
Canada  :  parfois  des  claies  de  paille  renforcées  de  branches  d'arbrisseaux. 
Ces  précautions  prises,  on  peut  essayer  do  cultiver  ce  sol  jaunâtre  et  peu 
engageant.  Le  labour  se  fait  à  la  bêche,  le  vieil  outil  de  prédilection  du 


•  Monographie  agricole  Dunes,  pp.  14-17.  —  A  ce  sujet,  voir:  Retgers  (J.-W.),  Sur 
la  composition  minéralogique  et  chimique  du  sable  des  dunes  néerlandaises  (Recueil 
des  Travaux  chimiques  des  Pays- Mas,  XI,  18i)2,  pp.  Ni!»-2f>7).  S'attache  surtout  à  la 
composition  minéralogique  des  grains  de  quartz,  dont  il  attribue  l'origine  à  des  granités 
ou  à  des  schistes  cristallins. 

*  Monographie  agricole  Dunes,  pp.  3U40. 


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fume  .le  |»r  •i'Hi:<»n,  les  sempti-vs  peuvent  Être  nV  .'. 
».  s  11. i«»  r-mche  »,,|i.iissf  de  salùY  mm  nie.  IV  ru  Ai»'!: 
•  m'i  Iht-.'M's  d«*  Vi'lft  j.tMneîit-i:']''»  être  tivs  ûUU:M 
■il-  Te  f;:  il»  nui!  t.  1>'S  matew*  oi^niquns  s'y  iUs  «• . 
.i  •  ni ,  i!  y  faut  des  i(ii:itilil«'s  d'engrais  considérai-  «  « 
•  •  moins (li'iuvimO»!^:  maiejue  d'azote,  d'a^ii 

i   ,»  i.'>s»>;  seulu  la  cliaux  >«•  juvseiite  eu  rçuantit""  i* 
',  u -y  e  au\  ili'hrLs  «le  ooii'jiUaues  calcaires  luè la i. 
.•n  il/'lujs  (in  r  «juiileS  Hg^liilhies  ;n«;r  1rs  £.*:«»,> 
.  ....  «  «miiU1  d"  lui"  calcine,  eo'icho  îiii(ii*rt]iival*i>*  i- 
•  ».  u-     *  i  niin^s,  t*{       nuil  uox  plantations  ii*aî'l»ii1>.  <  '• 
■  «  .  »  ^>  i.  Mi'iin1  ulPf  )«  s  mains  «lu  c.uliivniVn:'  llamatj  I.  ' 
■  .•••<  ..jii..  in>'i,iis.iitl<»s.  l/oiyt»,  le  l'iy,  ii'v  ]h»u>sOuI  , 
•«' "•.>!••  .î'.:<l  la  culture  soit  po>sii.i<\  (tonne  il©  fî»i 
v  -  .«  I.  ••»'k_*iii>  iri:ii  A  l'hectare,  et  12  a  t..""''"» 
i  .  ->à  ;'.ikm et  i».r»JH> A  7.iii*i  kgsdair* la F'm 

•  •        ,»  *  u..i  voudrait  vi\T»«  dans  les  dunes  en  prati'|t:«« 
.  .  •  »i     .  •.  «  ne  c-  |>  •>»•;«. il  yn<. 
f  !.•  I  î    •  ■;.  ■«  i     v     d-  -  iI'uiun,  |»< nu*  assti ha  HiIisiVnruv  tl  « 

•  «<  »  ,i.  •.  «  i;i  ci  .oui"!*1  m\n  sal»l'*>  l'W»  » i«ssouree  extraorvlti... 
i  i.  j.....  i«t.  jh  •  î  .l"v>  |'  ur  U:s  hululants  >W eeMc»  un  >\  l"»*\;»J* *;!:•• 
du  -«  I  île  •  h,  n  >•  '  i  .'  .■}«;<«. in(.  A\ant  tout,  iN  8'iitt  jeiimalieiv  ;< 
!.  s  i  r'M.  *  •!■  ï»  !"•.<>••  Iimi.i  ■  1  i«r«  ji<::ir  le*  ville*  voisines,  ou  peeh* 1 
'i.„i>  i'i.i*M|«H»n1  H  .;i  l.  ur*  \:\  il,  un»  fiilture  patiriile.  et  imi'dùiiv.  11  <". 
d'.dnird  jr'.l'V''''  »«  •  '  «'■  1  >  ifraii'U  ennemis,  lu  vent  iit  if  «].  - 
li.ins  <  e  hnl.  1  •  «ikk'-r  »  •  '  <  •  «  nt  «  ri  :;<e  «l'un  mèlro  dans  le 

(jui  a  l'a^autuue  il«'  loui-.ui  a«.x  i  i.«nl"S  nu  >ol  moins meuMe  ;  avei're  >;'• 
a  enl'ué,  <»u  éiiltî»-  au'oiéi        «TMinp  une  v^titaMe  iliguelle  •!«•  >«i" 
(liarm),  'je.*'  Ton  j.laut».  d".  v.tl-,  •i';«iu  u'sier>,  nu  de  l»rauo!ies  «Vins  I»  !: 
teire.  <>  xail  de\r.u>  i  lia.'iji^  Miterres.  AHI^urs  on  ëtalilit,  aai-.ui  • 
de*  U  in*s  Uiil!i>  ••p.i»-»^      d'arln*^  «le  sauè'S,  de  |ie»"J'iiiTS 

•  ■  lu  i  narl  -is  dos  elsiieS  'lo  h.di««'  H'isfiiroé^s  do  hram'iies  d  arî'ri^:-:^' 

«•eau dons  prises,  nu  pi'ui  iUwiyer  drt  eollivor  ce  Solj;mnah e  et  j« 
.■  -  «  fit-  I/-  liiln.urse  !:'il  à  la  l«**e'nî,  lu  vi.il  «nitil  île  p*v*li|ef:tion 

•  '   •  .•  •  ■n I»  jip.  1-1-17.      A  «v -'ij,-t,  v<»tr:  lt.  . 

'  'i  m  i  «•  Ml'itr^jU»'  l't  «'il  n:*i|i)«»  iln  ^ihlt«  «|i»i  .ituu"»  n<*«  i'Kui  b  ••»:.  I( 

)M!l.'|ll.>s  .{.  r  l'.i;  >|t..-.  M.  IM",  pp.   h;t*.i'iT;.  S',iU.i,«h»*  «-«if.,,  i*  . 
••i  iH'r,iîu2Hpi«*  •}«•<•  LTat  il  «  >lif ''tiAro.  liiiiil  il  atL'ilia>'  roft'iut*    'J.'-  z'  •  ■ 

1  -  <T  -.UllIlIlK. 

:ijf-.c.il«-  lluiitfS,  pp.  'tf«-«0. 


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L'AGRICULTURE  DES  DUNES 


21*  < 


Flamand,  avec  lequel  il  retourne  la  terre  plus  profondément  que  ne  le 
fait  la  charme.  Puis  c'est  la  mise  en  place  de  l'engrais,  opération  longue 
et  coûteuse,  parce  qu'il  faut  en  faire  venir  de  loin,  le  bétail  des  dunes 
n'étant  pas  assez  abondant  pour  satisfaire  à  la  consommation  ;  or  il  en 
faut  beaucoup  sur  un  sol  aussi  léger.  On  s'adresse  aux  villes  voisines: 
Ostende  a  un  service  de  bateaux  qui  amène  à  Nieuport  les  déchets  de  la 
grande  station  balnéaire  ;  Dunkerque,  Calais,  Blankenberghe,  en  envoient 
par  voitures  '.  I^s  pécheurs  y  joignent  un  fumier  d'algues,  de  mollusques 
et  de  petits  poissons.  Sur  la  limite  des  terres  fortes,  on  y  ajoute  un  peu 
d'argile  compacte  enlevée  au  sol  sous-jacent.  ("est  ainsi  qu'on  peut  faire 
pousser,  à  force  de  soins,  du  seigle,  de  la  pomme  de  terre,  et  des  légumes. 
On  a  vu  que  le  seigle  donne  des  résultats  médiocres;  aussi  tout  est-il 
consommé  sur  place,  dans  l'exploitation.  Au  contraire,  la  pomme  de  (erre 
et  les  cultures  maraîchères  donnent  lieu  à  un  commerce  assez  important, 
en  même  temps  qu'elles  contribuent  largement  à  la  nourriture  do  l'habitant 
des  dunes.  Dans  certaines  parties  où  l'on  a  pu  amender  le  sol  on  y  mêlant 
de  la  terre  forte,  on  produit  des  variétés  de  tubercules  hâtives  qui  sont 
expédiées  en  Franco  ;  dans  les  petits  champs  do  Rosendael,  do  Middel- 
kerke  et  do  Westende,  cette  lisière  des  dunes  peut  évoquer  le  souvenir 
des  fameuses  terres  à  oignons  de  jacinthes,  tulipes,  anémones,  le  «  bloeni- 
bollenland  »  qui  s'élend  derrière  les  dunes  do  Hollande,  do  Levde  à 
Alkmaar.  Les  pommes  de  terre  hâtives  une  fois  disparues,  récoltées 
péniblement  dans  ce  sable  où  elles  roulent  et  vont  s'onterror,  on  plante  à 
force  de  nouveaux  engrais  les  petits  pois,  les  haricots,  les  salades,  toutes 
les  variétés  de  choux1. 

Ces  cultures  demandent  trop  de  travail  pour  qu'on  puisse  les  pratiquer 
sur  de  grandes  étendues.  Aussi  les  exploitations  do  la  zone  des  Dunes 
sont-elles  très  petites,  les  plus  petites  de  Flandre,  où  la  grande  exploita- 
tion est  si  rare.  A  Fort-Mardiek,  chaque  famille  met  eu  valeur  22  ares  de 
terrain.  Les  pêcheurs,  eutre  Dunkerque  et  Nieuport,  n'ont  guère  que  25  à 
.'iO  ares.  Les  maraîchers  ont  des  jardins  de  5(J  ares  à  1  hectare.  A  Knocke, 
le  plus  grand  nombre  dos  habitants  exploite  une  étendue  inférieuro  à 


•  Monographie  agricole  Dunes,  p.  37. 

*  i/cs  jardins  maraîchers  do  Rosendael  valent  jusqu'à  15.000  francs  l'hectare.  I>a 
banlieue  de  Dunkerque  a  expédié  en  1003  2.000  tonnes  de  légumes  en  France,  3.. '100  en 
Angleterre  et  4.500  en  Helgique  ;  Dunkerque  et  l'agglomération  en  ont  consommé'  3.800. 
(Dufour  du  Breuillo,  L'exportation  des  légumes  dans  l'arrondissement  de  Dunkerque, 
G.  Rendu  du  1V«  Congrès  national  des  Syndicats  agricoles  de  France,  Arras,  10M, 
pp.  215-218). 


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230 


LA  COTE.  -  LES  DUNES. 


50  aros.  Dans  toute  cette  zone,  la  mise  en  valeur  de  10  hectares  de  terrains 
constitue  une  exception.  Ainsi  c'est  en  fragments  minuscules  que  se 
découpe  toute  cette  lisière  des  dunes.  Car  ce  n'est  guère  qu'une  lisière  qui 
est  ainsi  patiemment  occupée  et  mise  en  valeur.  Dans  les  grandes  dunes 
de  Dunkerque  à  Nieuport,  on  trouve  encore  quelques  groupes  d'habi- 
tations dans  les  pannes,  tel  le  village  prospère  qui  porte  précisément  le 
nom  de  \jk  Panne.  Mais  la  plus  grande  partie  des  dunes  reste  une  vaste 
solitude,  dont  l'herbe  grêle  sert  de  pâture  aux  animaux  domestiques  ou 
aux  lapins.  On  n'en  tire  qu'une  ressource  :  la  location  pour  des  chasses. 
On  y  traquait  encore  le  loup  au  milieu  du  XVIIe  siècle  1  ;  aujourd'hui 
on  n'y  massacre  plus  que  1rs  lapins,  que  l'on  peut  exterminer  à  loisir 
derrière  les  grillages  qui  enclosent  bon  nombre  de  chasses. 


L'homme  et  l'habitation. 

Ixî  peuple  laborieux  qui  pratique  une  culture  si  pénible  est  particuliè- 
rement solide  et  florissant.  La  région  des  dunes  est  celle  où  la  phtisie  et 
la  scrofule  sont  les  plus  rares  de  toute  la  Flandre  ;  au  temps  où  la  fièvre 
intermittente  éprouvait  la  plaine  maritime,  elle  épargnait  les  habitants 
des  sables  *.  Grands,  forts,  la  figure  large  et  pleine,  colorée,  hâlée, 
les  pécheurs  sont  assurément,  avec  les  gens  de  la  Flandre  zélandaise, 
les  plus  beaux  hommes  du  pays  flamand.  A  les  voir  marcher  avec  le 
dandinement  des  marins,  à  regarder  leur  visage  ouvert,  encadré  d'une 
barbe  qui  rappelle  les  algues  des  plages,  à  écouter  leur  français 
zézayant  ou  leur  flamand  archaïque,  on  se  demande  s'ils  sont  de  même 
race  que  le  paysan  inaigre,  à  la  phj'sionomie  fermée,  au  visage  glabre, 
qui  se  courbe  sur  les  terres  du  Houtland.  On  songe  plutôt  à  les 
rapprocher  des  pêcheurs  de  la  côte  normande,  ou  des  peuples  maritimes 
du  Nord ,  Zélandais  et  Frisons.  l,es  femmes  elles-mêmes,  malgré 
leur  travail  écrasant,  restent  plus  dégagées,  plus  délurées  que  les 
Flamandes  du  Sud.  La  race  se  conserve  pure,  car  les  pêcheurs  se  marient 
toujours  entre  eux.  (lela  n'empêche  pas  les  unions  d'être  fécondes.  Les 


i  Comptes  du  Franc,  l»î48-49  :  Payé  pour  la  chasse  aux  loups  dans  les  dunes  du 
Camerliuckx-Ambacht  (entre  Nieuport  et  (  tstende)  1138  livres  2  sous  (Priera,  Précis 
analytique,  2"  série.  Y,  p.  28). 

*  Cf.  Meynne,  Géographie  médicale,  dans  Patria  Helgica.  t.  II,  pp.  KXM07  ;  —  de 
Keuwer  (V.),  Topographie  médicale  de  l'arrondissement  administratif  de  Fumes 
(Annales  de  la  Soc.  médico-chirurgicale  de  Hruges,  1847,  pp.  233-264). 


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io    —  L»  nw.n>n  de»  dune»  |  I  jri-M »•  JM  V. 


LA  Cr TF.  -  LfIS  DT'NEs. 

.  <•        /oiio,  la  mise  en  valfiir <li.*  lll hectares de  ,<  . 
<   «  ■  ;  '|i  il.  Ai ri>i  cVst  en  Cra^i.nMils  nuiiusrulu*  • 
•  !'•  i  ii  w  dcstimics.  ( 'ht  ce  n't»»!  uTiirc  utAute  !i  i- 
■■"I  <>coinii!  f*i  mise* »'n  valeur.  I>:m>  li*s  |* muil**""  *i. 
<  V-'ipirl.  on  l»vu\e  ern'orn  quelques  ^r<»ii|>cs  «I 

i'S       !<•  villaui-  jm'osjkti'  cjtsî  p>»rle  pr^Cî^'u.  " 
••  .  !     la  plus  |rnim!o  partie  drs  dunes  restf  un»1 
*•»••!■  .  lie  >ort  Af*  pâture  aux  animaux  dimn's'i' 
•;:•»■  •iii'un»*  r«'Ssouiv«' :  la  lo<  ation  pour  dos  cli. 
i  •■  ••  l<'  I  »ip  au  milieu  du  XVII'  suVI*  1  :  tuijuii. 
»»■  :»  q.je  !•  n  l.ipiiis,        l'on         i».\k*riuiinU*  à 
'  ,  .  »'s  .{'il  i'ili*U»si'u1  lu >ii  nnmlire  tic  c!iusm*S. 


L'hommo  «*t  l'habitation. 

'.-  '.i  ;  .  ••  ••.•:.«.'..  i!35  qui  \  ra  tique  une  cullure  si  p^nii-le  est  pnrh 
;.        I  n.  :  j«.  ,.i  j|.  r>v>aiit.  l^i  rvg»»li  des  dunes  est  celle  où  la  pM 
in  s.  r,,  •  i  .        |,.s  .,|us  rare*»     toute  la  Flandre  ;  au  temps  où  I:. 
'.'  •■  i..'i'  iito  rpit.iu-iil  la  plaine  maritime,  oll«;  épargnait  les  lia: 
'■     .  !i'<  s     <"tiai|-ls,  torts,  la  lîu'inî  lunre  ot  pleine,       «n'-t».  ... 
î.»v      -M  urs  vi.f.t  (is<iiiviTna!il,  avec  tes  gens  do  la  Flundro  /Mun  I 
li  >  |»|js  liefln\  îi  'iniui's *îii  pays  Rsimnud.  A  les  voir  m.ircler 
■  '.■•id.nemriil  des  marins,  à  r»vai\l<*r  leur  visa  ire  ouvert,  eneadr' 
h».  I  ■»  i|ui  ra'-aelie  1« *s  al^iî^s  des  pla^'S,  ii  iVouter  leur  h  • 
anl  nu  leur  flamand  nrch:i.'.;i:e.  nu  se  demande  s'ils  sont  «I»  ui 
r  ii  t»  i|itii  Je  paysan  maigre,  a  la  physionomie  fermée,  au  visait-  l*\ 
qui  S'A  rotj|'Jnî  sur  les  Icivs  du  Hou  lia  ml.  ()n  sontic  pluinl 
rippn.H'iu'r  de*  pécheurs  dA  la  cote  normande,  ou  des  poupins  ma  M 

i  Vird ,  Zél.mdais  et  r'rr»' »iîs.  Les  femmes  elles-mi'ines.  m. 

i.'   'ruvail  «'cramant,  restent  pin*  déuatiors,  plus  délurées  que 
•  (•  .i-i.Îm<  du  Sud.  La  rai c  s«»  «-onst  rvc  pute.  <-ar  les  |,.*'cin-urs  so  ii'.c : 

•   •  >r<  entro  eux.  (Ida  n'empêche  pas  les  unions  d'être  fécondes.  I  • 


'h  Kr.iin-,  I-ms  ï'.' :  Vuyi'  ptmr  la  i.*liii>"*»*  aux  1<*iiji^  il  «n*  «l.ri-.- 
r  •  .  V.  y  7>  . 

•i  'iy.'jilii.'  nï';  li»':il".  i!nijs  l'jtlria  iMr*it'a.  L  ,f.  pp.  W*-l<"Z .  - 
o*i*ienii>i«,'ilt>  il"  Uru^fs.  isiT.  pp.  !fit,i  \\ 


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L'HOMME  ET  L'HABITATION 


231 


villages  de  marias  présentent  les  plus  beaux  exemples  d'accroissement  do 
toute  la  Flandre.  \jà  commune  de  Ghvvelde,  qui  comprenait  jadis  les 
deux  communes  distinctes  aujourd'hui  de  Ghvvelde  et  de  Bray-Dunes, 
comptait  en  1804  1.086  habitants  ;  en  1856,  1.881  ;  on  1870,  2.300.  Aujour- 
d'hui (1901),  en  additionnant  les  chiffres  des  deux  communes,  on 
arrive  à  3.100  habitants  ;  la  population  a  donc  triplé  en  un  siècle. 
A  Gravelinos,  même  progression  pour  les  trois  bourgades  de  pêcheurs, 
les  Huttes,  Grand  et  Petit-Fort- Philippe.  I^a  population  s'élève  de 
2.784  habitants  en  1804,  a  5.819  en  1850,  à  7.833  en  1870,  a  9.101  en 
1901,  dont  3.259  pour  Grand-Fort-Philippe,  habité  en  180-1  par  quelques 
familles  de  contrebandiers.  Mais  Fort-Mardick  est  peut-être  l'exemple 
le  plus  remarquable.  Fondée  en  1670  par  Louis  XIV  qui  y  installa  quatre 
familles  de  matelots  picards,  cette  paroisse  se  développa  rapidement,  grâce 
à  la  clause  qui  en  faisait  une  petite  colonie  communiste,  et  attribuait  à 
chaque  nouveau  chef  de  famille  une  concession  de  22  ares  de  sable,  en 
usufruit,  sans  vente  possible.  Les  terres  non  encore  partagées,  et  les  salines 
qui  en  dépendent,  louées  a  des  particuliers,  servirent  et  servent  encore  à 
payer  les  impôts.  Ainsi  constituée,  cette  heureuse  Arcadie  de  pêcheurs  se 
développa  d'elle-même,  sans  alliance  avec  les  Flamands  du  voisinage, 
souvent  hostiles.  lies  quatre  familles  picardes  étaient  devenues  432  habi- 
tants en  1841,  015  en  1851,  1.481  en  1880,  1.078  en  1901;  la  population 
doublait  en  .'«)  ans  '.  A  défaut  de  statistiques,  la  vue  des  villages  de 
pêcheurs,  où  des  hordes  d'enfants  traînent  dans  les  ornières  de  sable, 
suffit  a  indiquer  l'abondance  de  la  natalité. 

Cette  belle  et  saine  population  est  très  attachée  à  ses  dunes.  Ce  paysage 
à  la  fois  uniforme  et  heurté,  aux  feuillages  sombres,  noirâtres,  entre  les 
deux  grands  horizons  de  la  plaine  et  de  la  mer,  lui  est  aussi  cher  qu'au 
Breton  ses  récifs;  il  n'y  a  pas  d'émigration,  même  parmi  les  maraîchers 
et  les  journaliers.  Ceux  qui  quittent  le  pays  ne  vont  pas  loin  :  on  les 
retrouve  dans  les  briqueteries  derrière  les  stations  balnéaires,  ou  sur  les 
chantiers  d'Ostondo  et  de  Duukerque.  Les  maigres  ressources  de  leur 
métier  leur  suffisent.  I/?ur  alimentation  de  poisson  bouilli,  de  pommes  de 
terre,  de  pain,  de  harengs  on  saumure,  leur  infusion  de  café  à  la  chicorée, 
leur  font  oublier  qu'ils  n'ont  guère  de  la  viande  que  le  dimanche.  Le  soin 
qu'ils  prennent  de  l'entretien  de  leurs  maisonnettes  témoigne  assez  de 
leur  attachement  à  leur  petite  patrie. 

I,a  maison  est  la  grande,  presque  la  seule  parure  de  la  région  des  dunes. 


1  Dr  Lancry,  La  Commune  do  Fort-Mardiek  près  Dunkerque.  Etude  historique, 
démographique  ot  médicale  (fans, 


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2M2 


LA  COTE.  -  LES  DUNES 


lorsqu'on  arrive  de  la  plaine,  l'œil  fatigué  de  l'uniformité  plate  des  terres 
fortes  s'arrête  plus  volontiers  sur  leur  ligne  rouge  et  blanche  que  sur  les 
formes  sévères  des  collines  de  sable.  Et  cette  parure  ne  manque  nulle 
part:  une  vraie  ceinture  aux  couleurs  éclatantes  et  gaies  autour  de  ce 
paysage  morose.  Nulle  part  en  Flandre,  môme  dans  le  pays  de  Waes,  la 
ligue  des  maisons  ne  se  poursuit  ainsi,  d'un  seul  tenant.  Cela  commence 
à  Calais,  aussitôt  passé  les  fortifications,  par  les  maisons  du  Petit-Cour- 
gain,  qui  tournent  du  côté  des  dunes  leurs  toits  bas  et  leurs  appentis, 
réservant  pour  le  Sud  leurs  façades  blanches.  De  l'autre  côté  du  canal  de 
Marck,  sur  les  vieilles  dunes  du  banc  des  Pierrettes,  d'autres  maisons 
toujours  blanches  se  dispersent  le  long  de  la  grand'route,  au  milieu  des 
laudes  d'ajoncs.  Mais  tandis  que  cette  rangée  s'arrête  brusquement  après 
Marck  à  l'endroit  où  disparaissent  les  sables,  la  première  continue  sans 
interruption  par  le  Fort- Vert,  les  Petites-Hemmes,  les  Grandes-Hemmes, 
les  Huttes,  Dunes  et  Hemmes  d'Oye,  jusqu'au  Grand-Fort-Philippe. 
Entourées  au  Nord  et  au  Sud  de  salines  vieilles  ou  neuves,  ces  rangées  de 
maisons  font  admirablement  ressortir  le  contraste  entre  la  faible  densité  de 
population  des  terres  fortes,  réduites  à  quelques  vastes  fermes,  et  celle  des 
sables,  couverts  d'habitations.  Après  Gravelines,  la  rangée  recommence  au 
hameau  des  Huiles,  qu'on  aperçoit  des  remparts  de  la  petite  ville  comme 
un  tas  de  rouge  et  de  blanc  ;  puis  gagne  Dunkerque  par  la  vieille  digue  du 
Comte  Jean  ;  elle  s'étire  parfois  en  laissant  entre  les  maisons  des  inter- 
valles d'une  centaine  de  mètres,  et  se  resserre  ailleurs  en  hameaux,  en 
villages,  en  villes,  Dunes  de  Loon,  Dunes  de  Mardick,  Fort-Mardick, 
St-Pol-sur-mer.  Aussitôt  à  l'Est  de  la  ville  commence  la  grosse  agglomé- 
ration de  Rosendael,  longue  de  3  kilomètres,  et  si  dense  que  le  flot  des 
constructions  a  fait  disparaître  les  dunes.  Puis  Zuydcoote,  Bray-Dunes  ; 
encore  5  kilomètres  de  petites  maisons  blanches  jusqu'à  la  frontière  belge. 
Pour  un  moment,  les  habitations  sont  moins  serrées,  jusqu'à  Nieuport  ; 
une  partie  des  maisons  a  déserté  la  lisière  pour  les  pannes  de  l'intérieur. 
Mais  elles  reparaissent  aussi  denses  à  l'Est  de  l'Yser,  à  Westende, 
Middelkerke,  Mariakerke,  jusqu'aux  élégants  faubourgs  d'Ostende,  et 
désormais  la  nie  s'allonge,  ininterrompue,  jusqu'à  Wenduyne.  Enfin  on 
la  retrouve  à  Heyst,  lorsqu'on  revoit  de  véritables  dunes,  et  elle  gagne  par 
Knocke  le  Hazogras,  le  vieil  estuaire  du  Zwin. 

Ce  qui  frappe  autant  que  la  continuité  de  cette  ligne  de  population,  c'est 
l'uniformité  des  maisons  qui  la  composent.  L'habitation  est  bien  exiguë, 
car  l'homme  des  dunes  n'est  pas  riche  ;  les  dépendances  sont  réduites  à 
peu  de  chose,  puisque  les  récoltes  sont  insignifiantes,  et  ne  suffisent  môme 
pas  à  l'alimentation  du  ménage.  Parfois  le  marin  se  contente  d'une  seule 


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L'HOMME  ET  L'HABITATION 


283 


pièce,  à  la  fois  cuisine,  salle  à  manger  et  chambre  à  coucher,  où  la 
famille  s'entasse  dans  des  lits  alcôves  à  deux  ou  trois  étages.  D'ailleurs, 
les  hommes  ne  sont-ils  pas  absents  plus  de  la  moitié  de  l'année  ?  Sur  le 
côté  un  petit  appentis  sert  de  dépendance;  on  y  enferme  la  chèvro,  on  y 
dépose  le  combustible,  bois  des  dunes  autrefois,  charbon  aujourd'hui. 
Mais  bientôt  la  maison  s'agrandit.  Derrière,  du  côté  du  Nord,  elle  s'adjoint 
une  cuisine,  longue  et  étroite,  sur  laquelle  descend  le  toit  bas  qui  protège 
des  vents  de  mer;  de  ce  côté  les  ouvertures  sont  rares  et  petites:  un 
simple  œil-de-bœuf.  Enfin  quand  la  prospérité  est  venue,  la  maison  se 
double  d'une  autre  moitié  toute  semblable,  une  chambre  à  coucher  avec 
une  pièce  basse  derrière,  et  sur  le  côté  un  nouvel  appentis  où  se  logent  les 
lapias,  les  poules,  le  porc,  et  où  l'on  range  les  instruments  de  culture. 
C'est  la  maison  complète  de  l'habitant  des  dunes  *. 

I^e  caractère  commun  à  toutes  ces  maisons  des  dunes,  c'est  l'aspect 
intérieur  et  extérieur.  Elles  sont  basses,  pour  ne  pas  donner  prise  au  vent, 
et  le  toit,  du  côté  du  large,  descend  presque  jusqu'à  terre.  Solidement 
construit  en  tuiles  rouges,  ce  toit  est  visité  chaque  année  avec  soin,  et  on 
en  profite  pour  rejointoyer  au  mortier  blanc  toutes  les  tuiles,  que  l'on  passe 
par  la  môme  occasion  au  rouge.  De  là  ces  coulours  éclatantes  qui  sont  la 
parure  de  la  maison  des  dunes.  La  façade  à  son  tour  est  peinte  chaque 
année  en  blanc  ou  jaune,  et  les  volets  en  vert.  Autour  de  la  maison, 
le  petit  jardin  de  sable  gris  où  poussent  les  légumes,  séparé  du  chemin 
de  sable  aux  vastes  ornières  par  des  haies  épaisses  et  des  diguettes. 
Enfin  l'intérieur  est  d'une  propreté  zélandaise,  grand  carrelage  peint 
en  rouge,  dont  l'entretien  est  aidé  par  la  nature  sablonneuse  du  sol, 
où  la  boue  est  inconnue  ;  murs  tapissés,  rideaux  aux  fenêtres,  meubles 
tirés,  faïences  aux  couleurs  voyantes,  et  devant  la  cheminée  le  grand 
poêle  belge  en  fonte  de  toute  maison  flamande.  Tout  au  long  de  la  mer 
du  Nord,  le  même  type  de  maisonnette  basse  et  claire  égaie  le  bord  des 
dunes  ;  il  se  retrouve  au  delà  des  détroits  et  des  estuaires,  après  le 
Zuiderzée,  après  le  Dollart  et  l'Elbe  jusqu'aux  îles  lointaines  de  Sylt, 
Amrum  et  FOhr,  expression  de  la  vie  pauvre  et  libre  de  l'habitant  des 
dunes,  peut-être  aussi  indice  de  l'expansion  de  la  race  frisonne. 


1  Dr  tancry,  La  maison  populaire  de  la  Flandre  maritime.  (Mérn.  Soc.  Dunk., 
XXXI,  pp.  1-27). 


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234 


LA  COTE.  -  LES  TORTS 


CHAPJTRK  X 
LA  COTE         —  LES  PORTS 


I.  Origine  tirs  ports.  Torts  naturels  :  leurs  transformations.  Ports  artificiels.  — 
II.  Caractères  <t>-s  />orts.  Les  pons  de  l'Ouest  mieux  abrités.  Los  ports  de  l'Est 
moins  encombré*.  —  III.  Les  installations  maritimes.  Ports  de  voyageurs  :  Cal;ti,s. 
Ostende.  Port  de  mareh/unlises  :  Dmikerqiie.  Port  d'eseale  :  Zeebru^e.  —  IV.  Les 
ri/les  ;  les  jilatjes.  Aspect  et  évolution  des  villes.  Les  pl;i«res. 

Calais,  Gravelinos,  Dunkorquc,  Nieu|)ort,  Ostende,  Blankenberghe, 
domain  Zeebruggo,  cela  fail  sept  ports  pour  130  kilomètres  do  côtes,  sans 
compter  les  havres  du  Hont,  Breskens,  Ternouzou,  et  en  arrière  Gand. 
C'est  beaucoup  pour  l'importance  commerciale  de  chacun  ;  mais  surtout 
cela  jn'iit  paraître  extraordinaire  qu'une  côte  aussi  basse  et  recliligne, 
bordée  de  dunes,  ail  pu  se  laisser  percer  do  sept  ouvertures  par  où  se  font 
les  échanges  entre  la  Flandre  et  les  pays  maritimes.  La  côte  de  Hollande, 
de  lloek  van  Ilolland  au  Helder,  sur  lî/U  kilomètres,  n'a  qu'un  port, 
complètement  artificiel  (Ymuiden),  un  vrai  défi  à  la  nature,  ot  qu'il  faut 
maintenir  laborieusement  en  bon  état;  la  côte  do  Gascogne  n'a  qu'une 
éehanerure  bonne  pour  des  bateaux  de  pêche.  La  Flandre,  elle,  en  a  un  tous 
les  18  kilomètres.  Cette  abondance  de  havres  est  due  en  partie  à  des  causes 
physiques;  la  côte,  orientée  presque  W.-E.,  parallèlement  aux  vents 
dominants,  se  prêtait  mal  à  l'établissement  d'une  ligno  de  dunes  épaisse, 
comme  en  Hollande  ;  par  suite  les  petites  rivières  de  la  plaine  gardaient  la 
force  de  traverser  ces  dunes  restées  étroites,  et  chaque  estuaire  pouvait 
donner  naissance  à  un  port.  Mais  l'homme  a  aussi  sa  grande  part  dans  la 
cn'ation  des  ports  flamands,  ot  tout  en  améliorant  les  havres  qui  existaient 
déjà,  il  créait  de  toutes  pièces  d'autres  pertuis.  I-cs  ports  flamands  sont 
d'origine  naturelle,  comme  Calais,  Gravelines,  Dunkorquc,  Niouport,  ou 
artificielle,  comme  Ostende,  Blankenberghe,  Zeobruggo. 
> 

L 

ORIGINE  DES  PORTS. 

Parler  do  ports  naturels  en  Flandre  peut  sembler  paradoxal.  Avoir  leur 
état  actuel,  darses,  bassins,  écluses,  chasses,  chenal,  jetées  ;  à  saisir  le 


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i 


LES  TRANSFORMATIONS  DES  PORTS  NATURELS  235 


contraste  entre  ces  solides  installations  aux  formes  géométriques  et  la 
côte  vaseuse  dans  laquelle  on  les  a  enfoncées,  on  se  persuade  que  rien 
n'est  plus  artificiel  que  ces  ports  naturels.  Cependant  on  peut  retrouver 
les  étapes  de  la  transformation  qui  a  fait  des  anciens  refuges  des  pêcheurs 
flamands  de  grands  ports  modernes. 

Transformations  des  Ports  naturels. 

Les  estuaires  sont  la  première  ébauche  de  ces  ports.  En  se  rétrécissant 
peu  à  peu  après  le  Xe  siècle,  les  golfes  de  Fréthun,  de  l'Aa,  de  la  Gersta 
et  de  l'Yser  devenaient  des  criques  où  s'abritaient  les  barques  «les  pêcheurs 
des  dunes.  Sur  leurs  bords  s'élevèrent  des  bourgades  devant  lesquelles 
s'amarraient  les  sloops  chargés  de  harengs,  et  où  se  tenait  le  receveur 
des  grandes  abbayes  du  voisinage,  pour  y  prélever  la  dîme  des 
poissons.  Leur  apparition  presque  simultanée  au  XIIe  siècle  indique  bien  la 
transformation  accomplie  dans  les  estuaires  ;  les  bords  se  sont  fixés,  et  on 
a  pu  aménager  la  crique  pour  en  faire  un  refuge  de  bateaux.  Calais  est 
mentionné  en  1172  à  propos  d'une  rente  de  10.001)  harengs  1  ;  et  son  déve- 
loppement est  rapide  puisqu'on  13)2  il  revoit  une  église  distincte  de 
celle  de  St-Pierre,  et  qu'on  y  voit  déjà  une  léproserie  *.  Gravelines  existe 
comme  port  en  1100  et  on  débarquait  le  hareng  sur  son  territoire  dès 
1107  d'une  façon  régulière  ».  Dunkerque,  sous  Philippe  d'Alsace,  est 
également  un  port  de  pèche  pourvu  de  murailles  5.  Nieuport  est  fondé  au 
XIIe  siècle,  et  sa  keure  ou  charte  de  1103  parle  déjà  de  la  dime  des 
harengs,  sans  compter  les  autres  poissons 

Cependant  le  fond  des  criques  s'envase.  Les  golfes  deviennent  schorres  ; 
les  monastères  y  établissent  des  bergeries,  puis  les  endiguent.  Pour 
no  pas  laisser  la  haute  mer  revenir  sur  les  terres  qu'elle  a  quittées,  on 


1  Ha  ignoré  (I).),   Quelques  chartes  inédites  concernant  les  abbayes,  les  prieurés, 
ou  les  paroisses  de  l'ancien  Boulonnais.  (Mém.  Soc.  Ae.  Boni.,  XIII.  p.  421). 
î  Haigneré,  St-Bertin.  I,  p-  2M,  n-  5<tf. 

3  Cf.  charto  de  Thierry  d'Alsace,  reproduite  dans  un  vidimusdo  12»>T>  (Arch.  Nord,  H. 
l">f>i,  1"  Cartulaire  de  Flandre,  pièce  44). 
*  Coussemaker.  Hourbourg,  I,  p.  4,  n°  Y. 

5  «  Burgenses  de  novo  oppido  de  Dunkerca  »  (1188).  —  Cf.  Derode,  Histoire  de 
Dunkerque.  (Dunkerque.  1856,  in-8"),  p.  100. 

»  Van  de  I'utte  (F.),  Pèche  du  hareng  sur  les  côtes  de  Flandre  au  moyen -iVe  ( Ann. 
Soc.  Ern.  Br.,  2'  sërio,  III,  lX4f>,  pp.  33!>-343).  La  keure  mentionne  comme  vendus 
sur  le  marche  :  saumons,  maquereaux,  cabillauds,  aiglefins,  plies,  dorades,  turbots. 


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236  LA  COTE.  -  LES  PORTS 

construit  à  l'extrémité  de  la  crique,  à  l'endroit  où  se  déversent  les  eaux  de 
l'intérieur,  une  écluse  à  portes  de  flot.  Pendant  la  marée  haute,  les  eaux 
douces  s'accumulent  en  arrière  ;  à  mer  baissante,  les  portes  s'ouvrent,  les 
eaux  douces  s'écoulent  dans  la  crique,  et  leur  courant  chasse  vers  le  large 
les  alluvions  accumulées  dans  le  port.  A  Nieuport,  c'est  en  1294  1  qu'on 
établit,  dans  ces  conditions,  l'écluse  de  Nieuwendamme  ;  à  Gravelincs,  les 
travaux  du  port  datent  probablement  des  premières  années  du  XVe  siècle. 
Les  chasses  d'eau  douce  obtenues  par  ce  procédé  étaient  d'autant  plus 
nécessaires  que  la  crique,  qui  se  comblait  au  fond,  s'obstruait  du  côté  du 
large.  La,  sous  l'action  du  gain  de  flot,  la  rive  occidentale  croissait  cons- 
tamment vers  l'Est,  transformant  la  crique  en  lagune.  tas  dunes  de 
Sangatte  marchaient  vers  Calais,  si  bien  qu'en  1407  on  pouvait  déjà  y 
établir  le  Risban  1  ;  les  dunes  d'Oye  s'avançaient  vers  Loon,  et  derrière 
elles  s'asséchait  la  Lampernesse  ;  les  dunes  de  Synthe  vers  Dunkerque, 
tandis  que  celles  de  Nieuporl-Bains  se  formaient  devant  la  digue  du  Comto 

Jean.  Pour  garantir  l'entrée, 
il  fallut  établir  des  palissades 
de  bois  qui  empêchèrent  tant 
bien  que  mal  l'envahissement 
des  sables,  et  délimitèrent  le 
chenal.  Plus  tard,  ces  palis- 
sades devinrent  les  jetées, 
taur  présence  était  particu- 
lièrement nécessaire  à  Calais 
et  à  Dunkerque,  où  la  crique 
n'était  pas  suffisamment  net- 
toyée par  les  chasses  que 
fournissaient  les  eaux  inté- 
rieures, tandis  que  Gravelinos 
et  Nieuport  disposaient  du 
débit,  plus  abondant,  d'une 
rivière.  Ce  sont  ces  palissades 
qu'on  aperçoit  sur  les  anciens  plans  représentant  Calais  sous  le  règne 
de  Henri  VIII 3,  et  Dunkerque  au  XVe  siècle  *.  Ces  amorces  de  jetées 

»  Cf.  p.  160. 

*  Aron,  Port  de  Calais,  p.  202. 

;»  Plans  copiés  au  Brilish  Muséum  ;  les  reproductions  conservées  à  la  Bibliothèque 
municipale  de  Calais.  —  Voir  également  pour  Calais  l'excellent  travail  de  l^nnel  (F.), 
Calais  par  l'image,  (Calais,  Peumery,  10()f>)  ;  2  fascicules  parus. 

»  Cf.  Derode,  Histoire  de  Dunkerque,  p.  13<î. 


Km.  'ir>.  —  Port  de  Calais  d'après  la  carte  de 
Thomas  Pettyt,  Octobre  de  la  37°  année  du 
rèfîne  de  Henri  VIII  (l.Vtli). 

(Nibliolheque  de  Calais,  II,  16] . 


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LES  TRANSFORMATIONS  DES  PORTS  NATURELS  237 


orientent  l'ouverture  du  chenal  vers  le  N.-E.  En  effet,  sous  l'effort  des 
sables  en  marche  vers  l'Est,  l'ouverture  des  criques  avait  dévié  de  plus 
en  plus  dans  cette  direction  ;  à  Calais  elle  s'insinuait  dans  la  mer  derrière 
le  Risban  ;  à  Gravelines,  le  long  des  dunes  de  Ix>on  ;  à  Dunkerque,  au 
delà  du  Scheurken.  C'est  cette  direction  que  l'on  retrouve  encore  dans 
les  anciens  bassins  de  Calais,  au  Nord  de  la  ville,  dans  le  port  de  Grave- 
lines, et  dans  les  vieux  bassins  de  Dunkerque,  perpendiculaires  au  chenal 
actuel.  \ja  crique  intérieure  avait  fini  par  prendre  la  forme  d'une  vaste 
poche,  communiquant  avec  la  mer  par  une  étroite  ouverture  en  biais, 
semblable  à  un  grau  des  lagunes  languedociennes. 

Enfin  la  crique  finit  par  s'envaser.  Les  chasses  d'eau  douce  étaient 
insuffisantes.  Mais  pourquoi  n'utiliserait-on  pas,  en  même  temps  que  les 
eaux  de  l'intérieur,  la  puissance  de  chute  que  représentait  l'amplitude  de 
la  marée?  On  n'avait  qu'à  établir  au  débouché  de  la  crique  vers  la  mer  de 
nouvelles  portes  d'écluse  ;  à  mer  haute,  on  laissait  les  eaux  entrer  dans 
l'espace  compris  entre  les  deux  paires  de  portes,  puis  on  refermait  les 
pertuis.  Quand  la  mer  était  près  d'être  basse,  on  rouvrait  et  on  laissait 
échapper  la  masse  d'eau  accumulée,  qui  balayait  les  alluvions  du  chenal. 
Grâce  à  la  hauteur  de  la  marée  dans  les  ports  flamands,  on  obtenait  ainsi  une 
chute  considérable  qui  creusait,  particulièrement  aux  abords  de  l'écluse 
nouvelle,  une  souille  profonde  où  prirent  l'habitude  de  venir  mouiller  les 
grands  bateaux.  I,e  bassin  de  chasses  était  créé.  Inapplicable  sur  les  côtes 
de  Hollande,  où  l'amplitude  de  la  marée  était  trop  faible,  le  procédé  sauva 
les  ports  flamands  de  l'envasement,  et  leur  permit  d'attendre  les  procédés 
plus  perfectionnés  de  la  fin  du  XIXe  siècle.  Gravelines  et  Nieuport,  où  les 
chasses  d'eau  douce  paraissaient  suffisantes,  ne  l'appliquèrent  pas  ;  mais 
il  fut  le  salut  de  Calais  et  de  Dunkerque.  A  Calais,  ce  fut  la  grande  crique 
de  Nieulay  qui  servit  de  bassin  de  chasses  ;  à  Dunkerque,  où  la  crique  était 
complètement  oblitérée,  on  se  servit  du  canal  de  Bergues,  dans  lequel  les 
eaux  salées  furent  introduites  à  chaque  marée. 

On  gagna  ainsi  le  XVIIe  siècle.  Le  tonnage  des  navires  grandissait;  de 
nouvelles  améliorations  étaient  nécessaires.  L'un  des  plus  gros  défauts  de 
ces  ports,  c'était  la  direction  N.-E.  du  chenal  d'entrée.  En  effet,  obligés 
pour  y  pénétrer  d'attendre  la  marée,  les  bateaux  se  présentaient  devant 
le  chenal  lorsque  le  courant  de  flot  portail  vers  l'Est,  c'est-à-dire  à  l'opposé 
de  la  direction  à  prendre.  1*1  fréquence  des  vents  d'Ouest,  qui  entraînaient 
les  embarcations  dans  la  même  direction  contraire  à  leur  but,  venait  ajouter 
aux  difficultés.  Ainsi  l'orientation  du  chenal  vers  le  N.-E.,  produit  naturel 
du  régime  de  la  côte,  était  la  plus  mauvaise  possible,  d'autant  que  la 
plupart  des  navires  venaient  de  l'Ouest,  à  cause  des  bancs  qui  barrent  le 


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LA  COTE.  -  LES  PORTS 


chomin  à  l'Est.  Las  do  voir  los  bâtiments  obligés,  pour  attaquer  le  chenal, 
de  manœuvrer  contre  vent  et  marée,  on  so  résolut  à  changer  la  direction 
de  rentrée.  Ce  fut  Yauban  qui  donna  l'exemple  en  lançant  hardiment  à 
travers  le  Soheurken  los  jetées  de  Dunkerque  ;  on  dévia  dans  le  même  sens 
l'entrée  du  port  de  Calais, 'et  en  1742  on  perça  entre  Gravolines  et  la  mer 
le  canal  du  Fort-Philippe.  Ainsi  les  chenaux  des  ports  lurent  désormais  à 
peu  près  orientés  dans  la  direction  des  vents  dominants  :  «  attention  bien 
essentielle  à  avoir  quand  il  s'agit  d'orienter  ces  sortes  de  canaux,  dit 
Helidor,quand  on  a  la  liberté  de  les  disposer  heureusement  » 

Cette  nouvelle  disposition  avait  un  défaut.  Lapasse  ainsi  orientée  s'obs- 
truait rapidement.  Déviés  devant  les  jetées  qui  leur  barraient  ainsi  la 
route,  les  courants  de  marée  produisaient  des  mouvements  tourbillonnaires 
qui  amenaient  les  sables  et  les  vases  devant  les  musoirs.  Par  les  forts  coups 
de  vent  d'Ouest,  les  sables  enlevés  de  la  plage  et  des  dunes  s'envolaient 
par-dessus  les  jetées  et  venaient  tomber  dans  le  chenal.  Entin  lesalluvions 
accumulées  à  l'Ouest  devant  l'obstacle  des  jetées  élargissaient  l'estran  de  ce 
côté,  et  venaient  dépasser  rentrée.  Do  nouveau  se  formait  a  l'extrémité  des 
jetées  une  passe  extérieure,  elle  aussi  déviée  vers  l'Est,  dont  la  présence 
semblait  rendre  inutile  le  travail  considérable  qu'on  venait  d'accomplir. 
Différents  remèdes  furent  tentés  au  cours  du  XIXe siècle.  On  perfectionna 
los  chasses.  A  Gravolines,  on  utilisa,  pour  la  remplir  d'eau  de  mer,  la  vaste 
capacité  des  fossés  de  la  place.  A  Dunkerque,  on  crousa  en  1827  un  bassin 
do  chasses  spécial  (bassin  Hecquet)  au  Nord  du  port,  juste  à  l'extrémité  du 
chenal.  A  Calais,  il  fallut  songer  à  on  faire  autant:  la  grande  crique  de 
Nieulay  s'était  complètement  attorrie  en  quatre  siècles;  les  salines  Mouron 
avaient  été  endiguées  en  1770;  ce  qui  restait  fut  réduit,  d'un  tiers  en  181 1 
par  la  mise  en  culture  du  polder  Bodart,  malgré  les  protestations  des 
Calaisiens,  qui  jugeaient  insuffisantes  les  chasses  fournies  par  l'eau  des 
fossés  do  la  place  et  par  ce  qui  subsistait  de  la  crique.  Cependant  on 
retarda  jusqu'en  1880  la  construction  du  grand  bassin  de  chasses  de  90  Ha 
situé  à  l'Est  du  port  ;  on  s'était  avisé  d'un  autre  procédé  :  allonger  les  jetées 
vers  les  grandes  profondeurs  des  rades. 

On  avait  compté  sans  le  régime  particulier  de  la  plage.  Tandis  que  le 
prolongement  des  jetées  d'Ostende  amenait  avec  succès  l'entrée  du  chenal 
jusqu'aux  profondeurs  désirées,  les  estacades  de  Duukerque,  de  Gravolines 
et  de  Calais  voyaient  l'estran  accompagner  leur  marche,  et  les  profondeurs 
fuir  leur  approche.  D'autres  tentatives  intéressantes  avaient  lieu  ;  à  Calais, 


«  Holidor.  Architecture  hydraulique,  l  (1788,  in-4"). 


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LES  PORTS  ARTIFICIELS 


2tt 


on  labourait  la  barre  avec  de  grandes  herses,  pour  offrir  à  l'action  des 
chasses  un  dépôt  plus  meuble.  A  Dunkerque,  pendant  une  dizaine  d'années, 
on  halaitdans  le  prolongement  de  la  jetée  de  l'Kst  3iH>  mètres  de  guideaux 
que  l'on  échouait  à  marée  basse;  l'eau  des  chasses,  rejetée  ainsi  vers 
l'Ouest,  attaquait  les  sables  dans  cette  direction  et,  pour  quelques  semaines, 
redressait  la  passe  A  Nieuport,  on  a  expérimenté  une  herse  sur  laquelle 
étaient  fixés  des  tuyaux  émettant  des  jets  d'air  comprimé,  capables  de 
mettre  les  sables  en  suspension  et  de  préparer  ainsi  l'action  des  courants  *. 

Tous  ces  efforts  restèrent  à  peu  près  vains.  Les  chasses,  bonnes  pour 
dégager  les  parties  des  ports  susceptibles  de  s'envaser,  restaient  inutiles 
pour  l'attaque  de  la  barre  formée  à  l'extrémité  du  chenal  par  des  sables 
très  cohérents  et  fortement  agglomérés.  Cependant  il  fallait  une  solution, 
car  les  installations  intérieures  s'étaient  développées  pendant  qu'on 
tâtonnait  autour  du  cheual.  A  Calais  et  à  Dunkerque,  de  vastes  bassins  à 
flot  se  creusaient,  reliés  à  l'avant-port  par  de  gigantesques  écluses. 
Ciravelinos  et  Nieuport  tentaient  de  suivre  cet  exemple.  Cette  solution  fut 
l'utilisation  do  la  drague  à  aspiration,  familièrement  appelée  la  suceuse. 
Mise  en  service  à  Dunkerque  en  1877,  elle  donnait  bientôt  des  résultats 
tels  que  l'on  se  gardait,  au  cours  des  travaux  neufs  du  port,  de  recon- 
struire un  bassin  de  chasses.  A  Calais,  les  suceuses  employées  depuis  1880 
rendaient  inutile  lo  grand  réservoir  de  l'Kst,  achevé  en  1889  et  qui  n'a 
jamais  servi.  Ou  verra  qu'à  Ostende  leur  œuvre  a  été  plus  remarquable 
encore. 

L'emploi  des  dragages  est  la  dernière  transformation  subie  par  les  vieux 
ports  flamands.  11  fait  disparaître  le  bassin  de  chasses,  dernier  vestige  de 
la  crique  primitive.  Que  reste-t-il  aujourd'hui  qui  puisse  rappeler  les 
antiques  lagunes  du  X»"  siècle,  où  pénétraient  les  barques  des  pécheurs  de 
harengs  ?  Peu  de  chose  :  à  Calais  les  débris  do  la  crique  de  Nieulay;  à 
Dunkerque  et  à  Gravelines  l'orientation  des  vieux  bassins,  à  Nieuport  le 
cours  tortueux  du  «  anal  de  Nïeuwendamme.  De  transformations  en  trans- 
formations,les  havres  naturels  de  la  côte  flamande  ont  fini  par  ressembler 
aux  ports  artificiels  ;  il  est  bien  difficile  de  les  en  distinguer  aujourd'hui. 

Ports  artificiels. 

L'histoire  de  ces  ports  artiticiels  est  diverse.  L'un,  Zeebrugge,  construit 
tout  d'une  pièce  A  l'extrémité  d'un  canal  de  grande  navigation  qui  mène  à 


i  De  Mcy,  Porte  en  plage,  pp.  206-207. 
*  Ibid.  p.  210. 


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240 


LA  COTE.  -  LES  PORTS 


Bruges,  n'est  pas  encore  complètement  terminé.  I,e  second,  Blanken- 
berghe,  réclamé  dès  1763  à  Marie-Thérèse,  a  été  construit  de  1862  à  1872; 
c'est  un  petit  bassin  qui  ne  sert  qu'à  abriler  les  barques  des  pêcheurs.  Au 
contraire  Ostende  a  eu  une  destinée  compliquée  dont  l'évolution  est  aussi 
curieuse  à  étudier  que  celle  des  ports  naturels  Aucune  crique  n'abou- 
tissait à  Ostende.  I/es  pêcheurs  de  harengs  qui  furent  ses  promiers  marins 
échouaient  d'abord  leurs  barques  sur  la  plage,  comme  le  font  encore 
aujourd'hui  ceux  de  la  Panne  et  de  Heyst.  (le  fut  eu  1 445 quo  les  Ostendais 
obtinrent  de  Philippe  le  Bon  l'autorisation  de  creuser  un  havre  en  arrière 
de  la  digue  du  Franc  à  l'abri  de  laquelle  la  ville  avait  commencé  de  se 
réfugier  en  1394  ;  ce  port,  qui  ressemblait  probablement  à  celui  que  nous 
voyons  à  Blankenberghe,  fut  établi  à  l'Ouest  de  la  ville,  à  peu  près  au  droit 
du  Kursaal  actuel.  Très  exigu,  ouvert  au  N.-E.,  il  n'était  ni  commode  ni 
profond.  Il  fallut  les  malheurs  du  grand  siège  de  1601  pour  doter  Ostende 
d'un  |R>rt  plus  vasle.  Afin  d'enlever  aux  Espagnols  la  seule  voie  d'accès 
dont  ils  pussent  disposer  pour  attaquer  la  ville,  les  Hollandais  firent  raser 
les  dunes  de  l'Est.  I.a  mer  se  précipita  par  l'ouverture,  inonda  la  plaine  aux 
fortes  marées  jusqu'à  Oudenbourg,  Snaeskerkeet  taffinghe,  et  forma  une 
vaste  crique  intérieure  dont  les  chasses  approfondissaient  l'ouverture.  Et 
ainsi,  lorsque  le  siège  fut  terminé,  on  abandonna  l'ancien  havre  et  la  crique 
de  l'Est  devint  le  nouveau  port  d'Ostende.  Ia>  chenal  avait  déjà  28  pieds 
de  profondeur. 

Alors  pendant  deux  siècles,  l'histoire  du  port  est  celle  de  ses  chasses. 
Le  chenal  est  d'abord  si  profond  qu'en  1612  on  croit  pouvoir  endiguer 
une  partie  de  la  crique  ;  à  l'Est  on  construit  la  Groenendyk  pour  préserver 
Breedene  à  l'Ouest  la  digue  de  Fort-Alberlus  à  Oudenbourg  ;  entre  les 
deux,  la  digue  de  Zandvoordo  (1626).  On  réduit  ainsi  le  volume  d'eau  qui 
pénètre  à  chaque  marée  dans  la  crique.  Les  résultats  en  sont  déplorables 
pour  le  chenal,  au  point  qu'on  rouvre  aussitôt  (1627)  le  polder  de 
Zandvoorde.  On  le  referme  en  1631,  et  l'on  constate  en  1662  qu'on  ne 
trouve  à  marée  basse  que  deux  pieds  d'eau  (O^ôô)  dans  la  passe.  On 
ouvrit  donc  pour  la  seconde  fois  le  polder  de  Zandvoorde,  et  en  1698  on 
avait  jusqu'à  13"' ,75  de  profondeur  dans  le  port,  à  marée  basse.  C'était 
trop,  et  l'on  pouvait  craindre  des  accidents  :  que  cette  fosse  se  rapprochât 


'  Une  grande  partie  des  détails  sont  empruntés  à  Belpaire,  (Notice  historique  sur  la 
ville  el  le  port  d'Ostende),  et  vérifiés  dans  Friein,  Précis  analytique.  Voir  également: 
Pasquini,  Histoire  de  la  ville  d'Ostende  et  du  pon.  (Bruxelles,  Ucroix,  2«  éd.,  18Trt  ; 
in-8°,  371")  p.,  2  cartes). 

1  Oilliodts,  Coutumes  du  Franc  de  Bruges,  III,  pp.  235-230. 


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LF.S  PORT?  ARTIFICIELS 


241 


de  la  ville,  el  elle  on  aurait  fait  tomber  les  murs.  I^e  polder  refermé  on 
1700,  on  vil  l'envasement  reprendre,  si  bien  qu'en  1721  on  se  décidait  à 
remettre  sous  l'eau  des  terres  nouvelles,  moins  colmatées  que  celles  de 
Zandvoorde:  839  mesures  sur  Snaeskerkc,  181  sur  Steene,  quelques-unes 
sur  Leffinghe 1  :  ce  fut  la  crique  de  Steene,  qui  subsista  jusqu'au  XIXe  siècle. 


Fig.  4li.  —  Port  d'Ostende.  U  crique  de  Steene  an  XVIII"  siècle, 
d'si  près  la  carte  de  Ferrari  s. 


Elle  rendit  d'abord  au  port  les  profondeurs  de  1698  ;  mais  elle  s'envasa 
elle-même  peu  à  pou.  En  1744  on  endiguait  le  polder  Sainte-Catherine. 
Sous  la  Révolution,  le  comblement  de  la  crique  était  à  pou  près  achevé  s; 
eu  1790,  il  n'y  avait  plus  que  0n',30  d'eau  a  marée  basse  sur  la  barre,  et 
les  sables  comblaient  le  chenal.  En  1803,  on  constatait  que  la  criquo  de 


«  Prieni,  Précis  analytique,  2"  série,  V,  pp.  HH-lfi4. 

2  l.e*  détails  sont  empruntés,  à  partir  de  cette  date,  ù  Vifquaiu,  Des  Voies  navigables 
en  Belgique  (Bruxelles.  Devruye,  1842,  in-4",  4U4  p.). 

10 


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242 


LA  COTE.  -  LES  FORTS. 


Steene  n'était  plus  couverte  qu'aux  équinoxes.  I,e  premier  Consul,  en 
messidor  an  XI  (juillet  1803),  la  faisait  barrer,  et  l'endiguemcnt  en  était 
achevé  au  début  de  l'an  XII  *.  Les  grands  horizons  nus,  complètement 
dépourvus  d'arbres,  des  polders  de  Snaeskerke  et  de  Keygnaert,  en 
occupent  aujourd'hui  l'emplacement  ;  des  digues  basses,  quelques  criques 
encombrées  de  roseaux,  sont  les  dernières  traces  de  l'invasion  marine  ; 
mais  cet  ancien  golfe  a  conservé,  de  son  état  maritime,  la  largeur  des 
horizons.  De  Snaeskerke  aux  anciens  remparts  d'Ostende,  rien  que  la 
terre  grise,  quelques  toits  rouges"  et  des  moules  ;  c'est  un  des  plus  vastes 
horizons  de  la  plaine.  Ui  crique  disparue,  on  ne  garde  qu'un  bassin  de 
chasses,  dont  le  jeu  est  assuré  par  l'écluse  de  l'Empereur,  et  dont  l'effica- 
cité est  encore  insuffisante.  On  y  adjoint  en  1&Î0-21  une  nouvelle  écluse 
de  chasses,  l'écluse  Militaire,  enfin  on  prolonge  on  mer  les  jetées  de  1834 
à  1839.  Ainsi,  tout  artificiel  qu'il  est,  le  port  d'Ostende  est  passé  par  les 
mêmes  phases  que  les  ports  naturels  de  l'Ouest  ;  mais  ayant  conservé 
plus  longtemps  qu'eux  une  vaste  crique  en  arrière,  il  s'est  toujours  trouvé 
sur  eux  en  retard  d'une  période  ;  il  possède  encore  des  bassins  de  chasse, 
disparus  ou  inutilisés  à  Calais  et  Dunkerque,  et  le  nouveau  port,  achevé 
en  ce  moment  même,  en  est  pourvu. 

II. 

CARACTERES  DES  I>ORTS. 

Naturels  ou  artificiels,  anciens  ou  récents,  tous  ces  ports  flamands  ont 
un  grand  ennemi,  l'envasement.  Avec  ses  eaux  jaunâtres  chargées  d'allu- 
vions,  la  mer  flamande  a  vite  fait  de  combler  les  parties  des  ports  où  l'eau 
est  tranquille.  Le  bassin  à  flot  de  Nieuport,  creusé  a  la  cote  —  2ro,90, 
s'envasait  de  O1"^  par  mois  dans  le  premier  trimestre  de  sa  mise 
en  service,  de  0m,2T>  eu  moyenne  dans  le  reste  de  l'année  ;  au  bout  d'un 
an,  le  plafond  était  à  la  cote  0.  A  Ostende,  le  petit  chenal  de  l'écluse  de  la 
Marine,  creusé  en  1887  jusqu'à  la  cote  —  4  métras,  était  envasé  en  1888 
jusqu'à  0  mètre;  l'exhaussement  était  de  4  mètres  en  un  an.  A  Blanken- 
berghe,  l'épaisseur  des  dépôts  à  enlever  du  petit  bassin  s'élève  chaque 
année  à  1  mètre  environ  *.  Rien  que  dans  l'année  1899,  on  a  extrait  de 
l'intérieur  du  port,  à  Ostende,  2Ô0.U0U  mètres  cubes  de  déblais  3.  Quel  est 


1  Arch.  Nat.  F«*  1112. 

2  Do  Mey,  Ports  en  plage,  pp.  2Î#,  303,  305. 

3  Installations  maritimes  belges,  p.  87. 


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LES  PORTS  I)K  I /OUEST  MIEUX  ABRITÉS 


lo  remède  ?  Chasses  ou  dragages  ?  Les  ingénieurs  sont  divisés  sur  ce  point. 
Les  Belges  estiment  que  les  chasses  restent  le  moyen  le  plus  efficace  do 
combattre  l'envasement  à  l'intérieur  des  ports  ;  et  ils  ont  construit  à 
Ostendo  un  nouveau  bassin  de  retenue  de  80  hectares.  Les  Français, 
pourtant  favorisés  par  une  amplitude  de  marée  considérable,  emploient  la 
drague  à  godets  a  nettoyer  leurs  bassins  ;  et  la  modicité  du  prix  actuel 
des  dragages  est  en  effet  un  argument  sérieux,  qui  peut  faire  négliger 
l'encombrement  apporté  par  les  dragues  dans  le  mouvement  du  port. 

Cet  inconvénient  mis  à  part,  les  ports  flamands,  quelle  que  soit  leur 
origine,  ont  des  qualités  très  différentes.  En  réalité,  il  n'y  en  a  pas  deux 
qui  se  ressemblent  complètement.  Ce  qui  favorise  l'un  désavantage 
l'autre.  Indépendamment  d«>s  avantages  que  peut  présenter  pour  tels 
d'entre  eux  h\  présence  d'un  beau  réseau  de  communications  avec 
l'intérieur,  la  proximité  d'un  vaste  foyer  industriel,  la  facilité  du  passage 
vers  un  grand  pays  voisin,  la  nature  leur  a  donné  à  chacun  des  qualités 
et  des  défauts  particuliers. 

Les  Ports  de  l'Ouest  mieux  abrités. 

I^es  ports  de  l'Ouest,  de  Calais  à  Nieuport,  ont  le  très  grand  avantage 
d'être  abrités  de  la  houle  du  large  par  les  bancs  do  Flandre.  Les  vagues, 
qui  ont  passé  sur  des  hauts-fonds  très  élevés,  et  s'y  sont  écrasées  en 
déferlant,  voient  leurs  ondulations  s'amortir  encore  dans  les  fosses 
profondes  qui  se  creusent  entre  les  bancs;  leur  violence  est  fortement 
apaisée  quand  elles  atteignent  la  côte.  La  dernière  de  ces  fosses,  entre  le 
rivage  et  le  banc  qui  en  est  le  plus  rapproché,  constitue  donc  une  rade  qui 
forme  un  véritable  avant-port,  où  les  flots  sont  relativement  tranquilles  ; 
excellente  condition  pour  les  navires  qui  attendent  que  la  marée  leur 
permette  d'attaquer  le  chenal.  Calais  n'est  défendu  que  par  les  Bidens  de 
Calais  et  de  la  Rade,  sur  lesquels  il  reste,  en  basse  mer  d'équinoxe, 
6m,30  d'eau  ;  et  si  la  rade  est  profonde,  et  conserve  à  marée  basse  plus  de 
10  mètres  d'eau,  la  protection  n'est  peut-être  pns  suffisante.  Gravelines 
est  déjà  mieux  gardé  par  la  double  rangée  de  l'Out-Ruylingen  et  du 
West-Dyck.  Mais  la  situation  la  meilleure  est  celle  de  Nieuport  et  do 
Dunkerque.  I,a  rade  de  Nieuport,  ou  West-Diep,  protégée  vers  le  N.-W. 
par  le  Smal-Bank,  le  Buiten-Ralel  et  le  Dvck,  vers  le  Nord  par  le  banc  de 
Nieuport  et  le  Kwinte-Bank,  est  la  meilleure  du  littoral  belge.  Elle 
présente  tout  au  long  des  profondeurs  de  10  mètres  ;  elle  est  large  ;  les 
fonds  y  sont  d'une  bonne  tenue.  Trois  passes  la  mettent  en  communication 


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LA  COTE.  -  LES  PORTS. 


avec  la  haute  mer  :  une  à  l'Ouest,  vers  Dunkerque,  qui  est  la  passe  de 
Zuydcoote;  une  au  Nord,  entre  le  Smal-Hank  et  le  banc  de  Nieuport,  et 
dont  les  profondeurs  sont  de  8  à  9  mètres  ;  une  au  N.-E.,  entre  ce  dernier 
banc  et  le  Stroom,  et  où  l'on  sonde  au  moins  7,n,50.  Cependant  elle  ne 
vaut  pas  encore  la  rade  de  Dunkerque.  I.a  passo  la  mieux  orientée,  celle 
de  Zuydcoote,  avec  sa  profondeur  minima  de  6  mètres,  n'est  accessible 
pour  les  gros  bateaux  qu'à  marée  haute  ;  et  les  deux  autres  passes,  qui 
sont  plus  profondes,  sont  plus  difficilement  praticables  à  cause  de  la 
direction  des  vents  dominants. 

\j&  fosse  de  Dunkerque  est  la  rade  privilégiée  du  littoral  flamand.  Si  elle 
ressemble  en  gros  à  celles  de  Nieuport,  de  Gravelines,  d'Ostende,  elle 
possède  des  caractères  beaucoup  plus  accentués.  Située  justo  à  l'endroit 
où  le  flot  de  la  Manche,  gêné  par  les  courants  contraires  de  la  mer  du 
Nord,  dépose  ses  plus  grandes  quantités  de  matériaux,  elle  est  protégée 
des  vagues  du  large  par  les  bancs  qui  forment  devant  elle  comme  une 
sextuple  rangée  de  murailles.  Large  de  plus  d'un  kilomètre,  longue 
d'une  vingtaine,  elle  présente  sur  toute  son  étendue  une  profondeur 
de  12  à  15  mètres.  Aussi  les  plus  gros  navires  peuvent-ils  y  séjourner 
tranquillement,  presque  par  tous  les  temps,  et  peuvent  même  y  pro- 
céder aux  opérations  d'embarquement  et  de  débarquement  des  mar- 
chandises, sans  avoir  besoin  d'entrer  dans  le  port.  C'est  ainsi  que 
pendant  la  guerre  de  1870-71  les  plus  gros  cuirassés  français  y  ont 
séjourné  tout  l'hiver  sans  aucun  inconvénient,  et  qu'on  y  a  embarqué 
en  quelques  jours  20.000  hommes  de  l'année  du  Nord,  1.780  chevaux, 
60  pièces  de  canon,  220  voitures  militaires1.  La  rade  n'a  que  deux 
entrées,  dont  l'une,  la  passe  do  Zuydcoote,  a  une  assez  faible  profon- 
deur; mais  l'autre,  la  passe  de  l'Ouest,  a  l'avantage  d'être  profonde 
de  plus  de  10  mètres  sur  tout  son  parcours,  et  admirablement  orientée. 
Ce  sont  là  des  qualités  précieuses  pour  la  navigation,  et  depuis 
quarante  ans  on  s'est  attaché  à  les  développer  en  organisant  au  long  des 
passes  et  de  la  rade  un  remarquable  service  de  balisage  :  à  l'Est,  six  bouées 
jalonnent  la  passe  de  Zuydcoote  ;  à  l'Ouest,  les  deux  feux  flottants  du 
Dyck  et  du  Snouw,  a  éclats  espacés  ou  fixes,  14  bouées  en  tôle,  les  unes 
rouges,  les  autres  noires,  dont  8  munies  de  feux,  le  grand  phare  haut  de 
57  mètres  avec  éclairage  électrique  d'une  portée  de  20  milles,  les  feux 
fixes  des  niusoirs  et  celui  île  la  tour  du  Leughenaer  1  font  de  la  rade  une 


'  Plocij,  Dunkerque.  pp.  75-70. 

*  Dunkerque.  Son  port,  son  commerce  (  Notice  publiée  par  la  Chambre  de  Commerce  ; 
Exposition  universelle  «le  1900;  89  p.,  pl.,  cartes)  pp.  28-30. 


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LES  FI)  RTS  DE  I/O  L'EST  MIEUX  ABRITÉS 


245 


vraie  rue  bordée  do  poteaux  indicateurs  ot  de  réverbères,  où  l'on  peut, 
même  sans  pilote,  retrouver  son  chemin  jusqu'au  fond  du  port.  Ces 
qualités  de  rade  bien  fermée  avaient  fait  de  Dunkcrque  un  vrai  nid  de 
corsaires.  Ostende  et  Calais  ont  eu  les  leurs,  parce  que  la  situation  en 
face  do  l'Angleterre,  sur  le  grand  passage  de  la  navigation  européenne, 
invitait  à  la  guerre  de  course  ;  mais  nulle  part  les  corsaires  n'étaient  aussi 
favorisés  qu'à  Dunkerque.  Abritée  derrière  ses  bancs  aux  passages 
compliqués,  tortueux,  encombrés  de  culs-de-sac,  la  rade  n'avait  réellement 
que  deux  entréos,  faciles  à  surveiller,  par  où  on  voyait  venir  les  gêneurs, 
gros  vaisseaux  de  ligne  d'Angleterre  ou  de  Hollande,  dont  se  jouaient  les 
câpres,  bâtiments  légers  des  pirates  dimkerquois,  qui  forçaient  le  blocus 
en  bondissant  par-dessus  les  bancs  à  marée  haute,  au  milieu  de  l'écume  *. 

Ostende  est  loin  d'avoir  les  mêmes  avantages.  L»>s  abords  en  sont  mal 
défondus:  il  n'y  a  guère  devant  le  port  qu'un  banc,  le  Stroom,  où  l'on  ne 
sonde  que  2  à  3  mètres.  Or  la  présence  de  ce  banc  est  plus  nuisible 
qu'utile.  Soudé  du  côté  de  l'Est  à  la  plage,  il  ne  laisse  entre  le  rivage 
d'Ostemle  et  son  rebord  méridional  qu'une  rade  cul-de-sac,  étroite  et  peu 
profonde  :  5m,50  à  ()m,50  devant  la  ville,  avec  un  fond  de  vase  d'une  tenue 
médiocre.  Les  gros  navires  qui  ne  peuvent  songer  à  séjourner  dans  cette 
impasse  mal  abritée  ot  d'une  profondeur  insuffisante,  ne  trouvent  encore 
qu'un  mouillage  provisoire  dans  la  Grande  Rade,  où  l'on  sonde  10  à 
12  mètres,  mais  où  la  protection  des  bancs  fait  défaut,  si  bien  que  lorsqu'ils 
y  sont  surpris  par  un  gros  temps  du  S.-W.,  ils  s'empressent  de  prendre  le 
large  *.  Pour  améliorer  ces  fâcheuses  conditions  d'accès,  les  ingénieurs 
belges  ont  ou  l'audacieuse  idée  de  percer  le  banc  malencontreux  qui 
forçait  les  bateaux  à  un  immense  détour  et  qui  provoquait  l'envasement 
de  la  petite  rado.  On  creusa  à  travers  le  Stroom,  pendant  l'année  1890,  la 
passe  de  l'Ouest,  large  de  500  mètres  et  profonde  de  5m,50  à  0  mètres, 
balisée  par  les  deux  feux  de  Raversijde.  Le  résultat  a  été  si  satisfaisant, 
et  la  profondeur  de  la  passe  a  été  si  aisément  entretenue,  qu'on  entreprit 
en  1896  les  travaux  d'une  nouvelle  voie  d'accès,  la  Passe  directe,  qui 
coupe  le  Stroombank  au  N.-W.  d'Ostende,  et  permet  aux  navires 
d'attaquer  facilement  le  port  par  les  grands  vents  du  largo  ;  en  1000  ou  y 
sondait  au  moins  5m,50  sous  marée  basse  de  vive  eau  sur  3Ô0  mètres  de 
largeur.  Knfin  ce  double  succès  a  fait  entreprendre  la  passe  Est,  destinée 


•  Voir  les  extraordinaires  exploits  des  corsaires  dunkerquois  aux  XVII*-  et 
XVI11*  siècles  dans  Saint-Léger  (A.  de),  L-i  Flandre  maritime  et  Dunkerque  sous  la 
domination  française,  ltr/J-tT*'.!  (Lille.  Tallandier.  liKJO,  in-*',  171  p.),  pp.  3S0-31IK. 

*  De  Mey,  forte  en  plage,  p.  112. 


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LA  COTE.  -  LES  PORTS. 


à  empêcher  l'envasement  complet  de  la  petite  rade,  en  ouvrant  une 
nouvelle  issue  aux  courants  de  marée.  I,es  monceaux  de  sable  aspirés  sur 
le  Strooinbank,  transportés  sur  le  banc  de  Wenduyne,  paraissent  l'avoir 
élargi  sans  provoquer  un  notable  exhaussement  1  .  Ces  intéressants 
travaux  ont  sauvé  le  port  d'Ostende  qui,  s'il  reste  toujours  mal  abrité, 
au  moins  ne  deviendra  pas  impraticable. 

Le  manque  d'abri,  déjà  sensible  à  Oslende,  se  fait  encore  plus  sentir  à 
l'Est.  La  rade  do  Blankenberghe,  profonde  de  5  à  7  mètres  sur  des  fonds 
de  vase,  n'est  guère  protégée  des  vents  du  large  par  l'unique  banc  de 
Wenduyne,  dont  la  hauteur  n'est  pas  assez  considérable  pour  constituer 
un  obstacle  sérieux.  Au  delà,  il  n'y  a  plus  de  bancs  devant  Zeebrugge,  et 
la  rainure  de  l'Appelzak,qui  étend  jusqu'au  nouveau  port  ses  profondeurs 
de  7  à  8  mètres,  n'esl  plus  qu'une  rade  foraine.  D'autre  part  le  plateau  du 
Zand,  qui  sépare  cette  fosse  de  la  passe  des  Wielingen,  n'a  guère  que  5  à 
7  mètres  de  profondeur,  et  des  dragages  seront  nécessaires.  Ce  sont  là 
pour  le  nouveau  port  des  inconvénients  assez  graves,  et  les  tempêtes 
violentes  qui  ont  endommagé  et  retardé  les  travaux  peuvent  faire  craindre 
pour  la  sécurité  des  navires  abrités  derrière  le  môle. 

Une  question  se  pose  à  propos  de  ces  rades  :  ne  sont-elles  pas  suscep- 
tibles d'être  modifiées  par  les  courants  ?  Ne  peut-on  pas  craindre  de 
voir  la  belle  rade  de  Dunkerque  se  eorabler  peu  à  peu,  et  le  Braeckse 
joindre  à  la  côte  comme  jadis  le  Scheurken  ?  On  y  a  souvent  songé,  et  on 
a  qualifié  parfois  de  «  rades  de  l'avenir  »  les  autres  fosses  situées  au  Nord 
de  la  rade  actuelle.  Cependant  il  ne  semble  pas  que  cette  crainte  soit  de 
si  tôt  réalisée.  Ix)  passé  nous  est  ici  garant  de  l'avenir.  Les  pécheurs  de 
Nieuport  avaient  déjà  fait  remarquer  en  1770  à  l'abbé  Mann  que  les 
bancs  et  les  fosses  ne  subissaient  aucun  changement  appréciable  s.  Les 
relevés  de  précision  dressés  depuis  1801  donnent  les  mêmes  résultats. 
Pas  de  bancs  nouveaux,  pas  de  fosses  nouvelles;  et  les  fonds  de 
20  mètres  en  particulier  ne  paraissent  pas  avoir  bougé.  Le  cri  d'alarme 
poussé  en  18(34  par  M.  Jonglez  de  Ligne  n'a  pas  eu  d'écho 3.  Cet  ingénieur 
craignait  de  voir  la  rade  de  Dunkerque  s'ensabler  par  l'Est,  et  le  Ilot 
creuser  entre  le  Snouw  et  le  Braeck  uno  nouvelle  passe  par  où  les 


<  Van  der  Schueren,  Travaux  exécutas  récemment  et  en  cours  d'oxécution  à 
l'atterrage  et  au  port  d'Ostende  (Vlllr  Congrès  international  de  Navigation,  Paris,  lî»O0, 
28  p.,  5  pl.). 

1  Abbé  Mann,  Histoire  naturelle  de  la  mer  du  Nord,  pp.  i i — i i *2- 
3  Jonglez  de  Ligne,  La  Rade  de  Dunkerque  (Revue  maritime  et  coloniale,  1864, 
20  p.,  1  carte). 


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LES  PORTS  DE  L'OUEST  MIEUX  AHRITÉS 


247 


courants  déserteraient  la  rade.  Il  n'en  a  rien  été.  Mêmes  constatations 
pour  la  rade  de  Nieuport,  dont  les  passes  septentrionales  se  seraient  plutôt 
améliorées  ;  tout  au  plus  le  Traopegeer  s'est-il  rapproché  légèrement  de 
la  côte.  Les  transports  d'alluvions  sont  pourtant  fréquents,  constants 
môme,  dans  la  mer  flamande,  mais  ils  se  réduisent  à  des  échanges  qui 
aboutissent  à  un  véritable  équilibro  :  les  courants  giratoires,  qui  se  pro- 
duisent deux  fois  par  jour  devant  le  littoral,  entretiennent  d'une  manière 
continuo  la  formation  des  bancs  aux  dépens  des  plages,  et  l'ensablement 
des  plages  aux  dépens  des  bancs  *.  On  n'a  pu  constater  de  changements 
que  dans  l'Est.  Devant  Ostende,  le  Stroombank  laissait  encore  en  1801  une 
passe  de  8  mètres  environ  de  profondeur,  par  où  l'on  pouvait  sortir  de  la 
petite  rade  ;  en  1866,  le  banc  s'est  allongé  vers  l'Est,  et  a  réduit  la  passe  à 
5m,30  de  profondeur;  la  petite  rade  s'envase.  En  1882,  le  Stroombank 
touche  à  la  côte,  la  passe  de  l'Est  est  disparue,  et  la  profondeur  de  la 
rade  diminue  jusqu'à  5m,70  devant  Ostende  *.  C'est  là  le  grand  danger 
que  l'on  essaie  de  conjurer  en  rouvrant  artificiellement  une  passe  do 
l'Est  à  travers  le  banc.  A  l'embouchure  de  l'Escaut,  les  variations  ont  été 
plus  favorables  ;  la  grande  passe  des  Wielingen  s'est  approfondie,  en 
absorbant  les  petits  bancs  de  Kadzand  et  de  Buiten-Paardemarkt  qui 
l'encombraient  ;  le  Binnen-Paardemarkt  s'est  serré  plus  près  de  la  côte, 
s'allongeant  légèrement  vers  l'Ouest,  ainsi  que  la  fosse  de  l'Appelzak. 
M.  de  Mey  ne  voit  là  qu'un  mouvement  oscillatoire,  tandis  que  M.  Van  Mierlo 
conclut  à  un  transport  vers  l'Ouest 3,  et  prédit  pour  le  nouveau  port  de 
Zeebruggc  les  pires  ennuis  :  sous  l'influence  de  ce  transport  vers  l'Ouest, 
le  banc  du  Hompel  sera  peu  à  peu  rongé  par  le  jusant  et  transporté  sur  le 
banc  du  Zand,  qui  va  s'exhausser;  le  Paardemarkt  va  s'allonger  vers 
l'Ouest  et  venir  joindre  le  banc  de  Wenduyne  ;  l'Appelzak  va  se  combler 
lentement,  ("est  peut-être  beaucoup,  et  les  changements  survenus  depuis 
un  siècle  dans  l'estuaire  ne  paraissent  pas  autoriser  des  craintes  aussi 
sérieuses.  Cependant  c'est  là,  d'Ostende  à  Breskens,  la  seule  partie  de  la 
côte  flamande  où  l'on  ne  peut  être  complètement  sûr  du  lendemain. 


«  Plocq,  Courants,  pp.  113-124.  —  Cf.  chapitre  VII,  p.  122. 

1  Déjà  l'on  proposait  de  construire  sur  lo  Stroom  une  digue  analogue  à  celle  de 
Cherbourg,  un  breakwater,  pour  augmenter  dans  la  petite  rade  la  force  dos  courants. 
Voir  à  ce  sujet  de  Mey,  Ports  en  plage,  pp.  31H-.J22. 

3  De  Mey,  Ports  en  plage,  p.  ITû  ;  —  Van  Mierlo  (C.-J.),  Etude  sur  le  régime  de  la 
côte  devant  le  nouveau  port  de  Heyst  (Ann.  Assoc.  Ingénieurs  Garni.  XX,  18ÎKKI7, 
pp.  5-<>4,  0  pl.). 


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248 


LA  COTE.  -  LES  FORTS 


Les  Ports  de  l'Est  moins  encombrés 

Mais  si  les  ports  de  l'Est  sont  dessorvis  par  le  manque  d'abri  du  côté  du 
large  et  par  l'inconstance  des  fonds,  en  revanche  ils  sont  beaucoup  moins 
exposas  que  les  porls  de  l'Ouest  à  d'abondants  transports  de  sable,  et  par 
suite  beaucoup  moins  encombrés.  Le  vaste  estran  qui  s'Elargit,  de  Calais 
à  Nieuport,  à  l'abri  de  la  ligne  des  bancs  de  Flandre,  est  une  perpétuelle 
menace  pour  les  chenaux.  Moins  fortes  que  celles  d'Ostende,  les  lames  de 
Dunkerque  obstruent  beaucoup  plus  rapidement  l'entrée  du  port.  Aussi 
les  chasses,  qui  donnent  des  résull  its  convenables  à  Ostende  pour  la 
tenue  du  chenal,  étaient-elles  insuffisantes  à  Dunkerque  ou  à  Calais,  et 
les  dragages  y  sont  beaucoup  plus  considérables  et  plus  coûteux.  Avec  un 
dragage  annuel  d'environ  100.000  métrés  cubes,  on  conserve  à  l'entrée 
du  port  d'Ostende  une  profondeur  de  6  mètres  sous  basses  eaux  ;  à 
Dunkerque,  il  faut  arracher  à  la  passe  500.000  mètres  cubes  de  déblais 
chaque  année,  pour  y  maintenir  une  profondeur  de  3m,50  Heureusement 
les  gros  navires  peuvent  attendre  en  sécurité  dans  la  rade  que  l'état  de  la 
marée  leur  permette  d'attaquer  le  chenal.  Les  dragages  sont  plus  faciles  à 
Calais  qu'à  Dunkerque;  le  sable  plus  pur,  grâce  aux  courants  qui 
entraînent  rapidement  les  matières  vaseuses,  est  aspiré  plus  facilement 
par  l'élinde  de  la  suceuse,  et  il  suffit  d'enlever  300.000  mètres  cubes  par 
an  pour  entretenir  le  chenal  et  la  passe  à  G  mètres  sous  le  zéro  des  basses 
mers  ;  il  ost  vrai  que  les  flots  y  sont  plus  agités,  et  rendent  le  travail  de 
dragage  plus  difficile.  La  position  la  moins  favorable  est  celle  de  Grave- 
liues.  L'estran  y  est  plus  large  que  partout  ailleurs,  et  il  est  encore  pré- 
cédé d'un  talus  sous-marin  presque  sans  pente,  qui  recule  jusqu'à  2kilom. 
au  large  la  ligne  des  fonds  de  10  mètres.  Ces  circonstances  provoquent, 
vers  l'entrée  du  port,  un  si  grand  apport  d'alluvions,  que  la  passe  exté- 
rieure finit  par  avoir  une  profondeur  insignifiante  sous  le  zéro  des  basses 
mers.  I^es  chasses  n'y  peuvent  rien,  à  cause  de  l'insuffisance  du  bassin  de 
retenue  et  de  la  longueur  du  chenal;  il  faudrait,  pour  améliorer  le  port, 
des  dragages  si  coûteux  qu'on  hésite  devant  la  dépense.  Nieuport  serait 
d'un  entretien  beaucoup  plus  facile  ;  les  chasses  y  sont  alimentées  par  un 
afflux  important  d'eaux  douces,  dues  à  l'Yser  et  aux  wateringues,  el  les 
dragages  de  80  à  100.000  mètres  cubes  qui  y  sont  faits  annuellement  per- 
mettent d'entretenir  dans  la  passe  2  mètres  à  2m,50  de  profondeur  au-des- 


>  Ue  Mey.  Ports  en  plage,  p.  310. 


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LES  PORTS  DE  L'EST  MOINS  ENCOMBRÉS 


2'.0 


sous  du  zéro.  Mais  la  situation  un  peu  excentrique  du  port  par  rapport 
au  grand  commerce  belge  en  détourne  les  travaux  et  les  améliorations. 

Il  existe  donc  entre  les  ports  flamands  des  ditiérenees  naturelles  assez 
considérables.  Diverses  sont  les  qualités,  et  aux  qualités  correspondent 
dos  défauts.  Blankenberghe,  Zeebruggo,  manquent  d'abri,  et  l'inconstance 
des  fonds  leur  réserve  peut-être  des  surprises  ;  en  revanche  les  dragages 
y  sont  faciles,  et  permettront  de  lutter  contre  ces  dangers.  1,0  cas  est  le 
même  pour  Ostende,  que  l'emploi  judicieux  des  dragues  a  tiré  d'une 
situation  qui  devenait  menaçante.  Plus  exposé  à  la  houle  que  Dunkerque, 
Calais  se  débarrasse  plus  facilement  des  ensablements  qui  obstruent  la 
passe.  Mieux  abrité  des  lames  du  large,  (iravelines  végète  derrière  son 
estran  trop  étendu.  Nieuport  a  beaucoup  d'avantages  naturels:  une  rade 
spacieuse  et  bien  protégée,  des  chasses  abondantes,  et  la  possibilité  de 
maintenir  en  bon  état  son  chenal  tortueux.  Knlin  Dunkerque  a  sa  rade, 
dont  les  qualités  de  tenue,  de  profondeur  et  d'orientation  sont  telles 
qu'elle  suffit  à  en  faire  le  plus  favorisé  des  ports  flamands,  puisqu'elle 
permet  de  négliger  l'inconvénient  d'une  barre  diftieile  à  percer. 

III. 

LES  INSTALLATIONS  MARITIMES. 

A  ces  caractères  naturels  s'ajoutent  les  qualités  artilicielles,  c'est-à-dire 
l'état  des  installations  maritimes  qui  sont  l'œuvre  de  l'homme.  |,à  encore, 
(Iravelines  et  Nieuport  sont  sacriliés.  A  (Iravelines,  le  chenal  extérieur  de 
1. .000  mètres  de  long,  large  de  75  mètres,  se  continue  au  delà  de  Fort- 
Philippe  par  un  chenal  intérieur  de  1.801)  mètres,  qui  conduit  à  un  port 
d'échouage  de  1  Ha  1/2,  pourvu  de  3'i5  mètres  de  quais.  Derrière,  un 
bassin  à  flot  de  2  Ha  1/2,  communiquant  avec  l'Aa  par  des  écluses  de 
navigation  intérieure,  et  c'est  tout.  Nieuport  n'est  guère  mieux  partagé  : 
au  bout  d'un  chenal  de  3.(300  mètres  de  long,  dont  000  mètres  sur  l'estran, 
avec  une  largeur  de  20  à  30  mètres  à  marée  basse,  se  trouvent  un  port 
d'échouage  profond  de  1  mètre  a  mer  basse,  pourvu  de  332  mètres  de 
quais,  et  un  bassin  a  flot  de  l  Ha  1/2,  auquel  donne  accès  une  écluse  de 
15  mètres  de  largeur,  avec  buse  à  2m,50  sous  le  niveau  des  basses  mers, 
("est  peu  de  chose,  surtout  pour  Nieuport,  dont  les  qualités  naturelles 
permettraient  un  développement  commercial  considérable.  Blankenberghe 
n'a  qu'un  bassin  d'échouage  de  120  mètres  do  long  sur  100  mètres  de 
large,  et  un  bassin  de  chasses  ;  c'est  un  simple  port  de  pèche. 


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2^0 


LA  COTE.  -  LES  TORTS 


Ports  de  voyageurs  :  Calais,  Ostende. 


Au  contraire  Calais,  Dimkerquc  et  Ostende  ont  été  largement  pourvus 
dans  la  distribution  des  grands  travaux.  Réduit  jusque  vers  1880  au  bassin 
d'échouage  de  l'Ouest,  au  bassin  a  flot  qui  lui  faitsuito,  et  à  la  pittoresque 
et  vaseuse  enceinte  du  Petit-Paradis,  où  s'abritent  les  barques  do  pêche, 
Calais  ressemblait  encore  un  peu  au  port  que  nous  représentent  les  vues 
du  temps  de  Henri  VIII.  C'est  alors  qu'on  creusa  pour  les  grands  navires 


des  paquebots  qui  font  le  service  de  Douvres  ;  un  bassin  à  flot  de  1 1  Ha, 
creusé  à  3  mètres  sous  le  zéro,  relié  d'un  côté  a  l'avant-port  par  deux 
grandes  écluses  de  137m,50  de  longueur  utile,  de  l'autre  à  un  bassin  de 
navigation  intérieure  de  ÎX K)  mètres  de  long,  dans  lequel  débouche  le 
canal  de  Calais  à  St-Omer.  Ostende  termine  en  ce  moment  même  de  vastes 
travaux.  Ses  installations  comprenaient  jusqu'en  1000  un  avant-port  où 
accostaient  les  paquobots  de  Douvres,  un  bassin  d'échouage  pour  les 
pêcheurs,  une  petite  darse  pour  les  chantiers  de  la  Marine,  et  trois  petits 
bassins  à  flot,  dits  bassins  du  Commerce,  avec  une  superficie  totale  do  5  Ha. 
Au  fond  de  l'avant-port  le  canal  de  Hruges,  élargi,  constituait  un  arrière- 
port  qui  s'étendait  jusqu'à  l'écluse  de  Slvkens.  Presque  tout  est  transformé 
aujourd'hui.  Ou  va  combler  un  des  trois  bassins  du  Commerce,  d'un  accès 
trop  difficile.  En  revanche  le  port  s'est  agrandi  de  moitié  vers  l'Est.  L'an- 
cien arrière-port  est  devenu  un  nouvel  avant-port,  pourvu  sur  sa  rive  Ouest 
d'im  mur  de  quai  à  marée  le  long  duquel  les  vaisseaux  trouveront  un 


Flfi.  M.  —  fort  de  Calais.  Ktat  aciuol. 


Échelle  de  I  :  WUXHI 


un  nouveau  port  à 
l'Est  de  la  ville, 
sur  remplacement 
des  fossés  qui  en- 
touraient le  vieux 
Calais  :  à  l'extré- 
mité du  chenal,  un 
avant-port  de  160 
mètres  de  large , 
profond  de  \  mètres 
sous  le  zéro  des 
basses  mers  ,  et 
pourvu  de  800 
mètres  de  quais 
pour  l'accostage 


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LES  INSTALLATIONS  MARITIMES 


251 


mouillage  de  8  mètres  au-dessous  du  niveau  moyen  dos  basses  mers  de  vive 
eau.  L'écluse  de  chasse  d'un  bassin  de  retenue  de  80  Ha,  qui  débouche  en 
faco  de  ce  quai,  surtira  à  entretenir  la  profondeur  de  cette  souille.  Au  Sud 


Échelle  do  I  :  W.<mhi 
Fu».  48.  —  l'on  d'OstcncIc.  Eut  actuel. 


est  creusé  un  nouveau  bassin  â  tint  de  0  Ha,  auquel  fait  suite  un  bassin  canal 
destine  au  commerce  des  bois,  et  communiquant  avec  une  dérivation  du 
canal  de  Bruges.  Les  émissaires  des  wateringues,  Noord-Kede  et  Camcr- 
Iinckx,  débouchent  djins  l'avant-port,  et  ainsi  contribuent  par  leurs  chasses 
a  son  approfondissement.  1 /écluse  du  bassin  à  flot  a  120  mètres  de  lon- 
gueur utile,  18  métrés  de  large,  et  son  buse  est  à  i"',50  sous  mer  basse 
de  vive  eau.  Des  cales  sèches,  un  grand  bassin  de  la  Marine,  sont  prévus 
sur  la  rive  Est  du  nouvel  avant-port  '. 


Port  de  marchandises  :  Dunkerque. 

A  Osteudc  et  à  Calais,  c'est  l'avant-port  qui  a  surtout  préoccupé  les 
ingénieurs,  et  c'est  l'organe  le  plus  soigné  de  toutes  les  installations  ;  car 
on  s'y  propose  avant  tout  do  faciliter  l'accostage  de  paquebots  à  grande 


•  Cf.  Van  der  Sehueren,  Travaux  exécutés  récemment,  pp.  8-1  i. 


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252  LA  COTE.  -  LES  I>ORTS 

vitesse,  qui  no  pénètrent  pas  dans  les  bassins.  Dunkerque,  port  do 
marchandises,  a  surtout  soigné  ses  docks.  Jusqu'au  milieu  du  siècle,  le 
port  ne  comprenait  que  les  deux  vieux  bassins  à  flot  de  Y  Arrière-Port  et 
de  la  Marin»»,  aujourd'hui  isolés  au  fond  des  nouvelles  darses;  une  loi  de 
1KÎ5  transforma  le  port  d'échouage  en  un  bassin  qui  est  devenu  le  bassin 
«lu  Commerce.  Enfin  depuis  1801,  les  transformations  se  sont  accomplies 
sans  relAche,  élargissement  de  Pavant-port  et  du  chenal,  reconstruction 
des  jetées,  creusement  de  quatre  nouvelles  darses  au  Nord  des  anciennes, 
qui  prirent  le  nom  do  bassins  Freveinet  par  opposition  aux  trois  vieux 
bassins;  création  de  cales  de  radoub.  Les  bassins  présentent  aujourd'hui 
une  surface  de  YS  Ha,  dont  31  pour  les  quatre  nouveaux  ;  plus  de  7  kilo- 
mètres de  quais  les  entourent,  et  les  terre-pleins  de  ces  quais,  couverts  de 
hangars,  d'entrepôts,  d'engins  de  manutention,  offrent  une  surface  de 
55  Ha.  Trois  écluses  relient  les  bassins  à  Pavant-port,  dont  la  plus  vaste, 
large  de  Si  mètres,  présentant  177  mètres  de  longueur  utile  el  20&*,ûO  de 
tète  en  tète,  ayant  son  buse  à  5  mètres  sous  le  niveau  des  plus  basses 
mers,  a  coûté  9 M) AUX)  francs;  c'est  l'écluse  Trvstrara,  ainsi  nommée  en 
Phonneur  du  créateur  véritable  du  nouveau  port.  Il  faut  ajouter  à  cet 
organisme  remarquable  les  quais  de  Pavant -port,  utilisables  sur 
1.075  mètres;  les  chantiers  et  le  bassin  d'armement  de  l'Est  ;  les  bassins 
de  batellerie,  avec  5. 150  mètres  de  quais,  qui  mettent  en  relation  les  canaux 
de  Furnes,  de  Rergues  et  de  Bourbourg  avec  les  darses,  et  par  où  les 
grosses  bélandres  de  300  tonnes  viennent  accoster  le  flanc  des  navires. 
Ainsi  les  Dunkerquois  ont  dignement  ajouté  aux  qualités  naturelles  de 
leur  port  une  série  d'ouvrages  uniques  sur  la  côte  flamande 

dépendant,  malgré  ses  belles  dimensions,  le  nouveau  port  étouffe.  Cette 
ville  de  hangars,  d'entrepôts,  de  magasins,  qui  es!  déjà  plus  étendue  que 
le  vrai  Dunkerque,  s'est  trouvée  dès  son  achèvement  insuffisante;  avant 
que  les  travaux  du  programme  Freycinet  ne  fussent  terminés,on  réclamait 
à  grands  cris  de  nouveaux  agrandissements.  Cette  prétention  étonne  le 
visiteur  qui  parcourt  les  môles,  et  qui  voit  les  vastes  bassins  où  la  place 
ne  manque  pas  :  pourquoi  donc  en  créer  d'autres  ?  Rien  n'est  plus  néces- 
saire cependant  ;  ce  ne  sont  pas  les  bassins  qui  sont  insuffisants,  mais  les 
quais  constamment  encombrés  de  marchandises  que  l'on  ne  peut  évacuer 
assez  vite  vers  l'intérieur.  Or  de  nouveaux  quais  supposent  de  nouveaux 
bassins.  Voilà  pourquoi  la  Chambre  de  Commerce  va  appliquer  incessam- 
ment à  la  prolongation  des  darses  3  et  i  les  crédits  votés  par  le  Parlement 


1  Sur  l<->  transformations  du  port,  consulter:  Hoiiehet  (E.),  Le  port  de  Dunkorque 
(Dunkerque,  Chéroutre,  181»),  in-8%        p.,  1  plan). 


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Fio.  -19.  -  DUNKERQUE  VERS  18-10 


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F;o.  50.   -  UUNKEftoUË  bïi  l>«  i. 


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Fig.  50.  -  DUNKERQUE  EN  1900 

d'aprrs  un  plan  en  rciiot,  à  la  Chan.Vr'-    i*  Ccf<llT#t1* 


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LES  INSTALLATIONS  MARITIMES  253 

et  reculer  à  l'Ouest  les  fortifications  à  une  distance  telle  que  le  port  aura 
de  quoi  tripler  dans  l'espaco  devenu  libre,  t  n  programme  grandiose  est 


Échelle  de  I  :  iU.Ouu 

Fig.  51.  —  Port  de  Dunkerquc.  —  Projets  d'agrandissement. 

(Le  puintill"  reprisante  lo  trac<-  nctuelj. 


tout  prêt  pour  l'avenir  ;  le  jour  où  la  construction  du  canal  du  Nord-Est 
étendra  jusqu'à  Nancy  l'hinterland  du  port  flamand,  Dunkerque  sera 
prêt  à  exécuter  les  travaux  d'agrandissement  qui  seront  plus  nécessaires 
que  jamais  *. 


*  Pour  les  agrandissements  en  cours,  voir:  Chambre  des  députés,  i9(H,  Annexe  au 
Procès-verbal  de  la  séance  du  't  juillet  l'.Ktl,  Rapport  de  M.  Guillaiu,  .H»  p.  ;  Sénat, 
11*02,  Annexe  au  Procès-verbal  de  la  séance  du  2  décembre  ilK)2,  Rapport  de  M.  Harbey, 
tfip. 


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25'. 


LA  COTE.  -  LES  PORTS 


Port  d'escale  :  Zeebrugge. 

Cependant  les  transformations  subies  par  les  ports  flamands  n'ont  pas 
altéré  complètement  leur  caractère  ancien  :  les  chenaux  sont  agrandis,  les 
avant-ports  élargis  et  creusés,  les  bassins  à  flot  multipliés;  mais  le 
système  reste  le  même.  A  Zeebrugge,  créé  de  toutes  pièces,  on  a  pu  faire 
quelque  chose  de  neuf.  Il  y  a  deux  conceptions  à  l'origine  de  ce  port  :  on 
a  voulu  d'abord  en  faire  une  sorte  d'avant-port  de  Bruges,  relié  à  la  ville 
par  un  canal  do  navigation  maritime  ;  et  sur  ce  projet  ou  a  greffé  celui 
d'un  port  d'escale,  propre  à  assurer  avec  le  maximum  de  rapidité  le  trans- 
bordement des  voyageurs  et  des  colis  de  vitesse.  De  là  deux  ports 
distincts  Ixî  premier  est  un  élargissement  du  canal  qui  va  à  Bruges: 
il  comprend  un  chenal  entre  deux  estacades,  et  un  avant-port,  le  tout 
long  de  7f>0  mètres,  large  de  106,  et  approfondi  à  0  mètres  sous  les  marées 
basses  de  vive  eau  ;  puis  l'écluse,  20  mètres  de  large,  158  de  longueur 
utile  ;  ontin  l'arrière-port,  long  de  660  mètres  et  large  de  98.  En  arrière 
le  canal  maritime,  large  de  70  mètres,  profond  de  8,  s'allonge  droit 
vers  Bruges,  dont  les  hautes  tours  semblent  regarder  vers  la  mer  qui 
revient  au  devant  d'elles*.  Tout  cela  ressemble  au  port  d'Ostende, 
formé  lui  aussi  d'un  épanouissement  du  canal  de  Bruges  à  Ostende. 
Ce  qui  est  nouveau,  c'est  le  port  d'escale.  Il  est  formé  uniquement 
d'un  immense  môle  courbe,  long  de  2.237  mètres.  Cet  ouvrage  s'en- 
racine dans  la  dune  par  une  partie  pleine  de  232  mètres  qui  va  jusqu'à 
la  laisse  de  basse  mer  et  à  laquelle  succède  une  partie  à  claire-voie, 
longue  de  400  mètres,  destinée  à  laisser  circuler  les  courants  côtiers  qui 
doivent  empêcher  l'envasement.  La  troisième  partie,  pleine,  longue 
de  1.005  mètres,  vient  se  recourber  devant  le  chenal  du  port  intérieur 
jusqu'aux  profondeurs  de  8  mètres,  à  050  mètres  de  la  laisse  de  basses 


'  Voir  une  description  très  exacte  des  ouvrages  dans  :  Visart  (A.),  Le  Port  de  Bruges 
(U  Belgique  contemporaine,  I,  VM'i,  pp.  'SV-'Sîl);—  Nyssens-Hart  J.),  Le  port 
d'escale  et  le  port  intérieur  de  Bruges  (Bruxelles,  Lesigne,  18118,  45  p.,  pl.;;  —  Nys- 
sciis-llart  et  Piens  (Ch.).  Construction  du  mole  et  du  port  d'escale  de  Zeebrugge 
(VHP  Congrès  international  de  navigation,  Paris,  ÎÎKM)  ;  —  Nyssens-Hart  et  Zone, 
1a>  port  de  vitesse  de  Heyst  (Bruxelles,  Lesigne,  189i,  in-8°,  1^1  p.,  3  pl.). 

1  A  Bruges  même,  le  canal  aboutit  à  deux  bassins  :  celui  de  l'Ouest  avec  une  profon- 
deur de  0,50,  celui  de  l'Kstavec  8  mètres,  séparés  par  un  môle  de  l'M  mètres  de  large, 
avec  des  entrepôts.  Le  bassin  de  l'Ouest  communique  avec  le  canal  de  Bruges  à 
Ostende,  et  par  là  avec  toutes  les  voies  navigables  de  l'intérieur,  au  moyen  d'une 
écluse  large  de  tf>  mètres,  avec  une  longueur  utile  de  mètres. 


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LES  INSTALLATIONS  MARITIMES 


255 


mers;  l'aire  protégée  est  de  110  Ha.  Ainsi  cette  jetée  hardie  abrite  des 
vents  de  l'Ouest  et  du  Nord  l'entrée  du  chenal,  précaution  utile  sur 
cette  partie  de  la  côte  que  les  bancs  de  Flandre  ne  protègent  pas  contre 
les  lames  du  large  ;  elle  fait  ici  l'office  d'une  digue  de  Cherbourg  reliée  à 
la  terre.  Mais  son  rôle  principal  est  de  servir  elle-même  de  quai  d'accos- 
tage. La  partie  pleine  est  pourvue  de  1.271  mètres  de  quais  d'accostage, 
au  pied  desquels  on  entretiendra  8  mètres  de  profondeur  sous  mer 
basse  :  ces  quais  sont  défendus  du  côté  de  la  haute  mer  par  un  parapet 
en  béton  de  6  mètres  de  haut  ;  et  commo  le  môle  se  trouve  déjà  à  la 
cote  +  7,  la  parlie  supérieure  du  parapet  atteint  la  cote  -f  13.  A  l'abri 
de  ce  rempart  s'alignent  les  hangars,  les  engins  de  manutention,  les 
voies  ferrées  qui  amèneront  les  trains  au  long  des  steamers.  Ainsi  les 
grands  paquebots  rapides  pourront,  avec  le  maximum  rie  rapidité,  toucher 
à  Zeebrugge  et  reprendre  aussitôt  la  mer. 

Cette  conception  hardie  a  soulevé  bien  des  critiques.  M.  de  Mey  estime 
que  le  môle  courbe  donnera  des  mécomptes  :  l'entrée  est  mal  orientée,  les 
bateaux  auront  à  tourner  un  angle  de  90°  pour  pénétrer  dans  la  zone 
protégée  ;  par  les  grands  vents  d'Ouest  au  Nord,  cette  manœuvre  risque  de 
les  jeter  à  la  côte  ou  sur  le  Paardemarkt  ;  il  sera  difficile  aux  voiliers  d'y 
entrer  autrement  que  derrière  des  remorqueurs.  Un  envasement  est  à  pré- 
voir au  droit  des  musoirs  du  port  intérieur  ;  le  jusant  pénétrant  largement 
et  ne  trouvant  que  l'issue  resserrée  de  la  claire-voie  sera  entravé  et 
précipitera  des  alluvions.  Le  môle  protégera  mal  l'entrée  du  chenal, 
surtout  "par  les  vents  du  N.-E.,  qui  sont  assez  fréquents  en  Flandre; 
môme  il  sera  un  obstacle  pour  le  port  intérieur;  au  moment  du  Hot,  les 
navires  devront  venir  attaquer  de  l'Ouest  le  chenal,  manœuvre  qui  sera 
difficile  dans  l'espace  resserré  compris  entre  le  môle  et  les  musoirs;  par 
le  jusant,  le  vent  d'Est  jettera  les  bateaux  sur  l'ostacade.  On  verra  à 
l'usage  si  ces  craintes  sont  fondées.  Mais  on  peut  aussi  se  demander  si 
l'absence  de  vieilles  institutions  commerciales,  de  négociants  rompus 
aux  affaires  maritimes,  d'une  population  de  marins,  le  manque  d'industrie 
et  do  commerce  dans  la  région  n'entraveront  pas  pendant  quelque  temps 
l'activité  économique  du  nouveau  port.  Il  ne  manque  pas  de  gens  en 
Flandre  pour  remarquer  qu'au  moment  où  Anvers  va  pratiquer  la 
«  coupure  »  de  l'Escaut  et  établir  de  nouveaux  docks,  où  Gand  double 
ses  installations  et  approfondit  le  canal  do  Terncuzen,  où  Ostende  a 
reconstitué  complètement  son  port,  il  était  peut-être  superflu  de  jeter  tant 
de  millions  sur  la  plage  de  Heyst. 


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LA  COTK.  -  LKS  PORTS 


IV. 

LKS  VILLKS;  LKS  PLAGKS. 

Le  développement  qu'ont  pris  les  ports  flamands  au  XIXe  siècle  n'a 
guère  modifié  la  physionomie  des  villes.  Elles  n'ont  pas  l'air  animé, 
vivant,  que  présentent  d'ordinaire  leurs  pareilles,  même  les  plus  tristes 
d'aspect.  \ji  différence  est  grande  avec  Anvers,  étendue  en  façade  sur 
l'Escaut,  et  où  la  vie  du  port  se  mêle  à  celle  de  la  ville.  En  Flandre,  les 
bassins  s'éloignent  des  anciennes  cités,  souvont  enserrées  dans  leurs 
remparts;  les  installations  nouvelles  de  Dunkerque,  d'Ostende,  sont 
loin  du  cœur  de  la  ville.  A  Dunkerque,  dès  qu'on  quitte  les  quais  pour 
pénétrer  dans  les  rues,  rien  ne  rappelle  le  port,  c'est  une  calme  sous- 
préfecture  de  province.  A  part  quelques  rues  de  matelots  comme  le 
quartier  du  Courgain  à  Calais,  le  Quai  des  Pêcheurs  à  Ostendo  avec 
ses  façades  bariolées  et  ses  cabarets  aux  enseignes  en  anglais,  les  villes 
de  la  côte  ont  une  physionomie  assez  banale. 

Aspect  et  évolution  des  villes. 

Cependant  aucune  d'elles  ne  ressemble  aux  autres.  Les  deux  bourgades 
endormies  de  Nieuport  et  Gravelines  sont  déjà  très  différentes.  Complè- 
tement reconstruit  au  XVIIe  siècle,  Nieuport  est  pourtant  gris  et  triste  ; 
la  brique  blanche  de  la  plaine  maritime  y  a  pris  une  couleur  sombre, 
presque  noire;  le  nombre  relativement  considérable  de  pignons  flamands  à 
escalier,  construits  au  XVIIe  siècle,  et  de  maisonnettes  basses  à  man- 
sarde de  pierre  comme  on  en  voit  dans  les  rues  pauvres  de  Bruges  et 
d'Ypres,  accentue  son  air  de  vétusté.  U  misère  n'a  rien  pour  se  cacher 
dans  ses  larges  rues  droites  et  désertes,  où  le  passant  se  sent  épié  par  les 
vieilles  dentellières  qui  travaillent  derrière  leurs  petites  vitres  sombres. 
La  pauvreté  ici  date  de  loin,  car  une  charte  de  Maximilien  la  constato  au 
XVe  siècle,  et  l'Allemand  Forster,  en  plein  midi,  n'y  rencontre  personne 
dans  les  rues  lorsqu'il  y  passe  en  1700  s.  Gravelines  est  une  petite  ville 


1  Sur  le  commerce  des  ports,  voir  chapitre  XVI. 

!  Charto  de  l  'iiC>  imprimée  dans  Gilliodts,  Coutumes  de  Nieuport,  p.  Sû.  —  Voir 
Forster,  Voyage  philosophique  et  pittoresque...  fait  en  171K)  (Paris,  Huisson.  an  III, 
2  vol.  in*)*  II,  p.  18'i. 


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L'ASPKGT  HT  L'KVOLl.TION  DKS  VILLES 


257 


proprette  et  banale,  de  ces  vieilles  cités  flamandes  où  les  couvents  et  les 
casernes  tiennent  tant  de  terrain  :  d'énormes  et  savantes  fortifications  la 
couvrent,  qui  tionnent  plus  de  place  que  la  ville  même.  I,a  partie  vivante 
de  la  population,  marins  et  pêcheurs,  n'habite  pas  la  ville,  mais  les  gros 
hameaux  du  Petit-Forl-Philippe  et  d&s  Huttes.  Mais  ce  qui  rapproche  les 
deux  petites  villes,  c'est  l'identité  du  paysage  environnant:  l'immense 
étendue  des  plaines,  polder  Lens  ou  Hems-St-Pol  ;les  chenaux  de  l'Aa  et 
de  l'Yser,  les  bassins  d'échouagc  oii  la  marée  basse  laisse  sortir  de  l'eau 
des  bancs  jaunâtres  et  gluants  ;  la  ligne  blanche  des  dunes  ;  un  ensemble 
calme  et  mélancolique.  Malgré  quelques  tentatives  industrielles,  la  vie 
reste  comme  ralentie  autour  des  deux  ports  que  lit  naître,  à  la  même 
époque,  l'intelligente  activité  des  princes  de  la  maison  d'Alsace. 

Au  moins  Calais,  Dunkerque,  Ostende,  sont  de  vraies  villes,  bientôt  de 
grandes  villes.  Calais  offre  le  curieux  spectacle  de  trois  cites  distinctes 
groupées  dans  le  même  organisme  municipal.  Tout  contre  le  port,  le 
Courgain  des  marins,  d'un  pittoresque  de  ville  méditerranéenne,  hautes 
maisons  enserrant  des  ruelles  étroites  encoinbréos  en  bas  de  bandes 
d'enfants,  barrées  en  haut  de  vêtements  qui  sèchent.  Puis  viont  le  vieux 
Calais,  déjà  a  moitié  flamand  d'aspect  ;  les  toits  se  hérissent  de  tours  de 
guet,  les  monuments  sont  rudes  comme  ceux  d'une  ville  de  corsaires, 
surtout  cette  robuste  et  pauvre  tour  d'église,  «  usée  par  le  vent  salé  de  la 
Manche  »,  et  que  Ruskin  compare  à  un  vieux  rocher.  C'est  la  ville  des 
armateurs,  des  commerçants,  des  petits  bourgeois.  Que  l'on  franchisse 
les  bassins  qui  ont  remplacé  les  fortifications  de  François  do  Cuise  et  de 
Richelieu,  et  l'on  trouve  un  spectacle  bien  différent:  plus  rien  d'un  port  ; 
une  grande  ville  industrielle  neuve  et  banale,  déjà  salie  par  les  fumées 
des  usines,  larges  rues  aux  maisons  inégales,  fabriques,  terrains  vagues, 
corons,  le  tout  renfermé  dans  une  enceinte  moderne  où  pourraient  tenir 
150.000  habitants,  et  où  la  ville  nouvelle,  malgré  son  rapide  développe- 
ment, est  a  l'aise.  C'est  St-Pierre,  la  capitale  du  tulle,  qui  prend  sur  Calais 
la  revanche  de  l'antique  Pétresse,  dépossédée  jadis  au  profit  du  port 
florissant.  Fixée  d'abord  dans  le  vieux  Calais,  l'industrie  émigra  défini- 
tivement en  1&*7  à  St-Pierre,  chassée  par  les  réclamations  des  habitants 
et  par  le  manque  d'espace  ;  elle  trouvait  là,  sur  les  espaces  libres  des 
l*icrrettos,  la  place  et  les  tolérances  qu'il  lui  fallait.  Bientôt  le  faubourg 
dépassa  la  ville,  et  finit  par  l'annexer  en  1<S85.  Le  vieux  Calais  a  quelque 
rancune  de  cette  croissance;  les  deux  villes  sont  plus  que  différentes; 
elles  sont  un  peu  rivales.  La  population  sédentaire  et  posée  de  l'ancienne 
considère    sans    bienveillance   les   éléments   mêlés,    changeants  et 

turbulents  de  St-Pierre,  déracinés  des  campagnes  voisines,  Flamands  de 

n 


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258 


LA  COTE.  -  LES  PORTS. 


Dunkerque  et  d'Hazebrouck,  Belges  des  deux  Flandres.  Les  Flamands 
sont  nombreux  dans  la  nouvelle  ville,  où  ils  exercent  les  professions 
pénibles  et  se  louent  comme  domestiques  ;  dans  certaines  églises  il  y  a  un 
prêche  en  flamand  le  dimanche.  Cette  population  neuve,  exploitant  une 
industrie  sujette  à  de  brusques  variations,  traverse  périodiquement  des 
crises  violentes  auxquelles  elle  est  mal  préparée,  et  qui  font  grand  tort  à  la 
ville.  De  38.156  habitants  en  1876,  Calais  a  bondi  en  1886  au  chiffre  de 
58.969  ;  en  1901,  elle  reste  a  59.743.  Augmenter  de  20.000  habitants  en 

10  ans,  puis  de  800  dans  les  15  années  qui  suivent,  c'est  bien  là  que  se 
caractérise  l'activité  économique  de  Calais. 

Dunkerque  est  plus  posé.  Sa  croissance,  au  cours  du  siècle,  s'est  pour- 
suivie régulièrement,  sans  à-coups.  Ici  les  statistiques  n'indiquent  pas  exac- 
tement la  réalité  :  à  s'en  tenir  aux  chiffres  des  recensements,  l'accroissement 
serait  lent,  et  la  population  à  peu  près  stationnaire.  I^a  commune  avait 
23.815  habitants  en  1804,  32.113  en  1861;  en  1876  elle  atteignait  35.071, 
38.025  en  1886, 38.925  en  1901.  Et  l'on  s'étonne  qu'un  port  qui  est  devenu 
le  troisième  de  France  ait  si  peu  d'habitants  et  présente  une  si  faible 
augmentation.  Simple  apparence.  Depuis  30  ans,  Dunkerque,  complète- 
ment rempli  dans  son  enceinte,  s'est  répandu  au  dehors,  dans  les  communes 
suburbaines.  Aux  39.000  Dunkerquois  intra-muros  qu'on  joigne  les  32.000 
personnes  qui  vivent  à  Rosendael,  St-Pol,  Coudekerque-Branche,  Malo  et 
Petite-Synlhe,  et  l'on  obtient  71.000  habitants,  le  vrai  chiffre  de  la  popula- 
tion de  Dunkerque.  L'accroissement  se  continuera  dans  la  banlieue,  mais 

11  a  atteint  son  maximum  dans  la  ville  ;  celle-ci  est  pleine.  Ony  compte  par 
maison  11,2  habitants;  or  le  vieux  Lille  lui-même,  qui  paraît  si  entassé, 
n'en  a  que  10,  et  les  autres  villes  du  Nord  un  peu  plus  de  5 :  5,05  à  Tour- 
coing, 5,25  à  Roubaix,  5,40  à  Armentières.  Ici,  il  est  difficile  d'habiter  une 
maison,  comme  c'est  l'usage  dans  toute  la  Flandre;  on  en  est  réduit  aux 
appartements.  Faute  do  place  dans  le  logement,  le  Dunkerquois,  surtout 
enfant,  vit  dans  la  rue;  de  là  peut-être  son  amour  des  fêtes  bruyantes  de 
la  voie  publique,  au  Carnaval,  à  la  Kermesse  *.  Toutes  les  maisons  ont  au 
moins  un  étage,  le  plus  souvent  deux  ;  encore  beaucoup  d'habitants  conti- 
nuent-ils à  vivre  dans  loscavas.Ces  maisons  sont  pour  la  plupart  de  banales 
bâtisses  élevées  ou  refaites  au  XIXe  siècle,  construites  on  briques  jaunes, 
ce  qui,  remarque  Barbault-  Royer  en  1799,  «  distingue  spécialement  Dun- 
kerque de  toutes  les  villes  rouges  de  Flandre  ».  Au  moins  la  ville  est-elle 
propre,  malgré  l'avis  de  ce  voyageur,  qui  lui  trouve  «  l'aspect  fort  sale  et 


•  Marguerit,  A  travers  la  Flandre  maritime.  (Méin.  Soc.  Dunk.,  XXVIII,  pp.  Sà't- 
270). 


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L'ASPECT  ET  L'ÉVOLUTION  DES  VILLES 


d'autant  plus  sale  qu'elle  fourmille  de  matelots  »  1  ;  en  réalité,  la  nature 
sablonneuse  du  sol,  las  instincts  de  nettoyage  des  habitants,  la  régularité  et 
la  largeur  des  rues,  donnent  à  Dunkerque  l'air  d'une  ville  bien  tenue,  môme 
un  |>eu  trop  correcte  et  froide.  Pas  de  maisons  curieuses,  peu  de  monuments  : 
l'hôtel  de  ville,  la  grosse  tour  do  St-Eloi,  beau  donjon  noirâtre  aux  lignes 
sobres;  le  reste  est  utilitaire:  tours  de  guet,  phare,  et  l'édifice  commun  à 
toutes  ces  villes  delà  côte,  la  tour-réservoir  en  briques.  En  effet,  trouver  de 
l'eau  potable  en  quantité  suffisante  a  toujours  été  un  des  graves  problèmes 
à  Dunkerque  et  dans  las  villes  voisinas.  Il  ne  fallait  pas  songer  à  utiliser 
l'eau  du  sol,  «  l'eau  braque»,  saumâtre,  bonne  tout  au  plus  au  lavage  des 
maisons.  Les  citernes  a  eau  de  pluie  ont  été  longtemps  l'unique  ressource  ; 
ressource  assez  précaire,  car  cette  eau  peu  engageante  manquait  parfois,  et 
l'autorité  devait  rationner  les  habitants  *.  En  se  développant,  il  fallait  que 
Dunkerque  trouvât  autre  chose.  I/»s  puiLs  artésiens  creusés  à  grands  frais 
n'ayant  donné  aucun  résultat,  pas  plus  qu'à  Ostende  et  Blankenberghe,  la 
ville  essaya  das  eaux  impures  du  canal  de  Bourbourg,  et  finit,  à  l'exemple 
de  Calais,  par  aller  capter  les  sources  pures  de  la  craie  qui  jaillissent  à  la 
base  de  l'Artois.  Calais,  plus  rapproché  des  hauteurs,  s'alimente  à  Guînes; 
Dunkerque  dut  établir  une  canalisation  de  40  Km.  et  deux  réservoirs  jMiur 
utiliser  les  eaux  de  Houlle  3.  Moins  bien  partagée,  Oslende  en  est  encore 
réduite  aux  citernes  et  à  l'eau  de  canal  filtrée,  très  peu  utilisée  parce  qu'elle 
est  souvent  contaminée;  fâcheuse  condition  pour  une  ville  de  plaisance  que 
l'emploi  de  ces  eaux  grisâtres  et  douteuses.  Mais  il  faut  aller  si  loin  pour 
trouver  l'eau  pure  on  abondance,  aux  coteaux  de  Wyncndaele,  peut-être 
jusqu'à  l'Ardenne  calcaire,  qu'on  hésite  à  l'aller  chercher  à  ce  prix. 

Ostende  ne  pourra  cependant  pas  se  passer  longtemps  encore  de  cet 
élément  do  prospérité.  C'est  une  des  villes  de  Flandre  qui  se  sont  le  plus 
rapidement  développées  à  la  lin  du  XIXf  siècle  :  elle  végétait  au  XVIIIe, 


•  Barbault-Roycr,  Voyage  dans  les  départements  du  Nord,  de  la  Lys,  de  l'Escaut, 
etc.  (Paris,  l^petit,  messidor  an  VIII,  in-8°,  200  p.),  pp.  187-188. 

*  «  L'eau  de  citerne  a  un  goût  de  vase  très  prononcé  ;  en  été  et  en  automne  elle  est 
chargée  de  quantité  de  petits  insectes  transparents.  On  y  trouve  des  vers  plats  et 
rouges  de  la  longueur  d'un  pouce  nageant  presque  toujours....  »  iTully,  Essai  sur  les 
maladies  de  Dunkerque.  Dunkerque,  de  Boubers,  17M,  in-18°,  2»>î  p.).  —  A  Calaia, 
l'instruction  de  lT.'i'i  pour  les  garde-ci  ternes  prescrit  de  fournir  l'eau  d'abord  aux 
soldats  chaque  jour  à  7  h.  1/2  du  matin,  puis  aux  bourgeois  une  fois  le  jour  de  8  à  9, 
pendant  une  heure,  sur  le  vu  des  billets  délivrés  par  les  maïeur  et  échevins,  dans  une 
cruche  seulement.  (Arch.  Pas-de-Calais,  C.  110). 

8  Sur  l'eau  potable  à  Dunkerque,  voir  :  Duriau  (G.),  L'hygiène  publique  à  Dunkerque. 
(Mém.  Soc.  Dunk.,  1898,  t'A)  p.). 


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LA  COTE.  -  LES  PORTS 


après  la  chute  de  la  compagnie  austro-belge  qui  portait  son  nom,  et  n'avait 
guère  en  1770  que  5.300  habitants  :  c'était  un  autre  Nieuport,  une 
bourgade  de  pécheurs  et  de  marins.  Le  recensement  do  l'an  IX  en  indique 
10.200;  il  n'y  en  a  encore  que  19.897  en  1880,  24.688  en  1890.  Or  le 
recensement  du  31  décembre  1900  fournit  le  chiffre  de  39.484,  en  gros 
40.000.  Ainsi  la  population  a  doublé  en  20  ans.  Ce  développement  si  rapide 
n'est  pas  dû,  comme  à  Calais,  à  la  présence  d'une  grande  industrie,  ni 
même,  comme  à  Dunkerque,  à  la  prospérité  du  port  ;  il  est  le  résultat  de  la 
vogue  prise  par  Ostende  comme  station  balnéaire.  I,a  vieille  forteresse  de 
l'archiduc  Albert  est  devenue  la  «  Reine  du  littoral  ».  130  à  140.000  visiteurs 
y  passent  chaque  année  ;  40  à  50.000  étrangers  y  séjournent,  Belges, 
Anglais,  Français,  Allemands  1 .  Or  ces  baigneurs  n'étaient  guère  que 
10.000  en  1860, 22.000  en  1875,  et  c'est  surtout  depuis  1880  que  leur  nombre 
a  augmenté:  38.000  en  1890,  42.600  en  1902,  jusqu'à  passé  50.000  en 
1899.  Pour  recevoir  dignement  ces  visiteui-s  et  en  attirer  d'autres,  Ostende 
a  fait  sa  toilette.  Ce  n'est  pas  seulement  sur  la  digue  de  mer  qu'on  a  fait 
disparaître  «  ces  petites  maisons  tenues  fort  basses  pour  Aire  moins  exposées 
aux  terribles  effets  de  certains  vents  de  mer  *»  qu'on  y  voyait  au  début  du 
siècle,  pour  les  remplacer  par  les  splendides  constructions  actuelles; 
toute  la  ville  s'endimanche,  et  prend  peu  à  peu,  surtout  dans  l'Ouest, 
l'air  distingué  des  villes  de  villégiature. 

lires  Plages. 

Ainsi  le  port  commence  à  n'être  qu'un  accessoire  dans  la  vie  d'Ostende  ; 
avant  tout  elle  est  une  des  plus  fréquentées  de  ces  Plages  qui  sont  la  forme 
la  plus  récente  des  rapports  entre  l'homme  et  la  cote  flamande,  et  en  ont 
modifié  si  curieusement  la  physionomie.  La  nature  de  la  côte  s'y  prête, 
avec  son  estran  en  pente  douce  ;  la  clientèle  était  assurée  :  la  populeuse  et 
riche  région  de  l'hinterland  a  fait  de  la  côte  son  séjour  d'été:  Français 
du  Nord,  Belges,  Allemands,  lui  sont  fidèles  ;  les  Anglais  même  y  viennent 
en  nombre.  Les  profits  sont  tels,  que  chaque  village  des  dunes  veut  avoir 
sa  part.  Dès  le  Zwin  commence  la  rangée  des  plages  belges.  I>es  condi- 
tions y  sont  peut-être  moins  favorables  que  dans  l'Ouest:  les  lamas 
sont  plus  fortes,  la  mer  plus  houleuse  ;  cependant  le  succès  est  venu. 


«  Bulletin  de  la  Chambre  de  Commerce  d'Ostende,  11102,  n«  13,  pp. 

*  Paquet-Syphorien,  Voyage  historique  et  pittoresque  fait  dans  les  Pays-Has  et  dans 
quelques  départements  voisins  en  1811,  \2  et  13  (Paris,  Firmin  Didot,  18K»,  2  vol. 
in-8"),  II,  p.  134. 


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Villa»  »ïini€»  du  re««frn.<nt  *1« 


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ihiX  h»rrHiï*»s  i*îV-  .<  ;V  <  ■•rla«ii*\i'M>  »|«»  n  «>••     iiu'oii  y  vm'..il  au  •!  « 
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louti»  la  û!li<  sV  •!•«•.      |-f-i*xiJ  pon  a         surinai  ilaaslO' 

Pair  <!?xKj*yî*ii'  «!•  ^  vùt***  *•«  ■  •i'i'vî'^uj»*. 

1  .<  s  Plagoa. 

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avsml  luiil  t'ili-t'vt  U||i>  Ji-  ,  ih  fiVijiH'iilô-'s  «k»  tn*> Pl."^1**  mui >■•..!  !a 
la  ii'ii*»  iv-  oiit''  ''■»>  ra'',-  "i  K  f..!i«*  "l,.nuii»*'  et  ia  •  **»('•  tti.iiiuiuk*.  <»1  i 
ini»(!iliA  si  riirit»».  'i::*'.:!  I:»  j»în >«*«*■  •*uîo,  \j&  ualiim  <!«•  la        s'y  i 
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'l»1  rbiiil»'!*ï.*i»"ï  a  fa.l  «!i4  lufftit»*»»:!  se'-Jinir  ilV-tô:  l'1-.- 
•iil  N  w.l.  IS.  ig»;s,  Alli-u.i-a'îs,  !t:i  ««.>:. l  (:itM«*s;  U-.s  Allais  ««'''lut'  y  vit» 
■•ri  ii"t»»br»'.  l/AS  t  i*»ili*s  >«»aî  l'ha'JUi*  «liaiii*>  v»*ut  .* 

-.i  {«ai  l.  1)«>  li;  /vin  v.<'Uimi'lhO  la  raniiVc  clr.s  pla^s  L»r-ihCN.  J^-s  « 
y  ,s»»nt  [kmiI  »«tre  ua  ins  fav>)i"ai;l.*s  tju«*  <hu\<  rOn^sl:  lo*< 
,       f»  rl«"*,  la  n»«*r  j»It:s  hou'cu*'1;  rojiendaiil  h*  mî»v^  «'  ■  » 


;.         Vovai.'i-  h'-'^S|iïi«  «-t  |«"?ti»«N>> js|i»  fait  h»!^      i'..v--l    •  ■  i  •• 
•      nM.ts  wifûr»  tii  lli  ««t  U'  'i'.«ri.s,  Fn*rim  I):<l<i»,  lï*  *►.  ;  ■• 


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LES  PLAGES 


26i 


Knocke,  Heyst,  Blankenberghe,  Wenduyne,  le  Coq,  groupent  sur  les 
duues,  dominant  la  mer,  de  longues  rangées  do  villas  rutilantes  et 
d'hôtels  gigantesques,  qui  s'abritent  l'hiver  derrière  d'immenses  volets 
de  bois  et  secouent  leur  chrysalide  au  printemps,  pour  la  venue  des 
étrangers  :  15  a  18.000  à  Heyst,  200.000  à  Blankenberghe,  dont  34.000  y 
séjournent1.  L'énorme  développement  d'Ostende  n'a  pourtant  pas  arrêté 
l'essor  des  constructions  dans  la  direction  de  l'Ouest  :  Mariakerke, 
Middelkerke,  Westende,  Nieuport,  môme  Coxyde,  Oost-Dunkerke, 
La  Panne  et  Bray-Duues,  isolées  derrière  leurs  sables,  ont  leur  plage  ; 
Malo-lcs-Bains  touche  à  Dunkorque.  Do  Nieuport  à  Dunkerque,  c'est  la 
bonne  côte,  bien  abritée  des  lames,  avec  un  estran  qui  n'est  pas 
démesuré,  et  derrière,  le  pittoresque  des  hautes  dunes. 
La  juxtaposition  de  ces  villes  neuves  aux  anciens  villages  des  dunes 


(Fragment  de  la  feuille  Middelkerke  d«  la  carte  Uipographique  bel^s  a  1  :  M.000). 

Fig.  52.  —  Une  ville  balnéaire  :  Middelkerke. 


produit  parfois  des  agglomérations  de  forme  curieuse,  où  l'on  retrouve  les 
éléments  anciens.  La  bourgade  de  Middelkerke  comprend  en  réalité  trois 


'  Renseignement*  des  administrations  communales.  —  Sur  Blankenberghe,  voir  les 
articles  de  Van  den  Buasche  (E.)  dans  «  la  Flandre  »,  vol.  VI,  VU,  VIII  et  IX. 


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262 


LA  COTE.  -  LES  PORTS 


parties  :  sur  les  dunes,  la  digue  de  mer  avec  les  hôtels,  les  villas  élégantes 
ou  biscornues,  le  promenoir  et  ses  lampadaires  électriques,  et  derrière, 
des  embryons  de  rues  sableuses,  où  les  maisons  alternent  avec  los  terrains 
vagues.  Cette  partie  neuve  touche  aux  vieilles  maisons  de  la  lisière  des 
dunes,  habitées  par  les  maraîchers,  et  qui  forment  le  long  des  sables  une 
ligne  de  chaumières  pittoresques,  d'aspect  caractéristique.  Enfin  plus  bas, 
dans  la  plaine  même,  s'étend  l'agglomération  née  sur  la  route  d'Ostende 
à  Nieuport,  habitée  par  les  commerçants  et  les  ouvriers  agricoles;  c'est 
un  village  de  la  plaine  maritime.  Ainsi  dans  cette  simple  commune  de 
2.040  personnes,  on  trouve  trois  types  d'habitat  particulier,  presque  trois 
petites  villes  distinctes. 

Cette  floraison  de  villes  neuves  a  transformé  la  côte  ;  les  stations 
balnéaires  l'ont  embellie  et  enrichie.  Toutes  ces  bourgades  des  dunes, 
jadis  les  hameaux  les  plus  misérables  et  les  plus  inconnus  de  la  Flandre, 
célèbres  surtout  par  les  désastre*  que  leur  infligeaient  la  mer  ou  las 
sables,  sont  devenues  prospères,  presque  illustres.  Devant  les  anciennes 
cités,  qui  risquaient  juste  leur  beffroi  ou  leur  tour  d'église  par-dessus 
les  dunes,  des  files  de  maisons  se  sont  établies  au  bord  môme  de  la 
mer,  sur  le  dos  des  monticules  :  hôtels  énormes,  aussi  vastes  que 
los  grands  hôtels  de  ville  flamands  :  villas  de  tous  styles,  hautes 
et  brillantes,  véritable  défi  aux  vents  et  aux  vagues.  La  côte  déserte, 
inhospitalière,  s'est  peuplée;  elle  devient  une  rue  luxueuse  et  animée. 
Cette  transformation  achève  le  contraste  entre  l'aspect  peu  engageant  de 
cette  côte,  la  tristesse  de  ses  dunes  et  de  ses  estrans,  et  l'activité  écono- 
mique qui  s'y  est  établie.  L'âpre  région  eôtière  s'est  humanisée  ;  elle  est 
riche  et  peuplée  ;  la  Flandro  a  maintenant  sur  la  mer  une  façade  digne 
d'elle-même. 


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2iï\ 


CHAPITRE  XI. 
L'EAU  DANS  LA  PLAINE:  POLDERS  ET  WATERINGUES1. 


I.  Lutte  contre  la  mer.  —  II.  Lutte  contre  les  eaux  intérieures.  Objet  des  Wate- 
ringucs.  Organisation.  —  III.  L'œuvre  des  Waterinf/ues.  Los  rivières  :  Aa,  Yser. 
Canaux  d'assèchement.  —  IV.  Résultats  de  l'assèchement.  Calaisis.  Marais  do 
St-Omer.  Moëros.  Terres  basses  de  l'Est.  Progrès  accomplis  et  à  accomplir. 

Du  haut  des  grandes  dunes  de  la  Panne,  la  plaine  maritime  apparaît 
sous  un  de  ses  aspects  caractéristiques.  De  grandes  étendues  de  guérets 
noirâtres  ou  gris,  sur  lesquels  tranche  la  couleur  jaune  des  sables  côtiers; 
ça  et  là  des  pâtures,  dans  la  proportion  d'un  tiers.  Pas  la  moindre  émi- 
nenco  à  laquelle  puisse  s'accrocher  le  regard.  Des  lignes  de  saules  bas, 
qui  suivent  les  fossés  ;  quelques  massifs  de  peupliers  fortement  inclinés 
au  S.-E.  ;  et  derrière  ce  mince  écran,  les  constructions  basses  de  grandes 
fermes.  Les  maisons  sont  rares,  surtout  les  petites.  On  aperçoit  peu 
d'habitants,  parfois  une  «  bande  »,  30  à  40  personnes  de  front,  occupées  à 
un  sarclage  ou  à  un  binage.  Ce  qui  anime  le  plus  le  paysage,  ce  sont  les 
mouvements  lents  des  bêtes  sur  les  pâtures.  I,e  soleil  fait  briller  la 
ligne  blanche  d'un  watergand,  et  sortir  de  lointains  brumeux  des 
clochers  sévères. 

Watergands,  pâtures  et  terre  grise,  fermes,  arbres  rares  et  penchés,  • 
sont  les  notes  uniformes  de  ce  grand  paysage  vide.  Les  proportions 
peuvent  changer,  mais  les  éléments  restent  les  mômes.  Aux  environs  de 
Nicuport,  l'absence  d'arbres  dans  l'ancien  golfe  de  l'Yser  est  plus  sensible 
encore  qu'ailleurs:  pas  un  tronc  sur 5  kilomètres,  entre  l'église  deMiddel- 
kerke  et  celle  de  Slype  :  à  peine  derrière  une  ferme  quelques  malheureux 
pommiers,  tordus,  leurs  branches  horizontales,  violemment  lancées  vers 
l'Est.  Ailleurs,  de  Bergues  à  Dixmude,  ce  sont  les  pâtures  qui  envahissent 
lo  paysage,  et  l'égaient  de  leur  immuable  teinte  verte,  sur  laquelle  tranchent 
les  petits  ponceaux  de  briques,  blanchis  à  la  chaux,  qui  franchissent  les 
watergands.  Autour  d'Ostende,  tout  est  gris  ;  la  terre  forte  de  la  crique  a 


1  A  consulter:  Schramrne  (.).).  Des  Watoringues.  (Bruges,  iMaortens,  I8U0,  in-8», 
200  p.);  —  Schramrne  (J.),  Limbourg  (H.)  et  Van  do  Wattyno  (F.),  Des  Polders. 
(Bruxelles,  Larder,  IW4,  in-8»,  312  p.). 


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m        L'Eau  dans  la  plaine:  polders  et  wateringues 

gardé  la  couleur  des  alluvions  marines.  Par  endroits,  les  watergands 
deviennent  plus  nombreux  ;  le  sol  est  coupé  de  grandes  flaques  où  se 
creusaient  jadis  les  exploitations  de  tourbe  ;  c'est  le  marais,  tantôt  sauvage, 
tantôt  cultivé,  où  les  saules  se  font  nombreux.  Mais  l'impression  domi- 
nante, surtout  lorsqu'on  arrive  de  l'intérieur,  est  celle  de  nu  et  de  vide. 
Enchanté  du  pays  de  Waes,  Forster  débouche  sur  les  polders  de  Zwyn- 
drecht.  «  Aussitôt  les  arbres,  les  buissons,  disparaissent.  Le  pays  se  change 
en  une  vaste  lande.  On  ne  voit  plus  qu'une  plaine  chauve  bornée  par  des 
pâturages  et  des  prairies  »  *.  Ce  que  l'enthousiaste  Allemand  appelait  une 
lande,  dans  un  mouvement  de  mauvaise  humeur  que  calmait  à  peine 
«  l'imposante  grandeur  »  du  panorama  d'Anvers  a  l'horizon,  c'est  la  terre 
la  plus  fertile  de  Flandre  ;  mais  elle  est  bien  vaste  et  chauve  à  souhait. 

Ce  pays  plat  et  nu  est  aussi  le  pays  bas.  Sur  presque  toute  son  étendue 
la  plaine  serait  recouverte  par  les  marées  hautes  de  vive  eau,  sans  l'obs- 
tacle des  digues  et  des  dunes.  11  n'y  a  guère  que  la  lisière  côtière  et  le  dos 
des  anciennes  îles  qui  pourraient  émerger.  Certaines  parties  sont  si  basses 
qu'elles  sont  au-dessous  du  niveau  moyen  de  la  mer.  Dans  les  Moères 
franco-belges,  le  sol  s'élève  à  peine  à  1  mètre  au-dessus  des  marées  basses 
de  vive  eau.  Tout  au  long  de  la  limite  du  Houtland,  la  plaine  s'affaisse  en 
une  rainure  où  le  sol  se  trouve,  par  rapport  au  niveau  moyen  des  basses 
mers  de  vive  eau  :  à  -f  2m,5()  entre  Calais  et  Audruicq,  à  -+-  3  mètres  au 
Nord  de  Bergues,  à  -f  2  mètres  en  certains  points  du  golfe  de  Loo  et  dans  les 
moeres  de  Ghistelles,  a  -f-  2  mètres  et  même  -f  1  mètre  entre  Oudenbourg 
et  Meetkerke,  à  -f  1  mètre  dans  certains  polders  zélandais  à  la  limite  de 
la  Belgique,  et  le  long  du  Bas-Escaut.  Ainsi  aucune  partie  de  la  plaine 
ne  resterait  inondée  h  marée  basse,  mais  à  marée  haute  on  verrait  par 
exemple  les  grandes  Moëres  recouvertes  d'une  tranche  d'eau  de  3m,50. 
C'est  à  cet  état  amphibie  que  tient  dans  la  plaine  maritime  le  grave 
problème  de  l'eau. 

Par  sa  situation  de  plaine  basse  étendue  tout  au  long  de  la  Flandre  et  la 
séparant  de  la  mer,  la  région  maritime  reçoit  toutes  les  eaux  flamandes,  sans 
compter  celles  que  l'Àa  et  l'Escaut  lui  amènent  des  pays  voisins.  L'afflux 
est  général  ;  il  faut  que  tout  passe  la,  s'écoule  à  la  surface  de  ce  sol  sans 
pente.  Il  ne  faut  pas  compter  sur  l'infiltration  :  cette  terre  est  déjà  saturée 
d'eau.  L'épaisseur  des  sables  pissarts,  sous  laquelle  l'argile  yprésienne 
étend  son  imperméable  masse  bleuâtre,  est  aussi  liquide  que  solide  ;  l'eau 
douce  qui  y  pénètre  par  les  lacunes  de  l'argile  poldérienne  y  est  mêlée  à 
l'eau  de  mer  dont  aucune  cloison  imperméable  n'empêche  la  lente  inva- 


«  Forster,  Voyage  philosophique,  II,  p.  222. 


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LA  LUTTE  CONTRE  LA  MER 


sion.  Tout  ce  qui  tombe  des  nuages,  tout  ce  qui  descend  de  l'intérieur  doit 
donc  couler  à  la  surface  de  la  plaine.  Mais  la  mer,  de  son  côté,  tend  à 
pénétrer  sur  ce  territoire  moins  élevé  que  le  niveau  de  ses  marées,  et  a 
refouler  les  eaux  douces  qui  y  cherchent  péniblement  leur  route.  Aban- 
donnée à  elle-même,  la  plaine  redeviendrait  aussitôt  une  vaste  lagune 
d'eau  saumàtre. 

La  lutte  contre  l'eau  est  donc  la  première  tâche  qui  s'impose  à  la  plaine 
maritime  ;  il  y  va  de  sa  richesse,  de  sa  vie  même.  Sans  elle,  la  plaine 
n'existerait  pas.  Le  combat  revêt  plusieurs  formes.  La  nécessité  la  plus 
pressante  semble  être  la  défense  contre  l'invasion  marine,  qui  monte  deux 
fois  par  jour  à  l'assaut.  Cependant  c'est  là  une  tâche  relativement  facile. 
l,a  mer  est  terrifiante  ;  elle  frappe,  mugit,  écume,  et  pourtant  fait  rarement 
du  mal.  On  est  vite  venu  à  bout  de  l'arrêter.  Les  eaux  douces  ont  été  un 
obstacle  bien  plus  sérieux  au  développement  de  la  plaine  ;  la  mer  cesse 
d'être  dangereuse  deux  fois  par  jour  ;  les  canx  intérieures  ne  s'arrêtent 
pas.  Enfin  après  l'eau  salée  et  l'eau  douce,  l'eau  saumàtre.  Celle-ci  s'in- 
filtre à  travers  les  sables  pissarts,  passe  sous  les  dunes  et  vient  remonter 
à  la  surface,  faisant  périr  les  récoltes  et  los  arbres.  L'homme  doit  faire 
front  de  toutes  parts,  arrêter  la  marée,  expulser  l'eau  douce,  refouler  en 
profondeur  l'eau  saumàtre.  Pas  assez  d'eau  dans  la  mer,  trop  d'eau  sur  la 
terre  et  dans  la  terre,  c'est  la  formule  de  la  région;  le  Flamand  a  fort 
a  faire  pour  rétablir  l'équilibre.  Encore  lui  faut-il,  dans  cette  lutte 
ininterrompue,  garder  de  la  mesure.  Pour  enlever  à  la  plaine  les  eaux 
surabondantes,  il  ne  faut  pas  lui  retrancher  les  eaux  nécessaires,  sans 
lesquelles  ses  habitants  souffriraient  de  la  soif,  et  ses  terres  fortes  de  la 
sécheresse.  Ainsi  la  lutte  doit  être  à  la  fois  âpre  et  judicieuse,  et 
l'organisme  utilisé  aussi  délicat  que  solide. 


I. 

LUTTE  CONTRE  LA  MER. 

Contre  la  mer,  la  lutte  est  relativement  facile.  La  protection  de  la 
plaine  est  assurée  sur  une  bonne  partie  de  la  côte  par  la  nature. 
I,es  dunes  sont  la  meilleure  des  défenses,  et  il  suffit,  lorsqu'elles 
s'amaigrissent,  de  les  préserver  par  des  fascinages  ou  des  épis.  A  l'Ouest, 
ce  n'est  guère  que  dans  les  anciens  estuaires  de  l'Aa,  de  l'Yser,  du  Zwin, 
ou  en  dos  points  particulièrement  menacés  que  l'on  trouve  des  digues. 
Mais  à  partir  de  Breskens,  toute  la  côte  en  est  constituée. 


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286  L'EAU  DANS  LA  PLAINE  :  POLDERS  ET  WATERINGUES 

Ces  digues  de  mer,  qui  n'existent  guère  que  dans  la  Flandre  zélandaise, 
sont  loin  d'avoir  l'aspect  imposant  des  magnifiques  perrés  que  les  Belges 
ont  établis  sur  les  dunes  de  leurs  stations  balnéaires.  Ce  sont  des  ouvrages 
très  simples  et  très  pratiques,  et  si  nous  en  croyons  les  archives,  assez 
semblables  a  ceux  qu'édifièrent  les  moines  de  St-Pierre  ou  dos  Dunes. 
L'emplacement  de  la  digue  à  construire  sur  le  schorre  suffisamment  mûr 1 
est  fixé  un  peu  en  arrière  de  la  laisse  des  basses  mers  ;  il  faut  garder  on 
avant  de  la  future  digue  une  bande  de  schorre,  où  l'on  prendra  l'argile 
nécessaire  à  la  construction,  et  qui  servira  d'avant-berme.  Il  y  a  tout 
avantage  à  ne  pas  prendre  de  la  terre  en  arrière  de  la  digue  ;  on  évite 
ainsi  de  gâter  le  sol  agricole  de  la  partie  à  endiguer,  et  de  créer  de  véri- 
tables marais  difficiles  a  combler,  comme  ceux  que  l'on  voit  encore  entre 
Blankenberghe  et  Wenduyne,  derrière  la  digue  du  Comte  Jean.  Devant 
l'emplacement  choisi  pour  la  digue,  où  l'on  lient  compte  encore  de  la 
situation  par  rapport  aux  vents  dominants,  et  de  la  direction  des  criques 
à  combler  »,  on  établit  une  diguette  île  mottes  d'argile  liées  avec  des 
roseaux  ;  et  c'est  à  l'abri  de  cet  obstacle,  entre  la  diguette  et  l'ouvrage  en 
construction,  que  l'on  enlève  les  matériaux,  en  ayant  soin  do  no  pas 
approcher  l'excavation  trop  près  de  la  digue,  et  en  laissant  de  place  en 
place  des  parties  intactes  qui  forment  des  espèces  d'épis.  La  digue  s'élève 
jusqu'au  moins  0m,50  au-dessus  des  plus  hautes  eaux  connues  :  de 
sorte  qu'à  la  suite  d'une  marée  extraordinaire  on  s'astreint  à  rehausser 
tous  les  ouvrages  ;  après  la  grande  marée  de  février  1825,  on  releva 
de  0m,75  à  1  mètre  toutes  les  digues  du  Bas-Escaut.  Elle  comprend  une 
plate-forme  de  largeur  variable  dominant  deux  talus  de  pente  inégale  ; 
celui  qui  fait  face  à  l'intérieur  très  raide,  tandis  que  celui  qui  reçoit  le 
choc  des  vagues  est  en  pente  beaucoup  plus  douce,  pour  donner  moins  de 
prise  à  l'attaque.  C'est  ainsi  que  la  fameuse  digue  de  Westka pelle, 
dont  on  aperçoit  de  Kadzand  le  profil  régulier  tout  au  bout  do  l'île  de 
Walcheren,  est  peu  imposante  d'aspect,  tant  elle  est  large,  et  tant  son 
talus  extérieur,  planté  d'une  forêt  de  pieux,  descend  d'une  pente  insen- 
sible. Même  le  plus  souvent  ce  talus  comprend  deux  parties,  toujours  en 
pente  douce,  séparées  par  une  plate-forme  intermédiaire,  élevée  à  la 
hauteur  des  marées  de  vive  eau  ordinaires.  Enfin  le  pied  de  chaque  talus 


1  Au  moins  O01  70  au-dessus  des  basses  mers  ordinaires  des  syzygies. 

1  Le  tracé  évite  les  angles  brusques  ;  et  quand  il  rencontre  une  criquo  profonde, 
parfois  il  la  contourne  ;  la  partie  contournée  peut  servir  de  port  d'échouage  ;  on  y  place 
l'écluse  d'évacuation.  Voir  la  phot.  21  (Un  canal  d'évacuation  de  Wateringuc  à 
Groede). 


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LA  LUTTE  CONTRE  LA  MER 


2fi7 


est  fortifié  par  une  berrae  en  fascinages  :  la  berme  extérieure  empêche  la 
mer  de  déchausser  la  digue  par  le  bas,  et  préserve  le  talus  en  amortissant 
déjà  la  violence  des  flots  ;  la  berme  intérieure  soutient  le  talus  qui  y 
correspond,  et  sert  généralement  de  chemin  ». 

C'est  là  la  digue  ordinaire.  Lorsqu'on  la  voit  s'allonger  en  courbes 
douces,  toule  recouverte  d'herbe  comme  une  pâture,  on  a  l'impression 
qu'elle  constitue  une  piètre  défense  contre  le  redoulable  élément. 
Pourtant  il  est  bien  rare  que  cet  élastique  rempart  de  terre  soit  brisé. 
I,e  grand  danger  vient  plutôt  d'en  bas  :  un  trou  qui  permettrait  à  l'eau  de 
déchausser  la  digue.  Aussi  la  construction  et  l'entretien  des  bermes  sont 
ils  l'objot  de  soins  particuliers.  D'ailleurs,  aux  endroits  exposés,  on 
augmente  les  défenses.  La  digue  est  revêtue  de  gros  blocs  assujettis  par 
des  branchages,  comme  à  Sangatte.  Sur  la  côte  zélandaise,  il  est  rare  que 
le  talus  inférieur  ne  soit 
pas  formé  de  gros 
prismes  de  basalte  soli- 
dement plantés,  au-des- 
sus desquels  on  dresse 
de  une  à  cinq  lignes  de 
pieux  ,  plus  ou  moins  Flo  :.{  _  ,>rofll  (1.|l|lt>  ^  i]o  FI;uuIrp  7>lalMlaise. 
serrés,  plus  ou  moins 

élevés.  La  plate-forme  intermédiaire  est  alors  pavée  elle-même  de  ces 
blocs,  ou  soigneusement  tapissée  par  un  nattage.  Enfin  des  épis  font 
l'avant-garde  de  l'œuvre  de  défense  et  protègent  la  benne.  Tranchées  par 
ces  pointes,  les  lames  viennent  s'émietter  sur  les  pieux  du  talus  inférieur, 
et  expirer  sur  la  première  plate-forme.  Avec  leurs  basaltes  noirs,  leurs 
pieux  noirs  auxquels  s'accrochent  les  plantes  marines,  la  côte  ainsi 
défendue  n'a  plus  l'aspect  indécis  et  fuyant  qu'on  lui  voit  vers  Grave- 
lines  ;  elle  est  hérissée  et  rébarbative. 

L'entretien  de  ces  ouvrages  revient  naturellement  à  ceux  qui  en 
profitent,  c'est-à-dire  aux  propriétaires  dos  terres  qu'ils  protègent  contre 
la  mer,  en  proportion  du  danger  qu'elles  peuvent  courir;  les  exploitations 
situées  à  la  lisière  du  Houtland  payant  moins  que  celles  qui  se  trouvent  au 
long  de  la  côte.  Dans  le  Pas-de-Calais,  par  exemple,  la  défense  de  la  côte 
entre  le  Blanc-Nez  et  Gravelines  est  confiée  au  Syndicat  des  Digues  et 
Dunes,  commission  de  sept  membres  pris  dans  les  comités  des  six  asso- 
ciations de  wateringues,  et  chargée  d'assurer  la  conserv  ation  et  l'entretien 


1  Voir  l'excellent  article  do  Kûmmer  (U.N.),  Essai  sur  les  travaux  do  fascinages  et 
la  construction  des  digues.  (Ann.  Tr.  p  Belg.,  2»e  série,  IV,  18W,  pp.  21-83,  163-224). 


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m  L'EAU  DANS  LA  PLAINE  :  POLDERS  ET  WATERINGUES 

des  ouvrages  au  moyen  d'une  cotisation  levée  sur  les  différentes  sections, 
proportionnellement  à  leurs  risques  d'inondation.  C'est  ainsi  qu'est 
conservée  la  digue  de  Sangatte.  L'Etat,  dans  la  personne  de  ses  ingénieurs 
des  Ponts-et-Cliaussées  ou  du  Walerstaat,  se  contente  d'exercer  un  droit 
de  surveillance  et  de  contrôle  sur  les,travaux  ;  il  peut,  lorsque  les  asso- 
ciations inléressées  négligent  leur  tâche,  faire  exécuter  lui-même  les 
réparations,  qu'il  fait  payor  ensuite  par  les  syndicats  *.  De  plus,  à  toutes 
U38  époques,  de  nombreuses  prescriptions  ont  assuré  le  bon  entretien  des 
digues,  et  prévu  la  réquisition  pour  les  cas  de  danger  pressant.  Depuis  la 
keure  du  Franc  de  Bruges  de  1 HX),  où  Philippe  d'Alsace  sanctionne  que 
«  quiconque  aura  rompu  une  digue  de  mer,  perdra  la  main  droite,  et  tout 
son  bien  sera  à  la  disposition  du  comte  »  2,  innombrables  sont  les  ordon- 
nances punissant  les  dégradations,  et  écartant  des  digues  les  animaux  et 
les  voitures  3.  L'obligation  de  venir  au  secours  de  la  digue  menacée  est 
absolue;  la  réquisition  atteint  «  tous  les  habitants  au-dessus  de  18  ans, 
avertis  par  le  son  du  tocsin  »,  sous  peine  d'amende  et  de  prison  ;  et  en  cas 
de  manque  de  matériaux,  l'autorité  compétente  peut  «  s'emparer  de  tout  ce 
qui  existera  en  piquets,  fascines  et  paille  dans  les  environs  de  la  digue, 
dût-elle  même  faire  enlever  le  chaume  des  maisons  et  les  chevrons  de 
leur  toiture  >  *.  La  nécessité  explique  ces  mesures  rigoureuses;  l'entre- 
tien de  la  digue  est  la  grande  affaire  des  gens  de  la  côte.  «  Celui  qui  ne 
sait  pas  diguer  peut  s'en  aller  »,  dit  un  adage  flamand,  qui  se  retrouve 
dans  les  Marschen  de  Brème  5. 

Ces  travaux  soigneux,  cette  surveillance  incessante  ont  produit  de  bons 
résultats.  I,a  plaine,  derrière  ses  dunes  et  ses  digues,  jouit  d'une  sécurité 
complète.  Cette  quiétude  surprend  un  peu  l'étranger  qui  songe  que  la 


1  II  en  a  toujours  été  ainsi.  Au  milieu  du  XV»  siècle,  le  polder  de  Milme  (Ouest  de 
Terneuzen)  ayant  ses  digues  on  mauvais  état,  Philippe  le  Bon  ordonne  au  watergrave 
de  Flandre  de  prendre  des  mesures  pour  les  faire  réparer,  et  de  faire  supporter  les  frais 
au  propriétaire,  qui  a  négligé  de  les  entretenir  (Van  de  Putte,  Groeninghe,  p.  80). 

*  Paragraphe  19  de  la  keure,  reproduit  à  l'article  40  de  la  keure  de  1330  (Gilliodts, 
Coutumes  du  Franc,  II,  p.  23). 

3  I,es  amendes  pour  le  passage  des  voitures,  chevaux  et  autres  bestiaux  sur  la  «ligue 
sont  encore  fixées  dans  l'ordonnance  royale  du  ir»  juillet  1818,  Digues  et  Dunes  du 
Pas-de-Calais,  titre  8,  article  38. 

*  Articles  3T>  et  .'t8  du  décret  du  H>  décembre  1811,  règlement  de  police  des  polders 
dans  les  départements  de  l'Escaut,  etc.  Los  mêmes  prescriptions  se  retrouvent  dans  la 
Keure  de  la  Wateringue  de  Kadzand,  de  ir»38  (Gilliodts,  Coutumes  du  Franc,  II,  p.  t>0<5); 
dans  l'Ordonnance  de  102T>  (Ibid.  III,  pp.  7">-76),  etc. 

8  Die  niet  en  kan  dijken 

Die  moe  wijken. 


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LA  LUTTE  CONTRE  IJk  MER 


mer,  qu'on  entend  parfois  gronder  derrière  un  mur  de  terre,  est  plus 
haute  que  le  sol  où  la  vie  s'écoule  tranquillement.  Mais  l'habitant  des 
polders  est  si  habitué  à  celte  anormale  situation  qu'il  n'y  pense  plus; 
peut-être  même  ignore-t-il  qu'elle  existe.  Cette  sécurité  date  surtout  du 
XIXe  siècle;  elle  n'a  pas  toujours  été  si  complète.  Guichardin  cite 
l'ancienne  clause  de  location  qui  décide  que  si  dans  les  dix  ans  la  mer  vient 
inonder,  couvrir  et  noyer  les  étendues  louées,  le  contrat  serait  tenu  pour 
rompu  L  Le  temps  n'esl  pas  si  éloigné  où  les  habitants  du  Franc  fuyaient 
à  l'annonce  de  la  terrible  marée  du  2  février  1791,  et  où  les  portes  de 
Bruges  restaient  ouvertes  toute  la  nuit,  pour  laisser  passer  le  flot  des 
paysans  affolés  poussant  devant  eux  leurs  bestiaux.  Les  dernières  inon- 
dations sérieuses,  si  l'on  en  excepte  les  événements  de  1830-31,  où  les 
Hollandais  mirent  volontairement  sous  l'eau  3.300  hectares  de  polders 
situés  en  face  d'Anvers,  datent  de  1808  et  de  1825.  Celle  du  14-15  janvier 
1808  fit  surtout  des  dégâts  le  long  de  la  Flandre  zélandaise  ;  certains 
polders  autour  de  Philippine  ne  furent  réendigués  qu'en  1811  *.  ('elle  de 
février  1825  fut  moins  grave  :  cependant  on  vit  trois  polders  submergés 
près  d'Axel,  les  communes  de  Hornhem,  Hingeneet  Weerl,  riveraines  de 
l'Escaut,  englouties,  la  ville  d'Ostende  envahie.  Depuis,  ce  ne  sont 
plus  que  des  accidents  sans  gravité,  affectant  un  territoire  restreint  : 
le  Thomaespolder,  sur  la  côte  d'Hoofdplaat,  inondé  il  y  a  11  ans,  et 
reconquis  seulement  en  partie  ;  les  laines  bondissant,  par  gros  vents  du 
Nord-Ouest,  jusque  dans  les  rues  basses  de  Nieuport,  ou  envoyant  quelques 
paquets  d'eau  de  mer  par-dessus  la  digue  deSangatte.  La  sécurité  actuelle 
semble  donc  bien  justifiée.  Que  l'on  continue  à  entretenir  soigneusement 
les  beaux  ouvrages  qui  défendent  la  côte,  et  les  habitants  de  la  plaine 
pourront  légitimement  réserver  toute  leur  attention  a  la  lutte  contre  les 
eaux  intérieures,  ennemi  moins  brutal  mais  plus  dangereux  de  la 
prospérité  de  leur  sol. 


«  Guichardin,  Traduction  française  de  1U2T>  (Amsterdam,  Jansson,  1<Î2T>),  p.  33.5. 

*  Sur  l'inondation  de  1808,  voir:  Arch.  Nat.  A  F  IV  HCB,  rapport  du  ministre  d'Etat 
Crétet  et  des  préfets  de  la  Lys  et  de  l'Escaut;  F«*  1122  et  1123;  les  dégâts  pour  le 
département  de  l'Escaut  sont  évalués  à  1.4f)5.rjOO  francs  ; —  De  Kauter(J.),  Natuur-en 
Geschied-kundige  beschrijving  van  den  watervloed  tusschen  den  14  en  l.r>  Januarij  1808 
(Middelburg,  Abrahama,  1808,  in-8»,  118  p.). 


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270  L'EAU  DANS  LA  PLAINE  :  POLDERS  ET  WATERINGUES 


II. 

LUTTE  CONTRE  LES  KAUX  INTÉRIEURES. 

Comment  se  débarrasser  de  ces  eaux  qui  descendent  des  hauteurs  vers 
la  plaine,  et  s'y  mêlent  à  celles  que  des  pluies  fréquentes  déversent  sur  le 
pays  ?  Le  sol  est  plat,  il  n'y  a  pas  de  vallées  où  elles  puissent  se  con- 
centrer, toute  la  plaine  n'est  qu'une  immense  vallée.  La  première  tâche 
était  de  canaliser  le  fléau,  creuser  d'innombrables  fossés  d'écoulement, 
frayer  un  lit  endigué  aux  rivières,  et  prolonger  toutes  ces  artères  jusqu'aux 
endroits  où  s'interrompt  la  ligne  de  dunes,  c'est-à-dire  aux  anciens 
estuaires,  naturels  ou  artificiels.  Mais  là  se  rencontrait  une  grave  difficulté  : 
par  ces  ouvertures,  la  mer  allait  envahir  le  pays  bas  à  marée  haute. 
Il  fallait  donc  établir  là  des  portes  qui  empêcheraient  la  haute  mer  d'entrer 
dans  la  plaine,  et  s'ouvriraient  à  marée  descendante  pour  laissor  passer 
Le  trop-plein  amassé  derrière  elles.  Canaux  de  dessèchement  et  écluses 
de  mer,  c'est  là  le  principe  de  l'évacuation  des  eaux  intérieures. 

I.a  plupart  des  fossés  étaient  à  l'origine  des  rigoles  naturelles,  qui 
s'étaient  creusées  et  allongées  à  mesure  que  la  plaine  s'asséchait,  et  que 
la  mer  se  retirait  dans  des  estuaires  sans  cesse  rétrécis.  Ce  n'est  que 
lorsqu'on  voulut  mettre  le  sol  en  culture,  et  passer  de  l'élevage  des  moutons 
sur  les  schorres  à  l'agriculture  sédeutaire,  que  les  hommes  commencèrent 
à  perfectionner  le  dessèchement,  à  creuser  des  watergands  artificiels  et 
à  approfondir  les  anciens  «  kreeks  ».  Mais  aucun  propriétaire,  sauf  ceux 
dont  les  terres  touchaient  à  l'écluse,  ne  pouvait  évacuer  sans  l'assistauce 
ou  l'agrément  d'autrui  les  eaux  surabondantes  de  son  exploitation. 
Il  lui  fallait  les  faire  passer  par  les  domaines  de  ses  voisins,  qui  pouvaient 
refuser  de  laisser  pénétrer  sur  leurs  terres  ce  nouvel  afflux,  lorsqu'ils 
avaient  déjà  delà  peine  à  assécher  leur  propre  sol.  Impossible  donc  d'aller 
aboutir  à  la  lointaine  écluse  du  rivage.  Et  d'ailleurs,  ne  fallait-il  pas  à 
l'écluse,  en  permanence,  quelqu'un  qui  jugeât  s'il  fallait  l'ouvrir  ou  la 
fermer,  si  les  terres  étaient  ou  non  trop  humectées  ?  Livré  à  lui-même, 
le  paysan  de  la  plaine  était  donc  impuissant  à  se  débarrasser  de  ses  eaux. 
Mais  associé  à  ceux  qui  l'entourent,  participant  à  l'entretien  de  fossés  de 
grande  ouverture  où  aboutiraient  ses  watergands,  aidant  à  la  construction 
de  l'écluse  par  laquelle  l'eau  de  ses  terres  gagnera  la  mer,  contribuant  au 
salaire  de  l'éclusier  chargé  de  la  délicate  manœuvre,  il  peut  assécher  son 
sol.  L'association  est  la  seule  forme  possible  de  la  lutte  contre  les  eaux 
dans  la  plaine.  Cette  association,  c'est  la  Wateringue. 


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L'ORGANISATION  DES  WATERINGUES 


Aussi  les  Wateringues  sont-elles  aussi  vieilles  que  l'émersion  de  la 
plaine  maritime.  Ce  sont  probablement  à  l'origine  des  associations 
privées  sur  lesquelles  ne  s'étend  pas  le  contrôle  do  l'Etat.  Le  nom  môme 
du  ityckyraaf,  l'administrateur  ôlu  par  les  associés,  pour  diriger  l'assèche- 
ment, indiquo  l'antiquité  de  l'institution  K  Mais  au  XIIe  siècle,  elles 
apparaissent  déjà  comme  constituées  sous  l'autorité  du  comte,  qui  surveille 
leurs  travaux  ;  la  vénérable  charte  de  Philippe  d'Alsace  de  1184  établit 
les  moines  des  Dunes  gardiens  (rustodia)  de  la  grand»'  écluse  du  métier 
de  Fumes  et  décide  qu'en  cas  d'accident  elle  sera  reconstruite  à  frais 
communs  *.  Au  siècle  suivant  apparaît  le  nom  de  wateringue  ;  mais  la 
charte  accordée  en  1239  au  syndicat  de  l'Oudo  Yevene  prouve  que 
l'institution  existait  depuis  longtemps  déjà.  A  la  môme  époque  d'autres 
textes  nous  parlent  do  la  wateringue  des  Quatre  digues  du  métier  de 
Bergues,  de  celle  du  Brouck  a  Capelle-brouck,  de  celle  de  Furnes  3. 

Organisation  des  Wateringues. 

L'administration  do  ces  syndicats  s'inspirait  des  mêmes  principes. 
Elle  comportait  l'Assemblée,  corps  délibérant  formé  de  grands  proprié- 
taires, et  une  commission  exécutive  qui  dirigeait  les  travaux.  La  compo- 
sition de  l'Assemblée  variait  suivant  les  circonscriptions.  Dans  la 
grande  wateringue  de  Blankenberghe  étaient  membres  les  propriétaires 
d'au  moins  50  mesures  ;  il  en  faut  30  seulement  dans  la  wateringue  de 
Terneuzcn.  wateringue  du  Nord  de  Furnes  n'a  en  réalité  comme 
assemblée  délibérante  que  les  quatre  abbés  du  Furnambacht,  représentant 
les  quatre  grands  membres  de  l'association.  La  commission  exécutive 
est  formée  des  échevins  et  bailli  de  chaque  localité  ;  à  Bergues,  à  Bour- 
bourg,  quelques  membres  du  Magistrat  de  ces  villes  ;  dans  l'Oude  Yevene, 
les  échevins  d'Oostbiu  g  ;  dans  la  Blankenberghe-Watering,  quatre  sluys- 
meesters,  dont  un  chanoine  do  St-Donat,  un  membre  du  Magistrat  de 
Bruges,  deux  propriétaires  du  Franc.  C'est  cette  commission  qui  nomme 
les  fonctionnaires  techniques,  watergraves  ou  dijkgraves,  chargés  de  la 
_  .  . — .  

I  M.  Pirenne  fait  remarquer  (Histoire  de  Reloue,  I,  p.  137,  note  1)  que  tous  les 
magistrats  auxquels  le  mot  graaf  a  été  appliqué  dans  les  l'ays-Has,  hansgraaf,  water- 
graaf,  sont  d'origine  fort  ancienne. 

*  Van  de  Putte,  Dunes,  p.  KVî,  n"  227. 

s  Cf.  Van  lx)keren,  St- Pierre,  l,  pp.  2*>8-60,  n°  542  ;  —  Rut,  Ghronica  abbatum  de  Dunis, 
pp.  114-lir»;  — Coussemaker,  Documents  extraits  du  cartulairede  l'abbaye  do  Watten, 
Ann.  Com.  fi.  Fr.,  V,  pp.  310-311  ;  —  Coussemaker,  Rourbourg,  I,  p.  136,  n»  GXLV11. 


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272  L'EAU  DANS  LA  PLAINE  :  POLDERS  ET  WATERINGUES 

police  ou  fie  la  visite  journalière  des  ouvrages  ;  receveurs,  chargés  de 
recueillir  les  cotisations.  Mais  la  commission,  pour  engager  des  travaux 
nouveaux  ou  faire  modifier  les  taxes,  doit  en  référer  à  l'assemblée  déli- 
bérante, qui  se  réunit  d'ailleurs  régulièrement  chaque  année.  Enfin  pour 
assurer  l'unité  de  vues  et  d'exécution,  le  comte  délègue  ses  pouvoirs  à  un 
haut  fonctionnaire,  le  Walergrave  de  Flandre,  qui  resta  du  XIIIe  au 
XVIIIe  siècles  chargé  «le  l'inspection  des  digues  et  des  canaux,  de  l'admi- 
nistration des  inoeres  et  des  terrains  vagues1.  Ainsi  la  commission 
exécutive  dirige  les  fonctionnaires,  lève  et  emploie  les  fonds,  entretient 
les  ouvrages  ;  l'assemblée  délibérante  contrôle  au  moins  une  fois  l'an, 
décide  des  transformations,  défend  auprès  des  fonctionnaires  les  droits  de 
chaque  partie  du  pays  wateringué,  et  répartit  la  taxe  au  prorata  des 
difficultés  de  l'assèchement  ;  le  Watergrave  règle  les  conflits  entre 
syndicats,  éveille  l'attention  des  intéressés  sur  les  travaux  à  effectuer, 
et  au  besoin  fait  procéder  lui-même  à  ces  travaux  aux  frais  des  associations 
négligentes. 

L'excellence  du  système  n'avait  pas  besoin  d'être  démontrée;  les  faits 
suffisaient  a  indiquer  quels  heureux  résultats  avaient  donnés  pour  la  mise 
en  valeur  de  la  plaine  ces  associations  travaillant  chacune  pour  elle-même 
sous  les  conseils  et  la  surveillance  de  l'Etat.  Cependant  la  Révolution, 
dans  son  désir  de  faire  disparaître  les  anciennes  exceptions,  supprima  ces 
utiles  organismes.  Dans  le  district  de  Bergues,  devenu  arrondissement  de 
Dunkerque,  une  décision  de  l'administration  départementale,  de  décembre 
1790,  et  une  délibération  du  Conseil  général  en  date  du  28  février  1793  éta- 
blirent que  les  «  wateringues  étant  dépendances  du  domaine  public  seront 
comprises  pour  les  entretiens,  réparations  et  reconstructions  qui  les 
concernent,  dans  les  objets  à  la  charge  du  département  et  de  la 
République»;  leurs  dettes  étaient  incorporées  à  celles  de  la  nation. 
Cette  centralisation  avait  de  graves  défauts:  l'impôt-wateringue  allait 
peser  désormais  sur  des  gens  qui  n'en  tireraient  aucun  bénéfice  ;  en 
revanche  les  travaux  à  exécuter  seraient  entrepris  sans  l'avis  des 
intéressés  «.  Les  résultats  furent  en  effet  si  pitoyables  que  dès  1801 


*  Voir  à  ce  sujet  :  la  charte  clo  1282,  portant  règlement  de  la  wateringué  d'Eyensluis, 
dans  le  Franc  de  Bruges  (Van  de  Put  te.  Dunes,  pp.  t">2X-(î2!0  ;  —  Sanders  (E.)«  Iji  grande 
Wateringué  de  Blankenberghe  (la  Kl.,  XV,  ISKi  ,  pp.  71-70);  —  Dalloz ,  article 
Wattringuos,  p.  1.T4  ;  —  Proost  (J.).  L'  Watergrave  de  Flandre  (Ann.  Soc.  Em.  Dr., 
3*  série.  VIL  1872,  pp.  217-2.V,). 

*  Desgraviers,  Administration  des  Wateringues  ;  caractères  généraux  et  historiques. 
(l'.iOO,  1!»  pages  manuscrites  communiquées  par  M.  le  Président  «le  la  2*  section  des 
Wateringues  du  Nord). 


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L'ORGANISATION  DES  WATERINGUES 


273 


le  préfet  Dieudonné  entreprenait  la  réorganisation  du  régime  dos  Wate- 
ringues, en  déclarant  qu'il  se  rapprocherait  autant  que  possible  du 
règlement  d'avant  la  Révolution,  dont  le  bon  état  où  se  trouvait  alors  le 
dessèchement  justifiait  l'efficacité  Bientôt  le  gouvernement  impérial 
s'occupait  à  son  tour  à  consacrer  la  réapparition  des  Wateringues  ;  les 
décrets  du  12  juillet  1806  pour  le  Nord,  du  28  mai  1809  pour  le  Pas-de- 
Calais,  complétés  par  les  ordonnances  et  décrets  de  1833,  1837,  1852  et 
1890  ont  définitivement  réglé  l'état  de  ces  associations.  Gomme  il  fallait 
s'y  attendre  dans  la  France  du  XIXe  siècle,  le  régime  d'avant  1789  n'est 
reparu  que  modifié  par  un  contrôle  plus  rigoureux  de  l'Etat  et  par  quelques 
concessions  aux  idées  démocratiques.  Les  anciennes  divisions  ont  été 
refondues  en  dix  sections,  dont  le  territoire  est  plus  homogène.  Chaque 
s»*ction  comprend  une  assemblée  générale  des  propriétaires  de  la  wate- 
ringue,  qui,  sous  la  présidence  du  sous-préfet,  élit  une  commission 
administrative,  comprenant  cinq  membres  dans  chacune  des  quatre 
sections  du  Nord,  huit  dans  les  six  sections  du  Pas-de-Calais  *.  C'est  cette 
Commission,  c  hoisie  parmi  les  membres  les  plus  imposés,  qui  administre  la 
Wateringue,  dresse  des  projets  de  travaux,  passe  les,adjudications,vote  le 
budget,  répartit  les  taxes,  choisit  et  surveille  les  agents.  Ce  sont  là  des 
pouvoirs  très  étendus  ;  mais  ici  intervient  le  contrôle  de  l'Etat.  Les  déli- 
bérations ne  sont  exécutoires  qu'après  approbation  du  préfet,  sur  avis  du 
sous-préfet;  les  travaux  sont  placés  sous  la  haute  surveillance  des 
ingénieurs  d'arrondissement  et  do  département  ;  et  le  Conseil  de  Préfec- 
ture vérifie  les  budgets  des  exercices  écoulés.  C'est  encore  après  avis  du 
préfet  que  la  Commission  peut  nommer  ses  agents,  le  Conducteur  qui 
rédige  les  plans  des  travaux  et  en  assure  l'exécution,  le  Receveur  qui 
recouvre  les  taxes  et  paie  los  dépenses,  les  agents  inférieurs  qui  surveillent 
les  ouvrages  et  constatent  les  contraventions.  Le  système  fonctionne 
d'ailleurs  fort  convenablement,  comme  le  prouvent  l'absence  de  réclama- 
tions et  les  améliorations  immenses  que  les  Syndicats  français  ont  pu 
réaliser  dans  la  plaine  au  XIXe  siècle. 

Les  Wateringues  du  territoire  belge  n'ont  pas  subi  aussi  fortement  que 
leurs  voisines  de  l'Ouest  le  contre-coup  de  la  Révolution  française. 
I/C  décret  du  22  septembre  1792,  rendu  par  la  Convention,  et  ordonnant 
l'exécution  provisoire  des  lois  non  abrogées  et  le  maintien  provisoire  des 


«  Dieudonné,  Statistique  du  département  du  Nord  (Douai,  an  XII,  3  vol.  in-8°), 
I,  p.  m 

*  I„e  département  du  Pas-de-Calais  comprend  en  réalité  S  sections,  dont  deux  en 
dehors  de  la  plaine  maritime  flamande. 

18 


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274  L'EAU  DANS  LA  PLAINE  :  POLDERS  ET  WATERINGUES 


autorités,  publié  de  nouveau  par  le  Directoire  en  pluviôse  an  V,  laissa  les 
organisations  antérieures  continuer  leurs  travaux.  Aussi  le  territoire 
est-il  resté  divisé  comme  autrefois  entre  un  très  grand  nombre  de  syndi- 
cats, qui  se  chargent  d'assécher  des  étendues  très  diverses  ;  on  n'a  pas  créé, 
comme  en  France,  de  nouvelles  circonscriptions  de  superficie  à  peu  près 
équivalente.  Tandis  que  la  Wateringue  du  Nord  de  Fumes  s'étend  sur 
23.437  hectares,  celle  de  Blankenberghe  sur  17.069,  on  trouve  des  associa- 
tions dont  le  ressort  s'étend,  comme  celle  de  Starapershoucke,  sur316hec- 
tares,et  celle  deVolkaerts-Gote  sur333.  La  province  de  Flandre  Occidentale 
à  elle  seule  possède  dans  la  plaine  maritime  30  wateringues.  Les  règlements 
sont  aussi  variés  que  l'étendue.  Les  unes  ont  gardé  la  forme  d'avant  1780, 
approuvée  sous  le  régime  fiançais  par  des  arrêtés  préfectoraux  :  on  y 
retrouve  donc  l'assemblée  délibérante,  les  administrateurs  élus  qui  ont 
gardé  les  vieux  titres  de  dycscepenen  ou  de  dykgraven,  enfin  les  échevins 
locaux  qui  assurent  l'unité  d'action  entre  les  diverses  wateringues. 
Les  autres,  et  en  particulier  les  plus  grandes,  sont  sous  le  régime  de 
l'arrêté  royal  de  1847,  qui  a  modifié  la  loi  hollandaise  de  1815  dans  un 
sens  plus  libéral.  L'assemblée  générale  se  réunit  en  présence  d'un  délégué 
du  gouverneur  de  la  province;  les  bourgmestres,  nommés  par  le  Roi, 
en  sont  membres  de  droit.  C'est  aussi  le  Roi  qui  nomme  les  membres  de 
la  direction,  sur  une  liste  triple  présentée  par  l'assemblée.  \&  députation 
permanente  du  Conseil  provincial  approuve  chaque  année  le  budget  de  la 
wateringue  ;  son  avis,  et  dans  les  cas  importants  l'autorisation  royale,  est 
nécessaire  pour  l'exécution  des  travaux,  sur  lesquels  l'ingénieur  en  chef 
exerce  une  haute  surveillance.  C'est  le  régime  français,  avec  un  peu  moins 
de  liberté  pour  le  choix  de  la  direction,  un  peu  plus  pour  l'administration 
intérieure  de  la  wateringue.  Plusieurs  arrêts,  en  particulier  celui  do  la 
cour  de  Cassation  du  8  mai  1891,  étendent  à  toutes  les  wateringues  le 
règlement  de  1847  ;  cependant  la  plupart  s'en  tionnent  à  l'ancien  état  de 
choses.  Peut-être  cette  diversité  de  règlements,  et  surtout  l'éniiettement 
du  territoire  en  petites  associations  trop  pauvres  pour  exécuter  des 
travaux  importants,  sont-ils  la  cause  de  l'infériorité  que  l'on  constate 
actuellement  à  l'égard  des  résultats  obtenus  en  France,  où  les  wateringues, 
non  contentes  de  dessécher  le  mieux  possible  leur  territoire,  ont  encore 
largement  contribué  à  la  création  d'un  beau  réseau  de  chemins  vicinaux. 
On  remarque  d'ailleurs  que  c'est  le  territoire  des  plus  grandes,  Nord  de 
Fumes,  lilankeuberghe,  qui  est  aujourd'hui  le  mieux  assaini  de  la  partie 
belge  de  la  plaine. 

Le  caractère  des  associations  se  modifie  au  delà  du  Zwin.  C'est  la  partie 
du  territoire  où  la  lutte  a  été  le  plus  rude  contre  la  mer;  c'est  encore  là 


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• 


L'ORGANISATION  DES  WATKRINGUKS  275 

que  les  travaux  de  défense  sont  le  plus  considérables.  La  plaine  y  est 
divisée  en  polders  enclos  de  digues  ;  et  ces  digues  peuvent  encore  être 
utiles,  môme  celles  qui  sont  situées  en  arrière,  en  cas  de  rupture  des 
ouvrages  de  première  ligne.  A  côté  des  intérêts  particuliers  de  chaque 
polder,  l'association  locale  a  donc  encore  à  déferidre  de  grands  intérêts 
généraux.  De  là  une  intervention  beaucoup  plus  active  des  pouvoirs  publics, 
chargés  de  veiller  à  ces  intérêts  généraux.  C'est  pourquoi  Napoléon  avait 
nommé,  en  1811,  un  maître  des  requêtes  du  Conseil  d'Etat  Directeur  des 
Polders,  en  résidence  à  Anvers,  pour  assurer  l'unité  de  vues  dans  les 
travaux  de  défense  des  départements  de  l'Escaut,  de  la  Lys,  des  Deux- 
Nèthes.  Ce  fonctionnaire  disparut  en  1814;  mais  l'Etat  belge  continue  à 
surveiller  de  très  près  la  gestion  de  ses  polders,  qui  sont  restés  d'ailleurs 
sous  le  régime  du  décret  de  181 1.  Dans  la  partie  zélandaise,  le  rôle  de  sur- 
veillance est  dévolu  aux  Etats  provinciaux.  I  ajs  rôles  changent  ;  l'assemblée 
générale,  dont  l'importance  est  minime  dans  les  wateringues  belges, 
devient  ici  le  véritable  pouvoir;  cela  tient  à  ce  que  la  faible  étendue  de 
chaque  polder  restreint  le  nombre  des  membres,  et  que  rassemblée  n'est 
guère  qu'un  comité,  parfois  une  seule  personne.  La  Direction  n'a  qu'un 
pouvoir  exécutif,  c'est  un  ministère  devant  une  Chambre  ;  elle  comprend  un 
dijkgraaf  et  deux  jurés,  nommés  par  le  Roi  quand  le  polder  comprend  des 
travaux  de  défense  ;  ce  sont  de  véritables  fonctionnaires,  rémunérés, 
ce  qui  s'explique  par  l'importance  et.  le  caractère  absorbant  de  leurs 
fonctions.  I^es  Etats  provinciaux  se  réservent  le  droit  d'annuler  toutes  les 
décisions  de  l'Assemblée  ou  delà  Direction,  de  connaître  de  toutes  contes- 
tations, de  surveiller  les  travaux  de  défense,  de  faire  exécuter  les  règle- 
ments inobservés,  sauf  recours  au  Roi  dans  un  délai  de  15  jours.  Enfin, 
en  raison  de  leur  situation  qui  les  rend  tous  solidaires  les  uns  des  autres, 
et  fait  dépendi  t»  le  sort  d'une  vaste  étendue  de  terres  du  bon  entretien  d'un 
petit  nombre  d'ouvrages,  les  polders  sont  tenus  d'aider  ceux  d'entre  eux 
qui  succombent  sous  les  dépenses  nécessitées  par  certains  travaux  de 
défense.  Le  polder  reconnu  pour  avoir,  pendant  plus  de  deux  ans,  consacré 
le  revenu  total  de  ses  terres  à  l'entretien  de  ces  travaux,  est  déclaré 
calamiteux\  un  subside  est  alors  décrété  et  levé  sur  les  autres  polders  de 
la  circonscription,  au  prorata  de  la  distance  qui  les  sépare  du  polder  en 
détresse.  Les  Etats  provinciaux  de  Zélande  et  de  Flandre  Orientale  ont, 
bien  entendu,  la  haute  main  sur  cette  opération,  expression  la  plus 
complète  do  la  nécessité  de  l'association  pour  la  lutte  contre  l'eau  dans 
la  plaine. 


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m  L'EAU  DANS  LA  PLAINE  :  POLDERS  ET  WATERINGUES 


III. 

ŒUVRE  DES  WATERINGUES. 

L'œuvre  accomplie  par  les  associations  dans  la  plaine  maritime  est 
immense.  Elle  ne  s'est  pas  faite  en  un  jour;  depuis  dix  siècles  les  Wate- 
ringues  y  travaillent,  et  il  reste  encore  a  faire.  Les  guerres  qui  ont  si 
cruellement  frappé  le  pyys,  une  fois  au  moins  par  siècle,  avaient  pour 
l'assèchement  ries  résultats  désastreux;  après  chaque  invasion,  une  bonne 
partie  du  travail  était  à  recommencer.  C'est  pourquoi  l'œuvre  du 
XIXe  siècle,  où  la  Flandre  depuis  1815  n'a  connu  que  la  paix,  a  été  si 
favorable  au  pays. 

Les  rivières,  Aa,  Yser. 

La  nécessité  la  plus  pressante,  c'était  de  se  débarrasser  des  eaux  que  la 
Flandre  intérieure,  l'Artois,  le  Cambrésis  et  le  Brabant  envoyaient  à  la 
plaine.  Tant  qu'on  ne  les  aurait  pas  conduites  à  la  mer  derrière  une  solide 
muraille  de  digues,  il  ne  fallait  pas  songer  à  dessécher  le  pays.  On  a  vu 
que  l'Escaut  fut  de  bonne  heure  enfermé  dans  son  estuaire  par  les  endigue- 
ments  de  la  Flandre  zélandaise.  Le  Zwin,  de  son  côté,  disparaissait  plus 
vite  qu'on  n'aurait  voulu.  Restaient  l'Yseret  l'Aa.  Ces  petits  fleuves,  à  leur 
entrée  dans  la  plaine  maritime,  épanchaient  leurs  eaux  en  un  delta.  Outre 
son  cours  actuel  entre  Dixmude  et  Nieuwendamme,  établi  sur  l'emplace- 
ment de  l'ancien  estuaire,  l'Yser  envoyait  vers  l'Est  un  bras  disparu 
aujourd'hui,  mais  dont  l'existence  n'est  pas  douteuse.  Cet  Yperleet,  qui  se 
détachait  du  fleuve  en  aval  de  Dixmude,  devait  suivre  à  peu  près  le  môme 
chemin  que  le  canal  actuel  de  Plasschendaele,  car  le  nom  d'Yperleet, 
plus  ou  moins  défiguré,  est  encore  attaché  à  un  tortueux  watergand  qui 
s'allonge  sur  la  rive  Nord  du  canal  entre  Nieuwendamme  et  Suaeskerke. 
De  là  cette  rivière  gagnait  Oudenbourg,  où  son  existence  est  attestée  par 
les  nombreux  textes  réunis  dans  l'histoire  d'Oudenbourg  !,  et  rejoignait 
l'ancien  Zwin  à  Bruges.  De  bonne  heure  des  digues  furent  construites  au 
long  des  deux  rivières. 


i  Feys,  Oudenbourg,  passim.  C'est  également  l'opinion  de  Merchantius  (Jacobi 
Marchantii  Flandria  descripta,  p.  :  île  Gramaye  (Ipreturn,  p.  10),  qui  déclare  que 
l' Yperleet  appartient  aux  Yprois  jusqu'à  Bruges  où  perdant  son  nom  elle  se  jette  dans 
la  Reye  ;  de  Oudeglierst  (II,  p.  ">!")),  etc. 


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LES  RIVIÈRES,  AA,  YSER 


277 


Plus  abondant  que  l'Yser,  l'Aa  avait  un  delta  plus  compliqué.  Dès 
l'endroit  où  la  rivière  pénètre  dans  la  plaine  par  l'ouverture  creusée  entre 
les  hauteurs  de  Watten,  ses  eaux  se  divisaient  entre  plusieurs  branches. 
C'est,  dit  la  chronique  de  Watten  au  XIe  siècle,  une  eau  profonde  et 
navigable,  qui  gagne  l'océan  par  nombre  de  petites  embouchures  1  ;  et  en 
1 172  une  charte  de  Philippe  d'Alsace  désigne  deux  de  cas  cours  d'eau  sous 
les  noms  de  «  Columa  »  et  de  «  Monsterleht  »  !.  Le  (.'ours  de  ces  branches 
du  delta  est  encore  visible  aujourd'hui  ;  l'une,  la  Haute-Colme,  est  devenue 
un  canal  navigable  ;  l'autre,  ou  Vieille-Colme,  se  détache  de  l'Aa  après 
Holque,  et  gagne  Dunkerque  ;  sa  partie  inférieure  est  devenue  le  canal  de 
Bourbourg  au-delà  de  Coppenaxfort.  Quant  au  coins  principal  actuel, 
c'est  un  canal  artificiel  creusé  au  début  du  XVe  siècle  entre  le  Wetz 
près  de  Holque  et  les  Hauts-Arbres,  près  de  Gravelines.  Jusque  là,  la 
rivière  après  Holque  coulait  vers  Bourbourg  par  le  lit  actuel  du  Donna, 
et  de  Bourbourg  gagnait  Gravelines  par  St-Georges.  Do  nombreux 
textes  lii  prouvent,  qui  parlent,  comme  en  1347,  de  «  l'eaue  et  ryvière  qui 
va  d'Arqués  à  Sl-Omer,  à  Bourbourg  et  à  Gravelingues  »  3  ;  un  acte  de 
Louis  de  Luxembourg  aux  échevins  de  Bourbourg  (1445)  atteste  l'impor- 
tance qu'avait  la  ville  avant  les  derniers  troubles  de  Flandre,  lorsque  les 
navires  y  venaient*  parla  grande  rivière  qui  descent  de  St-OmeràWattenes 
et  qui  lors  flotioit  et  prenoit  chemin  du  dit  watlenes  en  nostre  ville  de 
Bourboureq...  VA  depuis  icolles  commotions  la  dite  rivière  ayteste  empêchée 
a  venir  comme  elle  solloit  du  dit  wattenes  en  icelle  nostre  ville  do  Bour- 
boureq et  a  pris  et  prend  a  présent  voye  et  cours  par  autre  marche»  l. 
l  ue  note  pour  le  magistrat  de  Gravelines  indique  que  le  changement  est 
de  liO^5,  et  que  c'est  le  comte  Philippe  qui  fit  creuser  le  nouveau  lit 
entre  Holque  et  les  Hauts-Arbres,  d'où  les  eaux  gagnaient  la  mer  en 
empruntant  le  cours  inférieur  de  la  Hem.  D'ailleurs  les  paroisses  du  pays 
de  Langle,  comme  Se-Mario-Kerque,  que  la  nouvelle  rivière  vint  séparer 
de  la  chàtellenie  de  Bourbourg,  en  faisaient  encore  partie  au  XIIIe  siècle 6. 
Une  carte  de  Picardie  et  Artois  par  Sanson  d'Abbeville  (1651)  indique 


«  M.O.SS.  XIV,  p.  164. 

*  Coussemaker,  Documents  sur  Watten,  p.  18. 

3  Textes  dans  Haignerë,  St-Bertin  :  de  1103  (I,  p.  108,  n°  238)  ;  de  1200  (I,  p.  188, 
n»  434)  ;  de  1202  (I,  p.  201,  n»  458)  ;  de  1347  (II,  p.  32f>,  n»  1610). 
»  Copie  aux  Archives  du  Nord,  C.  (Fl.  Mar.),  liasse  46. 
«  Arch.  Nord,  C.  (Fl.  Mar.),  60. 

«  1224  :  S.  Mariaï  ecclesia  in  terra  Broburgeusi  (Haigneré,  St-Bertin,  I,  p.  280,  nHv>0). 


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278  L'RAl)  DANS  LA  PLAINE  :  POLDERS  ET  WATERINGUES 

encore  le  vieux  cours  de  l'Aa  par  Bourbourg,  et  de  nos  jours  un  watergand 
à  Quathove  près  Bourbourg  garde  le  nom  deOude  Aa.  Ainsi  il  n'y  a  pas  do 
doute  que  le  cours  de  l'Aa  ait  été  artificiellement  déplacé  vers  l'Ouest. 

Les  crues  de  ces  petites  rivières  peuvent  être  un  fléau  pour  la  plaine 
que  leurs  bras  parcourent  dans  toutes  les  directions.  En  effet  elles 
ont  exhaussé  leur  lit  par  le  dépôt  d'alluvions,  et  ont  le  niveau  habi- 
tuel de  leurs  eaux  au-dessus  du  niveau  de  la  plaine.  L'Aa  en  particulier 
coule  à  l'endroit  le  plus  élevé  du  sol.  De  là,  aux  siècles  précédents, 
des  inondations  incessantes  par-dessus  les  digues  insuffisantes.  Le  pays 
de  langle,  comprenant  les  quatre  paroisses  de  Se-Marie-Kerque,  St- 
Nicolas,  St-Folquin,  St-Omer-Capelle,  situées  sur  la  rive  gauche  de  la 
rivière,  souffrit  particulièrement  de  ces  désastres.  Lorsque  le  débit  de  l'Aa, 
renforcé  des  eaux  de  la  Hem,  atteignait  comme  en  novembre  1894  une 
somme  de  100m3  par  seconde,  tout  le  pays  de  Langle  était  sous  l'eau. 
De  1640  à  1680,  ce  canton  reste  à  peu  près  constamment  inondé,  faute 
d'entretien  de  l'Aa  maritime,  délaissé  par  les  gens  de  St-Omer  qui  avaient 
charge  jusque  là  de  le  curer  et  se  souciaient  peu  de  la  sécurité  d'un  pays 
devenu  français  Abrités  derrière  une  bonne  digue,  les  gens  de  Bourbourg 
évitaient  le  désastre  et  refusaient  à  chaque  inondation  de  laisser  écouler 
une  goutte  par  la  Colme  ou  le  sas  du  Guindal  *.  Aussi  tous  les  hivers  le 
pays  de  Langle  disparaissait-il  sous  l'eau,  et  ceux  de  Bourbourg  devaient 
monter  la  garde  à  leurs  écluses  pour  empôchor  leurs  voisins,  désespérés, 
de  venir  les  ouvrir.  En  1735,  l'inondation  dure  jusqu'en  mai  et  coûte 
32.000  livres  aux  quatre  paroisses  3.  En  janvier  1737,  «  les  habitants  du 
pays  de  Langle  ne  peuvent  même  sortir  de  chez  eux  qu'en  bateau,  et 
pendant  ce  temps  les  habitants  de  la  Flandre  qui  ne  sont  séparés  que  par 
la  rivière  de  l'Aa  sont  à  sec  et  voient  leurs  ternis  annoncer  une  riche 
récolte  »  *.  Il  en  fut  ainsi  jusqu'à  la  fin  du  XVIIIe  siècle,  où  l'on  refit  la 
digue  de  l'Aa  et  où  l'on  améliora  ses  débouchés  à  la  mer.  Sur  l'Yser,  la 
situation  était  la  môme;  la  rive  gauche,  protégée  par  une  forte  digue, 
restant  indemne  pendant  que  la  rive  droite  était  inondée  aux  moindres 
crues. 


i  Arch.  Pas-de-Calais,  C.  30C>,  pièce  20. 

>  Arch.  Pas-de-Calais,  C.  305,  pièce  00.  En  1078,  1608,  1703,  172*5,  173T»,  le  Magistrat 
de  Hourbourg  refuse  ënergiquement  d'ouvrir  ses  écluses  pour  soulager  le  pays  de 
Langle. 

3  Inondations  de  1730  et  173T»  :  Arch.  Pas-de-Calais,  G.  282  et  30T>;  Arch.  Nord.  C. 
(Fl.  Mar.),  t  et  10. 

»  Arch.  Pas-de-Calais,  C.  421,  pièce  12  (lettre  du  maicur  de  St-Omer). 


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LES  CANAUX  D'ASSÈCHEMENT 


Cependant  ces  eaux  étrangères,  si  nuisibles  l'hiver,  sont  pendant  l'été 
un  bienfait  pour  le  pays.  lorsque  les  pluies  deviennent  rares,  les  eaux 
baissent  dans  les  walergands,  dont  la  multiplicité  offre  une  surface 
d'évaporation  considérable.  Il  en  résulte  de  graves  inconvénients.  Les 
eaux  douces,  qui  ne  s'écoulent  plus  vers  la  mer,  se  corrompent  au 
contact  de  la  tourbe  du  sous-sol  ;  parfois  même,  elles  viennent  à  manquer 
pour  l'alimentation  des  bestiaux  et  des  hommes.  Enfin  si  la  couche  d'eau 
douce  entretenue  par  les  infiltrations  des  watergands  dans  la  partio 
supérieure  du  sol  vient  ù  diminuer,  les  eaux  saumàtres  qui  imprègnent 
les  sables  pissarts  remontent  vers  la  surface,  et  viennent  frapper  le  sol 
végétal  de  stérilité.  C'est  alors  qu'on  a  recours  aux  eaux  des  rivières, 
pour  alimenter  les  fossés  et  y  maintenir  un  léger  courant.  On  saigne 
l'Aa  et  l'Yser.  L'Aa  surtout,  à  cause  du  niveau  élevé  où  coulent  ses  eaux, 
est  bien  placé  pour  être  mis  à  contribution.  «  Cette  bonne  rivière  do  l'Aa, 
dit  avec  enthousiasme  l'auteur  d'un  consciencieux  travail  sur  les  eaux  de 
l'arrondissement  de  Dunkerque,  est  un  trésor  pour  le  pays  qu'elle  traverse  ; 
toutes  h>s  populations  le  réclament  à  l'euvi  ;  il  fertilise  les  campagnes, 
donne  la  santé  aux  habitants,  et  produit  le  bonheur  et  l'abondance  chez 
l'agriculteur»  '.  Cependant  l'Aa  lui-même  est  bien  pauvre  pendant  l'été  et 
son  étiage  peut  descendre  à  1.800  litros  par  seconde  ;  son  niveau  s'abaisse 
alors,  et  on  est  obligé  de  rationner  les  watoringues,  en  ne  leur  fournissant 
plus  de  l'eau  douce  que  certains  jours  "de  la  semaine.  Aujourd'hui  où  les 
débouchés  à  la  mor  sont  suffisants,  où  les  lits  des  rivières  sont  soigneu- 
sement approfondis  et  entretenus,  les  inondations  par  les  eaux  intérieures 
sont  devenues  rares,  et  peu  dangereuses;  l'Aa  et  l'Yser  ont  cessé  de  faire 
du  tort  à  la  plaine  maritime,  et  n'ont  conservé  à  son  égard  que  le  rôle  de 
bienfaiteurs. 

Canaux  d'assèchement. 

Débarrassée  des  eaux  étrangères,  menées  en  droite  ligne  à  la  mer 
derrière  leur  rempart  de  digues,  la  plaine  pouvait  s'occuper  des  eaux  de 
son  propre  sol,  et  c'était  déjà  assez  pour  absorber  l'activité  de  ses  syndicats. 
Tandis  que  chaque  particulier  s'occupait  d'aménager  son  propre  champ 
en  y  creusant  des  fossés,  à  la  \Vateriugu*>  revenait  la  tâche  d'établir  des 
walergands  larges  et  profonds,  d'en  consolider  les  bords  et  d'en  entretenir 


•  Durand,  Mémoire  pour  faire  connaître  le  régi  nu*  des  oaux  de  Dunkerque  (Dunkerque, 
Maillard,  18(30,  in-»0),  p.  3. 


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W  L'EAU  DANS  LA  PLAINE:  POLDERS  ET  WATERINGUES 

les  dimensions  ;  de  placer  des  vannes  et  des  éclusettes  à  la  jonction  des 
canaux  secondaires  avec  les  artères  principales  ;  de  construire  des  écluses 
de  mer;  enfin  de  veiller  à  la  manœuvre  de  cet  outillage.  On  utilisa 
d'abord  pour  le  dessèchement  les  anciennes  rivières,  bras  secondaires  de 
l'Yser  ou  de  l'Aa,  dont  quelques-uns  sont  encore  roconnaissablex  à  leurs 
sinuosités,  caractère  qui  n'existe  pas  dans  les  rigoles  artificielles.  Il 
suffisait  d'établir  des  vannes  au  débouché  des  watergands  secondaires 
pour  avoir  un  système  complot  d'assèchement.  Mais  ces  canaux  tortueux 
ne  laissaient  écouler  l'eau  qu'avec  une  lenteur  désespérante  ;  l'entretien 
de  leurs  sinuosités  était  inutile  et  coûteux.  On  s'arrangea  alors  pour  faire 
aboutir  les  canaux  de  wateringues  dans  les  quelques  grandes  artères  du 
pays,  qui  étaient  en  même  temps  des  voies  navigables  :  canal  de  Watten 
à  Calais,  Aa,  canaux  de  Bourbourg,  de  Bergues  et  de  la  Colme,  de 
Dunkerque  à  Niouport,  de  Loo,  Yser,  canaux  de  Plasschendaele, 
d'Ostende  à  Bruges.  Cette  transformation  s'accomplit  au  XVIIe  siècle  et 
fut  d'abord  favorable  au  dessèchement,  qui  disposa  ainsi  de  voies  plus 
directes,  plus  larges,  régulièrement  entretenues. 

Cependant,  à  mesure  que  la  navigation  se  développait,  et  que  le  tirant 
d'eau  des  bateaux  devenait  plus  considérable,  des  conflits  se  produisaient 
ent  re  le  service  dos  voies  navigables  et  celui  des  Wateringues.  Qu'une  crue 
se  produisît,  et  il  fallait  ouvrir  toutes  grandes  les  écluses  à  la  mer,  opérer  « 
des  tirages  à  pleine  voie  dans  les  canaux  principaux  pour  pouvoir  abaisser 
le  plan  d'eau  de  tous  les  watergands.  Il  en  résultait,  dans  ces  grands 
canaux,  des  courants  violents  et  une  diminution  de  profondeur  qui 
arrêtaient  la  navigation  et  causaient  même  aux  bateaux  de  graves  dégâts. 
Faire  cesser  ces  inconvénients  devint  la  règle  des  grands  travaux 
accomplis  par  l'Etat  et  les  Wateringues  aux  XVIIIe  et  XIXe  siècles.  Le  but 
est  de  rendre  indépendants  l'un  de  l'autre  les  systèmes  de  navigation  et 
de  dessèchement.  Ce  sont  donc  des  kilomètres  de  nouveaux  watergands  à 
creuser  ou  à  approprier,  avec  lesquels  les  rivières  et  les  canaux  ne  commu- 
niquent plus  que  par  des  vannes,  qu'on  ouvre  l'été  pour  se  procurer  de  l'eau 
douce.  I^es  grandes  artères  de  dessèchement  ont  pu  être  établies  ainsi  au 
milieu  du  canton  qu'elles  sont  chargées  de  drainer,  le  Langhe-grarht  dans 
Taxe  de  la  2e  section  des  Wateringues  du  Nord,  le  Schelvliel  a  l'endroit 
le  plus  favorable  de  la  lre,  la  Noord-Eede  au  milieu  de  la  Wateringue  de 
Blankenberghe.  \a  plupart  des  régions  ont  maintenant  leur  canal  d'éva- 
cuation, distinct  des  voies  navigables  :  généralement  un  watergand  sans  « 
ombrage,  large  de  5  à  10  mètres,  et  où  coule  une  eau  brune  sur  laquelle 
flottent  des  débris  de  plantes.  Le  Calaisis  a  le  canal  des  Pierrettes,  la 
rivière  d'Oyo  et  le  canal  de  Marck  ;  les  sections  du. département  du  Nord 


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LES  TRAVAUX  D'ASSÈCHEMENT 


JN1 


onl  le  Sehelvliet,  le  I^anghe-gracht  et  le  canal  des  Moéres,  Fumes  le 
Koolhofvaarl,  Ostende  le  Camerlinekx  et  la  Noord-Eede,  Blankenbergho 
son  canal  et  Heyst  le  canal  Léopold,  Sluis  la  rigole  d'évacuation  du  Zwin, 
Calloo  le  Melkader.  Lorsqu'ils  rencontrent  un  grand  canal  navigable,  ces 
watergands  passent  dessous,  en  siphon,  ou  à  travers,  par  une  écluse 
carrée  :  c'est  par  une  écluse  can'ée  que  le  Vinfil  traverse  le  canal  do 
Guînes,  et  par  un  siphon  que  le  canal  Léopold  et  le  grand  canal 
de  dérivation  de  la  Lys  franchissent  la  voie  navigable  qui  va  de  Sluis  à 
Bruges.  Ce  double  réseau,  délicat  et  compliqué,  fait  songer  à  l'appareil 
circulatoire  du  corps  humain  ;  des  rivières  et  des  canaux  de  navigation 
l'eau  pure  s'écoule,  vannes  levées,  dans  l'innombrable  réseau  capillaire 
des  watergands, qui 
la  ramènent,  utili- 
sée et  impure,  aux 
grosses  veines  des 
canaux  de  dessè- 
chement; et  ceux-ci 
vont  gagner  la  mer 
en  se  glissant  a  tra- 
vers les  mailles  du 
réseau  navigable  , 
de  même  que  dans 
le  corps  de  l'homme 
les  vaisseaux  arté- 
riels et  veineux 
vont  parfois  se  che- 
vauchant l'un  l'autre.  Mais  le  plus  singulier  est  l'étonnante  facilité  avec 
laquelle  on  fait  changer  la  pente  d'un  watergand,  et  comment  de  son 
extrémité  on  fait  sa  tète.  La  rivière  d'Oye  a  eu  son  écoulement  jusqu'en 
1680  vers  Gravelines  ;  a  cette  date  on  en  dirige  les  eaux  vers  Calais  ;  a  la 
fin  du  XVIII*  siècle,  on  en  ramène  la  moitié  vers  Gravelines,  et  aujour- 
d'hui l'ancienne  rente  est  sur  le  point  d'être  reconstituée.  Les  canaux 
coulent  indifféremment  vers  l'Est  ou  vers  l'Ouest  ;  il  suffit  d'un  bàtardeau 
bien  placé  et  d'un  faucardemen'  bien  fait  pour  déplacer  la  pente,  tant 
celle-ci  est  peu  considérable. 

Enfin  l'établissement  de  canaux  de  wateringues  distincts  des  voies  navi- 
gables entraînait  la  construction  d'écluses  spéciales  dans  les  ports.  Cette 
transformation  a  coïncidé,  dans  les  ports  français,  avec  la  disparition  des 
bassins  de  chasse,  et  c'est  aux  eaux  de  dessèchement  qu'on  a  confié 
l'ancien  rôle  des  chasses  devenu  secondaire  grâce  aux  dragues.  Pour 


K.  hellp  de  I  :  100.000 

Ki<;.  'v'i.  —  R«'St'au  d'évacuation  du  Calaisis. 

-    C.iinul  rmvl(Çiible.  -;  Siphon. 

—    Wutergand  dVvwcuation  |    1^  Barrage 
S   écluse  corn-e. 


282 


L'EAU  DANS  LA  PLAINE  :  POLDERS  ET  WATERINGUES 


désencombrer  le  port,  c'est  en  utilisant  les  fossés  des  fortifications  qu'on 
a  résolu,  à  Calais  et  à  Dunkerque,  la  question  de  l'évacuation.  De  môme 
à  Terneuzen.  A  lîlankenberghe,  c'est  dans  le  petit  bassin  de  retenue  que 
débouche  le  canal  de  la  Wateringue.  A  Ostcndo,  le  Camerlinckx  a  les 
honneurs  d'un  tunnel  voûté  qui  l'amène  à  travers  les  installations  dans  la 
souille  de  l'avant-port.  Mais  c'est  a  N'ieuport  que  le  jeu  d'écluses  est  le 
plus  compliqué  et  le  plus  curieux.  Six  pertuis  sont  rangés  en  demi-cercle 
au  fond  du  bassin  d'échouage  ;  trois  écluses  de  wateringues  alternent 
avec  trois  écluses  de  navigation.  Les  vannes  des  écluses  de  wateringues 
dominées  par  un  haut  tablier  de  manœuvre,  les  sas,  à  réservoir  accolé, 
des  écluses  de  navigation,  l'appareil  des  crics,  des  leviers,  du  réseau 
télégraphique  aboutissant  au  bureau  des  écluses,  donnent  une  singulière 
impression  de  complexité  savante,  qui  s'accroît  lorsqu'on  s'aperçoit  que 
les  niveaux  de  tous  ces  canaux  sont  tenus  h  des  altitudes  différentes  au- 
dessus  du  zéro  :  4m,  05  pour  le  canal  de  Plasschendaele,  3™,  25  pour  l'Yser, 
2m,  54  pour  le  Koolhofvaart,  2m,  39  pour  la  crique  de  Nieuwendamnie, 
hauteurs  correspondant  au  niveau  du  sol  desservi  par  ces  artères,  et  dont 
les  différences  sont  d'une  importance  capitale  pour  le  bon  fonctionnement 
de  l'ensemble.  Nulle  part  on  ne  voit  aussi  bien  quelles  précautions  il  faut 
prendre  pour  que  l'œuvre  du  dessèchement  soit  efficace. 


IV. 

RÉSULTATS  DE  L'ASSÈCHEMENT. 


Les  difficultés  du  dessèchement  sont  très  variables  dans  la  plaine.  11 
y  a  des  parties  hautes  et  d'autres  basses  ;  l'éloignement  de  la  mer,  la 
proximité  des  collines  du  Houtland  d'où  ruissellent  des  quantités  d'eau 
considérables,  sont  des  facteurs  importants.  Aussi  la  cotisation  perçue  par 
le  Syndicat  pour  établir  son  budgot,  l'impôt- wateringue,  comme  on 
l'appelle,  varie-t-elle  avec  le  terrain  :  la  Wateringue  de  Moere  in  Meetkerke 
percevait  en  1898  5  fr.  50  par  hectare,  étant  donné  la  situation  et  l'altitude 
du  territoire  asséché,  dont  il  faut  élever  les  eaux  au  moyen  d'une  machine 
à  vapeur  et  d'un  moulin  à  vent;  au  contraire  les  terres  à  l'Est  du  canal 
I/opold  (Oost-Waterschap  van  Leopoldsvaart),  dont  les  terres  sont  élevées 
et  proches  de  la  mer,  ne  paient  que  0  fr.  10  par  hectare,  et  les  terres  de 
l'ancienne  crique  d'Ostende,  Keygnaert,  Polder  Ste-Catherine,  ne  doivent 
aucune  cotisation,  la  location  des  marais  pour  la  pèche  et  la  chasse  aux 
oiseaux  couvrant,  et  au-delà,  tous  les  frais.  Les  terres  situées  au  long  de 


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j 


LE  CALAISIS 


2*3 


la  côte  sont  les  plus  favorisées,  car  elles  sont  pins  rapprochées  de  l'écluse 
d'évacuation,  et  sont  toujours  plus  élevées.  C'est  le  cas  tout  le  long  du 
rivage  depuis  Sangatte  jusqu'à  Breskens  ;  tous  les  watergands  s'y  dirigent 
de  la  côte  vers  l'intérieur,  où  les  recueille  un  canal  parallèle  aux  dunes  : 
tels  le  canal  de  Marck  et  la  rivière  d'Oye,  le  Sehelvliot  et  le  canal  de 
Bourbourg,  le  Langelis  de  Coxyde  et  l'Yper  de  Middelkerke. 

Le  Oalaisis. 

Au  contraire,  les  terres  basses  se  trouvent  être  en  même  temps  les  plus 
éloignées  de  la  mer,  par  suite  les  plus  proches  des  terres  hautes  du 
Houtland  ;  elles  reçoivent  donc  de  l'eau  en  abondance,  et  ont  les  plus 
grandes  difficultés  à  s'en  débarrasser.  Aussi  nulle  part  le  dessèchement  ne 
fut  plus  pénible  et  plus  lent  que  le  long  de  cette  bordure  du  haut  pays,  et 
particulièrement  dans  le  Calaisis,  les  marais  de  St-Omer  et  les  Muëres 
franco-belges.  Le  Calaisis,  de  Ruminghem  à  Sangatte,  resta  longtemps 
après  la  disparition  de  l'estuaire  une  terre  basse  et  noyée  :  une  Wastine  où 
les  pâtres  menaient  l'été  leurs  troupeaux,  d'après  la  chronique  d'Andres; 
un  marais,  dit  Lambert  d'Ardres,  rempli  de  grenouilles,  crapauds,  lézards 
et  autres  vermines  immondes  Les  cartes  de  l'époque  de  Henri  VIII 
(au  British  Muséum)  montrent  une  ligne  de  marais  ayant  de  l'eau  en 
toute  saison,  qui  se  succèdent  d'Audruicq  à  Nieulay,  et  un  registre  de  la 
mairie  de  Calais  indique  qu'au  milieu  du  XVIIe  siècle  les  terres  basses 
sont  couvertes  d'eau  pendant  9  mois  de  l'année  *.  Le  terrain  était  si  bas, 
et  les  canaux  tellement  de  niveau  avec  le  sol,  que  par  vent  d'Ouest  et  pluie 
légère  les  eaux  du  canal  d'IIennuin,  refoulées  par  la  brise,  inondaient  les 
terres  de  Guemps,  Offekerque,  Vieille  et  Nouvelle-Eglise,  tandis  que  par 
vent  d'Est  et  grosse  pluie  il  n'y  avait  pas  de  submersion  a  craindre.  Ainsi 
le  Calaisis  n'avait  rien  à  envier  a  son  voisin  le  pays  de  Langle  ;  tous  deux 
étaient  inondés  à  |>eu  près  régulièrement  tous  les  hivers  3,  môme  au 
XVIIIe  siècle.  En  décembre  1755  par  exemple,  toutes  les  terres  sont 
submergées  d'Hennuin  à  Coulogne,  et  «plutôt  un  lac  qu'une  campagne; 
sur  la  rive  du  côté  de  Bredenarde,  la  terre  et  la  rivière  ne  sont  plus  qu'une 
mer,  sans  apparence  de  digues  »  4.  I,a  faute  en  est,  cette  fois,  à  la  rivière 


'  l^ambcrt  d'Ardres,  M.  Godefroy,  p.  241. 

*  Registre  aux  enregistrements,  i>  décembre  l»Wf7. 
3  Voir  Arch.  Pas-de-Calais.  C.  liasses  i.V)  à  IfiO. 

*  Ibid.,  C.  1  'tT>,  pièce  21  ;  mémoire  du  maire  de  Calais  ;'t  M.  d'Argenson. 


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L'EAU  DANS  LA  PLAINE  :  POLDERS  ET  WATERINGl'ES 


de  la  Hem  ;  d'autres  fois  c'est  l'An  dont  les  eaux  se  déversent  par  l'écluse 
d'Hennuin.  Certaines  terres  sont  si  basses  et  pour  les  assécher  l'été  il  faut 
ouvrir  si  fréquemment  les  écluses  a  la  mer  que  les  autres  parties  finissent 
par  manquer  d'eau  '.  Il  n'y  avait,  au  début  du  XVIII'  siècle,  que  deux 
voies  d'écoulement:  le  Vinfil,  artère  centrale  du  dessèchement,  coulant 
de  Vieille-Eglise  a  Nieulay,  et  le  canal  d'Hennuin  à  Calais.  Un  programme 
de  travaux  fut  dressé  en  1737,  pour  donner  aux  terres  du  Nord  un  écou- 
lement par  le  canal  de  Marck  ;  dans  la  seule  année  1738  il  en  coûta, 
292.000  liv.  au  Calaisis  *  ;  un  programme  plus  vaste  encore  fut  élaboré  en 
1745  ;  mais  ni  l'un  ni  l'autre  ne  furent  terminés.  Le  Calaisis  traîna  encore 
plus  de  30  ans  une  misérable  existence,  jusqu'à  ce  que  fussent  ébauchés, 
en  1778,  de  grands  travaux  qui  commencèrent  à  rendre  le  système 
d'assèchement  indépendant  des  voies  navigables  3.  Cependant  il  a  fallu 
encore  un  siècle  d'efforts  pour  mettre  hors  d'affaire  tout  le  pays  bas.  Il 
n'y  a  guère  qu'une  douzaine  d'années  que  les  grands  marais  ont  disparu, 
et  il  reste  encore  des  parties  noyées,  celles  où  se  creusaient  jadis  des 
tourbières.  L'hiver,  de  novembre  à  janvier,  on  pouvait  encore  au  début  du 
XIXe  siècle  voir  tout  le  pays  sous  l'eau,  de  Coquelles  à  Guines,  et  les 
voyageurs  qui  prenaient  la  route  de  Paris  s'embarquaient  à  Nieulay  sur 
des  bateaux  plats  qui  venaient  les  déposer  près  de  Fréthun,  à  la  Tourelle  ; 
là  commençait  la  vraie  roule  de  terre,  s'élevant  sur  les  flancs  gris  du  Pays 
haut.  Aujourd'hui  les  Waleringues  projettent  d'autres  améliorations: 
approfondir  la  rivière  d'Oye  pour-  envoyer  toutes  les  eaux  du  N.-E.  vers 
Gravelines;  faire  passer  les  eaux  de  la  Bredenarde  sous  le  canal  de  Calais 
pour  les  rejeter  dans  le  canal  de  Marck.  On  a  beaucoup  travaillé  dans  le 
Calaisis,  et  il  reste  à  faire  encore.  Les  marais  d'Ardres,  de  Guînes,  avec  . 
les  nappes  blanches  de  leurs  «  claire  »  qui  brillent  entre  les  rangées  de 
saules,  leurs  carrés  de  terre  noirâtre,  leurs  pâtures  hérissées  de  roseaux 
et  leurs  petites  maisons  de  pauvres  gens,  représentent  un  grand  progrès 
sur  le  pauvre  pays  noyé  que  vit  Lambert  d'Ardres,  et  les  améliorations 
continuent:  depuis  5  ans,  le  plan  d'eau  des  marais  do  Guînes  a  été  abaissé 
de  0m,  50  et  la  plupart  des  terres  s'en  sont  trouvées  asséchées.  Mais  à  cette  " 
tâche,  les  Watoringuos  s'épuisent  et  s'endettent.  La  Ie  section  du  Pas-de- 
Calais  a  déjà  emprunté  100.000  francs  ;  il  lui  en  faut  50.000  autres.  Les  2e, 


»  Arch.  Pas-de-Calais,  G.  147,  p.  108. 

i  Pour  les  travaux  de  1738  et  174.VMÎ,  voir  Arch.  Nat.,  H'  48  et  H1  M7. 

3  Sur  les  grands  travaux  1778-1788,  voir  Cordier  de  la  iloussaye,  Essai  sur  le 
mouvement  des  eaux  dans  le  Calaisis,  manuscrit  de  1788  dans:  Arch.  Pa.s-do-C.dais, 
C.  ir/i  :  pièces  dans  C.  <J0,  C.  Kit,  etc. 


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LES  MARAIS  DE  SAINT  OMKH  WT. 

3*  et  4*  s'apprêtent  à  en  faire  auUint.  \jc  dessèchement  complet  n'est  pas 
encore  terminé  dans  cette  partie  delà  plaine  :  peut-être  même  les  amateurs 
de  chasse  voudront-ils  conserver  dans  ce  coin  quelques  marais  autour 
d'une  hutte. 

Marais  de  Saint  Orner. 

I~a  nature  avait  fait  des  marais  de  St-Omer  une  région  particulièrement 
difficile  à  dessécher.  Ce  territoire  dont  l'altitude,  supérieure  an  niveau  des 
hautes  mers  de  morte  eau,  n'atteint  pas  r  elui  des  vives  eaux,  est  entouré 
d'une  ceinture  de  collines  élevées  qui  lui  envoient  leurs  eaux  ;  de  l'Artois 
sortent  de  grosses  sources  dont  l'une,  la  Hoiille,  est  une  véritable  rivière  ; 
l'Aa  y  débouche  au  Sud,  et  le  brusque  changement  de  pente  qu'il  y  >.ubit 
rend  les  inondations  presque  inévitables  :  enfin  a  toute*  les  eaux  accumulé^ 
sur  ces  terres  basses  ne  se  présente  qu'une  ouverture  large  de  VjO  métré*, 
le  passai-  de  Watîen.  encore  éloigné  de  la  mer  d'une  vingtaine  de  kilo- 
mètres. Ia?  canton  devint  <\>,'a<\  lors  de  l'invasion  marine,  un  va-fe  mara» 
d>au  d  -uce.  «  spat:..-im  -ta/ri^n  »  ',  sur  lequel  St  liert.n  au  \  II'  >-/ Je 
abandonne  sa  nao-oe.  que  le-  îî"ts  incertains  pou  -  .  eren» .de  \Jo;n<l.n 
vers  St-Om-.-.  c'e-t-à-'!.:e  vers  rarnont.  Otte  ére.vlue  d  eau  '-/agr.a.'.'e  e  * 
d-'VeriU"  au  XI I"  s.èçk'  ter  re  ba-.*e.  «  palus  »  ou  *  terra  pai  ,  *  1 , 
une  charte  de  l^il  V  ■  â  la  /r-a:.de  ahhave  vo.  ine  ie-  te-;.-*  ga/v'>^ 
l'Aa  par  îe  de>^*. -bernent. et  «  elle*  qu'on  fourra  a  -  q  e'r.r  par  -a  «iu;*>;  eq 
-upp-.  —  tj:j.-  r.-.       '  •  •  .ii.v-  e»  peu  prJor.  ;e.  <>r  u  e  >  q  >  a  .  X  .  ,*-, 

par  Tarn*'-..  •  •'.  ■:;  :«r  .'  '-.a  ;..-ir. q  .e  l:<u  p  <f.  :•  :.       ■  ::.<■:.'.  -4 
et  livrer  a  la  ■      ,re      -  1  ià  rev-r.é  à  .a  p--'  .e  e*  a  .a    -.a*-*.  '>?■ 

pr  :  r.*  la  r>rs  «i-  ie     ';/,*>'-  y-  ru . re r. t  a  eir~a  .       .e     •>  >.  par  'ît».  t*:i:.:.,>. 
et  â  rr-  .-r:  ;  !—  fv-sé-.  p      a  .j:u*:.\fsr  .e-  fa' V-»  «:  é-  /, 

Il  en  résolu.  L.  e*:  rr«».  |  .*  e--  -T.  j*rv^lr«.(  1**  .'//,p  p.  v  >  < 
ia  -v.^v.  ~:  rie  I-r*  •>:;  lf*«v*-e.v.  a'Cr,^->.  '/r.  .-,>. 

dans  1-  r»     «*:ia...e*      *«r.  r^b;,,V/,;,vftr'/»:A 

el  i*e  pou  va:.:  ~*-*  ;  , I-  a  -S*  *  t.  wy.'/c?  ;  ^ 
ii&râur       in  <  .i  »^  *r.  ; .  ,:..*it  «a     *  m  >  t/.ï,  *-.r 

datiez.  4t        >■ r»^.  <  /va.         »         ^.ti»'.  *^ 

lélAt  a.^>t~  '.V.-.        .       -x..e  >t  e*.i  *x  *r.  tu^a»* 


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LES  MARAIS  DE  SAINT-OMER 


2#5 


3e  et  4e  s'apprêtent  à  en  faire»  autant.  Le  dessèchement  complet  n'est  pas 
encore  terminé  dans  cette  partie  de  la  plaine  :  peut-être  même  les  amateure 
de  chasse  voudront-ils  conserver  dans  ce  coin  quelques  marais  autour 
d'une  hutte. 

Marais  de  Saint -Orner. 

La  nature  avait  fait  des  marais  de  St-Omer  une  région  particulièrement 
difficile  à  dessécher.  Ce  territoire  dont  l'altitude,  supérieure  au  niveau  des 
hautes  mers  de  morte  eau,  n'atteint  pas  celui  des  vives  eaux,  est  eutouré 
d'une  ceinture  de  collines  élevées  qui  lui  envoient  leurs  eaux  ;  de  l'Artois 
sortent  de  grosses  sources  dont  l'une,  la  Houlle,  est  une  véritable  rivière  ; 
l'Aa  y  débouche  au  Sud,  et  le  brusque  changement  de  pente  qu'il  y  subit 
rend  les  inondations  presque  inévitables  :  enfin  à  toutes  les  eaux  accumulées 
sur  ces  terres  basses  ne  se  présente  qu'une  ouverture  large  de  500  mètres, 
le  passage  de  Watten,  encore  éloigné  de  la  mer  d'une  vingtaine  de  kilo- 
mètres. Le  canton  devint  donc,  lors  de  l'invasion  marine,  un  vaste  marais 
d'eau  douce,  «  spatiosum  stagnum  »  \  sur  lequel  St  Berlin  au  VIIe  siècle 
abandonne  sa  nacelle,  que  les  flots  incertains  poussèrent  de  St-Momelin 
vers  St-Omer,  c'est-à-dire  vers  l'amont.  Cette  étendue  d'eau  stagnante  est 
devenue  au  XIIe  siècle  une  terre  basse,  «  palus  »  ou  «  terra  palustris  »  *  ; 
une  charte  de  1211  donne  à  la  grande  abbaye  voisine  les  terres  gagnées  sur 
l'Aa  par  le  dessèchement,  et  celles  qu'on  pourra  acquérir  par  la  suite3,  ce  qui 
suppose  une  rivière  très  large  et  peu  profonde.  Ce  u'est  qu'au  XVIIF  siècle, 
par  l'amélioration  de  l'Aa  maritime,  que  l'on  put  définitivement  assécher 
et  livrer  à  la  culture  un  sol  jusque  là  réservé  à  la  pèche  et  à  la  chasse.  Les 
propriétaires  de  leur  côté  se  mirent  à  exhausser  leur  sol  par  des  remblais, 
et  à  creuser  partout  des  fossés  pour  augmenter  les  facilités  d'écoulement. 
Il  en  résulta,  il  est  vrai,  que  les  eaux  descendirent  beaucoup  plus  vite  à 
la  rivière,  et  que  les  inondations  s'en  trouvèrent  accrues.  On  n'osait  pas, 
dans  le  Marais,  faire  de  semailles  d'hiver,  une  crue  étant  toujours  possible, 
et  ne  pouvant  être  détournée.  Il  a  fallu,  de  1875  à  1880,  exécuter  sur  l'Aa 
inférieur  des  travaux  qui,  en  doublant  la  section  de  son  lit,  permettent 
l'évacuation  rapide  des  eaux  supérieures  ;  ce  qui  n'a  pas  empêché  l'inon- 
dation de  189-i  de  recouvrir  les  marais  d'un  mètre  d'eau.  L'inconvénient  de 
l'état  actuel,  c'est  que  l'émissaire  des  eaux  surabondantes  est  en  même 

1  S.  Audoinari  vita  in  Acta.  SS.  Boll.  Sept.  III,  p.  409. 
*  Haigneré,  Si-Hcrtin,  I,  pp.  117  à  2I»>,  passini. 
3  Ibid..  I,  p.        u«  ôlro. 


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L'KAU  DANS  LA  l'LAINR  :  POLDKRS  KT  WATKRINGUES 


temps  uno  grande  voie  navigable,  et  que  des  intérêts  opposés  se  trouvent 
ainsi  exposés  à  des  conflits.  Enfin  Tête,  la  7e  section  des  Wateringues  du 
Pas-de-Calais,  qui  veille  sur  les  marais  de  St-Omer,  se  trouve  en  discussion 
avec  les  autres  sections,  qui  saignent  l'Aa  à  leur  profit  pour  alimenter  leur 
territoire 


L'assèchement  des  Moëres  est  une  œuvre  plus  curieuse  encore.  Situés 
entre  Bergues  et  Furnes,  ces  marais  étaient  le  point  le  plus  bas  de  la  plaine 
maritime,  puisque  leur  sol  ne  s'élève  guère  qu'a  un  mètre  au-dessus  des 
basses  mers  de  vive  eau.  Aussi,  lorsque  toute  la  plaine  était  déjà  cultivée, 
il  restait  là  une  sorte  de  grand  lac  encombré  de  roseaux,  étendu  sur  4  à 
5.000  hectares  suivant  les  saisons,  et  accompagné  à  l'Ouest  d'un  plus  petit. 
On  y  envoyait  toutes  les  eaux  d'alentour;  en  revanche  les  Moëres  causaient 
des  fièvres  à  plusieurs  lieues  à  la  ronde.  Enfin  en  10171e  hardi  Cobergher, 
ingénieur  des  Archiducs,  entreprit  le  dessèchement;  il  établit  autour  de  la 
Moëre  un  canal  de  ceinture,  (Ringsloot),  beaucoup  plus  élevé  que  le  niveau 
du  marais,  et  dont  les  digues  arrêtèrent  les  eaux  extérieures  ;  il  mit  ce  canal 
en  relation  avec  un  beau  watergand  qui  alla  gagner  la  mer  à  Dunkerque, 
et  disposa  20  moulins  à  vent,  munis  de  vis  d'Archimède,  à  l'attaque  des 
Moëres.  Les  eaux  pompées  par  les  moulins  furent  déversées  dans  le  Rings- 
loot et  de  là  vers  la  mer;  en  quelques  mois  le  sol  était  asséché  (1624), 
coupé  en  rectangles  égaux  (eavcls)  par  des  canaux  perpendiculaires,  et 
cette  terre  vierge  mise  en  exploitation.  L'enthousiasme  fut  général. 

Vingt-deux  ans  plus  lard,  tout  était  à  recommencer.  Près  d'être  assiégé 
dans  Dunkerque,  le  gouverneur  espagnol  marquis  de  Leyde  voulut  se 
défendre  par  des  inondations  :  il  fit  ouvrir  l'écluse  de  la  Cunette,  par  où  se 
vidait  le  canal  des  Moëres,  et  la  haute  mer,  se  précipitant  par  le  passage, 
engloutit  en  quelques  jours  l'œuvre  de  Cobergher.  b\s  deux  lacs  se  refor- 
mèrent ;  il  n'émergeait  de  l'eau  que  les  débris  de  l'église,  où  des  brigands  ne 
tardèrent  pas  à  s'établir  comme  sur  un  roc  inaccessible.  Pendant  plus  d'un 
siècle  l<-s  Moëres  continuèrent  d'infester  les  contrées  voisines.  Ce  fut  un 
officier  de  la  garnison  de  Bergues,  le  comte  d'Hérouville,  qui  tenta  de 


>  Cf.  Pas-de-Calais  au  XIX'  siècle.  IV.  pp.  1X>-1  iO,  et  II,  pp.  1Î2ÎI-637  ;  —  R'ertin,  Navi- 
gation intérieure,  pp.  7-8  ;  —  [Deschamps  de  l'as]  Septième  seetion  des  W  ateringues.  » 
Rapport  de  l'ingénieur  ordinaire  sur  les  diverses  questions  concernant  le  dessèchement 
du  bassin  de  la  7e  section,  ei  sa  position  relativement  à  la  navigation  (St-Omer,  Guer- 
monprez,  18o8,br.  4(3  p.). 


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LES  MOËRES 


287 


reprendre  l'œuvre  de  Cobergher  :  en  1752,  il  obtint  la  concession  royale, 
reconstruisit  les  canaux  et  moulins,  assécha  la  Petite  Moëre  :  il  s'y  ruina. 
De  compagnie  en  concessionnaires,  inondée  en  1793  à  propos  de  la  guerre, 
la  grande  Moëre  était  encore  on  fort  piteux  état  au  début  du  XIXe  siècle  : 
les  anciens  du  pays  de  Morgues  se  rappelaient  encore  en  1840  le  temps  où 
dans  la  saison  des  pluies  on  pouvait  monter  en  bateau  à  une  demi-lieue  de 
Borgnes  et  voguer  droit  sur  Fumes,  à  une  distance  de  plus  de  3  lieues  et 
demie,  sans  être  obligé  de  s'arrêter  ou  de  se  détourner  une  seule  fois  *.  Ce 
ne  fut  qu'après  1821  que  les  Moëres,  jusque  la  entre  les  mains  d'un  Syndicat, 
furent  mises  en  vente,  partagées  entre  de  nombreux  propriétaires,  et  en  1826 
que  le  dessèchement  fut  rendu  définitif. 

Depuis  cette  date,  les  Moëres  sont  restées  hors  des  eaux,  et  les  grandes 
pluies  ne  parviennent  pas  a  en  inonder  le  sol  plus  de  24  heures  de  suite. 
Cette  terre,  la  plus  basse  de  toute  la  plaine,  en  est  peut-être  la  mieux 
asséchée.  Aux  grands  moulins  a  vent  installés  par  d'Hérouville,  et  qui 
portent  les  noms  illustres  des  grands  fleuves  d'Europe,  Rhin,  Pô,  Tage, 
Klbe,  on  a  joint  une  machine  à  vapeur  destinée  à  suppléer  les  moulins  en  cas 
d'urgence  et  surtout  au  cas  où  le  vent  serait  trop  faible.  Derrière  la  digue 
qui  supporte  le  Ringsloot  s'étendent  les  champs  de  terre  grise,  mêlés  de 
quelques  rares  pâtures.  Ce  qui  caractérise  le  paysage,  ce  sont  les  canaux 
intérieurs,  avec  leur  bordure  de  saules  en  lignes  inexorablement  droites, 
tous  perpendiculaires,  le  triomphe  du  paysage  géométrique.  De  loin  en  loin, 
quelques  grosses  fermes  avec  leurs  meules;  au  contre,  un  village  très 
propre,  où  les  maisons,  entretenues  avec  un  soin  digne  de  la  Hollande, 
sont  peintes  de  toutes  les  couleurs  de  l'are-en-ciel.  Dans  ce  polder  en  pleine 
terre,  tout  pousse  bien  ;  le  fumier  n'est  pas  nécessaire  ;  la  betterave  y  a 
plus  «le  densité  qu'ailleurs.  Aussi  la  population  augmente,  et  l'émigration 
vers  les  villes  est  inconnue. 

Cette  prospérité  n'a  pas  été  sans  éveiller  quelque  jalousie  chez  des  voisins 
que  la  nature  avait  mieux  pourvus  que  les  Moëres,  et  qui  cependant  sont 
moins  avantagés  aujourd'hui.  Los  Moëres  sont  constituées,  pour  le  dessè- 
chement, en  une  association  spéciale  indépendante  de  toute  intervention 
administrative;  cependant  leurs  eaux,  pour  gagner  la  mer,  doivent 
travei-ser  le  territoire  de  la  4e  section  des  Wateringues,  qui  a  fait  du  Canal 
des  Moëres  son  artère  principale  de  dessèchement.  De  bonne  heure,  la 


1  Van  de  Wynckel,  Précis  historique  et  critique  de  l'administration  des  wateringuos 
(Bergues.  184»,  br.  .'£>  p.),  p.  17.  —  Sur  les  Moëres,  consulter  :  Quarré-Reybourbon  ( L.), 
Dessèchement  des  wateringues  et  des  moëres  dans  l'arrondissement  de  Dunkerque 
(Lille,  Quarré,  18113,  in-8%  1()S  p.)  ;  et  aux  Archives  Nationales,  cartons  N«18;  T2f>fi; 
T  120'  ;  T  182*  ;  Q«  829. 


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288  L'EAU  DANS  LA  PLAINE  :  l«OLDERS  ET  WATERINGUES 

4fl  section  s'est  plainte  d'être  encombrée  (les  eaux  des  Moëres,  qui  empêchent 
ses  propres  eaux  de  s'écouler  vers  Dunkerque.  I/\s  Moëres  excipent  de  la 
nécessité  de  se  débarrasser  de  leurs  eaux,  ce  qui  est  pour  elles  une  question 
de  vie  ou  de  mort.  De  là  est  né  un  procès,  caractéristique  de  l'importance 
que  la  question  de  l'eau  a  encore  dans  la  plaine  maritime.  Après  des  escar- 
mouches en  1817  et  1834,  la  4e  section  a  pris  résolument  l'offensive  depuis 
que  la  machine  à  vapeur,  qui  débite  40  mètres  cubes  à  la  minute,  permet 
aux  Moëres  de  se  débarrasser  avec  une  grande  rapidité  de  leurs  eaux  sura- 
bondantes pour  les  envoyer  passer  chez  les  voisins.  Le  conflit  a  commencé 
en  1879,  par  une  demande  des  Wateringues  d'établir  dans  les  canaux 
aboutissant  au  Ringsloot  des  repères  que  les  eaux  évacuées  des  Moëres  ne 
devront  jamais  dépasser:  il  dure  encore  à  l'heure  qu'il  est.  Nous  ne  sommes 
plus  au  temps  où,  pour  débarrasser  le  pays  de  Langle  de  l'inondation,  la 
maréchaussée  d'Artois  venait  elle-même  détruire  le  bâtardeau  du  Houlel, 
ou  faire  ouvrir  de  force  l'écluse  d'Hennuin,  sans  se  soucier  de  noyer  le 
Calaisis  '  ;  mais  pour  être  strictement  légale,  la  lutte  n'en  est  pas  moins 
âpre  :  tribunal  civil  de  Dunkerque,  cour  d'appel  de  Douai,  conseil  de  Préfec- 
ture, conseil  d'Etat,  tribunal  des  Conflits,  et  de  nouveau  la  cour  de  Douai, 
se  sont  vus  saisir  de  l'affaire  par  deux  parties  qui  montrent  un  égal  achar- 
nement, et  n'ont  pas  désarmé  encore  s. 


Terres  basses  de  l'Est. 

Il  existe  encore  en  Flandre  d'autres  parties  basses  où  les  eaux  n'ont  été 
vaincues  qu'au  prix  de  travaux  particulièrement  longs  et  coûteux.  Les 
Moëres  de  Ghistelles,  ce  golfe  de  terres  fortes  que  la  plaine  dessine  entre 
les  sables  de  Ghistelles  et  ceux  de  Giuckelaere,  et  qui  forme,  sans  maisons, 
sans  pâtures  et  sans  arbres,  tout  en  guérets,  un  coin  si  él range  entre  les 
deux  bonis  du  lloutland  qui  l'enserrent,  n'est  débarrassé  que  depuis  peu  des 
graves  inondations  annuelles  qui  l'accablaient.  Elles  étaient  aussi  subites 
que  redoutables:  parfois  il  fallait  sonner  le  tocsin  pour  prévenir  les  habi- 
tants du  danger.  Il  y  a  32  ans,  le  15  août,  l'inondation  arriva  pendant  les 
vêpres,  et  les  fermiers  du  Nord  ne  purent  regagner  leurs  habitations.  Plus  a 


i  Arch.  Pas-de-Calais,  C.  ir»2,  pièces  13-14,  70-8U;  (1774  et  1770). 

*  Voir:  Ovigneur,  Mémoire  pour  l'administration  des  Moëres  françaises  contre  la 
IVe  section  des  Wateringues  (Lille,  Danel,  18U1,  br.  08  p.),  et  :  Mémoire  en  réplique 
(Lille,  Danel,  1892,  15  p.)-  Le  dernier  arrêt  delà  Cour  de  Douai  se  trouve  dans  le  Nord 
Judiciaire,  13»  année,  N°»  8-9,  pp.  229-234. 


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liu'tsiSii  (1;      r.  Il  y  ;i  'fi  .niv.  le  ir>anû!.  l'niimihtlutn  auiva  jn-Ui1 
Vt'-jitH's.  "t  !«•>  !•  nniiTS  «hi  NmmI     jitP'Hit  n-^a^Mfi  liMu-s  lialiitaf 1 

«  \ei-b  L',w- li  (IjiI  i.n  C.  ir."i.  t»i\--s  J.M  i,  7t;x«»;  •  I"î 7 i  .  t  177»  ». 

'  \'n  r»    o\  '_".Miir.  M';i  "<v  jwnir  l"-**ïti*ï •  i Mr.<ti»*n        .M.i-  r>'-  irin.'j»4«ii»»  .. 

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LES  TERRES  BASSES  DE  L'EST 


l'Est,  ce  fut  pour  les  communes  belges  de  Watervliet,Waterland-()udeman, 
Ste-Marguerite,  St-Laurent,  Middelbourg  et  Lapscheure,  une  inquiétante 
situation,  lorsque  les  Hollandais  devinrent  maîtres  en  1648  des  écluses  par 
où  leurs  eaux  s'écoulaient  à  la  mer,  et  que  pour  (-omble  de  malheur  l'éva- 
cuation devint  de  plus  en  plus  difficile  par  les  estuaires  en  voie  de 
comblement  du  Braakman  et  du  Zwin.  Résolu  à  éviter  cette  dépendance  à 
l'égard  de  la  Hollande,  Joseph  II  avait  fait  commencer  par  le  colonel  de 
Brou  un  grand  canal  longeant  la  frontière  et  s'ouvrant  dans  le  Zwin  à 
l'écluse  du  Hazegras.  Il  fallut  revenir  à  ce  projet  après  1830,  lorsque  la 
Hollande  eut  fermé  jusqu'en  1840  tous  les  débouchés,  et  infligé  aux  com- 
munes belges  des  inondations  annuelles  qui  leur  causaient,  de  1831  à 
1833,  4.595. 000  francs  de  dégALs1.  En  juin  1842  intervint  une  loi 
décrétant  la  construction  «  d'un  canal  pour  l'écoulement  des  eaux  des 
Flandres»*.  C'est  la  belle  voie  d'écoulement  dite  canal  Léopold,  ou  de 
Selzaele,  qui  part  de  Bouehaute,  vient  longer  la  frontière  hollandaise  vers 
Ecde,  rejoint  le  canal  de  Schipdonek,  franchit  en  sa  compagnie  le  canal  de 
Bruges  â  Sluis  et  gagne  la  mer  a  Heyst.  Non  seulement  elle  amène  sans 
encombre  à  Heyst,  après  38  kilomètres  de  chemin,  les  eaux  de  Watervliet 
qui  ne  sont  qu'à  une  lieue  du  Braakman,  mais  elle  a  fait  faire  au  dessèche- 
ment de  tout  le  Nord  de  Bruges  les  plus  grands  progrès. 

Enfin  la  situation  la  plus  critique  à  l'heure  actuelle  est  celle  des  terres 
basses  du  pays  de  Waes.  Ces  beaux  polders  de  Yracene,  Calloo, 
Kieldrecht  sont  sous  le  coup  d'inondations  continuelles  ;  leur  niveau  est 
si  bas  que  l'écoulement  dans  l'Escaut  par  l'écluse  de  la  Perle  est  très 
intermittent,  tandis  que  du  plateau  de  Waes  qui  les  domine  d'une  vingtaine 
de  mètres  leur  arrive  avec  une  rapidité  extraordinaire  l'eau  des  moindres 
averses.  Il  ne  se  passe  pas  d'année  sans  plusieurs  inondations;  celle  de 
1880  a  couvert  2.800  Ha.  Trois  projets  sont  à  l'étude:  une  machine  à 
vapeur  pour  écouler  l'eau  a  marée  haute,  une  rigole  spéciale  pour  l'éva- 
cuation des  eaux  du  haut  pays,  enfin  un  grand  canal  analogue  au  canal 
Léopold,  qui  serait  en  même  temps  une  voie  navigable,  et  mènerait  du 
canal  de  Terneuzen  à  l'Escaut 3. 


•  Andries,  Recherches  sur  les  voies  d'écoulement,  pp.  84-8T». 
»  Texte  dans  Woliers.  Recueil  de  lois,  I,  pp.  78i-7.SC.. 

3  Menons  (A.).  Rijdrage  tôt  de  studie  over  de  droogmaking  der  Polders  in  het  land 
van  Waas  (St-Niklaas,  Sleyhol,  100'.,  17  p.,  carte  à  1  :  100.000,  1  fig.). 

lu 


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290 


L'EAU  DANS  L\  PLAINE:  POLDERS  ET  WATERINGUES 


Progrès  accomplis  et  a  accomplir 

Ainsi  va  se  perfectionnant  sans  cesse  l'écoulement  dos  eaux  de  la 
plaine.  Les  progrès  Ma  lises  au  XIX*  siècle  ont  été  immenses.  I,a  paix  en 
a  été  la  première  cause.  On  n'a  plus  revu  de  ces  inondations  tendues 
autour  des  places  fortes,  comme  celles  qui  remirent  sous  l'eau  les  Moëres 
en  10-4(1  et  1703,  et  celles  qui  sous  prétexte  de  défendre  Nieuport,  cette 
bicoque,  noyaient  tout  le  Furnambacht  jusqu'à  Pollinehove  et  Kversham, 
gAtaicnt  les  terres  pour  7  ou  8  ans  au  point  que  les  13.0)0 Ha  recouverts 
en  1704  par  l'eau  salée  n'avaient  pu  encore  être  fertilisés  en  ISOi.  Les 
Wateringues,  réorganisées,  stimulées  par  l'Etat,  ont  réalisé  de  grandes 
améliorations,  el  cela  non  seulement  d;ins  les  parties  faibles  comme  le 
Calaisis,  mais  dans  toute  la  plaine.  Il  n'y  a  qu'une  voix  chez  les  habitants 
pour  constater  les  bienfaits  de  leurs  syndicats.  A  St-Pierre-P»rouck,  à 
Holque,  on  est  obligé  de  constater  la  disparition  des  inondations  depuis  la 
mise  en  service  du  watergand  neuf  que  la  malignité  publique  avait 
désigné  dès  l'abord  sous  le  nom  do  «  Panama  ».  A  Cappelle,  l'eau  ne 
séjourne  {dus  qu'un  jour  ou  deux  sur  les  terres,  en  cas  de  grande  pluie.  A 
Teteghem,  les  terres  du  Sud  qui  restaient  inondées  jusqu'à  5  mois  par  an 
sont  desséchées  en  quelques  jours  par  la  machine  à  vapeur  que  la 

section  des  Wateringues  du  Nord  a  établie  à  Steendam  ;  môme  cas  poul- 
ies terres  basses  de  Warhem.  Les  gens  de  Bulscamp constatent  que  l'inon- 
dation qui  durait,  il  y  a  S)  ans,  5  à  0  semaines  par  an,  peut  être  disparue  eu 
trois  jours.  Woumeii  n'a  plus  de  l'eau  sur  ses  terres  pendant  ['*  et  15  jours 
de  suite,  comme  cela  se  passait  avant  qu'on  eût,  en  1880,  amélioré  les 
débouchés  à  la  mer,  à  Nieuport.  Slype  n'a  pas  vu  une  inondation  sérieuse 
depuis  50  ans,  et  ses  voisines  St-Pierro-Capelle  et  Zevecole,  quoique 
moins  bien  partagées,  n'ont  qu'à  se  louer  des  changements  survenus. 
Vlisseghem  et  Cleemskerko  sont  tranquilles  depuis  S)  ans.  Groede, 
Oostburg,  Ijzendijke,  Axel,  paraissent  ignorer  que  des  inondations  soient 
encore  possibles.  On  pourrait  multiplier  ces  exemples  ;  mais  la  meil- 
leure preuve  du  progrès  accompli,  c'est  le  recul  de  la  lièvre  paludéenne. 

Li  lièvre  paludéenne,  avec  ses  accès  réguliers,  a  été  jadis  la  maladie 
caractéristique  de  la  plaine,  celle  à  laquelle  personne  n'échappait;  à  force 


i  Cf.  Lettre  de  l'intendant  de  lion» i ères  au  Contrôleur  p'-néral  (1707)  dans  Hoilisle, 
Correspondance  de*  Contrôleurs  généraux  avec  les  intendants  des  provinces,  11, 
p.  .'{"'.',  n"  I  lî'.l  ;  —  île  Viry,  Mémoire  statistique  du  département  de  la  Lys,  adressé  au 
Miuistre  de  l'Intérieur  (Paris,  Impr.  impériale,  an  XII,  in-4u,  IN»  p.),  p.  iS>. 


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LES  PROGRÈS  ACCOMPLIS  ET  A  ACCOMPLIR 


291 


(l'on  constater  la, régularité,  on  avait  fini  par  la  croire  nécessaire,  et  on 
disait  aux  enfants  de  7  a  15  ans,  qui  l'avaient  pendant  des  semaines,  que 
c'était  une  lièvre  de  croissance  (grooikoorts),  et  que  ça  faisait  grandir, 
Les  vastes  étendues  d'eau  stagnante  que  présentait  la  plaine  en  étaient  la 
cause;  et  St  Arnulf  trouve  cinq  liévreux  couchés  dans  la  mémo  cabane, 
lorsqu'il  traverse  les  moeres  de  Ghistelles  !.  Un  dicton  de  garnison 
mettait  sur  le  même  rang  que  la  peste  et  la  famine  l'obligation  d'aller 
séjourner  à  Gravelines  ou  a  Bergues  *,  l'une  à  cause  des  Moëres,  l'autre  à 
cause  des  schorres  des  Hems  Sl-Pol  ;  «  dès  que  la  chaleur  se  l'ait  sentir  a 
Gravelines,  on  y  voit  régner  des  lièvres  putrides  ou  bilieuses,  dont  la 
convalescence  est  fort  pénible  et  dure  souvent  jusqu'à  l'hiver  »  3.  La 
Flandre  zélandaise  en  particulier  avait  un  fâcheux  renom  *  :  le  préfet 
Faipoult  y  constate  que  tous  les  habitants  y  sont  tourmentés  de  lièvres  en 
fructidor  et  vendémiaire  ;  aussi  parviennent-ils  rarement  a  une  grande 
vieillesse  ;  les  troupes  y  souffrent  infiniment,  et  les  Hollandais  avaient 
l'attention  de  ne  jamais  y  changer  les  garnisons 5.  Les  malheureux  gardes 
nationaux  envoyés  en  1800  à  la  défense  de  l'Escaut  s'en  aperçurent,  car 
en  183*)  on  trouvait  encore  à  Lille  plusieurs  d'entre  eux  qui  n'avaient  pu 
se  débarrasser  de  cette  tenace  fièvre  de  Kadzand  ".Jusque  passé  le  milieu 
du  siècle,  la  fièvre  resta  la  maladie  dominante;  à  l'hôpital  de  Fumes,  en 
10  ans,  elle  donne  un  cas  sur  cinq;  même  proportion  à  Ostende'  ;  Laveleye 
parcourant  «  cette  maremme  de  la  lielgiquc  »  après  les  chaleurs  de  juillet 
1859  trouve  dans  chaque  ferme  deux  ou  trois  personnes  épuisées  par  la 
fièvre,  et  dans  chaque  village  entend  le  glas  de  la  cloche  des  morts  8.  Or 
ce  fléau  commence  à  n'être  qu'un  souvenir.  Par  toute  la  plaine  on  entend 
célébrer  la  disparition  des  fièvres.  A  Damme,  on  en  comptait  150  cas  par 
an  avant  la  construction  du  canal  Léopold  :  3  ans  après,  le  nombre  était 


1  Ex  vita  Arnulfi  epiacopi  Sucssionensis  auet.  Hariulfo,  1.  Il  (M.  G.  SS.,  XV.  p.  88'.)). 

*  Seigneur,  délivrez-nous  de  la  peste,  de  la  famine, 
De  la  garnison  de  Berlues  rt  de  Gravelines. 

3  Tully,  Essai,  pp.  49-T>l.  —  Cf.  Arch.  Pas-de-Calais  C.  30T>,  pièce  20. 

*  Dresselhuis  (Ab  L'trecht),  Met  distrikt  van  Sluis  in  Ylaandcreii,  pp. 

s  Faipoult,  Mémoire  statistique  du  département  de  l'Escaut,  adrc>sé  au  Minisire  de 
l'Intérieur  (Paris,  Impr.  impér.,  an  XIII,  in-'iu,  KiO  p.),  p.  21. 
«  Derode,  Histoire  de  Lille,  III,  p.  326. 

"  De  Keuwcr.  Topographie  médicale  de  l'arrondissement  de  Fumes  (Annales  de  la 
Société  médico-chirurgicale  de  Hruges.  |Si7,  pp.  233-2»  vi),  p.  218;  —  Janssens,  Topo- 
graphie médicale  de  l'arrondissement  d'Ostcnde  (Ibid.,  1M£,  pp.  1 T-0 >,  t lT-i*V«»>_ 
pp.  —  De  même  :  Waldaek.  Topographie  médicale  du  canton  d'Eecloo  (Annales 

Soc.  médecine  de  Gand,  XX,  IK/i7,  pp.  iftMW),  pp.  H'.-^î. 

»  Laveleye,  Economie  rurale,  pp.  23-24. 


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292  L'EAU  DANS  LA  PLAINE  :  POLDERS  ET  WATERINGUES 

tombé  à  50,  et  aujourd'hui  il  n'y  en  a  plus.  Jusqu'à  une  date  assez 
rapprochée,  le  nombre  dos  décès  dans  l'arrondissement  de  Dunkerque 
était  presque  l'équivalent  de  celui  des  naissances;  le  changement  est 
complet  de  nos  jours  1 ,  et  suffit  à  illustrer  l'œuvre  accomplie  par  les 
Wateringues  dans  les  25  dernières  années. 

Cependant  la  malaria  n'est  pas  complètement  vaincue.   Les  causes 
du  fléau  sont  très  atténuées,  mais  elles  subsistent.  Il  y  a  encore  des 
étendues  d'eau  stagnante,  en  particulier  les  anciennes  tourbières. 
L'extraction  de  la  tourbe  fut  jadis  la  principale  industrie  de  la  plaine,  et 
probablement  la,  plus  ancienne  :  témoin  l'inscription  de  Rimini  qui  garde 
le  souvenir  des  sauniers  ménapiens  !.  L'extraction  a  cessé  aujourd'hui, 
car  le  charbon  a  chassé  de  tous  les  foyers  flamands  ce  combustible 
odorant,  qui  imprégnait  les  habits  et  empestait  les  maisons  au  point 
qu'aujourd'hui  encore,  par  les  temps  humides,  les  vieilles  demeures  où 
l'on  en  a  brûlé  jadis  exhalent  encore  l'odeur  de  tourbe  \  Mais  les  exca- 
vations restent,  les  vastes  clairs  de  Balinghem  et  Ardres,  les  mares  de 
Jabbeke  et  de  Stalhille.  On  remblaie  peu  à  peu  ;  le  travail  va  lente- 
ment, car  la  terre  disponible  est  rare.   Ijs  manque  d'eau  potable  est 
une  autre  cause  d'insalubrité.  Tous  les  puits  sont  mauvais,  ou  doivent  être 
considérés  comme  tels  :  près  de  la  surface,  l'eau  est  chargée  d'impuretés 
de  toute  sorte  ;  en  profondeur,  elle  est  saumâtre.  Il  faut  s'alimenter  à  des 
citernes,  dont  l'appoint  est  souvent  insuffisant  l'été  ;  aux  canaux,  aux 
watergands,  à  des  mares.  Fumes  a  900  citernes,  dont  une  de  300  mètres 
cubes,  pour  1.214  maisons.  Les  ressources  fournies  par  ces  eaux  peu 
appétissantes  n'empêchent  pas  que  13  communes  belges  de  la  plaine,  sur 
une  cinquantaine,  soient  exposées  à  manquer  d'eau  douce  l'été  :  à  Calloo, 
les  habitants  de  'M)  maisons  doivent  faire  en  cette  saison  3  kilomètres 
pour  en  trouver;  au  Doel,  pour  130  maisons  la  distance  est  de  1  kilo- 
mètre *.  A  Guemps,  un  brasseur  est  obligé  d'avoir  un  bateau  a  soupape 
pour  aller  chercher  de  l'eau  douée  au  pied  «le  l'Artois,  dans  la  rivière  de 
Balinghem.  L'armée  anglaise  a  éprouvé,  pendant  l'été  de  1809  qu'elle  a 


'  N  oir  les  Annuaires  du  département  du  Nord,  depuis  l'an  XL 

i  C'est  des  cendres  de  la  tourbe  que  l'on  extrayait  le  sel.  —  Sur  les  tourbières  du 
Calaisis,  voir:  de  Bounard,  Notice  sur  les  tourbières  du  département  du  Pas-de-Calais 
(Journal  .les  Mines,  2  vol.  de  ISO4.»,  pp.  121-tôTo. 

:t  11  existe  encore  dans  le  Sud  de  la  commune  des  Attaques,  en  ploin  marais, 
quelques  maisons  dont  les  propriétaires  tirent  de  la  tourbe  et  s'en  servent  pour  la 
cuisson  des  aliments,  effectuée  dans  une  pièce  à  part.  C'est  probablement  le  dernier 
vestige  qu'on  puisse  en  trouver  dans  toute  la  plaine. 

*  André,  Enquête  sur  les  eaux  alimentaires,  l,  pp.  '«02-401». 


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LES  PROGRÈS  ACCOMPLIS  ET  A  ACCOMPLIR 


293 


passé  dans  l'ilo  de  Walcheren,  les  inconvénients  de  ce  manque  d'eau 
potable.  Il  y  a  donc  encore  des  fièvres  paludéennes  dans  la  plaine,  et  peut- 
être  plus  dans  la  partie  belge,  où  l'organisation  des  Wateringues  est  restée 
par  endroits  un  peu  archaïque.  D'ailleurs  ce  sont  moins  les  habitants  qui 
sont  atteints  que  les  étrangers,  les  ouvriers  pauvres  du  Houtland  qui 
viennent  faire  la  moisson  ou  la  campagne  des  betteraves 

Ainsi  tout  n'est  pas  parfait  encore  dans  la  plaine  maritime.  Il  faut  que 
les  Wateringues  continuent  leur  œuvre  d'amélioration.  Les  inondations 
peuvent  encore  se  produire  :  celle  de  novembre  1894  s'est  fait  sentir  sur 
une  bonne  partie  de  l'arrondissement  de  Dunkerque.  Par  les  très  grosses 
mers,  l'écoulement  peut  être  momentanément  arrêté,  et  les  terres 
submergées  si  les  fossés  ne  sont  pas  assez  profonds.  I,es  syndicats  ne 
doivent  pas  se  borner  à  entretenir  en  bon  état  les  ouvrages  existants, 
curer  les  fossés,  réparer  les  vannes  et  les  écluses;  leur  œuvre  est  à 
compléter.  L'indépendance  du  dessèchement  n'est  pas  encore  complète  à 
l'égard  de  la  navigation,  et  chaque  grande  Wateringuc  n'a  pas  encore  son 
canal  particulier  d'écoulement.  Enfin  une  autre  tâche  s'offre  aux  habitants 
de  la  plaine.  Lorsque  l'évacuation  des  eaux  a  la  mer  sera  devenue  irré- 
prochable, ce  qui  en  beaucoup  de  points  ne  saurait  tarder,  on  pourra  se 
mettre  hardiment  à  combler  les  petits  fossés  qui  sillonnent  les  champs,  et 
à  les  remplacer  par  des  drains  creusés  à  une  faible  profondeur.  Quand 
l'écoulement  était  très  imparfait,  il  fallait  des  fossés  partout,  pour  évacuer 
plus  vite  ;  c'est  encore  le  cas  dans  les  régions  mal  desservies,  comme  les 
moeres  de  Ghistelles  ;  aujourd'hui,  dans  presque  toute  la  plaine,  ces  petits 
fossés  peuvent  disparaître.  On  y  gagne  une  étendue  appréciable  de  terre 
cultivable  ;  les  travaux  sont  plus  faciles,  et  on  évite  les  mauvaises  herbes 
qui  croissent  toujours  le  long  des  fossés.  Déjà  appliqué  autour  d'Ostende 
et  à  Ste-Marie-Kerque,  ce  système  a  donné  d'excellents  résultats  5  ;  nul 
doute  qu'il  ne  s'étende.  L'homme  a  beaucoup  fait  dans  la  plaine  pour 
asservir  l'eau  ;  aujourd'hui  il  peut  se  croire  vainqueur,  il  lui  reste  à  savoir 
profiter  de  sa  victoire. 


i  Au  fort  de  Cruybeke,  dans  les  polders  de  l'Escaut,  les  officiers  reçoivent  uno  solde 
supplémentaire  pour  compenser  les  inconvénients  du  séjour,  particulièrement  la 
fièvre.  De  même  à  Ste-Anne,  en  face  d'Anvers. 

*  Cf.  Monographie  agricole  de  la  région  des  Polders,  pp.  ;  le  Pas-de-Calais  au 
XIX'  siècle,  IV,  pp.  12V131. 


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204  LA  VIE  DANS  LA  PLAINE 

l 

CHAPITRE  XII 
LA  VIE  DANS  LA  PLAINE 


l.  L'Af/ricu/turv.  Qualités  «lu  sol.  Anciennes  cultures.  Lu  betterave,  l'àlures  et  bétail. 
Procédés  et  exploitations.  —  11.  L'hnliilnt  rural .  La  grande  forme.  Los  agghnnéru- 
lions.  —  111.  l.rs :  vilfrs.  Marchés  agricoles  de  la  plaine  et  de  la  lisière.  Bruges. 
L'absence  d'industrie.  —  IV.  Lai  />ojntfnfion.  —  Y.  La  Flawlrr  Zt'hnuhrisr.  Ktat 
actuel  de  la  lutte  contre  la  mer.  Agriculture,  habitat,  population.  Isolement 
économique. 

I. 

L'AGRICULTURE. 

Avant  de  commencer  à  exploiter  leur  terre,  les  habitants  de  la  plaine 
ont  <lû  se  mettre  a  la  débarrasser  dos  eaux.  Ailleurs  l'homme  se  contonte 
de  labourer,  do  tirer  parti  do  son  sol  :  ici  il  est  lo  sauveur  du  champ  qu'il 
exploite;  il  le  protège  contre  la  mer,  contre  les  rivières,  contre  l'eau  d'en 
dessus  et  d'en  dessous.  Aujourd'hui  s'il  ne  le  préserve  pas  héroïquement 
on  allant  «  porter  de  la  terre  à  la  digue  »,  il  contribue  à  sou  salut  en 
payant,  en  plus  de  toutes  les  contributions  ordinaires,  la  taxe  de  la 
Wateringue. 

Qualités  du  sol 

Il  faut  que  ce  sol  soit  bien  riche  pour  mériter  de  pareils  sacrifices. 
N'est-ce  pas  celui  qu'un  moine  d'Oudonbourg  appelait  dès  le  XP  siècle  la 
meilleure  terre  de  Flandre,  et  dont  Meyer  au  XVI0  célébrait  la  fertilité, 
qui  no  connaît  pas  les  engrais  et  dédaigne  les  assolements  1  ?  Cela  est  vrai 
en  général,  et  le  seul  aspect  de  la  plaine  en  juillet  suffit  à  l'indiquer. 
Cependant  ce  sol  des  polders  comporte  des  variétés.  A  la  surface  on 
trouve  parfois  de  la  tourbe;  et  la  terre  noire  des  marais  d'Ardres,  celle 
qu'on  aperçoit  dans  les  prairies  de  Bierne  ou  dans  les  jardins  maraîchers 


•  Malou,  Histoire  d'Otidenbourg,  l,  p.  3T>.  -  Meyer,  Rerum  Flandricartim  tomi  X. 
(Bruges,  Soc  d'Kiu.,  18'»:$),  vol.  IX,  p.  77. 


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LES  QUALITÉS  DU  SOL 


2HT. 


d'Iïoymille  rappelle  les  hortillonages  fies  vallées  de  la  craie,  ('elle  tourbe 
de  la  surface  ne  se  rencontre  guère  que  le  long  <le  la  lisière  Sud  :  tandis 
que  le  sable  est  répandu  un  peu  partout  ;  il  est  peu  de  communes  qui 
n'en  possèdent  pas  quelque  veine.  Enfin  l'argile  grise  occ  upe  la  plus 
grande  partie  de  la  plaine. 

L'argile  est,  à  l'état  vierge,  d'uno  fertilité  extrême;  des  analyses  lui 
donnent  dix  fois  plus  do  principes  fertilisants,  matières  phosphatées, 
organiques,  salines,  que  les  meilleures  terres  alluviales  de  Belgique  1  ;  et 
cela  grâce  aux  débris  organiques,  plantes,  animaux,  qui  s'y  accumulent 
quand  elle  se  forme  en  srhorre.  Pendant  quelques  années,  cette  fertilité 
se  maintient,  le  sol  du  nouveau  polder  n'a  pas  besoin  d'engrais  ;  puis  vient 
l'épuisement.  La  [daine  tout  entière  en  est  venue  depuis  longtemps  à  cet 
état  de  fatigue,  où  des  restitutions  d'azote  et  d'acide  phosphorique  sont 
nécessaires.  Les  analyses  indiquent  une  quantité  considérable  de  cal- 
caire, probablement  due  aux  apports  de  la  Manche  ;  une  teneur 
suffisante  de  potasse,  enfin  une  légère  insuffisance  d'acide  phospho- 
rique. Ainsi  les  engrais  comme  les  scories  et  les  superphosphates  sont 
nécessaires.  D'autre  part  l'imperméabilité  est  un  îles  grands  incon- 
vénients du  sol  de  la  plaine.  Là  où  l'argile  n'est  pas  mélangée  au  sable, 
c'est  la  terre  forte,  le  «  blek  »,  sur  lequel  l'eau  de  pluie  séjourne  et  ne 
disparaît  «pie  par  évaporation  ;  où  une  averse  survenant  avant  la  levée 
provoque  la  formation  d'une  croûte  dure  qui  nécessite  un  nouvel  ensemen- 
cement. Aussi  cette  terre,  pour  être  cultivée,  demande  à  être  saisie  juste  a 
point:  pas  trop  sèche,  parce  qu'elle  devient  dure  comme  une  pierre;  pas 
trop  mouillée,  parce  que  le  cultivateur  et  sou  attelage  s'y  embourberont. 
La  terre  argilo-sableuse,  «  opene  grond  »,  est  une  terre  franche  plus  facile 
à  travailler,  où  la  réussite  des  semis  est  assurée,  et  où  l'on  n'est  pas  obligé 
comme  dans  le  blek  de  recommencer  les  semailles  deux  ou  trois  fois,  ou 
de  retarder  celles  d'automne  jusqu'en  janvier  et  même  février  *. 

Mais  en  revanche,  les  terres  fortes  donnent  un  rendement  supérieur. 
S'il  y  faut  plus  de  travail,  et  si  l'on  n'est  jamais  sûr  de  pouvoir  faire  ce 
travail  à  temps,  il  y  faut  moins  d'engrais,  et  le  rendement  est  parfois  plus 
élevé  d'un  tiers.  O  résultat  fait  beaucoup  pardonner;  et  malgré  ses 
défauts,  la  plaine  maritime  n'en  reste  pas  moins,  comme  le  disait  Hariulf 
d'Oudenbourg,  la  meilleure  glèbe  de  Flandre.  Dans  les  terres  moyennes, 
le  rendement  du  blé  à  l'hectare  y  est  de  20  hectolitres;  dans  les  bonnes 


•  Monographie  agricole  do  la  région  .les  Polders,  p.  fi. 

*  Monographie  rég.  Polders,  p.  I  4  ;  —  Leplao,  Esquisse  agronomique  de  la  Flandre 
Occidentale  (Rev.  gon.  agr.  L.,  18W,  pp.  38-44,  7K-!»i),  p.  44. 


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LA  VIE  DANS  LA  PLAINE 


terres,  de  33;  relui  de  l'orge,  de  28  à  48;  celui  de  l'avoine,  de  33  à  75  ; 
dans  les  bonnes  terres,  la  pomme  de  terre  donne  35  t< innés  à  l'hectare,  la 
betterave  à  sucre  40  '.  Et  ce  sont  là  des  résultats  moyens.  De  bonnes  terres 
traitées  par  de  bous  agriculteurs  donnent  des  quantités  bien  plus  considé- 
rables :  jusqu'à  60  hectolitres  de  blé  à  l'hectare,  05  d'avoine,  60  tonnes  de 
betteraves  riches  à  plus  de  7",  dans  une  grande  exploitation  de  Ste-Marie- 
Kerque;  ailleurs  jusqu'à  100  hectolitres  d'avoine  dans  une  grande  ferme 
d'Oflekerque  *.  C'est  bien  là  la  terre  dont  Meyer  disait  qu'elle  était  grasse 
à  souhait,  et  sur  la  fertilité  de  laquelle  se  sont  souvent  extasiés  les 
agronomes. 

La  fertilité  de  ce  sol,  l'humidité  due  au  climat  et  à  l'imperméabilité  du 
sous-sol,  entretiennent  à  la  surface  de  la  plaine  une  vigoureuse  végétation. 
Nulle  part  en  Flandre  las  mauvaises  herbes  ne  poussent  avec  une  telle 
rapidité  ;  aussi  le  sarclage  y  est-il  devenu  une  des  opérations  indispensables 
de  la  culture.  Si  les  arbres  sont  rares  et  grêles,  ce  n'est  pas  au  sol,  mais 
au  climat  qu'il  faut  s'en  prendre;  car  dans  la  partie  de  la  plaine  qui 
s'éloigne  de  la  côte  pour  longer  l'Escaut,  les  arbres  reparaissent  en  longues 
rangées  le  long  des  digues,  ou  en  massifs  épais  autour  des  fermes:  de 
Bruges  à  Hulst,  peupliers,  saules,  vergers,  encadrent  ou  garnissent  les 
polders.  Si  le  vent  de  mer  ne  s'y  oppose  pas,  tout  peut  pousser  dans  la 
plaine  et  donner  de  beaux  fruits.  La  terre  en  est  accueillante,  elle  n'a  pas 
de  préférences,  et  la  flore  est  sans  caractère  ;  à  peine  y  distingue-t-on 
certaines  plantes  halophiles  qui  ont  survécu  à  la  disparition  de  la  mer. 
L'homme  a  profité  de  ces  heureuses  dispositions,  et  partout  où  l'humidité 
ne  réclamait  pas  trop  impérieusement  le  maintien  des  prairies,  il  a  peuplé 
le  sol  de  plantes  exigeantes  et  productives,  céréales  riches,  cultures 
industrielles. 

Anciennes  cultures. 

Pâtures  et  céréales  ont  été  d'abord  la  base  de  l'agriculture  dans  la 
plaine,  ("est  parce  qu'ils  sont  «  fondés  sur  labouraige  et  nourrissemenl  de 
bétail  »  que  les  hommes  du  Franc,  de  Bruges  refusent  sous  Charles  le 
Téméraire  de  participer  au  salut  du  Zwin.  Les  vieux  textes  où  il  est 
question  des  redevances  à  payer  par  les  hommes  de  la  plaine  nous  parlent 
de  céréales  et  de  produits  d'élevage:  les  vassaux  de  St-Berlin  autour  de 
(iravelines  acquittent  à  l'abbaye,  au  XIIe  siècle,  leur  fermage  en  fromage, 


'  la  I'as-de-Calais  au  XIX'  siècle.  IV.  pp.  124-125. 
*  Ibid.,  IV,  pp  125-135. 


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LES  ANCIENNES  CULTURES  207 

bourre,  brebis,  c  ultivent  le  blé,  les  pois  et  les  fèves  1  ;  à  la  même  date 
l'orbe,  l'avoine,  les  agneaux,  le  beurre  et  le  fromage,  figurent  en  tête  des 
revenus  du  châtelain  de  Bourbourg  i.  Le  terroir  de  Bourbourg,  dit  Des 
Madrys  en  1698,  est  fertile  en  bleds,  et  los  prairies  sont  pleines  de 
bestiaux;  et  le  préfet  Dicudonné  indique  qu'en  1804  dans  les  fermes  de 
l'arrondissement  de  Kergues,  les  pâtures  occupent  8/20  du  sol,  les 
céréales  7/20  et  les  autres  cultures  le  reste,  y  compris  la  jachère  3.  Ainsi 
las  céréales  sont  la  culture  traditionnelle;  celle  qui  s'imposait  sur  ce  sol 
riche  et  profond.  L'orge  et  le  froment  s'y  disputent  le  premier  rang;  l'un 
est  plus  en  honneur  à  l'Est,  dans  la  partie  belge,  l'autre  dans  la  partie 
française.  Il  y  a  peu  de  temps  qu'on  ne  les  cultive  plus  après  jachère, 
c'est-à-dire  après  un  repos  d'un  an  laissé  à  la  terre  que  l'on  préparait  par 
un  nettoyage,  trois  à  quatre  labours  profonds  et  une  fumure  énergique; 
aujourd'hui  c'est  plutôt  après  demi-jachère,  c'est-à-dire  après  que  la  terre, 
débarrassée  de  bonne  heure  d'une  récolte  de  pois,  de  lin  ou  de  trèfle,  a 
eu  quelques  mois  de  repos  et  de  préparation,  que  l'on  sème  le  froment  ou 
l'orge. 

De  bonne  heure  c  ependant,  à  côté  des  céréales,  on  vit  prospérer  d'autres 
récoltes  qui  trouvaient  la  des  conditions  favorables,  difficilement  réalisées 
ailleurs.  Le  sol  argileux  et  profond  de  la  plaine  donnait  aux  fèves  la  terre 
qui  leur  convient;  son  climat,  tempéré  l'hiver,  permettait  d'en  opérer  la 
semence  de  bonne  heure  (février  ou  mars),  condition  nécessaire  à  leur 
complet  développement  ».  Aussi  fèves  et  pois  ont-ils  toujours  fait  partie 
des  assolements  ;  avec  leurs  grosses  tiges,  leurs  cosses  dures,  et  au 
printemps  leurs  bouquets  de  fleurs  blanches  et  noires,  les  fèves  sont  une 
des  plantes  les  plus  caractéristiques  do  la  plaine.  Les  Ordonnances  de  1341 
dans  le  pays  de  (iuinos  défendent  d'arracher  ou  d'esplucher  jioiz,  fèves,  ne 
•  aultres  grains  '  ;  et  la  statistique  de  Dieudonné  réserve  aux  fèves  3/20  du 
sol.  sur  les  5/20  que  laissent  disponibles  céréales  et  pâtures.  A  côté  d'elles, 
le  lin  s'était  établi  ;  lui  aussi  trouvait  dans  la  plaine  des  conditions  clima- 


*  Hai^neré,  St-Hertin,  I,  p.  .M,  n»  t:«  :  p.  ni,  n°  28!». 

*  De  Baecker,  Histoire  do  la  ville  de  Bourbourg  jusqu'en  1780  iDunkerque,  1870, 
in-8°).  p.  2»i. —  C.asuel  du  curé  de  la  nouvelle  paroisse  de  Leffrinckourke  (117*i): 
.'C0  <rorbes  de  froment  et  avoine.  2  vaches,  1  fromage,  une  pelisse  de  mouton  i  Feys  et 
Nélis,  Cartulaire  de  St-Martin  d'Ypres,  I,  P-  1'»)- 

3  Mémoire  de  l'intendant  Des  Madrys,  dans  Bull.  Comm.  H.  Nord,  XI,  p.  2S8  ;  — 
Statistique  du  Nord.  I,  p.  48T>. 

*  Recensement  agricole  de  1805,  vol.  Introduction,  p.  tJO. 

5  Tailliar,  Le  Livre  des  Usaigc*  et  anciennes  coustumes  de  la  conté  de  (luysnee 
(St-Omer,  Chauvin,  IÇifl),  p.  48. 


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LA  VIE  DANS  LA  PLAINE 


tériques  assez  favorables  pour  faire  négliger  l'influence,  plutôt  fâcheuse, 
des  terres  fortes  sur  son  développement  ;  la  région  poldérienne,  qui  ne 
connaît  pas  les  extrêmes  de  température,  permet  de  semer  de  bonne  heure 
la  délicate  plante  qui  doit  être  vite  arrivée  à  maturité.  Certaines  parties 
de  la  plaine  vivaient  du  lin:  les  fermiers  y  trouvaient  des  ressources 
considérables,  les  pauvres  étaient  occupés  un  bon  mois  au  sarclage,  et  le 
filage  utilisait  toute  l'année  le  travail  des  femmes.  Ijg  Calaisis,  si  pauvre 
au  XVIII''  siècle,  se  serait  dépeuplé  sans  le  lin  ;  ce  textile  faisait  vivre  la 
campagne,  et  formait  le  plus  clair  du  commerce  de  la  ville  ;  jusque  dans 
les  premières  années  du  XIXe  siècle,  orge  et  surtout  lin  sont  la  plus 
grande  pari  des  transactions  de  Calais  L  On  le  rouissait  dans  les  marais 
d'où  l'on  voyait  sortir  en  novembre  d'épais  brouillards  jaunes.  Le  chanvre 
accompagnait  souvent  le  lin;  les  marais  de  Sl-Omer,  les  alentours  des 
Moëres  alimentaient  les  fabriques  de  cordages  de  Dunkerque;  année 
moyenne,  le  Calaisis  à  la  tin  du  XVIIIe  siècle  en  tirait  pour  10.0* K)  livres 
des  marais  de  Guemps,  de  Coulogne  et  des  Attaques  *.  Telles  étaient  les 
vraies  cultures  de  la  région  maritime,  celles  que  l'on  retrouve  dans  les 
autres  terres  basses  qui  frangent  ça  et  là  les  bords  de  l'Océan  ou  de  la  mer 
du  Nord,  polders  hollandais,  marschen  allemandes;  dans  le  marais 
poitevin,  du  XIIe  au  XVIe  siècle  les  champs  de  blé  et  de  fèves  se  partagent 
le  sol  avec  les  pâtures  3  ;  au  début  du  XIXe  siècle,  la  répartition  y  est 
exactement  la  même  qu'autour  de  Bergues :  moitié  pour  la  nourriture  du 
bétail,  le  reste  pour  le  froment  et  la  fève  des  marais,  le  lin  au  long  des 
fosses*.  Pâtures  d'une  part,  orge  et  froment,  lin,  pois  et  fèves,  un  peu 
d'avoine  et  de  trèfle  de  l'autre,  tel  était  1  elat  d'équilibre  qu'avait  adopté 
l'agriculture  dans  la  plaine,  et  auquel  elle  se  tenait  encore  en  1870. 


La  Betterave 

C'est  alors  que  se  produisit  la  révolution  qui  bouleversa  tous  ces  anciens 
assolements,  et  brusquement  lit  faire  place  au  milieu  d'eux  à  la  betterave. 
Variétés  smrières,  fourragères,  betteraves  de  distillerie,  trouvaient  un 


I  Are».  Pas-de-Calais,  C.  101,  C.  132. 
î  Ibid.,  C.  IU4. 

•'•  Clou/.ot,  Les  Marais  «le  la  Sèvro  Nid  taise  et  du  l^ay  du  Xe  à  la  fin  du  XYP  siècle 
(Paris.  Champion,  1U01,  in  *  ,  2X2  p.).  pp.  112-1  H. 

*  Caudineau,  Topographie  médicale  ries  marais  orientaux  du  département  de  la 
Vendée  (Paris,  Didot,  181!»,  in-4»,  2*  p.),  p.  12. 


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LA  BETTERAVE  299 

excellent  terrain  sur  ce  sol  riche  et  humide.  La  conquête  fut  rapide  ;  elle 
se  fit  aux  dépens  des  fèves  et  du  lin,  qu'elle  pouvait  remplacer  dans  les 
rotations.  On  vit  les  premières  diminuer  rapidement;  leur  culture  avait 
un  caractère  aléatoire  que  ne  présentaient  pas  au  mémo  degré  les  plantes 
industrielles,  et  les  profits  étaient  beaucoup  moins  considérables  :  de  1840 
à  1895,  l'étendue  cultivée  en  fèves  dans  la  partie  belge  passa  do  18.951  Ha 
à  10.275,  et  la  diminution  continue.  Quant  au  lin,  sa  décadence  dans  la 
plaine  maritime  ne  fut  qu'un  épisode  de  celle  qui  se  poursuivait  a  travers 
toute  la  Flandre.  Pondant  ce  temps  la  betterave  s'accrut  avec,  une 
incroyable  rapidité,  surfout  dans  les  années  qui  s'étendent  de  1880  à  191)0. 
Hien  que  pour  la  betterave  sucrière,  on  mettait  en  œuvre  au  cours  de  la 
campagne  1887-88  dans  les  trois  usines  de  l'Ouest  de  la  plaine  (Ardres, 
Ste-Marie-Kerquc  et  St-Martin-au-Laerti,  5.^.000  tonnes  de  racines;  en 
1801-92,  la  quantité  s'éleva  à  100.871  tonnes,  et  en  1899-1900,  à 
288.0001.  Il  y  eut  des  communes  où  la  betterave  occupa  autant  de 
place  que  le  blé.  Ce  fut  une  véritable  révolution  agricole  s,  dont  les  effets 
bienfaisants  se  firent  sentir  jusque  sur  les  autres  cultures;  en  forçant  les 
paysans  qui  la  cultivaient  à  employer  des  engrais  puissants,  à  ameublir 
profondément  le  sol  et  à  le  débarrasser  soigneusement  des  mauvaises 
herbes,  la  betterave  a  fait  l'éducation  professionnelle  des  cultivateurs  tout 
en  améliorant  la  terre;  les  rendements  ont  généralement  augmenté  d'un 
tiers  depuis  qu'elle  prend  place  dans  les  assolements.  Mais  nulle  part  la 
transformation  ne  fut  plus  complète  que  dans  le  Calaisis.  C'était  assu- 
rément, jusqu'en  18(30,  la  partie  la  plus  pauvre  de  la  plaine  maritime.  Les 
témoignages  sont  nombreux  à  ce  sujet  ;  le  sénateur  Depère  dans  sa  tournée 
d'inspection  de  1805  découvre  en  passant  l'Aa  «  la  ligne  de  séparation  entre 
la  pauvre  culture  de  l'ancienne  France  et  la  culture  flamande  »3  ;  un  autre 
voyageur  «  habitué  au  coup  d'oui  ravissant  de  la  Flandre  »,  se  trouve 
après  Gravolines  «  comme  transporté  dans  un  désert,  tant  le  manque  de 
population  et  le  triste  aspect  des  villages  clairsemés  et  composés  de 
misérables  chaumières  y  offrent  un  contraste  affligeant  avec  la  florissante 
contrée  que  nous  venions  de  parcourir  »  4.  En  1844,  on  constate  encore 


«  Le  Pas-de-Calais  au  XIX"  siècle.  III,  p.  !«. 

-  A  Guemps,  en  188'.),  dans  un  prêche  le  curé  «  espère  que  Dieu  arrêtera  l'en- 
gouement pour  cette  maudite  denrée  qui  fait  beaucoup  profaner  le  saint  jour  du 
dimanche  ». 

3  Depère,  Coup  d'œil  sur  l'agriculture  de  la  Belgique  comparée  avoc  celle  de  la 
Ficnrdie  (An  XIII,  IHO:>).  pp.  111-112. 

4  Faquet-Syphorien,  II,  pp.  ir/M.M. 


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300 


LA  VIE  DANS  LA  PLAINE 


que  malgré  l'identité  du  sol,  «  les  procédés  do  l'admirable  agriculture  de 
Flandre  n'ont  presque  pas  passé  sur  la  rive  gauche  do  i'Aa  »,  et  que  la 
culture  du  Calaisis  est  «  la  plus  misérable  qui  se  puisse  voir  »  *.  Cette 
infériorité,  qui  venait  sans  doute  de  la  situation  du  pays,  où  l'évacuation 
des  eaux,  intérieures  est  particulièrement  difficile,  et  des  charges  énormes 
qu'on  lui  imposa  pour  perfectionner  le  système  de  ses  canaux,  des  routes 
royales,  et  des  digues  comme  celle  de  Sangatto  *,  a  cessé  brusquement 
depuis  30  ans  ;  aujourd'hui  le  Calaisis  ressemble  au  reste  île  la  plaine  ; 
peut-être  môme  a-t-il  plus  que  la  rive  droite  de  l'Aa  l'aspect  d'une  région 
de  culture  scientifique,  où  tout  est  sacrifié  à  la  production  intensive,  les 
arbres  y  étant  plus  rares  que  partout  ailleurs;  où  les  fermes,  avec  leurs 
grauds  hangars  neufs  couverts  en  zinc,  ont  déjà  un  air  industriel,  et  où  la 
vue  dos  cheminées  des  sucreries  et  des  touraillons  des  séchoirs  à  chicorée 
semble  indiquer  qu'ici  le  champ  n'est  qu'une  dépendance  de  l'usine. 

Cependant  on  était  allé  un  peu  loin.  I,a  surproduction  est  venue  pour 
l'industrie  sucrière,  et  depuis  19001a  betterave  a  arrêté  son  mouvement 
ascensionnel,  puis  a  brusquement  reculé  devant  la  menace  de  la  confé- 
rence de  Bruxelles.  Chose  curieuse:  une  partie  de  la  place  qu'elle 
abandonnait  a  été  reprise  par  le  lin,  au  moins  dans  la  partie  française,  où 
cette  culture  est  stimulée  par  une  prime.  Puis  un  autre  occupant  est 
apparu,  dont  les  progrès  ont  été  considérables  :  la  chicorée,  qui  trouvait 
dans  les  sols  légèrement  sablonneux  un  excellent  terrain  ;  aussi  s'est-elle 
établie  surtout  au  Nord,  le  long  des  vieilles  lignes  de  dunes  ;  et  là  elle  fait 
une  rude  concurrence  à  la  betterave.  A  Ghyvelde,  Teteghem,  Bour- 
bourg,  Mardick,  Loon  et  Craywicl:,  dans  les  Hems-St-Pol,  à  Oye, 
Vieille-Eglise,  Marck,  la  nouvelle  culture  se  développe,  et  les  soins  qu'elle 
réclame  étant  aussi  délicats  et  fréquents  que  ceux  qu'on  prodigue  a  la 
betterave,  les  sarcleuses  de  la  zone  des  Dunes  y  trouvent  leur  compte. 
Un  peu  partout  on  voit  s'élever  le  séchoir  à  chicorée,  gros  bâtiment 
de  briques  sans  fenêtres,  surmontée  de  deux  à  trois  touraillons  en 
zinc,  qui  s'anime  à  latin  de  l'été  ;  c'est déjà  une  des  constructions  fami- 
lières de  la  plaine.  Dans  la  partie  belge,  où  la  botterave  s'était  moins 
furieusement  développée,  le  changement  n'a  pas  été  si  grand  :  là  l'aug- 


'  Baude  (J.-.J.).  Le  Pas-de-Calais  (Rrv.  des  Deux-Mondes,  tome  8,  13e  année, 
nouvelle  série,  pp.  TfWBtiï),  p.  Tfiil. 

-  En  17J38,  on  prévoit  une  dépense  de  2!»2.2»iG  livres  pour  le  Calaisis  (Arch.  Nat. 
IP  tVû,  pièce  !')  ;  en  1778,  pour  les  pays  de  I^angle  et  de  Bredenarde,  720.000  livres  en 
h  ans  (Ibid..  piè.  e  2):  en  1777,  pour  le  Calaisis  seul,  208.îrxr>  livres,  etc.  Sur  les 
désastres  de  la  corvée  de  Sangatte  (1721)  voir  Arch.  Pas-de-Calais,  C.  142,  pièce  118. 


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LKS  PATURES 


mentation  porte  surtout  sur  les  pommes  de  terre,  et  aussi  sur  l'avoine, 
favorisée  par  un  tarif  douanier  assez  récent. 

Ainsi  ces  cultures  qui  ne  se  partagent  que  le  tiers  laissé  libre  par  les 
pâtures  et  les  céréales,  mais  dont  l'importance  économique  a  été  et  est 
encore  considérable,  semblent  se  tenir  actuellement  dans  un  certain  équi- 
libre. Les  fèves  seules  paraissent  en  diminution  constante;  mais  la  betterave 
suerière,  après  son  éclipse  de  1003,  parait  devoir  maintenir  ses  positions; 
la  betterave  de  distillerie  et  la  variété  fourragère  seraient  plutôt  en  aug- 
mentation. Le  lin,  pourtant  bien  déchu,  se  refuse  a  disparaître;  la  chicorée 
prend  une  place  honorable  ;  la  pomme  de  terre  augmente,  ainsi  que  le  trèfle, 
qui  présente  l'avantage  d'être  une  culture  peu  compliquée,  ne  réclamant 
pas  de  ces  coûteux  engrais  azotés  qui  chargent  les  budgets  agricoles,  et  au 
contraire  enrichissant  le  sol  en  azote.  1^  variété  des  cultures  s'accroît 
chaque  jour,  garantissant  le  cultivateur  contre  les  crises  qui  frappent 
périodiquement  telle  ou  telle  production,  ot  causaient  des  désastres 
lorsque  la  plaine  ne  pratiquait  que  deux  ou  trois  cultures  très  développées, 
céréales,  lin  ou  betteraves.  L'agriculture  de  la  plaine  voit  s'effacer  dans 
cette  transformation  ses  caractères  particuliers  ;  elle  devient  semblable  à 
celle  de  toutes  les  grandes  régions  limoneuses,  Hesbaye,  Picardie  ;  mais 
si  l'originalité  s'efface,  la  prospérité  augmente. 


Les  Pâtures. 

L'évolution  qui  s'est  accomplie  depuis  30  ans  autour  du  lin,  des  fèves  et 
de  la  betterave  se  poursuivait  à  la  même  époque,  plus  discrètement, 
autour  des  céréales  ;  le  résultat  en  apparaît  clairement  aujourd'hui.  La 
concurrence  des  grands  pays  à  blé  s'est  fait  cruellement  sentir  dans  la 
plaine,  et  a  ébranlé  une  des  colonnes  sur  lesquelles  s'étayait  la  prospérité 
de  ses  habitants.  L'abaissement  du  prix  du  blé  depuis  20  ans  a  causé 
bien  des  ruines,  surtout  dans  l'Est;  à  l'Ouest,  la  grande  extension  prise 
par  la  culture  rémunératrice  de  la  betterave  atténuait  les  désastres 
qu'infligeait  la  vente  des  céréales  a  perte.  Alors,  ne  pouvant  plus  fonder 
leur  fortune  sur  labourage,  ceux  du  Franc  s'appuyèrent  plus  que  jamais 
sur  pâturage,  et  la  spéculation  animale  prit  un  essor  qu'elle  n'avait  pas 
encore  connu  jusque  là.  C'est  là  le  second  trait  de  la  transformation 
opérée  depuis  30  ans  dans  l'agriculture  de  la  plaine:  l'extension  des 
pâtures  aux  dépens  des  champs  de  céréales.  Seuls  réussissent  à  se  main- 
tenir, comme  l'avoine,  les  grains  qui  servent  a  l'alimentation  des  animaux  ; 
ceux  qui  sont  destinés  à  l'homme  sont  restreints  peu  à  peu  aux  besoins  de 


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LA  VIE  DANS  LA  PLAINE 


la  consommation  locale,  particulièrement  on  Belgique  où  la  défense 
douanière  est  moins  âpro  contre  les  produits  du  dehors.  Dès  qu'on  a 
dépassé  Bergues  à  l'Est,  on  voit  l'élevage  et  l'engraissement  du  bétail 
prendre  le  premier  rang  dans  la  vie  économique. 

Dans  la  période  qui  suivit  Pémersion  du  pays,  ce  fut  l'élevage  du 
mouton  qui  commença  la  prospérité  de  la  plaine,  et  les  pâtures  actuelles 
succèdent  directement  aux  prés  salés,  aux  «  hernisscs  »  sur  lesquelles  on 
installait  des  bergeries  au  XIe  siècle.  Mais  bientôt  la  concurrence  des 
moutons  anglais,  et  la  possibilité  d'établir  sur  les  pâturages  complètement 
dessalés  du  gros  bétail,  peuplèrent  de  bœufs  et  de  chevaux  toute  la  plaine 
maritime.  I /Ouest,  peut-être  plus  sec,  ou  plus  facile  à  assécher,  garda 
toujours  une  préférence  pour  la  culture;  l'Est  fut  par  excellence  le  pays 
d'élevage,  et  les  lettres  patentes  données  par  l'archiduc  Philippe  â  ceux 
du  Franc,  en  1504,  constatent  que  la  nourriture  et  l'élevage  des  chevaux 
forment  la  principale  occupation  des  habitants  En  général,  et  malgré 
d'assez  nombreuses  exceptions,  c'est  dans  les  parties  les  plus  basses  et  les 
plus  humides  que  l'on  rencontre  surtout  les  pâtures;  par  suite,  c'est  au 
long  de  la  limite  méridionale  de  la  plaine  que  Ton  trouve  les  plus  beaux 
herbages  de  Flandre.  Cependant,  même  dans  celte  région  où  l'élevage 
forme  la  principale  occupation  des  habitants,  il  est  rare  que  l'étendue  des 
pâtures  soit  supérieure  â  celle  des  terres  labourables.  Certes  cette  étendue 
est  encore  bien  plus  considérable  que  celle  qui  est  réservée  aux  herbages 
dans  le  reste  de  la  Flandre,  et  dans  l'arrondissement  de  Dixinude  elle 
occupe  encore  30,5  pour  cent  de  l'étendue  cultivée,  contre  12,5  dans  celui 
de  Termonde  et  13,5  dans  celui  de  Courtrai  ;  de  même  les  arrondissements 
maritimes  d'Ostende,  Fumes  et  Bruges  possèdent  jusqu'à  30  et  *20  pour 
cent  de  pâtures  contre  l  i  et  15  dans  les  arrondissements  d'Eecloo  et  St- 
Nicolas  *.  Rares  sont  pourtant  les  communes  où  les  herbages  tiennent  plus 
de  place  que  les  champs  :  â  peine  les  deux  villages  de  Lampernisse  et  de 
Zoetenaye  au  milieu  du  Furnainbaclit  ;  en  France  les  belles  prairies  de  la 
commune  de  Bicrue,  au  beau  milieu  du  vert  pays  de  Bergues,  ne  gar- 
nissent que  152  HJ  sur  les  1.0K0  d'étendue  cultivée.  Aussi  malgré  le 
mouvement  qui  porte  les  paysans  de  la  plaine  à  réduire  leui-s  champs  de 
céréales  au  protitde  leurs  pâtures,  celles-ci  ne  forment  guère  encore  qu'un 
tiers  de  la  surface  en  exploitation. 

11  est  vrai  que  cette  disproportion  entre  l'étendue  des  pâtures  et  l'impor- 


•  Dolepierrc,  Précis,  lrc  série.  IL  p.  T. 

2  Recensement  agricole  1SIC>.  Introduction,  p.  1(32. 


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LKS  l'ATURKS 


tance  qu'elles  occupent  aujourd'hui  dans  la  vie  de  la  plaine  est  rachetée 
par  l'amélioration  dos  méthodes  d'entretien.  Quand  on  veut  établir  une 
pâture  nouvelle,  on  ne  laisse  plus  à  la  nature  le  soin  de  la  former;  on 
prépare  soigneusement  lo  terrain,  et  on  l'ensemence  d'espèces  choisies; 
une  fois  créée,  on  la  soigne  comme  un  champ,  ou  y  creuse  des  rigoles,  on 
y  enfouit  des  drains,  on  y  répand  de  l'engrais.  Aussi  le  nombre  de  tètes 
de  gros  bétail  que  pouvaient  entretenir  -»  hectares  de  pâture  s'est-il  élevé  de 
i  à  o  '.  De  même,  on  a  amélioré  les  animaux.  Ç  a  été  d'ailleurs  de  tout 
temps  une  magnifique  race  que  celle  des  bêtes  de  la  plaine.  Végétaux., 
animaux,  tout  y  pousse  dru.  Les  chevaux  sont  ces  animaux  puissants, 
énormes  et  lourds,  qui  n'ont  pas  leur  pareil  pour  enlever  sur  le  sol  boueux 
de  la  plaine  les  lourds  charrois,  capables  de  traîner  à  deux,  sur  un  chariot 
de     tonnes,  5.500  kilos  do  blé,  et  de  ramener  dans  le  même  voyage 
().(KK)  kilos  d'engrais  !.  Quoiqu'on  ait  dit  do  leur  nature  lymphatique, do 
leur  corps  «  spongieux,  soufflé  et  mou  »,  c'est  bien  là  l'animal  adapté  aux 
besoins  de  la  plaine,  aux  lourds  transports  de  grains  et  do  betteraves,  aux 
rudes  labours  dans  l'argile  compacte  :1.  Aujourd'hui  que  les  Watoringues 
ont  amélioré  le  sol,  on  commence  a  croiser  cette  forte  race  dite  de 
Bourbourg  avec  les  Boulonnais  moins  hauts,  moins  lourds.  L'espèce  bovine, 
large  de  dos  et  de  poitrail,  forte  de  membres,  particulièrement  apte  a 
l'engraissement,  porto  bien,  comme  le  cheval,  la  trace  de  l'influence  du 
sol  :  tous  deux  sont  les  produits  d'une  terre  humide  et  fertile,  produisant 
en  abondance  des  végétaux  épais  et  nourrissants.  Il  n'est  pas  jusqu'aux 
porcs,  avec  leurs  dos  et  leurs  membres  longs,  leur  poids  considérable,  et 
aux  moutons,  de  grande  taille,  tète  forte,  corps  long,  santé  rustique, 
fournissant  une  longue  laine,  belle  et  de  bonne  qualité  *,  qui  no  soient  une 
preuve  de  l'influence  du  sol  de  la  plaine  sur  le  développement  des  ani- 
maux. Aussi  a-t-on  tiré  partie  do  bonne  heure  de  ces  heureuses  qualités 
du  pays,  en  amenant  dans  la  plaine  des  bêles  maigres  à  engraisser.  Le 
Franc  de  Bruges  au  début  du  XVIe  siècle  s'enrichit  eu  «  mettant  ès 
prairies  selon  la  nature  du  quartier  pour  les  engraisser  des  vaches  qu'ils 
achètent  inaigres  et  âpres  :i»  ;  Sanderus  voit  amener  dans  le  Furnambacht 


'  Monographie  agricole  Polders,  pp.  \2-\7>. 

1  Ardouin-Duma/et.  Voyage  0:1  Franco.  t'.O1"  s 'rie,  pp.  42.Vi3i. 

Cf:  Tellie/.  (R  ),  Do  la  production  chevaline  dans  le  département  du  Nord  ( Huit . 
Soc.  Agriculteurs  du  Nord,  lST'.t,  p.  S2j  ;  —  I^i  production  chevaline  eu  Belgique  (Ihid. 
p.  "'.»). 

i  .Monographie  agricole  l'oïdors,  p.  47. 

s  Charte  de  t:>ir>.  Delepierre,  t'récis,  I"  série,  III,  p.  222. 


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304 


LA  VIK  DANS  LA  PLAINE 


des  poulains  venus  du  dehors,  et  Dérivai  constate  que  les  fermiers  des 
polders  «  tirent  de  l'Artois  et  de  la  Picardie  du  bétail  maigre  qu'ils  paient 
à  bas  prix  et  qu'ils  vendent  fort  cher  lorsqu'ils  l'ont  engraissé  1  ».  Ce 
trafic  continue  :  beaucoup  des  fermiers  de  l'Ouest  font  encore  le  voyage 
delà  Mayenne  pour  aller  chercher  les  bêles  efflanquées  qu'ils  confieront  à 
leurs  pâtures.  En  Belgique,  il  est  fréquent  de  voir  les  plus  belles  des 
pâtures  grasses  occupées,  non  par  des  animaux  du  pays,  mais  par  des 
bestiaux  achetés  maigres  en  Gmdroz,  en  Luxembourg,  jusqu'en  France 
et  en  Hollande.  De  même  on  amène  souvent  dans  les  herbages  de  la 
plaine  des  jeunes  chevaux  de  la  région  sablonneuse. 

Ainsi  les  pâtures  de  la  plaine  servent  A  deux  fins.  On  y  pratique 
l'engraissement  du  bétail,  pour  la  production  de  la  viande  de  boucherie; 
aussi  un  grand  nombre  de  bouchers,  de  marchands  de  bétail,  ont-ils  acquis 
dans  le  pays  des  pâtures  grasses,  sur  lesquelles  ils  amènent  chaque  année 
des  bêles  maigres.  Parvenu  à  0  ou  700  kilos,  l'animal  est  expédié  dans  les 
grandes  villes  de  l'intérieur.  L'autre  spéculation  est  l'élevage:  après  un 
ou  deux  ans  de  séjour  dans  la  plaine,  les  jeunes  animaux  sont  vendus  sur 
place  ou  dans  les  grands  marchés  de  Thourout  et  de  Bruges  :  les  plus  beaux 
chevaux  généralement  pour  l'Allemagne.  Le  lait  donne  lieu  à  la  fabrication 
d'un  beurre  renommé(beurre  de  Dixmude), vendu  pendant  l'été  aux  grandes 
villes  et  surtout  aux  grandes  agglomérations  françaises  *.  On  fabrique 
même,  aux  environs  de  Bergues,  une  variété  de  fromage  de  Hollande. 

Ce  sont  là,  pour  la  plaine  maritime,  des  sources  de  profit  considérables. 
La  consommation  de  la  viande  augmente  sans  cesse,  surtout  dans  les 
grandes  villes  ;  Lille  et  le  groupe  Roubaix-Tourcoing,  Anvers,  Bruxelles, 
Charleroi  sont  des  clients  de  plus  en  plus  exigeants.  D'autre  part,  le 
paysan  constate  que  jamais  les  chevaux  ne  se  sont  mieux  vendus  que 
depuis  dix  ans.  El  l'élevage  augmente.  Aussi  les  pâtures  atteignent-elles 
des  prix  considérables.  A  Bierne,  près  Bergues,  les  bonnes  pâtures  valent 
9.000  francs  l'Ha,  contre  0.000  les  terres  labourables  3;  à  Westcapelle  près 
de  Bruges,  à  Loo,  à  Dixmude,  la  valeur  moyenne  des  herbages  de  toute 
la  commune  s'élève  à  7.000  francs,  et  l'on  peut  en  voir  atteindre  13.000 


'  Sanderus,  I,  p.  \)  ;  —  Dérivai,  IV,  pp.  237-238. 

*  Nombreuses  mentions  de  redevances  en  beurre  et  fromage  dans  les  actes  anciens 
concernant  la  plaine.  Au  moyen-àge.  l'abbaye  de  St-Martin  de  Tournai  achète  son 
beurre  a  Oudenbourg,  et  prête  sur  ce  gage  de  grosses  sommes  à  l'abbaye  d'Ouden- 
bourg  (Archives  de  l'Eut  à  Hruges,  Chartes  du  couvent  d'Ouder  bourg,  n°  21")). 

3  heleporte  et  Kyngaert,  Excursion  agronomique  dans  le  canton  de  bergues  (Bull. 
Soc.  Agriculteurs  Nord.  1881.I,  pp.  30T>-3CS>,  carte). 


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PROCÉDÉS  ET  EXPLOITATIONS 


305 


francs  l'hectare  à  Lampernisse.  Sauf  dans  l'Ouest,  où  la  betterave,  pour 
satisfaire  à  la  demande  de  grandes  sucreries,  reste  la  principale 
ressource,  l'exploitation  des  pâtures  est  devenue  la  grande  affaire  de  la 
Plaine,  celle  qui  fait  vivre  son  homme  et  lui  procure  même  l'aisance.  Nulle 
part  plus  que  dans  le  Furnambarht,  la  contrée  qui  va  de  Furnes  a  Dixraude 
et  â  L>o,  type  du  pays  des  pâtures.  C'est  une  grande  étendue  verte,  complè- 
tement privée  d'arbres  et  de  clôtures  ;  même  pas  un  arbre  pour  accrocher 
à  l'entrée  des  pâtures  la  petite  niche  qui  contient  la  madone;  il  faut  la 
placer  au  bout  d'une  poutre  fichée  en  terre.  Rien  que  quelques  grosses 
fermes  a  toits  surmontés  de  paratonnerres,  et  les  poneeaux  de  briques, 
blanchis  a  la  chaux,  qui  franchissent  les  walergands.  Peu  ou  pas  d'êtres 
humains;  les  villages  sont  petits  et  espacés,  comme  ce  bourg  de  La  m]  ter- 
nisse, formé  d'une  vingtaine  de  maisons  propres  dominées  par  une  église 
énorme,  ou  le  village  d'Oostkerke,  aux  rues  boueuses  salies  par  le 
passage  du  bétail  qu'on  vient  charger  la  chaque  jour  en  wagons  pour 
Bruxelles.  En  revanche  les  bêtes  animent  le  désert  verdoyant  :  quelques 
chevaux  ;  bœufs  et  vaches  à  robe  noire,  blanche,  et  surtout  brun-rouge 
avec  taches  blanches,  se  déplaçant  lentement  dans  les  pâtures  ou  venant 
boire  aux  fossés  qui  les  séparent.  Le  calme  est  complet  ;  on  n'entendque  le 
bruit  lent  des  mâchoires  qui  tranchent  l'herbe,  et  quelques  beuglements 
dans  le  grand  silence. 

Procédés  et  exploitations. 

Les  pâtures  ont  rendu  à  la  plaine  la  prospérité  agricole  si  vantée 
autrefois,  que  la  baisse  des  céréales  menaçait  de  lui  faire  perdre.  La  leçon 
du  moins  n'a  pas  été  perdue  :  l'agriculture  des  polders  s'est  ressaisie,  et 
modernisée.  Avant  1880,  les  fermiers  vivaient  tranquilles,  confiants  dans 
la  fertilité  de  leur  sol  ;  habitués  à  la  prospérité,  ils  s'en  tonaienlaux  vieux 
errements  et  se  laissaient  dépasser  par  leurs  laborieux  voisins  du 
Houtland.  «  Iii  où  la  nature  a  le  plus  fait  pour  l'homme,  celui-ci  fait  le 
moins  pour  lui-même  »  ;  et  Van  Aelbroeck  ajoutait  que  ce  n'était  pas  aux 
polders  qu'il  fallait  chercher  la  perfection  de  l'art  de  cultiver1.  I,a 
jachère  y  était  couramment  employée,  comme  elle  l'était  à  la  même 
époque  dans  le  marais  poitevin.  Elle  n'a  môme  pas  complètement  disparu 
des  rotations  de  la  plaine.  Il  est  vrai  que  les  habitants  y  ont  quelque 


1  Van  Aelbroeck,  L'Agriculture  pratique  do  la  Flandre  (Paris,  1830,  in-8°),  p.  2T>  et 
p.  131. 

s» 


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\A  VIE  DANS  LA  PLAlNK 


excuse.  C'est  souvent  faute  de  temps  propice  à  l'arrière-saison  pour 
pouvoir  préparer  et  nettoyer  le  sol  qu'une  pièce  est  laissée  on  jachère  nue 
jusqu'à  l'année  suivante.  Les  caprices  du  temps  sont  si  imprévus,  et  le 
travail  des  terres,  tantôt  trop  sèches,  tantôt  trop  mouillées,  y  est  si 
aléatoire,  qu'il  n'est  pas  étonnant  que  le  cultivateur  se  laisse  surprendre. 
De  même  les  progrès  du  machinisme  agricole  ne  sont  pas  toujours  appli- 
cables dans  la  plaine,  car  les  appareils  nouveaux  ne  s'adaptent  pas  aisément 
à  ses  terres  fortes.  Il  y  faut  des  instruments  spéciaux,  comme  ce 
«  mollebart  »,  sorte  d'immonse  pelle  traînée  par  un  cheval,  pour 
transporter  la  terre  et  égaliser  le  sol  de  certains  polders,  et  qui  n'a  pas 
de  roues  pour  pouvoir  circuler  sur  l'argile  grasse  1  ;  ou  ces  traîneaux- 
nacelles  destinés  à  charrier  les  betteraves  en  temps  humides,  qu'on 
emploie  dans  une  ferme  d'Ofiekerque !.  Néanmoins  il  est  certain  que  les 
terres  sableuses  du  Sud  sont  exploitées  avec  un  soin  et  une  science 
agricole  qu'on  ne  trouve  pas  au  même  degré  dans  la  Plaine.  De  là  vient 
souvent  que  les  produits,  malgré  la  fertilité  du  sol,  soient  moins  rémuné- 
rateurs, et  que  les  magnifiques  terres  de  la  plaine  se  vendent  moins  cher 
que  les  sables  de  l'intérieur.  1^  moyenne  du  prix  des  terres  labourables, 
dans  l'arrondissement  de  Fûmes,  est  de  2.980  francs  l'hectare  ;  elle  est  de 
3.959  dans  celui  de  Thielt  \  Les  bons  travailleurs  du  Houtland  ont  pensé 
qu'entre  leurs  mains  habiles  et  actives,  les  fermes  du  bas  pays  pourraient 
augmenter  leur  rendement  ;  et  depuis  20  ans  on  assiste  à  l'invasion  lente 
de  la  plaine  par  les  gens  de  l'intérieur.  Moins  exigeants,  ils  enlèvent  plus 
aisément  la  location  des  fermes,  et  c'est  par  eux  que  la  terre  des  polders 
sera  régénérée.  Déjà  on  signale  au  delà  de  l'Aa  la  marche  des  «  Flamands  »  ; 
ils  s'installent  dans  les  bonnes  exploitations  betteravières  autour  de 
Calais  :  voici  que  l'avant-garde  escalade  môme  les  croupes  de  la  craie, 
s'établit  à  Bonningues,  Fiennes,  Marquise,  et  entreprend  la  conquête  du 
haut  Boulonnais. 

Une  autre  raison  qui  fait  que  les  terres  sont  moins  chères  dans  la  Plaine, 
c'est  que  les  exploitations  y  sont  beaucoup  moins  divisées  que  dans 
l'intérieur  ;  or  plus  les  exploitations  sont  petites,  plus  le  prix  moyen  de 
la  terre  augmente.  Par  exemple  les  exploitations  dépassant  50  hectares 
représentent  encore  2,36  %  des  terres  cultivées  dans  l'arrondissement 
d'Ostende,  tandis  qu'il  n'en  existe  pas  dans  celui  do  Roulers;  celles 


«  Van  Aelbroeck,  p.  104. 

»  Pas-de-Calais  au  XIX«  siècle,  IV,  pp.  131-13.". 
«  Recensement  agricole  180T>,  III,  pp.  151-ir>3. 


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LA  T.RANDK  FERME 


3W 


qui  ont  de  20  à  50  Ha  forment  13,55  °/0  de  la  surface  cultivée  dans  l'arron- 
dissement de  Furnos,  et  0,94  °/0  dans  celui  d'Alost,  0,12  %  dans  celui  de 
Termonde  La  Plaine  est  la  seule  partie  de  la  Flandre  où  l'on  puisse 
rencontrer  de  très  grandes  fermes  :  beaucoup  de  communes  en  possèdent 
qui  ont  plus  de  100  hectares  ;  la  plus  belle,  au  Hazegras,  dans  les  nouveaux 
polders  du  Zwin,  s'étend  sur  648  hectares.  En  général,  les  grandes  fermes 
delà  plaine  ont  de  50  à  70  Ha,  les  moyennes  30  à  40;  enfin  un  grand 
nombre  de  journaliers  exploitent  quelques  lopins  de  50  ares  à  2  Ha. 
Cette  différence  d'étendue  entre  les  fermes  de  la  Plaine  et  celles  de 
l'intérieur  vient  surtout  de  la  différence  de  population.  Tandis  que  le 
Houtland  est  une  des  régions  les  plus  habitées  du  monde,  la  Plaine 
possède  uue  assez  faible  densité  de  population  ;  il  n'y  a  pas  besoin 
d'habitants  pour  exploiter  les  pâtures;  et  quant  aux  gros  travaux  de 
sarclage,  de  binage,  de  moisson,  d'arrachage  de  betteraves,  les  Dunes  et 
le  Houtland  fournissent  au  moment  désiré  une  main-d'œuvre  inépuisable. 
D'autre  part  la  compacité  du  sol,  en  exigeant,  surtout  autrefois,  de  forts 
attelages,  jusqu'à  5  chevaux  avec  l'énorme  charrue  dont  on  se  servait 
encore  au  XVII"  siècle,  empêchait  l'établissement  de  petites  exploitations 
à  un  cheval  ou  mulet,  selon  le  type  du  Houtland.  Les  exploitations 
devaient  donc  être  plus  considérables  dans  la  Plaine  qu'ailleurs. 
Cependant  au  XIX*  siècle  l'augmentation  du  nombre  d'habitants,  due  à  la 
perfection  du  dessèchement,  cl  l'enrichissement  produit  par  la  culture 
de  la  betteravo  et  l'amélioration  de  l'élevage,  tendent  au  morcellement 
des  fermes.  Retardé  dans  l'Est  par  la  crise  de  1880,  ce  mouvement  est 
plus  accusé  dans  l'Ouest,  et  particulièrement  dans  le  Calaisis,  où 
la  grande  culture,  qui  occupait  30  %  des  terres  en  1859,  tombait  à  25  en 
1898,  en  faveur  de  la  moyenne  qui  passait  de  60  à  63  %  et  de  la  petite 
(10  à  12%)» 


H. 

L'HABITAT  RURAL. 

La  grande  Ferme. 

Etant  donné  l'étendue  considérable  des  exploitations,  la  grande  ferme 


1  Recensement  agricole  18Uj,  Introduction,  p.  4T>4. 
*  Pas-de-Calais  au  XIX*  siècle,  IV,  p.  321». 


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LA  VIE  DANS  LA  PLAINE 


est  le  type  ordinaire  des  constructions  rurales  dans  la  plaine.  Les  domaines 
ne  sont  pas  rares,  qui  comme  celui  de  Tempelhof,  sur  la  commune  de 
Slype,  comprennent  100  hectares  de  terres,  entretiennent  9  chevaux,  de 
labour,  60  vaches  laitières,  autant  déjeunes  bêtes  d'élevage,  et  occupent 
une  quinzaine  de  personnes  ;  il  faut  do  vastes  bâtiments  pour  loger  ces 
gens,  abriter  ce  cheptel,  engranger  les  récoltes.  Aussi  la  grande  ferme  est- 
elle  une  des  caractéristiques  de  la  plaine.  De  tous  côtés  on  aperçoit  ses 
nombreux  bâtiments  aux  toits  rouges.  La  ferme  en  effet  ne  cherche  pas 
le  bord  des  chemins  ou  des  canaux.  Assurée  d'avoir  n'importe  où  quelque 
watergand  qui  fournira  l'eau  nécessaire  aux  animaux,  elle  s'établit  au 
centre  de  l'exploitation,  sans  s'inquiéter  des  villages  ni  des  autres  fermes. 
La  nature  du  sol  lui  en  fait  une  nécessité  ;  par  temps  humide  il  se  prête 
si  peu  aux  charrois  que  les  bâtiments  doivent  être  le  plus  près  possible 
des  champs  qui  en  dépendent.  La  ferme  de  la  Plaine  est  donc  isolée  ;  c'est 
un  organisme  complet,  qui  se  suffit  â  lui-même. 

Derrière  le  rideau  do  grands  peupliers  penchés  qui  souvent  la  protègent 
contre  le  vent  d'Ouest,  la  ferme  aligne  ses  bâtiments  autour  d'une  cour 
carrée  ou  rectangulaire.  Mais  il  est  rare  que  deux  bâtiments  se  rejoignent  ; 
presque  partout,  il  y  a  entre  chaque  construction  un  espace  libre,  que 
l'on  ferme  d'une  palissade  en  bois.  L'habitation  forme  un  des  côtés  ;  sa 
façade  donne  ordinairement  vers  le  Sud,  ou  vers  l'Est.  L'intérieur  en  est 
simple  :  d'abord  une  vaste  chambre  où  l'on  se  tient,  et  qui  est  la  maison 
(huis);  là  est  le  long  poêle  flamand  à  charbon,  arrondi  en  boule  â 
l'extrémité,  et  brillant  comme  do  l'acier  poli.  La  grande  cheminée  où 
l'on  brûlait  la  tourbe  est  encore  là,  mais  vide,  proprement  peinte,  et 
supportant  l'arrangement  des  objots  de  piété  et  des  vieux  étains  astiqués. 
De  la  «  maison  »,  deux  ou  trois  marches  donnent  accès  à  la  «  voûte  »,  qui 
est  la  pièce  d'honneur,  le  salon,  servant  en  même  temps  de  chambre  à 
coucher  ;  elle  est  surélevée  au-dessus  de  la  rave,  que  l'on  creuse  dans 
le  sol  à  1  mètre  au  plus  de  profondeur,  car  les  suintements  n'y  sont  déjà 
que  trop  abondants.  Une  troisième  pièce,  de  plein-pied  avec  la  «  maison  », 
peut  encore  se  trouver  en  façade.  Derrière  ces  chambres,  d'autres,  plus 
petites,  encombrées  de  lits,  ou  servant  de  magasin  à  provisions,  de 
relaverie  (wasschkamer).  A  l'habitation  est  souvent  attenante  l'écurie  ;  le 
fermier  est  ainsi  tout  près  de  ses  animaux  les  plus  précieux  ;  quelques  pas 
sur  le  trottoir  de  briques  qui  longe  le  bâtiment,  et  il  est  à  la  porte  de  ses 
bêtes,  avec  lesquelles  un  valet  loge  la  nuit. 

Le  reste  des  bâtiments,  qui  entouront  la  cour  défoncée  par  le  trou  à 
fumier,  se  partage  entre  les  produits  de  la  culture  et  ceux  de  l'élevage. 
Elables  et  grange  sont  à  peu  près  équivalentes  :  de  longs  bâtiments  peu 


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I  *ét  i»:U'nr«'  <*•  InMii»-!  ••'  .!»;«.*«  \k  ir-r»»  iv»  «li  u»(îi  •o",  .l'a^tr»'  ,  pi.- 
• en  mhi'W*»  s  <'«'  l',s.  "'i  s«-rv.int  di»  ihaca^in  ît  pitiVisnm*».  »*• 
«•«  ,:«v*,t,ii*  iwas*1  Mimorl.  A  l*l|j|5»îi -il *•  »ti  «'^l  ><>uvf-  it  uM'Miauf»*  l'Aur"»  ;  i»1 
»  ■  |.  r«'<"  ;iin>l  t<»il!  JuVjt  rl<»        illMrihuK  "«'^         J»P''c>«»i.ï  ;  qiîi'îqil.'S  . 

ifoiloir c)i'  brif|»j»  > <|ui  l'uur  lo  }»*»titrn'îil,  H  U     à  la  |M>rt«»  «h* 
.  .i  i««>  I.»s*ju«  :'<>s  un        '>»:-r!*  In  nuit. 
'•  !"•''  «Jov  Itatiutr ,.îs,  i|ni  l'ïilniiltMit  la  c«)i:j  délonoOo  \>ur  !*»  lr«« 
'       i  ^t»  |  ;ir!  «.'M  entre  los  j»:i'iluii*N     la  i»ilîun»      runx    •  r^îowt:*. 
•  ^  •■(  yjifii'**  s«»nl  îi  pfu  |>m"*>  tMjnivalfntes;  »lu  lun^s  l»;.Uii:''..ts  j-  i 


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LA  GRANDE  FERME 


309 


élevés,  qui  laissent  libre  un  côté  de  la  cour,  ou  l'entourent  complètement. 
Dans  les  cantons  de  pâtures,  région  de  Bergues,  Furnambacht,  l'étable 
s'étend,  restreignant  la  grange  ;  les  animaux  sont  logés  dans  tous  les 
locaux  disponibles,  et  souvent  il  faut  lour  construire  encore,  derrière  la 
ferme,  des  baraquements  en  bois  dont  on  soigne  peu  la  construction 
puisque  les  bêtes  ne  sortent  pas  de  la  pâture  de  fin-avril  a  novembre  et 
n'habitent  leur  é table  que  l'hiver.  Où  domino  la  culture,  le  nombre  des 
hangars  augmente  ;  et  dans  leCalaisis  beaucoup  de  fermes  se  complètent, 
un  peu  à  l'écart  des  bâtiments,  d'uno  de  ces  constructions  caractéristiques, 
haute  charpente  de  poutres  recouverte  d'un  toit  en  tôle,  sous  lequel 
s'abritent  les  bottes  de  paille,  et  qui  donnent  à  la  ferme  une  apparence 
industrielle.  Chaque  ferme  possède  à  l'extrémité  d'un  des  bâtiments  sa 
charretterie,  où  sont  rangés  côte  à  côte  trois  ou  quatre  grands  chariots  à 
quatre  roues,  peints  en  vert  avec  filets  rouges,  et  les  instruments  agricoles. 
Enfin  près  de  l'habitation  se  tient  le  petit  bâtiment  de  1'  «  ovekot  », 
l'ancien  fournil,  où  l'on  prépare  la  nourriture  des  bêtes  et  où  mangent 
l'été  les  ouvriers.  C'est  un  véritable  amas  de  constructions,  jusqu'à  7  ou 
8  bâtiments,  toute  une  petite  ville  dont  la  surveillance  occupe  assez  le 
fermier  pour  l'empêcher  de  mettre  lui-même  la  main  à  la  besogne  et  fait 
de  lui  un  «monsieur»,  un  directeur,  bien  différent  du  petit  exploitant 
du  Houtland,  qui  peine  avec  ses  ouvriers. 

Ces  bâtiments  sont  généralement  d'un  aspect  avenant,  murs  de  briques 
blanchis  à  la  chaux,  toits  de  pannes  bien  rouges,  volets  verts,  rideaux  aux 
fenêtres.  Les  matériaux  sont  fournis  par  la  plaine  même:  l'argile  des 
polders  est  exploitée  par  d'innombrables  briqueteries,  qui  alimentent  en 
même  temps  la  région  côtière,  où  la  bâtisse  se  développe  chaque  jour.  Il 
existe  çà  et  lâ  quelques  fabriques  de  pannes,  dont  les  produits,  apportés 
par  des  petits  bateaux,  pénètrent  partout.  Il  en  est  de  même  pour  les 
maisons  des  villages  ou  pour  celles  qui  sont  éparses  le  long  des  chemins 
ou  dos  canaux  ;  les  murs  de  terre  ne  se  retrouvent  que  dans  quelques 
rares  bâtiments  d'exploitation,  dont  le  soubassement  d'ailleurs  est  de 
briques  ;  le  chaume  n'est  guère  plus  fréquemment  employé  malgré  ses 
qualités  ;  on  se  contente  de  placer  sous  les  tuiles  une  doublure  de  grosse 
paille  de  seigle,  ou  de  roseaux  (glui).  Même,  cette  généralisation  de  la 
construction  «  en  dur  »  et  de  la  couverture  de  pannes  est  une  des 
caractéristiques  de  la  Plaine,  et  c'est  l'un  des  traits  qui  sautent  aux  yeux 
lorsqu'on  sort  du  Houtland,  où  sont  fréquentes  les  maisons  aux  murs  do 
torchis  jaunes  et  aux  toits  do  chaume  bruns.  Les  habitants  expliquent  cette 
différence  en  faisant  observer  que  dans  leur  pays  découvert,  murs  et  toits 
doivent  être  particulièrement  solides  pour  pouvoir  résister  à  la  violence 


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310  LA  VIE  DANS  LA  PLUNK 

des  vents  de  mer*.  La  remarque  est  juste;  cependant  l'extension  des 
tuiles  et  de  la  brique  est  récente.  Jusqu'au  XIXr  siècle,  les  constructions 
ressemblaient  à  celles  de  l'intérieur,  même  dans  les  villes.  Dunkerque  est 
brûlé  en  1558  parce  que  beaucoup  de  maisons  sont  en  bois  et  couvertes 
en  chaume  *.  Les  habitations  bâties  et  couvertes  en  dur  sont  signalées 
comme  une  rareté,  et  les  ordonnances  qui  défendent  de  couvrir  en  paille, 
celles  qui  empêchent  les  habitants  des  villes  de  garder  chez  eux  de  la 
paille,  du  chanvre  et  du  lin  3  par  crainte  d'incendie,  qui  accordent  des 
primes  aux  propriétaires  qui  mettent  des  pannes  4,  indiquent  que  leHout- 
land  n'avait  rien  à  envier  à  la  Plaine.  En  18(34,  le  préfet  du  Nord  note  que 
1/5  seulement  des  maisons  dans  l'arrondissement  de  Berguesont  des  cou- 
vertures en  dur  5,  et  que  1/3  sont  construites  en  briques,  le  reste  en  pisé. 
Mais  comme  l'état  atmosphérique  rendait  particulièrement  impérieuse 
dans  la  Plaine  la  nécessité  d'avoir  des  habitations  plus  solides,  c'est  par 
elle  qu'a  commencé  au  XIX0  siècle  le  mouvoment,  favorisé  par  l'extension 
des  voies  de  communication  et  le  développement  de  la  richesse,  qui  rem- 
place dans  toute  la  Flandre  les  cabanes  de  terre  et  de  chaume  par  de 
bonnes  constructions  en  dur. 


Les  agglomérations. 

Le  village  de  la  Plaine  ne  fait  guère  plus  d'effet  qu'une  grande  ferme. 
Quelques  rues  de  petites  maisons  basses,  presque  toutes  sans  étage;  les 
murs  blancs,  les  toits  rouges;  un  rideau  d'arbres  autour  de  l'ensemble; 
seule  l'église,  haute  flèche  barbelée  ou  grosse  tour  massive,  donne  un  peu 
d'allure.  On  y  trouve  quelques  magasins,  des  dépôts  de  charbon  et 
d'engrais,  quelques  maisons  de  rentiers  et  surtout  les  demeures  des 
journaliers.  La  vie  n'est  pas  dans  ces  maigres  agglomérations,  et  les  gros- 
ses fermes  qu'on  aperçoit  de  tous  côtés  en  sont  vraiment  indépendantes  ; 


I  En  1722,  on  décide  de  couvrir  en  ardoises  l'église  do  Guemps,  «  comme  l'expé- 
rience fait  connaître  qu'une  couverture  de  paille  n'est  pas  de  longue  durée  dans  un 
pays  ouvort  de  tous  côtés  et  exposé  aux  vents  impétueux  qui  y  régnent  la  plus  grosse 
partie  de  Tannée  ».  (Arch.  Pas-de-Calais,  C.  118,  pièce  1). 

*  Faulconnier,  Description  historique  de  Dunkerque,  I,  p.  (51. 

3  Recueil  des  ordonnances  de  police  de  Dunkerque  (17U  et  177'i),  pp.  11  et  78. — 
Règlement  semblable  à  Bourbourg  (1001  et  1728). 

*  Oudenbourg,  fin  du  XV*  siècle  (Feys,  Oudenbourg,  I,  p.  rirfif>)  ;  Fumes,  ir>U 
(Gilliodts,  Coutumes  de  Fumes,  III,  pp.  »T>-3»Î8),  etc. 

»  Dieudonné,  I,  p.  ôOH. 


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LKS  AGGLOMÉRATIONS 


311 


ce  n'est  que  le  dimanche,  après  les  offices,  que  la  «  place»  s'anime,  et  que 
les  estaminets  s'emplissent  des  valets  do  ferme  et  tâcherons  venus  de  tous 
les  points  de  la  commune.  Cependant  ces  villages  sont  les  plus  anciens 
lieux  de  peuplement  de  la  plaine.  Presque  tous  représentent  les  points  les 
plus  anciennement  occupés,  sur  les  parties  élevées  des  anciens  schorres. 
Mais  lorsque  toute  la  plaine  fut  asséchée,  il  n'y  eut  plus  aucun  intérêt  à 
habiter  dans  le  village,  où  le  terrain  coûtait  plus  cher,  et  la  plaine  s'est 
parsemée  de  petites  maisons  isolées,  établies  le  long  des  chemins,  à 
proximité  des  fermes  où  vont  travailler  leurs  habitants.  Enfin  au  XIXe  siècle 
les  anciens  villages  ont  trouvé  de  rudes  concurrents  dans  les  agglomé- 
rations .qui  se  sont  formées  le  long  des  grandes  voies  navigables.  La 
proximité  d'un  moyen  de  transport  plus  praticable  que  les  mauvaises 
routes  de  la  plaine  a  attiré  çà  et  là,  aux  abords  d'un  pont,  quelques 
commerçants  et  industriels;  les  mariniers  s'y  approvisionnent;  une 
bourgade  se  crée  de  chaque  côté  du  canal  ;  et  généralement  chaque  rive 


Fig.  56.  —  L'habitation  dans  la  Haine  (entre  Bergues  et  Dunkerque). 
Villages  non  agglomérés  au  centre.  Grosses  fermes  éparses. 
Hameaux  au  long  des  canaux. 


appartient  à  une  commune  distincte.  Ce  sont  les  parties  vivantes  de  la 
plaine  :  des  estaminets,  un  séchoir  à  chicorée,  un  moulin  à  vent,  quelque 
briqueterie  ou  tuilerie,  dont  on  charge  immédiatement  les  produits  sur 
bateaux.  Les  exemples  abondent  :  Hennuin  sur  le  canal  do  Calais,  Pont- 
d'Oye  sur  la  rivière  d'Oye,  le  Pont-de-Zuydcoote  sur  le  canal  de  Furnes, 
Lynck  sur  la  Haute-Colme,  Zwaentje  sur  la  Basse,  Slypebrug  et  Schoor- 


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M2 


LA  VIE  DANS  LA  PLAINE 


bakko  sur  le  canal  de  Plasschendaele  et  l'Yser  en  sont  d'excellents  types. 
Il  n'est  pas  rare  do  voir  celle  agglomération  nouvelle  plus  considérable 
que  les  vieux  villages  dont  elle  dépend.  Lynck,  avec  ses  250  habitants, 
esl  aussi  peuplé  que  le  village  de  Looberghe.  A  (lapelle,  près  Dunkerque,  il 
n'existe  môme  aucune  agglomération  municipale,  tandis  que  le  long  du 
canal  se  pressent  les  maisons  du  Kroemenhook.  Entin  lorsque  c'est  une 
usine  considérable  qui  a  déterminé  la  création  d'un  de  ces  centres, 
il  finit  par  se  former  la  une  petite  ville  :  Pont-d'Ardres,  autour  de  l'énorme 
sucrerie;  Coppcnaxfort,  à  côté  d'une  distillerie,  avec  600  habitants 
groupés,  chiffre  rarement  atteint  dans  la  plaine;  le  Grand  Millebrugghe, 
près  de  la  grande  distillerie  de  Steene,  qui  en  a  bien  l.()0().  On  voit  ainsi 
des  communes  comme  colle  de  Steene  (France)  où  les  1.072  habitants  sont 
répartis  en  :  413  dans  les  fermes  et  habitations  éparses,  308  au  Grand 
Millebrugghe,  218  au  village  et  43  dans  une  cité  ouvrière.  De  l'autre  côté 
de  la  Colme,  le  village  d'Armbouts-Cappol  compte  à  peine  100  habitants 
agglomérés  sur  1.104.  Il  est  à  prévoir  que  ces  agglomérations  neuves 
continueront  à  s'agrandir  aux  dépens  des  anciens  villages. 

11  existe  enfin,  dans  certaines  parties  de  la  plaine,  un  autre  mode  de 
répartition  des  habitations.  Dans  les  cantons  où  le  sol  était  particulière- 
ment bas,  ou  dans  ceux  que  la  proximité  d'un  fleuve  exposait  à  des 
inondations  fréquentes,  les  maisons  se  sont  accrochées  aux  digues  qui 
servent  à  défendre  le  pays.  Le  long  de  l'Ysor,  de  petites  maisons 
accompagnent  la  grande  digue  du  Furnambaeht.  De  Watten  à  la  mer,  les 
deux  digues  de  l'Aa  servent  d'appui  à  deux  rangées  d'habitations  ;  de  môme 
celles  du  Mardick,  par  où  s'écoulent  les  eaux  redoutées  de  la  Hem.  Les 
maisons  ne  sont  pas  situées  sur  la  digue  môme,  généralement  trop  étroito, 
et  qu'il  faut  éviter  de  détériorer  ;  mais  elles  s'appuient  sur  son  flanc  exté- 
rieur ;  ainsi  elles  sont  un  peu  plus  élevées  que  le  reste  de  la  plaine,  et 
jouissent  de  la  voie  de  communication  qu'offre  le  talus.  De  même  poul- 
ies terres  basses  d'Ardres,  de  Guînes,  peuplées  depuis  une  soixantaine 
d'années  seulement,  et  pour  l'intéressante  région  des  marais  de  St-Omer. 
La  population  n'y  est  établie  que  sur  les  digues  aux  abords  des  cours 
d'eau,  et  forme  ainsi  de  longues  rues  de  maisons  accompagnant  l'Aa  ou 
quelque  rameau  de  la  rivière  :  tels  les  hameaux  de  l'Overstel,  et  ceux  du 
Haut-Pont  et  de  Lyzel  qui  sont  des  faubourgs  de  St-Omer.  Il  n'y  a 
cependant  pas  d'industrie  à  cet  endroit,  mais  des  hortillonages  aussi 
riches  et  aussi  célèbres  que  ceux  de  la  Somme.  Le  sol  noir,  découpé  par 
d'innombrables  fossés  en  petits  rectangles  appelés  lègres,  est  fertile  à 
souhait;  l'acide  phosphorique  y  abonde,  grâce  à  la  craie  marneuse  dans 
laquelle  l'Aa  creuse  son  lit  supérieur;  la  contenance  en  azote  est  consi- 


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LES  MARCHÉS  AC.RICOLES  DE  LA  PLAINE  ET  DE  IA  LISIERE  313 


dérable,  grâce  à  l'état  vierge  où  l'inondation  a  forcé  de  laisser  longtemps 
ce  riche  terroir.  Aussi  la  proximité  d'une  ville  importante  y  a  fait  naître 
depuis  longtemps  la  culture  des  légumes  ;  et  dès  le  XVIIIe  siècle,  les 
marais  de  St-Omer  exportaient  des  choux  pour  Lille  et  toutes  les  villes 
à  dix  lieues  à  la  ronde  Aujourd'hui,  le  sol  de  cet  ancien  lac  produit  par 
an  deux  ou  trois  récoltes  de  pommes  de  terre,  choux  pommés  et  choux- 
fleurs,  sans  compter  les  pois,  chicorées,  fraises,  artichauts.  Le  trafic,  qui 
consistait  au  milieu  du  siècle  en  un  départ  hebdomadaire  par  bateaux 
pour  le  marché  du  lundi  de  Bergues,  s'est  transformé  depuis  qu'on  l'a 
confié  au  chemin  de  fer;  il  atteignait  3.20)  tonnes  par  an  en  1883,  et 
13.171  tonnes  on  1903,  dont  6/10  de  choux-fleurs  *.  Dans  la  seule  journée 
du  3  octobre  1900,  les  chargements  de  légumes  à  la  gare  de  St-Omer  se 
sont  élevés  à  plus  de  cent  wagons  contenant  environ  200.000 choux-fleurs 
et  autres  légumes  3.  Avec  une  production  pareille,  il  n'est  pas  étonnant 
qu'une  population  dense  se  soit  établie  le  long  des  digues  du  marais: 
race  laborieuse,  qui  a  conservé  jusqu'à  la  fin  du  XIXe  siècle  grâce  à 
l'isolement  dans  les  terres  basses  un  costume  spécial,  et  a  cessé  à  peine 
de  parler  flamand  au  milieu  de  populations  françaises,  qui  regardent  ces 
hommes  comme  des  êtres  d'une  autre  race,  et  font  de  ces  «  maraischers  » 
ou  «  brouckaillers  »  soit  des  Sarrasins,  soit  des  Saxons  transplantés  jadis 
par  Charlemagne  l. 

ni. 

LES  VILLES. 

Marchés  agricoles  de  la  plaine  et  de  la  lisière. 

Si  les  agglomérations  sont  rares,  plus  rares  encore  sont  les  villes  dans 
la  Plaine.  Car  il  ne  faut  pas  compter  comme  dépendant  de  la  plaine  les 
groupements  urbains  de  la  région  côtière.  Calais,  Dunkerque,  Ostende, 
vivent  de  la  mer.  Même  Nicuport  et  Cravelines,  ports  déchus,  presque 


1  Lettre  du  subdélégué  Decauchy  (177.")),  aux  Arch.  Pas-de-Calais,  C.  5(52. 

1  Cf.:  Pas-de-Calais  au  XIX*  siècle,  IV,  pp.  135-140;  —  Migneaux,  La  culture  maraî- 
chère à  St-Omer  (C.  Rendus  du  IVe  Congrès  National  des  Syndicats  agricoles  de 
France,  Arras,  Rohard,  1«.)04,  in-8%  487  p.),  pp.  42<)-420. 

3  Exposé  succinct  des  travaux  do  la  Chambre  de  Commerce  de  St-Omer,  KXX) 
(p.  87). 

*  Cf.  Picrs,  Histoire  des  Flamands  do  Haut-Pont  et  de  Lyzel.  (St-Omor,  Lemaire, 
1830,  in-8\  200  p.). 


314 


LA  VIE  DANS  \A  PLAINE 


abandonnés  par  le  flot  qui  les  a  laissés  isolés  dans  les  terres,  continuent 
à  regarder  vers  la  mer  et  à  n'avoir  que  peu  de  rapports  avec  l'intérieur. 
Bourbourg  ignore  Gravelines,  et  n'en  parle  que  pour  attribuer  aux 
Gravelinois  un  caractère  cassant,  désagréable,  et  les  traiter  de  pirates. 
Les  marchés  agricoles  y  sont  peu  fréquentés  ;  Ixxm,  St-Georges,  mémo 
St-Folquin  fréquentent  la  grand'place  de  Bourbourg  plutôt  que  celle  de 
Gravelines  ;  Wuljien  va  à  Furnes  plutôt  qu'à  Nicuport.  Dès  lors,  les  villes 
de  la  côte  écartées,  que  reste-l-il  dans  la  plaine  ?  Deux  humbles  cités,  si 
l'on  met  à  part  les  bourgades  de  la  Flandre  zélandaise,  qui  ne  sont  plus 
que  do  gros  villages.  Furnes  et  Bourbourg  sont  seules  à  représenter 
l'élément  urbain  :  or  l'une  a  5.800  habitants,  l'autre  avec  son  faubourg 
Bourbourg- Campagne,  5.500.  Leur  unique  rôle  est  celui  de  marchés 
agricoles;  Bourbourg  expédie  chaque  semaine  vers  le  groupe  de  Lille  un 
train  de  bestiaux,  volailles,  beurre,  et  envoie  en  Angleterre  des  œufs. 
Furnes  a  toujours  été  une  bourgade  agricole  ;  dès  le  XIVe  siècle  elle  est 
habitée  par  une  majorité  de  propriétaires  fonciers,  et  de  nombreuses 
granges  sont  mentionnées  dans  l'intérieur  de  la  ville  1  ;  une  ordonnance 
de  1 173  la  déclare  pauvrement  et  petitement  peuplée  *.  Toutes  deux  ont 
le  même  caractère  do  villes  aquatiques,  entourées  d'eau,  ou  coupées  de 
canaux,  calmes  et  propres;  si  Furnes  a  pour  parure  quelques  beaux 
édifices,  Bourbourg  est  animé  par  l'incessant  mouvement  de  batellerie 
qui  traverse  la  petite  ville,  en  suivant  le  canal  qui  rolie  Dunkerque  au 
reste  de  la  France. 

Cependant  les  agglomérations  urbaines  deviennent  nombreuses  sur  la 
lisière  méridionale,  au  contact  de  la  plaine  et  de  l'intérieur.  Grosses  ou 
petites,  elles  sont  les  points  d'échange  entre  deux  régions  différentes,  et  le 
mouvement  des  transactions  y  fut  considérable.  Guînes  avait  une  navigation 
active  sur  sa  Rivière,  alimentée  par  les  eaux  abondantes  de  la  craio; 
c'est  là  que  se  faisait  le  commerce  entre  Boulonnais  et  Flandre  ;  bois,  vin, 
chaux,  et  pierres,  fer,  charbon,  descendant  du  haut  pays,  s'y  échangeaient 
contre  cervoise,  blé,  orge,  avoine,  pois,  sel,  produits  par  la  plaine  3  ;  au 
XVIII*  siècle,  c'est  le  point  d'embarquement  des  pierres  do  Ferques  et  de 
Landrethun  *.  Ardres  est  resté  le  plus  grand  marché  du  Calaisis.  Audruicq, 
Watten,  ne  sont  que  des  bourgades  ;  mais  Bergues  est  une  vraie  ville,  le 


1  Pirenno  (IL  »,  Le  soulèvement  de  la  Flandre  maritime  en  1323-1328  (Acad.  roy.  do 
Mexique,  Comm.  roy.  d'histoire,  1000,  LXX  +  241  p.),  p.  LXVIL 
s  Gilliodts.  Coutumes  do  Furnes,  I,  p.  48. 
3  Tailliar,  Livre  des  Usaiges  (XVe  siècle),  pp.  83-84. 
»  Cf.  Arch.  l'as-de-Calais,  C.  87,  <J0. 


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,        *  s»  ii«»u\  j i'tr*«  -ïis  iï*nVioî«t,vs.  • 
•!»•••«!»*■  ••  •     ■.  .   i     •         »  tu*::c>  avmt  uîu' :s:iV":  i»n, 

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i  «|V       :•    •    .••   •  .     .      ■•  ••:     ••  ! .  i  !■  aui;^  »'i  FiaiaîiV  ;  K  ls,  ,  ;  i. 
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V.  va  à  Kiuîion  j -ï nt« •*      à  Ni«up)rl.  l>ès  l«»'N,  l»«.s  vilî<  • 

'••»'.  .i:!-'     .|.  i-  >  s'n-l-i|  ilsins  la  phiini' ?  lieux  huml^i-s  oinV, 
"  ;n  •  »  1-  s  |.  •  i  „  »  l<'s      h  ri'iMiiîi"  Z';!;»ii«laisi.',  qui  Ht1  S'Uil  [ 
_  -.s  v.ila»  »^.  l'iin.i's  cl  l!<»iu  !'ni:-u         seules  a  ivprK>ont  • 
«..:•.♦     i*.**.!*»:  «  .  l'une  a  ô.sx)  habita. l'autre  av»**  son  faulMUi*. 
.1     .«nirii -I *:<ni/f',Jii«\  r>     i.  Leur  uuiijuo  r*>î«  «-si  colin  île  marn." 
•.  ri  -,  l-'s;  i.  :i' U.»iiri;  o\ ;.i'.î;i*  «  l.aq.i"  s«'i:.,iin«»  vr*rs  le  urr«'Mj  i»  de  Lille  i." 
'    unb*  ri-^.iaut,  volailles,  IwiiTe,  ■*(  envoie  on  Aiiiiioleire  des  it'iu»' 
I'ihUO'.  a  :m;îj"H?'s  élé  une  b«-Ul  »ode  arTii 'oie  ;  dé*  lo  XIV*  s'«V|n  efl»«  es 
îvui'sV  par  uii't  irajtu do  prnpr./Uures  fiuniers,  cl  do  n<aub.  eus* 
.  .ii..' S"«;<  Mil  l'îiouïi'  os  dans      teneur  de  la  ville  1  ;  une  nnloQijUU'*< 
!<•  t  i7.>  Ki  dé-  ia,-e  pauveue-ni  »*t  priiteue^fil  |**U|»îée  *.  T^'tcs  »U  \t\  oiv 
io  tnèiia  <•  t»a  "lôi'o  do  villes  a.jualiiph's,  ••nl>>urée>  «1  Vau,  c  i  cou  T  de 
•anaux,  «  a!*u»\s  «'t  pf'jovs  :  si  1  unies  a  j»«»ur  parure  iju»  iqu»1^  h**uiiv 
••il  ii. .•<.]••  Mi'!" >m g  est  animé  pur  riiiocssnni  m  juvemout  iU  baMli n« 
!•]  I  a\i  ' se  la  vil hî.  on  suivant  le  canal  qui  folio  l)unkcr.p»e  au 

i  rsff»  )•«•      |''",in  o. 

(!»».»•  «il- Lut  les  a^_,,  uia,'i'ali"UN  ui'1hîao>  deviennent  lioiubi'otises «<Jir  la 
i;. »..n.  n  ♦•raîîf/iîalo, a«« '"««nlaot  il%»  la  [»!a-:a'  ol  «!o  l'iaioriotn'.  <  ij".'>':i>  i»u 
;  ri!\»s,  i'i!«'..  sont  îo>.  |i'rint^  dVi'hoiijTo  oiiti'1* iJ«*itx  i'ôçâ»us  ilnî^n^ilos.  oi  !•• 
a!«Mi\'oiiM"it  lies  m  \i  ii-uis}  fut  roii«.îilA;  abo*. (î>iînc>av*iil  mi*'  iiaviî!ati->ii 
.(  î!vo  sur  .*n  Hu'i'-ro,  aliinontô<a  par  l«r*  eaux  ah  ''i.'an'''s  de  la  oraic; 
<  ♦•  .  !a  îj'H*  »'j  l'aÎNfii  |i«  i:oi*iui«»r«'<»  i»Tj*r<«  l:«'iii<»nîi.o  oi  Klaudro  ;  \u>\>,  vî\, 
oh,,  cl  ;  'T"s,  fi"%  .  li.irl«'in,  d.*«oi»iit!:«nt  «lu  liant  pays,  s"yé>  hailit»  a,i*nt 
i<»ntrc  o.'i'V'.i»'*,  iiîô,  oj':ro,  ;•«,«. in«»,  |»*»'s,  produits  par  la  plaiiv  '  ;  ;i.' 
W  Hl* »:<V]i .  lo  piHut  d*t»ad>aiii1,oiu«ijl  dos  piorr»'s  de  KpiiiuosiM  d 
I  .and"'»!::nn  Ai'rtî«»s»»sl  rosti'  lo  plus  j^rand  niarol.t''  du  (  'alaisiv  Vudriii' 
W'îiM'  U,  no  si  'ît  ij"ii>  di  ;  l.n'ii ga*l»  s  ;  niai* '1  îo  'çai«  s  <^st  une  vraie  vil'o 


i:-'.  •.  «.•>.•  ...        .rS.'-  ini.).  î'.'".».  I  NX  -  l'îl  p  .,  p.  |.X VU 

7  li  '.  i.<    ••    ['••'I  Vi'i'n  <Ii'  F  "IJ«*-    I.  p  l\ 

31  'I»  »'■•  ■*.  '-..v!'.'        1"»  «î/i'S  i\V*  ^iiolt:..  pp.  K.  M. 

'  I II  A'  i.  I.i  i.,i,;>,s.l',.^.'<) 


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3i. 


—  Type  de  village  de  la  Plaine  (Oostkcrkc,  près  Bruges). 
La  tour,  ancien  phare  du  Zwin. 


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HRIV.KS 


915 


type  de  ces  marchés,  intermédiaires  entre  deux  régions  :  le  mouvement 
du  froment  en  1804  y  était  de  111.709  hectolitres»,  contre  18.472  à 
Bourbourg,  et  la  place  était  désignée  en  1810  comme  un  des  grands 
marchés  régulateurs  dos  céréales,  avec  Arras,  Paris,  Rouen,  Roye, 
Soissons.  Dixinude  dispute  à  Furnesla  prépondérance  sur  le  Furnambacht, 
et  remporle  sur  sa  rivale.  Hondschoote,  Ghistelles,  Oudenbourg,  jouent 
un  rôle  analogue,  et  il  n'est  pas  jusqu'à  la  lointaine  ville  de  Hulst  qui  ne 
serve  d'intermédiaire  entre  les  sables  du  Sud  et  les  argiles  du  Nord. 
Toutes  ces  bourgades  se  ressemblent  ;  elles  ont  également  l'air  assoupi. 
Bergues  est  le  type  de  la  ville  morte;  les  couleurs  qui  décorent  ses 
maisons  sont  passées  et  pâlies  ;  les  rues  sont  silencieuses  et  tortueuses; 
on  dirait  un  quartier  de  Bruges,  el  les  belles  tours  qui  la  dominent 
contribuent  à  fixer  cette  impression.  Jadis  l'industrie  les  animait  ; 
Hondschoote  était  la  ville  des  serges1;  Oudenbourg  avait  la  spécialité  des 
sayeltes,  et  ses  habitants  étaient  les  «  strypgarenmakcrs  »  (fabricants 
d'étoffes  rayées);  les  anciens  noms  de  marché  au  fil,  coin  des  teinturiers, 
foulcrie,  et  de  marché  au  beurre,  marché  aux  œufs,  rappollont  les  élé- 
ments de  l'ancienne  prospérité  3.  Aujourd'hui  que  les  céréales  se  vendent 
par  échantillons,  que  le  bétail  même  est  souvent  acheté  surplace,  l'impor- 
tance agricole  de  cos  villes  diminue  encore.  Celles  que  l'industrie  ne 
vient  pas  sauver  ne  vivent  plus  que  par  la  force  acquise  :  leur  population 
décroît.  De  1880  à  1900,  Dixmude  descend  de  4.106  à  3.829  habitants  ; 
Bergues  en  perd  400  entre  1800  et  1901  ;  Guines  de  4.618  en  1846, 
descend  à  4.157  ;  Hondschoote,  de  3.700  à  3.365.  Au  contraire  Watton 
devenue  industrielle  passe  de  1.260  habitants  en  1860  à  2.113  en  1901. 

Bruges. 

Bruges  est  la  plus  belle  et  la  plus  célèbre  de  ces  villes  endormies  qui 
bordent  la  plaine  au  Sud.  De  tout  temps,  la  ville  qui  se  fonda  vers  le 
VIIIe  siècle  autour  d'un  château  qui  gardait  le' fond  de  l'estuaire  du  Zwin 
s'est  tournée  vers  la  plaine  nue  que  dominent  ses  hautes  tours,  et  non  vers 
le  Sud  aride,  bois  et  bruyères  h  peine  colonisés  entièrement  au  XIX"  siècle. 
Bruges  fut  d'abord  une  ville  commerçante,  un  port  du  Zwin,  port  dont 
l'importance  ancienne  est  attestée  par  l'existence  à  cet  endroit  d'un  atelier 


«  Dieudonné,  II,  p.  i86. 

*  Sur  Hondschoote,  voir  df  Hortrand  <K.),  1,'industrie  manufacturière  à  Hondschoote 
du  XII'  au  XVHI'  sièclo  (Ami.  Com.  fl.  Fr.  IV,  ISM-iSiO,  pp.  3i:«8»). 
8  Feys,  Oudenbourg,  I,  p.  0»  et  p.  71. 


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310 


LA  VIE  DANS  LA  PLAINE 


monétaire  au  IXe  siècle 1  ;  ce  sont  des  marchands  que  Jean  d'Ypres  nous 
montre,  à  la  fin  de  ce  sièelo  s,  établissant  lours  maisons  autour  du  Bourg 
que  vient  de  fortifier  Beaudouin  Bras  de  for,  et  encore  des  marchands  qui 
peuplent  le  suburbium  au  XIIe,  lors  des  graves  événements  qui  suivent  la 
mort  de  Charles  le  Bon  s.  Le  sol  marécageux,  bordant  des  buttes  de  sable 
et  une  forêt  de  chênes,  dont  les  vieux  noms  de  rues  nous  conservent  le 
souvenir  *,  se  couvrit  d'entrepôts  où  l'on  amenait,  «  pour  être  réexpédiés 
dans  toutes  les  parties  du  monde  »,  l'argent,  le  cuivre,  les  tissus  de 
Phénicie,  de  Chine,  des  (Myriades,  les  pelleteries  de  Hongrie,  les  vins  de 
Gascogne  et  de  la  Rochelle,  le  fer  et  les  métaux,  les  draps  et  autres 
marchandises  d'Angleterre  et  de  Flandre5.  Pourtant,  tout  en  devenant 
un  grand  port  de  transit  et  une  ville  industrielle  de  premier  ordre,  Bruges 
restait  le  marché  des  produits  de  la  plaine,  et  Guillaume  le  Breton  dans  la 
revue  rapide  qu'il  passe  des  ressources  de  chaque  ville  flamande,  voit  les 
éléments  de  la  richesse  de  Bruges  à  la  fois  dans  ses  grains,  ses  prairies,  et 
le  port  qui  l'avoisine  6.  Aussi  lorsque  la  mer  s'éloigna  lentement  de  la  ville, 
et  que,  le  grand  commerce  international  disparu,  l'industrie  brugeoise  à 
son  tour  se  mit  à  décliner  lentement,  Bruges  vécut  en  restant  une  capitale 
agricole.  C'est  le  rôle  qu'elle  a  gardé  jusqu'à  présent.  Contrairement  à 
ce  qui  s'est  passé  pour  Bergues,  le  marché  de  Bruges  prend  une  impor- 
tance croissante  pour  la  vente  du  bétail,  et  surtout  pour  le  commerce  des 
beaux  chevaux  du  Franc.  C'est  à  Bruges,  d'ailleurs,  qu'habitent  la 
plupart  des  propriétaires  des  terres  de  la  plaine  situées  entre  l'Yser  et  le 
Braakman.  Chaque  semaine  le  jour  du  marché,  les  paysans  du  Franc, 
avec  leur  figure  pleine  et  rasée,  envahissent  la  ville  de  leur  foule  calme 
et  lente  ;  ils  ont  remplacé,  à  travers  les  rues  archaïques,  les  marins  et 
les  commerçants  d'Espagne,  de  Portugal,  Gascons,  Italiens,  Hanséates, 
Anglais  qui  peuplaient  la  Bruges  du  XVe  siècle  de  leur  cohue  bigarrée. 


«  Do  Schodt,  Résumé  historique  de  la  numismatique  brugeoise.  (C.  Rendu  Congrès 
hist.  et  archéol.  Bruges,  1887,  pp.  237-238). 
i  Chronicon  S.  Hertini  (M.  G.  SS.  XXV,  p.  708). 

3  Galbert  de  Bruges,  Passio  Karoli  boni  coinitis  Flandriao  (éd.  Pirenne,  Paris,  1891, 
in-8°).  Cf.  sur  les  origines  de  Bruges  :  Gilliodts,  Brugos  ancienne  et  moderne  (Bruxelles, 
1890,  in-i°,  81  p.)  :  —  Des  Mare/.  (G.),  Etude  sur  la  propriété  foncière  dans  les  villes 
du  moyen-âge  et  spécialement  en  Flandre  (20"  fascicule  du  Recueil  des  travaux  publiés 
par  la  faculté  de  philosophie  et  lettres  de  l'Université  de  Gand,  1898). 

»  Verschelde  (Ch.),  Etude  sur  les  noms  des  rues  et  des  maisons  de  la  ville  de  Bruges 
(Ann.  Soc.  Em.  Br.,  3*  série,  X,  1877»,  pp.  283-437). 
s  Guillaume  le  Breton,  M.  G.  SS.  XXVI,  vers  380-390,  p.  340. 
•  Frugibus  et  pratis  dives,  pnrtucpie  propinquo 

Dam  quoquo   (Ibid.  vers  104,  p.  821). 


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BRUGES 


317 


Aussi  le  contraste  est  vif  entre  le  rôle  économique  actuel  de  la  ville  et  le 
décor  magnifique  qu'elle  a  conservé  intact,  restée  une  ville  du  XVIe  siècle, 
(avec  des  monuments  du  XIVe),  parce  qu'elle  a  été  trop  pauvre  pour  se 
transformer  C'est  la  misère  qui  nous  a  gardé,  dans  toute  sa  splendeur,  la 
Bruges  industrielle  et  commerçante.  Ses  principaux  monuments  jurent 
avec  son  rôle  et  son  activité  actuels  :  ils  portent  l'empreinte  d'un  génie 
impérieux  et  pratique,  où  l'ensemble  est  plus  remarquable  que  les  détails, 
où  le  grandiose  et  la  hardiesse  des  constructions  frappent  plus  que 
leur  élégance.  Les  grandes  églises  sont  les  «  clochers  militaires  »  dont 
parle  le  poète  de  Bruges  la  Morte  :  Notre-Dame  avec  sa  tour  «  incroyable 
d'énormité,  toute  bardée  de  contreforts  »  *  ;  St-Sauveur  avec  «  ses  grands 
murs  aveugles,  sa  tour  altière  qui  ressemble  plus  à  un  chevalier  surveillant 
l'ennemi,  qu'à  un  prélat  voulant  bénir  ses  ouailles  »  3.  I^e  beffroi  des 
Halles,  qui  symbolise  l'ancienne  activité  brugeoise,  étonne  avant  d'inspirer 
l'admiration.  Peut-être  les  matériaux  employés  sont-ils  pour  quelque  chose 
dans  cet  aspect  un  peu  sévère  ;  la  brique  ne  se  prête  pas  aux  mêmes  combi- 
naisons gracieuses  que  la  pierre  ;  elle  oblige  les  architectes  à  donner  à 
leur  œuvre  plus  do  simplicité.  A  Ypres,  on  pouvait  construire  en  pierre; 
les  grès  de  liéthune  n'étaient  pas  loin  ;  à  Bruges,  il  fallait  se  contenter  des 
briques  de  la  Plaine,  ou  des  coûteux  matériaux  venus  de  (.ruines  par  le 
dédale  des  canaux.  Tout  fut  donc  de  brique,  sauf  quelques  édifices  de  la 
Renaissance  ;  et  ce  sont  des  maisons  de  briques  aux  pignons  en  marches 
d'escalier  qui  bordent  la  plupart  des  rues.  On  en  trouve  de  semblables 
dans  presque  toutes  les  villes  flamandes,  mais  nulle  part  autant  qu'à 
Bruges  ;  de  même  qu'aucune  autre  ville  du  pays  ne  possède  a  un  pareil 
degré  le  charme  mélancolique  des  canaux,  bras  do  la  Reye  entourant 
l'antique  Bourg,  ou  anciens  fossés  des  fortifications  du  XIIIe  siècle.  Tout 
paraît  noble  à  Bruges,  même  la  tristesse  des  quartiers  les  plus  déserts, 
comme  ce  coin  N.-K.  qui  fut  jadis,  à  proximité  ducanaldeSluis,  l'entrepôt, 
et  le  point  le  plus  anirn^  de  la  ville  ;  les  quartiers  ouvriers  même  ont  moins 
do  banalité  qu'ailleurs,  la  plupart  des  petites  maisons  basses  étant  surmon- 
tées d'une  fenêtre  mansarde  encadrée  de  deux  montants  en  briques,  qui 
suffit  à  orner  ces  pauvres  masures. 

Cet  air  de  grandeur  et  de  noblesse  inscrit  jusque  dans  les  plus  humbles 


1  Fierens-Gevaert  (H.),  Psychologie  d'une  ville.  Kssai  sur  Bruges  (Paris,  Alcan, 
2-  éd.,  11)02,  in-12,  191  p.),  PP.  174-75. 
s  Taine,  Notes  de  voyage,  p.  302. 

3  Havard  (H.),  La  Terre  des  Gueux.  Voyage  dans  la  Flandre  flamingante  (Paris, 
Quentin,  1879,  in-12),  p.  293. 


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318 


LA  VIE  DANS  LA  PLAINE 


édifices  de  briques  devait  inspirer  aux  Brugeois  le  désir  de  rétablir 
l'harmonie  entre  la  beauté  de  leur  ville  et  sa  prospérité  économique. 
Mais  comment,  ressusciter  cette  ville  pauvre,  où  sur  une  population  de 
50.000  habitants  en  1890,  on  comptait  9.00()  indigents  secourus  ?  On  pensa 
que  puisque  le  port  avait  fait  jadis  sa  fortune,  c'était  le  port  qu'il  fallait 
rétablir.  De  là  les  tentatives  faites  depuis  trois  siècles:  le  grand  canal  creusé 
jusqu'à  Ostende  au  XVII"  siècle  ;  puis  l'essai  de  reprendre  la  voie  duZwin 
en  ouvrant,  au  début  du  XIXe  siècle,  un  canal  de  Bruges  à  Sluis.  Achevé  de 
1810  à  1818,  on  devait  le  prolonger  jusqu'à  Hreskens,  quand  la  révolution 
de  1830  vint  tout  empêcher  de  ce  côté.  On  exhuma  alors  un  projet 
proposé  dès  le  XVIe  siècle  par  le  peintre  Lancelot  Blondeel,  creuser 
un  canal  de  Bruges  à  la  rade  de  Heyst.  M.  de  Maere  demandait,  dès 
180G,  un  canal  maritime  Gand-Bruges  à  Heyst  ;  en  1877  il  restreignait 
son  plan  à  une  grande  voie  d'eau  Bruges-Hevst,  et  ce  projet  a  fini 
par  donner  le  port  de  Zeebnigge,  le  canal  maritime  et  les  bassins 
établis  sur  h' bord  Nord  de  l'ancienne  enceinte.  Les  désirs  des  Brugeois 
sont  accomplis;  reste  à  savoir  si  leur  cité  va  redevenir  un  grand  port,  ou 
rester  assoupie  dans  ce  demi-sommeil  qui  convient  si  bien  à  son  airde  ville 
sainte  de  la  Flandre. 

L'absence  d'industrie. 

Ce  qui  manque  à  toutes  ces  villes  de  la  plaine  pour  échapper  à  la  déca- 
dence et  faire  quelque  figure,  c'est  l'industrie.  Il  n'y  en  a  pas  dans  tout  ce 
bas  pays:  c'est  la  partie  de  la  Flandre  qui  en  possède  le  moins.  Et 
comment  l'industrie  pourrait-elle  y  naître  ?  Il  n'y  a  déjà  pas  assez 
d'hommes  pour  cultiver  la  terre,  et  il  faut,  dans  les  cas  pressants,  faire 
appel  aux  bandes  enrôlées  dans  les  Dunes  ou  le  Houtland.  A  quoi  bon 
d'ailleurs  s'occuper  de  transformations  industrielles?  La  terre  poldérienne 
suflit  à  nourrir  ses  habitants  ;  l'agriculture,  à  leur  procurer  des  ressources. 
On  néglige  donc  tout  ce  qui  n'est  pas  le  travail  des  champs;  et  la  fabri- 
cation de  la  dentelle,  par  exemple,  si  répandue  dans  les  parties  pauvres 
de  l'intérieur,  s'arrête  à  la  limite  de  la  plaine  :  Keyem,  I^eke,  Jabbeke, 
Bruges,  Moerkerkc  sont  à  la  frontière  Nord  de  la  région  dentellière  (fig.  61). 
Ainsi  rindustrie.nc  s  acclimate  pas  dans  les  polders;  les  habitants  y  sont 
trop  peu  nombreux  et  trop  aisés.  Hors  des  ports,  où  l'abondance  de  main 
d'œuvre  et  les  facilités  de  transport  l'ont  toujours  favorisée,  elle  se  bornait 
jusqu'au  milieu  du  XIX"'  siècle  à  quelques  malheureux  métiers  manuels: 
la  briqueterie;  le  tournage  qui  occupait  en  1811  en  Flandre  Occidentale 


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L'A HSKNCK  D'INDUSTRIE 


750  ouvrière  pendant  G  semaines  *,  et  dans  l'arrondissement  de  Dunkerque 
125  hommes  environ  en  1850;  le  ru  rage  des  canaux,  pour  lequel  les 
habitants  de  Dam  me  ont  la  réputation  d'être  passés  maîtres.  L'apparition 
de  la  betterave  et  de  la  chicorée  a  provoqué  la  création  de  quelques  usines, 
sucreries,  distilleries,  séchoirs  ;  dans  la  partie  française  deux  seulement 
sont  considérables:  la  sucrerie  de  Pont-ri'Arrires,  qui  centralise  les 
produits  du  Calaisis,  et  a  écrasé  en  1002  100.000  tonnes  de  betteraves  *, 
et  la  distillerie  de  Steene  qui  produit  chaque  année  45  à  50.000 hectolitres 
d'alcool  et  a  occupé  jusqu'à  300  ouvriers.  La  partie  belge  a  deux  sucre- 
ries, l'une  à  Selzacte,  approvisionnée  par  les  betteraves  de  la  Flandre 
zélandaise  ;  l'autre  à  Snaeskerke  près  d'Ostende.  Bruges  a  des  distilleries. 
A  peine  trouve-t-on  d'autres  industries:  à  Watten  une  filature  de  jute  et 
d'étoupes  de  lin,  une  grande  tannerie  et  des  chantiers  de  construction  de 
bélandres,  occupant  en  tout  près  d'un  millier  de  personnes;  à  Bergucs  une 
malterie,à  Dixmude  une  minoterie,  à  Bruges  une  usine  métallurgique,  des 
malteries  et  des  fabriques  de  brosses:  encore  toutes  ces  fabriques  sont- 
elles  construites  à  la  limite  de  la  plaine  et  occupent-elles  des  ouvriers  de 
l'intérieur.  De  même  pour  les  usines  établies  au  milieu  du  pays  bas  ;  ce  sont 
des  hommes  de  Beveren-lès-Roulers  et  des  communes  voisines  qui  font 
brûler  les  cossettes  dans  les  tourailles  des  séchoirs  à  chicorée  ;  des  ouvrière 
venus  de  tous  les  points  du  Houtland  qui  travaillent  aux  sucreries  pendant 
les  trois  mois  de  la  fabrication,  ou  confectionnent  les  briques  destinées  aux 
villes  de  la  cote.  Les  gens  de  la  plaine  qui  s'occupent  dans  une  usine  sont 
rares. 

IV. 

LA  MPULATION. 

L'homme  de  la  plaine  se  détourne  donc  de  l'industrie.  Il  est  ot  reste  un 
cultivateur.  De  même  il  n'a  jamais  été  un  marin  ;  les  belles  terres  des 
poiriers  rapportaient  bien  assez  pour  dispenser  leurs  habitants  d'aller 
chercher  dans  les  dangers  de  la  mer  un  supplément  de  ressources:  cela 
n'était  bon  que  pour  les  populations  pauvres  des  dunes.  La  Plaine  tourne 
le  dos  à  la  mer,  qui  ne  lui  a  apporté  que  des  malheurs  ;  elle  ne  la  connaît 


•  Areh.  Nat.  F1*  1502.  Surtout  dans  le  Kranc  de  Bruges,  dont  les  habitants  étaient 
*  surnommés  les  brûleurs  de  tourbe  (darynebarners). 

2  Expose  sommaire  des  travaux  de  la  Chambre  de  Commerce  de  Calais,  1!<>2.  p.  229. 


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320  LA  VIE  DANS  LA  PLAINE 

que  pour  la  craindre,  et  lutter  contre  elle.  Les  ports  et  leurs  habitants 
étaient  à  part  du  pays,  ne  comptaient  pas  avec  les  chàtellenies  :  Dunkerque 
hors  de  l'ambacht  de  Borgnes,  Nieuport  et  Ostende  à  part  du  Furnambacht 
et  du  Franc.  Ijx  population  de  la  plaine  est  bien  terrienne  ;  c'est  une  classe 
de  paysans  aisés. 

Ces  paysans  n'ont  pas  toujours  été  les  hommes  froids  et  calmes  qui 
peuplent  aujourd'hui  le  pays.  Du  VI*  au  XIe  siècle,  la  colonisation  de  la 
plaine  avait  amené  sur  ce  sol  des  éléments  mêlés,  d'une  turburenee  et 
d'une  énergie  extraordinaires.  Ces  rudes  habitants  des  terres  neuves, 
exposés  sans  cesse  à  des  retours  ofTensifs  de  la  mer:  pirates  normands 
restés  en  route,  Saxons  venus  pur  les  côtes,  Frisons  descendus  du  Nord 
en  suivant  dans  leurs  barques  le  tracé  des  estuaires,  Francs  aventurés  au 
delà  dos  forêts  et  des  marécages,  formèrent  un  peuple  violent  et  libre, 
ignorant  le  servage,  et  groupé  de  bonne  heure  en  associations  de  défense 
contre  les  éléments  et  contre  les  hommes.  Ce  peuple  jeune  avait 
d'incroyables  mouvements  de  violence  :  St  Arnulf  qui  vient  les  apaiser  au 
XIe  siècle  trouve  tout  le  pays,  d'Aardenburg  à  Furnes,  en  état  de  guerre 
perpétuelle  ;  en  un  an  on  constate  officiellement  1.200  meurtres  autour  do 
Bruges,  et  certains  s'estiment  déshonorés  s'ils  n'ont  pas  tué  leur  homme 
dans  la  journée  *. 

Aussi  ces  indomptables  hommes  libres  no  supportèrent-ils  pas  aisément 
la  main-mise  de  l'autorité  comtale,  qui  s'appesantit  sur  eux  a  partir  du 
XIIe  siècle.  Leur  terre  était  à  eux  ;  ils  l'avaient  conquise  sur  les  eaux  et 
la  gardaient;  que  leur  voulaient  les  nobles,  l'abbé  et  le  comte  ?  Ils 
s'insurgent  donc  contre  l'autorité  qui  pénètre  chez  eux;  ce  sont  des 
hommes  de  la  plaine  qui  font  la  conjuration  contre  Charles  le  Bon,  le 
comte  justicier;  et  après  la  mort  du  comte,  les  meurtriers  sont  en  rela- 
tion avec  «  les  gens  de  Furnes  et  les  Flamands  qui  sont  au  bord  de  la 
mer  »  i.  Au  XIIe  siècle  revient,  tous  les  trois  ou  quatre  ans,  comme  une 
litanie,  l'annonce  d'une  sédition  dans  le  territoire  de  Furnes.  Les  premiers 
de  toute  la  Flandre,  ces  hommes  de  la  plaine  se  font  octroyer  des 
chartes,  qui  leur  assurent,  dans  Mura  circonscriptions  rurales,  une  large 
autonomie  ;  ce  sont  de  vraies  communes  rurales,  avec  les  mêmes  privi- 
lèges que  les  organismes  urbains  3.  Aussi  de  1323  à  1328  se  lèvent-ils 
tous  pour  détendre  leur  liberté  contre  les  empiétements  des  nobles  et 
des  prêtres,  soutenus  par  le  comte  ;  ce  fut  une  vraie  guerre  sociale.  Ixîs 


i  Ex  vita  Arnulfi  episcopi  Suessionensis,  auct.  Hariulfo  (M.  G.  SS.,  XV,  pp.  872-904). 
*  Cf.  (ïalbert,  éd.  l'ireune. 

3  l'irenne,  Soulèvement  de  la  Flandre  maritime,  pp.  I1I-X. 


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LA  POPULATION 


3S1 


chefs  étaient  de  la  plaine  :  Bouwin,  d' Aardenburg,  Janssoone  de  Ghistelles  ; 
le  principal,  Nicolas  Zannequin,  était  propriétaire  de  38  mesures  à 
Lampernisse  ;  et  ce  fut  bien  l'indépendance  des  hommes  du  bas  pays  qui 
périt  à  Cassel  *. 

Mais  aujourd'hui  la  transformation  est  complète.  Sauf  pour  la  fierté, 
personne  ne  reconnaîtrait  les  descendants  de  ces  terribles  «Kerles»  dans  les 
gros  fermiers  du  Furnambacht.  Ces  hommes,  avant  tout,  sont  calmes.  Des 
gens  froids,  qui  s'émeuvent  difficilement,  assure-t-on.  C'est  aussi 
le  caractère  qu'on  attribuait,  au  début  du  XIXe  siècle,  au  peuple  du 
marais  poitevin  *.  On  n'agit  guère  par  sentiment  :  on  dirait  déjà  le  carac- 
tère hollandais;  la  plaine  est  peuplée  d'hommes  du  Nord.  Eu  même  temps 
on  las  décrit  plus  orgueilleux,  plus  fiers  que  leurs  compatriotes  du 
Houtland.  Rare  dans  les  polders  est  le  fermier  qui  mange  à  la  môme  table 
que  ses  ouvrière. 

Ces  caractères  s'expliquent  en  partie  par  l'aisance  à  laquelle  sont 
habitués  les  gens  de  la  Plaine.  Le  fermier  d'une  exploitation  de  40 
à  50  hectares  ast  déjà  un  gros  personnage  en  Flandre  ;  les  ouvriers  même 
dans  la  Plaine  gagnent  des  salaires  plus  élevés  qu'ailleurs.  A  Lampernisse, 
le  gain  moyen  d'un  journalier  (sans  nourriture)  est  de  2  francs  par  jour  ;  à 
Vladsloo,  commune  du  Houtland  éloignée  de  10  kilomètres,  il  est  de 
1  fr.  40.  A  Boitshoucke,  près  de  Nieuport,  il  s'élève  à  2  fr.  50;  à 
Hoogstaede,  situé  à  13  kilomètres  au  Sud,  il  tombe  à  1  fr.  35,  presque 
moitié  moins  3.  I^i  meilleure  preuve  de  la  richesse  de  la  contrée,  c'est 
l'abondance  des  dépôts  effectués  aux  Caisses  d'épargne  de  la  Plaine.  Celle 
de  Furnes  comprenant  8  communes  poldériennes,  est  la  première  de  la 
Belgique  entière  pour  le  total  des  sommes  versées  par  habitant  :  287  francs 
par  tête;  à  côté,  la  caisse  d'Ecssen-Vladsloo,  hors  de  la  plaine,  ne  compte 
que  18  francs  par  tête,  et  les  communes  des  dunes,  comme  Adinkerke, 
25  francs  l.  Plus  riches,  ils  sont  plus  orgueilleux.   Peut-être  aussi 


1  Un  rapprochement  paraît  possible  outre  cos  fermiers  libres  des  polders  et  les 
hommes  des  Fens  d'Angleterre,  puritains  démocrates  et  cgalitaires,  au  milieu  desquels 
se  leva  Cromwcll.  Au  Nord  de  la  Hollande,  la  Frise  a  toujours  été  par  excellence  un 
pays  de  liberté,  et  les  Frisons  luttaient  sauvagement  contre  la  domination  hollandaise 
pendant  (pie  leurs  frères  de  Flandre  s'insurgeaient  contre  leur  comte. 

1  «  Caractère  froid,  tranquille,  apathique  ».  ((iaudineau,  Topographie,  p.  1."»). 

3  Recensement  agricole  de  18 C>,  III,  pp.  30-.t2.  U\s  chiffres  se  rapportent  à  l'année 

4  Hurny  et  Hamande,  Les  Caisses  d'Kpargne  on  Hclgique  (Mémoires  couronnés  et 
autres  mémoires  Aead.  roy.  Belgique,  collection  in-8",  t.  LYl.  i800-tii02,  fi77  p., 
2  cartes  A  1  :  320.000)  planche  B. 

81 


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LA  ME  DANS  LA  PLAINE 


l'isolement  dû  à  la  situation  des  fermes,  écartées  les  unes  des  autres  et 
reliées  par  de  mauvais  chemins  impraticables  par  la  pluie,  contribue-l-il  à 
donner  à  leur  caractère  cette  froideur  et  cette  absence  de  sociabilité  qu'on 
est  unanime  à  leur  reconnaître. 

Cette  richesse  se  traduit  par  une  vie  plus  large.  L'homme  de  la  plaine  vit 
bien,  dépense  largement,  connaît  la  toilette.  I*i  nourriture  y  est  beaucoup 
plus  substantielle  que  dans  le  Sud  ;  on  y  mange  de  la  viande  (du  lard)  tous 
les  jours  ;  et  c'est  là,  en  Flandre,  un  signe  indiscutable  d'aisance.  En 
général,  dans  les  fermes,  les  domestiques  en  reçoivent  même  deux  fois 
par  jour,  et  trois  fois  dans  les  communes  riches  comme  Lampernisse, 
accompagnant  le  café  au  lait,  le  pain,  les  pommes  de  terre  et  le  lait  battu. 
Déjà  Dieudonné  en  1804  remarquait  que  l'arrondissement  de  Bergues  était 
c«lui  où  l'habitant  se  nourrissait  le  mieux  Et  c'est  peut-être  une  dos 
raisons  pour  lesquelles  les  gens  de  la  plaine  maritime  ont  une  vigueur, 
ime  santé  qui  les  distingue  encore  une  fois  de  leurs  voisins  du  Sud.  Grands, 
forts,  hauts  en  couleur,  c'est,  dit  un  rapport  médical,  «  une  population 
forte  et  robuste,  chez  laquelle  l'élément  sanguin  domine  1  ».  Il  y  a  peut- 
être  là  aussi  une  question  de  race,  et  les  hommes  de  la  Plaine  pourraient 
bien,  en  majorité,  être  descendants  des  Frisons,  peuple  dont  le  type  se 
retrouve  tout  le  long  des  pays  bas  de  la  mer  du  Nord,  et  rappelle  l'aspect 
des  Flamands  maritimes.  En  tous  cas,  on  ne  peut  s'empêcher,  à  propos 
de  cette  population  des  terras  basses,  de  retrouver  dans  leur  physique  ce 
caractère  d'ampleur  et  de  puissance  qui  accompagne  dans  la  Plaine  toutes 
les  manifestations  de  la  vie.  Sauf  les  arbres,  rien  n'est  étriqué  sur  cette 
terre  nourricière;  tout  est  gros,  luisant,  végétaux,  animaux,  hommes. 
C'est  bien  là  cette  bonne  et  forte  Flandre  dont  parle  Micholet,  ces  «  grasses 
et  plantureuses  campagnes,  où  tout  pousse  à  l'envi,  grossit  à  plaisir  »,  où 
vit  cette  race  puissante  illustrée  par  les  tableaux  de  Rubens  ;  le  bon  pays 
que  regarde  de  travers  l'homme  du  Houtland,  habitant  d'une  terre  plus 
maigre,  plus  rude,  où  l'on  sent  l'effort. 

V. 

FLANDRE  ZÉLANDAISE. 
Il  y  a  dans  la  Plaine  une  région,  séparée  du  reste  de  la  Flandre  par  une 


1  Dieudonné,  Statistique,  I.  p.  70. 

*  Enquête  sur  la  condition  des  classes  ouvrières  et  sur  le  travail  des  enfants 
(Bruxelles,  Lesigne,  1840,  3  vol.  in-8°),  III,  pp.  298-21)9,  Rapport  de  la  Commission 
médicale  de  la  Flandre  Occ  identale. 


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1,A  FLANDRE  ZÉLANDAISE 


frontière  politique  et  religieuse,  isolée  de  la  Hollande  derrière  le  bras  de 
mer  du  Hont,  qui  a  conservé  presque  tous  les  anciens  caractères  de  la 
Plaine,  en  leur  gardant  une  fraîcheur  et  une  netteté  qui  s'est  un  peu  atténuée 
on  France  et  en  Belgique  :  c'est  la  Flandre  zélandaise.  Elle  forme  comme 
un  résumé  de  la  plaine  maritime;  un  résumé  où  les  traits  sont  plus 
accentués. 

Éttat  actuel  de  la  lutte  contre  la  mer. 

C'est  dans  cette  partie  que  la  lutte  contre  les  oaux,  et  surtout  contre 
la  mer,  a  pris  des  proportions  particulièrement  vastes.  On  a  vu  qu'à 
plusieurs  reprises,  profitant  des  distractions  des  défenseurs,  l'ennemi  avait 
fait  de  brusques  invasions,  et  que  c'est  au  XVIIIe  siècle  seulement  qu'on 
avait  reconquis  les  limites  atteintes  déjà  au  XIVe.  La  bataille  continue;  la 
Flandre  zélandaise  s'accroît  patiemment  aux  dépens  de  la  mer;  tous  lus 
quatre  ou  cinq  ans  vient  s'ajouter  à  son  territoire,  aux  dépens  du  Braakman 
ou  des  bancs  de  Saaftinge,  quelque  nouveau  polder  au  sol  grisâtre  et 
crevassé,  sur  lequel  se  lèvent  bientôt  des  moissons  merveilleuses.  Mais  il 
y  a  aussi  quelques  retours  de  fortune.  Le  Zwarte  Polder  n'a  pu  être  réen- 
digué depuis  un  siècle  ;  un  épi  jeté  au  milieu  n'a  provoqué  que  la  formation 
locale  d'une  petite  dune  ;  le  Thomaes  Polder  n'est  qu'en  partie  reconquis  ; 
constamment  on  rencontre  sur  la  côte  les  équipes  du  Waterstaat,  vérifiant, 
consolidant,  enfonçant  des  pieux  ou  plantant  des  fascinages.  C'est  que 
la  côte  est  constamment  menacée  par  le  déplacement  des  chenaux 
de  l'Escaut  occidental.  L'estuaire,  en  effet,  subit  fréquemment  des 
modifications  de  détail.  Il  ne  semble  pas  qu'il  se  soit,  dans  l'ensemble, 
envasé  ou  approfondi  depuis  un  siècle,  car  les  bancs  de  l'embouchure 
n'ont  guère  bougé,  ce  qui  prouve  qu'ils  n'envoient  pas  de  matériaux 
dans  le  fleuve,  et  le  débit  solide  amont,  composé  à  peu  près  uniquement 
de  matières  vaseuses  en  suspension,  finit  par  être  expulsé  do  l'estuaire 
grâce  à  la  prédominance  du  jusant  :  les  anfractuosités  seules,  comme 
le  Braakman ,  se  comblent  peu  à  peu.  Mais  les  chenaux  profonds 
subissent  des  modifications  fréquentes.  Les  courants  de  marée  qui  les 
parcourent  obéissent  à  la  loi  sinusoïdale  des  cours  d'eau  et  s'appuient 
sur  les  rives  concaves  en  s'éloignant  des  rives  convexes  :  il  y  a  ainsi 
creusement  et  uflbuillcment  très  rapides,  et  parfois  abandon  d'anciens 
chenaux  au  profit  de  nouveaux  J.  C'est  ainsi  que  du  côté  du  Nord,  le  banc 

1  Sur  l'Escaut  maritime,  voir:  de  Mcy,  Ports  en  plaire,  pp.  i(!T>-l82;  —  de  Mey, 
l'Escaut  maritime  (Y"  congres  international  de  navigation  intérieure,  l'aris,  181*2, 
1(>  question,  20  p.,  3  pl.);  —  Rochot,  Description  hydrographique  de  l'Escaut  depuis 
son  embouchure  jusqu'à  Anvers  (Bruxelles,  Lesigno,  1«»4,  in-f",  120  p.,  176  pl.). 


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324 


LA  VIE  DANS  LA  PLAINE 


du  Kaloot  diminue  sans  interruption  depuis  1800,  tandis  que  la  passe  de 
Borsele  s'approfondit  jusqu'à  40  mètres  ;  qu'au  Sud  la  passe  de  Hoofd- 
plaat  menace  la  rive,  et  qu'en  revanche  les  bancs  de  Hooge  Springer 
s'élargissent,  et  s'allongent  devant  Brcskcns.  Plus  loin,  (-'est  la  passe  de 
Terneuzen  qui  se  creuse  et  se  rapproche  de  la  côte,  avec  des  profondeurs 
de  33  mètres,  tandis  que  le  Suiker-plaat  s'exhausse  et  s'étend.  Au  delà 
d'Ossenisse,  l'ancienne  fosse  de  Waarde  est  devenue  impraticable  :  c'est 
une  impasse  (schaar),  et  le  courant  s'est  reporté  vers  le  Zuidergat,  qui  se 
rapproche  du  rivage  de  Walsoorden,  et  ronge  le  bord  des  schorres  de 
Saaftinge.  Ces  mouvements  des  fonds  ne  compromettent  en  rien  la 
navigabilité  de  l'estuaire  :  il  suffit  d'un  peu  d'attention  pour  reconnaître 
les  passes  et  de  quelques  travaux  de  détail,  dragages  ou  fixations,  pour  les 
accommoder  ;  mais  les  côtes  peuvent  se  trouver  menacées.  Le  village  de 
Hoofdplaat,  fondé  après  l'endiguement  du  schorre  en  1778,  a  été  inondé 
presque  aussitôt,  et  réendigué  en  1795  ;  il  a  fallu  hérisser  les  digues  de 
pieux  et  d'épis  La  fortification  de  la  côte,  entre  Terneuzen  et  Ossenisse, 
rappelle  les  défenses  du  pays  de  Kadzand  ;  la  digue  porte  la  trace  des 
remaniements  que  les  inondations  lui  ont  fait  subir;  son  dessin  est 
tourmenté  ;  il  y  a  des  pointes  noirâtres  et  des  rentrants,  des  épis  sont 
projetés  dans  toutes  les  directions,  et  cependant  à  mer  basse  les  flots 
viennent  encore  battre  son  pied,  fortifié  de  six  rangs  de  pieux  serrés.  En 
revanche,  au  fond  du  Braakmuu,  la  marée  haute  elle-même  parvient 
péniblement  au  pied  des  digues,  et  la  mer  s'éloigne  tant  que  l'évacuation 
des  eaux  intérieures  devient  difficile  ;  à  l'écluse  Isabelle,  on  a  dû  pratiquer 
à  travers  les  vases  grises  du  schorro  un  canal  artificiel  par  où  l'eau 
d'Assenede  et  Bouchaute  gagne  péniblement  la  mer. 

Le  pays  conserve  des  traces  des  séjours  que  la  mer  y  a  faits  a  plusieurs 
reprises,  et  des  travaux  entrepris  pour  l'en  expulser.  Le  sol  est  encore 
sillonné  do  larges  criques  tortueuses,  trop  profondes  pour  pouvoir  être 
comblées  de  main  d'homme,  et  qu'on  laisse  au  temps  le  soin  de  colmater  ; 
en  attendant  elles  servent  de  viviers,  et  la  location  de  ces  étendues 
poissonneuses  fournit  de  sérieuses  ressources  aux  polders  qui  les 
possèdent !.  Surtout,  les  terres  sont  tout  enserrées  de  digues.  Ia  Flandre 


•  11  a  même  •'•t.'-  un  moment  question  d'abandonner  le  village,  et  l'on  dit  que 
l'entretien  «les  3  kilomètres  <le  digues  du  polder  a  coûté  3  millions  de  francs.  Cf. 
Laeroix  (J.),  Mémoire  sur  l'histoire  hydraulique  de  la  Néerlande  (Ann.  P.  C.,  184' S. 
pp.  l!CMU4). 

i  Cette  ressouree  est  une  des  plus  anciennes  do  la  Plaine,  et  les  locations  de  droit 
de  pèche,  en  particulier  de  «  puises  d'anguilles  »,  sont  extrêmement  fréquentes  dans 
les  chartes  des  abbayes. 


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LA  FLANDRE  ZÉLANDAISE  325 

zélandaise  est  un  vaste  échiquier  aux  cases  irrégulières,  enfermées  de 
lignes  gazonnées  qui  sont  le  trait  dominant  du  paysage.  Il  y  en  a  de  hautes 
et  de  basses  ;  des  vieilles  comme  la  Langendamsche-dijk,  près  d'Hulst,  que 
Ton  peut  voir  complètement  plantée  de  betteraves  ;  d'autres  plus  récentes 
qui  ont  encore  le  profil  raide  d'un  côté,  adouci  de  l'autre,  avec  la  plate- 
forme intermédiaire,  qui  caractérisent  les  modernes  digues  de  mer.  Mais 
presque  toutes  sont  aujourd'hui  couvertes  do  magnifiques  rangées  d'arbres, 
qui  en  font  de  beaux  chemins  verdoyants  et  ombreux.  Cette  présence 
des  arbres  est  une  des  grandes  différences  d'aspect  entre  la  Flandro 
zélandaiso  et  le  reste  de  la  Plaine.  Sauf  autour  du  Rraakman,  où  la  vue 
porte  |M3ur  ainsi  dire  à  l'infini,  il  est  -rare  de  retrouver  là  les  immenses 
horizons  du  Furnambacht.  Le  paysage  est  plus  intime.  Les  arbres  enva- 
hissent même  les  polders,  forment  des  massifs  épais  autour  des  fermes, 
abritent  des  vergers,  qui  ne  semblent  pas  craindre  la  morsure  des  vents 
de  mer  déjà  affaiblis.  Autour  d'Ijzendijko,  dans  les  Waterlanden,  on  a 
parfois  l'impression  d'un  pays  boisé,  d'un  bocage.  Les  vieux  polders,  ceux 
qu'a  épargnés  l'inondation  de'  la  guerre  de  80  ans,  se  reconnaissent  rien 
qu'à  leur  magnifique  végétation.  I^e  Paulus-Polder ,  les  abords  de 
Hengstdijk  et  de  Kloosterza  nde,  au  Nord  de  Hulst,  dans  l'heureuse 
presqu'île  d'Ossenisse,  avec  leurs  digues  ombragées  de  cinq  à  six  rangées 
d'ormes  superbes,  leurs  pâtures  coupées  de  lignes  de  saules  et  de  peupliers, 
leur  crique  du  Groot-Vogel,  vrai  fleuve  déroulant  ses  vagues  claires 
entre  des  rives  gazonnées,  ont  l'air  d'un  beau  parc  où  tout  est  disposé 
pour  le  plaisir  des  yeux  (fig.  56). 

Agriculture,  habitat,  population. 

Les  calamités  des  inondations  ont  eu  au  moins  d'heuretises  conséquences 
pour  la  bonté  du  sol  La  Flandre  zélandaise,  recouverte  à  différentes 
reprises  du  manteau  gris  des  alluvions  marines,  a  vu  la  fertilité  de  son  sol 
renouvelée  à  chaque  désastre.  Les  petits-neveux  ont  profité  des  malheurs 
qui  ont  frappé  les  ancêtres  ;  son  sol  est  le  plus  riche  de  la  Plaine,  parti- 
culièrement dans  les  polders  qui  sont  plus  proches  de  la  mer  ;  la  différence 
est  sensible  entre  les  belles  terres  de  Kadzand,  Groede,  Sehoondijke,  et  les 
polders  aigres  et  humides  de  Heille  ou  de  St-Kruis.  Les  propriétaires  d'un 
polder  neuf,  obligés  de  le  laisser  la  première  année  sans  culture  pour 


*  Sur  l'agriculture,  voir  :  de  Hoon,  Mémoire  sur  les  polders  de  la  rive  gauche  de 
l'Escaut  et  du  littoral  belge.  (Mém.  couronnés  par  l'Acad.  roy.  Bclg.,  série  in-8%  V, 
1852,  1U  p.,  7  cartes,  2  pl.) 


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LA  VIE  DANS  LA  PLAINE 


pouvoir  combler  les  creux  et  égaliser  le  sol,  n'y  perdent  rien  ;  les  années 
suivantes,  cette  argile  grise  compacte  aux  crevasses  innombrables  donnera 
sans  engrais  des  recolles  plus  abondantes  que  toutes  les  terres  voisines. 
Seul  remplacement  de  quelques  anciennes  criques  fait  tache  ;  le  sol  en  est 
blanchâtre,  garni  de  roseaux  ;  de  chaque  côte  le  blé  ne  pousse  pas,  et  on 
voit  les  épis  devenir  plus  forts  en  proportion  de  la  distance  où  ils  sont  de 
cette  terre  restée  salée. 

L'extension  de  la  culture  des  céréales  s'accompagne,  comme  dans  le 
reste  de  la  plaine,  de  la  présence  de  grandes  exploitations,  plus  vastes 
encore  qu'a  l'Ouest  duZwin.  La  Flandre  zélandaise  est  le  pays  des  grandes 
fermes,  et  aussi  des  grandes  propriétés.  I,a  famille  d'Arembcrg,  après 
être  restée  en  procès  jusqu'à  la  Révolution  avec  l'abbaye  de  Tronchiennes 
à  propos  des  terres  englouties  de  Saaftinge  \  reçoit  aujourd'hui  la  récom- 
pense de  son  (distination  ;  rien  qu'au  Sud  de  la  frontière  hollandaise,  elle 
possède  1.400  hectares  de  terres  magnifiques  *,  et  ses  polders  hollandais, 
agrandis  en  1904,  sont  peut-être  plus  étendus  encore.  Les  bâtiments 
d'exploitation  répondent â  l'étendue  des  terres;  cependant  la  grande  ferme 
de  la  Flandre  zélandaise  ne  ressemble  pas  à  celle  du  Calaisis  ou  du  Fur- 
nambacht.  Au  lieu  des  bâtiments  disposés  autour  d'une  cour,  elle  ne 
comprend  guère  que  deux  constructions.  L'une  est  l'habitation,  toujours 
à  l'écart,  quelquefois  â  ÔO  ou  100  mètres  du  reste  ;  bâtie  en  briques, 
couverte  en  tuiles,  entourée  d'un  trottoir  en  briquettes,  ornée  d'une  plate- 
bande  de  fleurs,  elle  regarde  d'ordinaire  non  vers  la  ferme,  mais  vers  le 
jardin  ou  le  verger;  c'est  la  maison  d'un  homme  â  l'aise,  qui,  rentré  chez 
lui,  veut  trouver  un  cadre  agréable,  propre  â  lui  faire  oublier  ses  occupa- 
tions ordinaires.  Certaines  ont  l'air  de  véritables  maisons  de  plaisance,  avec 
leur  jMMiiture  gaie  des  volets  et  des  portes,  et  à  l'intérieur  leurs  chambres 
revêtues  de  carreaux  «le  faïence  chargés  de  scènes  bibliques.  L'autre 
construction  comprend  tous  les  services  de  la  ferme.  C'est  une  sorte 
d'immense  grange,  parfois  longue  de  25  mètres  et  large  de  10;  les  murs 
sont  en  bois,  d'immenses  poutres  mal  équarries  que  l'on  goudronne,  ou 
que  l'on  badigeonne  en  rouge;  le  toit,  très  haut,  est  de  chaume  ;  il  se 
relève  et  sWhanerc  au  droit  des  grandes  portes,  généralement  deux  de 
chaque  côté.  Tout  tient  dans  ce  vaste  édifice,  séparé  à  l'intérieur  par  des 
cloisons  :  d'un  côté  les  écuries,  qui  contiennent  dans  les  grandes  fermes, 
outre  les  poulains,  14  â  10  chevaux  de  trait;  d'un  autre  l'étable  ;  à  une 


«  Cf.  Arch.  Nat.,  F"  1121. 

*  Vandervi'M.'  (E.),  La  proprrôn-  funeu'iv  on  Bolpique  (Paris.  Schloichor,  11)00), 

pp.  w-io:?. 


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(Min  l'p,p  '!«••<  »fiis«'  i'ii  ;  •  »*  i  *  »  ;  !♦■  h'it,  t"«-s  linut,  i»sl  il»»  <'ha:T'ii<<  ;  »1  «•, 
»i*b*»vi*  t»t  *.'*'i  !mii''|i*  ail  tlroil  <!••>  praa*!^  |i«»t'lt*<,  ii/*r  l»'tn**nf  ib*u\  •!.• 
«  )i,.  !iif  ,*/■!•».  To'it  I j* nt  i!'iji»î  rc  ôfiifîn»,  st*'tuiv  à  riMtVrci'ur  \'M 

■  !».'•  -  s:  ij'nn  i*f*»r  l's  »'>»'uri<^.  «jui  ••«•;.  t  i*  m*  *n  I  <Ians  li-<*  Lrr;ii!iii"<  UM'tii'iK. 
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\  h  Nui..  1     ».  "I. 


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LA  FLANDRE  ZÉLANDAISE 


extrémité  la  charretterie,  généralement  disposée  pour  abriter  quatre 
grands  chariots  à  quatre  roues,  peints  en  vert  et  en  rouge,  plus  largos 
que  ceux  du  reste  de  la  Plaine,  afin  de  ne  pas  verser  sur  les  digues  où  les 
inégalités  sont  fréquentes  ;  par  dessus  le  tout,  le  grenier  à  foin  et  à  blé. 
C'est  bien  ainsi  que  devaient  être  les  «  Grangiae  »  possédées  par  les 
abbayes  cisterciennes  dans  leurs  domaines  de  TEst.  Les  progrès  de 
l'élevage  depuis  20  ans  ont  fait  élever  dans  quelques  fermes  des  construc- 
tions annexes;  mais  c'est  toujours  l'immense  grange  qui  reste  le  trait 
dominant.  La  même  disposition  se  retrouve  en  Zélande  ;  plus  loin,  en 
Frise,  la  ferme  se  réduit  à  un  seul  bâtiment,  qui  ressemble  à  la  grange  des 
Polders,  et  dont  l'habitation  se  dégage  légèrement.  Ainsi  cette  ferme  du 
Nord  de  la  Flandre  serait  une  transition  entre  la  maison  frisonne  et  la 
maison  flamande.  De  la  ferme  frisonne  à  un  bâtiment,  on  passe  à  la  ferme 
zélandaise,  qui  en  a  deux  ;  dans  le  Houtland,  la  vaste  grange  d'exploitation 
se  dédouble,  la  ferme  comprend  trois  bâtiments  séparés  autour  d'une  cour; 
dans  le  Sud  ces  bâtiments  se  rapprochent,  se  rejoignent,  et  l'on  a  la  ferme 
wallonne  de  Lille,  carrée,  fermée  de  tous  côtés,  qui  annonce  la  ferme 
picarde.  Il  y  a  là  à  coup  sûr  des  différences  ethnographiques;  mais  le  chan- 
gement qu'on  observe  de  chaque  côté  du  Zwin  peut  avoir  une  explication 
géographique  ;  la  culture  des  céréales  a  toujours  été  plus  importante  en 
Flandre  zélandaise  que  dans  le  Franc  de  Bruges  ;  de  là,  dans  les  polders 
zélandais,  la  prédominance  du  type  «  grange  »,  que  les  récents  progrès 
de  l'élevage  ne  sont  pas  venus  encore  modifier 1 . 

Avec  son  verger  et  son  massif  do  grands  arbres,  la  ferme  zélandaise  est 
vraiment  un  ensemble  imposant.  Bien  petite  paraît  à  côté  d'elle  la  maison 
de  l'ouvrier  agricole.  Il  est  vrai  que  son  exiguité  frappe  moins,  parce 
qu'elle  est  rarement  isolée;  les  habitations  vont  toujours  par  hameau.  C'est 
au  croisement  de  trois  ou  de  quatre  digues  qu'elles  s'établissent;  il  le  faut 
bien,  car  les  digues  sont  le  seul  moyen  de  communication  dans  un  pays 
impraticable  l'hiver;  et  l'on  est  ainsi  à  proximité  de  plusieurs  polders.  La 
ferme  est  généralement  placée  dans  les  mêmes  conditions;  mais  tandis  que 
ses  bâtiments  sont  assis  dans  le  poldor,  les  petites  maisons  no  s'écartent  pas 
de  la  digue  ;  les  unes,  les  plus  anciennes,  accrochées  à  la  partie  inférieure, 
les  plus  récentes  établies  tout  en  haut,  do  sorte  qu'il  y  a  parfois  ainsi  deux 
rangées  de  maisons  Tune  au-dessus  de  l'autre.  Quelquefois  le  hameau 
s'allonge,  devient  village  ;  Wostdorpe  se  déroule  tout  au  long  d'une  digue 
de  4  kilomètres  ;  au  centre,  on  compte  quatre  rangées  de  maisons,  deux  en 


1  Quelquefois  on  élève  deux  de  ces  granges  face  à  face  ;  l'une  reste  réservée  aux 
récoltes  ;  dans  l'autre  on  établit  les  animaux. 


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LA  VIE  DANS  LA  PLAINE 


contre-bas,  deux  en  haut  sur  la  digue.  Il  était  défendu  jadis  de  bâtir  sur 
une  digue,  crainte  de  la  détériorer;  aujourd'hui  la  défense  ne  s'étend  plus 
guère  qu'aux  digues  de  mer,  et  les  petits  hameaux  de  maisons  claires, 
dominées  par  la  haute  silhouette  du  grand  moulin  en  briques,  escaladent 
de  plus  en  plus  les  tertres  pour  venir  se  placer  au  niveau  du  chemin. 

Les  principaux  groupements,  cependant,  ne  se  trouvent  pas  dans  cette 
situation  pittoresque.  Ce  sont,  ou  bien  de  gros  bourgs  comme  Schoondijke, 
Zaamslag,  Bosehkapelle,  que  l'on  a  fondés  tout  d'une  pièce  après  la  recon- 
quête, au  croisement  de  quatre  routes,  bien  au  centre  d'un  grand  polder, 
ou  bien  les  «  villes  >  de  la  plaine,  assises  sur  une  faible  éminence  qui  les 
préservait  des  inondations.  Ces  villes  ne  sont  que  des  bourgades,  à  peine 
de  gros  villages.  Sluis  n'est  qu'une  nécropole  :  le  quai,  une  rue  avec  quelques 
magasins,  quelques  maisons  et  des  fermes  ;  les  terrains  bâtis  ne  garnissent 
guère  qu'un  cinquième  de  l'enceinte  ;  le  reste  forme  des  champs  et  des 
pâtures  garnies  d'arbres  superbes  ;  c'est  plus  une  forôt  qu'une  ville. 
Sas-de-Gand  n'est  qu'un  quai,  Philippine  ne  fait  illusion  qu'à  cause  de  ses 
remparts.  Il  ne  reste  guère  que  deux  villes  :  Hulst  et  Terneuzen.  La 
première,  qui  n'a  pas  4.000  habitants,  est  une  pauvre  bourgade  de  rentiers, 
d'ouvriers  agricoles  et  de  petits  artisans.  Terneuzen  n'est  urbaine  que  dans 
la  partie  Est,  autour  de  la  motte  qui  porte  deux  hauts  moulins  à  plate- 
forme; elle  vit  du  canal  qui  mène  à  Gand.  I^e  terrain  y  étant  moins  cher 
que  dans  la  grande  ville,  on  y  a  établi  d'immenses  entrepôts  de  bois,  et 
quelques  navires  y  débarquent  leur  chargement,  ce  qui  leur  vaut  un  fret 
moins  élevé  et  leur  évite  au  moins  un  jour  de  navigation.  Mais  villages  ou 
villes  ont  le  môme  air  de  propreté  minutieuse  auquel  se  reconnaît  n'importe 
quelle  localité  hollandaise.  Ce  sont  toujours  les  petites  maisons  sans  étage, 
aux  murs  crépis  irréprochables,  et  où  tout  ce  qui  est  bois  est  peint, 
montants  des  portes  et  des  fenêtres,  poutres  dépassant  le  toit,  balustrades 
courant  devant  les  maisons,  si  nombreuses  que  des  rues  ont  l'air  de  boxes. 
De  Westcapelle  à  Cassandria,  de  Maldegem  à  Aardenburg,  on  sent  la 
différence  entre  l'honnête  propreté  belge  et  les  raffinements  hollandais.  Il 
y  a  une  nuance  cependant;  le  pays  d'Hulst  est  déjà  plus  flamand,  les 
maisons  sont  plus  basses,  les  fenêtres  plus  enfoncées,  moins  larges,  pour- 
vues de  contrevents  extérieurs  ;  au  contraire  le  pays  de  Kadzand,  avec  ses 
grandes  larges  fenêtres  au  ras  du  mur,  sans  contrevents,  ses  contrastes 
heureux  de  couleur,  la  fraîcheur  des  teintes  renouvelées  chaque  année,  ses 
fleurs,  ses  arbres,  évoque  déjà  les  paysages  gracieux  et  calmes  de  Zélande 
et  de  Hollande. 

Un  contraste  analogue  s'accuse  dans  la  population,  et  contribuo  effica- 
cement à  faire  diviser  la  Flandre  zélandaise  en  deux  parties  dont  l'une  est 


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LA  VIE  DANS  LA  PLAINE 


le  pays  de  Kadzand,  et  l'autre  le  pays  d'Axel,  (il  vaudrait  mieux  dire  pays 
de  Hulst).  Si  l'habitant  de  ces  polders,  depuis  la  disparition  des  fièvres,  est 
en  général  grand,  robuste,  flegmatique,  les  différences  sont  sensibles  entre 
les  hommes  de  l'Est  et  ceux  de  l'Ouest  ;  et  ces  différences  viennent  de  leur 
origine  distincte.  lorsque  le  pays  se  repeupla  après  la  guerre  de  80  ans,  ce 
furent  des  Flamands  du  Sud  qui  s'établirent  à  Hulst  et  aux  environs, 
jusqu'à  Ossenisse,  Zaamslag,  Axel  et  le  Sas-de-Gand.  Aussi  parle-t-on  dans 
cette  partie  la  même  langue  qu'à  Gand  '  ;  les  catholiques  y  sont  on  grande 
majorité  :  dès  1730,  ils  étaient  déjà  les  7/8  de  la  population  du  district  1  ; 
à  Hulst,  ils  sont  2.500  contre  600  réformés  ;  leur  prédominance  est  attesté*.» 
par  les  hautes  flèches  qui  couronnent  leurs  églises,  tandis  que  les  temples 
protestants  de  l'Ouest  se  contentent  d'un  clocher  très  simple  et  très  bas.  Au 
contraire,  ce  furent  des  Zélandais  qui  vinrent  habiter  les  nouveaux  polders 
de  l'Ouest,  que  les  chenaux  du  Zwin,  du  Passegeule  et  du  Braakman 
isolèrent  de  la  Flandre  jusqu'à  la  fin  du  XVIII8  siècle,  et  avec  eux  bien 
d'autres  éléments  ;  réfugiés  français  après  1685  3,  Salzbourgeois  chassés 
par  leur  archevêque,  Wallons  et  Allemands  des  garnisons  qui  y  furent 
maintenues  jusqu'à  la  Révolution.  Tous  sont  protestants,  de  caractère 
plus  grave  et  plus  calme  que  les  catholiques  du  Sud  ;  peut-être  plus  instruits. 
Plus  isolés  des  Flamands,  ils  ont  mieux  conservé  leurs  anciennes  coutumes  ; 
il  n'y  a  plus  guère  que  chez  eux,  et  surtout  vers  Hoek  et  Terneuzen,  que  l'on 
ait  gardé  les  anciens  costumes.  Les  catholiques  d'ailleurs  augmentent  de 
nombre  même  dans  l'Ouest,  grâce  à  l'immigration  des  ouvriers  du  Hout- 
land,  qui  viennent  chaque  année  de  temps  immémorial  sarcler  et  arracher 
le  lin,  biner  et  récolter  les  betteraves,  et  dont  quelques-uns,  attirés  par  le 
prix  élevé  des  salaires,  finissent  par  se  fixer  dans  le  pays. 

Tous  ces  habitants  vivent  de  l'agriculture  :  nulle  part  il  n'y  a  moins 
d'industrie.  A  peine  quelques  brasseries,  des  briqueteries;  les  fours  à 
garance  ont  disparu.  Le  vaste  établissement  des  Aciéries  construit  à  Ter- 
neuzen n'a  jamais  fonctionné;  il  va  disparaître.  Seul  le  Sas-de-Gand,  grâce 
au  canal  et  à  la  proximité  de  la  frontière  belge,  possède  quatre  usines, 
deux  sucreries,  une  glacerie,  une  fabrique  de  couleurs  ;  ainsi  cette  bour- 
gade dont  le  rôle  a  été  longtemps  celui  d'une  petite  place  de  frontière  est 
devenue  le  seul  centre  industriel  de  la  Flandre  zélandaise.  La  pêche  est 


*  Cf.  Winklor  (.1.),  Algemecn  Nodorduitsch  on  Friesch  Dialecticou  (S'Gravenhage, 
Martinus  Nijhofl",  1874,  in-8«),  II,  pp.  176-22!). 

*  de  Potter,  Heschrijving  van  Hulst,  p.  67. 

3  Les  noms  français  sont  nombreux  à  Groede  :  tels  Bécu,  Freuillct,  Frémiot,  de 
Hullu,  Lucier,  Roussoau,  Tellicr,  Toussaint,  etc. 


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LA  FLANDRK  ZÉLANDAISE 


3.11 


nullo  :  Broskens  arme  24  barques,  Terneuzen  deux  ou  trois  ;  ce  sont  les 
chaloupes  zélandaises  qui  peuplent  l'Escaut.  Il  n'y  a  plus  rien  de  marin  à 
Biervliet,  patrie  de  la  raque,  ni  à  Kadzand,  dont  les  marins  en  1270 
transportèrent  Guy  de  Dampierre  à  la  croisade  de  Tunis  ;  les  anciens  havres 
sont  comblés.  Seule  Philippine  grâce  à  son  port  artificiel  maintient  sa 
florissante  pêche  de  moules.  La  Flandre  zélandaise,  comme  le  Franc  de 
jadis,  est  fondée  sur  labourage  et  pâturage  ;  elle  ne  s'occupe  que  de  vendre 
son  lin  et  ses  betteraves,  élever  ses  chevaux  et  son  bétail.  L'hiver,  lorsque 
la  culture  chôme,  la  plaine  semble  abandonnée,  le  mouvement  est  nul  sur 
les  chemins  impraticables. 

L'isolement  économique. 

L'agriculture  au  moins  fait-elle  prospérer  ce  pays?  On  pourrait  le  croire, 
tant  cette  race  courageuse  et  soigneuse  donne  a  la  région  qu'elle  habite 
un  air  d'aisance  qui  peut  faire  illusion.  Pourtant  l'agriculture  zélandaise 
se  débat  dans  une  crise  qui  dure  depuis  1830.  Ce  n'est  pas  qu'elle  soit 
aussi  routinière  qu'on  le  lui  reprochait  en  1850  1  ;  la  culture  y  a  fait 
de  grands  progrès,  et  il  y  a,  dans  le  Koningin-Emma  polder,  telle  ferme 
neuve,  avec  installations  électriques,  qui  peut  servir  de  modèle  à  toute 
la  Flandre.  Mais  le  développement  de  celte  province  est  entravé  par 
la  frontière  politique  et  douanière  qui  depuis  trois  siècles  l'isole  du 
pays  dont  elle  fait  naturellement  partie.  Tout  incline  la  Flandre  zélandaise 
à  regarder  vers  le  Sud.  Ixîs  communications  avec  les  autres  provinces 
des  Pays-Bas  sont  difficiles  a  cause  des  bras  de  mer,  et  d'ailleurs,  la 
matière  d'un  commerce  fait  défaut;  si  les  petits  bateaux  hollandais, 
avec  leurs  nageoires  caractéristiques,  peuvent  apporter  tous  les  8  ou 
15  jours  à  Terneuzen,  Breskens,  Mauritsfort,  Walsoorden,  quelques 
caisses  de  denrées  coloniales  et  quelques  chargements  de  matériaux 
pour  les  digues,  en  revanche  ils  ne  trouvent  à  peu  près  rien  à  rem- 
porter; la  Zélande,  la  Hollande,  la  Frise  produisent  dans  leurs  polders 
ce  que  pourrait  leur  offrir  la  lointaine  région  flamande.  Au  contraire,  tout 
favoriserait  les  échanges  avec  la  Belgique.  Chemins  de  fer  et  canaux  y 
aboutissent.  C'est  a  Court  rai  que  l'on  envoie  la  plus  grande  quantité 
du  lin,  et  le  reste  dans  le  pays  de  Waes.  I>es  betteraves  du  pays  vont 
alimenter  les  usines  de  Selzaete  et  de  Snaeskerke.  C'est  vers  les  centres 
populeux  de  Gand,  Anvers,  Bruxelles  et  du  pays  wallon,  que  doivent 


1  De  Hoon,  Polders,  p.  88. 


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LA  ME  DANS  LA  PLAINE 


se  diriger  les  bestiaux  de  la  province.  Enfin  beaucoup  de  propriétaires 
sont  Belges  ou  Français,  et  un  nombre  déjà  respectable  de  fermiers  est 
formé  d'hommes  du  Houtland,  aux  dépens  des  fermiers  protestants  que 
leur  éducation  plus  avancée  rend  peut-être  moins  souples  à  l'égard  de 
leur  propriétaire.  Bref,  les  gens  du  pays  évaluent  à  9/10  du  total  les 
affaires  qu'ils  font  avec  leurs  voisins  du  Sud,  contre  1/10  avec  leurs  com- 
patriotes du  Nord.  Or  la  frontière  est  là,  qui  vient  arrêter  cet  irrésistible 
mouvement.  L'avoine  zélandaise  est  taxée  au  passage:  l'entrée  des  bes- 
tiaux est  depuis  quelque  temps  interdite,  sous  le  prétexte  d'épizooties. 
Or  l'élevage  étant  devenu  depuis  une  dizaine  d'années  la  ressource 
principale  du  pays,  la  Flandre  zélandaise  doit  exporter  à  tout  prix  ; 
delà  une  contrebande  effrénée,  qui  s'exerce  surtout  à  l'Est  de  Philippine, 
là  où  les  fraudeurs  ne  rencontrent  pas  sur  leur  route  l'obstacle  des 
canaux  Léopold  et  de  Schipdonck.  C'est  là  que  l'on  voit,  sur  ces  vastes 
étendues  plates,  des  troupeaux  entiers  de  bœufs  lancés  au  galop  franchir 
la  frontière  dans  un  élan  furieux  dont  les  douaniers  sont  obligés  de  se 
garer.  Et  la  fraude  s'étend  aux  cigares,  au  fromage,  aux  poules  ;  tous 
les  miséreux  de  la  lisière  sablonneuse  se  font  contrebandiers  ;  de  véri- 
tables agglomérations  de  fraudeurs  s'établissent  sur  la  frontière. 

Malgré  ce  remède  hasardeux,  la  Flandre  zélandaise  souffre  de  ce 
manque  de  débouchés.  La  population  diminue  ;  on  émigré  en  Amérique  ; 
on  démolit  les  fermes  inoccupées.  Ainsi  ce  sympathique  pays  continue  à 
être  sacrifié.  Il  l'est  depuis  le  jour  où  les  Provinces-Unies  en  ont  fait  un 
boulevard  de  la  Zélande,  et  s'en  sont  servies  pour  ruiner,  dans  les  provinces 
du  Sud  qui  refusaient  d'adhérer  à  l'acte  d'union,  l'agriculture  et  le  com- 
merce. Le  Zwin,  le  Braakman,  l'Escaut,  furent  fermés  à  la  navigation  ; 
le  pays  environnant  noyé  sous  les  inondations  militaires,  et  séparé  de  la 
Flandre  par  les  forteresses  de  la  Ligne.  A  l'abri  de  cette  zone  sacrifiée,  la 
Zélande  péchait  et  moissonnait  en  paix.  Ligne,  inondations,  prohibitions, 
péages,  ont  disparu  ;  l'Escaut  est  libre,  le  canal  de  Terneuzen  remplace  le 
Braakman,  et  Bruges  a  son  débouché  sur  la  mer  ;  mais  la  Hollande  en 
1830  a  gardé  les  provinces  conquises  par  Maurice  de  Nassau;  elles 
resteront  gênées  dans  leumiévcloppementtant  qu'une  union  douanière  ne 
les  aura  pas  rattachées  à  la  Belgique,  dont  elles  dépendent.  Leur  exemple 
montre  que,  livrée  à  elle-même,  la  plaine  maritime  ne  peut  prospérer; 
qu'elle  a  besoin  du  Houtland  auquel  elle  envoie  ses  produits,  et  qui  lui 
fournit  sa  main-d'œuvre  ;  en  un  mot,  que  les  deux  grandes  régions 
flamandes  sont  solidaires. 


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.  333 


CHAPITRE  XIII. 
FLANDRE  INTÉRIEURE.— L'AGRICULTURE  FLAMANDE 1 


I.  Le  pays  aux  arbres.  Les  forêts.  Zone  des  bois  et  des  bruyères.  Les  arbres.  — 
I [ .  Caractères  t/énérauj-  de  i'at/riculture.  Défauts  du  sol.  Les  exploitations.  Les 
procédés.  —  III.  Variétés  réi/ioiudrs.  Le  pays  du  sable.  Lo  pays  de  W'aes.  \jù  pays 
d*Alost.  l,c  pays  île  Courtrai.  Houtland  do  l'Ouest.  Le  pays  de  Lille.  La  plaine  de  la 
Lys.  —  IV.  L'évolution  actuelle  ;  les  spéculations  animales. 

L 

LK  PAYS  AUX  ARBRKS. 

Delà  Plaine  à  l'intérieur,  la  transition  est  brusque.  On  quitte  les  terres 
nues  pour  les  ombrages  ;  la  région  découverte  pour  le  pays  des  arbres. 
C'est  comme  un  bois  continuel,  dit  l'intendant  Dugué  de  Bagnols  ;  un 
immense  jardin  percé  d'avenues,  ajoute  le  'préfet  Dieudonné  *.  L'ingé- 
nieur Cordior  le  décrit  comme  «  une  forêt  de  haute  futaie  qui  forme  de 
toutes  parts  l'horizon  ;  à  mesure  qu'on  s'avance,  la  forêt  semble  s'éloigner, 
et  au  lieu  d'entrer  dans  un  bois  épais  et  sombre,  ou  continue  à  voir  des 
arbres  magnifiques,  isolés  et  fort  espacés...  »  \  La  guerre  acharnée  faite 
aux  arbres  depuis  30  ans  n'a  pas  encore  fait  disparaître  cet  aspect,  resté 
particulièrement  accentué  dans  le  pays  de  Waes.  En  venant  des  Pol- 
ders, cette  contrée  fait  l'effet  d'une  belle  forêt  d'arbres  fins;  de  plus  près, 
cette  sylve  s'anime,  on  aperçoit  des  toits  bas  de  tuiles  rouges,  et  on 
distingue  les  premières  lignes  de  peupliers  du  Canada  dressés  autour 


«  A  consulter  :  Van  Aelbroerk,  L'Agriculture  pratique  de  la  Flandre  (Paris,  1830)  ;— 
De  Laveleye  (E.),  Kssai  sur  l'économie  rurale  de  la  Belgique,  (2e  éd.,  Bruxelles, 
Lacroix,  1803,  in-12*);  — Statistique  de  la  Belgique,  Agriculture,  Recensement  général 
de  1895  (Bruxelles,  1900,  5  vol.  dont  un  d'Introduction  ;  un  allas)  ;  —  Monographie 
agricole  de  la  Région  sablonneuse  des  Flandres  (Bruxelles,  1900)  ;  —  Monographie  agri- 
cole de  la  Région  limoneuse  et  sablo-limoneuse  (Bruxelles,  1901). 

*  Mémoire  de  l'intendant  Dugué  de  Bagnols,  Bull.  Connu.  H.  X.,  X,  p.  402.  — 
Dieudonné,  Statistique,  I,  p.  2f>St. 

3  Cordier,  Mémoire  sur  l'agriculture  de  la  Flandre  française  et  sur  l'économie  rurale 
(Paris,  Didot,  1823,  fw3  p.),  p.  388. 


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334 


FLAN  DR  K  INTÉRIEURE.  -  L'AGRICULTURE  FLAMANDE 


de  chaque  pièce  de  terre,  qui  forment  cette  prétendue  forêt  ;  on  s'avance, 
et  l'aspect  boisé  persiste  ;  à  travers  tout  le  pays  de  Waes  on  se  croirait 
dans  une  clairière  dont  le  bord  reculerait  toujours.  Autrefois,  par  toute 
la  Flandre  intérieure,  chaque  pièce  de  terre,  pâture  ou  champ,  était 
entourée  d'arbres  et  de  haies  comme  les  «  akkers  »  du  pays  de  Waes; 
c'était  la  parure  et  l'originalité  du  pays  ;  et  aujourd'hui  encore,  en  venant 
des  plateaux  de  Picardie  ou  do  Brabant,  c'est  comme  le  pays  aux  arbres 
que  se  présente  la  Flandre  • 

Les  forêts. 

Cette  abondance  des  arbres  a  de  bonne  heure  fait  croire  que  la  Flandre 
intérieure  a  été  jadis  une  vaste  solitude  boisée.  la  première,  la  chronique 
de  Lambert,  moine  de  St-Bertin,  écrile  en  1120,  atteste  qu'au  VIIIe  siècle 
la  Flandre  était  «  inculla,  vacua,  ac  nemorosa»*;  bien  d'autres  ont 
suivi.  Los  textes  cependant  sont  moins  formels  que  les  chroniqueurs. 
Sans  doute  César  indique  les  «  continentes  silvas  »  qui  garnissent  la 
contrée  des  Ménapiens  et  des  Morins  3,  et  Slrabon,  Dion  Cassius  parlent 
à  la  dérobée  des  bois  qui  servaient  d'asile  aux  habitants  ;  mais  le  nombre 
et  l'importance  des  trouvailles  romaines  faites  à  travers  la  Flandre 
intérieure  semblent  indiquer  que  dès  le  IVe  siècle  le  pays  était  déjà 
largement  érodé  et  peuplé.  Il  n'y  avait  en  Flandre  rien  qui  ressemblât  à 
la  Charbonnière  ;  mais  des  forêts  séparées,  entre  lesquelles  s'établit  la 
colonisation  franque  probablement  aux  mêmes  emplacements  que  la 
colonisation  gallo-romaine.  Un  capitulaire  de  877  nomme  la  Lisga  et  le 
Sceldeholt,  qui  bordaient  les  rives  de  l'Escaut  et  de  la  Lys  1  ;  et  à  l'époque 
de  St-Bavon  (VIIe  siècle)  s'étendait,  entre  Thourout  et  Gand,  «  une  vaste 
solitude  d'arbres  serrés  »  8.  Le  fait  que  l'on  distingue  des  forêts  semble 
bien  indiquer  qu'elles  ne  couvraient  qu'une  partie  de  la  contrée.  Au  XIe 


1  Les  noms  îles  communes  flamandes  sont  fréquemment  empruntés  à  des  noms  de 
végétaux.  Kecloo  est  le  bois  des  chênes;  Eecke,  le  chêne;  Zeveneecken,  sept  chênes; 
Alost  (Aalst)  signifie  aulne;  Itnurhaute  est  le  bois  de  hêtres;  Lootenhulle,  le  bois 
près  de  la  colline  ;  Houtkerque,  l'église  du  bois;  Lynde.  le  tilleul;  Abeele,  le  tremble  ; 
Quaedvpre,  l'orme  tordu  ;  Kschen,  le  frêne,  etc. 

î  M.  f..  SS.  IX,  p.  30!). 

3  De  Bello  Gallico,  lib.  III,  cap.  XXVIII. 

»  Haluze,  Capitulaires,  II,  p.  ^i*. 

»  Acta  SS.  Helg.,  II,  pp.  HOU-riO!». 


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LES  FORÊTS  335 

siècle,  on  mentionne  la  forêt  d'Houthulst 1 ,  ce  qui  signifie  que  le  pays 
qui  l'entoure  n'est  plus  boisé.  Le  bois  du  Ham,  entre  Watten  et  St- 
Momelin,  est  juste  aussi  étendu  au  Xlir  siècle  qu'aujourd'hui1.  Quant 
au  «  Neraus  sine  misericordia  »  des  chroniqueurs,  qui  courait  à  travers 
toute  la  Flandre,  aucun  texte  positif  ne  vient  en  affirmer  l'existence. 

D'ailleurs  la  plupart  des  paroisses  de  la  Flandre  intérieure  apparaissent 
de  bonne  heure  dans  les  documents  écrits.  Le  cartulairo  de  St-Pierre  de 
Gand  mentionne,  du  VU"  au  XIe  siècles,  presque  toutes  les  localités  situées 
sur  l'Escaut  et  la  Lys.  Dans  la  région  même  qui  est  restée  la  plus  boisée, 
des  villages  sont  établis  de  bonne  heure  :  Roxera  apparaît  en  745,  Adegem, 
Somergera,  vers  840,  Couckelaere.  Wynghene,  Beernem  en  847, Aertrycke 
en  902,  Aeltre  en  974  3.  A  la  fin  du  XIe  siècle  figurent  déjà,  dans  le 
cartulairo  de  l'abbaye  de  Voormezeele,  tous  les  villages  des  environs 
d'Ypres  4.  Enfin  l'on  vit  se  produire  au  XIIe  siècle  un  irrésistible  mouve- 
ment de  défrichement.  95  %  des  villages  actuels  existent  en  12<X),  et  tout 
autour  d'eux  disparaissent  les  forêts  et  les  bruyères.  Les  abbayes  nées 
de  la  réforme  de  Gérard  de  Brogne  ,  et  celles  qui  apparaissent  au 
XIIe  siècle  par  l'effort  des  Cisterciens,  joignent  leurs  efforts  à  ceux  des 
vieux  monastères:  tous  s'empressent  au  défrichement.  Le  pays  de  Waes  est 
déboisé  à  cette  époque,  et  le  «  Forestum  Wasda  »  dont  parle  le  roi 
Lothaire  en  909  8  est  réduit  au  XIIIe  siècle  à  des  waslines  sans  cesse 
rétrécies. 

Dès  lors  la  Flandre  devient,  comme  le  dit  avant  1250  l'Anglais  Glanville, 
un  pays  qui  possède  beaucoup  d'arbres,  et  peu  de  forêts  6  ;  et  c'est  exac- 
tement l'avis  de  son  contemporain  Guillaume  le  Breton,  qui  trouve  que 
«  peu  de  forêts  lui  donnent  de  l'ombre  »  Peu  de  forêts,  mais  beaucoup 
de  petits  bois,  il  n'y  avait  guère  do  paroisse  qui  n'en  eut  quelques 


1  Limburg-Stirum,  Curtulaire  de  Louis  de  Maie,  I,  p.  506. 

*  Haigneré,  St-Bertin,  II,  p.  150,  n»  1240. 

3  Roxem  :  Guérard,  St-Bertin,  p.  53  ;  Adegem  et  Somergem  :  Van  Lokeren ,  St-Pierre, 
I,  pp.  10-14;  Couckelaere,  Wynghene,  Beernem  :  charte  de  Charles  le  Chauve  dans 
Duvivier,  Hainaut,  pp.  2S77-2SK*  ;  Aertrycke  :  charte  de  Charles  le  Simple  dansDuvivier, 
Hainaut,  p.  325  ;  Aelire  :  Van  Lokeren,  St-Pierre,  I,  p.  40. 

*  Van  de  Putte  et  Carton,  Chronicon  Vormeselcuse  (Bruges,  Soc.  d'Em.,  1847,03 
p.  in-8°). 

«  Texte  dans  Kluit,  II,  pp.  30-31. 

6  Multas  quidem  habens  arbores,  non  tamen  mal  tas  silvas.  (Bartholomei  Anglici, 
Tractatus  de  Proprietatibus  rerum,  Coloniae,  1481,  in-f°),  traduit  dans  Histoire  litté- 
raire de  la  Franco,  XXX,  p.  350. 

i  Rari8  sylva  locis  fecit  umbram  (M.  G.  SS.  XXVI,  p.  322,  v.  146). 


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33fî  FLANDRE  INTÉRIEURE.  -  L'AGRICULTURE  FLAMANDE 


hectares.  Ils  se  sont  maintenus  à  peu  près  intacts  jusque  dans  la  première 
moitié  du  XIXe  siècle  et  n'ont  disparu  que  devant  l'afflux  de  population 
en  quôto  de  nouveaux  territoires.  Mais  depuis  cinquante  ans,  le  change- 
ment est  radical.  A  Nazareth,  la  moitié  de  la  commune  était  en  bois  avant 
1850;  il  n'en  reste  en  1895  que  279  hectares  sur  un  total  de  2.572.  A 
Staden,  la  forêt  d'Houthulst  s'avançait,  il  y  a  100  ans,  jusqu'au  village  ; 
elle  en  est  aujourd'hui  à  4  km.  Le  territoire  de  Moorsleede ,  d'après  un 
terrier  de  1660,  était  pour  moitié  couvert  de  bois:  on  n'y  trouve  plus  en 
1895  que  39  hectares  boisés  sur  2.951  de  superficie  totale,  et  le  nombre  est 
tombé  à  30  en  1904  ;  le  déboisement  a  tari  les  ruisseaux,  et  la  roue  du 
moulin  à  eau  sur  le  Passchendaelebeek  ne  tourne  plus.  A  Gulleghem, 
en  30  ans,  la  surface  boisée  est  passée  de  30  à  G  hectares.  De  Guerne  à 
Lendelede,  le  pays  en  1800  n'était  qu'un  bois  ;  il  en  reste  13  hectares. 
De  Poperinghe  à  Watou  et  à  la  frontière  française  s'étendait  il  y  a  50 
ans  une  forêt  continue,  la  Warande  ;  elle  est  réduite  à  27  hectares.  A 
Sorcus,  les  derniers  bois  sont  disparus  il  y  a  30  ans.  Partout  on  signale  le 
môme  phénomène. 

Il  ne  reste  plus  aujourd'hui  que  do  rares  débris  des  forêts  flamandes. 
Au  contact  de  l'Artois  et  de  la  Flandre  se  sont  maintenus  les  bois  d'Eper- 
lecques,  de  (ilairmaraisct  de  Nieppe  ;  sur  les  clyttes  des  environs  d'Ypres, 
les  habitants  ont  renoncé  à  déboiser,  et  laissé  debout  les  taillis  de  Saint- 
Sixte,  de  Zillebeke  et  d'Houthulst.  La  partie  qui  reste  la  plus  boisée, 
c'est  la  zone  sablonneuse  qui  commence  au  N.  -  E.  de  Dixmude,  et 
par  Thourout,  Aeltre,  Ursel,  s'avance  jusqu'au  delà  d'Eecloo,  à  la 
rencontre  des  sapinières  qui  garnissent  la  frontière  hollandaise  do 
Wachtebekeà  La  Clinge.  C'est  la  Campine  flamande  ;  le  paysage  rappelle 
aussi  la  Sologne,  avec  ses  bois  de  conifères,  ses  genêts  et  bruyères,  ses 
champs  de  seigle  maigre  ;  lorsque  la  nappe  d'un  étang  (poel)  apparaît 
entre  les  arbres,  et  que  l'on  aperçoit  au  bout  d'une  allée  la  silhouette 
d'un  château  de  briques,  l'illusion  est  complète. 


La  zone  des  bois  et  des  bruyères. 

Cette  écharpe  de  forêts  établies  sur  de  mauvaises  terres  fut  en  Flandre 
la  dernière  région  à  être  exploitée.  Le  défrichement  s'y  porta  surtout  au 
XIIIe  siècle  ;  mais  trop  fréquemment  les  bois  ne  furent  convertis  qu'en 
bruyères,  ou  wastines  ;  la  couche  de  tuf  qui  s'étend  souvent  a  une  faible 
profondeur,  et  dont  le  défoncement  exige  un  travail  difficile,  condamnait 
le  sol  à  rester  inculte  ;  à  la  place  de  la  forêt  s'étendit  le  Veld,  c'est-à-dire 


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LA  ZONE  DES  BOIS  ET  DES  BRUYÈRES 


la  terre  en  friche,  par  opposition  à  l'akker  ou  au  kauter  qui  sont  les 
terres  cultivées.  Ainsi  se  formèrent  ce  Bulscampvelt,  ce  Beverhoutsveld, 
qui  ont  survécu  jusqu'au  XIX'  siècle,  et  qui  étaient  les  parties  les  plus 
pauvres  et  les  plus  sauvagesde  la  Flandre.  Bruyères  et  bois  étaient  le  refuge 
des  maraudeurs  et  des  bétes  sauvages.  A  Beernem,  jusqu'au  XVIIIe  siècle, 
les  sangliers  ravageaient  les  champs  cultivés,  les  renards  dévoraient  les 
volailles,  les  loups  rendaient  la  campagne  peu  sûre  ;  le  nom  même  de  la 
commune  rappelle  les  ours  du  voisinage  *.  Du  XVe  au  XVIIIe  siècle,  les 
loups  sortis  des  bois  d'Houthulst,  de  Wynendaele  et  de  Thourout  courent 
le  pays  ;  de  grosses  primes  sont  payées  chaque  année  pour  leur  destruc- 
tion *.  De  curieuses  formes  d'exploitation  s'étaient  établies  sur  les  bruyères. 
Les  Velden  devinrent  la  propriété  des  habitants  dont  les  domaines 
entouraient  l'espace  essarté  ;  cette  zone  privilégiée  autour  de  la  bruyère, 
le  vrydom,  ne  se  confondait  pas  avec  une  paroisse,  et  pouvait  dépendre 
de  plusieurs.  C'est  ainsi  que  le  Beverhoutsveld  (Bruyère  du  bois  des 
Castors)  était  commun  à  des  habitants  d'Oedelem,  Beernemet  Oostcamp; 
que  le  Vry-Geweid  se  partageait  entre  gens  de  Swevczeele  et  de  Rudder- 
voorde  ;  que  le  Gemecne  Weido  avait  son  vrydom  sur  Oedelem  et  Asse- 
brouck.  Les  exploitants  (amborgers)  élisaient  des  administrateurs 
spéciaux  (veldheeren)  qui  réglaient  l'admission  des  bestiaux  sur  la  pâture 
commune.  Il  fallut  le  XIXe  siècle  pour  amener  des  modifications.  A  une 
époque  où  l'on  défrichait  de  tous  côtés,  il  paraissait  scandaleux  de  laisser 
sans  culture  ces  vastes  espaces  :  l'insalubrité  des  bruyères,  où  s'amassaient 
des  eaux  stagnantes  arrêtées  par  le  tuf,  fournit  un  prétexte  au  gouver- 
nement d'intervenir.  \&  Beverhoutsveld  fut  déclaré  en  1847  bien  com- 
munal des  trois  paroisses  attenantes,  et  mis  en  culture.  Le  Gemeene 
Weide  d'Assebrouck,  au  cours  d'un  long  procès  entre  les  exploitants  et 
l'Ktat,  fut  confié  en  1862  à  une  commission  qui  l'administra  jusqu'en  1881, 
et  en  profita  pour  le  convertir  en  terre  arable,  y  tracer  des  chemins,  y 
creuser  des  fossés  ;  ce  fut  dans  cet  état  qu'on  le  rendit  aux  37  amborgers 
qui  depuis  en  ont  gardé  la  gestion.  Le  Vry-Geweid,  le  Sysselscho 
Veld  sont  devenus  bien  communaux  3.  Ainsi  sont  disparues  les  grandes 
bruyères  communes  de  Flandre  ;  il  n'en  reste  plus  guère  que  des  lam- 


•  Andries  (.1.  0.),  Notice  sur  la  grande  bruyère  flamande  de  Bulscamp.  (Bull.  Soc. 
hist.  et  litt.  Tournay,  t.  XI,  1880,  pp.  48-!C>). 
1  Delepierre  et  l'riem,  Précis  analytique,  Comptes  du  Franc,  passim. 

3  Sur  le»  Velden  flamands,  voir:  Errera  Les  Masuirs.  Recherches  sur  quelques 
vestiges  des  formes  anciennes  de  la  propriété  en  Belgique  (Bruxelles,  1801,  2  vol. 
m-8°),  I,  pp.  2*7-311  et  pp.  433-440. 

a 


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:«8  FLANDRE  INTÉRIEl'RE.  -  l/.UîRICl'I.Tl'RK  FLAMANDE 

beaux,  comme  le  Maoleveld,  débris  de  l'ancienne  wastine  où  chassaient 
les  corales. 

Cette  zone  des  bois  et  des  bruyères  garde  cependant  quelques 
Iraits    caractéristiques.    Nulle    part    les  communes   ne  sont  plus 
étendues  que  sur  son  parcours  ;  le  contraste  saute  aux  yeux  entre  leur 
vaste  superficie  et  l'étendue  restreinte  de  celles  qui  sout  situées  au  Nord 
et  au  Sud,  dans  la  plaine  maritime  ou  sur  les  bords  de  la  Lys  et  de 
l'Escaut 1 .  Là  sont  aussi  les  grandes  cotes  foncières  de  la  Flandre  inté- 
rieure, dont  les  propriétés  sont,  partout  ailleurs,  si  morcelées  :  les  339 
hectares  de  la  famille  d'Ursel,  à  Oostcamp,  d'origine  féodale  ;  les  biens 
des  descendants  de  M.  de  Naeyer,  répartis  dans  les  communes  d'Ursel, 
Aeltre,  Rellem  ot  Wynghene  ;  la  propriété  de  Wynendaele,  reste  du  grand 
domaine  des  comtes *.  Enfin  les  habitants  de  la  zone  boisée  ont  conservé 
quelques  particularités  qui  les  distinguent  du  reste  de  leurs  compatriotes. 
Réfugiées  à  l'abri  des  bois,  les  races  primitives  qui  peuplaient  la 
Flandre  avant  l'arrivée  des  Francs  ou  des  Celtes  y  ont  gardé  quelques 
traits  de  leur  type  ethnique.  C'est  aux  néolithiques  que  semblent  remonter 
directement  les  habitants  de  Ter  Heest,  hameau  sur  la  lisière  Nord  de  la 
forêt  d'Houthulst  ;  leurs  cheveux  noirs  et  hérissés,  leur  crâne  arrondi, 
leurs  yeux  bruns,  leur  teint  olivâtre,  les  distinguent  des  Flamands  aux 
yeux  bleus  et  cheveux  clairs  qui  les  entourent 3.  Le  même  type  a  été 
signalé  aux  hameaux  Ryvers,  de  Somergem,   Cleite,  de  Maldegem. 
Aelterhoeksken,  d* Aeltre,  tous  situés  dans  des  clairières,  et  au  faubourg 
du  Nieuwe  Markt,  à  Roulers.  Aujourd'hui,  si  le  type  primitif  se  métisse 
par  le  contact  avec  la  population  germanique,  les  mœurs  restent  spéciales. 
Les  gens  de  Ter  Heest  et  du  hameau  voisin  d'Houthulst  forment,  au  milieu 
des  populations  agricoles  qui  les  entourent,  une  curieuse  colonie  de 
marchands,  née  sous  l'influence  de  la  forêt.  Le  bois  et  la  bruyère  leur 
fournissaient  jadis  les  éléments  de  la  fabrication  de  brosses  et  de  balais, 
qu'ils  allaient  vendre  dans  le  voisinage  ;  ils  ont  étendu  cette  industrie, 
reçoivent  aujourd'hui  leur  matière  première  de  l'Amérique  par  Anvers, 
leur  bois  de  l'Ardenne  ou  de  France,  et  vont  vendre  leur  marchandise  à 
travers  toute  l'Europe,  jadis  en  France,  aujourd'hui  dans  le  fond  de 
l'Allemagne.  Leurs  voisins,  qui  les  craignent,  leur  attribuent  un  caractère 


I  MnMegon),  ti-TI   h«vi;itv>:    Aeltre,    WH;   Wynghene,  Thourout,  ï'ii:>: 

Oustc.nnp,  'ilt!'. 
i  Y;ui.lerveble,  Propriété  foncière  on  Belgique,  pp.  KMi-108. 

3  Cf.  Claerhout  (.1.),  L-s  habitants  .le  l;i  station  néolithique  «le  Ter  Heest  (Mull.  Soc. 
Anthr.  Brux.,  XX,  IWH-IKij. 


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l.KS  ARBRES 


rusé,  défiant,  plein  de  duplicité,  les  tiennent  pour  malins  et  menteurs; 
au  demeurant,  braconniers  impénitents,  et  batailleurs  acharnés.  La 
prospérité  leur  est  venue,  qui  leur  a  fait  remplacer  par  do  confortables 
maisons  de  briques  les  curieuses  huttes  en  terre  entremêlée  de  bran- 
chages, percées  d'une  seule  fenêtre  opposée  à  la  porte,  qui  rappelaient 
peut-être  les  habitations  de  leurs  lointains  ancêtres  ;  il  ne  reste  plus  guère 
sur  le  coteau  de  Ter  Heest  qu'une  dizaine  de  ces  invraisemblables 
demeures.  Ailleurs  la  présence  des  bois  avait  influé  d'une  autre  manière 
sur  la  santé,  les  mœurs,  les  occupations  des  habitants.  Les  topographies 
médicales  insistent  sur  le  tempérament  défectueux  des  gens  qui  habitaient 
auprès  des  forêts  ou  des  anciennes  bruyères  ;  la  Commission  médicale  de 
IfsiO  attribue  à  l'infertilité  do  leur  sol  et  à  la  misère  qui  en  résulte  la 
scrofule  et  une  sorte  de  lèpre  dont  ils  étaient  fréquemment  atteints.  A 
la  même  époque,  ou  signalait  dans  les  collines  de  Renaix,  encore  complè- 
tement boisées,  la  présence  d'une  population  spéciale,  hostile  à  la  fois 
aux  Wallons  et  aux  Flamands,  vivant  de  rapines  et  de  crimes.  Ce  ne 
sont  plus  guère  là  que  des  souvenirs;  la  diminution  des  bois  a  fait  dispa- 
raître les  tares  physiques  et  atténué  la  rudesse  des  mœurs  ;  l'habitant  de 
Schoorisse  ne  joue  pas  du  couteau  plus  souvent  que  ses  compatriotes  du 
pays  d'Alost,  et  les  «  boschkerles  »  de  la  Flandre  Occidentale  se  portent 
aussi  bien  que  leurs  voisins  des  terres  découvertes 

Les  arbres. 

Il  semble  que  le  mouvement  qui  depuis  le  début  du  XIX*  siècle  a  jeté  le 
peuple  flamand  à  l'assaut  des  bois  soit  à  la  veille  de  s'arrêter.  Aussi  bien 
ne  restc-t-il  plus  grand  chose  à  faire.  Les  forêts,  résineux  compris,  ne 
tiennent  plus  guère  que  5  °/„  de  l'étendue  exploitée  ;  -1,19  on  Flandre  Occi- 
dentale, 5,35  en  Flandre  Orientale.  Si  les  arrondissements  de  Bruges  et 
do  Gand,  qui  possèdent  la  zone  boisée,  en  ont  encore  7,28  et  7,53  "A,,  cl 
celui  d'Ypres  6,50,  l'arrondissement  de  Courtrai  n'en  a  plus  que  1,09*, 


1  Cf.  :  Huyiu-ns,  Ktndes  sur  les  mœurs,  les  superstitions  <>t  le  langage  île  nos 
ancêtres  (les  Ménapiens).  Cmul  1SM,  in-l^  ;  —  Rapport  .!«•  la  Commission  médicale 
«le  la  Flandre  Oeeidenude,  dans  l'empiète  sur  la  condition  des  classes  ouvrières,  III, 
pp.  2!iS-:<Of)  :  —  Woets,  Topographie  médicale  de  l'arrondissement  de  Dixmnde,  pp. 
Ii'é-(i8;—  Ditcpétiaiix  (Kd.),  Statistique  des  tribunaux  et  des  prisons  de  la  Belgique 
(Mess.  Se.  Hist.,  II,  1**',.  pp.  i»i',-18S);  -  Delvaux,  Notice  explicative  de  la  feuille  ,1e 
Flobecq  (Huit.  Soc.  Anthr.  Unix.,  VIII,  ÎSXK-Hit),  pp.  l',7-l  'iK. 

2  Recensement  agricole  de  ÎK'.G. 


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H40  FLANDRE  INTÉRIEURE.  -  L'ACRICI  LTLRE  FLAMANDE 


représentant  une  surface  de  433  hectares.  II  n'y  a  plus  on  bois  que  les 
terres  complètement  stériles.  Aussi  faudrait-il  s'attendre  à  ne  plus  voir 
leur  étendue  diminuer  de  nouveau  ;  déjà  dans  certaines  communes  on 
signale  des  reboisements,  sur  des  cly ttes  ou  des  sables  meubles  ! .  En 
revanche,  les  arbres  isolés,  ou  établis  en  lignes  autour  des  champs  et  des 
pâtures,  continuent  à  disparaître.  Il  était  naturel,  dans  un  pays  où.  l'hu- 
midité favorisait  la  croissance  des  arbres,  d'en  garnir  tous  les  champs  et 
de  conserver  ainsi  du  bois,  en  dépit  du  recul  des  forêts  ;  ormes,  chênes, 
frênes,  peupliers,  saules  têtards  rapportaient  aux  propriétaires  de 
beaux  bénéfices  et  payaient  le  fonds  de  la  terre  une  fois  chaque  demi- 
siècle.  Pour  la  même  raison  on  maintenait,  autour  des  pâtures  et  de 
nombre  de  champs,  des  haies  d'épines  ou  d'aulnes,  qui  fournissaient  du 
bois  de  chauffage  et  empêchaient  les  bestiaux  de  passer.  Mais  la  culture 
intensive  leur  a  déclaré  la  guerre  ;  désireux  de  conserver  à  leurs  récoltes 
les  matières  fertilisantes  absorbées  par  les  arbres,  et  de  leur  épargner 
l'ombre  néfaste  projetée  sur  les  parties  en  bordure,  les  paysans  depuis 
une  trentaine  d'années  poursuivent  leurs  propriétaires  de  réclamations 
contre  les  arbres  et  les  haies.  Le  résultat  est  déjà  considérable  ;  dans  toute 
la  région  limoneuse  du  S.-W.,  les  beaux  ormes,  parure  de  la  Flandre, 
sont  tombés  en  masse  ;  les  habitants  accordent  que  le  pays  est  devenu 
méconnaissable.  Bientôt  il  ne  restera,  dans  certains  districts,  de  planta- 
tions que  le  long  des  routes  :  tel  le  pays  autour  do  Courtrai,  qui  ne 
tardera  pas  à  ressembler  à  la  plaine  maritime.  Ailleurs,  vers  Thielt,  on 
conserve  les  arbres,  mais  on  remplace  les  chênes  ou  les  ormes  par  des 
essences  plus  hâtives,  peupliers  blancs,  Canadas.  Enfin  dans  l'Est,  on 
s'obstine  à  garder  les  arbres,  qui  alimentent  l'industrie  sabotière  du  pays 
de  Waes  *,  ou  les  haies  d'aulnes,  dont  les  branches,  coupées  à  peu  près 
chaque  année,  servent  de  bois  à  brûler.  Là  s'est  réfugiée  la  flore  originelle 
du  pays.  Il  est  peu  de  contrées  au  monde,  en  effet,  où  les  plantes  sau- 
vages subissent  plus  de  vicissitudes  que  dans  ces  champs  de  la  Flandre 
orientale  :  allant  de  sarclages  en  binages,  de  binages  en  labourages,  de 
labourages  en  hersages,  se  faufilant  au  milieu  des  cultures  dérobées, 
profitant  du  riche  engrais  destiné  aux  pommes  de  terre,  évitant  les 
linières  trop  choyées  du  paysan,  sans  cesse  brûlées,  tranchées,  arra- 


1  A  Couckelaere,  on  a  reboisé  dans  le  Sud  de  la  commune.  A  Zele,  on  a  reconstitue 
depuis  dix  ans  une  trentaine  d'hectares  vers  l'Ouest. 

2  A  Stekene,  on  estime  qu'un  «  Canada  »  rapporte  environ  I  franc  par  an;  à  Heveren- 
Waes,  on  évalue  le  produit  à  1  fr.  HO  ou  2  francs. 


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LES  DÉFAUTS  DU  SOL 


341 


chées,  et  mémo,  véritable  ironie,  transformées  en  engrais  :  ce  sont  bien 
les  «  akkerprolelariërs  »  de  M.  Mac-Leod,  auxquels  les  haies  seules 
peuvent  donner  asile  ». 

II. 

CARACTÈRES  GÉNÉRAUX  DE  L'AGRICULTURE. 

I/àpreté  de  la  lutte  du  paysan  contre  la  nature,  indiquée  par  cotte 
chasse  acharnée  faite  aux  plantes  sauvages  dans  l'Est,  ot  par  la  campagne 
contre  les  arbres  et  les  haies  dans  l'Ouest,  est  on  effet  le  trait  principal 
de  l'agriculture  on  Flandre  intérieure.  C'est  bien  à  propos  d'elle  qu'il  faut 
ré péter  qu'ici  «  la  terre  fut  créée  par  l'homme  »  ».  Abusés  par  la  grandeur 
du  résultat  obtenu,  les  étrangers  parlent  volontiers  du  «  riche  pays  »  ou 
des  «  grasses  plaines  »  de  Flandre,  sans  savoir  que  la  plus  grande  partie  de 
ce  sol  est  composé  de  sable  meuble  ou  de  glaise.  Ce  n'est  pas  un  paradoxe 
do  soutenir  que  la  Flandre  intérieure  est  un  pays  plutôt  peu  fertile  que 
riche.  Des  observateurs  pénélrauts  l'ont  remarqué  depuis  longtemps.  «  Le 
pays  (de  Flandres)  de  soy  est  pouro  pays  et  pou  do  labour,  pour  ce  qu'il  est 
en  eauës  et  en  sablons  »,  dit  le  héraut  Berry,  en  mettant  d'ailleurs  hors  de 
cause  la  région  lilloise  ;  et  il  ajoute  que  «  n'est  ce  pays  riche  que  des 
grans  marchandises  qui  descendent  en  iceluy  pays  »3.  Commynes,  qui  voit 
clair,  juge  que  le  pays  de  Lombardie  est  «  bien  meilleur  ot  plus  fertillo  »  *, 
et  les  quatre  membres  de  Flandre,  en  1476,  tiennent  un  langage  analogue, 
déclarant  «  qu'il  est  assez  connu  que  la  Flandre  n'est  pas  très  fertile,  et 
que  sa  prospérité  repose  uniquement  sur  son  commerce  et  son 
industrie  »s. 

Défauts  du  sol. 

L'on  s'explique  ces  appréciations  lorsque  l'on  examine  les  qualités  du 


i  Cf.  M.ic-l^otl  (J.),  Proeve  van  «vu  botanische  beschrijving  v;ui  hft  Keinpisch 
ge.leclte  van  Vlaanderen.  (Houuiisch  Jaarboek,  VP  Jaargang,  18UÎ,  pp.  HSI-'il'.t). 
î  Miehelet,  éd.  «le  18'ii,  V,  p.  .'£1. 

3  Géographie  attribuée  h  Gilles  Houvier.  «lit  Berry,  héraut  «le  Charles  VII,  imprimée 
dans  Uibbe,  L'abrégé  royal  «le  l'alliance  chronologique  de  l'histoire  sacrée  et  profane 
(Paris,  G  as  par  Me  tu  ras,  lTd),  pp.  70.1- 701. 

»  Commynes,  VIII,  8  (p.  iHJCf  «le  l  éd.  Chantelauze). 

3  Charte  du  11  février  1V70,  publiée  dans  :  Verzaineling  van  XXIV  origineele  charters 
(Gand,  1787). 


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F  LAN  OR  K  INTKRIEÎ'RE.  -  L'AGRICTLTTRE  FLAMANDE 

sol  flamand.  Dans  l'Est,  d'Anvers  à  Thourout  et  à  Deynze,  le  sable 
domine,  plus  ou  moins  meuble,  plus  ou  moins  épais  ;  vers  Maldegem,  ou 
au  Nord  do  Waehtebeke,  il  constiluo  même  de  petites  dunes.  C'est  un  soi 
trop  perméable,  qui  souffre  de  la  sécheresse  ;  une  terre  trop  peu  consis- 
tante, dont  le  vent  s'empare,  découvrant  les  semis,  ou  enterrant  les  jeunes 
pousses  ;  et  c'est  une  des  raisons  pour  lesquelles  on  garde  les  haies 
d'aulnes  dans  les  parties  où  le  sol  est  particulièrement  meuble.  Souvent 
le  sable  s'agglutine  à  une  faible  profondeur  en  tuf  (rokke  ou  rotse)  qui 
empêche  les  labours  profonds,  et  arrête  les  racines.  Ces  terres  légères 
sont  exposées  à  se  refroidir  rapidement,  et  le  rayonnement  y  cause 
souvent  des  gelées  désastreuses.  Au  point  de  vue  chimique,  elles  ne  sont 
guère  plus  favorisées  :  pauvres  on  chaux,  en  magnésie,  en  potasse,  en 
acide  phosphorique,  et  surtout  en  azole,  elles  ne  peuvent  produire  qu'à 
force  d'engrais  et  de  fumures  '.  Parfois  le  sable  est  remplacé  par  une 
argile  tenace  et  froide,  comme  celle  des  collines  d'Ursel,  où  les  lahours 
sont  presque  impraticables,  et  sur  lesquelles  on  ne  peut  guère  établir  que 
des  essences  forostières.  L'Ouest  est  mieux  partagé,  et  le  sol  s'améliore  à 
mesure  qu'on  avance  vers  le  Sud-Ouest.  Le  sable  passe  insensiblement  au 
limon  argileux,  terre  franche  parfois  suffisamment  perméable,  mais  de 
composition  chimique  défectueuse,  manquant  de  chaux,  d'acide  phospho- 
riqueetdomatièreazolée1.  D'autre  part  la  présence  à  une  faible  profondeur 
de  la  couche  d'argile  yprésienne  vient  retenir  l'humidité  à  la  surface,  et  le 
drainage  est  souvent  nécessaire.  Enfin  on  voit  affleurer  ça  et  là  l'argile 
elle-même,  trouant  le  manteau  de  limon  ;  ce  sont  les  elyttes,  les  pacauts, 
impossibles  à  travailler  quand  il  a  plu,  et  qu'on  ne  peut  ameublir 
qu'à  l'époque  des  gelées  :  telle  cette  glaise  du  Sud  d'Hazebrouck  où  il 
faut  parfois  trois  hommes  pour  labourer,  un  pour  verser  de  l'eau  sur  la 
charrue,  et  deux  pour  peser  sur  le  manche,  et  où  il  faut  aller  pieds-nus, 
aucune  chaussure  n'y  résistant.  Ailleurs  ce  sont  des  sables  yprésiens 
compacts,  ou  des  étendues  pierreuses  de  psammites  paniseliens,  ou  des 
sables  plus  ou  moins  meubles  garnissant  les  pentes  des  collines.  Rien  de 
tout  cela  n'est  très  satisfaisant. 

Les  exploitations. 

Pourtant  ce  sol  médiocre  est  devenu  un  àVs  premiers  pays  agricoles  du 


1  Voir  analyses  physiques  et  chimiques  .1.'  sols  .lans  la  Monographie  agricole  .le  la 
région  sablonneuse  des  Flandres,  pp.  IN 

i  CI.  Uisler,  Cèologie  agricole.  11.  p.  ïï^  et  IV,  pp.  IX' 


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LES  EXPLOITATIONS 


monde.  Il  l'a  bien  fallu,  pour  nourrir  los  foules  qui  s'y  pressent  depuis  le 
moyen-âge  ;  mais  cette  transformation  n'a  pu  s'accomplir  que  par  des 
procédés  particuliers.  Il  n'y  a  guère  lieu  d'insister  sur  le  courage  et  l'opi- 
niâtreté du  cultivateur  flamand  ;  tout  a  été  dit  sur  ce  sujet  ;  mais  il  faut 
retenir  qu'une  bonne  partie  du  sol  est  travaillée  par  le  paysan  lui-même, 
sans  le  secours  d'un  animal.  Pour  retourner  plus  profondément  sa  terre 
et  aller  chercher  le  plus  bas  possible  un  sable  moins  infertile  que  celui 
de  la  surface,  pour  ne  laisser  aucune  place  sans  labour,  le  paysan  du 
pays  de  Waes  ou  du  Meetjesland  travaille  son  champ  à  la  bêche  ;  ce 
n'est  plus  do  la  culture,  c'est  du  jardinage,  et  le  champ  ressemble  à  un 
jardin,  avec  ses  longues  planches  étroites  séparées  par  des  rigoles  et 
soigneusement  bombées  au  milieu.  C'est  à  l'omploi  de  sa  lourde  bêche 
que  le  cultivateur  de  l'Est  a  longtemps  attribué  son  succès,  et  le  proverbe 
«  de  spa  is  de  goude  mijn  »,  —  la  bêche  est  la  mine  d'or  du  paysan  — ,  est 
encore  en  faveur.  Dans  ce  pays  d'opiniâtre  travail  personnel,  les  machines 
agricoles  restent  rares;  les  terres  sont  trop  morcelées,  car  la  population 
agricole  est  énorme  ;  do  plus  la  main-d'œuvre  ost  à  bon  marché,  tandis 
que  les  appareils  sont  chers.  Nulle  part  les  exploitations  agricoles  ne  sont 
plus  petites.  La  Flandre  Orientale  n'en  comptait,  en  1895,  que  74  de  plus 
de  50  Ha  ;  il  n'y  en  avait  que  4.579  qui  comprissent  de  10  à  50  Ha  ;  en 
revanche,  57.315  possédaient  de  50  arcs  à  10  Ha,  et  51.706  moins  de  50 
ares.  On  peut  dire  que  l'exploitation  comprenant  plus  de  50  Ha  n'existe 
pas.  En  Flandre  Occidentale,  où  la  présence  d'une  vaste  étendue  de 
polders  fait  augmenter  le  nombre  des  grandes  fermes,  on  compte  encore 
sur  108.088 exploitations  34.405  allant  de  50  ares  à  10  Ha,  et  05.943  de 
moins  de  50  ares  Ce  morcellement  extrême  des  terres,  du  à  la  surpo- 
pulation du  pays,  à  la  nécessité  d'accumuler  les  elîorts  sur  des  parcelles 
très  petites  de  ce  sol  stérile,  et  à  ce  fait  que  l'exploitation  des  très  petits 
champs  n'est  souvent  que  l'appoint  d'un  salaire  industriel,  est  très  ancien; 
les  vieilles  keures  veillent  à  ce  que  les  fermes  ne  soient  pas  réunies,  ni 
les  maisons  abattues1  ;  les  cahiers  des  paroisses  en  1789  s'élèvent  vive- 
ment contro  l'incorporation  des  petites  fermes  aux  grandes  et  contre  la 
démolition  dos  maisons  3.  L'émieltement  a  continué  de  plus  belle  au 
XIXe  siècle  ;  dans  la  plaine  de  la  Lys,  les  grandes  exploitations  n'occupent 


•  Recensement  de  t8*.f),  Introduction,  p. 

1  Keure  de  l'operinghe,  homologuée  en  Cf.  Oilliodis,  Coutumes  de  l'operinghe, 

p.  177. 

3  St-l/'-ger,  Dunkerque  et  la  Flandre  maritime  sous  l;i  domination  française,  p.  i^7. 


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3tt  FLANDRE  INTÉRIEURE.  -  L'AGRICULTURE  FLAMANDE 

plus  en  1898  que  3  %  du  sol,  contre  25  %  en  1789,  tandis  que  les  petites 
passaient  de  45  à  66  %  ;  on  Flandre  Orientale,  celles  de  50  ares  à  10  Ha 
passaient  de  43. 163  en  1846  à  57.315  en  1895  ;  les  mêmes  s'élevaient,  en 
Flandro  Occidentale,  de  25.  766  à  34.465.  Les  renseignements  sur  l'évo- 
lution qui  se  poursuit  à  l'heure  actuelle  sont  contradictoires  ;  cependant 
la  tendance  au  morcellement  paraît  prépondérante,  grâce  à  la  prospérité 
que  connaît  depuis  15  ans  l'agriculture  flamande,  et  qui  permet  aux 
ouvriers  agricolos  d'essayer  à  leur  tour  de  louer  des  terres.  Chose 
curieuse  :  la  plupart  de  ces  courageux  exploitants  ne  sont  pas  proprié- 
taires de  la  terre  qu'ils  fertilisent.  La  Flandre  ne  connaît  guère  le  petit 
fermier  possesseur  de  son  exploitation;  ce  type,  si  fréquent  en  France, 
constitue  ici  l'exception,  et  le  nombre  de  ces  petits  propriétaires  paysans 
va  diminuant.  Il  était  do  15  °/0  en  1846  dans  la  Flandre  Occidentale  ; 
il  n'est  plus  que  de  12°/0  en  1895;  la  proportion  est  descendue  à  8  % 
dans  l'arrondissement  d'Ypres.  Les  propriétaires  n'habitent  pas  la 
campagne;  ils  forment  l'aristocratie  urbaine  des  petites  villes,  Rergues, 
Hailleul,  Ypres;  enfin  beaucoup  de  terres  sont  passées,  depuis  20  ans,  aux 
mains  des  grands  fabricants  de  Gand,  de  Lille,  Roubaix,  Arraentièros  ; 
la  prospérité  industrielle  qui  a  coïncidé  après  1870  avec  la  crise  agricole 
leur  a  permis  de  se  constituer  à  peu  de  frais  une  fortune  terrienne,  un 
capital  immobilier  qui  commence  à  payer  largement  l'intérêt  des  sommes 
qu'on  y  a  consacrées. 


Les  procédés. 

Ce  morcellement  extraordinaire  de  la  terre  flamande,  qui  entrave 
l'emploi  des  machines,  peut  être  un  obstacle  au  progrès  agricole  ;  le 
petit  fermier  absorbé  par  un  travail  écrasant,  animé  d'un  esprit  d'écono- 
mie excessive,  hésite  devant  les  innovations  et  les  dépenses.  Il  est  vrai 
que  ces  désavantages  sont  compensés  par  ailleurs.  La  coopération  pénètre 
en  Flandre,  surtout  dans  l'Est,  où  elle  est  stimulée  par  des  préoccupa- 
lions  politiques  et  religieuses  ;  des  associations  se  forment  pour  l'achat  et 
l'exploitation  do  machines,  pour  la  constitution  de  caisses  de  crédit 
agricole  Le  cultivateur  flamand  lit  des  journaux  et  des  revues  pra- 
tiques, suit  avec  soin  les  conférences  organisées  par  les  professeurs  de 


»  Cf.  Max  Turmann,  Us  associations  agricoles  en  Belgique  (l'nris,  Lecoffre,  I9UL 
in-8\  VII  -f  'ùïi  p.);—  Goret  <•!.),  Les  associations  agricoles  dans  les  pays  de  langue 
flamande  de  France  et  de  Belgique  (Paris,  Rousseau,  1902,  in-8°). 


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LES  PROCÉDÉS 


l'Etat.  D'autre  part,  l'énorme  somme  de  travail  et  de  soins  prodigués  à 
chaqoe  lambeau  de  terre  suffit  pour  rétablir  l'équilibre.  Surtout,  le  paysan 
est  depuis  longtemps  passé  maître  dans  l'art  de  gaver  sa  terre  d'engrais. 
Il  en  faut  beaucoup  à  ce  sol  sableux,  léger,  pour  lui  faire  porter  une 
culture  intensive  ;  le  Flamand  en  trouve  partout.  D'abord,  une  harmo- 
nieuse combinaison  entre  la  culture  et  l'élève  du  bétail  lui  en  fournit  dos 
quantités  considérables.  «  ta  prospérité  de  l'agriculture,  s'écrie  Van 
Aelbroeck,  dépend  de  la  quantité  de  bétail  que  les  cultivateurs  entre- 
tiennent dans  leurs  étables.  Kn  effet  le  bétail  procure  le  fumier,  qui  fait 
pousser  les  fruits  de  la  lerro,  et  sans  fumier  la  terre  ne  peut  produire  de 
bonnes  récoltes»'.  Mais  le  «dieu  de  l'agriculture  »  comporte  encore 
bien  d'autres  produits  que  le  fumier  de  ferme.  On  y  joint  les  plantes 
extraites  des  fossés  et  des  ruisseaux,  les  boues  draguéos  dans  les  canaux, 
les  déchets  des  fabriques  et  des  tanneries,  le  noir  animal,  les  cendres,  les 
boues  des  rues,  les  os  broyés,  les  déblais  écrasés  de  vieux  bâtiments,  la 
suie,  les  épluchures,  les  tourteaux  de  lin  et  de  colza,  enfin  tous  los  engrais 
chimiques.  Des  individus  gagnaient  jadis  leur  vie  à  ramasser  des  fumiers 
qu'ils  revendaient  aux  fermiers.  Les  vidanges,  dédaignées  partout  ailleurs, 
sont  recueillies,  épanduos  avec  soin  ;  c'est  «  l'engrais  flamand  »  par 
excellence  *  ;  au  printemps  et  à  l'automne,  des  files  de  chariots  chargés 
de  petits  tonneaux  d'épandage  parcourent  la  campagne;  les  fermiers  vont 
en  quêter  dans  les  villes.  Les  cultivateurs  sont  de  véritables  connaisseurs 
en  engrais;  les  déchets  de  Gand  sont  jugés  inférieurs  à  ceux  de  Bruges, 
parce  que  les  boues  de  celte  ville,  apportées  par  les  pieds  ou  les  chariots 
des  paysans  poldériens,  gardent  quelque  chose  de  la  fertilité  de  la  plaine 
maritime  3.  Ce  sont  là  de  vieilles  habitudes  ;  les  coutumes,  surtout  celles 
de  l'Est,  prescrivent  avec  minutie  quels  engrais  le  fermier  sortant  aura 
dû  donner  aux  terres  qu'il  quitte;  la  précision  et  le  détail  de  ces  règle- 
ments témoignent  d'une  agriculture  déjà  très  complexe,  très  diversifiée, 
très  savante  4.  En  17t>4,  le  chef-collège  de  Termonde  établit  que  la  seule 
paroisse  do  Zele  achète  annuellement  au  dehors  pour  30.000  florins 
d'engrais.  Les  procédés  modernes  ont  été  bientôt  accueillis  avec  le  même 


«  Van  Aelbroeck,  p.  1 13. 

i  Corenwinder  (B.),  Recherches  sur  lVngrais  flamand.  Son  emploi  dans  la  euluire 
des  terres.  (Lille,  Blocquel-Castiaux,  1872,  W  p.). 

-1  Dictionnaire  géographique  de  la  Flandre  Orientale  (Bruxelles,  Vandermaelen,  I8.'î»î, 
in-8»,  237  p.),  pp.  IW1'.7. 

*  Voir  en  particulier:  Berten,  Coutumes  du  Quartier  de  (tand.  t.  VIII,  Vieux  Bourg 
de  (iand.  pp.  il<M22. 


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.r.6  FLANDRE  INTKRIF.URK.  -  l/ACKIC.rLTURK  FLAMANDE 

enthousiasme  ;  les  nitrates  et  phosphates  sont  devenus  un  des  principaux 
articles  du  commerce  de  Dunkerquc,  d'Ostende,  de  Gand  ;  et  la  vieille 
voie  romaine  de  Watlen  a  Casse!,  qui  était  la  plus  fréquentée  du  canton 
lorsque  les  cultivateurs  s'en  servaient  pour  aller  cherchera  Watlen  les 
boues  et  vidanges  do  Dunkerque  et  de  St-Omer,  est  devenue  déserte 
dopais  quo  les  engrais  chimiques  ont  pénétré  dans  lo  pays. 

Ce  travail  acharné  du  paysan  a  forcé  la  terre  ;  il  n'y  a  pas  de  sol  stérile 
qui  puisse  résistera  un  pareil  effort.  De  même  que  l'horticulture  réussit 
à  prospérer  aux  environs  des  villes  sur  n'importe  quel  terrain  ,  de  même 
la  Flandre  fut  comme  un  immense  jardin  dont  tous  les  voyageurs  ont 
îidmiré  la  vigueur  et  l'éclat.  «  .le  commence  par  déclarer,  disait  l'Anglais 
Colman  *,  quo  l'agriculture  dos  Flandres  est  supérieure  à  celle  de  tous 
los  autres  pays  que  j'ai  visités  ».  Cette  supériorité  est  moins  éclatante, 
aujourd'hui  que  le  progrès  agricole  est  général,  et  favorise  des  terres 
fertiles  jusque  la  négligées  ;  mais  il  est  certain  que  jusque  vers  la  fin  du 
XIXe  siècle,  la  Flandre  a  montré  l'exemple  à  l'Europe.  Dès  le  XIIe  siècle, 
elle  commence  à  employer  comme  engrais  le  fumier  animal  au  lieu  du 
jonc  séché,  et  malgré  la  disparition  des  bois  et  des  bruyères,  développe 
largement  l'élevage  du  bétail*.  Au  XIVe  siècle,  elle  supprime  l'assole- 
ment triennal  avec  un  an  de  jachère,  qui  s'est  maintenu  en  Angleterre 
jusqu'au  XVIIe  siècle,  en  Picardie  jusqu'au  XVIIIe,  en  Hesbaye  jusqu'au 
début  du  XIXe;  la  jachère  est  remplacée  par  la  culture  des  prairies  arti- 
ficielles et  du  navet,  qui  permettent  de  développer  l'élevage,  et  par  suite 
d'augmenter  les  quantités  d'engrais :|.  Enfin  dès  le  XVIF  siècle  s'inlroduit 
l'usage  des  cultures  dérobées,  qui  force  la  terre  à  produire  chaque  année 
doux  récoltes,  la  première  de  céréales  ou  lins  coupés  fin  juin  ou  fin  juillet, 
et  la  seconde  de  racines,  navels,  carottes,  destinées  au  bétail,  semées 
après  la  moisson  et  récoltées  en  automne  *.  Il  faut  pour  cela  des  terres 
légères,  s'éohaufïant  vite,  où  la  première  récolte  doive  être  précoco,  et  où 


1  ColmaiH  IL  >.  Pc  l'agriculture  ci «le  l'économie  rurale  on  France,  imi  Belgique,  on 
Hollande,  en  Suisse,  (iraduu  .le  l'anglais  par  Le  Bailly  .le  Tillegliem.  Bruxelles, 
.lanssens,  \KA).  in-S1.  :M»K  p.).  p.  211. 

i  Piremie,  Hisloire  de  Belgique.  1.  p. 

•''  Cf.  Brants  (V.),  Histoire  .les  classes  rurales  aux  Pays-Bas  jusqu'à  la  fiu  <lu 
XVltP  siècle  (Mémoires  couronnés  publiés  par  l'Acad.  roy.  .le  Belgique,  t.  XXX11, 
1881,  21  «  p.). 

»  L'.sage  indiqué  en  H')7I  dans  la  continue  du  Vieux-Bourg  de  Cand  :  <.  Après  la 
(ti'j>om'llf  d<>  (frur  fr>ii/s  st<r  ht  m>'nw  tt-rc>\  on  ne  paiera  rien  pour  l'estimation  de 
l'arrière-graisse...  •>  (ce  qui  rc.-ie  de  fumier)  (Benen.  Coutumes  du  Vieux-Bourg  de 
(ian.l,  p.  UT). 


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I.K  PAYS  PI'  SAHLK 


Mi7 


l'on  puisse  s'aventurer  môme  en  automne  à  la  saison  pluviousc,  pour 
arracher  la  seconde  ;  ce  sont  là  précisément  les  qualités  des  tenvs  sablon- 
neuses, ellos  rachètent  ainsi,  par  l'industrie  des  habitants,  une  partie  de  , 
leurs  défauts.  Cette  ingénieuse  coutume  permit  presque  de  doubler  le 
nombre  des  têtes  de  bétail  dans  l'Est  de  la  Flandre  ;  elle  donna  lo  moyen 
de  les  tenir  constamment  à  lelable,  par  là  d'augmenter  fortement  la  pro- 
duction du  fumier,  et  par  suite  d'accroître  en  proportion  la  valeur  et  le 
rendement  des  terres. 

Ainsi  s'est  formée  l'agriculture  de  la  Flandre  intérieure,  si  différente 
de  celle  de  la  plaine  maritime,  où  le  paysan,  confiant  dans  la  fertilité  de 
son  sol,  s'est  laissé  dépasser  par  le  Houtlander,  moins  favorisé.  On  le 
constate  avec  satisfaction  dans  le  Sud  :  le  Noordland  de  Bruges,  si  floris- 
sant il  y  a  80  ans,  est  endetté  aujourd'hui,  tandis  que  les  Zuyderlingcn 
des  bois  et  des  bruyères  se  trouvent  dans  l'aisance.  Le  Houtland  tout 
entier  prospère.  Cependant  il  y  a  là  de  notables  différences  de  sol  ;  mais 
si  les  cultures  ne  sont  pas  les  mêmes,  les  résultats  sont  partout  satisfai- 
sants. L'agriculture  flamande  est  si  bonne  que  là  où  la  terre  est  ingrate, 
on  réussit  à  faire  toutes  les  cultures  ordinaires,  et  là  où  elle  est  passable, 
les  cultures  industrielles,  les  cultures  savantes. 


La  division  générale  du  Houtland  est  très  simple:  à  l'Est  les  sables, 
occupant  la  plus  grande  partie  de  la  Flandre  Orientale  ;  à  l'Ouest  le  limon 
argileux,  étendu  sur  le  Nord  français,  la  Flandre  Occidentale,  les  arron- 
dissements d'Audenarde  et  d'Alost.  C'est  un  peu  l'Ost-Flandro  et  la  West- 
Flandre  d'autrefois.  Mais  la  variété  du  sol  est  presque  infinie  dans  chacune 
des  deux  régions.  Les  sables  meubles  d'Eecloo  no  ressemblent  pas  au  limon 
sableux  du  pays  de  Waes  ;  le  limon  de  Courtrai  est  moins  fort  que  celui 
d'Ypres  ;  enfin  les  deux  régions  passent  l'une  à  l'autre  par  une  bando  où 
la  transition  est  insensible.  Ainsi  se  sont  constitués,  malgré  l'identité  des 
procédés  généraux,  des  territoires  agricoles  dont  les  productions  sont 
différentes. 


La  vraie  terre  du  sable  comprend  tout  le  pays  entre  la  Durme,  qui 
la  sépare  du  Waes,  la  plaine  maritime,  et  une  ligne  allant  de  Dixmude  à 


III. 


VARIKTKS  RKiilONALl-S. 


Le  pays  du  sable. 


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3-48 


FLANDRE  INTÉRIEURE.  -  L" AGRICULTURE  FLAMANDE 


Termonde  par  Thourout,  Ruysselede,  Deynze,  Nazareth  et  Wetteron. 
C'est  là  que  l'on  trouve  les  exemples  les  plus  caractéristiques  de  celle 
.  agriculture  qui  obtient  d'excellents  résultais  dans  un  sol  maigre,  faisant 
produire  en  moyenne  à  l'hectare  3.  127  kilos  de  froment  dans  le  canton  de 
Waersehoot,  et  2.982  de  seigle  ;  2i2  quintaux  de  pommes  de  terre  dans 
le  canton  de  Ledeborg,  et  jusqu'à  500  quintaux  de  navets  dans  celui  de 
Lokeron  ».  G'ost,  avec  le  pays  de  Waes,  la  région  par  excellence  des 
cultures  dérobées,  qui  pour  100  hectares  d'étendue  cultivée  garnissaient 
en  1895  ,'38,86  hectares  dans  le  canton  de  Termonde,  33,13  dans  celui  de 
Gand  et  30,23  dans  celui  de  St-Nicolas;  soit  environ  le  tiors  des  terres. 
11  y  a  longtemps  qu'on  a  donné  aux  paysans  de  Waes  le  surnom  do 
«  raepeters  »  ,  mangeurs  de  navets ,  et  que  la  bannière  du  pays  est 

«  armoyée  d'azur 
à  la  rape  (navet) 
d'argent  on  na- 
turel » 2.  Nulle  part 
enfin  on  ne  trouve 
une  pareille  moyen- 
ne de  petites  ex- 
ploitations. Trois 
domaines  seule- 
ment, dans  toute  la 
Flandre  Orientale, 
dépassent  100  hec- 
tares ;  sur  22  can- 
tons appartenant 
à  la  région  sablon- 
neuse ,  11  n'ont 
aucune  ferme 

ayant  plus  de  30  hectares  de  terre  ;  ceux  de  lx)keren  et  de  Hamme,  sur 
4.301  et  4.366  exploitations,  n'en  ont  aucune  qui  atteigne  20  hectares  k. 

Le  seigle  est  le  principal  produit  du  pays;  c'est  une  plante  peu  exi- 
geante, qui  s'accommode  bien  de  ces  terres  légères  ;  elle  a  l'avantage  de 
mûrir  vile,  et  de  permettre  les  secondes  cultures;  enfin  elle  seule 


•  Statistique  de  la  Belgique.  Recensement  agricole  «le  publié  par  le  Ministre 
.le  l'Agriculture  (Bruxelles.  1!«I3,  in-8°,  351  p.)  pp.  IVS-V.h 

-  Uiveleye,  p.  îH. 

3  D'après  l'atlas  du  Recensement  agricole  belge  de  I8i£">,  pl.  XXI. 

*  Recensement  agricole  de  l'.K>2.  pp. 


Échelle  de  1  :  1.6O0.000. 


FlG.  T>7.  —  Répartition  des  cultures  dérobées  en  Flandre 
belge  3.  Les  maxima  appartiennent  à  la  zone  sableuse,  le 
canton  de  Lokeren  en  tète  :  les  minima  à  la  plaine  maritime 
et  aux  terres  fortes  •lu  Sud-Ouest. 

Proportion  par  cent  hectares  d'otendue  exploitée  : 

T   rc.ra  V.    I    •   »  *  »  O      «  10 

#  ao  a  4i)    I   ©  io  à  so        |    o   o  à 


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I.K  PAYS  Dr  SABI.K 


34!» 


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peut  fournir  la  quantité  de  paille  nécessaire  à  l'entretien  d'un  bétail 
nombreux.  Le  froment  à  coté  de  lui  tient  bien  peu  do  place,  et  il  dimi- 
nue encore  ;  la  plupart  des  terres  ne  lui  conviennent  pas,  et  son  prix  de 
vente  est  trop  peu  élevé.  L'avoine  occupe  une  place  honorable;  le  sarrasin 
diminue.  C'était 
la  céréale  carac- 
téristique des 
sables  ;  on  la 
plantait  dans  les 
terres  les  plus 
pauvres.  Mais 
aujourd'hui  dès 
que  le  sol  a  ac- 
quis par  labours 
et  engrais  quel- 
que fertilité,  on 
laisse  le  sarrasin 
pour  lo  seigle; 
aussi  no  le  trou- 
ve-t-on  plus  guère 
que  dans  les 
nouveaux  défri- 
chements du  pays  d'Eocloo.  Avec  lui  disparaît  l'apiculture  flamande, 
déjà  fort  éprouvée  par  la  chute  du  colza.  Enfin  la  pomme  de  terre  tient 
dans  les  assolements  une  grande  place  ;  son  importance  tend  à  augmenter 
encore,  elle  se  classe  généralement  après  le  seigle. 

Outre  ces  cultures  alimentaires,  lo  pays  du  sable  possédait  autrefois 
des  cultures  industrielles.  Le  préfet  Faipoult  constatait  en  1802  dans  le 
département  de  l'Escaut  la  présence  de  14.759  hectares  de  lin,  2.577  de 
chanvre,  0.584  de  colza  *.  Une  certaine  part  dans  ces  totaux  doit  être 
accordée  à  la  Flandre zélandaise,  qui  dépendait  alors  de  l'Escaut;  cepen- 
dant la  diminution  est  visible  ,  puisque  la  Flandre  Orientale  n'a  plus  en 
1902  que  G.571  hectares  de  lin,  433  hectares  de  colza,  et  319  hectares  de 
chanvre  (en  1895).  (le  sont  là,  pour  ces  terres  pauvres,  des  cultures  trop 
coûteuses,  qui  réclament  beaucoup  de  frais  pour  un  résultat  incertain.  Do 
même  pour  la  chicorée,  qui  n'occupo  plus  qu'une  superficie  insignifiante, 


Éfhrlle  de  I  :  1.600.000. 

Fkj.  r»8.  —  Répartition  «lo  la  culturv  du  seigle  en  Flandre 
belge'.  |.e  maximum  dans  la  zone  sableuse  de  l'Kst  ;  le  mini- 
mum dans  la  plaine  maritime  et  sur  les  terres  fortes  du  Sud- 
Ouest. 

l*ro|k)rlii»n  piir  crut  hoctares  dVlencliic  exploitée  : 

A       °'o      |    •  n  ii  M        I  o  ■*•  *  n 

9   ïl  ii  M  ©Il  «  17  o    tl  li  T. 


1  D'après  l'atlas  du  Recensement  agricole  belge  de  1856,  pl.  V. 
1  Faipoult,  Mémoire,  p.  77. 


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FLANDRK  INTKRIFIRK.  -  l/AGRICCLTURF.  FLAMANDE 


une  trentaine  d'hectares.  On  les  a  délaissées  lorsque»  la  crise  agricole  est 
venue  montrer  aux  cultivateurs  que  leur  salut  était  dans  l'élevage,  et 
qu'il  fallait  orienter  leurs  efforts  vers  l'accroissement  de  leur  bétail,  de 
leurs  chevaux ,  de  leurs  porcs.  Or  il  y  a  peu  de  pâtures  sur  les  sables. 
On  essaie  d'en  créer,  d'en  augmenter  le  nombre  et  la  valeur  ;  en  atten- 
dant il  n'y  a  guère  pour  fournir  de  l'herbe  que  les  vergers,  les  bandes  de 
gazon  d'un  mètre  de  large  que  l'on  a  l'habitude  de  laisser  autour  des 
champs,  et  les  mauvaises  prairies  des  bords  de  la  Durme,  de  l'Escaut  et 
du  Moervaart.  Pour  pouvoir  nourrir  le  bétail  dont  on  augmentait  le 
nombre,  on  a  remplacé  les  plantes  industrielles  par  des  cultures  fourra- 
gères: le  trèfle,  la  betterave.  Le  lin  s'est  réfugié  sur  les  terres  plus 
fertiles  du  pays  de  Waes  ;  il  est  presque  disparu  dans  les  arrondissements 
de  Garni  el  d'Eeeloo.  Le  chanvre  n'élève  plus  ses  hautes  tiges  qu'autour 
de  Zele  et  de  Tormonde,  à  proximité  des  corderies  de  Ha  m  me. 


KXKMPLKS  D'ASSOLKMKNTS  «. 


r 

TKKHKS  MKUIMCUKS 

1MKVKI.K 

ASSI-Z  Hi IN N liS  TKMnBS 

M  \  I.I.I 

BONNES  TIÎHRRS 

ISLKVDINOKl 

lrp  année. .  . . 

Pommes  de  terre. 

Seigle. 

Pommes  de  terre. 

2"  année .... 

Seigle  (navets). 

Seigle  (navets). 

Seigle  (navets). 

»     -  ... 

12  Avoine  12P..I.  t". 

Chicorée. 

Betteraves  f8». 

1  ... 

Seigle  (navels). 

1  .ni. 

Froment. 

—  ... 

Avoine. 

Seigle  (navets). 

Avoine  avec  t  ré  lie. 

<>'    —  ... 

2:rrrèll.'l/:tMetier.f'\ 

Pointues  de  terre. 

Trèfle. 

7'    -  ... 

Seigle. 

Seigle  (navets). 

Orge  (navets) 

Sr     —  ... 

Seigle  (navets). 

Avoine. 

Seigle  (navets). 

«i-    —  ... 

Lin  (carottes). 

Trèfle. 

tu*   —  ... 

Seigle  (navets). 

Ainsi  l'agriculture  du  pays  des  sables  a  pris,  depuis  une  vingtaine 
d'années,  une  unité  qu'elle  n'avait  pas  auparavant.  Tout  est  destiné  a  la 
nourriture  des  animaux.  Seuls  les  pommes  de  terre  el  le  seigle  servent  en 
partie  à  l'alimentation  de  l'homme  ;  mais  l'usage  du  pain  noir,  du  pain 
de  seigle,  s'affaiblit,  et  l'on  ne  se  nourrit  plus  qu'avec  du  blé  importé. 
Tout  ce  qui  pousse,  à  grand  renfort  d'engrais,  est  destiné  à  ce  bétail 


'  Monographie  région  sablonneuse,  pp.  \i\-'A\, 


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LK  PAYS  Df  SABI.K 


enfermé  dans  les  étables,  dont  on  n'aperçoit  qne  quelques  raros 
individus  qu'un  enfant  mène  paître  sur  les  bordures,  autour  des  champs. 
Ainsi  le  pays  qui  a  le  moins  de  pâtures  est  celui  qui  peut  nourrir  la  plus 
grande  quantité  de  bétail  (fig.  01))  ;  il  s'y  consacre  toul  entier. 

Il  n'y  a  guère  dans  la  région  sablonneuse  que  les  environs  de  Gand 
pour  se  livrer  à  une  culture  dont  le  but  ne  soit  pas  de  nourrir  les  bétes. 
C'est  même  un  des  exemples  les  plus  remarquables  de  l'industrieuse 
activité  du  paysan  do  l'Osl-Flandre,  que  cette  floraison  de  l'horticulture 
autour  de  Gand.  Kilo  y  est  établie  depuis  longtemps,  puisqu'on  cite  un 
témoignage  de  1550  sur  la  présence  dos  serres  chaudes  en  Flandre  à 
cette  époque et  que  de  Candolle  déclare  que  Gand  lui  semble  la  ville 
privilégiée  de  la  botanique.  Aujourd'hui,  les  serres,  pépinières  et  jardins 
horticoles  se  dispersent  dans  un  rayon  étendu  autour  de  la  ville  :  à  l'Ouest 
jusqu'à  Landegem,  au  Sud  jusqu'à  la  Pinte  et  Meirelbeke,  a  l'Est  et  au 
Nord  surtout,  jusqu'à  Wetteren,  Overmeire,  Exaerde,  Moerbeke, 
Wachtebokc  et  Kvergem,  20  km.  autour  de  Gand.  L'accroissement  est 
rapide:  il  y  a  15 ans,  Kvergem  n'avait  que  deux  établissements;  il  on 
compte  aujourd'hui  près  de  50;  on  ne  voit  plus  que  les  cheminées  de 
briques  des  serres.  De  Meirelbeke  à  Gand,  les  toits  vitrés  se  succèdent 
sans  interruption.  A  Saffclacrc,  les  horticulteurs  bordent  toute  la  rue  du 
Sud  de  leurs  parterres  de  fleurs,  d'un  heureux  effet;  on  se  croirait  en 
Hollande.  Dans  la  commune  suburbaine  de  Gentbrugge,  les  établissements 
Van  Houtle  comprennent  20  hectares  de  serres,  dont  10  d'un  seul  tenant. 
L'on  retrouve  l'horticulture  sur  les  sables  autour  des  remparts  de  Bruges, 
tandis  que  Bailleul  possède  de  grandes  serres  où  l'on  «  force  »  le  raisin. 
Ce  paradoxe  de  faire  produire  à  celte  terre  les  plantes  dont  la  nature  du 
climat  el  du  sol  semblaient  interdire  la  croissance,  élait  digne  de  tenter 
le  cultivateur  flamand. 

Cette  région  sableuse,  où  le  travail  agricole  csl  si  intense,  n'en  garde 
pas  moins  un  aspect  agréable  de  bocage.  Les  taillis  d'aulnes  qui  gar- 
nissent les  fossés  el  les  bordures  de  gazon  qui  entourent  chaque  champ, 
les  vergers,  nombreux  dans  la  région  de  Caprycke,  SIeydinge,  Somergem, 
donnent  à  ce  pays  de  sable  un  aspect  de  fraîcheur  assez  inattendu. 
Les  champs  étroits,  perpendiculaires  au  chemin,  ont  l'air  parfois  d'une 
allée  cultivée,  prolongée  par  un  autre  champ  tout  semblable,  qui  va 
aboutir  à  un  chemin  parallèle  au  premier.  Ixi  vue  est  bornée,  mais 
agréable.  L'activité  est  grande  dans  les  champs  où  la  couleur  gris-sale  du 


1  Van  Uiiltht'in,  Discours  sur  l'état  ancien  et  mo.lerne  «le  l'agriculture  et  de  la 
botanique  «lans  les  Pays- lias  (Caml,  1K!7,  br.  7(1  p.),  p.  .'57. 


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:ïtt  FLANDRE  INTÉRIEURE.  -  L'AGRICULTURE  FLAMANDE 

sablo  meuble  contraste  avec  le  vert  des  navets  ou  des  betteraves  ;  elle  est 
grande  aussi  sur  les  chaussées  ou  les  pistes  défoncées  d'énormes  ornières; 
peu  de  chevaux,  car  les  exploitations  sont  trop  petites  ;  les  vaches  tirent 
la  charrue  et  la  herse,  traînent  les  chariots  à  trois  roues  ;  le  chien  lui-même 
s'évertue  dans  les  roues  qui  actionnent  les  barattes,  ou  court  par  les 
chemins,  donnant  de  la  voix,  attelé  à  des  brouettes  ou  à  de  petites  char- 
rettes dans  lesquelles  les  gens  trop  pauvres  pour  avoir  une  vache  trans- 
portent leur  fumier,  rentrent  leurs  récoltes. 

Le  Pays  de  Waes. 

Le  pays  de  Waes  fait  tort  à  la  réputation  que  devrait  avoir  l'agricul- 
ture de  la  vraie  région  sableuse.  C'est  à  lui  que  vont  tous  les  éloges  ;  c'est 
lui  que  l'on  cite  comme  exemple  du  tour  de  force  accompli  par  les  cultiva- 
teurs flamands,  qui  ont  fait  d'une  terre  stérile  un  sol  riche,  dout  «  la 
fertilité  est  le  triomphe  de  l'industrie  humaine»'.  Le  charme  de  cette 
petite  région,  qui  semble  être  une  foret  merveilleusement  cultivée,  a  aidé 
à  la  création  de  cette  légende.  On  a  cru  que  le  sol  en  était  aussi  aride 
que  celui  d'Recloo  ou  de  Maldegem,  et  on  s'est  extasié  sur  les  résultats.  Or 
le  limon  sableux  qui  forme  presque  tout  le  sol  du  pays  de  Waes  est 
beaucoup  moins  rebelle  à  la  culture  que  les  sables  meubles  de  l'Ouest. 
11  suffit  pour  s'en  convaincre  de  voir  la  différence  entre  les  communes 
voisines  de  St-Gilles,  où  le  sol  est  limoneux,  et  La  Clinge,  où  il  est  formé 
d'un  sable  aussi  blanc  et  aussi  meuble  que  celui  des  dunes;  ou  mieux 
encore  de  visiter,  au  centre  du  pays  de  Waes,  le  petit  territoire  sablon- 
neux qui  s'étend  entre  Haasdonck  et  Nieuwkcrken  ;  c'est  presque  un 
désert  :  les  maisons  disparaissent,  les  champs  de  pommes  de  terre  se  font 
rares  ;  de  petits  bois  de  sapins  se  montrent,  et  bientôt  des  landes,  des 
bruyères,  que  l'on  commence  à  reboiser.  Ainsi  la  seule  partie  sableuse  du 
pays  de  Waes  est  presque  aussi  désolée  que  les  landes  deMaelo.  Pourtant 
les  cultivateurs  de  ce  district  sont  aussi  intelligents  et  laborieux  que  ceux 
du  reste  de  la  contrée  *. 

Cette  fertilité  plus  grande  a  permis  aux  plantes  industrielles,  particu- 
lièrement au  lin,  de  résister  plus  énergiquement  qu'ailleurs  à  l'invasion 
des  plantes  fourragères.  Quoiqu'en  diminution,  le  lin  est  encore  une  des 
cultures  importantes  du  pays  de  Waes,  où  il  occupe  2.238  hectares  en 
1902,  sur  les  6.574  que  possède  la  Flandre  Orientale  ;  on  le  rouit  dans  les 


i  Dérivai,  VI,  p.  8!'. 

*  Cf.  V;tn  Krtborn,  Texte  explicatif  <!.•  la  planchette  <le  Tamise,  p.  12. 


i:  ÎNTKKlî    Ml  -  i.  WBVrLTrHF  KLWî ■ 

-  .vv/aste  ave»     \<*i  t  «lit-;  navels  -  .u  dw»  1»  U'  t 

..  •  •■  ■  •  ••*■•  u  >  ebaufeict  <•  e'u  Ifs  pistes  deî*oiïe«W  i!"êi.«i  ■ 
.  •  -  :\,  «  ar  les      >:  Mtat-ojis  s»  nl  tr«»p  peut»-5*  ;  U*« 

«■i       nmes  q«i  icrionii.»nt  !cs  hua1'*?*.  »>»  . 
•      i       :  !  rirf»»|  iV  la  vui  • .  a  Me:*'  à  d«-s  Itrour  ttea  on  à  oV  , 
r.  •  ■•  .     .  Ii-ijiifil.îs  les  g«v    trop  paurtvs  pour  avoir  iifit*  1 
;«ï  f  filIHU>r.  ro»lllN'll   i-'UiN  n'*t  oltes. 


!.«' ;  .s  j>*  Wars  fait  tu"  à  la  rôputAtian  que  devrait  •»;*•  ir 
lur»1  <l"    •  vraie  région  sa  h'.       C'est  ii  lui  que  vont  Unis  1rs  (*io. 
1  v- 1  (ji;-     i  ci'o-'ominn  ox« f      du  tour  fie  fi»nv  accompli  jwrli*  ■» 
ifii's  '■'  eaeds»  qui  eut  Th.»  d'une  terre  stérile  un  so»  ri''hc,  » 
k.»«V  i'st  ïe  triomphe  de  l'iuduHrie  humaine  *     Le  charnu»  d  • 
;.••>•!«•    ~,ju,  qui  «omble  ê'  •  uii'i  foret  p*«  rv«dlleuï>enient  euh»*M  e,  ••  .«. 
à  ia  «*:  '.diotl  de-eeôe  lôgO!       <>M  a  cru  qi:  ;  1»?  sui  OU  était  a\:s>i 
qi»AC'"  j  d  K.cl  oy  ou  du  M  ï«î,\j»"iii, -i  «m  s'est  •jxtasn*s,'i*iosril«jii.i 
K1  ilîii"  i  «ïiiîleut  qui  f'uiu  •    .•   qefl  tout  le  sol  du  |>;i\s  de  \\*  i 
uiMit«  •  j>  mii'i's  reliell'*  •  •     »»ituiv  que  !«\s  saMe>  meuMo*  >ic  !  •  #•  ■ 
P  sef'::  j»(».n  ^'.n  c«>ir. ••      ••  de  voii  la  di;V<*  renée  eu  Ire  l-s  «  * 
\ i ' i s  ' i '  .  d-  S»  (ri!l--.».  •  •      -A  est  uuionmix,  H  \ji  (,iui^  »,  où  *•!  •  <  .« 
•l'-m  >• 'd  ;  a'jssi  ii'jric  ei  a  >si  inculde  q  io  L'»"lni  d.  s  d<uii>s;  <>>i  » 
<  M*4  r  •  !e ,  au  eenlii*  «lu  j>:<vs  de  \V;n»s,  1«-  poli1.  leiri!«»«"  •  • 
ih.-iix    ui  .*'•'*'<  ad  cuire  H  ia-iloiid:  et  NteuwkerkMi  ;  C*e*t  pn-.  * 
d«s»*r   les  1  <aiso:,s  di-  par  lissent,  îcs  champs  do  pouiinos  de  UsTe 
raiv,  1 *  p.Mits  l'ois  des.v.ius  se  montre.;!,  et  bit-n'*'»l  d*.»  îi»  «.  •  • 
ln  ih'        qui!  l'un  eomuu-i.u  à  reboiser.  Aia>i  !a  seule  partie  s...,,, 
pr.  s   •  Waiv-s  est  presque  a:i>si  ilesiplf-i'  que  les  IniiHfS  d<*  .Ma«  •<  .  ]'•■'> 
Kînc'i^.VhI.  ur>  J-  e»'  di.<t":et  sont  aus<i  intrUi^ouls  et  l:'i'  »:'i«  ux  (;•:• 
«<ii  iv«  •••  d<*  la  »  .jîitî»'i' 2. 

t^  t»«*  irrtiîil»' piu>  iinicin  a  permis  aux  pl?i'i»«ïs  iudu^lrielK'^,  p  »: 
li»''W  «îu!  :.u  Iiu  d"  réii-t  r  plus  éue^iquo tnent  ip'wile'irs  à  1*.  iv, >■ 
d<  y  ;  '  «"'i  ;»  Ui.trr*»jî«ivs.     ioie  l'en  diadutititiii,  le  Un  f»*l  i»i»r««rt"  ue- 
ni:  .         .  ./riantes  du  p.*ys  d»^\  a»?s,  m'i  il  occujie  '^.'J^  ii*f»,i  •  • 
\   '  .  .  0..*j7  i  que  p.»<s«-Jo  la  I'ia.ulre  Ori:Mtî*ki  ;  ou  le.  s  ••tu  -Litis 

■ 

■  i.  \  I.  p.  H". 

•   l>il  •  '».  fi-x^' »■  olic-t'i' U  ph'i.'tH-lu*  «le  T\u<!isv,  (i  lï. 


■ 


LK  PAYS  D'ALOST 


.T>3 


fossés  d'eau  stagnante  creusés  lo  long  dos  routes,  ou  dans  les  anciens 
bras  de  l'Escaut.  La  vallée  du  fleuve,  fertile  ei  basse,  contient  aussi  des 
oseraies,  dont  les  produits  s'exportent  par  Anvers  vers  l'Angleterre,  ou 
des  cultures  de  légumes  comme  les  curieuses  plantations  de  choux  rouges 
autour  de  Terraonde.  De  là  le  prix  élevé  atteint  par  ces  terres  pourtant 
exposées  aux  inondations,  et  payant  l'impôt-wateringue  :  6.000  fr.  l'hec- 
tare à  Herlaere,  9.0)0  a  Tamise,  10.000  à  Zele. 


Le  Pays  d' 

Vers  l'Ouest  et  le  Sud,  la  transition  se  fait,  insensible,  du  sable  au  limon. 
Le  sol  est  plus  varié  :  au  Nord  de  Thourout  s'étend  un  sable  aride  et  sec  ; 
au  Sud,  un  sable  plus  compact  que  la  présence  de  l'argile  yprésionne  à 
faible  profondeur  rend  humide;  sur  le  flanc  des  coteaux  lo  sable  et 
l'argilite  paniseliens  mêlés  donnent  une  terre  franche  assez  fertile  ;  enfin 
vers  Roulers,  Iseghem,  le  sable  commence  à  devenir  limoneux.  Le 
paysage  change  et  s'éclaircit:  moins  d'arbres,  moins  de  haies;  les  bor- 
dures de  gazon  disparaissent.  A  Deynze,  c'est  encore  l'Est  ;  à  Vive-St- 
Eloy,  c'est  l'Ouest.  Le  froment  se  retrouve  plus  régulièrement  dans  les 
assolements.  A  Nevele,  il  n'occupe  encore  (1903)  que  50  hectares,  contre 
336  au  seigle,  128  aux  pommes  de  terre,  1 15  à  l'avoine,  53  aux  betteraves 
fourragères  ;  à 
Wynghone ,  98 
contre  1.120  de 
seigle  ,  595  de 
pommesde  terre, 
194  de  lin  (1895). 
Puis  la  propor- 
tion s'élève  ;  à 
Thielt,  elle  est 
de  moitié  (347 
contre  635)  ;  à 
Coolscamp ,  les 
chiffres  s'égali- 
sent :  102  contre 
135  ;  à  Iseghem, 
Beveren  -  lès  - 
Roulers,  Hoog- 
lede,  le  froment 


Kclielle  de  «  :  I.COO.ihmi. 

Fie..  fjO.  —  Répartition  de  la  culture  du  froment  on  Flandre 
belge  '.  La  proportion  la  plus  faible  ilaus  la  zone  sableuse  do 
l'I'Ist,  productrice  de  seigle  ;  la  plus  forte  dans  les  terres  limo- 
neuses du  Sud,  autour  d'Ainsi,  Courtrai,  l'opei  inglie  ;  le  maxi- 
mum dans  le  canton  de  Mouscron. 

l'rupurllon  p.u  cent  hectare*  de  Mipertleie  exploitée: 

m    IN  »  *»         J        0   «  à  1.1  <J      I»  à  » 


•  D'après  l'atlas  du  Recensement  agricole  belge  <le  |.S!C>,  pl.  IV. 


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FLANDRE  INTÉRIEURE.  -  I/AfiRICUI/ÏTRE  FLAMANDE 

l'emporte.  La  culture  à  la  bôche  disparaît  ;  les  exploitations  s'agran- 
dissent ;  tous  les  cantons  en  possèdent  d'au  moins  30  Ha  ;  on  en  trouve 
de  plus  de  40.  Les  chevaux  se  font  plus  nombreux,  les  vaches  ne  traînent 
plus  la  charrue  ni  les  véhicules.  On  arrive  ainsi  aux  régions  d'Alost,  de 
Courtrai,  d'Ypres. 

Le  territoire  situé  à  l'Est  de  l'Escaut,  et  auquel  on  donne  le  nom, 
d'ailleurs  peu  satisfaisant,  de  pays  d'Alost,  est  une  des  parties  les  plus 
variées  de  la  Flandre.  Au  Nord,  vers  Wetteren  et  Meirelbeke,  c'est  encore 
la  région  sablonneuse.  Fuis  le  plateau  s'élève  vers  le  Sud,  les  vallées  s'y 
dessinent,  et  si  le  haut  reste  sableux,  des  terres  fortes  se  montrent  au  flanc 
des  vallons,  une  végétation  spéciale  y  indique  la  présence  des  argiles. 
Dès  qu'on  franchit  l'Escaut  à  Eecke,  Gavere  ou  Audenarde,  il  faut  esca- 
lader un  flanc  raide  (tig.  Il);  en  haut  so  découvre  un  grand  plateau  très 
nu,  où  les  moulins  à  vent  sont  encore  nombreux  ;  quelques  tètes  d'arbres 
émergeant  d'un  creux  invisible  indiquent  la  tète  d'un  vallon.  Tel  est 
l'aspect  du  champ  de  bataille  de  Semiiicrzaeke,  où  Philippe  le  Bon  écrasa 
les  Gantois  ;  on  le  retrouve  tout  au  long  du  pays,  le  plateau  toujours 
monotone,  à  peine  ondulé,  déserté  parla  verdure  et  parles  habitations, 
les  ravins  et  vallons  riants  et  frais,  profonds,  remplis  d'arbres,  de  prairies 
et  de  sources.  Four  qui  suivrait  les  grandes  routes,  le  pays  d'Alost 
paraîtrait  singulièrement  découvert  et  triste,  car  pour  éviter  des  côtes 
trop  brusques  et  trop  fréquentes,  les  chaussées  principales  se  tiennent 
le  plus  souvent  sur  le  plateau,  suivent  les  arêtes  entre  les  vallons;  aussi 
ne  touchent-elles  pas  les  villages,  qui  sont  établis  a  mi-côte,  et  n'ont-elles 
guère  fait  naître  sur  leur  passage  que  des  hameaux  de  forges  et 
d'estaminets.  Quant  aux  chemins  des  vallées,  ils  sont  souvent  imprati- 
cables, enfouis  qu'ils  sont  derrière  d'épaisses  haies  qui  retardent 
l'assèchement  du  sol  humide. 

La  variété  de  sol  engendre  la  variété  des  cultures.  Sur  le  plateau 
s'étendent  les  céréales:  le  Nord,  plus  sableux,  produit  plus  de  seigle; 


EXEMPLE  D'ASSOLEMENT  « 


lir  ;  'i'..  .  . 

Froment. 

■V'  année.  .  . . 

M.'t.-il  ou  orge  (navet;.). 

>*   

—                                  ■  ■ 

Seigle  (iKIVl'tx). 

:»*  - 

Avoine. 

Lin  (earoites)  ou  elm-nive. 

fi»   —  .. 

Trèfle. 

r"  " 

i  Monographie  région  limoneuse,  p.  Hi. 


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LE  PAYS  D'ALOST 


c'est  le  cas  des  cantons  d'Alost,  Oosterzeele  etSottegem;  mais  le  Sud, 
plus  limoneux,  est  d^jà  un  pays  de  froment  :  1.060  hectares  dans"  le 
canton  d'Hoorebeke-Ste-Marie  contre  820  de  seigle  (1902)  ;  à  côté  d'eux, 
l'avoine,  les  betteraves  fourragères,  les  pommes  de  terre,  les  prairies 
artificielles.  Le  lin,  la  chicorée,  se  retrouvent  dans  les  terres  plus  fertiles 
du  Sud-Ouest.  Dans  les  vallées,  des  prairies  fauchées  et  des  pâtures  ; 
quelques  bouquets  de  bois  sur  les  argiles  tenaces  ;  autour  d'Alost  les 
oignons,  les  choux-fleurs,  les  cultures  maraîchères  de  la  vallée  de  la 
Deudre  ;  enfin  le  houblon  qui  s'accommode  bien  de  ces  pentes  où  des  terres 
légères  sont  superposées  à  des  couches  imporméables.  Tout  cela  soigné 
par  une  énorme  population  rurale;  le  pays  d'Alost  est  la  région  agricole 
la  plus  peuplée  de  la  Flandre;  en  1895,  pour  100  hectares  d'étendue  la 
population  agricole,  comprenant  les  pei-sonnes  au-dessus  de  12  ans, 
s'élevait  à  121  habitants  dans  l'arrondissement  d'Alost,  et  à  118  dans 
celui  de  Termonde,  contre  H  dans  celui  de  Furnes  *.  Aussi  tout  le  sol 
disponible  a-t-il  été  soigneusement  exploité  ;  la  proportion  des  terrains 
incultes  y  est  infime;  pour  100  hectares  d'étendue  exploitée,  elle  est  de 
0,34  hectare  dans  l'arrondissement  d'Alost,  de  0,41  dans  celui  d'Aude- 
narde,  tandis  qu'elle  s'élève  encore  à  5,89  dans  les  bruyères  de  l'arron- 
dissement d'Eecloo  s.  Il  en  résulte  que  les  terres  y  sont  plus  chères  que 
partout  ailleurs.  Les  terres  labourables,  dont  le  prix  s'élevait  en  1895  à 
2.989  francs  l'hectare  dans  le  canton  de  Furnes,  valaient  à  la  môme 
époque  4.980  francs  dans  celui  d'Alost,  4.878  dans  celui  d'Audenarde  ;  la 
moyenne  pour  l'arrondissement  d'Alost  montait  à  4.882  francs.  Même 
constatation  pour  les  pâtures.  A  Sotlegem,  terres  et  pâtures  valent 
6.000  francs,  et  sont  louées  250  francs;  à  Erembodegem,  à  Audenhove- 
St-Géry,  6.500  3.  Cependant  en  Hesbaye,  les  riches  terres  de  l'arrondisse- 
ment de  Waremme  n'atteignent  qu'à  la  moyenne  de  4.245  francs.  Ainsi, 
grâce  à  la  variété  du  sol  qu'elle  exploite,  l'agriculture  du  pays  d'Alost 
reste  prospère.  N'étant  pas  adonnée  exclusivement  à  la  culture  des 
céréales  riches  ou  des  plantes  industrielles,  elle  a  pu  résister  sans  trop 
de  dommage  à  la  crise  agricole  ;  mais  elle  s'oriente  résolument  vers 
l'augmentation  du  cheptel  vivant,  accroît  les  cultures  destinées  aux 
animaux  et  restreint  l'étendue  des  autres.  De  1895  à  1902,  l'étendue 
cultivée  en  froment  est  tombée,  dans  les  deux  arrondissements,  de 


»  KiicenseiiR'iit  185 Ci,  Iiitrodm-tion,  p. 

*  [bid.,  p.  m. 

3  Ibid.,  III,  pp.  UVll*. 


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FLANDRE  INTÉRIEURE.  - 


I.  Ar.RICrLTlRK  FLAMANDE 


12.000  hectares  à  10.300  ;  de  733  hectares,  le  lin  est  descendu  dans 
celui  d'Alost  à  190;  la  chicorée,  dans  celui  d'Audenarde,  de  865  à  280; 
enfin  le  houblon  a  diminue  de  moitié  ;?57  contre  Ainsi  l'évolution 
qui  s'opère  dans  l'agriculture  de  la  région  sableuse  est  plus  caractérisée 
encore  ici. 

Le  pays  de  Courtrai. 

Au  contraire  le  pays  qui  s'étend  de  Roulers  et  d'Audenarde  à  Wervicq 
et  Mouscron,  et  dont  Courtrai  est  le  rentre,  reste»  voué  aux  vieilles 
cultures  industrielles.  Iaî  lin,  la  chicorée,  le  tabac,  le  colza  lui-même,  y 
occupent  une  place  honorable  1  ;  en  tous  cas  ce  sont  ces  plantes  qui 
gardent  le  premier  rang  dans  les  occupations  des  agriculteurs.  Aux 
environs  de  Courtrai,  le  lin  est  l'àme  de  la  contrée;  les  nappes  vert 
tendre  des  linières  sont  un  élément  du  paysage  ;  les  boites  couleur  jaune 
pâle  emplissent  les  voitures  qu'on  rencontre  ;  ou  en  aperçoit  empilées  dans 
des  magasins  ;  on  croise  des  ouvriers  teilleurs,  la  figure  et  les  vêlements 
couverts  de  poussière  jaune. 


EXEMPLES   D'ASSOLEMENT  * 


! 

!.KM>KI.E1>K 

ZVNDVOORDE 

1™  année  

Un. 

Betterave. 

2«  — 

Avoine. 

Froment. 

3«  — 

Trèfle. 

Trèfle. 

4«  _ 

Froment. 

Avoine. 

5e 

Ho  lté  rave. 

Pomme  de  terre. 

ri- 

Froment  on  Avoine. 

Seigle  (Navets). 

7»  - 

Pomme  île  terre. 

Féveroles. 

8e 

Seigle  (Navets). 

Froment. 

<H  — 

Chicorée. 

Tabac. 

Si  la  chicorée  a  traversé  une  crise  récente,  qui  a  fait  restreindre 
les  élendues  consacrées  à  cette  culture,  le  lin  et  lo  tabac  se  main- 


i  En  imrj,  environ  un  dixième  .les  terres  exploitées  dans  l'arrondissement  <I<? 
Courtrai. 

i  Muni. graphie  région  limoneuse,  p.  1U. 


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LE  PAYS  DE  COURTRAI 


357 


tiennent,  et  le  colza  lui-même,  qu'on  avait  pu  croire  frappé  à  mort,  a 
retrouvé  quelque  faveur.  Il  est  vrai  que  le  terroir  est  particulièrement 
favorable.  «  L'arrondissement  de  Courtrai,  dit  le  préfet  de  Viry, 
est  l'enfant  gâté  de  la  nature»  Le  sol  est  formé  d'un  limon  sableux 
qui  rappelle  celui  du  pays  de  Waes  ;  la  présence  de  la  coucho  d'argile 
imperméable  à  une  faible  profondeur  assure  une  certaine  humidité.  Il  y 
a  bien  des  parties  plus  ou  moins  sableuses,  surtout  au  Nord-Est;  mais 
qu'importe  ;  par  les  temps  humides,  les  sables  valent  peut-être  mieux 
que  les  terres  argileuses,  et  d'ailleurs,  de  l'aveu  du  paysan  flamand, 
toutes  les  terres  avec  des  engrais  ne  finissent-elles  pas  par  se  valoir  ? 
D'ailleurs  la  chicorée  et  le  lin  n'aiment  pas  les  terres  trop  fortes.  Ils 
trouvent  là  d'autres  conditions  tavorables  :  pour  le  lin,  la  présence  de  la 
Lys,  doni  les  eaux  sont  les  meilleures  possibles  pour  le  rouissage;  pour 
tous  deux,  une  main-d'œuvre  abondante  due  à  la  forte  densité  de  la 
population  :  condition  essentielle  pour  ces  plantes  qui  exigent  des  soins 
minutieux  et  délicats.  Voilà  pourquoi  ces  intéressantes  cultures  diminuent 
moins  autour  de  Courtrai  que  dans  Te  reste  de  la  Flandre  ;  la  chicorée 
malgré  les  tarifs  dont  s'est  fortifiée  la  frontière  française  ;  le  lin  en  dépit 
du  caractère  aléatoire  de  sa  culture,  où  il  faut  compter  comme  nulle  une 
année  sur  huit,  et  comme  bonne  une  au  plus  sur  trois.  En  dépit  de  la 
terrible  concurrence  russe,  qui  enlèvo  aux  lins  belges  le  marché 
français  et  les  poursuit  jusque  chez  eux,  les  cultivalours  de  Roulers  cl 
Courtrai  conservent  cette  plante,  qui  en  une  bonne  année  peut  rapporter 
le  prix  de  la  terre  où  elle  pousse  *. 

Les  cultures  industrielles  ont  un  autre  avantage.  La  quantité  énorme 
d'engrais  qui  leur  sont  nécessaires,  la  façon  soignéo  qu'il  faut  donner  au 
sol  ne  sont  pas  perdus  pour  les  plantes  qui  les  suivent  dans  l'assolement. 
Le  tabac  de  la  région  de  Wervicq  esl  apprécié  des  cultivateurs  non' 
seulement  pour  les  profits  que  leur  donne  sa  vente,  mais  parce  que  la 
terre  qui  l'a  porlé  n'a  plus  besoin  d'engrais  pendant  deux  ans.  Aussi 
l'agriculture  du  pays  de  Courtrai  n'hésite  pas  à  confier  à  son  sol  des  quan- 
tités formidables  d'amendements  ;  un  hectare  do  lin  reçoit  en  moyenne 
195  francs  d'engrais,  un  hectare  de  labac,  751  francs.  En  revanche,  le 
rendement  de  toutes  les  récoltes  s'élève  ;  les  cantons  de  Mouscron,  de 
Roulers  et  d'Avelghem  sont,  de  toute  la  Flandre  Occidentale,  ceux  où 
l'on    récolto   les  plus  grandes  quantités  de  froment  et  d'avoine  à 


1  De  Viry,  Mémoire,  p.  1 10. 

*  Lichtervelde,  Mémoire  sur  les  fonds  ruraux  du  département  de  l'Escaut  (Garni, 
Goesiu,  1810,  in-80,  179  p.,  pl.)  p.  114. 


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m  FLAN  DR  E  INTÉRIEURE.  -  L'AGRICULTURE  FLAMANDE 


l'hectare;  ceux  d'Ardoye  et  do  Menin  tiennent  la  tète  pour  les  pommes 
de  terre.  Le  soin  que  réclament  les  plantes  industrielles  s'étend  à  toulc 
l'agriculture;  le  pays  de  Courtrai-Roulers  est  la  région  la  plus  remar- 
quable de  la  province  au  point  de  vue  agricole  ;  le  bétail  y  est  aussi 
soigné  que  les  cultures  :  un  agronome  distingué  l'estime  le  plus  beau  de 
Flandre  ;  l'instruction  technique  du  cultivateur  est  poussée  plus  loin  que 
partout  ailleurs  ;  aussi  la  crise  agricole  y  a-t-elle  été  moins  pénible  que 
dans  le  reste  du  pays1.  L'agriculture  y  est  devenue  scientifique;  les 
engrais  savants,  peu  employés  dans  l'Est,  y  sont  en  honneur.  Par  hectare 
d'étendue  cultivée,  les  arrondissements  de  Roulersot  de  Thielt  emploient 
43  et  33  kilos  d'engrais  azotés,  contre  i  et  3  kilos  dans  ceux  de  Termonde 
et  d'Alost  ;  en  particulier  le  nitrate  de  soude,  dont  on  use  par  hectare  162 
kilos  à  Roulers  et  à  Thielt,  voit  sa  consommation  réduite  à  1  kilos  autour 
de  Termonde.  Les  tourteaux,  le  sulfate  d'ammoniaque,  les  engrais 
phosphatés,  sont  employés  dans  dos  proportions  semblables  2. 

L'aspect  de  la  région  porte  l'empreinte  de  cette  prédominance  des 
cultures  industrielles.  L'agriculture  scientifique  a  pourchassé  les  arbres; 
le  pays  est  nu  et  monotone  ;  rien  que  des  champs  et  des  maisons,  à  peine 
quelques  bouquets  d'ormes  auprès  des  fermes.  Les  ouvriers  agricoles 
Habitent  des  files  de  corons  aux  constructions  peu  soignées  ;  la  couleur 
do  la  brique  y  est  crue;  les  rideaux  manquent  parfois  aux  fenêtres.  On 
dirait  des  morceaux  détachés  d'un  faubourg  industriel.  D'ailleurs  leurs 
habitants  sont  déjà  à  moitié  des  ouvriers  d'industrie,  faisant  rouir 
en  automne,  toillant  en  hiver  le  lin  qu'ils  ont  cultivé  et  récolté  dans  la 
première  partie  de  l'année. 

Houtland  de  l'Ouest. 

Bien  plus  pittoresque  est  le  pays  flamand  do  l'Ouest,  la  partie  du 
Houtland  qui  s'étend  de  Roulers  et  Wervicq  jusqu'à  St-Omer  et  Ardres,  la 
riante  région  d'Ypres  et  de  Cassel.  Collines,  bois,  haies,  pâtures,  lignes 
d'ormes  et  de  chênes  s'y  succèdent  ;  les  arbres  et  les  plantes  donnent 
l'impression  d'une  nature  riche,  presque  exubérante.  Guichardin  estime 
que  le  pays  d'Ypres  est  le  meilleur  qui  soit  en  Flandre  flamingante,  et 
la  chronique  de  Wallon  (XIe  siècle}  déclare  que  l'agriculteur  peut  négliger 


»  Leplae,  Esqui*st\  pp.  8'. Mil. 

-  Recensement  18! Ci,  Introduction,  pp.  îiOO-330. 


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LK  HOUTI^M)  DK  L/OL'EST 


.YiO 


son  travail  :  lo sol  produira  encore  malgré  lui'.  C'esl  beaucoup  dire  ; 
car  si  le  limon  brun  qui  garnit  les  parties  basses  constitue  une  terre 
arable  suffisante,  il  reste  sur  les  hauteurs  bien  des  sables  et  des 
clyttes.  Les  sables  qui  forment  la  rangée  de  colliues  à  l'Est  d'Ypres 
portent  encore  des  bois  ;  on  y  cultive  le  seigle  en  quantités  plus  grand&s 
que  le  froment.  L'abbaye  de  Nonnenbosche  lève  des  redevances  en  seigle 
à  Reninghelst  au  XIIIe  siècle 1  ;  la  prévôté  de  St-Martin  d'Ypres  en  1-1  i : î 
n'exige  pas  de  froment  à  Zonnebeke,  n'étant  pas  sûre  qu'on  en  cultive 3. 
Do  1895  à  1902,  le  seigle  a  même  gagné  plus  de  200  hectares  dans 
l'arrondissement  d'Ypres,  tandis  que  le  froment  en  perdait  1.2(30. 

Mais  sitôt  la  frontière  passée,  la  proportion  change.  Lo  seigle,  oncoro 
abondant  autour  de  Poperinghe,  disparaît  sur  le  territoire  français  ;  il 
n'en  est  plus  question  dans  les  rotations.  Aucune  commune  n'en  lient 
plus  de  10  hectares  ;  il  faut  aller  aux  confins  do  l'Artois  pour  on  retrouver 
sur  les  mauvaises  terres.  Ias  blé  règne  dans  l'assolement  ;  il  occupe  inva- 
riablement la  moitié  des  terres  labourables,  parfois  plus.  A  Caestre, 
c'est  270  hectares  sur  473  ;  à  Ledringhem,  210  sur  468  ;  à  West-Cappel, 
290  sur  557.  Nulle  part  il  no  descend  au-dessous  du  tiers.  C'est  le  premier 
miracle  dû  à  la  présence  d'une  frontière.  Protégé  par  les  tarifs  de 
1892,  le  froment  se  tient  à  un  prix  moins  bas  qu'en  Belgique.  Aussi, 
tandis  qu'il  garnit  environ  un  cinquième  des  torres  labourables  dans  le 
canton  belge  de  Rousbrugge,  étendu  au  long  de  la  frontière,  il  en  occupe 
la  moitié  en  France  dans  le  canton  voisin  do  Wormhoudt. 

Cependant  là  aussi  on  constate  l'augmentation  dos  récoltes  destinées, 
en  tout  ou  en  partie,  à  la  nourriture  des  animaux.  L'avoine  prend  de 
l'extension  ;  elle  est  moins  exigeante  que  lo  froment,  et  se  vend  aussi 
bien.  Les  vieilles  cultures  du  trèfle,  des  fèves,  dj\s  haricots,  sont  on 
croissance.  Un  peu  partout,  on  signale  le  développement  do  la  pomme 
déterre;  parfois  elle  prend  la  première  place  après  le  blé.  Ici  encore, 
c'est  aux  dépens  des  cultures  industrielles  que  le  mouvement  s'opère. 
I/C  houblon,  rien  que  dans  la  partie  belge,  a  perdu  en  sept  ans  un  tiers  de 
son  étendue  cultivée  :  de  1.497  hectares  en  1895,  il  descend  à  1 .021  en  1902; 
parfois,  commo  à  Elverdiughe,  on  l'a  remplacé  par  la  chicorée,  qui 


1  (tuichardiii,  Trad.  français  do  l'tT>  (Amsterdam,  .Janssoii),  p.  '.IV, I  :  —  M.  (}.  SS, 
XIV,  pp.  HV'i-!»r>. 

*  Van  Holloboko  (L.),  Cartulaire  do  l'abbaye  de  Nonnenboxehe  (Unîmes,  Soe.  d'Km., 
18*Ci,  in-î°),  p.  !«». 

3  Feys  et  N'élis,  Les  trois  cartulaires  de  l.-i  Prévôté  de  St-Martin  à  Ypres  (Bruges, 
Soc.  d'Em.,  'i  vol.  in-i»,  1880-8i),  II,  p.  ">8. 


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FLANDRE  INTERIEURE. 


L'AGRICULTURE  FLAMANDE 


périclite  à  son  tour.  Des  prix  do  vente  un  peu  plus  élevés,  en  1903  et 
1901,  ont  provisoirement  enrayé  le  mouvement  ;  mais  ce  ne  peut  être  là 
qu'un  arrêt  momentané  dans  la  décadence.  Pourtant  celte  plante  est  bien 
à  sa  place  autour  des  collines  :  il  lui  faut  un  sol  assez  léger,  mais 
beaucoup  d'humidité  ;  elle  trouve  l'un  et  l'autre  dans  les  terres  sableuses 
de  la  base  des  collines,  qui  surmontent  l'argile  yprésiennc.  Mais  c'est  une 
culture  délicate  et  coûteuse,  qui  demande  beaucoup  de  soins,  d'engrais, 
une  main-d'œuvre  abondante  que  le  pays  ne  fournit  pas,  et  nécessite  des 
opérations  compliquées,  cueillette,  séchage,  pressage,  qui  font  monter  le 
prix  de  revient  à  plus  de  1.000  fr.  l'hectare.  D'une  année  à  l'autre,  le 
houblon  peut  rapporter  plus  que  le  prix  du  terrain,  ou  mettre  le  cultiva- 
teur en  déficit. 

Le  lin  a  été,  il  y  a  35  ans,  la  culture  la  plus  importante  du  pays, 
sinon  pour  l'étendue  occupée,  du  moins  pour  l'intérêt  qu'y  attachaient 
les  cultivateurs  ;  sa  présence  dans  le  pays  est  d'ailleurs  fort  ancienne; 
Pline  le  signale  chez  les  Morius,  et  la  loi  salique  le  mentionne  à  côté  du 
blé,  des  pois  et  des  fèves  '.  Mais  à  partir  de  1870  apparaît  la  concurrence 
du  lin  russe  et  d'autres  plantes  industrielles  en  vogue,  comme  la  bette- 
rave ;  les  difficultés  avec  lesquelles  est  aux  prises  l'industrie  linière 
l'obligent  d'employer  de  préférence  la  matière  première  de  qualité  infé- 
rieure, mais  moins  chère,  que  lui  offrent  les  lins. russes  !;  la  culture 
décline  rapidement.  En  1871,  le  département  du  Nord  possédait  15.782 
hectares  de  lin  ;  dès  1877,  il  n'en  restait  que  9.648;  en  1887, 6.85  i  ;  en  même 
temps  on  voyait  l'importation  des  lins  russes  bondir  de  18.200.000  kilos  en 
1872  à  58.800.000  en  1882  Pour  arrêter  la  chute,  on  accorda  en  1892  uue 
prime  de  (K)fr.  environ  par  hectare  à  tout  planteur  de  lin  qui  ferait  sa  décla- 
ration de  culture;  le  département  ne  cultivait  plus  à  cette  date  que  1.862 
hectares.  En  1893,  la  prime  faisait  atteindre  3.168  hectares,  et  4.671  en 
1894  :  mais  les  causes  de  décadence  étaient  trop  puissantes,  et  la  chuto 
recommença  :  il  n'y  avait  plus  que  1.307  hectares  en  1898,  dont  422  pour 
l'arrondissement  de  Lille,  419  pour  celui  de  Dunkerque,  188  pour 
celui  d'Hazebrouck  *.  Une  légère  reprise  a  eu  lieu  depuis,  à  la  faveur 


1  Pline,  XIX.  II,  1-2;  Vanderkindere,  Introduction,  p.  118. 

i  Aftalion  (A.).  Ln  décadence  de  l'indusiric  linière  et  la  concurrence  victorieuse  île 
l'industrie  coionnière  (Revue  d'Economie  politique,  HXM,  pp.  î20-'i'i7,  < ii< >-l Wi,  721- 
78'i),  p.  7* m.  Ajouter  la  décadence  <lu  lin  comme  plante  oléagineuse  devant  le  sésauu\ 
l'arachide,  le  pétrole. 

3  Merchier  (L.),  Monographie  du  lin  et  de  l'industrie  linière  dans  le  département 
du  Nord,  (Lille,  Dauel,  liKKi),  p.  lâi. 

*  lbid.  pp. 


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58! 


... 


LE  PAYS  DE  LILLE  .Td 

de  la  baisse  de  la  betterave  ;  mais  ce  no  sont  guèro  que  les  derniers 
soubresauts  d'une  culture  agonisante'.  Un  tin  la  betterave,  après  une 
fortune  rapide,  a  vite  connu  le  déclin  ;  en  1ÎMH  la  gare  de  Steenvoorde  en 
expédiait  chaque  jour,  pendant  la  campagne,  plusieurs  trains  supplémen- 
taires ;  en  1902,  il  n'y  en  avait  plus  un  seul.  Seulo  la  betterave  fourragère 
est  capable  de  se  maintenir;  quant  ;\  celles  de  sucrerie  et  de  distillerie, 
l'étendue  des  terres  qu'on  leur  consacre  peut  varier  de  moitié  d'une  année 
à  l'autre,  selon  1  état  de  l'industrie. 

Le  Pays  de  Lille. 

Le  pays  de  Lille  participe  à  cette  situation  un  peu  instablo  ;  le  blé  y  fait 
toujours  le  fond  de  la  culture,  mais  les  autres  produits  augmentent  ou 
diminuent  dans  des  proportions  déconcertantes,  le  cultivateur,  aujour- 
d'hui informé,  étant  toujours  prêt  à  fournir  la  denrée  qui  se  vendra 
le  mieux.  Sous  Charlemagne,  les  missi  de  l'empereur  constataient 
dans  les  villas  d'Anna pes  et  de  Oruson  la  présence  de  5.522  muids 
d'épeautre,  4.000  muids  d'orge,  630  d'avoine,  250  de  seigle,  et  100  de 
froment  pur;  en  plus,  quantité  de  fèves  et  de  pois,  et  750  muids  de 
vin  provenant  des  vignes  du  domaine  *.  Ainsi  les  céréales  riches 
étaient,  de  beaucoup,  la  culture  principale.  Bousbecquo  au  XVr  siècle 
produit  «  bleds,  lain,  eolsat  et  légumes  »  ;  c'est  l'apparition  des 
cultures  industrielles.  Aujourd'hui,  ce  territoire,  siège  d'une  industrie 
florissante,  n'est  plus  qu'à  demi  agricole  ;  les  cultures  y  sont  déjà  une 
dépendance  de  la  ville  et  de  l'usine.  Si  les  céréales,  moitié  par  habitude, 
moitié  par  nécessité  d'équilibrer  les  assolements,  continuent  de  tenir  une 
grande  place,  les  autres  plantes  sont  en  évolution  constante.  La  betterave 
de  distillorie  y  remplace  la  pomme  de  terre,  qui  avait  profilé  de  la 
déeadence  du  lin  ;  les  prairies  artificielles  augmentent,  car  il  faut  nourrir 
un  bétail  sans  cesse  plus  nombreux,  destiné  à  alimenter  de  viande,  do  lait  et 


•  Voir:  Brame  (.1.),  Rapport  sur  la  ([nesiion  .le-,  lins  au  Conseil  p'néral  <lu  Non!, 
session  de  IHT.2  :  —  Lolnreau,  Etudes  sur  les  eaiises  .le  la  •liiiiimitioii  de  la  eiihure  .lu 
lin  en  Flandre  (Bull.  Soc.  Auricult.  Nnr.l.  juillet  |SX't);  —  Fniieheur,  Kapjiorts  (annuel») 
sur  les  concours  liniers  dans  le  Nord  ;  etc.  —  En  l'.HKl,  l'arrondissement  de  Dnnkerque 
retrouve  1.1$)  hectares;  celui  d'Hazebrouck  VU);  celui  de  Lille  H'.»)  ;  en  l'.IO'i.  les 
chiffres  *ont  de  'J.l'iH,  <£!1  et  LOTO;  c'est  la  plus  forte  quantité  constatée  depuis  ÎKH',. 

1  Leuridan  (Th.),  Statistique  féodale  du  département  du  Nord  :  le  Mëlantois  (Bull. 
Gomm.  H.  N.,  XXIV),  p.  :>. 

'  Dalle  (J.),  Histoire  de  Bousbecque  (Wervicq,  1680),  p.  l<r>. 


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FLANDRE  INTÉRIEURE.  -  I/AORICn/TTRE  FLAMANDE 

de  beurre  une  énorme  population  urbaine.  A  Bousbecque,  sur  416  hectares 
labourables,  les  céréales  occupent  220  hectares  ;  mais  la  pomme  do  terre 
qui  s'étendait  sur  05  hectares  en  1880,  est  réduite  (1901)  à  2<>  ;  le  lin  est 
descendu  de  il  à  15  ;  en  revanche  la  betterave  est  montée  de  42  à  100, 
dont  67  pour  la  distillerie,  et  ses  progrès  semblent  devoir  continuer.  A 
Bondues,  sur  9! VA  hectares,  le  blé  en  tient  le  tiers,  326;  l'avoine,  237; 
et  pendant  que  le  lin  est  réduit  à  20,  la  pomme  de  terre  a  62,  les  bette- 
raves de  distillerie  tiennent  147  hectares  (190.**);  enfin  la  proximité  des 
grandes  villes  fait  prospérer  les  cultures  maraîchères  (60  hectares). 
Ainsi  cette  agriculture  du  pays  de  Lille  dépend  étroitement  des  puissantes 
agglomérations  qui  font  de  ce  coin  un  dos  plus  peuplés  du  monde  ; 
jadis  elle  fournissait  surtout  le  lin  mis  en  œuvre  dans  ses  usines  ; 
aujourd'hui  sa  spécialité,  après  les  légumes  et  l'élevage,  c'est  la  produc- 
tion de  la  betterave  utilisée  dans  les  distilleries  de  Bousbecque,  do 
Wambrechies,  de  Mouveaux,  de  Boubaix,  de  Lille. 

La  Plaine  de  la  Lys. 

Plus  on  s'avance  vers  le  S.-W.,  plus  la  terre  devient  bonne  et  forte.  La 
plaine  de  la  Lys,  à  ce  point  de  vue,  est  la  partie  du  Houtland  qui 
ressemble  le  plus  à  la  Plaine  maritime.  Le  sol  y  est  en  général  un  limon 
argilo-sableux,  épais  de  2  à  :r,  interrompu  parfois  par  des  affleure- 
ments d'argile  yprésienne  qui  constituent  les  terres  glaiseuses  tenaces  des 
Pacauts.  Ce  sont  donc  des  terres  fortes;  il  leur  arrive  de  brûler  les 
plantes  ;  on  sème  plus  tard  le  blé  à  Steeuwerck  qu'à  Bailleul  :  il  viendrait 
trop  tôt,  et  d'ailleurs  la  moisson  est  encore  en  avance  sur  Bailleul 
et  Strazeele  (lig.  3).  La  terre  doit  être  préparée  avant  la  fin  d'octobre, 
où  les  grandes  pluies  rendent  les  champs  impraticables  ;  et  souvent  ou  ne 
sème  qu'à  la  fin  de  janvier,  quand  il  a  gelé.  L'horizontalité  du  sol  est  un*1 
autre  point  commun  avec  la  région  poldérienne  ;  les  altitudes  varieut 
entre  H  et  2Î  mètres.  La  plaine  est  donc  sans  cesse  menacée  d'inonda- 
tion, et  il  a  fallu  y  creuser  un  système  de  walergands  presque  aussi 
compliqué  que  celui  des  Wateringues.  De  plus  les  rivières,  la  Lys  et  ses 
affluents,  sont  toujours  près  de  déverser  sur  la  plaine  leurs  eaux  décrues; 
jusqu'à  la  fin  du  XVIII''  siècle,  les  inondations  étaient  annuelles  ;  chaque 
hiver  encore  il  y  a  des  inondations  partielles,  qui  empêchent  quelques  jours 
ou  quelques  heures  la  circulation;  en  1*94,  tous  les  habitants  étaient  dans 
les  greniers.  Le  sol  est  si  plat  que  l'eau  de  la  Lys  remonte  dans  les 
becquesjusqu  a  Steeiiwerck  et  Vieux-Berquin.  Il  faut  donc  curer  avec  soin 


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LA  PLA1NK  1>K  LA  LYS  m 

fossés  et  ruisseaux  ;  les  Ponts-et-(  Chaussées  en  surveillent  chaque  année  lo 
détail.  Depuis  un  siècl»',  c'est  par  le  drainage  qu'on  remplace  les  fossés  1  ; 
on  pagne  ainsi  un  espace  appréciable;  danslenrcahîor de  1789 Jes habitants 
deFleurbaix,  déclarant  que  leur  pays  est  aquatique  et  n'a  pu  être  défriché 
qu'au  moyen  d'un  grand  nombre  de  fossés  larges  et  profonds,  avouent 
qu'ils  «  absorbent  avec  les  chemins  la  sixième  partie  du  terroir  »  *.  La 
besogne  s'est  poursuivie  par  toute  la  plaine  ;  partout  on  constate  que  les 
fossés  diminuent  de  nombre,  que  les  vieux  chemins  de  terre,  larges  parfois 
de  15  mètres,  disparaissent  ;  avec  eux  on  voit  diminuer  les  haies  d'aulnes 
ou  d'épines,  et  les  arbres,  ces  grands  bouquets  d'ormes  qui  sont  la 
parure  du  pays  ;  on  constate  à  Vieux-Berquin  qu'il  n'en  reste  pas  le 
dixième  de  ce  qu'il  y  avait,  il  y  a  60  ans. 

domine  dans  la  Plaine  maritime,  les  céréales  et  les  pâtures  se  sont  parta- 
gées ces  terres  fortes  et  humides.  Les  premières  y  ont  gardé  une  situation 
importante  et  le  rendement  en  est  considérable;  à  Riehebourg  on  arrive 
assez  aisément  à  50  hectolitres  à  l'hectare.  Les  pâtures,  groupées  près  des 
fermes,  occupent  entre  un  quart  et  un  sixième  du  sol.  Cependant  d'autres 
cultures  sont  venues  :  le  lin,  important  au  XV  IIP  siècle,  et  qu'on  faisait 
rouir  dans  les  fossés,  au  grand  détriment  de  la  santé  publique1;  le 
colza  et  1  œillette,  dont  on  trouvait  en  1814,  2.050  et  2.245  hectares 
dans  l'arrondissement  de  Béthune,  contre  129  et  217  en  1898.  La  bette- 
rave a  pris  leur  place;  mais  elle  est  aujourd'hui  fortement  menacée  par 
la  pomme  de  terre.  On  s'est  mis  â  en  planter  en  grand,  pour  l'expor- 
tation ;  et  chez  beaucoup  de  paysans,  c'est  le  remède  qui  a  permis  de 
sortir  do  la  crise.  A  Steenwerck,  à  Kstaires,  à  Merville,  Hazebrouck, 
la  pomme  de  terre  vient  aussitôt  après  le  blé  pour  l'étendue  cultivée  ; 
à  Vieux-Berquin,  elle  l'égale,  et  occupe  un  tiers  du  sol  arable.  La  gare 
de  Strazeele  en  expédie  parfois  900  tonnes  par  semaine  pour  Paris 
et  les  villes  du  Nord,  tandis  que  des  quantités  énormes  de  plants  sont 
envoyés  en  Algérie,  d'où  ils  reviennent  comme  primeurs  en  février,  bmtin 
les  pois  et  les  haricots,  exportés  d'Ëstaires  et  Merville  vers  Marseille  et 
l'Allemagne,  les  plantes  fourragères,  le  tabac  dont  l'importance  va 
diminuant,  se  partagent  le  reste  de  l'assolement. 

\jà  prospérité  de  la  betterave  autrefois,  colle  de  la  pomme  de  terre  à 


«  Li  fièvre  paludéenne,  qui  fr.ipp.iii  surtout  les  moissonneurs,  na  disparu  que  .lopins 
1870  h  Yieux-Merquin,  c'est-à-dire  depuis  qu'on  a  eomblé  les  trous  et  les  fossés. 

*  Loriquet,  Cahiers  do  ITS'J  dans  le  Pas-de-Calais,  f  Arras.  R.'-possé-Crëpol,  1*91, 

h.-8»).  p.  :«». 

»  Arch.  Pas-de-Calais.  C.  iiO. 


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30',  FLANDRE  INTÉRIEURE.  -  L'AGRICULTURE  FLAMANDE 


l'heure  actuelle,  contribuent  à  diviser  dans  la  plaine  do  la  Lys  les  exploi- 
tations déjà  1res  peu  étendues.  La  densité  de  la  population  et  l'habitude 
des  plantes  industrielles  en  avaient  fait  un  pays  de  petite  culture  ;  dans  les 
communes  de  I,a  Coulure,  Locon,  Richebourg-l'Avouè,  90  °;„  des  exploi- 
tations ont  de  1  à  5  hectares;  à  Estaires,  500  sur  561  sont  dans  le  même 
cas;  à  Steenbecque,  310  sur  389.  Merville,  sur  602  exploitations,  n'en  a 
que  deux  qui  dépassent  40  hectares.  Aussi  cette  petite  culture  est-elle 
particulièrement  soignée  ;  les  engrais,  surtout  ceux  qui  remédient  au 
défaut  d'acide  phosphorique,  sont  d'un  emploi  courant  ;  les  marchands 
rt'enprais  sont  nombreux  dans  chaque  agglomération  ;  pour  leurs 
produits,  on  délaisse  le  fumier,  et  la  paille  amenée  de  partout,  à  20  km. 
à  la  ronde,  est  pressée  à  la  gare  de  Strazeele,  et  expédiée  vers  le 
bassin  houiller  et  l' Angleterre. 


V. 

L'ÉVOLUTION  ACTUELLE:  LES  SPÉCULATIONS  ANIMALES. 

L'agriculture  flamande  a  donc  évolué  au  XIX"  siècle.  Conservant  ses 
traditions  de  labeur  excessif,  le  paysan  du  Houtland  a  fait  l'apprentissage 
des  nouvelles  conditions  économiques  ;  il  s'est  résigné  à  délaisser  les 
cultures  traditionnelles  que  des  pays  plus  favorisés  ou  mieux  outillés 
pouvaient  produire  à  meilleur  compte  ;  il  s'enquierl  dos  désirs  des 
consommateurs  ;  il  suit  la  demande,  et  parfois  même  la  précède.  L'agri- 
culture flamande  y  perd  en  originalité,  mais  y  gagne  la  prospérité. 

Cependant  malgré  sa  science  et  son  courage,  le  cultivateur  flamand, 
resserré  sur  sa  petite  exploitation,  ne  pourrait  pas  vivre  si  les  spéculations 
animales  ne  venaient  fournir  leur  appoint.  Il  en  a  toujours  été  ainsi  ; 
d'ailleurs  le  sol  humide  se  prêtait  à  la  production  de  l'herbe,  et  il  fallait 
fournir  de  la  viande  aux  grandes  agglomérations  industrielles.  l)o  bonue 
heure,  la  Flandre  fui  donc  un  pays  de  bétail.  Aux  IXe  et  Xe  siècles,  ou 
retrouve  assez  fréquemment  indiquéo  dans  les  carlulaires  l'existence  de 
ce  bétail,  et  les  grandes  fermes  en  ont  à  peu  près  la  proportion  indiquée 
pour  une  uiansi'  de  St-llertin,  sur  laquelle  vivaient  i  bœufs,  10  vaches, 
15  porcs  et  50  brebis  «.  En  1162,  la  ferme  de  l'abbaye  de  Groeninghe 
possède  4  juments  de  labour,  15  vaches  à  lait  et 3  génisses,  3  taureaux; 


i  Guérard,  Si-Henin,  p.  1.'>S. 


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LKS  SPÉCULATIONS  ANIMALES  305 

c'est  la  proportion  d'une  grande  ferme  actuelle  do  30  à  40  hectares 
Au  XVe  siècle,  le  territoire  de  Bousbocque  a  beaucoup  de  moutons,  et 
en  1592,  on  constate  que  sur  125  feux,  83  ont  des  bêtes  à  cornes,  une 
ou  deux  chacun  *.  La  loi  salique  elle-même  énumèro  déjà  tous  les 
animaux  domestiques  que  l'on  trouve  aujourd'hui  en  Flandre. 

Mais  la  nécessité  de  s'aider  des  profits  tirés  des  animaux  pour  boucler 
le  budget  de  l'exploitation  est  devenue  bien  plus  pressante  depuis  30  ans. 
Les  céréales  ne  se  vendent  plus  à  des  prix  rémunérateurs,  sauf  de  rares 
exceptions.  Los  cultures  industrielles,  dont  la  Flandre,  grâce  à  son  abon- 
dante main-d'œuvre  et  a  son  savoir  agricole,  s'était  fait  une  spécialité, 
périclitent  ou  disparaissent.  L'œillette,  le  colza,  ne  comptent  plus  ;  le  lin 
recule  ;  la  chicorée  et  le  houblon  languissent  ;  la  betterave  n'est  pas 
sûre.  Seuls  les  animaux  sont  demandés,  et  rapportent.  D'un  bout  à  l'autre 
de  la  Flandre,  l'élevage,  l'engraissement  ont  pris  le  pas  sur  toutes  les 
autres  besognas  de  l'agriculteur.  On  constate  à  Cruybeke  que  le  bétail 
est  «  l'appoint  essentiel  $>  ;  à  Bellem  :  que  «c'est  la  vraie  ressource  du 
pays  ;  on  ne  vend  plus  que  cela  et  des  porcs  »  ;  à  Poperinghe,  «  bétail 
et  houblon  font  tout  »  ;  à  Wervieq  «  c'est  une  ressource  plus  importante 

I 

encore  que  le  tabac  »  ;  à  Neuve-Eglise,  «  la  prospérité  actuelle  vient  de 
la  vente  des  veaux  et  des  porcs  ;  un  fermier  qui  chorche  à  placer  un  fils, 
essaie  d'abord  de  lui  louer  beaucoup  de  pâturages  >.  Fait  significatif  : 
à  Thielt,  l'ancien  marché  au  lin  est  devenu  le  marché  au  beurre.  La 
comparaison  avec  l'Artois  est  intéressante  ;  le  pays  de  la  rive  gauche 
de  l'Aa  entre  Arques  et  Eperlecques,  qui  avait  mis  sa  confiance  dans  le 
blé  et  la  betterave  et  négligé  les  animaux,  avoue  sa  gêne,  tandis  que  la 
Flandre  est  prospère. 

On  a  vu  que  cette  préoccupation  générale  d'étendre  les  spéculations 
animales  a  occasionné  à  travers  toutes  les  régions  agricoles  une  révolu- 
tion dans  les  assolements.  Le  temps  n'est  plus  où  «  un  tiers  des  récolles 
était  consacré  à  la  nourriture  de  l'homme,  un  tiers  a  celle  des  troupeaux, 
un  tiers  à  la  culture  des  plantes  précieuses  qui  paient  le  loyer  de  la 
ferme  et  l'achat  des  engrais  »  3.  On  préfère  acheter  du  grain  au  dehors 
pour  étendre  la  surface  destinée  aux  plantes  fourragères  ;  on  no  vend 
plus  le  grain,  sauf  on  Franco;  on  le  consomme  à  la  ferme.  Quant  aux 
cultures  industrielles,  on  a  réduit  leur  étendue  en  proportion  de  l'aléa 


«  Van  de  Putte,  Groeninghe,  p.  82. 

*  Dalle  (J.),  Histoire  de  Bousbecque,  p.  lfi». 

s  Cordier,  Agriculture,  p.  278. 


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m  FLAN  DR  K  INTKRIKI'RK.  -  I/ACRICULTIRL  FLAMANDK 

que  présente  leur  production.  En  môme  temps,  on  a  développé  les 
herbages;  à  Moorsleede  le  nombre  des  pâtures  a  triplé  depuis  30  ans  ; 
même  mouvement  à  Harlebeke,  Ardoye,  Reveren-Roulers,  et  dans 
cent  autres  communes.  Enfin,  on  en  améliorait  la  valeur,  de  façon  à 
augmenter  d'un  tiers,  parfois  d'une  moitié,  leur  rendement.  Aussi 
arrive-t-on  à  des  quantités  considérables  d'animaux  par  exploitation. 
Le  cheptel  vivant  de  telle  ferme  de  C)  hectares  en  Flandre  Occidentale 
atteint  la  valeur  de  19.505  francs;  une  autre,  de  ^hectares,  en  a  pour 
13.835.  Dans  la  partie  sablonneuse,  une  ferme  de  49  hectares  a  un  cheptel 
vivant  do  20.0:*5  francs;  une  de  13  hectares  30  ares,  de  13.502  francs  ; 
une  petite  de  4  hectares  90,  un  de  2.095  francs  *. 

Lq  porc.  —  Le  porc  a  toujours  été  l'animal  le  plus  utile  et  le  plus 
répandu  en  Flandre.  La  loi  salique  en  mentionne  des  troupeaux  de  plus 
de  50  tètes  3  ;  beaucoup  de  coutumes  s'occupent  d'eux  :  la  Keure  d'Haze- 
brouck  de  1330  leur  consacre  sept  articles3;  Martial  môme  célèbre  les 
jambons  de  Ménapie4.  C'est  l'animal  qui  convient  le  mieux  à  un  pays 
pauvre,  où  les  très  petites  exploitations  sont  si  nombreuses  ;  aussi  n'est-il 
guère  de  petit  paysan  qui  n'engraisse  un  porc  ,  qui  lui  fournira  de  la 
nourriture  pendant  des  mois  ou  qui,  vendu,  payera  le  loyer.  On  en  Irouve 
donc  partout,  eu  quantités  considérables.  ABlaringhem,  il  y  a  jusqu'à  80 
têtes  par  ferme,  et  4  à  5 coches;  à  Neuve-Eglise  des  fermes  possèdent  10 
truies.  La  commune  d'Eecke  (1903)  sur  1.029  hectares  a  180  truies  et  1 .700 
porcelets,  vendus  dans  le  Cambrésis;  à  Moorsleede,  il  naît  3.000  animaux 
pendant  l'été,  qu'on  expédie  à  Bruxelles  et  à  Lille.  Mais  en  tète  vient  la 
région  pauvre  des  bois  et  des  bruyères.  Là  le  porc  est  la  grande  ressource. 
A  Couckelaere,  c'ost  une  spécialité;  10  bouchers  en  abattent  5  à  6.<XX) 
par  an  ;  ils  alimentent  Ostende.  Aeltro  en  a  300  à  chaque  marché  hebdo- 
madaire ;  Beernem,  tout  l'hiver,  en  expédie  chaque  lundi  7  à  10  wagons  à 


1  Monographies  Région  limoneuse,  pp.  21.'J-2ir»  ;  Région  sablonneuse,  pp.  118- Mil. 
Ces  animaux  sont  surtout  des  pores,  des  ehevaux  et  des  bêtes  bovines.  Cependant  il 
faut  pas  tenir  pour  négligeable  le  commerce  des  volailles.  Chaque  ferme  en  possède, 
qui  lui  proeiirent  d'appréciables  bénéfices  ;  ce  sont  de  petius  profits,  mais  sûrs.  ,\u 
marché  d'Aeltre,  chaque  mercredi,  viennent  passer  au  moiii9  12T>.000  u'ufs,  sj.ns 
compter  les  volailles.  De  même  les  lapins,  élevés  par  les  pauvres,  et  dont  un  vend 
2.000  par  semaine  à  Maldegem,  pendant  l'hiver.  Quant  aux  moutons,  ils  sont  à  peu 
près  disparus,  depuis  qu'il  n'y  a  plus  de  jachères. 

ï  Vanderkindere,  Introduction,  p.  110. 

3  Ann.  Coin.  fl.  Fr..  XXIII,  pp.  ^i^- 

*  Martial,  XUI,  épigr.  LIV. 


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LES  SPÉCULATIONS  ANIMALES 


3fi7 


Bruxelles  ;  Maldegem,  dans  ses  cinq  abattoirs,  en  débite,  d'août  en  avril, 
400  par  semaine.  Caprycke,  en  1903,  a  4. 100  naissances  de  porcelets.  Enfin 
Eecloo  est  le  grand  marché  aux  pores  de  toute  la  Belgique  ;  chaque  jeudi 
malin  il  en  part  onviron  un  millier  de  petits  porcs,  expédiés  les  uns  au 
pays  wallon,  les  autres  en  Angleterre.  En  1895,  l'arrondissement  d'Eecloo 
possédait  132  porcs  pour  100  hectares  d'étendue  cultivée,  et  la  proportion 
serait  probablement  plus  forte  encore  à  l'heure  actuelle. 

Le  oheval.  —  Sauf  dans  la  région  d'Alost,  le  cheval  n'est  pas,  comme 
le  pou-,  un  animal  né  et  élevé  dans  le  pays.  En  général,  on  va  acheter, 
à  l'âge  do  lô  à  18  mois,  les  poulains  dans  le  Brabant  ou  le  Boulonnais. 
Ceux  de  l'Ouest  vont  aux  foires  de  Eruges,  d'Hucqueliers,  de  Witles,  de 
Thérouanne  ;  ceux  de  l'Est,  aux  foires  d'Eeuame,  de  Monl-St-Amand,  de 
Hauthem  St-Liévin,  où  viennent  jusqu'à  1.000  et  1.200  chevaux  ;  ceux  de 
la  plaine  maritime  amènent  leurs  bêtes  à  Thourout  et  Bruges.  L'animal 
acheté  est  gardé  a  la  ferme,  employé  aux  travaux  de  la  culture,  bien 
nourri  d'avoine,  de  féveroles,  de  foin  et  de  trèfle,  enfin  vendu  vers  l'âge 
de  4  ou  5  ans.  Ce  sont  des  courtiers  allemands  qui  les  achètent  alors,  et 
les  dirigent  sur  les  pays  rhénans  ;  ils  sont  les  rois  des  marchés;  de  plus 
une  dizaine  de  ces  commerçants,  appelés  dans  le  pays  «  les  Juifs  »,  par- 
courent la  contrée  de  ferme  on  ferme  et  achètent  sur  place  '.  La  région 
entre  Dixmude  et  Roulers,  et  celle  deCourtrai,  sont  parmi  les  plus  actives 
pour  l'élevage  du  cheval  ;  dans  chaque  village,  des  affiches  annoncent 
des  courses;  des  carrousels  font  partie  de  toutes  les  fôtes  ;  on  sent  que 
l'attention  des  habitants  se  porte  principalement  de  ce  côté. 

Le  gros  bétail.  —  Mais  la  spéculation  sur  les  animaux  de  l'espèce 
bovine  es!  celle  qui  s'est  le  plus  développée  en  Flandre  depuis  30  ans. 
Partout  on  a  entrepris  l'engraissement  et  l'élevage,  pour  fournir  aux 
villes  de  la  viande,  du  lait,  du  beurre.  Dans  l'Ouest,  on  a  augmenté  et 
amélforé  les  pâtures,  dans  lesquelles  les  bêtes  restent  environ  6  mois, 
de  mai  à  novembre  ;  mais  bientôt  il  a  fallu  trouver  d'autres  ressources, 
l'étendue  des  pâtures  ne  suffisant  plus  à  nourrir  les  bêtes  dont  le  nombre 
croissait  sans  cesse.  L'intendant  Dugué  de  Bagnols  signale  déjà  en  1008, 
outre  les  navels  et  les  fèves  donnés  l'hiver,  le  «  drac  qui  est  le  marc 
du  grain  dont  on  a  tiré  la  bière  »  (drèehe),  les  tourteaux  de  colza, 
«  nourriture  très  profitable  »,  enfin  le  trèfle,  «  une  herbe  qui  profite 


i  Leplae,  Esquisse,  p.  1*1. 


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FLANDRK  INTKRIKL'RK.  -  LWfiRIGrLTlîRF.  FI.AMANDK 


boa u coup  aux  bestiaux  1  ».  (les  produits  sont  toujours  employas,  et  avoc 
eux  les  betteraves  fourragères,  les  tourteaux  américains,  les  fèves,  les 
pois  bleus.  On  est  arrivé  ainsi  à  posséder  beaucoup  plus  de  bélail 
qu'autrefois.  Dans  la  partie  française,  chaque  ferme  de  Itf)  à  40  hectares 
possède  de  15  à  20  vaches;  la  commune  de  Quaedypre,  qui  contient  de 
bons  herbages,  comptait  2..'J00  tètes  en  190L  L'arrondissement  d'Yprcs, 
de  1895  a  1902,  a  gagné  12.100  tètes,  passant  de  39.600  à  51.700  ; 
Courlrai,  de  30.200  à  :-58.:iOO,  en  gagne  8.000.  Le  seul  canton  de  Thouroul 
passe  de  12.575  a  16.029  animaux  et  l'accroissement  continue  de  plus 
bolle  à  l'heure  qu'il  est. 

L'Ost-Flandre,  dont  le  sol  ne  peut  produire  de  céréales  riches,  ni  sou- 
tenir la  concurrence  des  autres  contrées  pour  les  cultures  industrielles, 
avait  plus  grand  besoin  encore  que  l'Ouest  de  l'élevage.  «  Misère  dans 
l'étable,  misère  partout  »,  rappelle  Van  Aolbroeck  *  ;  et.  le  sage  Lichler- 
velde  déclare  en  1815  que  <*  c'est  le  bélail  qui  décide  des  produits  les  plus 

avantageux  de  l'a- 
griculture 1  ».  Mais 
*  {  comme  les  pâtures 
son»  rares  sur  le  sol 
sablonneux,  c'est  à 
l'étable  qu'il  faut 
tenir  les  bestiaux 
toute  l'année.  Tout 
ce  que  produit  lesol 
est  donc  réservé 
pour  les  nourrir. 
Au  printemps,  c'est 
l'herbe  des  bordu- 
res de  gazon  et  des 
prairies ,   puis  le 

#  „„ q  «,  à  »,  trèflecoupéen  vert, 

•  *♦ ;   »  «"  '"  »m  additionné  de  pain 

et  de  farine  de  seigle.  En  août,  les  feuilles  do  betterave  et  de  chicorée, 
un  peu  de  maïs  fourrage,  remplacent  le  trèfle,  et  permettent  d'attendre 
l'arrivée  des  navets,  base  de  l'alimentation  pendant  l'hiver,  avec  les 
carottes,  le  foin,  les  balles  de  céréales.  Enfin  les  betteraves,  sorties 


i 


•  • 

o 


4, 


K.hHIr  «le  I  :  uwhunhi. 

Fm.  00.  —  R.-parutioii  des  b»H»-s  bovines  en  Flandre  b»-l<:e  ». 
|,a  proportion  est  beaucoup  plus  fort».'  «lans  les  pays  du 
sable,  pourtant  prives  de  ptUures,  que  dans  la  plume  mari- 
time ou  le  Siid-Uuest. 

Nombre  de  bète>  bovine*  juir  cent  hectare-  il'-  teti«Jiie  exploitée  : 


»  Hull.  Gomm.  H.  N.,  X.  pp.  4(50-401. 

*  Van  Aelbroeck,  p.  44. 

3  Liehtervelde,  Fonds  ruraux,  p.  87. 

*  D'après  l'atlas  du  Recensement  agricole  belge  de  l»G.  pl.  XXIV. 


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les  spÉcruvriONs  animales 


des  silos,  succèdent  aux  navets  ;  on  est  arrivé  au  printemps.  La  farine 
de  lin,  les  pommes  de  terre,  les  drèches,  s'ajoutent  aux  autres  produits. 
Grâce  à  ces  procédés,  dès  1902,  l'arrondissement  de  St-Nicolas  possédait 
108  tètes  de  gros  bétail  pour  100  hectares,  celui  de  Termonde  118,  et 
celui  de  Garni  121.  L'arrondissement  de  Gand  à  celte  date  comptait 
87.570  tètes,  et  la  province  entière  de  Flandre  Orientale  267.185,  en 
augmentation  de  -12.000  sur  le  chiffre  de  1895. 

On  devine,  après  la  lecture  de  ces  chiffres,  qui  doivent  être  en  1900 
fortement  dépassés,  quelle  quantité  de  lait,  de  beurre,  de  viande,  est 
ainsi  produite  dans  toute  la  Flandre  intérieure,  et  dirigée  sur  les  villes, 
le  groupe  lillois,  Bruxelles,  le  pays  wallon.  L«\s  races  de  Cassel  et  du 
Furnambacht,  qui  peuplent  l'Ouest,  celle  de  Hollande  croisée  avec  le 
bétail  indigène  dans  l'Est,  sont  bonnes  laitières  ;  on  table  en  moyennesur 
une  production  annuelle  de  3  à  3.500  litres  de  lait  par  animal,  donnant 
111  à  122  kilos  de  beurre.  De  nombreuses  sociétés  s'occupent  spécialement 
de  bétail;  presque  toutes  les  communes  delà  Flandre  Orientale  ont  des 
assurances  contre  la  mortalité  des  bêtes  bovines  ;  158  syndicats  d'élevage 
fonctionnaient  ,  au  31  décembre  1901 ,  dans  la  province 1  ;  des  laiteries  coopé- 
ratives se  sont  fondées,  sur  le  modèle  de  la  célèbre  usine  d'Oostcamp*. 
Le  mouvement  s'étend  vers  l'Ouest;  des  laiteries  à  vapeur  s'organisent  ; 
des  écrémeuses  centrifuges  remplacent  les  primitives  barattes.  Il  reste  à 
assurer  la  santé  de  ce  bétail,  que  l'on  a  un  peu  négligée  en  poussant  sur- 
tout à  la  quantité,  â  l'accroissement  ;  dans  l'Est,  les  vaches  hollandaises, 
habituées  au  grand  air  des  polders,  et  parquées  sans  en  jamais  sortir  dans 
les  étables  mal  construites  et  devenues  insuffisantes,  prennent  fréquem- 
ment la  tuberculose;  dans  l'Ouest,  l'abus  des  drèches,  des  tourteaux 
falsifiés,  des  pulpes,  conduit  au  même  résultat;  la  production  du  lait 
augmente,  mais  au  détriment  de  l'animal. 

Grâce  au  bétail,  l'agriculture  flamande  est  aujourd'hui  prospère.  La  crise 
n'est  plus  qu'un  souvenir,  que  les  cultivateurs  aiment  à  rappeler,  parce 
qu'il  leur  permet  de  mesurer  les  progrès  accomplis  depuis  30  ans.  Cette 
prospérité  semble  durable  ;  l'agriculture  flamande  est  assez  souple,  assez 
avertie  aujourd'hui,  pour  s'adapter  à  n'importe  quelle  circonstance.  Elle 
sait  prévoir  maintenant,  et  ne  redoute  plus  les  nouveautés  ;  elle  est  prête 
à  faire  pousser  sur  sa  terre  indifférente  n'importe  quoi,  qui  rapporte. 
Elle  donne  ainsi  le  spectacle  curieux  d'une  culture  morcelée  à  l'extrême, 
où  le  travail  et  la  patience  n'impliquent  pourtant  pas  la  routine. 


1  Turmann,  Associations  agricoles,  pp.  192-196. 

1  Cf.  Journal  de  l'Agriculture,  N°  1U'J7,  2  Janvier  H  KM. 


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370  FILANDRE  INTÉRIEURE  :  L'INDUSTRIE. 


CHAPITRE  XIV 
FLANDRE  INTÉRIEURE:  L'INDUSTRIE1 


I.  Nécessité  de  l'industrie:  son  ancienneté.  Industrie  drapièro.  Industrie  de  la  toile. 
la  crise  de  189>.  —  II.  Persistance  d'anciennes  formes:  industrie  à  domifile. 
Tissage.  Autres  industries  :  la  dentelle.  —  III.  La  grande  industrie.  Caractères 
généraux.  Région  gantoise.  Groupe  de  Courtrai-Renaix-Roulers.  —  IV.  Grou/>e  dr 
Lille.  La  main-d'œuvro  étrangère.  L«  protection  douanière.  Un,  laine,  coton  ; 
confection. 

I. 

NÉCESSITÉ  DE  L'INDUSTRIE;  SON  ANCIENNETÉ. 

Pour  prospère  que  soit  l'agriculture  flamande,  elle  ne  suffit  pas  encore 
à  faire  vivre  l'énorme  population  qui  se  presse  dans  la  Flandre  intérieure. 
D'autres  ressources  sont  nécessaires.  Les  65.9  i3  exploitants  que  le 
Recensement  agricole  signale  en  1895  comme  cultivant  moins  de  50  ares 
dans  la  Flandre  Occidentale,  les  51.706  qui  occupent  la  même  étendue 
dans  la  Flandre  Orientale,  ne  peuvent  considérer  leur  culture  que  comme 
un  appoint.  D'autre  part,  les  ouvriers  agricoles  qui  vont  travailler  chez 


1  A  consulter:  Briavoinne  (N.),  Sur  l'état  de  la  population,  des  manufactures  et  du 
commerce  dans  les  provinces  des  Pays-Bas  depuis  Albert  et  Isabelle  jusqu'à  la  fin  du 
siècle  dernier  (Mém.  Ac.  R.  Helg.,  1841,  in-'»0,  217  p.)  ;  —  Ducpétiaux  (Ed.),  Mémoire 

sur  le  paupérisme  dans  les  Flandres  (Mém.  C.  Ac.  R.  Belg.,  1850,  in-8\  3i0  p.)  ;   

Merchier  (L.),  Monographie  du  lin  et  de  l'industrie  linière  dans  le  département  du 
Nord  (Lille,  Danel,  1902,  in-8°)  ;  —  Houdoy  (J.),  La  filature  de  coton  dans  le  Nord  de 
la  France  (Paris,  Rousseau.  1903,  in-8°,  453  p.);  —  Royaume  do  Belgique,  Ministère 
de  l'Industrie  et  du  Travail.  Office  du  Travail,  Les  Industries  à  domicile  en  Belgique  : 
II,  Dubois,  L'industrie  du  tissage  du  lin  dans  les  Flandres;  Gilles  de  Pélichy,  L'indus- 
trio  de  la  cordonnerie  en  pays  flamand  (1890);  —  III,  Beatse,  L'industrie  de  la  gan- 
terie (1000)  ;  —  IV  et  V,  Vorhaegen,  La  dentelle  et  la  broderie  sur  tulle  (1902);  — 
VI,  Bcatse,  L'industrie  du  tissage  du  coton  en  Flandre  et  dans  le  Brabant,  (1904);  — 
Ibid.,  Variez  (L.),  Les  salaires  dans  l'industrie  gantoise:  I,  Industrie  cotonnière,  1901, 
in-8\  211-590  p.):  —  lbid.,  Recensement  général  des  Industries  et  des  Métiers, 
31  octobre  1890(18  vol.  in-K  1902);  —  Ibid.,  Salaires  et  durée  du  travail  dans  les 
industries  textiles  au  31  octobre  1001,  (in-'i0,  1905,  <i89  p.)  ;  —  Résultats  statistiques  du 
Recensement  général  de  la  Population  effectué  le  24  mars  1901  (Ministère  du  Commerce), 
tome  I  (Paris,  li)Q5),  pp.  570-017. 


I/INDUSTRIK  DRAPIKRK 


les  fermiers  y  gagnent  un  salaire  trop  peu  élevé  pour  qu'une  famille 
puisse  subsister  :  d'après  le  Recensement  de  1895,  l'ouvrier  non  nourri  à  la 
ferme  gagne  par  jour  en  moyenne,  dans  le  canton  de  I^okeren,  1  fr.  48  les 
hommes,  Ofr.  83  les  femmes  ;  à  Bellem,  1  fr.  25  et  0  fr.  63  ;  à  Aeltre,  1  fr.  25 
et  0  fr.  72  ;  à  Sysseele,  1  fr.  15  et  0  fr.  72  ;  à  Waerbeke  près  Grammont, 

1  fr.  09  et  0  fr.  85.  Ce  n'est  que  dans  l'Ouest,  tout  prés  do  la  frontière,  et 
au  delà,  sur  le  territoire  français,  que  les  journaliers  arrivent  à  dépasser, 
les  hommes  2  francs,  les  femmes  1  fr.  50;  à  Luingne  près  Mouscron, 

2  fr.  50  et  2  francs  ;  à  Reckem,  2  fr.  50  et  1  fr.  50  1  ;  les  mêmes  salaires 
moyens  sont  payés  en  France.  Ce  sont  là  des  gains  insuffisants,  pour  des 
journées  de  travail  très  étendues,  commençant  a  5  heures  du  matin  pour 
finir  après  8  heures  du  soir;  l'ouvrier  habitant  loin  quitte  donc  sa  maison 
à  i  h.  1/2,  y  rentre  a  9  heures  et  doit  prendre  sur  son  repos  pour  entretenir 
le  lopin  de  terre  qu'il  a  pu  prendre  en  location  s.  La  vie  est  par  trop  diffi- 
cile dans  ces  conditions  ;  il  faut  qu'un  membre  au  moins  de  la  famille 
s'ingénie  à  trouver  d'autres  ressources.  L'industrie  s'offre  naturellement 
pour  les  fournir.  «  Trop  nombreux,  dit  une  supplique  de  1733,  pour 
s'appliquer  tous  à  l'agriculture,  trois  quarts  des  habitants  du  pays  s'occupent 
actuellement  à  la  fabrique  des  manufactures  permises,  avec  quoi  ils  paient 
leurs  charges  et  entretiennent  leurs  familles,  lesquelles,  sans  ce  secours, 
seraient  réduites  à  la  mendicité....  3  ». 

• 

Industrie  drapiere. 

Aussi  l'industrie  est-elle  très  ancienne  en  Flandre  intérieure.  I/»s 
jambons  dont  se  délectait  Martial  n'étaient  pas  les  seuls  produits  que  la 
Ménapie  envoyait  à  Rome;  elle  expédiait  encore  des  laines  façonnées, 
sorte  de  manteaux  appelés  «  birri  »,  dont  un  édit  de  Dioclétien  fixe  le 
prix1.  Ce  sont  les  toisons  des  moutons  de  l'Artois  qui  semblent  avoir  fourni 
les  éléments  de  cette  primitive  industrie  drapière,  à  laquelle  succède  sous 
les  Mérovingiens  et  Carolingiens  la  fabrication  des  draps  frisons  où  l'on 
mettait  en  œuvre  la  laine  des  moutons  qui  paissaient  sur  les  sehorres  de  la 


*  Recensement  1895,  t.  III,  pp.  28-55. 

1  Monographie  Région  sablonneuse,  p.  38. 

3  Supplique  des  habitants  de  Wasquehal,  dans  :  Leuridan  (Th.),  Notes  pour  servir 
à  l'histoire  de  Wasquehal  (Mém.  Soc.  Emul.  Roubaix,  2'  série,  t.  I,  1885,  pp.  117- 
185),  p.  105. 

»  Corpus  Inscript,  lat..  III,  801. 


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372 


FLANDRE  INTÉRIEURE  :  L'INDUSTRIE 


plaine  maritime  *.  Un  diplôme  de  8(X)  nous  apprend  que  les  serfs  de 
St-Omer  fabriquent  «  des  draps  ou  chemises  de  laine  qu'ils  appelaient 
bernicrist  1  ».  Ce  sont  la  les  lointaines  origines  de  l'industrie  drapière. 

L'abondance  de  la  laine,  la  renommée  des  draps  frisons,  développèrent 
l'industrie  qui  commença  à  s'organiser,  et  à  venir  s'établir  autour  des 
comptoirs  fondés  parles  marchands,  à  l'abri  d'un  château,  Ypres,  Bruges, 
Garni,  Lille.  Bientôt,  les  progrès  du  commerce  aidant,  on  lit  apj>el  aux 
laines  anglaises,  [je  Yorkshire,  le  Lincolnshire,  devinrent  les  principaux 
fournisseurs;  les  grandes  foires  aux  laines  de  Northampton,  Winchester, 
Boston,  St-Yves,  Staniford,  n'eurent  pas  de  meilleurs  clients  que  les 
marchands  flamands  3.  La  glaise  yprésienne,  onctueuse  et  délayable, 
servait  à  merveille  pour  le  foulage.  Les  XIIIe  et  XIV  siècles  virent  un 
essor  inouï  de  cette  industrie  urbaine.  Mais  c'était  l'époque  où  sévissait 
déjà  la  surpopulation  des  campagnes.  Pour  échapper  à  la  misère,  celles-ci 
se  mirent  à  exercer  la  lucrative  industrie  dont  le  monopole  avait  été 
jusque  là  réservé  aux  villes.  Travaillant  à  moins  de  frais,  elles  purent 
faire  aux  métiers  urbains  une  concurrence  victorieuse.  Les  villes 
résistent,  font  rendre  aux  comtes  arrêt  sur  arrêt  défendant  de  fabriquer 
des  draps  hors  de  leurs  murs  4  ;  quand  l'arrêt  est  inefficace,  la  ville  se 
charge  de  le  mettre  à  exécution  ;  en  1337,  Ypres  marche  sur  Poperinghe  ; 
en  1344,  elle  détruit,  après  une  terrible  bataille,  les  métiers  de  Pope- 
ringhe, Langemarek,  Beninghelst.  Peine  perdue;  dès  le  XIYP  siècle, 
l'industrie  est  partout,  à  La  Gorgue,  à  Bousbecque,  à  Ghistelles,  Peynze, 
Caprycke,  Hulst.  Au  XVe  siècle,  malgré  la  concurrence  anglaise,  les 
métiers  battent  dans  tous  les  villages;  en  1127,  les  plus  insignifiantes 
paroisses  des  environs  d'Ypres,  Dranoutre,  Kenimel,  Strazeele,  Eecke, 
Meteren,  Merris,  s'occupent  à  draper,  et  l'édit  de  Philippe-le-Bon  constate 
une  telle  fièvre  industrielle  que  des  terres  restent  sans  labour  ou  sont 
cultivées  par  des  étrangers  s. 


1  I*irennc,  Hist.  Belgique,  I,  pp.  30-31. 

*  «iuérard,  St-Bertin,  p.  06. 

3  Arch.  de  Douai,  Registre  L,  fol.  i  i  ;  registre  MM,  fol.  43 

*  1314  :  défense  «le  fabriquer  du  drap  dans  un  rayon  de  f>  lieues  autour  de  (.ami  : 
1322,  défense  d'en  fabriquer  dans  la  ehatullenie  de  Bruges  ;  1322,  défense  ilVn 
fabriquer  dans  un  rayon  de  3  lieues  autour  d'Ypres,  etc.  (Diegerick,  Inventaire  Arch. 
Ypres,  I,  pp.  245,  289,  201). 

5  De  Cousscinaker  (I.),  Documents  inédits  relatifs  à  la  ville  de  Baillonl  (3  vol.  in -8*, 
Lille,  1887),  1,  pp.  208-213. 


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L'INDUSTRIE  DE  LA  TOILE 


373 


Industrie  de  la  toile. 

L'industrie  lainière  s'étiole  à  la  fin  du  XVe  siècle.  I^a  matière  première 
n'arrive  plus  :  l'Angleterre  garde  ses  toisons  pour  elle  ;  l'Espagne  n'en 
envoi»»  pas  assez.  Les  draps  anglais  envahissent  le  marché  des  Pays-Bas. 
dépendant,  habituées  à  l'industrie,  les  campagnes  ne  pouvaient  plus  s'en 
passer  pour  vivre:  ce  fut  donc  au  travail  du  lin  qu'elles  eurent  recours. 
Employé  dès  l'époque  franque,  le  lin  était  resté  jusqu'alors  la  matière 
première  «l'une  industrie  domestique,  qui  ne  fabriquait  que  pour  le  compte 
des  membres  de  la  famille.  Seules,  quelques  villes  le  travaillaient  en 
grand;  les  tisserands  de  toile  sont  cités  à  Garni  en  1280  à  Bruges  en 
l'2i)7  *  ;  on  renouvelle  à  St-Omer  en  1327  une  keure  qui  les  concerne  3,  et 
la  keure  d'Hazebrouck,  do  1£*3,  consacre  à  cette  industrie  sept  articles, 
qui  règlent  avec  soin  le  blanchiment,  la  vente,  le  mcsurage  *.  Ce  fut  dans 
la  région  où  le  lin  est  encore  aujourd'hui  le  principal  produit  agricole, 
que  l'industrie  de  la  toile  commença  sa  fortune;  une  charte  de  1471 
indique  qu'à  Swevezeele  «  la  plupart  des  habitants  vivaient  de  la 
marchandise  des  draps  de  lin  »  5  ;  et  la  plupart  des  villages  situés  entre  la 
région  des  bruyères  et  la  Lys  sont  cités  au  XVIe  siècle  comme  apportant 
de  la  toile  à  Bruges  8.  De  là,  elle  gagna  toute  la  Flandre.  Appliquant  au 
lin  les  procédés  techniques  acquis  en  travaillant  la  laine,  les  Flamands 
eurent  bientôt  créé  une  vaste  industrie  d'exportation.  Véritable  industrie 
à  domicile  que  celle-là  ;  la  famille  entière  participait  d'abord  à  la  culture, 
puis  à  la  manipulation  de  la  plante;  les  femmes  filaient,  les  hommes 
tissaient,  à  leur  temps,  lorsque  l'état  de  la  culture  le  leur  permettait.  Les 
laboureurs  prennent  la  navette  loisqu'ils  n'ont  rien  à  faire  aux  champs, 
dit  des  Madrys  7  ;  et  Dugué  de  Bagnols  explique  la  prospérité  de  Roubaix 
et  Tourcoing  en  Uii)Spar«la  commodité  que  les  habitants  y  ont  de  joindre 
quelque  labeur  avec  le  travail  de  leurs  maisons  8  ».  A  la  même  époque,  la 


•  Vhii  Lokeron,  St-l'ierro,  1,  p.  388. 
2  ("lilliodl.s.  Inventaire,  I,  p.  54. 

•*>  Mêtn.  Soc.  Ant.  Mor.,  XVI,  p.  560. 
»  Ann.  Com.  fî.  Fr.,  XXIII,  pp.  3-128. 

s  Charte  de  Charles  lo  Téméraire,  dans  Ann.  Soc.  Km.  Br.,  2»  série,  II,  1844, 
p.  291. 

«  «  Lamentations  »  de  Siger  van  Maele  (Ann.  Soc.  Em.  Br.,  2«  série,  III,  1845), 

p.  293. 

7  Bull.  Comm.  H.  N.,  XI,  pp.  310-320. 

•  Ihid.,  X,  p.  480. 


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374 


FLANDRE  INTÉRIEURE  :  L'INDUSTRIE 


dentelle  prend  son  essor,  donnant  du  travail  aux  femmes  ;  la  tapisserie, 
pendant  deux  siècles,  occupe  20.000  personnes  autour  d'Audenarde  1  ; 
l'industrie  de  la  lahie  persiste  dans  quelques  localités,  à  Garni  et  à  Courtrai 
où  la  trouve  Guichardin,  à  Ypres,  dans  la  région  de  Lille,  à  St-Omer  où 
elle  existe  encore  on  18(33,  à  Neuve-Eglise  où  «  la  plupart  des  fabricants 
sont  en  même  temps  laboureurs  »  *.  Le  coton  lui-même,  qui  doit  détrôner 
le  lin,  apparaît  au  XVIe  siècle  ;  en  le  mélangeant  au  lin  et  à  la  laine,  on 
obtient  des  siamoises  que  l'on  fabrique  à  lîruges,  à  Courtrai,  à  St-Nicolas3; 
et  les  fabricants  du  pays  de  Waes,  demandant  qu'on  autorise  l'entrée 
libre  du  coton  turc,  affirment  que  l'existence  de  plusieurs  milliers 
d'ouvriers  en  dépend  4.  En  181 1,  le  coton  emploie,  dans  le  département  de 
la  Lys,  732  fi  leurs,  dont  310  à  Bruges,  et  1.705  tisseurs,  dont  813  à  Thielt, 
le  reste  à  Moorseele  et  Mouscron  ;  plus  350  ouvriers  en  siamoises  5. 

Malgré  cette  concurrence  nouvelle,  la  production  de  la  toile  augmente 
au  cours  du  XVIIIe  siècle.  La  Flandre  produit  en  1705  200.000  pièces, 
estimées  8  millions e  ;  Courtrai  retrouve  sa  supériorité  dans  le  blanchiment, 
qu'elle  avait  perdue  au  XVIe  siècle,  par  l'émigration  de  ses  artisans  à 
Haarlem.  En  1792,  la  seule  circonscription  du  Vieux-Bourg  de  Garni 
possède  8.868  métiers  à  tisser  la  toile,  ce  qui  donne  de  l'ouvrage  à 
57.6  i2  personnes,  fi  Nuises,  tisserands,  épeuleurs  7.  Dans  le  département 
de  l'Escaut  en  1805,  101.033  individus  «  d'un  âge  fait  »  s'occupent  à  la 
filature  du  lin,  21.871  au  tissage;  et  il  faut  y  ajouter  les  enfants  pour  les 
travaux  préparatoires  ;  c'est  presque  200.000  |>ersonnes  8.  Le  département 
de  la  Lys  n'en  possède  pas  moins:  il  a  23.133  tisserands  en  1804  s;  au 
début  do  1812,  malgré  la  guerre  d'Espagne  qui  faisait  grand  tort  au 
commerce  de  la  toile,  les  ouvriers  des  textiles  du  département  étaient 
encore  19.650,  soit  50.000  personnes  ,0. 


1  Voir  l'étude  de  Van  der  Meerseh,  Histoire  de  l'origine,  du  progrès,  de  la  splendeur 
et  de  la  décadence  des  manufactures  de  tapisserie  de  la  ville  d'Audenarde  (la  Flandre, 
XV,  1884,  pp.  5,  77,  180,  300). 

ï  Ann.  Soc.  Em.  Dr.,  2*  série,  VIII,  18TX),  p.  273. 

3  Hriavoinne,  p.  148. 

*  Arch.  Nat.  F"  007. 

s  Tableau  dressé  par  le  préfet,  Arch.  Nat.  F^  ir>02. 
«  Briavoinne,  p.  133. 

"  Tableau  dressé  par  le  bailli  du  Vieux-Bourg  (Berten,  Coutumes,  Quartier  de 
(Jand,  VII,  pp.  117-98). 

8  Faipoult,  Mémoire,  p.  128. 

9  De  Viry,  Mémoire,  p.  l.V>. 

10  Etat  dressé  par  le  préfet,  Arch.  Nat.,  F11  1585. 


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L'INDUSTRIE  DE  LA  TOILE 


375 


Presque  toute  cette  population  ouvrière  vivait  dans  les  campagnes. 
Meulebeke,  en  1811,  avait  3.125  fileuses  et  985  tisserands;  Liclitervelde, 
2.200  personnes  occupées  au  lin  ;  Waereghem,  1.800  *.  Tandis  que  Gand, 
en  1795,  avait  tout  juste  976  ouvriers  en  textiles  pour  ses  5  1.000  habitants*, 
Thourout,  en  l'an  XIII,  avait  «  autant  à  peu  près  de  fabriques  de  toiles 
qu'il  y  a  de  ménages  ;  et  l'agriculture  n'y  est  pas  moins  florissante,  quoique 
le  sol  soit  des  plus  ingrats  »  3.  En  Franco,  l'industrie  roubaisienne,  en 
1771,  donne  du  travail  à  10.500  personnes,  dont  30.000  fileuses  répandues 
jusqu'en  Artois  1  ;  et  dans  la  châtellenie  de  Lille,  la  dentelle' fait  encore 
vivre  14.000  femmes,  et  2.(XX)  apprenties  5.  Ainsi  l'union  de  l'agriculture 
et  de  l'industrie  produisait  les  plus  heureux  effets  ;  littéralement,  elle 
faisait  vivre  la  Flandre;  elle  apparaissait  comme  l'expression  d'un 
système  qui  était  proposé  en  modèle  aux  autres  nations.  Appuyées  l'une 
sur  l'autre,  l'agriculture  et  l'industrie  prospéraient:  «  Ce  sont,  dit 
l'intelligent  préfet  de  l'Escaut,  les  manufactures  et  l'industrie  qui  ont  créé 
dans  ce  pays  le  genre  d'agriculture  qui  en  fait  la  gloire  et  la  richesse  »  6. 
Et  tout  cela,  grâce  au  lin,  une  plante,  écrit  Van  Aelbroeek,  qu'il  faut 
mettre  au  premier  rang  dans  l'agriculture  flamande,  puisqu'elle  procure  a 
100.000  ouvriers  peu  aisés  un  travail  continuel,  et  que  sans  cela  ils  seraient 
tous  réduits  à  l'aumône  En  1810,  on  peut  estimer  à  220.000  le  nombre 
des  fileuses  dans  les  deux  provinces  belges,  a  57.000  celui  des  tisserands, 
soit  277.000  individus  travaillant  le  lin,  sans  compter  les  enfants  qui 
vivent  du  labeur  de  leurs  parents  8.  En  y  ajoutant,  pour  la  partie  française, 
le  chiffre  très  modéré  de  50.000  personnes,  on  arrive  a  330.000  travailleurs. 
«  Je  ne  crains  rien  pour  les  Flandres,  disait  Charles-Quint,  tant  qu'il  y 
aura  des  champs  pour  cultiver  le  lin,  des  doigts  pour  le  filer,  des  bras  pour 
le  tisser;  les  Flamands  seront  toujours  riches,  tant  que  l'on  ne  coupera 
pas  les  {Minces  à  leurs  fileuses  ».  Le  moment  approchait  où  cette  prospérité 
allait  brusquement  sombrer. 


«  Arch.  Nat.  F»*  ir»02  (état  dressé  par  le  préfet). 

5  Variez,  Industrie  cotonnière,  I,  pp.  5-10. 

3  Annuaire  du  département  do  la  Lys  pour  Tan  XIII  (Bruges,  do  Busscher,  in-8°, 

411  p.),  p-  220. 

»  Leuridan  (Th.),  Histoire  communale  do  Roubaix,  V,  p.  88. 

s  Van  Hende  (E.).  Etat  de  la  ville  et  de  la  châtellenie  de  Lille  en  178t)(Bull.  Comm. 
H.  N.,  XIX,  pp.  251-300). 

8  Faipoult,  Mémoire,  p.  70. 

'  Van  Aelbroeek,  p.  173. 

»  Ducpétiaux,  Paupérisme,  pp.  7.V70. 


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FLANDRE  INTÉRIEURE  :  L'INDUSTRIE 


La  crise  de  1846. 

La  crise  de  l'industrie  linièro  à  domicile,  qui  éclata  on  1846,  avait  dos 
causes  multiples.  C'est  d'abord  l'insuffisance  des  débouchés,  les  marchés 
français  et  espagnol  formés  par  des  droits  sans  cesse  plus  élevés  à  mesure 
que  l'industrie  s'organisait  dans  ces  pays;  c'est  la  concurrence  terrible  de 
la  Grande-Bretagne,  qui  représente  les  progrés  «le  la  grande  industrie,  et 
qui  inonde  de  ses  produits  l'Europe,  y  compris  la  Belgique;  c'est  l'avè- 
nement du  coton,  qui  détrône,  par  son  bon  marché  et  les  facilités  de  s;i 
mise  en  œuvre,  les  beaux  et  coûteux  t  issus  de  lin  ;  enfin  c'est  l'apparition 
de  la  filature  et  du  tissage  mécaniques.  Il  y  faut  joindre  l'insuffisance  do 
l'instruction,  de  l'éducation  morale  et  professionnelle  de  l'ouvrier  flamand, 
due  à  ses  habitudes,  à  son  caractère,  à  sa  langue  qui  l'isole  du  reste  do 
l'Europe  «.  En  quelques  années,  l'arrêt  du  travail  est  presque  complet. 
En  1816,  200  métiers  sur  800  sont  en  activité  à  Evergem,  170  sur  1 .250  à 
Waerschoot,  12 i  sur  500  à  Tronchiennes,  80  sur  550  à  Cruvshauteni  s. 
Tout  l'édifice  de  la  prospérité  flamande  était  fondé  sur  cette  union  île 
l'industrie  linièro  et  do  l'agriculture  3  ;  la  chute  fut  lourde.  Dos  causes 
accidentelles,  la  maladie  dos  pommes  de  terre  on  1815,  l'insuffisance  de 
la  récolte  en  1816,  vinrent  augmenter  le  désastre.  Le  Nord  français  fut  le 
moins  éprouvé  ;  pourtant  à  Hondschoote,  les  1.500  ouvriers  agricoles  que 
le  travail  du  lin  faisait  vivre  dans  le  canton  se  trouvent  dans  la  misère; 
autour  d'Hazobrouck,  les  bureaux  do  bienfaisance  ont  grand  peine  à  faire 
vivre  pendant  l'hiver  la  population  ouvrière  privée  de  ses  occupations 
ordinaires  *  ;  c'est  do  cette  époque  que  date  l'émigration  do  toute  la  West- 
Flandre  voi-s  les  villes,  où  prospérait  déjà  la  grande  industrie  ;  et  la  crise 
qui  priva  do  travail,  au  profit  de  la  mécanique,  les  200.000  femmes  qui 


1  Ducpétiaux,  Paupérisme,  p.  49. 

*  Van  (1er  Mcorsch,  Do  l'état  de  la  mendicité  et  do  la  bienfaisance  dans  la  province 
do  Flandre  Orientale  depuis  le  règne  de  Marie-Thérèse  jusqu'à  nos  jours  (Bull.  C. 
G.  St.,  V,  1853,  pp.  25-288),  pp.  232-233. 

3  Cette  idée  est  exprimée  partout  avant  1840.  «  C'est  des  travaux  productifs  que  la 
manufacture  de  toiles  procure  aux  cultivateurs,  aux  femmes  et  aux  enfants  de  la 
campagne  que  naît  le  supplément  de  subsistance  que  la  seule  culture  de  la  terre  ne 
donnerait  pas  aux  familles  rurales.  Voilà  donc  ici  l'art  de  la  culture  et  une  grande 
fabrique  associés  depuis  des  siècles,  et  dont  l'existence  et  la  prospérité  sont  mutuelle- 
ment dans  une  telle  dépendance,  que  le  tort  fait  à  l'un  est  toujours  une  circonstance 
funeste  à  l'autre  »  (Dictionnaire  de  la  Flandre  Orientale,  1834,  p.  193). 

*  (îossez.  Le  département  du  Nord  sous  la  deuxième  République  (Ijlle,  Leleu,  1904. 
in-8°,  44K  p.),  pp.  191-192. 


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LA  CRISK  DE  1846 


377 


filaient  le  chanvre  et  le  lin    sans  compter  les  tisserands  el  les  épeuleurs, 
ne  fut  pas  une  des  moindres  causes  du  succès  de  la  Révolution  de  1848.  I*» 
crise  fut  bientôt  plus  grave  encore  en  Belgique.  Le  nombre  des  indigents 
enfle  brusquement  :  en  Flandre  Orientale,  il  passe  de  13  °/0  en  1840  à  'J8  °jn 
en  1 S 47,  soit 2^1        personnes  à  cette  date  dans  la  province,  dont  171.000 
pour  les  campagnes;  rarrondissement  d'Audenarde  a  .30"/,,  d'indigents, 
personnes  J.  L'agriculture  et  l'induslrie  linière  étaient  si  bien 
associées  dans  les  habitudes  delà  population,  que  l<*s  gens  du  pays  d'Alosl 
se  refusent  pendant  plusieurs  années  à  accepter  le  fait  accompli,  el  restent 
dans  une  misère  complète.  Termonde  et  Wetteren.  en  1840,  «  fourmillent 
de  mendiants  »,  qui  sont  des  hommes  et  des  femmes  adultes:  c'est  «  la 
grande  misère  »  ».  Kn  Flandre  Occidentale,  le  pays  liniei-  de  (lourlrai- 
Roulersest  particulièrement  éprouvé;  la  province  compte  37%  d'indigents, 
-iti.OOO  personnes  ;  il  y  en  a  :îD"/n  dans  l'arrondissement  de  Courtr.ii,  i'*H 
i3°/„  dans  ceux  de  Thielt  et  Roulers  ;  au  1er  mai  ISÎ7,  celui-ci  a  1  indigent 
sur  v?,.'i7  habitants.  La  famine  règne;  les  vieillards  d'aujourd'hui  se  rap- 
pellent ce  temps  où  on  se  jetait  sur  lesaliments,  même  avariés,  où  on  ne 
parlait  plus  que  de  nourriture,  et  où  les  gens  mouraient  comme  des 
mouches.  I>e  pays  se  dépeuple  :  de  132.101  habitants  au  I"  janvier  18  îv?,  les 
deux  arrondissements  de  Roulers  et  Thielt  tombent  à  1 17.772  au  I"  janvier 
18 iO,  soit  14.332  de  moins,  en  7  ans.  L-s  naissances  diminuent:  en  Flandre 
Occidentale,  elles  étaient  22.185  en  1811):  elles  ne  sont  plus  que  ID.070en 
moyenne  entre  I8il  et  1850.  Les  décès  augmentent:  pour  1817,  l'arron- 
dissement de  Roulers  a  1.350  naissances,  3.000  décès;  celui  de  Thielt, 
1.101  naissances  et  3.218  décès;  la  proportion  est  de  1  à  3.  De  f.if)7  en 
18  ÎO,  les  mariages  même  descendent  à  4.025  entre  18 il  et  [HT*).  La 
criminalité  augmente  brusquement  :  de  8.7(K)  individus  arrêtés  en  1810, 
on  passe  à  25.584  en  I H 47  dans  les  deux  Flandres;  sur  les  21.001  détenus 
écroués  à  Bruxelles  en  1840-48,  10. 15(3  étaient  de  Flandre.  Ostende  est 
envahi  de  nuées  de  jeunes  vagabonds  venus  a  pied  de  Meulebeke, 
Wynghene,  Thielt,  Thourout  l.  (l'est  alors  que  de  tous  les  points  de  la 
Flandre  des  bandes  émigrèrent  vers  le  Nord  de  la  France,  et  firent  enfler 
brusquement  les  chiffres  de  population  de  Lille,  Roubaix-Tourcoing, 


*  Blanqui,  Des  classes  ouvrières  en  Franco  pondant  l'année  18i8  (I  vol.  in-12",  1K4D), 
p.  96. 

*  Ducpétiaux,  Paupérisme,  pp.  19-22. 

3  Réponse  de  la  Chambre  de  Commone  <ie  Termonde  à  l'Knqnète  sur  la  condition 
des  classes  ouvrières,  II,  pp.  08-70. 

*  Ducpétiaux,  Paupérisme,  pp.  23-ifi. 


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378 


FLANDRE  INTÉRIEURE  :  L'INDUSTRIE 


Armentières.  D'autres,  n'ayant  plus  pendant  l'hiver  le  travail  du  lin  qui  les 
occupait  *t  les  faisait  vivre,  gagnèrent  Bruxelles,  Anvers,  et  les  mines  du 
pays  wallon.  Ce  fut  une  des  plus  rudes  crises  que  la  Flandre  ait  connues. 

II. 

PERSISTANCE  D'ANCIENNES  FORMES:  INDUSTRIE  A  DOMICILE. 

Tissage  a  domicile. 

La  persistance  de  l'industrie  textile  à  domicile  après  un  pareil  désastre 
montre  bien  à  quel  point  cette  combinaison  d'activités  industrielles  et 
agricoles  était  nécessaire  à  la  Flandre.  I^e  paysan  flamand  se  cramponne 
à  ce  genre  de  travail,  parce  qu'il  sent  que  l'agriculture  no  lui  suffit  pas, 
et  que  lorsqu'il  aura  cessé  de  lancer  la  navette,  il  lui  faudra  aller  travail- 
ler dans  une  usine,  ou  partir  louer  ses  bras  en  France.  Mais  la  mécanique 
fait  une  rude  concurrence,  et  le  travail  à  la  main  se  trouve  peu  à  peu 
resserré  soit  dans  la  fabrication  des  tissus  les  plus  fins,  des  articlos  de 
grand  luxe,  devant  lesquels  la  machine,  un  peu  brutale,  hésite  encore, 
soit  dans  la  production  des  étoffes  les  plus  grossières.  Les  produits  de 
consommation  courante  sont  monopolisés  par  l'usine  ;  le  tisserand  à  la 
main  ne  s'y  risque  plus.  Les  57.000  tisserands  de  lin  de  1840  sont  réduits 
à  10.000,  répartis  surtout  dans  les  arrondissements  de  Courtrai  (-4.500), 
Roulers  (2.152)  et  Thielt  (1.861)  ;  le  nombre  en  est  d'ailleurs  variable,  et 
ils  sont  plus  nombreux  l'hiver,  lorsque  chôment  les  travaux  des  champs. 
Certaines  communes  ont  énorgiquement  maintenu  leurs  positions  :  Meu- 
lebeke,  qui  avait  985  tisserands  en  18 11,  en  garde  683  ;  Lendelede,  de2G(), 
ne  descend  qu'à  233,  et  a  en  plus  39  tisserands  de  jute  :  il  existe  encore, 
dans  cette  commune,  un  atelier  d'apprentissage  pour  le  tissage  à  la  main. 
On  trouve  même  encore  ça  et  là,  à  Wynghene,  à  Gaprycke,  à  Knesselaere, 
à  Nevele,  à  Beveren-Roulers,  même  en  France  à  Bollezeele,  quelques 
demi-douzaines  de  vieilles  fileuses,  qui  luttent  avec  leur  antique  rouet 
contre  la  victorieuse  filature  mécanique.  I^jute,  la  laine,  le  coton,  la  soie, 
sont  également  tissés,  ça  et  là,  par  des  travailleurs  isolés.  Il  existe  encore 
1.100  tisserands  de  laine  (article  tapis  et  moquettes)  dans  le  Sud  de 
l'arrondissement  de  Courtrai,  à  proximité  de  Roubaix  ;  plus  de  800  à  St- 
Nicolas  et  Lokeren,  220  à  Eecloo,  et  2.600  dans  l'arrondissement  d'Aude- 
narde,  groupés  autour  de  Renaix  qui,  à  lui  seul,  en  a  1.175.  Le  coton 
donne  du  travail  à  700  tisserands  de  la  région  de  Courtrai,  et  à  2.230  en 
Flandre  Orientale,  pour  le  compte  de  fabricants  de  Renaix,  Gand  et 


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Tiî».May«  »  domicile. 

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•  •  ■!."(>!  I.»  »!/•<!  •  l:.  m  «i-'S  (':•»!!•  s  li  s  p!ll>  jçniNMiVrs,  Le*  j  :-,  , 
■  ••'i<tuijM <"  .  .•  •..r..î'.  *<>nt  ii„>!iiij dises  par  l'usine  ;  le  ra  . *  •«  ! 
'«.I  ii  v-  »  v  :  •::  .  ••       |  ,k  .M.lMi  Ihscrai'ds  d**  lin  «!■  |X'P«ù.  •  ..'  * 

..  IO.imi.  » .  j  .** i  *.  -,  Mont  dans  !e« arrondissement*  du  Gmrtr.u  . . 
Ivaiî»-  *i ••'  i!ù«'li  le  mmduv  <«n  est  d*aillc<:r*  iv:.*î»I  ,  ' 

'K  >»  •    ,is  nu:i  :»iimi\  l'Yv-r.  l"->.,ue  chôment  Ici.  travaux  d»**  «  i^. 
('•'  ■      s  commune  mm  l'ifffjjqijpinoi.t  maintenu  leurs»  poMti  .i^;  .• 
1-         s'il  avait  :#STi  'iwcran-N  en  IM  I,  en  garde  liKï  ;  b  tu!c>  ir. 
j:*        •  r»-l  nu'à  £io  ci  a  on  pins  .>«.)  tisserands  de  jute;  i!  «»xi>i  >  <>••• . 
d ..-  «.  ivll»-  riMiimiii.is tin  Ht«a!ii*r  «rai.pr»»iiiiss,^e  p<>ur  h-  tissaj:-*  à  !.»  ;.  *• 
i     'î  tiii.-o  n.'*  :uo  meurt*  -'à  ç|  là,  a  W'vii^h-MH».  ù  (  laprycke,  à  Kil">«*»i  ' 
i«  Ni'volc,  à  lSoviT"u  lo'ul'T.-.  nii'mi*  en  F^Tm'q  à  liniloxi jt..  I-,  - 
'  'lui-dou/aines  (in  viis.îfs  llii*UM%.  qui  lutliuil  av«*c  l«*nr  aa'iuuc  • 

•  ')ir<- la  vi  -tonruM*  fi'  i'ur.'  m  .-.  ^in  jU".  [^ j»ik\ la laino.  lci'ut^i»,  V 

•  ai  ''^mIi  131- .ut  li.s.srs.  (jk  M  là.  par  <J<\>  Irava'Ucurs  iswlfc.  Il  r\.>!.-  ■*■ 
J.'.'H»  i  <m  rands  «li*  lain**  (article  tapis  et  iuo<|ii«<M«s)  «lans  le  .*  <• 

 :  •ï;ss"nenl      ( '.«•nrhai,  à  p^iximiU*  il«i  H"ul  aix  :  plus «l«  • 

.  s  .>  «-I  Lokc.-uiJ.  'i'H*  à  fr'elw,  el  L'.ti'H»  flans  ram-n«ii>>.'i!i.  ;  t  »\\\  « 
.  ^rnu{K)SUM  o.ir  ci"  ll»  uaii  qui,  à  lui  seul,  en  a  1.I7C».  I  «•  . 
•*  t!u  travail  >'i  7<*)  lissorui.tls  «le  la  r<!yi«<n  «le  (/uirtrai,  i?J  à       »*  •  : 
.  ■:  ire  Ori*-nltiî*»f  p«;ur  |«»  roiapte  tic  fau'ianls  de  U.»iau.  i  . 


I 


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LE  TISSAGE  A  DOMICILE 


379 


Ix)keren.  La  soie  est  mise  en  œuvre  par  200  personnes  autour  de  Deynze 
et  d'Alost  ;  le  jute  même,  qui  ne  connaît  guère  que  la  grande  usine,  est 
tissé  par  une  centaine  d'ouvriers  entre  Courtrai  et  Roulers,  et  par  une 
aulre  centaine  d'ouvrière  de  Zele,  fabriquant  des  tissus  très  grossiers  qui 
servent  h  l'emballage  des  machines,  à  des  prix  si  bas  que  la  mécanique  ne 
peut  pas  encore  faire  mieux  En  France,  on  en  trouve  encore  quelques 
milliers  dans  la  région  qui  s'étend  de  Roubaix  a  Bailleul,  et  de  20  à  50 
dans  les  grosses  communes  de  la  plaine  de  la  Lys  :  une  cinquantaine  à 
Vieux-Berquin,  au  lieu  de  500  vers  18(30;  uno  trentaine  à  Hazebrouck 
contre  300  en  1875  ;  une  cinquantaine  à  Steenbecque  l'hiver  ;  5  à  Sercus, 
5  pour  les  deux  Richebourg  ;  quelques  vieux  çà  et  là  dans  les  autres 
communes. 

Mais  les  jours  du  tissage  à  domicile  sont  comptés.  Le  machinisme  est 
en  progrès  continuel  :  il  s'attaque  peu  à  peu  aux  spécialités  que  le  travail 
à  la  main  avait  gardées.  D'autre  part,  le  tisserand  est  un  ouvrier  trop 
irrégulier;  il  s'évade  dès  que  le  travail  presse  aux  champs,  et  le  patron 
ne  peut  pas  compter  sur  la  pièce  au  jour  dit.  Enfin  le  salaire  est  par 
trop  insuffisanl  ;  il  ne  faut  pas  espérer  un  gain  de  plus  de  2  fr.  pour 
un  travail  de  douze  heures  au  moins  ;  la  moyenne  ne  dépasse  guère 
1  fr.  50  pour  une  journée  qui  commence  a  0  heures  du  matin  et  se  termine 
à  8  heures  du  soir.  Écrasé  par  la  grande  industrie,  le  tisserand  est  si 
misérable  qu'on  en  arrive  à  souhaiter  la  disparition  rapide  de  cette  inté- 
ressante forme  de  travail,  si  bien  adaptée  aux  nécessités  de  la  vie  en 
Flandre.  Vivant  dans  une  chambre  obscure,  souvent  enfoncée  dans  le 
sol,  sans  plancher,  pour  entretenir  l'humidité  nécessaire  aux  fils,  un  vrai 
chenil,  dit  l'Enquête  de  1840  1  ;  mal  nourri  de  lait  battu,  de  pain  et  de 
légumes,  ignorant  les  nécessités  de  l'hygiène,  prédisposé  à  la  tubercu- 
lose, l'ouvrier  en  textile  passe  à  l'état  d'organe  atrophié  dans  l'activité 
flamande.  Le  nombre  des  vieux  ouvriers  est  considérable3:  en  1896  les 

* 

tisserands  à  domicile  de  plus  de  55  ans  formaient  39,ÎK)%  du  total  dans 
l'arrondissement  de  St-Nicolas,  27,73  n/0dans  celui  de  Gand,  22,20  %dans 


•  Tous  les  chiffres  sont  empruntés  au  tome  1  du  Recensement  de  1806.  —  Remar- 
quer que  l'introduction  de  la  mécanique  a  surtout  modifié  les  conditions  du  filage  :  la 
machine  produit  20  fois  plus  que  la  fileuse,  tandis  que  le  métier  mécanique,  qui  bat 
ses  140  coups  à  la  minute,  ne  dépasse  que  médiocrement  le  métier  à  bras  qui  parvient 
à  en  battre  80.  Aussi  le  tissage  à  la  main  résiste,  tandis  que  les  fileuses  sont  à  peu  près 
complètement  disparues. 

»  Enquête,  III,  pp.  302-304. 

3  Recensement  1800,  XVIII,  p.  3Î/7. 


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FLANDRE  INTÉRIEURE  :  L'INDUSTRIE 


celui  de  Roulera  ;  le  tissage  à  la  main  devient  une  occupation  de 
vieillards  qui  s'obstinent  au  travail  de  leur  jeunesse  '. 


Autres  industries  à  domicile  :  la  dentelle. 

Cependant  l'industrie  à  domicile  répond  si  bien  aux  besoins  de  cette 
abondante  population  en  quête  de  ressources,  qu'elle  se  survit  sous 
d'autres  formes  que  celle  du  tissage.  Le  pays  de  "Waes  est  peuplé  de 
sabotiers,  qui  utilisent  les  arbres  des  haies,  canadas,  saules  ;  les  produits 
sont  vendus  en  Allemagne  et  en  Hollande  ;  il  y  a  là  près  de  4.000  travail- 
leurs confectionnant  les  sabots  à  domicile  ou  dans  de  petits  ateliers  :  373 
à  Sl-Nicolas,  365  à  lieveren,  257  a  Tamise.  Le  teillage  du  lin  est  une  des 
ressources  les  plus  appréciées  du  paysan  flamand  pendant  l'hiver  ;  à  Ste- 
kene,  lieveren-Waes,  Caprycke,  Maldegem,  Cruybeke,  le  lin  des  polders 
/.Mandais,  roui  dans  les  criques  ou  les  fossés,  est  ainsi  travaillé  l'hiver  ; 
à  Swevezeele,  300  personnes  s'y  consacraient  jadis  uniquement;  et  la 
station  compte  encore  chaque  semaine  un  mouvement  de  deux  ou  trois 
wagons  de  lin,  de  10  tonnes  chacun.  Il  n'est  pas  rare,  même  dans  la 
West-Flandre  française,  d'entendre  sorlir  des  maisons  d'ouvriers  agricoles 
le  sifflement  de  la  roue,  et  d'apercevoir  par  la  porte  ouverte  l'ouvrier 
faisant  tourner  son  instrument,  au  milieu  d'un  nuage  de  poussière.  I,a 
commune  de  Beveren-lès-Roulers  conserve  cet  étrange  spectacle  d'une 
industrie  à  domicile  encore  complète,  qui  ramène  à  soixante  ans  en 
arrière:  le  lin  du  pays,  roui  A  la  Lys,  et  teillé  sur  place,  est  encore  filé 
par  des  vieilles  femmes,  puis  tissé  à  la  main  pour  le  compte  d'un  fabricant 
qui  ne  craint  pas  d'affronter  pour  ses  produits  l'épreuve  des  expositions. 
C'est  là  un  curieux  exemple  de  la  résistance  désespérée  que  fait  l'indus- 
trie à  domicile,  luttant  contre  des  conditions  économiques  défavorables. 
Elle  se  maintient  encore  dans  la  fabrication  des  cordages,  où  l'on  trouve 
en  1890  un  millier  d'ouvriers  à  la  main,  dont  514  à  Hamme,  les  «  buiten- 
spinners  »  marchant  lentement  à  reculons  surlosbanen  (chemins)  des  cor- 
deries,  tandis  qu'un  enfant  tourne  la  roue  qui  opère  la  torsion  du  fil  ;  elle 
domine  dans  l'industrie  neuve  des  coupeurs  de  poils  pour  la  chapellerie, 
qui  utilise  les  peaux  des  lapins  bleus  du  pays  de  Waes  dans  tous  les 
villages  autour  de  I/)keren  ;  elle  l'emporte  également  dans  la  fabrica- 


i  Sur  cotte  disparition  du  tissage  à  domicile,  voir  Beatse,  Tissage  de  coton  en 
Flandre  ;  —  Dubois.  L'Industrie  du  tissage  ;  —  les  Rapports  annuels  de  l'Inspection  du 
Travail. 


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LA  DKNTBLLE 


381 


tion  de  la  chaussure,  qui  occupe  en  Flandre  Occidentale  plus  de 
2.000  ouvriers  à  domicile,  dont  1.200  dans  la  seule  ville  d'Iseghem, 
280  à  Thielt,  215  à  Tliourout,  200  à  Poperinghe  ». 

D'autre  part  les  femmes  sont  restées  plus  fidèles  encore  que  les  hommes 
à  l'industrie  familiale.  Les  nécessités  économiques  qui  obligeaient  les 
paysans  flamands  à  chercher  hors  de  la  culture  un  supplément  de 
ressources  agissaient  aussi  sur  les  femmes  ;  de  bonne  heure  la  Flamande 
consacra  au  filage  les  instants  qu'elle  pouvait  dérober  aux  soins  du 
ménage  ou  au  travail  des  champs.  La  fabrication  de  la  dentelle  apparut 
au  XV8  siècle;  sa  présence  était  toute  nalurelle  dans  un  pays  qui  travail- 
lait le  lin,  et  où  les  femmes  avaient  l'habitude  de  manipuler  les  textiles. 
Charles-Quint  aidait  à  l'extension  de  cette  industrie,  en  faisant  enseigner 
les  meilleurs  procédés  dans  les  couvents,  et  la  dentelle  prenait  au 
XVII*'  siècle  une  importance  jnstih'ée  parl'usage  universel  qu'en  faisait  la 
mode  à  l'époque  de  Louis  XIV.  L'apogée  fut  atteinte  au  XVIIIe  siècle; 
liruxelles  et  .Malines  occupaient  autour  d'elles  100.000  femmes  à  la 
confection  du  point  A  l'aiguille  ;  5.000  personnes  dans  les  seuls  bégui- 
nages de  (iand  fabriquaient  de  la  Valeneieunes  au  fuseau,  et  le  point  de 
Lille  occupait  dans  la  Flandre  wallonne  10.000  ouvrières  en  1780.  L'appa- 
rition de  la  grande  industrie  menaça  un  moment  de  mire  partager  à  la 
dentelle  le  sort  de  la  filature  à  la  main;  la  concurrence  du  tulle  méca- 
nique provoqua  vers  18-50  une  disparition  presque  complète  de  l'industrie 
dentellière,  disparition  qui  contribua  à  rendre  plus  pénible  la  crise  de 
1810. 

dépendant  l'excès  du  mal  contribua  à  ressusciter  la  dentelle.  On 
cherchait  de  tous  côtés  des  ressources  ;  il  parut  que  cette  industrie,  allégée 
de  certains  frais  généraux,  pourrait  encore  fournir  uno  carrière  dans  la 
lutte  contre  la  mécanique,  et  être  utile  à  des  populations  besogneuses.  On 
abandonna  le  fil  de  lin  qui  atteignait,  lorsqu'il  réalisait  les  conditions  de 
finesse  nécessaires,  des  prix  fabuleux  :  jusqu'à  0.000  francs  la  livre  pour 
les  meilleures  qualités  ;  à  la  place  on  adopta  l'économique  «  fil  d'Ecosse», 
c'est-à-dire  le  colon,  qui  se  trouva  à  l'usage  plus  commode  ;  on  fit  la  part 
du  feu  en  abandonnant  à  la  machine  la  fabrication  des  bandes  de  tulle. 
Les  couvents  prirent  une  part  active  à  la  résurrection  de  l'industrie,  en 
fondant  des  écoles  où  s'instruisent  aujourd'hui  la  plupart  des  ouvrières. 
La  dentelle  reprit  un  essor  qui  lui  a  permis  de  garder  jusqu'à  nos  jours 


1  Voir  Gilles  de  Félichy  (Ch.),  L'industrie  de  la  Cordonnerie  (Industries  h  domicile, 
II,  1900). 


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:«2  FLANDRE  INTÉRIEURE  :  L'INDUSTRIE 

un  rôle  important  parmi  les  industries  flamandes1.  45.000  dentellières 
environ  sont  disséminées  à  travers  la  Flandre,  presque  uniquement  dans 
la  partie  belge,  car  la  région  française  ne  possède  guère  qu'une  centaine 
d'ouvrières  dans  la  ville  de  Railleul*.  Mais  l'arrondissement  deThielt  en 
avait  en  1896  6.397,  soit  18  %  de  la  population  féminine  ;  le  Sud  de  celui 
de  Dixmude,  3.253,  soit  12  °/o;  celui  de  Roulers,  4.122  (8  u/o)  ;  celui 
d'Alost  8.552  (12,9  7„). 

Le  chiffre  élevé  du  nombre  des  dentellières  indique  l'importance 
qu'occupe  encore  celte  industrie  dans  la  vie  économique  de  la  Flandre. 
I^a  dentelle  remplace  véritablement  la  filature  du  lin  à  domicile;  elle 
permet  à  la  femme  des  champs  de  gagner  quelque  argent  lorsque  sa 
présence  n'est  pas  indispensable  aux  travaux  de  la  ferme.  Dans  les  villes, 
l'ouvrière  peut  s'occuper  dans  la  grande  industrie,  dont  les  salaires  sont 
plus  élevés  et  qui  ne  demande  pas  l'apprentissage  ;  aussi  la  dentelle 
en  est-elle  à  peu  près  disparue,  sauf  de  Bruges,  qui  n'a  guère  d'industrie, 
et  où  elle  est  acclimatée  depuis  longtemps  3.  Mais  dans  les  campagnes, 
elle  constitue  une  des  rares  ressources  supplémentairesque  peuvent  se 
procurer  les  femmes.  Dans  les  populeuses  communes  rurales  autour  de 
Roulers,  Thielt,  Courtrai,  c'est  la  dentelle  qui  permet  aux  paysans  de 
vivre  pendant  l'hiver.  A  Wynghene,  où  le  Recensement  de  1896  accuse 
1.321  dentellières,  le  nombre  des  petites  exploitations  augmente,  grâce 
aux  ressources  fournies  par  cette  industrie,  qui  permet  aux  journaliers  de 
louer  des  terres  à  leur  tour.  A  I/)Otenhulle,  on  constate  que  la  dentelle 
n'a  jamais  tant  rapporté  qu'aujourd'hui  ;  c'est  elle,  et  l'émigration  sai- 
sonnière en  France,  qui  font  vivre  le  pays;  elle  nourrit  le  ménage 
pendant  l'hiver.  A  Bellem,  la  broderie  qui  occupe  200  ouvrières  est  une 
ressource  des  plus  sérieuses.  L'été,  beaucoup  de  dentellières  sont  aux 
champs  ;  c'est  en  hiver  que  l'on  entend  dans  chaque  maison  claquer  les 
petits  fuseaux  de  bois  ;  à  Moorsleede,  le  nombre  d'ouvrières  passe  d'une 
centaine  l'été  à  600  l'hiver. 

Opendant  cette  utile  industrie  est  en  crise  ;  elle  diminue  malgré  l'active 
campagne  menée  en  sa  faveur  par  le  parti  conservateur  belge,  désireux 
de  retenir  la  femme  chez  elle,  et  de  l'empêcher  d'aller  se  perdre  dans  les 
foules  des  grandes  fabriques.  I>»s  salaires  sont  trop  bas  :  l'enquête  de  1902 
en  cite  de  0  fr.  95  pour  15  heures  de  travail,  à  Tamise  ;  de  0  fr.  52  pour 


i  Sur  la  dentelle,  voir  Industries  à  domicile,  t.  IV  et  V. 

*  Sur  l'industrie  dentellière  à  Bailleul,  voir  :  Cortyl  (E.),  La  dentelle  à  Railleul 
(Bull.  Com.  fl.  Fr.,  1!«3,  pp.  225-237). 
3  En  1800,  Bruges  avait  3.3S>4  dentellières. 


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tinif  :  importance  clu  travail  , 


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LA  GRANDE  INDUSTRIE  :  CARACTÈRES  GÉNÉRAUX  383 


14  heures,  à  Courtrai  ;  de  0  fr.  40  pour  12  heures,  à  Beveren-Waes  ;  de 
0  fr.  27  pour  10  heures,  à  Deynze.  Pour  dépasser  ce  gain  de  famine,  la 
dentellière  veut  produire  beaucoup,  et  abandonne  les  points  fins  pour  la 
dentelle  commune,  appelée  ordinairement  le  torchon  ;  la  réputation  de 
l'industrie  en  souffre.  La  mécanique  augmente  sans  cesse  sa  concurrence: 
le  tulle  de  Calais  et  de  Caudry,  perfectionné  chaque  jour,  chasse  la 
dentelle  flamande  du  marché  français.  Aussi  l'industrie  dentellière 
manque-t-elle  de  solidité.  Qu'une  usine  vienne  à  s'établir  à  la  campagne, 
qu'un  autre  mode  de  travail  à  domicile  se  présente,  et  la  femme  aban- 
donne le  fuseau.  La  fabrique  de  brosses  établie  en  1890  à  St-André-lès- 
Hrugesa  fait  tomber  dans  cette  commune  de  5.128  habitants  le  nombre  des 
dentellières  à  55;  de  même  à  Lede  la  fabrique  de  lingerie.  Les  industries  de 
la  broderie  sur  linge  à  Bellem  et  Sweveghem  ont  recruté  leur  personnel 
travaillant  à  domicile  parmi  les  dentellières  ;  de  môme  dans  le  pays  d'Alost 
la  couture  des  gants  pour  les  maisons  de  Bruxelles  et  pour  l'Allemagne, 
introduite  par  hasard  en  1850,  et  qui  groupe  autour  de  Ninoveet  d'Auden- 
hove  3.350  ouvrières  à  domicile,  gagnant  au  maximum  1  franc  à  1  fr.  25 
par  jour  en  travaillant  do  6  heures  du  malin  à  7  heures  du  soir 

Malgré  sa  lente  décadence,  l'industrie  à  domicile  reste  un  des  carac- 
tères les  plus  curieux  de  l'activité  économique  en  Flandre  intérieure.  Sans 
compter  les  petits  métiers  de  l'alimentation  et  du  vêtement,  qui  restent 
disséminés  en  ateliers  minuscules,  on  peut  encore  évaluer  à  80.000,  pour 
toute  la  Flandre  belge,  le  nombre  des  personnes  (la  plupart  à  la  cam- 
pagne), qui  travaillent  chez  elles  pour  le  compte  de  patrons,  dont  45.000 
dentellières.  (>  chiffre  élevé  montre  à  quel  point  cette  ancienne  forme 
d'industrie,  appoint  du  travail  agricole,  est  nécessaire  à  ce  pays.  Pourtant 
la  Flandre  n'a  pas  pu  échapper  à  la  transformation  qui  a  créé  au  XIXe  siècle 
la  grande  usine,  et  qui  s'accentue  encore,  irrésistible.  La  grande  industrie, 
qui  n'a  pas  pu  tuer  brusquement  la  petite  vers  1816,  s'est  pourtant  solide- 
ment installée  en  Flandre,  et  y  fait  des  progrès  lents  et  sûre. 

DL 

LA  GRANDE  INDUSTRIE. 

Caractères  généraux. 

Cependant  celte  grande  industrie  tient  encore  de  près  au  passé.  L'utili- 


»  Cf.  Industries  à  domicile,  III,  L'Industrie  de  la  ganterie. 


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FLANDRE  INTÉRIEURE  :  L'INDUSTRIE 


sation  des  textiles,  qui  a  fait  le  renom  et  la  fortune  de  la  Flandre»  au 
moyen-Age,  est  toujours  l'objet  de  l'activité  de  ses  ouvriers.  Les  autres 
industries  vont  relativement  peu  d'importance.  I^a  métallurgie  s'est  à  peine 
installée  sur  les  frontières  :  aciéries  d'Isbergues,  établies  au  bord  de  la  plaine 
de  la  Lys,  à  proximité  du  bassin  houiller  et  de  la  grande  voie  d'eau  qui  le 
relie  à  Dunkerque  ;  usines  de  Lille  et  Fives-Lille,  bien  placées  pour  disposer 
d'une  main-d'œuvre  abondante  et  pour  se  procurer  facilement  le  combus- 
tible ;  ce  sont  plutôt  la  des  dépendances  du  bassin  houiller  rapprochées  de 
la  Flandre  pour  utiliser  sa  nombreuse  population  L  La  fabrication  des 
briques  et  des  pannes  est  éparse  à  travers  tout  le  pays  ;  elle  ne  se  concentre 
un  peu  que  sur  le  limon  de  la  Basse-Deûle,  l'alluvion  de  l'Escaut  moyen 
(pour  les  briques),  et  sur  quelques  affleurements  d'argile  yprésienne  (St- 
Momelin)  ou  rupelienne  (Steendorp,  Stekone),  pour  les  briques,  pannes, 
tuiles  et  tuyaux  *.  Les  huileries  sont  encore  nombreuses,  souvenir  du 
temps  où  l'on  récoltait  en  Flandre  le  lin  et  le  colza  en  abondance  ;  mais 
ce  ne  sont  plus  guère  que  de  petits  établissements,  travaillant  une  saison 
par  an,  sauf  autour  de  Lille,  dans  les  fabriques  de  Quesnoy-sur-Deûle, 
Marcq-en-Barœul,  domines,  et  dans  la  grande  usine  de  Termonde,  qui 
reçoit  par  l'Escaut  les  graines  de  Russie  et  des  pays  tropicaux,  et  peut 
produire  300  tonnes  par  semaine.  La  distillerie  est  surtout  concentrée 
autour  de  Lille.  I*  bois,  travaillé  dans  les  ports  du  littoral,  est  également 
ouvré  à  Gand  et  aux  environs,  a  St-Georges,  à  Evergem  dans  une  grande 
usine  occupant  700  ouvriers.  Le  tabac,  les  allumettes,  occupent  quelques 
centaines  de  personnes  à  Gand,  Grammont,  St-Nicolas.  La  meunerie  à 
Landegem  et  Deynze,  la  vannerie  à  Maldegem,  Halluin,  Tamise,  l'industrie 
des  coupeurs  de  poil  à  I/ikeren,  Maldegem,  Zele,  Nevele,  garnissent 
quelques  usines.  Enfin  le  groupe  de  Lille  possède  des  fabriques  attirées  là 


•  En  plus,  les  ateliers  de  constructions  mécaniques  dans  les  grands  centres  indus- 
triels, Lille.  Roubnix,  Oand.  pour  la  fabrication  ou  la  réparation  des  machines  de 
l'industrie  textile. 

-  Cetie  industrie  occupe  (K)0  ouvriers  a  Stekene;  au  XVIe  siècle,  les  gens  de  Stekene 
étaient  déjà  les  «  Toghelbackers  »,  les  fabricants  de  tuiles  (St-Genois,  Surnoms  et 
Sobriquets  donnés  aux  villes  et  villages  de  Flandre  ;  Mess.  Se,  Hist.,  VI,  1838, 
pp.  13-24).  De  même  l'argile  de  Steendorp  aurait  déjà  été  exploitée  à  l'époque  romaine 
(Van  Raemdonek,  Le  Pays  de  YVaas  préhistorique  [St-Nicolas,  Edoin,  1878.  in-8°,  I7i\  p.], 
pp.  134- 130).  Le  village  vit  complètement  de  l'exploitation  de  l'argile:  au  bord  du 
fleuve,  des  pontons  de  planches  couverts  de  briques  ;  puis  les  fours,  généralement 
couverts  d'une  toiture  ;  derrière,  les  longs  hangars  de  séchago,  et  enfin  la  carrière, 
avec  un  escarpement  d'une  dizaine  de  mètres.  Au  fond,  les  hommes  extraient  l'argile  : 
les  femmes  brouettent  vers  les  bateaux  de  lourdes  charges  de  briques,  ou  les  trans- 
portent aux  séchoirs:  des  vieillards  tournent  dos  ventilateurs  pour  actionner  les  fours. 
L'animation  est  intense. 


LES  CARACTÈRES  GÉNÉRAUX 


38T> 


par  l'abondance  et  le  bon  marché  do  la  main-d'œuvre,  papeterie  de  Bous- 
becquo  ((il  H)  ouvrioi-s),  fabriques  de  caoutchouc,  de  produits  chimiques,  de 
ciment,  d'appareils  électriques,  usines  de  eéruse,  qui  n'occupent  qu'un 
nombre  restreint  do  personnes  au  milieu  des  gros  bataillons  do  l'industrie 
textile.  Ainsi  cette  dernière  reste  do  beaucoup  la  plus  importante.  Armen- 
tieres,  Roubaix,  Tourcoing,  (Sourirai,  Roulers,  en  vivent.  A  Gand,  sur 
42.  100  poi"sonnos  occupées  à  l'industrie  en  1896,  et  parmi  lesquelles  il  faut 
compter  maçons,  couvreurs,  tailleurs,  modistes,  blanchisseurs,  boulangers, 
on  un  mot  tous  les  corps  de  métier,  les  seuls  ouvriers  du  lin  ot  du  coton 
sont  au  nombre  de  plus  do  20  A  H  K).  Si  le  travail  mécanique  y  devient  de  jour 
en  jour  plus  important,  la  Flandre  est  toujours  le  pays  de  la  laine  et  du  lin. 

Cependant  une  nouvelle  évolution  se  manifeste.  Le  lin  recule,  même 
dans  cette  Flandre  qui  est  son  pays  d'élection,  devant  le  roi  coton.  A  une 
époque  où  l'on  veut  surtout  du  bon  marché,  la  toile  de  lin  est  souvent 
trop  chère  ;  et  elle  est  trop  chère  parce  que  la  matière  première  coûte  plus, 
et  que  la  transformation  industrielle  est  plus  difficile,  plus  onéreuse  que 
pour  le  coton.  Tandis  que  celui-ci  est  d'un  travail  aisé,  qu'un  ouvrier  peut 
conduire  8  ou  10  cardes,  un  tileur  avec  trois  aides  suffire  à  un  métier  renvi- 
deur  de  2.800  broches,  long  de  37  mètres,  un  tisseur  commander  à  la  fois 
plusieurs  métiers,  le  lin  réclame  un  personnel  nombreux,  un  outillage 
compliqué,  une  manipulation  parfois  malsaine  :  au  tissage  il  y  a  un  ouvrier 
pir  métier  ;  à  la  filature,  quatre  personnes  pour  220  broches,  et  une  femme 
par  carde  à  étoupes.  La  différence  saute  aux  yeux  entre  l'absence  presque 
complète  de  personnel  dans  les  grandes  salles  des  filatures  de  coton,  et 
l'encombrement  d'ouvriers  et  d'ouvrières  qui  se  pressent  au  milieu  dos 
poussières  ou  des  vapeurs  dont  est  saturée  l'atmosphère  des  établissements 
liniors.  L\s  conditions  hygiéniques  y  sont  moins  favorables:  les  pous- 
sières, la  température  élevée  jointe  à  un  état  hygrométrique  voisin  do  la 
saturation,  peuvent  produire  chez  les  fileuses  l'anémie,  les  affections  rhuma- 
tismales, et  «  liez  les  eardeuses  la  tuberculose  1  ;  pourtant  les  salaires 
sont  moins  considérables  que  ceux  de  l'ouvrier  du  coton.  Aussi  le  person- 
nel est-il  souvent  de  qualité  inférieure.  Malgré  tout,  la  fabrication  d'uu 
'  tissu  type  revient  encore  trois  fois  plus  cher  pour  le  lin  que  pour  le  coton  ; 


1  Cf.  Dr  Glibert,  Les  filatures  de  lin  :  Etude  d'hygiène  professionnelle.  Rapport 
d'Enquête  (Ministère  Industrie  et  Travail  :  Bruxelles,  Schepens,  1902,  in-8°,  X  ~|~ 
462  p.).  —  A  Lille,  la  mortalité  des  enfants  en  bas-ftge  dont  les  mères  sont  ouvrières  dans 
les  filatures  de  lin  est  plus  considérable  que  celle  des  enfants  nés  d'ouvrières  du  coton: 
il  est  mort  en  1899  42,72  °/0  et  en  l'.tOO  38,7  %  des  enfants  d'ouvrières  en  lin,  contre 
30,03  et  27,15)  •/.  d'enfants  d'ouvrières  en  coton  (D'  Oui,  La  mortalité  des  enfants  du 
premier  âge  à  Lille.  Causes  et  remèdes.  Lille,  Danel,  1901,  48  p.  ;  cf.  pp.  9-11). 

Si 


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380  FLANDRE  INTÉRIEURE:  L'INDUSTRIE 

d'où  la  redoutable  concurrence  eontre  laquelle  lutte  l'industrie  linière  *. 
Ainsi  cette  vieille  fibre,  née  dans  le  pays,  utilisée  par  tous  ses  possesseurs, 
Ménapiens  ou  Francs,  passée  au  premier  rang  au  XVe  siècle,  devenu»'  la 
matière  d'une  grande  industrie  d'exportation  remplaçant  tant  bien  que 
mal  celle  de  la  laine,  s'est  vue  attaqué»'  par  un  nouveau  venu,  un  exotique, 
qui  voudrait  la  reléguer  au  deuxième  rang.  Grave  transformation,  qui  enlè- 
verait à  l'industrie  flamande  une  do  ses  plus  anciennes  caractéristiques. 

I,a  grande  industrie  d'aujourd'hui  se  groupe  autour  de  trois  centres. 
Gand  est  la  capitale  d'une  région  qui  englobe  les  pays  de  Waes  et  d'Alost, 
poussa  jusqu'à  Selzaete,  Eecloo  et  Deynze  ;  c'est  l'ancien  foyer  de  l'indus- 
trie gantoise  telle  qu'elle  existait  au  temps  d'Artevelde.  Au  contraire, 
Ypres  est  morte  au  travail  industriel,  et  l'activité  s'est  déplacée  à  l'Est, 
vers  la  région  de  Courtrai-Roulers,  dont  dépend  Renaix.  Enfin  le  pays  de 
Lille-Roubaix-ïourcoing-Armentières  forme  le  groupe  le  plus  compact, 
celui  où  la  vie  industrielle  est  la  plus  intense. 

Région  gantoise. 

Garni  est  à  coup  sûr  la  ville  de  Flandre  restée  la  plus  fidèle  à  l'industrie. 
I>e  marasme  où  se  débat  le  pays  aux  XVIIe  et  XVIIIe  siècles  pèse  lourdement 
sur  elle  ;  cependant  elle  se  débat  et  s'ingénie.  La  fabrication  des  toiles  est 
devenue  à  la  fin  «lu  XVIe  siècle  la  principale  occupation  de  ses  ouvriers  2  ; 
cependant  elle  conserve  obstinément  la  draperie,  essayant  en  1631  le 
bouracan  qui  périclite  après  1700,  la  tapisserie  qui  a  le  même  sort,  so 
mettant  au  XVIIIe  siècle  au  bombasin,  puis  aux  ligatures,  dont  la  fabrica- 
tion occupe  jusqu'à  000  ouvriers,  pour  finir  ensuite  misérablement  ;  en 
1789  il  n'y  avait  plus  à  Gand  que  48  tisserands  de  laine  ;  le  dernier  métier 
n'a  pourtant  disparu  que  vers  1880  3.  Heureusement  le  coton  sauva  la  ville, 
et  à  sa  suite  le  lin  retrouva,  dans  l'application  du  machinisme,  une  nou- 
velle prospérité. 

Aujourd'hui  Gand,  avec  ses  42.400  personnes  occupées  à  l'industrio 
(1806),  représente  la  plus  forte  agglomération  industrielle  de  la  Belgique  4 . 


«  Renseignements  empruntés  à  Aftalion.  Décadence  de  l'industrie  linière. 

*  Guichardin,  p.  X13. 

3  Variez,  Industrie  cotnnnière,  I,  pp.  5-10. 

*  Recensement  I80G,  t.  XVIII,  p.  148.  Suivent  Anvers,  avec  40.500,  Liège,  avec 
38,100,  Bruxelles,  avec  96.000.  Rien  entendu,  dans  cette  évaluation,  les  faubourgs  do 
Bruxelles  sont  comptés  à  part. 


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LA  RÉGION  GANTOISE  387 

Do  vastes  usines  s'élèvent  aux  endroits  où  les  bras  de  la  Lys  et  de  l'Escaut 
pénètrent  en  ville.  La  filature  belge  du  lin,  du  chanvre  et  du  jute  y  est  en 
grande  partie  concentrée  ;  sur  :J92.000  broches  existant  en  1898  dans  tout 
le  royaume,  Garni  en  possédait  197.635,  n'en  laissant  que  M5.000  en  dehors 
d'elle.  Pour  le  lin  en  particulier,  sur  13.3GG  ouvriers  qu'employaient  toutes 
les  filatures  belges,  Gand  en  comptait 8.915,  dont  6.000  femmes;  eny  ajou- 
tant le  chanvre  et  le  jute,  on  arrive  à  10.500  personnes  occupées  dans  les 
filatures  gantoises  en  1900,  parmi  lesquelles  les  femmes  occupent  une  place 
de  plus  en  plus  prépondérante,  au  point  de  monopoliser  bientôt  cette 
industrie  comme  leurs  aïeules  avaient  monopolisé  jadis  le  travail  du  filage. 
D'immenses  établissements  abritent  cette  industrie,  comme  cette  usine  de 
la  société  «  la  Lys  »,  véritable  ville  d'énormes  bâtiments  aux  formes 
géométriques,  hauts  de  cinq  étages,  entourée  de  deux  bras  de  la  rivière, 
et  contenant  60.  Î72  broches  ;  la  Linière  Gantoise,  qui  en  actionne  50.000,  la 
société  «  la  Lieve  »,  24.1  H  H)1.  Le  tissage  de  ces  textiles  y  est  beaucoup 
moins  considérable  ;  en  y  joignant  ses  faubourgs  de  Ledeberg  et  de 
Gentbrugge,  Gand  n'avait  en  189(3  que  6  établissements,  occupant 
1 . 155  ouvriers,  ce  qui  porte  à  1 1 .600  environ  le  nombre  des  personnes  occu- 
pées dans  la  vieille  capitale  flamande  à  la  grande  industrie  du  lin.  du 
chanvre  et  du  jute. 

Ije  coton  a  plus  d'importance  encore,  quoique  le  nombre  d'ouvriers 
employés  à  sa  préparation  soit  moins  considérable  que  celui  que 
nécessite  la  transformation  du  lin  en  filés  et  en  toiles.  Cette  industrie  existait 
à  Gand  au  XVIf  siècle,  mais  s'était  moins  développée  qu'à  Bruges  ou  dans 
le  pays  de  Waes  ;  Gand  se  bornait  à  la  spécialité  de  la  blanchisserie  et  de 
la  teinturerie,  et  oj^rait  sur  des  tissus  exportés.  Plusieurs  tentatives  avaient 
échoué  pour  acclimater  dans  la  ville  du  lin  la  grande  industrie  coton- 
nière  s,  et  Garni  n'avait  encore  en  1789  que  il  i  ouvrière  en  coton,  lorsque 
Liévin  Bauwens  introduisit  en  1801  les  machines  à  filer  et  à  tisser  dont  il 
avait  dérobé  le  secret  à  l'Angleterre.  I/>  succès  fut  énorme:  la  main- 
d'œuvre  linière  était  là,  abondante,  prête  à  se  ruer  dans  les  filatures  et  les 
tissages;  le  blocus  continental  favorisait  l'industrie  nouvelle  ;  l'empereur 
soutenait  Hauwens  <l>  tout  sou  pouvoir,  le  décorait,  l 'élevait  à  la  mairie 
de  Gand.  En  1802,  on  avait  220  ouvriers  fileure  et  quelques  tisserands;  en 


*  Dubois,  Industrie  du  tissage,  pp.  41-45. 

*  En  17(X),  Jean  t'Kint  demanda  à  ouvrir  un»'  fabrique  de  colon  h  Gand,  qui  doit 
employer  470  personnes  (de  Potier,  Potit  Gartulaire  de  Gand,  [Gand,  teliaert,  1X85, 
in -8°,  411  p.j,  pp.  372-375).  En  1753,  permission  ;ui  sieur  Yerhegghen  d'établir  une 
filature  de  coton  à  Gand  (Ibid.  pp.  378-380). 


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3HS 


FLANDRE  INTÉRIEURE:  L'INDUSTRIE 


1810,  Bauwens  et  ses  émules  employaient  10.000  ouvriers  cotonniers.  Ce 
fut  une  révolution  dans  (iand.  Malgré  l'abondance  de  la  main-d'œuvre, 
malgré  des  salaires  de  7  à  S  francs  par  jour  aux  fileurs,  on  manquait 
encore  d'ouvriers,  et  il  fallait  monter  des  succursales  à  Audenarde,  à 
Dinant,  à  Paris,  faire  tisser  à  St-Quentin  et  dans  le  Nord  *.  (iand  était 
devenue  la  capitale  du  coton  en  France. 

Cependant,  a  près  ce  formidable  boom,  vinrent  les  crises.  I^a  séparation 
d'avec  la  France  en  1811,  privant  l'industrie  gantoise  de  son  marché, 
faillit  la  ruiner  ;  pourtant  elle  s'adapta  aux  circonstances  et  se  découvrit 
un  nouveau  champ  d'action  dans  les  colonies  hollandaises.  En  ÎS'JO,  (iand 
avait  67  filatures  et  11  fabriques  d'indiennes;  les  premières  possédaient 
'J07.500  broches  et  produisaient  i. 500.000  kilos  de  coton  filé,  donnant  au 
tissage  l.'JOO.OOO  pièces,  tandis  que  les  secondes  fournissaient  300.000 
pièces  imprimées  par  an.  Une  nouvelle  transformation  politique,  celle  de 
1830,  ruina  cet  édifice.  I,e  marché  de  Java  se  ferma:  ce  fut  la  misère; 
beaucoup  d'ouvriers  émigrèrent.  Déjà  après  181-1  ils  avaient  appris  le 
chemin  du  Nord  de  la  France,  où  se  levait  la  jeune  industrie  roubaisienne; 
l'exode  vers  la  région  de  Lille  recommença  après  1830,  il  partit  en  1831 
2.300  Gantois.  Aussi  (iand  demeura-t-elle  quelques  années  Orangiste,  et 
bouda  le  nouveau  gouvernement.  Malgré  une  reprise  en  1839,  il  n'existait 
alors  que  217.000  broches  dans  53  filatures,  et  la  production  d'indiennes 
ne  s'élevait  guère  par  an  qu'à  1 17.000  pièces  *.  Enfin  la  crise  du  coton  de 
1800,  sortie  de  la  guerre  de  Sécession,  amena  de  nouvelles  misères  et  jeta 
de  nouveau  les  ouvriers  gantois  sur  la  route  de  France,  à  la  recherche 
d'un  travail  industriel  plus  stable  et  mieux  rémunéré. 

Malgré  les  crises,  (iand  est  resté  le  grand  centre  pour  la  filature  et  le 
tissage  du  coton  en  Belgique.  Débarqué  sans  transbordement,  grâce  au 
canal  de  Terneuzen,  le  coton  est  travaillé  dans  18  établissements,  occupant 
en  1000  573.000  broches  à  filer  (870.000  en  Belgique)  et  83.000  à  retordre 
(161.000);  1.500  ouvriers  forment  le  personnel  de  ces  usines.  De  plus, 
(iand  possède  environ  7.<NM)  métiers  à  tisser,  occupant  également 
4.500  personnes  sur  les  7.500  qui  s'y  consacrent  dans  la  Belgique  entière  J. 
population  curieuse,  très  attachée  à  sa  ville:  quatre  cinquièmes  des 
ouvriers  cotonniers  sont  originaires  de  (iand,  et  le  reste,  pour  moitié, 
d'une  commune  limitrophe  ;  les  lileurs  en  particulier  sont  Gantois  dans  la 


«  Variez,  Industrie  cotonnière,  I,  pp.  17-sqq. 

s  Chiffres  empruntés  à  l'Enquête  sur  lu  condition  des  classes  ouvrières,  III,  p.  312. 
3  Stneesters  (C),  L'essor  industriel  et  commercial  du  peuplo  belge  (Bruxelles, 
Schepeus,  1902,  in-8\  287  p.),  p.  107. 


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I,A  RÉdION  OANTOISK 


proportion  do  89°/0.  Presque  tous  sont  nés  de  parents  oecuj>és  dans 
l'industrie  cotonnière.  C'est  pour  cette  branche  du  travail  gantois  un 
sérieux  avantage  que  ce  recrutement  opéré  dans  une  population  spéciale, 
possédant  ainsi  de  véritables  aptitudes  professionnelles. 

(Cependant  malgré  cet  avantage,  les  chefs  de  l'industrie  gantoise,  pour 
se  dérober  aux  revendications  dont  se  font  l'organe  les  syndicats  ouvriers, 
groupés  dans  les  puissantes  associations  du  «  Vooruit  »  préfèrent 
employer,  hors  de  (iand,  des  ouvriers  moins  entraînés,  mais  plus 
maniables.  L'industrie  gantoise  a  essaimé  hors  de  la  grande  cité;  toutes 
les  petites  villes  de  la  Flandre  Orientale  se  sont  peuplées  de  manufactures, 
qui  ont  fait  augmenter  rapidement  leur  population.  Alost  est  un  petit 
(iand,  avec  «les  produits  plus  variés  peut-être  que  ceux  de  la  capitale: 
filature  et  tissages  de  jute,  filatures,  tissages  et  retorderie  de  coton,  filature, 
fillerie  et  tissages  de  lin,  tissages  de  laine  et  de  soie,  corderies,  bonneteries, 
fabriques  de  rubans  et  tresses,  ateliers  d'apprêt,  teintureries,  blanchisseries 
qui  étalent  sur  la  Dondre  de  longues  traînées  éclatantes,  y  occupent 
i..-)0()  ouvriers,  sur  les  7.501)  personnes  qui  se  consacrent  dans  la  ville  au 
travail  industriel.  En  comptant  les  ouvriers  à  domicile,  St-Nicolas  contient 
8.000  individus  occupés  à  l'industrie,  dans  les  filatures  de  laine,  dans  la 
fabrication  de  la  bonneterie,  des  tapis,  des  tissus  d'ameublement,  dans  la 
teinturerie,  sans  compter  les  scieries  et  les  fabriques  de  sabots.  A 
Lokeren,  les  filatures  et  tissages  de  chanvre,  de  jute,  de  lin;  à  Hamme, 
les  corderies  mécaniques,  la  fabrication  des  nattes,  des  rubans,  des  lapis 
et  carpettes,  occupent  3.801)  et  il^O!)  personnes.  Termonde,  bien  desservie 
par  l'Escaut  et  la  Dendre,  a  ajouté  à  son  rôle  de  forteresse  celui  de  ville 
industrielle  ;  elle  a  la  spécialité  de  la  couverture  de  coton,  qu'un  millier 
d'ouvriers  y  fabriquent  ;  et  son  usine  de  câbles  occupe  plus  de 
.'Î00  personnes.  Enfin  les  petites  villes  de  la  Dendre  moyenne,  Ninove  et 
(Vrammont,  possèdent  des  fabriques  importantes  de  fil  à  coudre  et 
d'espadrilles,  des  tissages  de  laine. 

Mais  c'est  surtout  à  la  campagne,  dans  les  grosses  communes  à  moitié 
rurales,  |>eupléos  de 5 à  lô.OOO  habitants,  que  l'industrie  gantoise  est  venue 
s'établir  depuis  JO  ans.  Elle  trouve  là  une  main-d'œuvre  abondante,  plus 
souple,  plus  maniable;  la  naissance  d'une  usine  dans  cette,  région 
surpeuplée  est  un  bienfait  pour  tous  ces  petits  paysans  que  l'agriculture  ne 
suffit  pas  à  nourrir,  et  qui  trouvent  là  le  supplément  de  ressources  que  ne 
fournil  plus  l'industrie  à  domicile;  les  salaires  d'un  tiers  inoins  élevés 
que  ceux  dont  se  contente  à  peine  l'ouvrier  gantois  font  le  bonheur  de  ces 


1  Sur  le  Vooruit,  voir  Lauzel,  1a'  Vooruit  «le  (iand  (Revue  de  Paris,  1<KX»,  pp. (538-(i(i8). 


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3510  FLANDRE  INTÉRIEURE:  L'INDUSTRIE 

nouveaux  venus  à  l'industrie.  Pour  le  coton  en  particulier,  le  déplacement 
est  sensible;  en  HMH)  on  comptait  déjà  que  5.000  métiers  à  tisser  battaient 
dans  les  campagnes,  contre  6  à  7.000  à  Gand,  et  de  nouvelles  usines  se 
sont  créées  depuis.  Eecloo  possède  des  tissages  de  laine,  coton,  lin  et  juin, 
des  leillages  mécaniques  de  lin,  ce  qui  avec  l'industrie  chapelière  constitue 
une  agglomération  ouvrière  d'environ  1.61)0  personnes,  sans  compter  les 
individus  qui  travaillent  à  domicile.  Wetteren  occupe  près  de  -J.O0O  per- 
sonnes dans  deux  immenses  tissages  de  coton  et  lin.  Zele  tisse  le  coton,  le 
chanvre  et  le  jute  ;  Deynze  a  la  spécialité  de  la  soie  ;  Tamise  travaille  jute, 
coton  et  lin;  Stekene  vient  d'ouvrir  une  fabrique  de  draps;  Moerbeke 
possède  un  lissage  de  toiles.  Le  mouvement  s'accuse  surtout  vers  le  Nord- 
Ouest.  Waerselioot,  Evergeni,  Slevdinge,  Somergem  ont  des  tissages  de 
coton,  occupant  près  de  2.000  personnes,  dont  le  salaire  moyen  ne  dépasse 
pas  deux  francs  par  jour;  Thiell  tisse  le  lin  et  le  coton  mélangés,  et 
l'industrie  gantoise  pousse  ses  dernières  conquêtes  jusqu'à  Ardoye,  à  une 
lieue  de  Roulers,  où  elle  a  fondé  successivement  deux  tissages  de  coton 
et  lin,  l'un  de  iO,  l'autre  de  500  métiers,  qui  groupent  sous  la  direction  de 
contremaîtres  gantois  {00  jeunes  paysans  d'Ardoye  et  des  villages  voisins, 
Liehtervelde,  Meulebeke,  Denterghem,  Ingelmunsler,  Cachtem,  Emel- 
ghem,  (îoolscamp,  Eeghem,  même  Thourout,  qui  s'empressent  chaque 
jour  à  pied  ou  en  chemin  de  fer  vers  l'usine  nouvelle.  Ainsi  la  Flandre 
Orientale  redevient  peu  à  peu  ce  qu'elle  a  toujours  été  avant  1840,  un  pays 
où  se  combinent  l'industrie  et  l'agriculture,  et  où  celte  combinaison  seule 
empêche  une  partie  des  habitants  de  mourir  de  faim.  C'est  en  effet  dans  les 
villages  qui  contenaient  jadis  les  nombres  les  [dus  élevés  de  tisserands  à 
domicile  que  se  sont  établies  les  usines  :  à  Waerselioot  où  l'on  comptait  en 
1 7î ):i  S21  métiers,  et  1  .250  en  1S46  ;  à  Evergem,  qui  en  possédait  aux  mêmes 
dates  (551  et  800  ;  à  Slevdinge  qui  en  avait  72  i  et  075  ;  à  Somergem  où  l'on 
en  trouvait  i00  et  700  Ainsi  sous  l'empire  des  mêmes  conditions  écono- 
miques, c'est  à  la  même  place  qu'autrefois  qu'est  revenue  se  fixer 
l'industrie,  sans  laquelle  ce  pays  agricole  ne  peut  vivre. 

Groupe  de  Oourtrai-Renaix-Roulers. 

La  région  industrielle  dont  Courtrai  est  le  centre  voit  se  produire  les 
mêmes  phénomènes  économiques  que  celle  de  Gand.  La  aussi,  le  lin  fut 


1  Chiffres  empruntés  aux  tableaux  dressés  eu  17ï»2  par  lo  bailli  du  Yieux-Hourg  (cf. 
p.  -i71,  nom  7)  et  pour  1846  par  Van  <ler  Meersch  (cf.  p.  376,  note  2). 


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LE  GROUPE  DE  COURTRAI-RKNA1X-ROU1.ERS 


tout  jadis;  c'était  le  roi  du  pays;  dans  tout  le  département  do  la  Lys,  on 
181 1,  il  y  avait  juste  473  ouvriers  occupés  à  filer  la  laine,  et  101  à  la  tisser: 
à  peine  une  vague  dans  la  marée  linière  qui  montait  sans  cesse;  quant  au 
coton,  il  occupait  en  tout  2.500  personnes  l.  Le  premier,  Renaix,  après 
1850,  suivit  l'exemple  donné  par  (îand,  et  remplaça  le  lin  par  le  colon, 
mélangea  plus  tard  coton  et  laine,  et  attaque  aujourd'hui  l'article  laine 
pure:  deux  filatures  de  coton,  une  vingtaino  de  tissages  de  coton  et  de 
laine,  19  teintureries,  5  ateliers  d'apprè.ts,  y  constituent  un  groupe 
important,  qui  rassemble  au  moins  3.000  ouvriers  dans  les  usines,  sans 
compter  les  2.500  à  3.000  travailleurs  à  domicile  qui  dépendent  de  cette 
industrie.  Cette  fabrication  des  tartans,  des  coutils,  cotonnottes, molletons, 
draps  pour  dames,  qui  alimente  le  marché  belge  et  depuis  trois  ou  quatre 
ans  s'essaie  avec  succès  à  l'exportation  (Congo),  est  malheureusement 
entravée  dans  son  essor  par  la  situation  de  la  ville;  isolée  derrière  sa 
colline,  au  fond  d'une  vallée  pittoresque  qu'elle  enfume,  Renaix  réclame 
un  canal,  des  voies  ferrées  mieux  desservies;  son  mouvement  d'affaires, 
qui  monte  à  20  millions  environ  par  an,  légitime  ces  doléances.  Ce  qui 
manque  surtout,  c'est  l'eau  nécessaire  à  l'industrie,  que  des  forages 
nombreux  n'ont  pas  encore  trouvée  en  quantité  suffisante  dans  la  craie  ni 
dans  les  roches  primaires. 

C'est  surtout  à  Renaix  que  le  colon  a  réussi  à  détrôner  le  lin.  Ailleurs, 
la  fibre  flamande  a  gardé  l'avantage.  Sauf  une  retorderie  à  Courtrai,  et  un 
tissage  mécanique  à  Moen  pour  le  coton,  des  petits  tissages  de  laine  à 
Courtrai  et  Mouscron,  le  lin  règne  en  maître  ;  il  caractérise  l'industrie  du 
pays,  comme  il  en  fait  de  l'agriculture.  On  s'occupe  d'abord  du  rouissage, 
pour  lequel  les  eaux  de  la  Lys  sont  particulièrement  favorables.  Une  fois 
arraché  et  séché,  le  lin  doit  rester  plongé  longtemps  dans  l'eau,  qui  est 
chargée  de  dissocier  de  la  fibre  une  sorte  de  petite  éeoree  appelée  la 
chénevotte:  c'est  le  rouissage.  Cette  opération  jmmiI  se  faire  en  étendant 
simplement  le  lin  sur  un  pré,  où  il  est  soumis  à  l'action  de  la  pluie  et  de  la 
rosée  (rorage)  ;  ou  en  le  plongeant  dans  l'eau  stagnante,  comme  on  fait  dans 
les  routoirs  du  pays  de  Waes;  mais  le  rouissage  à  l'eau  courante  dans  la 
Lys,  par  les  qualités  qu'il  donne  à  la  fibre,  est  universellement  préféré  :  des 
lins  provenant  de  toute  la  Flandre,  française,  belge  et  hollandaise,  même  de 
Normandie,  de  Bretagne,  des  provinces  de  Zélande  et  de  Croningue,  sont 
apportés  à  la  Lys  pour  acquérir  dans  les  eaux  de  la  «  Rivière  d'or  »  le 
brillant,  la  souplesse  qui  en  font  des  matériaux  de  première  qualité.  Aussi, 
en  dépit  des  innombrables  ordonnances  qui  ont  proscrit,  comme  insalubre, 


»  Arch.  Nat.  F"  1502. 


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FLANDRE  INTÉRIEURE  :  L'INDUSTRIE 


le  rouissage  en  rivière  \  cette  opération  constitue  une  industrie  dos  plus 
prospères.  Jadis  établie  sur  la  Deùle  et  la  Lys  moyenne,  à  Warnelon, 
Cominos  et  Wambreehies,  elle  s'est  déplacée  au  XIXe  siècle  et  se  déplace 
encore  vers  lavai,  abandonnant  Warnelon, gagnant  Vive-St-Kloi,  Deynze, 
concentrée  surtout  entre  Bousbocque  et  Courtrai,  peut-être  j»our  éviter  le 
contact  direct  des  eaux  impures  de  la  Deùle.  Le  long  des  75  kilomètres  de 
rivière  s'agitent  dans  la  belle  saison  (avril-octobre)  12.000  ouvriers 
environ,  manipulant  110  millions  de  kilos  de  lin,  et  gagnant  9  à  10  mil- 
lions de  francs.  I,es  rives  sont  couvertes  de  bottes  jaunes,  de  rneulas,  de  files 
de  javelles,  au  point  que  la  teinte  verte  des  prés  disparaît  sous  l'uniforme 
couleur  jaune-gris  du  lin  séebé  ;  des  hommes  s'empressent  dans  ce 
dédale,  chargeant  et  déchargeant  les  lourdes  caisses  de  bois  (ballons)  qui 
contiennent  le  lin  et  qu'on  enfonce  dans  la  rivière)  en  les  alourdissant  de 
grosses  pierres.  L'automne  venu,  on  sèche  et  on  engrange  le  lin;  on 
procède  alors  au  teillage,  qui  sépare  la  libre  de  la  chènevolte.  L'ouvrier 
de  la  Lys  se  transforme  alors  en  teilleur,  et  va  travailler  dans  les  teillages 
mécaniques  de  Wevelghem,  de  (lullegheni,  do  Courtrai  :  industrie  souvent 
insalubre  à  cause  des  poussières,  qui  occasionnent  fréquemment  chez  les 
teilleurs  des  affections  de  poitrine  ;  elle  augmente  cependant,  et  est  passée 
de  1896  à  1901,  dans  le  district  de  Courtrai,  de  98  teillages  mécaniques 
occupant  2.610  moulins  à  121  établissements  et  3.-119  moulins  s. 

Une  fois  teillé,  le  lin  est  mis  en  œuvre  par  les  filatures  et  les  lissages. 
Courtrai  jouit,  dans  la  fabrication  des  toiles,  d'une  vieille  renommée 
justifiée  encore  par  l'existence  d'une  dizaine  d'usines.  Roulers  se  déve- 
loppe avec  rapidité  :  le  coton  a  été  récemment  entrepris,  s'ajoutant  aux 
teintureries,  blanchisseries,  filatures  de  lin,  et  surtout  aux  tissages  qui 
produisent  la  spécialité  de  la  ville,  les  toiles  d'emballage  en  lin  et  jute. 
Tout  autour  de  ces  deux  agglomérations,  les  tisserands  à  domicile  sont 
restés  nombreux,  qui  travaillent  pour  les  fabricants  de  Courtrai  et  do 
Roulers.  Cependant  ici  comme  à  Gand  on  voit  l'industrie  s'établir  à  la 
campagne.  Autour  de  Roulers,  des  tissages  de  lin  et  de  jute  sont  venus 
s'installer  à  Emelghem,  Isoghem,  Meulebeko,  Ingolmunstor,  faisant  de 
cette  partie  de  la  vallée  de  la  Mandel  un  pays  complètement  industriel 

1  Ordonnances  de  I5i2  (Wolters,  Recueil  de  lois,  I.  p.  82)  ;  de  1627.  1702,  1713, 
1725,  1732.  175(5,  1815,  1825,  etc.  (Delesalle,  L'Industrie  linièro,  M»;m.  Soc.  Dunk.,  XL 
pp.  97-144). 

*  Office  du  Travail  de  Relique;  Rapport  annuel  de  l'Inspection  du  Travail  (1901), 
p.  159.  —  Sur  l'insalubrité  des  travaux  du  lin,  voir  Enquête  Condit.  classes  ouvrières, 
111,  p.  m 


LE  GROUPE  DE  COURTRAl-REXAIX-ROULERS 


joignant  à  la  fabrication  des  brosses  et  de  la  chaussure  celle  des  toiles,  îles 
lapis,  des  tissus  (l'ameublement;  c'est  là  que  l'on  trouve,  pendant  les 
heures  d'usine,  des  villages  de  briques  complètement  silencieux,  —  hommes 
et  femmes  étant  partis  pour  la  fabrique  —,  qui  s'animent  matin  et  soir  au 
passage  «les  ouvriers  pâles  et  maigres,  pieds  nus  ou  en  sabots,  qui  portent 
chacun  quelque  boisson  dans  un  petit  bidon  peint  en  bleu.  Au  Sud  de 
Houlers,  un  tissage  de  sacs  d'emballage  s'est  établi  à  bmdelede,  un  autre 
à  Rolleghem-Cappelle.  Enfin  à  l'Est  de  Courtrai,  les  tisserands  h  la  main 
viennent  peupler  les  nouvelles  fabriques,  le  tissage  de  coton  de  Moen,  les 
tissages  de  lin  et  élastiques  de  Sweveghem,  qui  occupent  bien  un  millier  de 
personnes,  les  petits  tissages  de  Waeregh  'in.  Ainsi  l'extension  de  l'indus- 
trie A  la  campagne,  où  elle  trouve  l'abondant"  main-d'œuvre  des  tisse- 
rands à  domicile,  n'est  pas  moins  accusée  qu'à  Garni  ;  ell»  serait  plus  forte 
encore,  à  Garni  comme  a  Gourtrai,  sans  la  crise  qu'a  amenée  de  1901  à  MK)Ô 
la  surproduction  générale,  qui  a  fait  passer  de  1890  à  19H2  dans  le  district 
industriel  «le  Gourtrai  le  nombre  d<«s  broches  pour  lin  et  jute  de  ^i.liOO  à 
29.790,  et  celui  des  métiers  à  tisser  de  3.1>i)5  a  5.890. 


LE  GROUPE  HE  LILLE. 

Le  groupe  de  Gourtrai  est  limitrophe  au  Sud-Ouest  d«*  celui  de  Lille,  le 
plus  grand  do  tous,  un  des  plus  importants  foyers  industriels  du  monde. 
Des  hauteurs  qui  entourent  Y  près  au  Sud,  et  qui  portent  les  villages  de 
Zandvoorde  et  de  Gheluvclt,  on  voit  les  files  de  maisons  couronner  les 
buttes  du  Ferrain,  les  clochers,  les  cheminées  d'usin»  sortir  des  arbres,  et 
les  fumées  industrielles  épaissir  la  brume  bleuâtre.  D'Halluin  à  Lille  par 
Boneq,  Linselles,  Marcq,  d'Armentièrcs  à  Roubaix  par  l'érenchies  et 
Groix,  l'industrie  est  partout;  et  ce  groupe  compact  pousse  encore  des 
prolongements  vers  Seclin  au  Sud,  à  l'Ouest  vers  Kslairesel  Merville,  vers 
Hailleul  et  Hazebrouck. 

G'tle  industrie  lilloise,  dont  le  développement  date  surtout  du 
XIX'  siècle,  est  cependant  beaucoup  plus  ancienne.  Au  début  du 
XIII'  siècle,  Lille  est  célèbre  A  l'étranger  «  parles  draps  qu'elle  a  teints  1  »; 
et  le  travail  «le  la  laine  reste  jusqu'à  la  Révolution  une  des  principales 
formes  de  son  activité.  De  bonne  heure  les  villages  qui  l'entourent,  surtout 


l  Giiill.mmc  le  Breton,  M.  G.  SS,  XXVI,  \>.  IV».  v.  112. 


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FLANDRE  INTÉRIEURE  :  L'INDUSTRIE 


les  gros  bourgs  dos  campagnes  du  Nord,  se  mettent  à  lui  faire  une  concur- 
rence redoutable,  attestée  dès  15.34  par  l'acte  do  Charles-Quint  défendant  la 
fabrication  des  snyettes  dans  la  chàtellenie,  hors  do  la  ville  de  Lille,  où 
celle  industrie  occupait  la  plus  grande  partie  de  la  population*,  la  dra- 
porio  existait  avant  135*4  a  Housbecque  *,  avant  1363  à  Linselles  3  ;  l'octroi 
de  ('ha ries  le  Téméraire  aux  Roubaisiens,  leur  permettant  de  draper,  est 
de  1109  *.  Kn  160D,  la  fabrication  des  bourrais,  futaines  et  tripes  se  f;iit 
dans  toutes  les  paroisses  entre  Lille,  Menin  et  L  innoy  5  ;  Tourcoing  a  reçu 
a  son  tour  l'autorisation  de  faire  battre  45,  puis  50  métiers.  Les  guerres  des 
XYP  et  XVIIe  siècles  ralentissent  celte  activité  industrielle,  mais  no  la 
font  pas  disparaître. 

L'annexion  du  pays  à  la  France  après  la  paix  d'Aix-la-Chapelle  (1608) 
fut  un  bienfait  pour  le  pays  de  Lille,  et  surtout  pour  son  industrie.  Détaché 
do  la  Flandre  qui  languissait  depuis  que  les  Hollandais  l'avaient  isolée  de 
la  mer,  incorporé  a  un  grand  pays  où  ses  produits  allaient  trouver  un 
marché  illimité,  le  groupe  lillois  se  remit  au  travail  avec  ardeur.  La  con- 
currence devint  plus  forte  que  jamais  entre  Lille  et  les  villages  de  la  chà- 
tellenie, dont  quelques-uns  s'enflaient  jusqu'à  devenir  des  villes.  En  1683, 
l'intendant  atteste  que  «  l'industrie  du  plat  pays  a  prévalu  sur  celle  des 
ouvriers  do  la  ville  et  que  Roubaix,  Tourcoing,  Wattrelos  font  dos  étoffes 
plus  fines  et  plus  belles  quo  Lille  fi  »  ;  Roubaix  a  500  métiers  en  1693  ;  et 
l'autorisation  définitive  de  travailler  toute  matière  industrielle,  accordée 
on  1702  aux  paroisses,  no  fait  que  consacrer  une  situation  do  fait  ;  en  1771, 
le  groupe  do  Roubaix  occupe  ou  fait  vivre  8.400  personnes,  sans  compter 
les  fileuses  dispersées  en  Artois  I/>  groupe  d'Armentièros,  abandonnant 
la  laine,  s'est  spécialisé  au  XVIIP  siècle  dans  le  travail  des  toiles  fines  ; 
on  IO0S,  on  constate  que  la  draperie  est  fort  diminuée  dans  la  ville8  ;  de 
mémo  à  Houplines  où  le  lin  et  le  coton  prennent  définitivement  l'avantage 
après  1715  s.  Kstaires,  I*i  (lorgne,  Merville,  suivent  le  mouvement,  et  les 


«  Diegerick,  Archives  d'Ypres,  V,  pp.  21U-217. 
î  Dalle.  Bousbocque.  p.  1.77. 

:|  Inventaire  «le.-  archives  île  Linselle-,  p.  I  (série  AA.). 
i  Leuridan,  Roubaix.  Y.  pp.  iiî-17. 
s  [bld.  V,  p.  51. 

fi  Instructions  île  Le  l'elelicr  île  Souzy  (Mull.  Comm.  H.  N.,  X,  p.  IM>). 
"  Leuridan,  Roubaix,  V,  p.  88.  —  Sur  la  lutte  de  Lillo  et  dos  campagnes,  voir  Flani- 
mermont,  Histoire  de  l'industrie  à  Lille  (Lille,  IXU1). 
8  Mémoire  de  Dugué  de  Hagnols  (Hull.  Comra.  H.  NM  X,  p.  i78). 
»  Inventaire  Arch.  Houpliues,  p.  XXXVIII. 


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I.A  MAIN-D'ŒI'VRK  KTRANGKRK  :«f» 


gens  du  pays  de  l'Alleu  offrent  à  St-Simon,  qui  les  a  défendus  au  conseil 
en  1717,  «  deux  mannes  prodigieuses  du  plus  beau  linge  de  table  que  j'aie 
jamais  vu  *>.  En  1789,  malgré  les  effets  désastreux  du  traité  de  com- 
merce de  178(3,  la  région  lilloise  était  déjà  un  des  principaux  centres 
industriels  de  France  :  Armentières  avec  ses  toiles  fines,  Halluin  aver  ses 
toiles  grossières,  Roubaix  et  Tourcoing  avec  leurs  draps,  (domines  avec 
ses  fils,  Lille  avec  toutes  ces  productions  réunies,  auxquelles  s'ajoutaient 
encore  le  travail  du  coton  et  du  tabac,  la  production  de  l'huile,  de  la 
poterie,  de  la  porcelaine,  du  sel  raffiné  '.  \a\  machine  trouve  là,  au  début 
du  XIXe  siècle,  une  main-d'œuvre  abondante  et  exercée,  qui  forme 
d'abord  le  gros,  puis  les  cadres  de  l'armée  industrielle  démesurément 
accrue  depuis  cent  ans  autour  de  Lille. 

Cette  rapide  histoire  de  l'industrie  lilloise  permet  de  retrouver  les  causes 
de  la  for  mation  de  ce  grand  centre.  La  première,  attestée  par  l'ancienneté 
de  cette  industrie,  est  évidemment  comme  dans  tout  le  reste  de  la  Flandre 
la  présence  d'une  population  très  nombreuse,  à  laquelle  l'agriculture  ne 
pouvait  suffire  et  qui  s'est  mise  de  bonne  heure  à  travailler  les  textiles 
qu'elle  avait  sous  la  main,  laine  et  lin.  De  là  une  vieille  tradition  indus- 
trielle, qui  a  permis  le  vaste  développement  du  XIXe  siècle.  La  proximité 
d'un  grand  bassin  houiller  estvenueaider  le  mouvement  :  de  la  banlieue  Sud 
de  Lille,  on  aperçoit  les  fumées  des  fosses  ;  eu  quelques  heures  les  trains 
de  charbon  arrivent  de  Lens  ou  d'Anzin  à  Roubaix,  amenant  le  combus- 
tible à  des  prix  modiques,  grâce  à  la  concurrence  des  canaux.  I.a  mer  non 
plus  n'est  pas  loin,  et  les  balles  de  laine  et  de  coton,  les  lins  russes,  lejule, 
la  ramie  débarqués  dans  les  darses  de  Dunkerque  peuvent  être  rapidement 
amenés  à  pied  dVeuvre.  Mais  la  vraie  cause  de  la  prospérité  de  l'industrie 
lilloise,  celle  qui  l'a  fait  s'élever  au-dessus  de  (land  et  de  Courlrai,  c'est  la 
proximité  de  la  frontière. 

La  main-d'œuvre  étrangère. 

De  Railleul  à  Baisieux,  la  limite  de  la  France  et  de  la  Belgique  s'étend, 
sinueuse,  sur  70  kilomètres,  formant  un  angle  dont  le  sommet  est  à 
Halluin.  Rien  de  plus  artificiel  que  cette  ligne;  la  Lys,  qui  sert  de  limite 
entre  Armentièr  es  et  Bousbecqne,  est  d'une  largeur  insignifiante  ;  ailleurs, 
le  tracé  empr  unte  un  fossé,  un  chemin,  court  à  travers  champs.  Des  rues 
sont  belges  d'un  côté,  françaises  de  l'autre;  des  maisons  ont  une  porte  en 


•  Van  Hernie,  État  de  Lille  et  de.  lu  châlelleiiie  en  1781*. 


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FLAN  DR K  1NTKRIKURK:  L'INDUSTRIK 


France,  une  autre  en  Belgique,  ('/est  pourtant  cette  ligne  conventionnelle, 
gardée  par  une  année  de  douaniers,  qui  constitue  le  puissant,  rempart 
derrière  lequel  s'est  élevé  l'édifiée  do  l'industrie  lilloise.  D'une  part,  eu  effet, 
à  l'abri  des  tarifs  protecteurs  qui  empêchent  les  produits  étrangers,  malgré 
leur  prix  peu  élevé,  d'entrer  en  France,  la  région  de  Lille  peut  garder  le 
marché  français,  et  même  exporter  lorsque  les  cours  de  l'étranger  sont 
plus  élevés  que  les  siens.  Mais  d'autre  part  celle  muraille  de  Chine,  qui 
arrête  l'invasion  des  produits  manufacturés  du  dehors,  ouvre  ses  portas 
toutes  grandes  pour  laisser  passer  le  flot  d'ouvriers  belges  qui  viennent 
travailler  à  bon  compte  dans  les  usines  du  pays.  Les  conditions  générales 
de  la  vie  économique  en  France  sont  telles  que  les  bas  salaires  eux-mêmes 
sont  encore  supérieurs  au  gain  des  ouvriers  belges.  Dans  l'industrie  eoton- 
nicre,  les  hommes  qui  gagnent  à  Gand  ^fr.  58  en  moyenne  par  jour,  les 
femmes  1  fr.  91,  peuvent  trouver  en  France  pour  un  travail  équivalent  des 
gains  de  :î  fr.  Ml)  et  2  fr.  40.  Une  pareille  différence  peut  déjà  donner  à 
réfléchir;  cependant  les  salaires  de  Gand  sont  encore  parmi  les  plus  élevés. 
Kn  considérant  l'ensemble  des  salaires  dans  l'industrie  textile  de  Belgique, 
on  voit  (pie  77  °/„  des  fileurs,  et  70  %  «les  tisseurs  de  jute,  51  °/0  des  fileurs, 
et  50  %  oVs  tisseurs  de  lin,  gagnent  moins  de  2  fr.  50  par  jour  1  ;  parmi  eux, 
gagnent  moins  de  1  fr.  75  dans  le  travail  du  jute,  et  moins  de  2  fr.  dans 
le  travail  du  lin.  Dans  les  bourgs  industriels  de  l'arrondissement  de 
Roulers,  05  °/0  des  tisseurs  de  lin,  dans  les  entreprises  de  plus  de  1 1 M  » 
ouvriers,  90  %  dans  les  entreprises  occupant  moins  de  100  personnes, 
gagnent  un  salaire  inférieur  à  2  fr.  59  ;  75  "/„  des  tisseurs  de  coton,  dans 
les  grandes  usines  rurales  de  l'arrondissement  de  Gand,  ne  dépassent  pas 
ce  chiffre  ;  1  »/„  atteint  3  fr.  50.  Il  y  a  à  Ninove  des  friteries  où  le  salaire 
moyen  ne  dépasse  pas  2  francs  par  jour  pour  11  heures  de  travail,  et  l'on 
trouve  des  conditions  analogues  à  Zele,  Lokeren,  St-Nicolas,  Ilamme. 
Pour  les  femmes,  on  estime  à  i  i  */„  le  nombre  de  celles  qui  n'atteignent  pas 
un  salaire  de  1  fr.  75  dans  l'ensemble  des  industries  textiles  de  Belgique.  Au 
contraire  en  France  le  tisseur  de  coton  se  fait  3  fr.  30  à  Roubaix,  3  fr.  5l)â 
Lille;  le  fileur  atteint  en  moyenne  3  fr.  90;  le  tisseur  de  lin  lui-même,  le 
moins  payé  de  tous,  gagne  de  3  à  5  francs  à  Armenlières,  de  iî  fr.  50  à 
5  francs  à  Lille.  Dans  la  laine,  cette  aristocratie  des  textiles,  les  salaires 
moyens  de  Roiibaix-Tourcoing  s'élèvent  :  dans  le  peignage,  à  i  fr.  50  pour 
les  ouvriers  de  la  partie  industrielle,  à  0  fr.  pour  les  trieurs  ;  dans  la  fila- 
ture, à  0  fr.  et  (i  fr.  ','5  pour  les  fileurs,  3  fr.  50  pour  les  rattacheurs.  3  fr. 
pour  les  femmes  ;  dans  le  tissage,  les  ouvriers  conduisant  un  métier 


i  II  s  agii  là  uniquement  .les  ouvriers  mâles  delà  fabrication  âgés  «le  plus  de  10  ans. 


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LA  M  AIN-D'ŒI'VRF.  KTRANGKRE 


397 


gagnent  4  fr.  50  y  5  fr.  ;  ceux  qui  en  conduisent  deux,  de  travail  plus 
facile,  se  tiennent  à  4  fr.  et  4  fr.  25  ;  les  femmes  a  3  fr.  Ainsi  les  femmes 
de  Houbaix  gagnent  plus  que  les  ouvriers  les  mieux  payés  de  l'industrie 
du  jute  en  Belgique.  l)e  l'autre  côté  de  la  frontière,  on  ne  trouve  plus  que 
12%  à  Renaix  parmi  les  tisserands  de  laine  et  7  °/0  à  St-Nicolas,  qui 
gagnent  3  fr.  50;  le  plus  grand  nombre  (67  °/0  à  St-Nicolas)  reste  à  moins 
•le  2  fr.  50.  La  tentation  est  grande  pour  l'ouvrier  belge  de  franchir  la 
frontière,  et  d'aller  gagner  en  France  des  salaires  que  le  Français 
estime  trop  faibles,  mais  qui  lui  paraissent,  à  lui  Belge,  largement  rému- 
nérateurs; et  cela  d'autant  que  la  journée  de  travail  est  moins  longue 
d'1/6  environ  en  France  qu'en  Belgique.  Tandis  qu'en  France  tous  les 
ateliers  mixtes  (c'est-à-dire  presque  tous  les  services  de  l'industrie  textile) 
ont  la  journée  de  10  heures,  celle  de  1 1  h.  1/2  est  la  règle  dans  la  plupart 
des  filatures,  et  dans  le  plus  grand  nombre  des  tissages  de  Belgique  ;  on 
voit  même  dans  l'industrie  des  corderies  à  la  main  (57  °/0  des  ouvrière 
travailler  12  heures  et  plus,  55  °/0  dans  les  blanchisseries,  42  °/0  dans  les 
filteries,  il  w/0  dans  les  filatures  de  chanvre,  36  %  dans  les  fabriques  de 
couvertures  de  coton.  A  tous  ces  hommes  la  région  lilloise  apparaît  comme 
le  pays  béni,  celui  où  l'on  travaille  moins,  et  où  l'on  gagne  gros  l. 

Aussi  est-ce  la  main-d'œuvre  belge  qui  depuis  l'essor  de  la  grande  indus- 
trie a  alimenté  les  usines  d'Armentières,  de  Roubaix,  de  Tourcoing,  môme 
de  Lille.  Le  flot  des  ouvriers  flamands  s'est  précipité  après  la  débâcle  de 
1840;  mais  il  avait  déjà  coulé  avant,  en  1831  ;  il  n'a  pas  tari  depuis.  Une 
bonne  partie  de  la  population,  dans  la  région  lilloise,  est  d'origine  belge: 
dans  la  commune  de  Lille,  on  évaluait  au  cours  du  lw  semestre  de  1904  à 
40.827  le  nombre  des  Belges,  la  plupart  ouvriers  d'usine,  habitant  dans  le 
quartier  de  Wazemmes  quelques  rues  et  ruelles  que  les  Français  appellent 
«  la  Petite  Belgique  »,  et  où  l'on  entend  couramment  parler  flamand  *-. 
Dans  l'arrondissement,  on  estimait  en  1901  à  162.723  le  nombre  des  étran- 
gers, contre  648.9%  Français  ;  c'est  exactement  le  quart  de  la  population 
française.  Roubaix  a  35.577  Belges  contre  88.788  Français  ;  Tourcoing, 
17.773  contre  61.470.  Hors  des  grandes  villes,  la  proportion  est  plus  forte 
encore  :  Lys-lcz-Lannoy  a  2.027  Belges,  4.198  Français;  Croix,  5.451  contre 
10.542;  La  Madeleine,  3.008  contre  9.351  ;  Roncq,  2.625  contre  4.053; 


'  Pour  les  salaires,  voir:  Variez,  Industrie  cotonnière,  I,  pp.  144-145;  —  Salaires  et 
durée  «lu  travail  en  France,  IV,  pp.  308-314  et  pp.  352-300;  —  De  Winne  (A.),  A  travers 
les  Flandres  (Gand,  Volksdrukkerij,  1W2,  in-8»,  VIII  +  130  p.)  ;  —  Merchior,  Mono- 
graphie, pp.  257-25U  ;  —  Houdoy,  Filature,  pp.  357-301  ;  —  Salaires  et  durée  du  travail 
dans  les  industries  textiles,  etc. 

*  Renseignements  du  Commissariat  central  de  police  «le  Lille. 


KLANURK  INTERIEURE  :  I/INIHSTRIE 


Watt  reins,  10. 482  contre  15.402.  Enfin  doux  communes  ont  plus  d'étran- 
gers que  do  nationaux:  Nouville-en-Ferrain,  a  ver  2.147  Rolges  et 
2.127  Français,  Halluin  où  1rs  Belges  sont  9.058,  1rs  Français  7.541 

Or  n'est  pas  tout:  rar  si  beaucoup  de  Belges  sont  venus  en  Franco 
rherrher  des  salaires  plus  élevés  que  rrux  dr  leur  pays,  et  grâce  à  leur 
« 'sprit  d'économie  réussissent  à  vivre  en  France  avec  leur  famille,  d'autres 
se  sont  avisés  que  le  mieux  serait  d'habiter  en  Belgique,  où  la  vie  est  a  bon 
marché,  tout  en  allant  gagner  gros  en  France.  Aussi  un  grand  nombre 
sont-ils  venus  habitera  proximité  de  la  frontière,  et  partent  tous  les  matins 
pour  l'usine  située  en  territoire  étranger.  Ploegsleert  déverse  ses  habitants 
sur  Annentières  et  Houplines,  Gnnines-Belgique  sur  (lomines-France, 
Worvieq  sur  Worvieq  -  Sud,  Menin  sur  Halluin,  Heckem,  Mouscron, 
Luingne,  Horseailx  sur  le  groupe  de  Roubaix-Tourcoing.  De  grosses  agglo- 
mérations si>  sont  ainsi  formées  tout  le  long  de  la  frontière,  tristes  lignes 
de  corons  rougeàtres,  recélant  d'innombrables  estaminets;  on  cherche  en 
vain  au-dessus  «les  maisons  basses  la  silhouette  familière  de  la  haut»* 
cheminée  d'usine;  les  fabriques  sont  groupées  à  quelque  distance,  sur 
territoire  français.  Ainsi  s'explique  la  croissance  de  ces  bourgades  fron- 
tières, pourtant  à  peu  près  dépourvues  d'industrie:  Mouscron  passant  do 
11.042  habitants  en  1880,  à  18.909  en  1900;  .Menin  de  11.749  â  18.611. 
Menin  vit  d'Halluin,  comme  Mouscron  vit  de  Roubaix-Tourcoing  ;  chaque 
jour  vers  G  heures  du  malin  leurs  rues  s'emplissent  de  la  foule  d'ouvriers 
en  sabots  qui  descendent  aux  usines  françaises:  «3.500  travailleurs  |>énèlrent 
ainsi  chaque  jour  à  Halluin,  autant  à  Tourcoing,  un  plus  grand  nombre 
encore  à  Roubaix  et  Wattrelos,  d'autres  à  Rousbecque,  Wervieq-Sud, 
(domines  et  dans  le  groupe  d'Armentières  :  en  tout  plus  de  15.000  par  jour. 
Mais  il  en  vient  de  bien  plus  loin  encore:  anciens  tisserands  restés  loca- 
taires d'un  lopin  de  terre,  ils  préfèrent  continuer  à  habiter  leur  village  où 
la  vie  est  bon  marché  et  où  leur  champ  les  aide  à  se  nourrir.  Ils  prennent 
donc  le  train  tous  les  matins,  grâce  aux  abonnements  ouvriers  à  prix 
réduits,  et  débarquent  aux  gares  frontières  de  Menin,  de  Comines,  de 
Worvieq,  d'Herseaux  ;  il  en  vient  ainsi  chaque  jour  de  Roulers,  do  Thou- 
rout  même  :  ceux-là  quittent  leur  maison  à  3  heures  du  matin,  et  ne  sont 
guère  rentrés  chez  eux  avant  10  heures  du  soir  ;  n'importe  :  le  dimanche 
ils  se  reposent  et  cultivent  leur  champ.  Dos  environs  d'Audonarde,  <lo 


1  Chiffres  communiqués  par  lu  Préfecture  du  Nord.  Ils  sont  d'ailleurs  probablement 
trop  peu  élevés.  \jt  mairie  de  Roubaix  évaluait  en  11)01  lo  chiffre  des  Relges  à  48.000 
sur  124.000  habitants.  Dans  toutes  ces  villes  industrielles,  un  tiers  environ  de  la  popu- 
lation fst  belge. 


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LA  PROTECTION  DOUANIÈRE 


•.Kl» 


Doynzo,  de  Tliourout  part  ainsi  chaque  matin  le  misérable  bétail  humain, 
parqué  dans  les  wagons  ouvriers  où  ces  hommes  dorment  entassés,  allant 
chercher  au  loin  le  salaire  qu'ils  ne  peuvent  trouver  rhez  eux  Il  en  est  qui 
demeurent  trop  loin  pour  aller  et  revenir  chaque  jour  :  ils  partent  donc  le 
lundi  matin  et  ne  rentrent  au  village  que  le  samedi  soir.  Ceux-ci  n'apportent 
pas  leur  nourriture  avec  eux,  tandis  que  les  autres,  surnommés  les  «.  Pots 
de  beurre  »,  ont  sur  le  dos  la  gamelle  qui  contient  le  pain,  la  graisse,  la  petite 
tranche  de  lard  qui  serviront  au  repas  de  midi,  pris  dans  un  estaminet  à 
proximité  de  l'usine.  Ainsi  ils  profitent  des  salaires  français,  et  de  la  vie 
belge  à  bon  marché. 

Ainsi  s'explique  la  présence  de  tant  de  grandes  villes  industrielles  à 
proximité  de  la  frontière,  le  plus  près  d'elle  possible.  I,es  agglomérations, 
à  la  lettre,  bordent  la  limite  :  Armentières  étend  ses  faubourgs  de  Nieppe  et 
d'Houplines,  en  croissant,  pour  serrer  de  plus  près  la  terre  belge  ;  Comines, 
Wervicq-Sud,  Bousbeeque,  se  tassent  tout  contre  le  territoire  étranger  ; 
Halluin  forme  un  triangle  dont  la  frontière  forme  la  base,  Tourcoing  et 
Roubaix  poussent  leurs  faubourgs  de  Risquons-Toul,  la  Marlière,  Mont-à- 
Ixmx,  Wattrelos,  vers  la  limite.  U-s  usines,  avec  leurs  toits  en  dents  de 
scie,  s'établissent  en  pleins  champs,  faisant  une  partie  du  chemin  à  la 
rencontre  de  cette  précieuse  main-d'œuvre,  de  ces  ouvriers  énergiques  et 
résignés,  que  la  misère  rend  faciles  à  contenter.  Ce  n'est  pas,  comme  on 
se  l'imagine  parfois,  que  les  ouvriers  belges  reçoivent  des  salaires  moins 
élevés  que  leurs  camarades  français.  Tous  les  ouvriers  de  la  même  spécia- 
lité gagnent  autant  les  uns  que  les  autres  ;  mais  il  est  vrai  que  les  Belges, 
plus  faciles  à  contenter,  acceptent  volontiers  les  besognes  pénibles  et 
moins  rétribuées,  et  quo  cet  afflux  d'hommes  habitués  à  gagner  peu 
contribue  a  entraver  la  montée  générale  des  salaires.  L'offre  de  bras  étant 
considérable,  la  main-d'œuvre  ne  peut  guère  augmenter  de  prix. 


La  protection  douanière. 

Ainsi  sa  situation  de  région-frontière,  enfoncée  comme  un  coin  en  terri- 
toire belge,  assure  au  groupe  lillois  une  main-d'œuvre  économique  et 


1  A  la  gare  d'Herseaux,  on  compte  que  450  A  500  ouvrier*  débarquent  tous  les  matins, 
venant  d'Avelghem,  St-Genois,  Bossuyt,  Dottignies,  Eapierres,  Gourtrai,  Aelbeke, 
Marcke,  Lauwe  ;  tf>0  arrivent  le  lundi  et  repartent  le  samedi,  venant  d'Audenarde, 
Harlebeke,  et  jusque  de  Deynze.  (Renseignements  du  chef  de  station).  A  Menin,  le 
nombre  des  abonnés  quotidiens  est  de  200  environ,  celui  des  hebdomadaires  .l'une 
cinquantaine. 


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',1X1 


FLANDRE  INTÉRIE1RE:  L  IND!  STRIE 


inépuisable.  C'est  là  une  cause  décisive  de  proscrite.  Mais  la  frontière  a 
un  autre  rôle.  Si  elle  s'ouvre  pour  les  hommes,  elle  se  ferme  devant  les 
choses,  et  protège  contre  la  concurrence  étrangère  les  produits  que 
fabrique  cette  main-d'œuvre  en  grande  partie  étrangère.  Pour  se  procurer 
des  ouvriers  à  bon  compte,  le  groupe  lillois  profite  de  sa  situation  et  consent 
à  être  à  moitié  belge  ;  mais  c'est  une  autre  affaire  quand  il  s'agit  de  vendre 
les  filés  et  les  toiles.  On  se  souvient  alors  qu'il  y  a  une  frontière  hérissée 
de  tarifs  qui  permet  aux  toiles  d'Armentières,  aux  filés  de  Tourcoing  et  de 
Lille,  de  se  réserver  le  marché  français  et  de  tenter  la  chance  à  l'étranger. 

Il  est  curieux  à  ce  titred'examiner  l'influence  qu'ontexercée  sur  l'industrie 
lilloise  les  transformations  du  régime  douanier.  Dès  1780,  les  députés  de 
la  Flandre  wallonne  et  de  la  Flandre  maritime  se  déclarent,  dans  leurs 
cahiers,  protectionnistes  ;  le  tiers  de  la  seconde  province  demande  instam- 
ment que  le  traité  de  commerce  avec  l'Angleterre  soit  annulé,  et  que  les 
toiles  étrangères  ne  puissent  être  introduites  en  France  qu'eu  payant  un 
droit  considérable     L'annexion  des  Pays-Bas  autrichiens,  en  ouvrant  le 
marché  français  aux  fabricants  belges  qui  produisent  à  bon  compte,  porte 
un  rude  coup  aux  industries  lilloises  ;  en  l'an  X,  les  manufacturiers  do  drap 
de  Lille  déclarent  à  Foureroy  «  que  leur  fabrique  a  beaucoup  |*»rdu, 
surtout  depuis  deux  ans,  par  le  défaut  de  consommation  attribué  à  la 
préférence  que  l'on  donne  aux  draps  de  Verviers  et  autres  fabricants  de  lu 
Belgique,  à  cause  du  bas  prix  qui  séduit  les  acheteurs  *  ».  Les  fluctuations 
de  la  population  «le  Houbaix  à  cette  époque  indiquent  bien  l'influence 
néfaste  de  cette  disparition  de  la  frontière:  de  12.1  NX)  habitants  au  moins 
en  1789,  Rou bai x  est  tombé  en  l'an  VIII  à  8. 302.  Il  est  vrai  que  cette  chute 
pourrait  être  attribuée  en  partie  aux  c  unpagnes  de  1793  et  1704  dans  le 
Nord  ;  mais  ensuite,  tandis  que  Gand  progresse,  Roubaix  reste  slationnnire, 
s'arrête  à  8.704  habitants  en  l'an  XI,  à  8.998  en  1800;  il  ne  retrouve  ses 
12.000  âmes  qu'en  1822,  et  atteint  enfin  18.000  habitants  en  1831  ;  un 
auteur  d'alors  constate  que  «  depuis  1814,  la  séparation  de  la  Belgique 
d'avec  la  France  y  a  amené  un  nombre  considérable  de  familles  >,  et 
qu'on  y  compte  4  à  5.000  ouvriers  étrangers  3.  Ainsi  la  réapparition  de 
l'ancienne  frontière  et  de  ses  prohibitions  a  ramené  dans  la  région  lilloise 
la  prospérité.  Aussi  le  pays  ne  veut-il  pas  entendre  parler  de  traités  de 


«  De  Coussemaker(E.).  Les  Cahiers  d' Etats-Généraux  on  178» (Ami.  Corn.  fl.  Fr..  Vit, 
pp.  182-318). 

*  Rapport  du  conseiller  d'Etat  Foureroy,  Arch.  Nat.  AF  IV,  1011». 

3  Dupont  (J.-R.),  Topographie  historique,  statistique  et  médicale  de  l'arrondissement 
de  Lille  (Paris,  Delaruo,  1833,  in-12,  3*T7  p.),  p.  235. 


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GROUPK  OK  IJI.I.E  :  LE  LIN 


401 


commerce  ;  et  lorsque  le  Second  Empire  pose  discrètement  la  question, 
Roubaix  déclare  repousser  en  masse  toute  espèce  de  tarifs,  et  ne  pouvoir 
accepter  pour  son  industrie  que  le  régime  de  la  prohibition  absolue,  sous 
peine  de  voir  ses  ouvriers  réduits  à  la  misère  et  à  la  mendicité  *.  Toutes 
les  Chambres  de  Commerce  protestent  pareillement,  et  ce  n'était  pas  sans 
raison,  car  la  période  inaugurée  par  les  traités  de  1860  marqua  d'abord 
un  léger  embarras  dans  la  croissance  de  l'industrie  lilloise.  Aussi  les 
industriels  ne  se  lassèrent  pas  de  réclamer  le  retour  au  protectionnisme,  en 
dépit  des  réserves  faites  par  les  Koubaisiens,  devenus  libre-échangistes 
depuis  qu'ils  avaient  créé  vers  l'Amérique  une  remarquable  exportation  ; 
et  les  tarifs  de  1892  vinrent  donner  à  la  région  un  essor  extraordinaire. 
Sous  reflet  de  ce  «  coup  de  fouet  protectionniste  »,  on  vit  accourir  les 
foules  belges,  les  usines  et  les  corons  sortir  de  terre. 


Lin,  Laine,  Coton,  Confection. 

Toutes  les  industries  textiles  sont  représentées  dans  la  région  lilloise. 
On  y  file  la  in  mie  ;  on  y  utilise  le  jute  et  le  chanvre.  Mais  les  trois  grands 
articles  sont  le  travail  du  lin,  ceux  de  la  laine  et  du  coton.  Le  domaine  du 
lin,  c'est  la  rive  droite  de  la  Lys,  d'Annentières  à  Halluin,  puis  Lille  et  sa 
banlieue  ;  la  laine  règne  à  Roubaix  et  a  Tourcoing  ;  le  coton  est  filé  surtout 
à  Lille;  mais  la  grande  ville,  en  vraie  capitale,  concentre  dans  ses  murs 
et  sa  banlieue,  sauf  la  laine,  la  plupart  des  autres  spécialités  industrielles 
de  la  région  5. 

Le  Lin.  —  Le  lin  employé  dans  les  filatures  de  la  région  lilloise  n'est 
plus  la  fibre  indigène.  On  a  vu  comment  la  culture  de  cette  plante  était  peu 
à  peu  disparue  du  sol  français,  où  cependant  il  serait  peut-être  plus  facile 
qu'on  ne  pense  de  la  ressusciter,  aujourd'hui  que  l'extension  de  la  culture 
en  lignes  contribue  à  tenir  le  sol  propre,  et  où  l'emploi  des  engrais  néces- 
saires à  la  croissance  du  lin  est  singulièrement  facilité  3.  Ce  sont  aujour- 
d'hui les  lins  russes  de  Riga  et  d'Arkhangel,  et  dans  une  faible  mesure  les 


1  Réponse  de  la  Chambre  do  Commerce  (1850),  dans  Merchicr,  Monographie,  p.  70. 

*  On  trouvera  les  chiffres  globaux  concernant  l'activité  industrielle  du  département 
du  Nord  (1901)  dans  les  Résultats  statistiques  du  Recensement  de  1901,  tome  I,  pp. 
576MM7. 

3  Renseignements  de  M.  A.  Potié,  Sénateur  du  Nord.  Le  véritable  obstacle  à  la  résur- 
rection de  la  culture  du  lin  serait  l'absence  dos  intermédiaires  d'autrefois,  les  marchands 
de  lin,  qui  faisaient  passer  la  plante  du  cultivateur  au  filateur  ou  au  teilleur. 


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402 


FLANDRE  INTÉRIEURE  :  L'INDUSTRIE 


lins  belges  do  la  Lys,  qui  alimentent  l'industrie  Presque  tout  ce  lin  étran- 
ger qui  pénètre  en  France  est  dirigé  sur  le  pays  de  Lille.  C'est  là  on  effet  que 
s'est  concentrée  l'industrie  linière,  surtout  celle  de  la  filature,  lorsque  le 
lin  se  vit  serré  de  près  par  le  coton,  il  se  réfugia  peu  à  peu  dans  la  région 
où  l'on  continuait  à  cultiver  quelques  milliers  d'hectares  de  la  plante,  où 
l'on  employait  des  procédés  de  rouissage  perfectionnés,  et  où  l'industrie 
Linière,  antique  spécialité,  possédait  déjà  un  personnel  exercé,  et  pouvait 
disposer  des  gros  capitaux  d'un  pays  riche.  Aussi  sur  485.572  broches  qui1 
comptait  la  filature  de  lin  en  France  (1890),  le  déparlement  du  Nord  en 
avait .  134.351 ,  et  l'arrondissement  de  Lille  à  lui  seul  424.181  *  ;  c'est  un 
véritable  monopolo.  Même  c'est  presque  uniquement  dans  la  ville  de  Lille 
et  sa  banlieue  immédiate,  à  Lomme,  à  I^a  Madeleine,  ou  dans  un  rayon  de 
quelques  kilomètres,  à  Seclin  et  Pérenchies,  que  sont  concentrées  les  fila- 
tures :  la  ville  compte  14  établissements,  les  faubourgs  dix,  la  ville  de  Seclin 
six  3.  Quelques  autres,  d'importance  moindre,  existent  à  Armentièros  et 
dans  sa  banlieue;  à  Halluin  et  Housbecque,  à  Quesnoy,  à  Lnnnoy,  à 
Linselles  *.  Ainsi  Garni  et  Lille,  les  deux  grandes  villes  manufacturières  de 
la  Flandre,  ont  fidèlement  conservé  la  vieille  industrie  du  pays,  signe  que 
l'industrie  flamande,  dans  son  essor  actuel,  tient  encore  de  près  au  passé. 
C'est  encore  à  Lille  et  dans  la  ville  de  Comines  qu'est  restée  établie 
depuis  des  siècles  la  fabrication  dos  fils  à  coudre  en  lin,  appelée  la  fillerie 
de  lin;  hors  des  lo'  établissements  qui  dans  ces  deux  entres  produisent 
par  an  20  à  25  millions  de  francs  de  (il  à  coudre,  il  n'y  a  pas  d'industrie 
filtière  en  France  «. 

Le  monopole  du  Nord  est  moins  caractérisé  en  matière  de  tissage, 
quoique  la  région  lilloise  comprenne  déjà  les  deux  tiers  «les  métiers 
mécaniques  existant  en  France.  Dans  cette  branche  de  la  fabrication, 
Lille  et  ses  faubourgs  comptent  encore  20  établissements,  mettant  en 
marche  3.7(J5  métiers,  dont  la  production  comprend  surtout  des  tissus 
métis,  contenant  deux  tiers  de  lin  contre  un  tiers  de  colon.  Mais  la  prépon- 


1  D'après  la  Chambre  île  Commerce  russe  île  Paris,  les  importations  <le  lin  eu 
France  (  IS!R»)  ont  atteint  74.SW6.700  kilos,  dont  70.41  «.670  kilos  de  lins  russes, 
'.i.'£i't~îAI  belles,  1.227.5Î0  d'autres  pays.  (Knquctes  industrielles  et  commerciales, 
fascicule  1.  l!«C>,  p.  S).  D'après  Merchier  (Mtmographie,  p.  154)  rimportatioii  de  1«»7 
porterait  sur  74.200.000  kilos  de  lins  russes,  et  10.500.000  kilos  de  lins  belges. 

*  Merchier.  Monographie,  p.  1*7. 

3  Chiffres  de  l!*)l. 

»  Im  filature  du  lin,  chanvre,  jute,  occupe  dans  le  département  du  Non!  (I0OI) 
24.'.W3  personnes  ( Herensemcnt,  p. 
'•>  M.-rchier,  Monographie,  p.  213. 


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GROUPE  DE  LILLE  :  LE  LIN 


'•(M 


franco  appartient  à  Armentières  et  à  ses  environs.  La  circonscription  de 
la  Chambre  de  Commerce,  qui  comprend  le  canton  d'Armentières, 
Bailleul,  et  les  villes  de  la  Haute-Lys,  comptait  en  1809  53  tissages  méca- 
niques où  battaient  8.550  métiers,  occupant  plus  de  12.000  ouvriers;  cela 
sans  compter  les  2.500  métiers  à  la  main,  dont  1.000  environ  à  Bailleul, 
qui  sont  actionnés  à  domicile  ou  dans  de  petits  ateliers  réunissant  au  plus 
10  métiers  *.  A  lui  seul,  le  canton  d'Armentières  comprenait  les  9/10  des 
métiers  mécaniques,  et  la  gare  d'Armentières  expédiait  en  1902  la  somme 
de  19.664.000  kilos  de  toiles  *  ;  or  les  envois  par  voitures  étant  évalués  à 
la  moitié  environ  des  exj>éditions  par  voie  ferrée,  c'est  à  bien  près  de 
30  millions  de  kilos  de  toiles  que  s'élevait  la  production.  Ainsi  c'est  à 
peu  près  uniquement  à  la  fabrication  de  la  toile  que  se  livre  cette  ville 
d'usines  créée  au  XIXe  siècle  autour  de  la  vieille  forteresse  de  la  Lys,  ainsi 
que  ses  faubourgs  d'Houplines,  de  Nieppe,  de  La  Chapelle.  Vers  l'Ouest, 
deux  tissages  sont  installés  à  Bailleul,  deux  à  Saillv-sur-Lys,  six  à  La 
(lorgne,  un  àMerville;  et  l'industrie  armentiéroise  pousse  ses  ramifications 
jusqu'à  Hazebrouck,  où  1.000  ouvriers  travaillent  dans  trois  usines  de 
toiles,  et  à  Richebourg-l'Avoué,  dans  la  région  toute  rurale  de  la  plaine 
de  la  Lys,  utilisant  à  l'exemple  des  industriels  gantois  la  main-d'œuvre  à 
bon  marché  des  paysans. 

Enfin  Halluin  est  le  troisième  centre  du  tissage, du  lin.  Ses  14  tissages 
mécaniques,  avec  2.500  métiers,  produisant  des  coutils,  du  linge  de  table, 
produits  métissés  où  le  coton  se  glisse  pour  un  quart,  écrasent  de  plus  en 
plus  les  11  établissements  de  travail  à  la  main,  qui  avec  leurs  700  métiers 
ne  fournissent  guère  qu'un  dixième  de  la  production  totale  3.  Halluin 
possède  encore  des  établissements  pour  les  dernières  opérations  que  subit 
la  toile  avant  d'être  livrée  au  consommateur;  des  blanchisseries  bordent 
la  Lys  jusqu'à  l'extrême  limite  de  la  frontière,  semblables  aux  grandes 
usines  établies  au  Sud  de  Lille,  à  Haubourdin  et  Don  4.  Au  total,  filature, 
tissage,  blanchiment  réunis,  c'est  un  peuple  de  .50.000  ouvriers  que  le  lin 


1  Merchier,  MonogTaphie,  pp.  200-201. 

*  Recueil  trimestriel  des  l'rocès-verbaux  des  séances  de  ln  Chambre  de  Commerce 
d'Armentières,  I"  fascicule  1003,  p.  81. 

•'»  Merchier,  Monographie,  p.  204.  Aux  centres  de  tissage  déjà  mentionnés,  ajouter 
Lannoy,  avec  sa  fabrication  de  toile  à  sacs,  Wervicq  avec  celle  des  lacets.  —  Le 
nombre  d'ouvriers  occupés  dans  le  Nord  (l!l01)  à  la  fabrication  des  toiles  s'élève  à 
31.321  (Recensement,  p.  fy.'7). 

*  Les  industries  de  teinture  et  apprêts  pour  l'ensemble  du  travail  des  textiles 
occupent  en  1001  dans  le  Nord  i:U»'d  personnes  (Recensement,  p.  .7.18). 


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40/, 


FLANDRE  INTÉRIEURE  :  L'INDUSTRIE 


occupe  encore,  tout  déchu  qu'on  le  proclame,  à  Lille  et  le  long  de  cette 
Lys  qui  est  bien  en  Flandre  comme  l'axe  géographique  de  la  région  linière. 

La  laine.  —  Il  semblerait  que  le  travail  de  la  laine  à  Roubaix,  comme 
celui  du  lin  à  Lille,  fût  une  survivance  directe  de  la  plus  ancienne  des 
industries  flamandes.  Or  la  fabrication  actuelle  est  d'origine  récente. 
Roubaix,  après  avoir  fait  à  Lille  pendant  des  siècles  une  concurrence 
heureuse  dans  la  confection  des  étoffes  de  laine,  abandonna  après  la 
Révolution  cette  industrie  pour  celle  du  coton.  O  changement  s'opéra  au 
milieu  des  troubles  politiques  et  des  guerres,  et  le  succès  de  l'opération 
montre  à  quel  point  était  déjà  développé  l'esprit  industrieux  et  actif  des 
Roubaisiens,  abandonnant  une  industrie  délaissée  par  la  mode  pour  en 
adopter  une  autre,  à  laquelle  souriait  la  fortune.  En  180  i,  Roubaix 
fabriquait  donc  le  nankin  avec  «  une  activité  toujours  croissante,  et  les 
coups  répétés  du  tisserand  qui  bat  sa  toile,  le  murmure  des  rouets,  des 
dévidoirs  et  de  la  navette,  donnaient  aux  voyageurs  qui  entraient  dans  la 
commune  l'idée  d'une  unique  et  immense  manufacture  »  1 .  Puis  la  frontière 
rétablie  à  ses  portes  la  protégeant  de  la  concurrence  de  Yerviers,  les 
lainages  reprenant  faveur,  Roubaix  à  partir  de  1830  revint  à  son  ancienne 
industrie  avec  la  même  aisance  qu'elle  avait  mise  à  la  quitter.  Dès  18i  i, 
il  n'y  a  plus  qu'une  dizaine  de  lilatures  de  coton  dans  la  ville,  contre  5"j 
en  1833  *.  Depuis,  Roubaix  est  restée  la  ville  de  la  laine. 

O  n'est  pas,  comme  pour  le  lin  à  Lille,  un  monopole,  et  le  groupe 
champenois,  le  Rerry,  le  Ras-Languedoc,  Fourmies,  soutiennent  la  lutte  ; 
mais  Roubaix,  Tourcoing  et  leur  banlieue  forment  le  centre  le  plus 
important  de  France,  et  l'un  des  plus  considérables  du  monde,  pour  le 
peignage,  la  filature  et  le  tissage  de  la  laine.  I>a  ville  de  Roubaix  et  ses 
faubourgs,  Wattrelos,  Ooix  possédaient,  au  début  de  1903,  8  peignages  de 
laine,  18  filatures  de  laine  peignée  avec  305.000  broches,  7  filatures  de 
laine  cardée  avec  86.8,'iO  broches,  l'J  retorderies  avec  50.000  broches; 
pour  le  tissage,  80  établissements  à  métiers  mécaniques,  et  38  maisons 
ayant  des  tissages  mécaniques  au  dehors  ou  faisant  tisser  à  la  main  ;  enfin 
il  teintureries  3.  Tourcoing  est  plutôt  la  ville  des  filatures,  tandis  que 
Roubaix  se  spécialise  dans  les  tissages;  enfin  elle  est  restée  le  siège  du 
grand  commerce  des  laines,  et  la  ville  comprend  beaucoup  d'entrepôts 
où  s'entassent  les  toisons  arrivées  d'Australie  et  d'Argentine. 


>  Dieudouné,  Statistique,  II,  p.  322. 
*  l.euridan,  Roubaix,  V,  pp.  142  et  161. 

a  Archives  de  la  Chambre  .le  Commerce  <le  Roubaix  (XXVIII,  1ÎKJ2),  p.  236. 


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GROUPE  DE  LILLE  :  LA  LAINE.  LE  COTON 


A  côté  do  cette  grande  industrie  lainière,  le  groupe  comprend  dos 
spécialités  ;  Roubaix  possède  huit  fabriques  de  bonneterie,  deux  de 
broderie,  dix  tissages  pour  tissus  d'ameublement  ;  Tourcoing  est  la 
capitale  de  cette  industrie,  ainsi  que  le  grand  centre  de  la  fabrication  des 
tapis.  C'est  surtout  dans  la  banlieue  que  sont  établies  ces  industries 
annexes:  Halluin  fabrique  des  tapis  du  genre  Tourcoing;  le  canton  de 
Lannoy  possède  22  établissements  de  courtepointes,  couvertures,  tapis, 
tissus  d'ameublement,  établis  non  seulement  au  chef-lieu  et  dans  son 
faubourg  de  Lys,  mais  dans  les  communes  rurales  de  Chéreng,  Fiers. 
Annappes,  Anstaing,  Ascq,  Leers,  Forest,  Tressin,  Willems,  avec  les 
teintureries,  les  blanchisseries,  les  tissages  de  toile  et  de  jute.  Aussi  cette 
région  frontière  qui  va  de  Haisieux  a  Halluin  est-elle  la  p  irlie  la  plus  peuplée 
du  pays  lillois  :  l'agriculture  n'y  est  plus  qu'une  occupation  accessoire  ;  la 
plupart  des  habitants  des  campagnes  travaillent  dans  les  fabriques  des 
villes,  à  moins  qu'ils  ne  se  consacrent  chez  eux  à  l'industrie  à  domicile 

Le  ooton.  —  Le  domaine  du  coton  est  moins  nettement  délimité  que 
celui  de  la  laine  et  du  lin  ;  c'est  que  cet  envahissant  textile  s'impose  de 
plus  en  plus  à  ses  concurrents,  et  que  les  centres  qui  tissent  le  lin  et  la  laine 
ont  besoin  de  fils  de  coton  qu'ils  incorporent  à  leurs  tissus.  C'est  ainsi  que 
Roubaix  possédait  en  1 903  li  filatures  de  coton  avec  365.604  broches,  et 
Tourcoing  une  quantité  à  peu  près  équivalente  ;  qu'Armentières  en  mettait 
en  marche  53.800  dans  quelques  établissements.  Cependant  c'est  surtout  à 
Lille  qu'est  concentrée  l'industrie  eotonnière,  sous  forme  de  filatures,  le 
tissage  étant  peu  pratiqué  dans  le  Nord,  où  on  ne  comptait  à  la  fin  de  11)02 
que  2.951  métiers  mécaniques,  avec  1.200  ouvriers,  sur  les  102.000  métiers 
français  ;  mais  il  ne  faut  pas  oublier  que  le  coton  se  tisse  en  métis, 
mélangé  au  lin  et  à  la  laine,  dans  les  usines  d'Armentières  et  de  Roubaix. 
La  croissance  a  été  rapide  :  en  18  i0,  l'arrondissement  de  Lille  possédait 
552.157  broches;  en  1902,  la  quantité  s'élève  a  2.180.720  broches  à  filer 
dont  1.200.000  pour  Lille  et  sa  banlieue  »,  et  à  5  à  600.000  broches  à 
retordre,  dont  372.000  pour  Lille  ;  15.000  personnes  y  sont  occupées.  Là 
encore,  la  région  lilloise  vient  en  tète  des  pays  français  qui  pratiquent 
cette  industrie,  Normandie,  Lorraine,  et  fabrique  les  3/5  des  filés  produits 
par  toute  la  France.  Il  y  a  la  des  établissements  formidables,  comme  cette 
Cotonnière  d'IIellemmes,  qui  possède  180.000  broches  ;  et  celte  branche  du 


1  Le  travail  d»>  la  laine  occupe  en  11)01  dans  le  Nord  82.605  personnes  (Recensement, 
p.  508). 

*  Houdoy,  Filature,  pp.  (30  et  17U. 


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iOO 


FLANDRE  INTÉRIEURE  :  L'INDUSTRIE 


travail  lillois  est  uni'  des  plus  vivantes,  une  de  celles  où  l'accroissement 
a  été  lo  plus  soutenu,  le  plus  régulier  *. 

La  confection.  —  A  fabriquer  tant  de  tissus,  draperies,  lainages, 
cotonnades  et  métis,  il  était  naturel  que  naquit  l'idée  de  les  transformer 
sur  place  en  vêtements.  L'industrie  de  la  confection  trouvait  à  Lille  la 
matière  première,  si  l'on  peut  dire,  sur  place  ;  elle  profitait,  comme  les 
autres,  de  l'abondante  main-d'œuvre  dji  pays.  Restée  jusqu'à  ce  jour 
tributaire  du  travail  à  domicile,  elle  était  adaptée  d'avance  aux  habitudes 
d'une  population  dans  laquelle  la  disparition  du  tissage  à  la  main  avait 
laissé  un  malaise.  La  confection  s'est  donc  établie  dans  tous  les  villages 
que  la  grande  industrie  n'a  pas  occupés  encore;  aussi  son  domaine  s'est  il 
étendu  surtout  au  Sud  de  Lille;  dans  toute  la  Pévéle,  les  pays  crayeux  île 
Seclin  et  Carvin,  jusqu'à  fourrières  et  Lens,  la  machine  à  coudre  est 
devenue  le  meuble  indispensable  de  chaque  habitation  rurale  ;  elle 
remplace  le  carreau  des  dentellières  de  1780.  (l'est  de  Lille  que  partent 
les  ordres,  que  viennent  les  étoffes,  c'est  là  que  retournent  les  produits  du 
travail  à  domicile.  De  grands  ateliers  se  sont  fondés  dans  la  ville;  les 
plus  vastes  maisons  de  confection  de  Paris  y  établissent  leurs  fabriques. 
Peu  à  peu  cette  industrie  nouvelle  tend  à  se  concentrer  en  quelques 
grandes  entreprises,  où  la  mécanique  fait  son  apparition.  L'essor  consi- 
dérable de  la  confection  lilloise  depuis  quelques  années  en  fait  déjà  une 
des  branches  les  plus  importantes  de  l'activité  industrielle  dans  la  ville  et 
dans  sa  grande  banlieue  du  Sud  ;  c'est  à  00  millions  de  francs  qu'on  évalue 
(1905)  son  chiffre  d'affaires  ;  à  l  i  millions  le  total  des  salaires  qu'elle 
verse  aux  23.000  personnes  qu'elle  emploie. 

('/est  à  coup  sûr  un  formidable  organisme  que  ce  groupe  industriel  de 
l'arrondissement  de  Lille,  où  plus  de  150.000  ouvriers  se  pressent  dans 
les  usines,  constituant  une  agglomération  que  la  France  oppose  avec  fierté 
aux  grandes  régions  manufacturières  de  Grande-Bretagne  et  d'Allemagne. 
Nulle  part  en  France  on  ne  manifeste  autant  d'activité,  on  ne  fait  preuve 
de  plus  de  sens  pratique.  Pourtant  toutes  ces  grandes  industries  ne  sont 
pas  également  souples,  également  armées  pour  la  concurrence  interna- 
tionale. Menacés  par  les  filés  et  les  toiles  d'Angleterre  et  de  Belgique,  les 
tisseurs  et  les  filateurs  de  lin  sont  résolument  protectionnistes,  et  ce  sont 


1  l„»  filature  et  le  lissage  du  coton  oee.iipent  en  1WI  20.3M  personnes  .lans  le  Nord 
(Recensement,  p. 


LE  GROUPE  DE  LILLE  407 

les  industriels  liniers  qui  ont  ou  la  plus  grande  part  à  l'élaboration  dos 
tarifs  protecteurs  de  1892.  O  n'est  guère  que  pour  se  débarrasser  de  ses 
stocks,  et  souvent  à  perte,  que  la  filature  exporte,  en  Belgique  et  en 
Angleterre  ;  et  si  le  tissage  réussit  à  écouler  normalement  dans  ces  pays 
des  toiles  spéciales  en  grosses  étoupes  pour  bâches  et  sacs,  c'est  surtout 
sur  le  marché  français  (France  et  Colonies),  réservé  par  les  tarifs,  que 
s'enlève  leur  production.  I)éjà  la  filature  de  coton,  grâce  à  une  spéciali- 
sation plus  avancée  de  quelques  grandes  usines ,  réussit  mieux  dans 
l'exportation  que  l'industrie  linière  ;  enfin  la  laine  s'est  créé  hors  de 
France  une  clientèle  si  considérable,  que  la  plupart  des  industriels  de 
Roubaix-Tourcoing  ne  craignent  pas,  désirent  même  le  libre-échange. 
Seule  la  filature  de  laine,  moins  spécialisée,  exploitée  à  peu  près  unique- 
ment par  dos  façonniers  qui  travaillent  pour  les  tissages,  tient  a  voir 
fermer  la  frontière  aux  filés  allemands.  Au  contraire  le  peignage,  centra- 
lisé par  de  grandes  maisons  dont  chacune  se  spécialise  dans  la  produc- 
tion d'un  très  petit  nombre  de  peignés,  l'emporte  si  bien  sur  les  produits 
étrangers  que  l'Allemagne  est  devenue,  après  la  France,  son  meilleur 
client;  de  même,  le  tissage  alimente,  outre  le  marché  national,  l'Orient 
((frère  et  Turquie),  l'Italie,  la  Belgique,  l'Amérique  du  Sud,  et  surtout 
l'Angleterre,  qui  lui  achète  par  an  pour  80  millions  de  francs  de  drap, 
et  lui  permet  ainsi  de  supporter  les  effets  du  terrible  coup  que  lui  a  porté 
l'adoption  par  les  Etats-Unis  du  bill  Mac-Kinley.  Ainsi  quelques  industries 
du  groupe  de  Lille  se  révèlent  singulièrement  vivaees  et  actives,  mais  la 
plupart  ont  besoin  d'être  aidées  dans  la  lutte  contre  l'étranger;  une  partie 
de  la  prospérité  actuelle  est  à  la  merci  des  tarifs  protecteurs  ;  que  les  droits 
de  W.Y>  soient  abaissés,  et  certaines  industries  connaîtront  des  heures  plus 
difficiles.  Déjà  quelques  branches  de  production  donnent  des  signes  de 
malaise  ;  le  travail  du  lin  a  souffert  particulièrement  de  la  crise  de  surpro- 
duction qui  s'est  déclarée  de  1!H)1  à  H)0r>  dans  toute  l'Europe  :  à  Armen- 
tières,  il  a  fallu  diriger  sur  le  bassin  houiller  un  certain  nombre  de  travail- 
leurs inoccupés,  que  les  trains  emmènent  chaque  jour  aux  mines  de  Lens, 
où  ils  s'emploient  tout  en  continuant  à  habiter  leur  ville.  Les  ouvriers, 
mieux  organisés,  réclament  des  salaires  plus  élevés,  et  certains  patrons 
trouvent  avantage  à  établir  des  usines  en  territoire  belge  :  une  maison 
d'Halluin  possède  un  tissage  a  Moen,  Koubaix  essaime  à  Mouscron  ;  la 
main-d'œuvre  belge  leur  permet  d'y  fabriquer  à  si  bas  prix  que  leurs 
produits  peuvent  affronter  les  droits  de  douane  qui  les  isolent  du  marché 
français  *. 

1  I,a  chose  n'est  p«s  nouvelle;  en  1702,  Roubaix,  d'après  les  Lillois,  était  allé  établir 
des  métiers  à  Mouscrou,  Herseaux  et  Luingne  (Uuri.lan,  Roubaix,  Y.  p.  8*1). 


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FLANDRE  INTÉRIEURE  :  L'INDUSTRIE 


Ces  réserves  faites,  il  n'en  reste  pas  moins  que  l'industrie  flamande  tout 
entière,  au  milieu  de  la  lutte  économique  moderne,  fait  preuve  d'une 
remarquable  vitalité,  ("est  un  spectacle  imposant  que  la  continuité  du 
labeur  industriel  dans  cette  province,  qui  depuis  dix  siècles  se  maintient 
au  rang  des  premières  régions  manufacturières  de  l'Europe,  tout  on  restant 
un  des  plus  riches  jvays  agricoles.  C'est  que  ces  deux  branches  du  travail 
humain  lui  sont  également  nécessaires  ;  l'industrie  n'est  pas  un  luxe  en 
Flandre,  elle  en  est  la  moitié  de  la  vie  ;  et  ainsi  se  vérifie  ce  mot  de 
Michelet,  que  «  l'industrie,  ayant  fait  ce  pays  de  rien,  méritait  bien  d'en 
ôtre  souveraine  » 


i  Micholet,  Hist.  de  France,  éd.  1841,  V,  p.  321. 


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CHAPITRE  XV. 
FLANDRE  INTÉRIEURE.  —  LE  MILIEU  HUMAIN. 


I.  La  Vte  et  les  Mœurs.  —  II.  L'habitation  rurale.  L'Hofstede.  I.a  Onso.  Los  maté- 
riaux. —  III.  Dispersion  drs  habitations.  Dans  l'Ouest  :  les  maisons  isolées.  Dans 
l'Est  :  Iob  maisons  groupées  on  rues.  —  IV.  Les  villes.  Les  villos  avant  le  XIX"  siècle. 
Los  villes  au  XIXe  siècle  :  influence  de  l'industrie.  Vieilles  villes  et  villes  neuves. 
Le  groupe  de  Lille. 

I. 

LA  VIE  ET  LES  MŒURS. 

Beaucoup  de  travail  et  |>eu  de  profit:  toile  pourrait  être  la  devise  de  la 
Flandre  intérieure.  Le  Flamand  ;i  beau  pratiquer  l'agriculture  la  plus 
savante  du  monde,  se  livrer  à  l'industrie:  c'est  tout  juste  s'il  peut  vivre. 
On  a  vu  les  salaires  agricoles  de  la  Flandre  belge;  ceux  de  l'industrie  ne 
valent  guère  mieux  -,  comment  nourrir,  avec  une  paie  qui  va  de  1  à  3  francs 
par  jour,  l'une  de  ces  familles  de  6  à  8  enfants  que  l'on  rencontre  si 
fréquemment  dans  le  pays  ?  C'est  à  peine  de  quoi  ne  pas  mourir  de  faim 

La  Flandre  intérieure  est  donc  une  des  régions  de  l'Europe  occidentale 
où  le  train  de  vie  des  habitants  est  le  plus  modeste.  Le  journalier  agricole, 
le  tisserand  de  Zele,  le  petit  fermier  même  de  la  Flandre  Orientale  sont 
loin  de  connaître  l'aisance  du  paysan  normand  ou  hollandais,  onde  l'agri- 
culteur de  la  Plaine  maritime.  Tandis  que  la  caisse  d'épargne  de  F  urnes 
est  à  la  tète  d'une  somme  de  287  francs  par  habitant,  celle  d'Anseghem  n'a 
que  21  francs,  celle  de  Gavere  16,  celle  d'Oosterzeele  H,  et  celle  de 
Burst  13*.  Aussi  la  nourriture  en  souffre.  La  description  faite  de  l'alimen- 


*  A  Pitthem,  l'ouvrier  agricole  nourri  à  la  ferme  rapporte,  pour  tout  salaire,  0  fr.  CM 
chez  lui.  A  Steenbecque,  ou  cite  un  chef  de  famille  qui  doit  faire  vivre  ses  dix  enfants 
avec  1  fr.  25  par  jour.  A  St-Floris  on  a  dressé  le  budget  d'un  ouvrier  agricole  (  Pas-de- 
Calais  au  XIX"  siècle,  IV,  p.  .T>7)  :  veuf  avec  cinq  jeunes  enfants,  il  gagne  H  fr.  10  par 
semaine,  en  dépense  <i  fr.  (.Ç>:  d'où  un  excédent  annuel  de  recettes  de  TjO  fr.  80,  avec 
lequel  il  doit  acheter  T>4  francs  de  chaussures,  puis  du  linge,  des  vêtements,  de  la 
literie,  etc. 

1  Hurny  et  Hamande,  Les  Caisses  d'Epargne,  carte  planche  H. 


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410 


FLANDRE  INTÉRIEl'RE.  -  LE  MILIEU  HUMAIN 


talion  des  ouvriers  par  l'Enquête  «le  1846  accuse  une  nourriture  presque 
exclusivement  végétale,  pain  de  seigle,  pommes  de  terre,  légumes  ;  la 

Chambre  de  Commerce  de  Courtrai  avoue  que  la  plupart  des  ouvriers, 

faute  d'un  salaire  suffisant,  ne  peuvent  se  procurer  même  du  lait  battu  *. 
Ducpétiaux  en  1805  ne  découvre  du  lard  que  dans  le  menu  des  «gens 
aisés  »  de  l'arrondissement  de  Gâud  *.  H  y  a,  5  coup  sûr,  amélioration 
depuis  cotte  date,  dépendant  la  chère  de  l'ouvrier  flamand  est  encore 
maigre.  Pain  de  froment  (le  seigle  n'est  plus  que  l'exception),  pommes  <le 
terre  et  lait  battu,  forment  le  fonds  de  tous  les  repas.  En  général,  les 
tartines  au  saindoux  se  mangent  cinq  fois  par  jour,  le  potage  au  lait  battu, 
trois  OU  quatre  fois;  les  pommes  do  terre,  deux  ou  trois.  Le  matin  vers 
5  heures,  les  tartines  s'accompagnent,  dans  la  partie  belge,  du  breuvage 
appelé  café,  et  qui  n'est  qu'une  décoction,  très  étendue  d'eau,  de  chicorée; 
dans  la  partie  française,  d'une  boisson  faite  d'une  infusion  de  tilleul  et  de 
réglisse,  baptisée  «  le  thé  ».  La  bière,  inconnue  dans  les  ménages  ouvriers 
où  l'eau  seule  est  employée,  n'est  même  pas  en  usage  dans  la  moitié  îles 
fermes,  pour  l'alimentation  «lu  personnel.  Quant  à  la  viande,  on  ne  la 
trouve  consommée  régulièrement  que  dans  les  régions  favorisées.  La  partie 
française  comprend  bien  peu  de  communes  OÙ  les  ouvriers  agricoles  ne 
mangent  pas,  au  repas  «le  midi,  un  p«ni  d«'  lard,  «'t  une  tranche  «le  bœuf  le 
dimanche  ;  dans  la  plaine  de  la  Lys,  le  lard  apparaît  presque  à  tous  les 
repas.  Passé  la  frontière,  il  en  est  «le  même  dans  beaucoup  de  communes 
du  pays  d'Ypros,  a  Poperinghe,  a  Messines  ;  mais  à  l'Est,  la  consommation 
du  lard  diminue;  autour  de  Roulers  on  n'en  voit  plus  apparaître  à  table 
que  «I«mix  ou  trois  fois  la  semaine;  plus  loin,  il  y  a  bien  des  villages  où 
l'ouvrier  n'en  mange  qu'aux  jours  «le  fêtes. 

La  rare  d'hommes  qui  peine  si  fort  sur  le  travail  et  cependant  se  nourrit 
si  mal  porte  la  trace  di^s  fatigues  qu'elle  s'impose  et  «les  privations  qu'elle 
subit.  Tandis  que  l'homme  de  la  classe  moyenne  est  généralement  grand  et 
large,  le  visage  coloré,  grand  mangeur  et  grand  buveur,  l'ouvrier  agricole 
ou  industriel  a  triste  mine,  maigre,  souvent  voûté;  la  croissance  des 
«Mitants  »\st  lente,  leur  développement  paraît  fréquemment  incomplet.  La 
légende  du  Flamand  grand,  gros  et  fort,  s'est  créée  à  propos  de  l'homme 
«h*  la  Plaine  maritime,  qui  mérite  ces  épithètes;  cVst  parmi  eux  que  Ton 
trouve  ces  exemples  «le  robustesse  restés  fameux  au  moyen-Age  :  le  comte 
Charles  le  Hou  haut  «le  neuf  pieds  ;  Baudouin  à  la  Hache,  bâti  en  colosse, 


i  Enquête,  IL  p.  2i«  ;  II L  pp.  304-305. 

*  Ducpéltatix  (R.ï,  Budgets  économiques  <K's  classes  ouvrières  en  Belgique  (Bull. 
<:.  G.  si.,  VI,  1835,  pp.  29&-2JJ6). 


LA  VIE  ET  LES  MŒURS 


itl 


qui  d'un  soûl  bras  et  sans  fatigue,  pond  dix  chevaliers  pillards  aux  pou  Ires 
de  sa  salle  d'armes,  dans  le  château  de  Wynendaele.  Moins  robuste,  le 
Flamand  de  l'intérieur  remplace  souvent  la  force  par  la  ruse,  la  vigueur 
par  la  brutalité. 

Les  étrangers  ont  fait  au  Flamand,  pour  le  caractère,  une  réputation 
détestable.  «  Ivrognes,  paresseux,  fanatiques,  hypocrites  et  dissolus,  bas 
et  rampants  »,  les  juge  un  lieutenant  de  gendarmerie  d'IIazchrouck  dans 
un  rapporta  Fourcroy  lueurs  frères  de  la  Plaine  maritime  les  tiennent 
pour  arriérés,  inintelligents,  et  ridiculement  avares.  Des  écrivains  flamands 
eux-mêmes  les  jugent  méliants,  superstitieux,  brutaux,  vindicatifs  *.  Il  est 
certain  que  l'homme  de  l'intérieur  est  moins  fier,  plus  soumis  et  aussi  plus 
sournois  que  celui  des  Polders;  ces  différences  sont  signalées  parfois  dans 
la  même  commune,  dont  le  territoire  appartient  moitié  au  pays  bas  et 
moitié  au  Houtland.  Il  est  infiniment  probable  que  c'est  à  la  différence 
d'aisance  que  sont  dues  ces  nuances  de  caractère;  l'homme  des  Polders 
est  plus  indépendant  parce  qu'il  est  moins  pauvre.  C'est  à  la  même  cause 
qu'est  dù  probablement  le  retard  où  se  trouve  encore  pour  l'instruction  la 
Flandre  intérieure,  par  rapport  aux  autres  parties  de  l'Europe  occidentale. 
Il  faut  mettre  à  p  irt  la  région  française,  où  l'application  des  lois  sur 
l'enseignement  obligatoire  a  fait  sentir  ses  effets  comme  dans  toute  la 
France;  peut-être  les  instituteurs  trouvent-ils  leurs  élèves  un  peu 
indifférents  à  l'instruction  ;  en  revanche,  ils  les  estiment  dociles  et  soumis. 
Kn  Belgique,  où  l'obligation  n'existe  pas,  les  résultats  sont  moins  beaux. 
En  1881,  la  Flandre  Orientale  était  la  province  la  plus  illettrée  de  Belgique, 
les  trois  arrondissements  les  plus  retardataires  de  tout  le  pays  étant  ceux 
d'Eeeloo,  Termonde  et  Alost,  tandis  que  l'arrondissement  de  Fumes,  en 
majeure  partie  composé  de  terres  basses,  et  celui  d'Vpres,  moins  pauvre 
que  ses  voisins  de  l'Est,  étaient  les  plus  instruits  des  deux  Flandres  ■.  En 
1900,  la  Flandre  Occidentale  contient  .'KM .700  personnes  Agées  de  plus  de 
15  ans  sachant  lire  et  écrire,  et  l.'iX.TJM)  illettrées:  c'est  une  proportion  de 
plus  d'un  tiers.  A  Bruges,  il  y  a  9.X21  illettrés  de  plus  de  L")  ans,  contre 
20.137  sachant  lire  et  écrire;  on  trouvait  même  près  d'un  tiers  d'illettrés 
parmi  les  enfants  de  10  ans:  250  sur  un  total  de  012.  A  Menin,  les  illettrés 
de  plus  de  15  ans  font  presque  la  moitié  des  personnes  sachant  lire  et 


>  Arch.  Nat.  A  F  IV,  1019. 

*  Huvttens,  Etude  sur  les  mœurs,  les  superstitions  et  le  langage  de  nos  ancêtres  les 
Ménapiens  (Garni,  1861,  in-12),  pp.  220-221. 

3  Sauveur  (J.),  Statistique  générale  de  l'Instruction  publique  en  Belgique,  dressée 
d'après  les  documents  officiels  (Hull.  G.  G.  St.,  XIV,  18SI,  pp.  i-8T»4). 


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412  FLANDRE  INTÉRIEURE.  -  LE  MILIEU  HUMAIN 


écrire:  3.976  contre  8.215  ».  C'est  bien  pis  en  Flandre  Orientale,  où  Ton 
peut  mettre  en  regard  des  407.250  personnes  de  plus  de  15  ans  sachant  lire 
et  écrire  le  total  de  185.721  illettrés  de  même  âge:  soit  1  illettré  pour 
21/2  personnes  sachant  lire  et  écrire.  Dans  l'arrondissement  pauvre 
d'Eecloo,  la  proportion  n'est  même  plus  de  1  à  2  :  15.033  illettrés  rentre 
20.662.  Dans  la  plupart  des  villes,  Alost,  Renaix,  Eecloo,  Lokeren, 
St-Nicolas,  on  n'arrive  pas  à  la  proportion  de  1  à  3:  à  Tamise,  on  n'a 
même  p;is  1  à  2:  2.823  illettrés  pour  5.135;  à  Grammont,  on  compte 
3.0  i  i  illettrés  et  1.701  sachant  lire  et  écrire  ;  enfin  à  Hamme,  3.853  illettrés 
contre  5.106  ;  dans  cette  commune,  en  défalquant  les  enfants  au-dessous 
de  six  ans,  on  trouve  à  peu  près  autant  d'illettrés  que  d'individus  sachant 
lire  et  écrire1. 

C'est  encore  à  la  misère  qu'il  faut  attribuer  vraisemblablement  l'ivro- 
gnerie, et  à  la  suite  la  brutalité  du  Flamand.  L'ouvrier  qui  a  peiné  toute  la 
semaine  et  n'a  bu  que  de  l'eau,  profile  du  dimanche  pour  absorber  de  la 
bière;  il  se  venge  alors  de  son  abstinence;  un  «  homme  »  doit  pouvoir 
avaler  dans  sa  journée  40  chopes.  Chaque  dimanche  soir,  à  la  suite  de  ces 
scènes  d'ivrognerie,  des  bagarres  éclatent,  les  couteaux  sortent  des  poches. 
«  Rixantur  nonnunquam  inter  poeula,  dit  Meyer,  ac  eaodes  invicem 
faciunt  »  3.  Le  spectacle  n'a  guère  changé.  A  Cortemarck,  du  1"  janvier 
au  !«*  juillet  100  i,  on  comptait  déjà  3  meurtres,  plusieurs  attentats,  et 
00  procès-verbaux  avaient  été  dressés.  A  Isa  Clinge,  de  1897  à  1004,  pour 
une  population  de  2.400  habitants,  on  comptait  396  condamnations,  pour 
coups,  blessures,  vols  et  contrebande.  C'est  surtout  au  retour  des  ouvriers 
qui  sont  allés  travailler  l'été  en  France  que  se  produisent  les  rixes  et  les 
méfaits  ;  c'est  la  détente  après  plusieurs  mois  de  privations  et  de  labeurs 
écrasants.  Il  y  a  progrès  d'ailleurs;  la  disproportion  entre  la  criminalité 
de  la  Flandre  et  celle  des  pays  voisins  s'atténue.  Au  début  du  siècle,  de 
1826  à  1833,  sur  77  condamnations  capitales  prononcées  en  Belgique,  on 
en  comptait  35  pour  la  Flandre  Orientale, et  10  pour  la  Flandre  Occidentale, 


1  Au  roui  rai  rt'  l'arrondissement  de  Fûmes  donnait,  contre  20.215  personnes  «te  plus 
île  15  ans  sachant  lire  et  écrire.  3.527  illettrés  seulement,  dont  2.006  ayant  plus  do 

55  ans. 

!  Recensement  de  la  population,  du  31  décembre  1000.  t.  II.  Des  considérations  sur 
l'état  d'ignorance  des  provinces  flamandes  de  la  Belgique  sont  développées  dans  le 
chapitre  «  I  j\  carte  de  l'ignorance  en  Belgique  ».  pp.  137-1 4'.»  et  dans  le-»  chapitres 
suivants  du  livre  de  Huysmans  ((',.),  de  Brouckère  (i..)  et  Bertrand  (L.)  :  75  années  de 
domination  bourgeoise  ((iand,  Volksdrukkerij,  1005,  in-K<\  327  p.). 

3  Meyer,  Reruin  Flandriae,  t.  X,  pp.  77-78). 


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LA  VIE  ET  LES  MŒURS 


413 


soit  plus  de  la  moitié  [>our  elles  doux  Dans  le  tableau  indiquant  le 
nombre  d'individus  condamnes  par  les  tribunaux  correctionnels  à  plus  d'un 
an  d'emprisonnement  (18'^(>- 18*30,  six  des  sept  arrondissements  judiciaires 
flamands  venaient  en  tète,  celui  d'Audenirde  avec  101  condamnés  (TCA 
pour  toute  la  Belgique),  celui  de  Garni  avec  0.'i  ;  le  premier  comptait 
1  condamné  sur  1.700  habitants,  le  second  1  sur  3.  iOO  *.  On  voyait  des 
villages  entiers  se  ruer  sur  la  commune  voisine,  le  dimanche,  Vinderhanle 
sur  Tronchiennes,  Poeselesur  Vosselaere,  Millam  surPitgam.  Aujourd'hui 
encore,  si  les  arrondissements  llamands  sont  assez  loin  en  arrière  des 
antres  jM»ur  les  articles  «  Rébellion  »  et  «  Outrages  a  un  agent  de 
l'autorité  »,  ils  viennent  en  tète  de  toute  la  IJelgique  pour  les  rubriques 
«  Coups  et  blessures  simples»,  où  Termonde  dépasse  largement  Bruxelles  ; 
pour  «  Ivresse  publique  »,  où  Bruges,  Garni,  Termonde,  Courtrai,  ne  sont 
dépassés  que  par  la  capitale  ;  pour  «  Destruction  «le  clôtures  »,  «  Viols  »  et 
«  Attentats  à  la  pudeur  ».  D'ailleurs  dans  la  proportion  de  condamnés  par 
10.000  habitants,  l'arrondissement  de  Bruges  égale  sensiblement  celui 
de  Çharleroi  ;  ceux  de  Courtrai  et  de  Gand  dépassent  Bruxelles  et 
Anvers  3. 

Cette  rudesse  de  mœurs,  ce  retard  intellectuel,  tiennent  cependant  aussi 
à  une  autre  cause  qu'à  la  pauvreté.  La  Flandre  est  comme  isolée,  dans 
l'Europe  occidentale,  par  la  langue  qu'elle  emploie.  L'usage  d'un  dialecte 
que  les  Flamands  eux-mêmes  considéraient  naguère  comme  inférieur  les 
a  empêchés  de  suivre  d'un  pas  aussi  rapide  que  leurs  voisins  les  progrès 
intellectuels  accomplis  au  XIXe  siècle.  De  là  leur  défiance  contre  l'étranger, 
accrue  aussi  par  le  souvenir  des  maux  que  leur  ont  apportés  les  invasions. 
De  là  aussi  cette  fidélité  à  la  religion  qui  est  un  des  traits  les  plus  caracté- 
ristiques de  la  mentalité  flamande,  et  sur  laquelle  ne  tarissent  pas  les 
administrateurs  étrangers,  intendants,  gouverneurs  et  préfets.  Ainsi  s'est 
formé  ce  caractère  fermé,  à  la  fois  soumis  et  brutal,  d'hommes  pacifiques, 
obstinés  et  rudes,  dont  on  a  pu  dire  sagement  qu'ils  étaient  laborieux,  mais 
pas  actifs,  qu'ils  avaient  les  mœurs  douces  et  les  manières  rudes  4. 


*  Ducpétiaux  (K.),  Statistique  des  tribunaux  et  des  prisons  de  la  Belgique  (Mess.  Se. 
Hist.,  II,  pp.  Htf-188),  P-  188. 

1  Ibid.,  p.  181.  —  L'arrondissement  poldérien  de  Fumes  était  au  contraire  le  dernier 
de  la  Belgique,  avec  un  condamné  seulement,  sur  fltJ.000  habitants. 

3  Voir:  Ministère  de  la  Justice.  Statistique  judiciaire  de  la  Belgique  (ÎSHM).  Vannée 
(Bruxelles,  Uircier,  liX»,  in-4%  LXVIf  +  Xi)  p.). 

*  Dérivai,  Le  Voyageur  dans  les  Pays-Bas,  IV,  pp.  248  et  Zr%, 


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'•H  FLANDRE  INTÉRIEURE.  -  LE  MILIEU  HUMAIN 

II. 

L'HABITATION  RURALE. 

Le  genre  di'  vie  du  Flamand  n'atténue  pas  ce  qu'il  y  a,  dans  son  carac- 
tère, de  fermé,  d'hostile  à  l'étranger.  L'habitant  do  la  Flandre  intérieure 
vil  autant  qu'il  le  peut  chez  lui,  dans  sa  maison,  souvent  isolée  des  autres 
demeures  ;  il  apporte  tous  ses  soins  a  la  rendre  plie  et  propre  :  il  la  profère 
au  monde  extérieur,  où  sévit  un  climat  désagréable. 

La  ferme  est  le  type  principal  de  la  maison  flamande,  celui  où 
s'expriment  le  mieux  les  influences  du  sol  et  do  la  race.  Il  en  existe,  dans 
la  Flandre  intérieure,  deux  variétés:  dans  la  région  sablonneuse,  et  dans 
la  West-Flandre  d'Ypres,  Cassel  et  Hazobrouck,  c'est  l'hol'stedo,  aux  bâti- 
ments séparés  ;  dans  la  plaine  de  la  Lys,  dans  la  région  lilloise,  au  Sud  de 
Courtrai,  d'Audenardo  et  d'Alosl,  c'est  la  couse  wallonne,  complètement 
close. 

L'Hofstede. 

L'hofstede  rappelle,  avec  moins  de  complications,  la  ferme  de  la  plaine 
maritime.  Kilo  comprend  généralement  trois  bâtiments,  entourant  de  trois 
côtés  une  cour  carré»»,  occupée  en  grande  partie  par  le  trou  à  fumier.  Au 
contre,  l'habitation,  généralement  orientée  vers  le  Sud  ou  l'Est.  C'est  une 
petite  construction  assez  basse  et  allongée,  contenant  de  chaque  côté  d'un 
corridor,  d'une  part  deux  salles  qui  se  suivent,  de  l'autre  une  pièce  isolée. 
Des  deux  premières,  l'une  est  «  bol  huis  »  (la  maison),  l'autre  la  «  voûte  ». 
La  Maison  est,  comme  dans  la  Plaine  maritime,  la  salle  commune,  où  l'on 
l'ail  du  feu  dans  le  grand  poêle  (stubo),  où  l'on  fait  la  cuisine,  où  l'on 
mange,  où  l'on  se  tient  d'ordinaire.  La  «  voûte  »,  surélevée  au-dessus  de  la 
cave,  est  la  pièce  d'apparat,  le  salon,  réservé  pour  les  repas  de  kermesse, 
de  baptême,  de  noce,  d'enterrement.  La  troisième  pièce  est  une  chambre 
à  coucher  ;  mais  il  est  rare  que  les  doux  premières  ne  contiennent  pas  éga- 
lement chacune  un  lit.  Enfin  le  toit  bas  qui  descend  par  derrière  jusqu'à 
un  ou  deux  mètres  du  sol  abrite  souvent  dos  salles  basses,  parfois  des 
appentis,  où  l'on  établit  une  relaverio,  des  chambres  à  coucher,  et  aussi, 
dans  l'Ouest,  la  petite  pièce  où  l'on  fait  le  beurre.  Cet  ensemble  est  simple; 
ce  qui  en  l'ail  le  charme,  c'est  la  propreté:  propreté  des  murs  tapissés  de 
papier  point  ou  badigeonnés  de  couleurs  à  l'huile,  des  meubles  cirés, 
horloge,  armoire,  du  poêle  brillant,  dos  objets  de  piété,  bleus,  blancs  et  or, 


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IA  CENSE 


qui  garnissent  la  cheminée.  Des  fleurs  égaient  les  fenêtres  qui  sont 
souvent  quadrillées  de  menus  carreaux,  toujours  garnies  de  rideaux  et 
flanquées  de  volets  vert  et  blanc  ;  d'autres  fleurs  forment  le  plus  souvent 
une  plate-bande  d'hortensias,  de  dahlias  et  de  giroflées  devant  l'habitation 
qu'une  grille  et  un  trottoir  de  briques  séparent  du  reste  de  l'exploitation. 
Ainsi  le  fermier  vit  à  part,  avee  plus  de  propreté  et  d'hygiène. 

De  chaque  roté  de  l'habitation  s'alignent  les  bâtiments  d'exploitation. 
D'une  part,  les  écuries  et  étables,  l'écurie  toujours  plus  rapprochée  de  l;i 
maison  ;  ce  sont  des  bâtiments  à  plafond  bas,  chargé  de  paille  en  hiver; 
une  denii-obsrurité  y  règne  ;  I'augment'iUon  de  l'élevage  y  rend  l'espace 
insuffisant,  surtout  dans  l'Est,  où  les  botes  restent  en  stabulation  toute 
l'année,  Fn  trottoir  de  briques  permet  de  circuler  le  long  du  bâtiment.  De 
l'autre  côté,  c'est  la  grange,  et  à  l'extrémité,  la  eharrelterie.  l'ne  haie 
d'aubépine,  ou  une  clôture  en  bois,  enferme  souvent  l'ensemble  ;  mais  les 
trois  bâtiments  restent  toujours  séparés,  ce  qui  diminue  les  dangers 
d'incendie.  C'est  là  le  trait  caractéristique  de  l'hofstede.  Les  autres  dispo- 
sitions peuvent  changer  :  la  voûte  devient  plus  rare  dans  l'Est,  où  on  la 
trouve  surtout  dans  les  bâtiments  un  peu  anciens;  les  grandes  fermes  ont 
quatre  corps  de  logis  au  lieu  de  trois,  et  enferment  complètement  la  cour  ; 
les  petites  en  ont  deux  seulement,  orientés  normalement  l'un  à  l'autre  : 
l'habitation  d'une  pari,  les  dépendances  de  l'autre,  ou  bien  bout  à  bout  la 
demeure  des  hommes  jointe  à  la  demeure  des  bétes  en  un  long  bâtiment, 
tandis  que  la  grange  reste  à  part.  Mais  toujours  les  diverses  constructions 
sont  isolées;  il  y  a  là  une  parenté  évidente  avec  la  ferme  de  la  Plaine, 
particulièrement  avec  celle  de  la  Flandre  zélandaise,  dont  la  vaste  grange 
reparait  encore  çà  et  là  dans  le  Pays  de  Waes,  avec  ses  murs  de  bois  et 
sou  toit  «I»'  chaume,  pour  ne  disparaître  que  vers  Gand  et  Termonde. 

La  Censé. 

L'hofstede  cependant  n'occupe  pas  toute  la  Flandre.  A  l'Ouest,  sur  la 
lisière  de  la  Plaine  maritime,  la  ferme  close  apparaît:  elle  accompagne, 
jusque  vers  Aire,  la  limite  de  l'Artois  et  de  la  Flandre.  Après  Aire,  elle 
pénètre  dans  le  pays  flamand  et  occupe  presque  toute  la  plaine  de  la  Lys  : 
tandis  que  l'hofstede  se  maintient  sur  les  hauteurs  argileuses,  à  Sereus, 
Steenbecque,  Morbecque,  Hazebrouck,  Caestre,  Morris,  liailleul,  la  censé 
wallonne  domine  à  Morville,  Neuf-Berquin,  Steenwerck,  Nieppe  ;  à  Yieux- 
Berquin,  les  vieilles  fermes  sont  du  type  hofstede,  les  neuves  sont  closes. 
Au  delà  de  Bailleul,  la  limite  suit  la  Lys  jusqu'à  Menin,  et  de  là  se  dirige 
à  travers  le  pays  de  Courtrai  vers  Avelghem  et  Audenarde.  Dans  le  pays 


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I 


4M     *  FI.ANDRK  INTKRIKURE.  -  LE  MILIF.l'  HUMAIN 

d'Alost,  les  deux  types  sont  mélangés:  sur  lo  plateau  d'Edolaore,  uno 
grandi*  forme  clos*'  domino  dos  hofstodon  établies  dans  la  vallée  ;  môtno  à 
Ledo,  au  Nord  d'Alost,  on  retrouve  encore  lo  type  censé,  ainsi  quo  sur  lo 
plateau  brabançon  ontro  la  Dondro  ot  Bruxelles.  Copondant  los  produc- 
tions, la  vio  agricole  sont  los  mémos  do  chaque  côté  do  cotto  ligne  de 
démarcation.  Il  faut  bien  croire  qu'il  y  a  là  une  influence  ethnique,  et  cotte 
hypothèse  est  renforcée  lorsque  l'on  considère  quo  do  Calais  à  Avelghem, 
la  limite  dos  doux  types  suit  a  peu  près  l'ancienne  frontière  linguistique 
du  flamand  et  du  fiançais.  Vers  la  limite,  la  couse  présente  d'ailleurs 
fréquemment  un  aspect  où  l'on  reconnaît  dos  traits  do  l'hofstedo,  un  air 
do  parenté  avec  le  type  purement  flamand.  (Test  un  assemblage  confus 
de  bâtiments  de  hauteur  différente,  reliés  comme  artificiellement  les  uns 
aux  autres  par  tout  un  rapiéçage  do  toits.  On  dirait  une  véritable  hofstedo 
dont  on  a  bouché  les  ouvertures  entre  bâtiments.  Ailleurs,  et  par 
exemple  dans  la  partie  Sud  de  la  plaine  do  la  Lys,  los  bâtiments  s'égalisent, 
deviennent  homogènes  et  se  raccordent  naturellement  les  uns  aux  autres  ; 
c'est  le  type  quo  l'on  retrouve  au  Sud  vers  Douai,  Valencionnos,  ot  qui, 
sur  les  plateaux  de  craie,  devient  la  ferme  picarde. 

A  l'intérieur,  la  censé  wallonne  présente  une  disposition  semblable  à 
celle  do  l'hofstedo.  Tout  autour  d'une  cour  carrée,  los  bâtiments;  l'habi- 
tation généralement  au  milieu,  face  à  la  grande  porto,  et  comprenant 
comme  dans  l'hofstedo  la  Maison,  le  Salon  sur  voûte,  des  chambres  à 
coucher,  dos  appentis  ;  d'un  roté,  l'écurie,  qui  tient  â  l'habitation,  puis 
l'étable;  de  l'autre,  la  grange,  ot  parfois  dos  établos  supplémentaires,  la 
porcherie,  le  poulailler,  lo  fournil.  \jt\  cour  est  en  partie  pavée;  le  trottoir 
do  briques  l'entoure.  En  général,  un  bâtiment  est  établi  on  dehors  de 
l'ensemble  :  c'est  un  hangar  à  voitures,  abritant  chariots  ot  tombereaux. 
Derrière  l'habitation,  collée  au  mur,  apparaît  la  grande  roue  de  bois 
abritée  sous  un  auvent,  et  qu'un  chien  met  en  mouvement  pour  faire 
tourner  la  baratte. 

Les  matériaux. 

Hofstedo  flamande  ou  censé  wallonne  sont  construites  avec  «les  matériaux 
identiques.  La  pierre  est  absente  :  il  n'y  a  pas  dans  toute  la  Flandre  dix 
fermes  bâties  en  grès  ou  en  craie.  Dans  l'Est,  la  brique  domino  ;  dans 
l'Ouest,  le  torchis  reste  fréquent.  On  pourrait  s'étonner  do  rencontrer 
ainsi  les  maisons  de  terre  dans  les  riches  régions  à  limon,  tandis  que  dans 
les  pays  pauvres  du  Nord-Est  elles  sont  construites  en  dur;  la  raison  est 
bien  simple  :  on  emploie  la  brique  dans  la  partie  sableuse  parce  qu'obligés 


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i!«<  hVun-'hts  iî»  Ytiib'iir  ilill  *r<  nti»,  ivliôs  l'iinniii'  iiHifiri<'!i«,jj  iMii  l«  »  «i  - 
:imx  aiitr">  ]t;ii' tiHil  un  rajiiiVtjT''  'l'1  U'iK  On  di'  ail  uih1  ivrj.s.M"  b-l*-  •: 
4  i  r  »  1 1  r  <mi  a  ln'iit'hi*        ouviM'tuivs  »nlnl  bnùiiMUils.  Àilb*urs, 
♦•.vin «'ans  la  p;it tio  Stnl  <!••  la  |iht!iif-<b'  la  Lys,  b'sbaUtns»!.*  s'»'.;:»!:  -  < 
if»'\itum<  ni  hdim^i  iu'n  *'t  *•  rîn-ronlwil  i;nltfw*lb'im»iil  \t\>  tins  ,m\  • 
. •'. \v  !;  ;•"        Ton  Mrouv»  au  Sud  wrs  houat,  Yab'iira-ai"  ,      j  . 
<*tv  1rs  |*l'«t«n-\  «Iî»  <Tai»\  «  1« -x    al  la  fwiH'  jiU'Hi'ai». 

A  i'''il< '  irur.  la  wallonne  |i*.''<on!e  n*iv  «It~-j" »^iti« >u  s*antb!  . 

n'IU"  <l<'  l*h»>î"^t*»il<».  Toul  i»uU»ur 'l'uni'  rôtir  ruttvi*,  U«>  bi.'.j;u<  i.K  ; 
I;  ti«»u    •"•it**-f; ►  **-"it**iit  au  irila'ii.  la»"  a  !;«  ^:ai'  ii'  iwrU»,  »'t        ^.r  ..a  • 
riiMiii»»  l'ans  L'ii*»f>t« i!*»  la  Mai^m,  ]o  Sali  h  "«-ur  vont*».        «..;!<  1  »•  « 
roii'-laM",  tit «s  apiM'nHs  ;  il'lili  it'*V''t  1  '"'uri'\  (jtu  ti«'P?  h  rital^t.n'  ui.  ,  ..  • 
lV»l;iï.n» ;  ilo  l'tiiitiV,  la  ^l'ai»^»',  i»l  parfois        i»l;i1»l«*<  >uj  "l-''ii!«'..:a!: 
îm»i  •'lu*!'!"',  1»'  [h  >n  la  il  I»  'i',  io  fourmi,  l-i  iiiur  «'si  r«u  jr-.:  t'a-  paviN1  ;  *■  l  -im'- 
ili»  l»i*i*iuf»s  r«'i-ii*nri%.  '  lv>  i»(*iu»rîil,  ut»  iKltiim-n!  ',v>t  iMahli       •!■■)<  m*» 
r«i:i'i«,muU»<  »•*•;!  un  hari^ar  à  VMlur-'S.  abritant  l'Ii^iii'ls  <•<  1<<:ii!h'  • 
lhkwri<irf  rn<il*il*"ti<>;i,  c«>lii*i*  au  }>  i.r.  appai'ail  l;i  )>raii*ii'  i'imm'  h-- 
ahi  'liM1  s>»U"<  un  anv«  iit,  r*  qu'un  «  hn'ti  :in*t  i»ii  moiiM-iri<'!)t  j»* >» n*   .  - 
ii»urn«*i  la  ba ratio.  ' 

Les  rnat^ri.t  ->  s 

Ui,r*"*(,fb»flam}jnli»Miii,*v.No ♦Aa!li»!i»''>,tuil  i*iai>lrnilosa>"*'i  <1«  «■•»»),•' 
».b  i.-i.ju' s.  La  pa-n  i*  «'s*  abs.-r.h*  :  il  n'y  a  |ki>  iIjkis  Itjitlf  la  Klav."  •••  « 
forint  s  bàlit'^  rn         mi  i*i>  mm».  I»ans  l'I^I.  la  braju»'  lïontiv;  ■:  • 
|i>n<.-l,  Ih  [t>Vi -bis  ri'sf»»  frcqu- al.  1      |i<«<irnii1  m*».»ihi»T  ih*  ■  -<i'\  .  ' 
;•»■>;  li«»  niuisiip^  t\o  liw  <l;.n>  If*  ri<  i  *« i*»yiinto  à  linnn.  Iai'.li«;  ■[»»• 

i'  •  Ifc'VS  Jr  UVIVîj  <'a  N'ir.l  1%.*l  •  ll.'S  M-nlf'Jnstniîtl'S  »MJ  <bn  ;  S;l  r.n  -j 

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L'HABITAT  RURAL:   LKS  MATÉRIAUX 


417 


d'importer  des  matériaux  de  construction  que  le  sol  ne  fournit  pas,  les 
habitants  préfèrent  choisir  la  brique,  plus  solide  et  moins  exposée  à 
l'incendie.  Toute  la  région  sableuse  est  ainsi  couverte  de  maisons  de  briques, 
dont  les  murs  sont  passés  à  la  chaux.  Au  contraire  dans  le  pays  d'Alost, 
la  région  de  Courtrai,  dans  toute  la  West-Flandre  où  le  limon,  plus  ou 
moins  sableux,  garnit  le  sol,  on  peut  construire  la  ferme  en  briques 
poussiéreuses,  mais  il  est  plus  économique  de  prendre  tout  bonnement  le 
limon  auquel  on  mêle  un  peu  de  chaux  et  de  la  balle  de  grain.  Dans  la 
plaine  de  la  Lys,  les  trois  quarts  des  fermes  sont  ainsi  bAties  ;  ailleurs,  la 
proportion  des  murs  en  terre  est  encore  de  deux  tiers  environ  dans  le  pays 
d'Alost,  d'un  bon  tiers  autour  de  Lille  et  dans  le  Houtland  de  Cassel. 
Seulement  il  y  a  contraste  entre  la  vétusté  (souvent  apparente)  de  ces 
maisons,  penchées,  déjetées,  affaissées  sous  le  poids  du  toit,  et  la  richesse 
du  sol  limoneux.  11  faudra  toutefois  longtemps  encore  pour  que  la  cons- 
truction de  briques  prenne  possession  de  toute  la  Flandre.  La  bâtisse  en 
dur  gagne  du  terrain;  elle  s'adjuge  neuf  dixièmes  des  constructions  neuves, 
et  la  brique  se  glisse  dans  les  murs  en  torchis,  dont  elle  constitue  souvent 
le  soubassement  solide.  Mais  la  construction  en  terre  n'est  pas  près  d'être 
abandonnée  pour  les  dépendances,  étables,  et  surtout  granges  ;  rien  de 
plus  fréquent  qu'une  ferme  où  l'habitation  est  en  dur,  et  les  autres 
bâtiments  en  torchis.  De  même  le  chaume,  encore  plus  employé  pour 
couvrir  les  maisons  que  la  terre  pour  les  bâtir:  l'on  peut  estimer  qu'une 
moitié  peut-être  des  bâtiments,  dans  les  campagnes  flamandes,  porte 
encore  cette  couverture  grise,  rapiécée  çà  et  là  de  jaune  clair,  sur  le  faîte 
de  laquelle  s'alignent  les  joubarbes,  comme  une  rangée  de  pots  de  fleur. 
Malgré  les  risques  d'incendie,  beaucoup  de  cultivateurs  préfèrent  aux 
pannes  le  chaume,  qui  convient  mieux  aux  récoltes  entassées  sous  le  toit; 
seulement  presque  partout  le  toit  de  paille  se  termine  par  une  rangée  de 
i  à  5  tuiles  formant  auvent  qui  protège  le  trottoir  de  briques.  Dans  les 
villes,  l'ardoise  fait  aux  pannes  une  timide  concurrence;  la  pierre  elle- 
même  apparaît,  amenée  à  grands  frais  de  l'Artois,  du  Tournaisis  ou  de 
l'Ardenne,  et  servant  à  décorer  les  façades  *. 


•  Sur  la  ferme  de  la  Flandre  intérieure,  voir  :  Meitzen  (A),  Siedelung  und  Agrar- 
wesen  der  West-  und  Ost-Germancn  (Berlin,  1816,  4  vol.  in-8°).  III,  pp.  200-240;  — 
Winkler  (J.).  Oud  Nederland  (S'Oaveiihage,  Kwings,  1888,  in-8»,:*>7  p.),  pp.  112-113; 
—  de  Koville  (A.),  Enquête  sur  les  conditions  de  l'habitation  en  France,  les  maisons- 
types  ;  I,  pp.  15-11)  (étude  de  M.  Bachelu)  ;  —  Lemire  (abbe).  L'habitat  dans  la  Flandre 
française  (Ann.  Corn.  fl.  Fr.,  XX,  pp.  1-18)  :  —  Marguerit,  A  travers  la  Flandre  mari- 
time (Mém.  Soc.  Dunk.  XXVII,  pp.  213-215);  —  Glaerhout,  Nos  origines  (Ann.  Soc. 
Km.  Kr.,  LU,  1902). 

n 


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'.18 


FLANDRE  INTÉRIEURE.  -  LE  MILIEU  HUMAIN 


Les  mêmes  matériaux,  dans  les  mêmes  proportions,  se  retrouvent  pour 
l'édification  des  maisons  d'ouvrier.  Mais  qu'elles  soient  de  briques  ou  de 
terre,  couvertes  de  chaume  ou  de  paimes,  celles-ci  sont  toujours  longues  et 
basses,  presque  enterrées.  Ce  double  caractère  vient  de  leur  ancienne 
destination.  Chaque  maisonnette  devait  autrefois  contenir  un  ou  plusieurs 
métiers,  qu'il  fallait  abriter  dans  une  grande  pièce  6  part,  qui  s  ajoutait 
aux  deux  chambres  réservées  à  la  vie  de  la  famille  ;  et  pour  obtenir  l'humi- 
dité nécessaire  au  fil,  on  établissait  légèrement  au-dessous  du  sol  le 
plancher  de  terre  battue.  A  l'extrémité  de  la  maison  se  trouve  l'étable  de 
l'animal,  vache,  chèvre  ou  porc.  L'intérieur  est  sombre,  mal  éclairé  par 
des  fenêtres  souvent  étroites  et  garnies  de  petits  carreaux,  mal  aéré  par  le 
système  de  la  guillotine  ;  le  mobilier  rudimentaire  comprend  surtout  la 
commode  sur  laquelle  reposent  sous  globe  les  objets  de  piété  ;  la  literie  de 
balle  de  céréales,  d'herbe  séchée,  ou  simplement  de  paille,  est  défectueuse; 
les  couvertures  de  coton  trop  souvent  remplacées  par  des  sacs  ou  des  vête- 
ments, le  nombre  de  lits  insuffisant.  Mais  l'extérieur  reste  agréable  et  pitto- 
resque :  les  maisons  les  plus  pauvres  sont  passées  à  la  chaux  ;  les  vieilles 
sont  peintes  en  bleu  pale,  et  sur  toutes  tranche  joyeusement  le  bariolement 
des  volets,  sur  lesquels  les  peintres  ont  épuisé  toutes  les  gammes  du  vert, 
du  bleu  et  du  jaune.  Pour  mieux  apprécier  la  propreté  et  l'aspect  avenant 
de  ces  maisonnettes,  il  suffit  d'escalader  les  pentes  du  pays  haut  d'Artois  ou 
de  j>énétrer  dans  une  des  vallées  qui  en  descendent  vers  la  Flandre  :  à  dix 
kilomètres  du  bas  pays,  les  maisons  se  font  moins  bien  entretenues;  les 
rideaux  disparaissent  des  fenêtres  ;  le  badigeon  est  tombé  par  écailles,  et 
on  voit  sortir  du  torchis  les  pointes  noirâtres  du  soubassement  de  silex. 


Maisons  et  fermes  sont  comme  jetées  au  hasard  sur  le  sol.  La  dispersion 
des  habitations  est  la  règle  en  Flandre  ;  et  si  l'un  des  traits  essentiels  du 
pays  est  d'être4  la  région  des  arbres,  un  autre,  non  moins  caractéristique, 
est  d'être  la  terre  des  maisons  éparses.  Cela  saute  aux  yeux  d'autant  plus 
nettement  que  le  cas  n'est  pas  le  même  en  Brabant,  où  les  maisons  tendent 
à  s'aligner  en  rues,  ni  dans  les  régions  crayeuses  du  Sud,  où  le  groupe- 
ment en  gros  villages  est  la  règle.  Le  changement  est  brusque  ;  dès  qu'on  a 
dépassé  Lille  au  Sud,  les  habitations  isolées  disparaissent;  toutes  les 
maisons  rallient  les  villages  étendus  le  long  des  vallées  tourbeuses  ou 


III. 


DISPERSION  DES  HABITATIONS. 


le 


LA  DISPERSION  DES  HABITATIONS 


419 


groupés  sur  une  bosse  du  plateau.  I^es  habitants  se  rendent  parfaitement 
compte  de  la  différence,  et  les  gens  de  Stcenwerck  demandent  dans  leur 
cahier  de  doléances  de  1789  le  retrait  de  l'ordonnance  défendant  de  garder 
des  fusils,  «  attendu  qu'en  Flandre  les  habitations  sont  dispersées  çà  et  là 
dans  la  campagne,  tandis  qu'en  France  les  maisons  sont  toutes  amassées 
près  de  l'église  »  *. 

La  présence  de  l'eau  à  une  faible  profondeur  dans  le  sol  est  la  cause  de 
cette  dispersion  générale  des  habitations  flamandes.  Dans  quelque  partie 
que  ce  soit  du  pays,  on  est  assuré  de  trouver  une  nappe  en  creusant,  dans 
un  sol  meuble,  un  puits  de  moins  de  dix  mètres  de  profondeur.  Le  plus 
souvent,  c'est  à  4  ou  5  mètres  que  va  s'alimenter  la  rustique  pompe  en  bois. 
Au  Nord-Est,  l'eau  est  à  3  mètres,  5  ou  6  mètres  au  plus,  dans  le  sable 
limoneux  qui  surmonte  l'argile  rupelienne  :  Beveren-Waes  a  1.700  puits 
privés,  6  publics  ;   St-Nieolas  plus  de  5.000,  sans  compter  80  puits 
artésiens  qui  vont  chercher  dans  le  sable  asschien  le  supplément  d'eau 
réclamé  par  l'industrie.  Vers  (iand,  les  linéoles  argileuses  qui  traversent 
les  sables  quaternaires  ou  tertiaires  alimentent  à  Ertvelde  630  puits 
pour  les  67-1  maisons  de  la  commune,  à  Mendonek  67  pour  77  maisons, 
à  Oostacker  801,  a  Zele  1.918,  à  Tamise  1.610,  tous  à  3,  4,  5  mètres 
de  profondeur.  L'argile  paniselienne,  le  sable  argileux  yprésien,  enfin 
l'argile  yprésienne ,  se  chargent  de  retenir  à  fleur  de  sol  la  nappe 
phréatique  de  la  West-Flandre  et  du  pays  d'Alost  ;  Waereghem  a  1.100 
puits,  Ruysselede   1.350,  Menin  2.467  privés,  4  publics  ».  Sans  doute 
cette  imperméabilité  du  sol,  qui  permet  la  dispersion  des  habitations, 
a  de  graves  inconvénients  :  les  nappes  phréatiques  s'épuisent  vite,  et  chaque 
été  il  y  a  des  puits  à  sec  ;  surtout  la  faible  profondeur  du  réservoir  permet 
la  contamination  de  l'eau  par  les  produits  des  latrines  et  les  engrais  libé- 
ralement versés  à  la  terre  :  il  n'y  a  pas  un  village  flamand  dont  certains 
puits  ne  soient  empoisonnés.  Le  paysan  paraît  s'en  soucier  peu,  et  continue 
à  boire  cette  eau  impur*',  de  même  qu'il  va  s'alimenter  à  une  mare,  au 
ruisseau,  au  canal  lorsque  la  nappe  devient  insuffisante.  Même  les  citernes 
qu'on  trouve  presque  dans  chaque  village  ne  servent  qu'à  fournir  l'eau 
nécessaire  à  la  lessive.  Les  villes,  plus  soucieuses  de  l'hygiène,  sont  plus 
embarrassées  ;  la  question  de  l'eau  potable  y  est  un  des  problèmes  les  plus 
épineux  des  programmes  municipaux.  Gand  pratique  une  distribution  par 
galeries  de  drainage  qui  donne  une  eau  brune  pou  engageante  ;  Bruges  n  a 


1  Seigneurie  de  Steonwerck-Dampierre,  Cahier  du  2<i  mars  178!).  article  11. 
*  André,  Enquête  sur  les  eaux  alimentaires,  l,  pp.  355-401. 


FLANDRK  INTÉRIKURK.  -  LE  MILIEU  HUMAIN 


rien  trouvé  de  moins  mauvais  que  l'eau  du  canal  de  Gand.  Lille,  Roubaix 
et  Tourcoing  sont  allées  chercher  dans  les  fissures  de  la  craie,  comme 
Calais  et  Dunkerque,  une  eau  plus  pure  et  plus  abondante  que  celle  de 
leur  propre  sol  *. 

Mais  au  moins,  sûr  de  trouver  partout  sans  difficultés  l'eau  nécessaire  à 
sa  consommation  et  à  celle  de  ses  bêtes,  le  Flamand  est  allé  établir  son 
exploitation  à  l'endroit  qui  lui  paraissait  le  plus  commode.  Cependant  la 
dispersion  qui  en  est  résultée  ne  s'est  pas  opérée  de  la  môme  façon  a  l'Est 
qu'à  l'Ouest.  On  retrouve  là,  dans  la  disposition  de  cette  poussière  de 
maisons  et  de  fermes,  la  différence  entre  l'Ost  et  la  West-Flandre. 


Dans  l'Ouest  :  les  maisons  isolées. 

Le  sol  de  l'Ouest  est  beaucoup  plus  compact  que  celui  «le  l'Est.  Le  limon 
argileux,  l'argile  elle-même,  les  sables  gras  de  l'Yprésien  et  du  Paniselien 
forment  une  terre  lourde  et  tenace  dans  laquelle  le  paysan  embourbe 
ses  attelages  et  enlise  ses  chaussures.  A  l'époque  où  il  n'existait  pas 
de  chemins  régulièrement  entretenus,  c'est-à-dire  jusqu'au  début  du 
XIXe  siècle,  la  circulation  restait  impossible  en  West-Flandre,  pendant 
toute  la  mauvaise  saison.  Détrempé  par  les  fines  pluies  persistantes 
de  l'automne,  le  sol  eût  empêché  le  cultivateur  d'aller  à  quelque 
distance  faire  ses  labours,  ses  semailles,  ses  hersages.  Il  n'y  avait  qu'un 
remède  :  établir  l'exploitation  au  milieu  même  des  terres  à  cultiver. 
L'hofstede  ou  la  censé  groupaient  là  autour  d'elles,  aussi  étroitement  que  le 
désirait  l'exploitant,  les  pâtures  où  le  bétail  paissait  sous  la  surveillance 
du  maître,  et  à  proximité  les  champs  de  lin,  de  colza  et  de  céréales  *. 
Lorsqu'une  pâture  se  trouvait  trop  éloignée  de  l'habitation  pour  qu'on  pût 
veiller  sur  les  bêtes,  on  y  établissait  une  maison  d'ouvrier,  où  un  journa- 
lier habitait  à  prix  réduit  sous  condition  de  s'occuper  du  troupeau.  C'est 
ainsi  que  se  repeupla  le  pays  après  l'occupation  franque  ;  l'établissement 
des  fermes  éparses  et  des  maisonnettes  disséminées  y  précéda  l'apparition 


'  Sur  un  projet  d'alimentation  île  toute  In  Flandre  en  eau  potable  pompée  dans  les 
sable.-,  pliocène*  «le  la  Oampinc,  voir:  l'ut/eys  (K.),  Alimentation  en  eau  potable  île  la 
H^se-Helgique.  (Hull.  Soc.  belge  (îéol.  XVIII.  1!*)4,  Pr.-Y.,  pp.  fii-M). 

*  Cette  forme  «le  dispersion  (hofsystom)  serait,  d'après  Mcitzen,  une  survivance  .lu 
système  celtique,  .lù  aux  Mènapiens  qui  habitèrent  le  pays  avant  les  Francs  (Meitzen, 
Siedelung.  111,  pp.  23SI-240).  Il  serait  étrange,  dans  ce  cas,  que  la  coutume  celtique  s*» 
fût  imposée  aux  Francs  de  la  Westflandre,  et  n'eût  laissé  aucune  trace  dans  la  région 
sableuse,  qui  fut  cependant,  au  même  titre  que  l'Ouest,  un  territoire  ménapien. 


 ^  


DANS  L'OUEST  :  LES  MAISONS  ISOLÉES 


des  villages  groupés  plus  tard  autour  de  l'église.  Les  Flamands,  ditMever, 
n'habitent  pas  comme  les  autres  poupins  autour  dos  églises,  mais  épar- 
pillent leurs  maisons  par  les  champs  et  les  bois  ;  et  chacun  possède  là  sos 


Fragment  <lc  la  feuille  Huogttadc  de  U  carte  topographfque  bel^e  à  I  :  ta. (m 

Via.  »J2.  —  Dispersion  des  habitations  dans  l'Ouest  de  la  Flandre 

(environs  d'Hondschoote). 
Fermes  entourées  d'eau  ;  petite  agglomération  communale  (Oyverinchove)  ; 
maisons  groupées  aux  carrefour». 


terres  arables,  ses  pâtures,  ses  vergers  *.  Cette  disposition  des  habitations 
subsiste  encore.  Dans  toute  la  West-Flandre,  les  fermes  restent  isolées,  sans 
souci  des  villages  ni  des  chemins,  à  travers  la  campagne.  On  dirait  qu'on 


•  Mever,  Rerum  Flandriae.  p.  W. 


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V£i  FLANDRE  INTÉRIEURE.  -  LE  MILIEU  HUMAIN 

• 

los  a  jetées  au  hasard.  Pour  remédier  a  cet  isolement  qui  pouvait  être 
dangereux  aux  époques  troublées,  elles  s'entouraient  presque  toujours  d'un 
fossé,  qui  enfermait  tous  les  bAtiments,  et  au  moins  l'habitation.  La  belle 
carte  du  Franc,  exécuté*'  au  XVIe  siècle  par  Pourbus,  indique  par  exemple 
dans  la  paroisse  de  S t- And  ré-lez-Bruges  22  «  manoirs  »  entourés  d'eau  !. 
Os  manoirs  fortifiés  sont  encore  nombreux  dans  le  pays  d'Ypres,  dans  la 
plaine  de  la  Lys  et  la  région  lilloise  (Fig.  62). 

Dans  ces  conditions,  le  village  proprement  dit,  le  chef-lieu  de  la  paroisse, 
était  forcément  pou  de  chose.  Le  «  Plats  »,  comme  on  l'appelle,  ne  com- 
prenait guère,  autour  de  l'église,  que  quelques  maisons  de  commerçant, 
avec  une  majorité  d'estaminets.  L'emplacement  importait  peu  ;  cependant 
on  remarque  que  beaucoup  de  villages  sont  établis  sur  «le  petites  hauteurs. 
A  l'Est  d'Ypres,  West-Roosebeke,  Passchendaele,  Mooi-slee.de,  Becelaere, 
Gheluwelt,  Zandvoorde  sont  placés  au  sommet  de  tertres;  même  disposi- 
tion pour  beaucoup  de  villages  à  l'Est  de  Courtrai,  pour  la  plupart  de  ceux 
qui  entourent  Cassel,  et  surtout  pour  les  villes  et  bourgades  situées  au 
Nord  de  Lille  :  Bondues,  Linselles,  Roncq,  Neuville-en-Ferrain,  Mouveaux, 
Mouscron  et  Tourcoing  couronnent  des  collines,  et  cette  disposition 
donne  du  pittoresque  à  ce  paysage  industriel.  Cette  particularité,  que 
les  habitants  ne  s'expliquent  pas,  doit  tenir  à  des  préoccupations  de  défense; 
l'église  était  établie  sur  un  lieu  élevé  pour  pouvoir  surveiller  le  pays,  et 
prévenir  au  son  du  tocsin  les  habitants  épars  du  danger  qui  les  menaçait. 
Un  autre  lieu  de  villages,  c'est  le  bord  des  vallées,  à  l'endroit  où  se  termine 
la  bande  de  terres  basses  inondables;  on  compte  15  villages  le  long  de 
l'Escaut  entre  Helchin  et  Audenarde,  sur  20  kilomètres  à  vol  d'oiseau  ;  et 
16  le  long  de  la  Lys  pour  les  25  kilomètres  qui  séparent  Courtrai  de 
Deynze. 

Li  situation  s'est  modifiée  au  XIXe  siècle,  avec  la  création  des  chemins. 
Les  fermes  neuves  viennent  se  placer  au  bord  des  routes,  assuré  qu'est 
désormais  le  fermier  d'avoir  accès  dans  toutes  les  parties  du  domaine 
exploité  ;  les  vieilles  au  contraire  sont  restées  à  l'écart,  et  principalement 
dans  les  creux,  où  on  les  bâtissait  jadis  de  préférence,  pour  trouver  plus 
facilement  l'eau  nécessaire  à  la  défense  et  à  l'alimentation;  il  arrivait  même 
qu'avant  de  construire  on  enlevait  de  la  terre  pour  que  la  dépression  fût  plus 
prononcée.  Pour  faire  cesser  leur  isolement,  elles  se  sont  reliées  aux  routes 
par  de  belles  d rêves,  avenues  d'ormes  qui  s'allongent  parfois  sur  un  kilo- 
mètre. Le  Plalz  a  beaucoup  grandi  avec  le  développement  des  chemins. 


1  Voir  Van  Spoybrouck  (A.).  St-An.lrv.  (Aun.  Soc.  Km.  Hr.T  38'  volume,  1888. 
pp.  1-172). 


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[']•[-.:  '■    •  •  i1- 1.  r:n  *•*  .\».«  tiuiri",  mit  "Al  kil'Ud»*lr«,s  â  vl  t\'»-i  •  ♦  : 

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iIi'miim-      !•'  l'i'iaii'-r  ilnvoir  utfî*s  ilaiiN  IruU's  l»-s  j rl î« du  ■! 
i'X;  l       ;  W-  \j»»i!!»'s  au  roiiii'î-î'i»  sni4t  h  1  V-**-i et»  »'l  }U'iiK'î|   '•  *: 

il.in^        i*h*l*X.  «»U  oïl  ïi'.-  Ii;*il't:  s;iîl  jiidiK  tl*1  [•:  ('  'V'ivii<-«\  jn>iir  I S  •  »ll  » ■  : 

ip/.tvaut  i|i»i,i>iMruin|i)ij  "[itc\ai1  ilr  la  Wvvv  [ii»ur  ijin*  la  ilrp^-ssior  t.  t 
j»:i»ni»uoi''«'.  I'mui'  lai**»-  r»-svM-  lf-ur  is<»li-ni'Uit.  fll-*s  s»- muiI  p*l:i"»*>nij\ 

j  ai-  ih-  1»'1I»'n  iI'vvon»  ;iv**iiuh.>  fl'iH'inis  qui  s'allnin:*»»!  |*ji:f««i>  s,.r  h-,  k. 

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DANS  L'EST  :  LES  MAISONS  GROUPÉES  EN  RUES 


423 


qui  viennent s'y  croiser  ;  les  rentiers  sont  venus  s'y  fixer;  avec,  eux  sont 
venus  s'établir  les  ouvriers  agricoles,  quittant  peu  a  peu  les  maisonnettes 
éparses  dans  les  pâtures.  Maintenant  que  l'accès  des  champs  est  facile,  et 
qu'il  n'est  pas  nécessaire  que  la  ferme  soit  placée  au  centre  de  l'exploita- 
tion, beaucoup  de  petites  fermes  ont  disparu,  dont  les  terres  ont  été  parta- 
gées entre  d'autres  domaines,  les  propriétaires  y  trouvant  l'avantage  d'être 
débarrassés  du  souci  d'entretenir  les  bâtiments.  Pour  la  même  raison,  on 
a  démoli  la  plupart  des  maisonnettes  isolées,  «  ces  cabanes  éparses  dans  la 
«  ampagne,  asiles  de  l'innocence  *>  sur  lesquelles  s'attendrissait  Forster, 
et  on  a  offert  à  leurs  occupants  un. logement  dans  des  corons  construits  à 
bon  marché  et  d'entretien  facile,  situés  aux  abords  du  village.  Le  mouve- 
ment de  concentration  est  particulièrement  prononcé  en  France,  où  la 
diminution  de  la  population  rurale  contribue  à  faire  disparaître  les  habi- 
tations isolées.  La  comparaison  d'une  carte  de  1737  conservée  à  la  mairie 
de  Steenbecque  avec  l'état  actuel  montre  que  les  deux  tiers  des  maisons 
éparses  n'existent  plus.  Dans  la  plupart  des  communes,  on  signale  que 
cette  concentration  s'opère:  à  Rexpoede,  à  Bollezeele,  à  Quaedyprc,  à 
Boeschèpe  on  voit  disparaître  les  petites  fermes;  à  Ste-Marie-Cappel,  on 
en  a  démoli  dix  en  25  ans.  On  s'aperçoit  en  parcourant  le  pays  que  la 
plupart  des  maisonnettes  isolées  sont  vieilles  et  délabrées,  qu'on  ne  les 
entretient  plus;  d'autres  sont  en  ruine.  Ainsi  la  dispersion,  jadis  poussée  à 
l'extrême  dans  l'Ouest,  tend  à  s'atténuer  et  la  plupart  des  villages  forment 
des  bourgades  assez  compactes,  avec  une  population  beaucoup  plus  agglo- 
mérée que  dans  la  plupart  des  communes  de  Basse-Normandie  ou  de 
Bretagne. 

Dans  l'Est  :  les  maisons  groupées  en  rues. 

Loi-squ'on  a  dépassé  à  l'Est  la  ligne  Thourout-Thielt-Deynze,  l'aspect  du 
pays  change.  Tandis  que  les  pâtures  se  font  rares,  que  les  champs 
s'entourent  d'une  bande  de  gazon  et  d'une  haie  d'aulnes,  on  voit  les 
maisons  dispersées  rallier  le  chemin,  et  disparaître  peu  à  peu  du  milieu 
des  champs;  au  delà  du  canal  de  Bruges  à  Gand,  la  transformation  est 
accomplie,  toutes  les  maisons  sont  dorénavant  au  bord  des  routes,  qui  se 
transforment  en  longues  rues  bordées  de  bâtiments.  Hors  des  villages  il 
est  rare  que  les  maisons  se  touchent  :  elles  restent  à  10,  20,  50,  parfois 
100  mètres  l'une  de  l'autre  ;  mais  aucune  ne  s'écarte  du  chemin,  vers  lequel 
elle  tourne  sa  façade  ou  son  pignon.  Entre  Exaerde  et  Oostacker  (N.-E. 


'  Forster,  Voyage  philosophique,  H,  p.  1(57. 


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124 


FLANDRE  INTÉRIEURE.  -  LE  MILIEU  HUMAIN 


do  Gand)  s'allonge  ainsi  une  route  de  16  kilomètres,  toute  bordée  de 
maisons  dont  aucune  n'est  à  plus  de  100  mètres  d'une  autre,  petites  formes 
dont  l'habitation  regarde  la  route,  tandis  que  les  bâtiments  d'exploitation 
lui  sont  perpendiculaires.  Au  delà,  au  Nord  et  au  Sud,  s'étend  un  désert 
cultive,  sans  une  cabane  jusqu'aux  maisons  de  la  prochaine  route  dont  on 
aperçoit  parfois  les  toits  rouges  entre  les  arbres.  Entre  Gand  et  Lokoren, 
le  voyageur  qui  suit  le  chemin  de  fer  voit  le  pays  se  dérouler  de  chaque 


Fragment  de  la  reaille  F.etloo  de  la  carte  topographique  belge  à  1  :  SO.OOf. 

Fio.  03.  —  Maisons  groupées  en  rues  dans  l'Est  de  la  Flandre. 
Maisons  et  jardins  au  long  des  chemins  ;  champs  enclos  de  haies  s'étendant 

d'un  chemin  à  l'autre. 


côté  de  la  voie  comme  une  vraie  solitude  boisée,  quoique  la  densité  de  la 
population  soit  supérieure  à  200  habitants  au  Kmq.  C'est  que  les  routes 
étant  parallèles  à  la  voie  ferrée,  et  les  maisons  n'étant  construites  que  le 
long  dos  routes,  on  n'aperçoit  qu'à  de  longs  intervalles  quelques  toits 
cachés  par  les  peupliers  et  les  saules. 

C'est  encore  à  la  nature  du  sol  qu'est  duo  la  raison  de  cette  curieuse 
disposition.  I/»  sable  et  le  limon  sableux  qui  recouvrent  toute  cette  région 
sont  des  terrains  toujours  socs.  L'eau  do  pluie  est  rapidement  absorbée 
par  cotte  surface  poreuse,  et  jamais  le  sol  n'est  impraticable  pour  le  passage 
du  paysan  et  do  son  outillage  agricole.  De  mémo  que  dans  la  Plaine 
maritime  la  ligne  des  dunes,  on  dépit  de  son  sol  mouvant,  a  toujours  tenu 
lieu  de  route,  do  mémo  les  sables  de  l'Ost-Flandro,  dans  lesquels  le  pied 


bogie 


DANS  L'EST  :  LES  MAISONS  GROUPÉES  EN  RUES  i2T, 

enfonce  parfois  jusqu'à  la  cheville,  n'ont  jamais  empêché  la  circulation 
que  les  pluies  rendent  impossible  dans  les  terres  fortes  de  l'Ouest.  Sûr  de 
pouvoir  à  toute  époque  de  l'année  avoir  accès  à  ses  champs,  le  paysan 
préférait  établir  sa  maison  au  long  des  voies  de  communication,  chaussées 
ou  pistes  de  sable,  échappant  ainsi  à  un  isolement  qui  pouvait  être 
dangereux  :  ses  instincts  d'indépendance  restant  d'ailleurs  sauvegardés  par 
la  possibilité  où  il  était  de  se  tenir  à  bonne  distance  de  la  maison  voisine, 
l'eau  ne  faisant  défaut  nulle  part,  à  quelques  mètres  de  profondeur. 

Dès  lors,  dans  tout  l'Est,  on  passe  de  la  pleine  campagne  aux  villages 
par  d'insensibles  transitions.  Les  maisons  se  rapprochent,  leurs  jardins  se 
touchent,  puis  disparaissent  ;  les  habitations  finissent  par  se  rejoindre,  la 
mute  est  devenue  rue.  Aussi  est-il  difficile  de  dire  où  commence  l'agglo- 
mération. Villes  et  bourgades  se  prolongent  dans  la  campagne  par 
d'interminables  faubourgs  :  St-Nicolas  a  l'air  d'une  pieuvre  dont  les 
maigres  bras  s'allongent  sur  le  pays  de  Waes.  La  plupart  des  communes 
sont  complètement  désarticulées  en  gros  hameaux  qui  courent  le  long  des 
routes.  Waerschool,  qui  compte  6.100  habitants,  en  groupe  à  peine  l.tf71 
autour  des  trois  rues  qui  se  rejoignent  devant  l'église  ;  les  hameaux  se 
partagent  le  reste:  415  à  I^eest,  300  à  Kerre,  170  à  Arisdonck,  601  à 
Oostmoer,  .161  à  Hoeksken,  4 il. à  Weststraat,  etc.  ;  chacun  d'eux  est  déjà 
un  village.  Zele  compte  21  hameaux,  contenant  plus  de  la  moitié  de  la 
population  totale. 

Ces  villages,  ces  bourgades  mi-rurales  mi-industrielles,  ont  un  aspect 


Fragment  de  U  feuille  Kerloo  de  la  carte  topographique  belge  à  I  :  20.000. 


Kio.  0i.  —  Un  village  de  l'Est:  Cnpryrke.  Disposition  en  me. 
largeur  de  la  rue  principale,  «lue  h  ln  disparition  des  jardins  devant  les  maisons. 

Vastes  dimensions  de  la  place. 

singulier.  L'entrée  est  charmante  :  des  jardins  et  des  vergers  bordent  la 
route,  derrièi*e  une  haie  ;  au  fond,  dans  ce  cadre  heureux,  apparaît  la 
propre  maison  de  briques.  Mais  vers  le  centre,  les  jardins  disparaissent, 


J 


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420 


FLANDRE  INTKRIKCRK:  LK  MILIEU  HUMAIN 


sans  que  los  maisons  se  rapprochent  du  chemin,  de  sorte  que  la  rue  devient 
une  énorme  voie  de  20  à  30  mètres  de  large,  comprenant  une  chaussé 
pavée  au  milieu,  et  des  pistes  île  sable,  vrais  champs  d'ornières,  il»1 
chaque  côté.  Telle  se  présente  hi  ville  d'Eecloo,  où  les  jardins  qui 
s'étendaient  devant  les  maisons  sont  disparus  depuis  une  soixantaine 
d'années.  La  place-carrefour  est  vaste  en  proportion  des  chemins;  à 
Capryeke  elle  atteint  la  superficie  de  5  hectares  ;  la  plupart  servaient 
ou  servent  encore  de  pâtures,  et  à  l'époque  de  la  prospérité  du  lin,  on  y 

mettait  séchor 
les  fibres  rouies 
dans  les  mares. 
Il  existe  encore 
des  types  curieux 
de  l'ancienne 
disposition  des 
villages.  Le  ha- 
meau de  Doore- 
zeele  (commu- 
ne d'Evergem) 
comprend, d'une 
ligne  de  maisons 
à  la  ligne  située 

en  face,  d'abord  les  vergers  bordés  d'une  haie,  puis  une  pâture  commu- 
nale avec  cinq  rangées  d'arbres,  une  chaussée  pavée,  une  autre  pâture 
avec  six  rangs  d'arbres,  les  haies  et  de  nouveau  les  vergers:  environ 
100  mètres  de  distance  d'une  maison  à  celle  qui  lui  fait  vis-à-vis.  Avec  un 
pareil  système  de  groupement,  les  habitations  finissent  par  être  aussi 
isolées  que  celles  de  la  West-Flandre. 

I,es  noms  de  lieu  expriment  nettement  cette  dispersion  des  habitations 
qui  caractérise  la  Flandre.  I/'  nom  de  Iloek  (coin)  est  très  fréquent, 
particulièrement  dans  les  lieux-dits  ;  autour  d'Hondschoole,  presque  tous 
les  hameaux  sont  ainsi  le  coin  des  tilleuls  (Lindenhoek),  le  coin  de 
Heveren  (Bevcrenhook),  le  coin  de  la  chapelle  (Cappelhoek),  le  coin  de 
l'Ouest  (Westhoek),  le  coin  du  puits  (Puthoek),  etc.  Mais  les  noms  les  ph,s 
fréquents  sont  ceux  qui  désignent  l'habitation  germanique.  Le  suffis 
«  heim  »,  traduit  en  hem,  cm,  ghem,  gem,  ghen,  ghien,  ain,  et  signifiant' 
séjour,  demeure,  remplit  la  Flandre  intérieure,  déborde  sur  le  RrabanL 
la  Campine,  depuis  les  Maldegem  et  les  Landegem  de  l'Est  jusqu'aux 
Pitgam,  Frelinghien,  Radinghem  et  Sainghin  français.  «  Sele  »,  désignai»! 
la  maison  du  chef  franc,  s'étend  sur  les  mêmes  territoires,  en  Belg^6 


Fragment  de  la  feuille  Kvrixem  «le  la  carte  lopopraphiqoe  belge  à  1  :  îO.noo. 

FiG.  (v>.  —  Un  village  de  l'Est  :  l)Quresnelr.  Exagération  du 
type  ordinaire  ;  largeur  énorme  de  la  me,  plantée  d'arbres  et 
servant  de  pâture. 


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LES  VILLES 


427 


(Zole,  Oosterzeole,  Dadizeelo),  on  Franco  et  on  pays  wallon  (Horzeolo, 
Strazeele,  Linsellos,  Horseaux).  Lo  plus  ancion  do  ces  tormos  employés 
pour  indiquer  l'habitation,  «  Laer  »,  est  resté  cantonné  dans  l'Est  : 
Vosselacre,  Knessolacrc,  ot  ne  fait  dans  l'Ouest  que  de  rares  apparitions  : 
Roussolaoro  (Roulors),  Rocolaere,  Oxolaero.  \ai  maison  isolôo  (huis) 
apparaît  dans  une  multitude  do  lieux-dits.  Do  mémo  pour  la  forme  (hovo), 
qui  a  également  donné  son  nom  à  de  nombreux  villages,  Etiehovo, 
Kerkhove,  ot  dans  la  parti**  française  Ravinchovo,  Volkorinckhove, 
Polineove,  jusqu'à  i6  dans  lo  seul  département  du  Pas-de-Calais.  La  dispo- 
sition des  habitations  dans  l'Ost-Flandre  rend  particulièrement  fréquent 
dans  cette  région  l'emploi  du  terme  Dorp  (village),  désignant  les  hameaux 
en  rues  :Opdorp,Steondorp,  West-ot  Zuyd-dorpe  ;  do  mémo  pour  le  vocable 
Straal(rue),  qui  s'applique  à  une  quantité  considérable  do  lieux-dits  autour 
do  Zole,  Hamme,  et  dans  tout  le  pays  de  Waes. 

Enfin  d'autres  ternies  traduisent  l'abondance  de  l'eau,  la  nature  humide 
du  pays.  Rroeck,  Rriel  (marais)  se  rencontrent  mémo  hors  de  la  plaino 
maritime;  beaucoup  de  villages,  de  hameaux, ont  pris  le  nom  de  ruisseau: 
Beko,  déformé  en  bocque  el  baix  :  Rooseboke,  Harlebeko,  Steenbecque, 
Roubaix,  Fleurbaix.  On  rencontre  fréquemment  des  termes  augmentés  du 
suffixe  Voorde  (passage  sur  l'eau):  Steenvoordo,  Zandvoorde,  Hardifort, 
ou  du  suffixe  Rrugge  (pont):  Langerbrugge,  Gonlbrugge.  I>»s  cliamps 
(Veld,  Akker,  Kauter),  les  bois  (Rusch,  Hout,  Loo),  les  noms  d'arbres, 
entrent  fréquemment,  en  composition,  ainsi  que  les  termes  qui  expriment 
les  hauteurs  et  les  dépressions  (Rorg,  Daele)  «. 

IV. 

LES  VILLES  «. 

Etant  donné  l'état  de  dispersion  de  la  population,  il  ne  faut  pas  s'attendre 
à  trouver  en  Flandre  un  grand  nombre  de  groupes  urbains  bien  constitués, 
de  vraies  villes  qui  tranchent  sur  les  agglomérations  rurales.  Beaucoup 
de  communes  flamandes  ont  des  populations  supérieures  à  celles  de 


1  Sur  les  noms  de  lieu,  voir  l'excellent  travail  de  Kurth.  L'i  frontière  linguistique 
en  Belgique  .'t  ilans  le  N'ont  de  la  France  (Métn.  ('..  Ac  R.  Helg.,  XLV11I.  1K! 
2  vol.).  On  trouvera  une  bibliographie  complète  de  la  question  dans  :  Adriaens  (<î.), 
Orthographe  des  noms  <le  commune  ( Huit.  C.  C.  St..  XVI,  IH'KI,  pp.  1-1)0),  pp.  ««.!«. 

*  Sur  les  villes,  voir:  Deventer,  Atlas  des  villes  de  la  Belgique  au  XVI"  siècle 
(publié  par  Ch.  Kuelons  et  L.  Oilliodu*  van  Severen). 


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FLANDRE  INTÉRIEURE  :  LE  MILIEU  HUMAIN 


villes  françaises,  tout  on  restant  de  simples  agglomérations  rurales. 
Wynghene  avoe  ses  S.  132  habitants,  Stekene  avec  7.9 19,  Moorslodo  avoe 
7.304,  Aeltreavoc7.2i0ne  sont  que  de  gros  villages.  Mais  faut-il  considérer 
comme  villes  des  communes  telles  que  Zele,  où  sur  les  12.932  habitants 
6.000  seulement  habitent  le  centre  *.  De  même  à  Iseghem  :  sur  12.172  habi- 
tants, plus  de  la  moitié  se  trouvent  hors  de  l'agglomération.  Thourout, 
contre  3.000  habitants  dans  la  ville,  en  a  7.  KM)  dans  la  campagne  ;  Thielt 
se  partage  entre  3.500  habitants  et  700  maisons  sur  s;i  colline,  7.000  et 
l.i(X)  maisons  dans  la  plaine  d'alentour.  Beaucoup  de  villes,  môme  parmi 
celles  qui  sont  en  pleine  croissance,  restent  donc  à  demi-rurales. 

Les  villes  avant  le  XIX*  siècle. 

I/"s  premières  villes  apparaissent  à  l'époque  romaine.  Ce  sont  des 
forteresses  qui  succèdent  peut-Aire  aux  oppida  gaulois,  Cassel  (Castellum 
Menapiorum),  de  sa  butte,  commande  la  West-Flandro  sur  laquelle  il  étend 
son  réseau  de  chaussées  étoilées  autour  de  la  colline;  sur  le  mont  de 
Wallon, dominant  le  gué  de  l'Aa, existe  un  établissement  dont  les  ruines  sont 
décrites  au  IXe  siècle  par  l'auteur  do  la  Chronique  !.  D'autres  villes  sont 
établies  au  bord  do  la  Lys,  marchés  et  tètes  de  pont  :  Minariacus  (Pont- 
d'Estairos),  sur  la  route  de  Cassel  à  Arras  ;  Viroviacus  (Wervioq),  sur  la 
route  do  Cassel  à  Tournai  ;  Corloriacus  (Courtrai),  bâti  à  un  endroit  où  se 
rétrécit  la  vallée.  Cependant  Garni  existe  probablement  déjà  sur  la  pente 
du  Sablon,  devant  laquelle  s'unissent  les  bras  de  l'Escaut  et  de  la  Lys  ;  au 
VIIe  siècle,  avant  qu'un  monastère  y  fût  fondé,  St  Amand  se  rond  au 
*  pagus  qui  vocabulum  osl  Gandavum  »  *,  que  le  biographe  do  St  Bavon 
appelle  un  castrum,  et  celui  de  St  Eloi  un  municipium  3. 

Los  villes  somnolent  après  l'invasion  franquo.  I^s  nouveaux  venus  sont 
une  population  rurale,  qui  se  disperse  en  fermes  et  en  hameaux.  Quelques 
grands  marchés  suffisent  aux  échanges.  Messines  reste  pendant  longtemps, 
grâce  à  sa  situation  sur  la  frontière  linguistique,  une  dos  foires  les  plus 
animées  de  la  Flandre.  Thourout,  vrai  contre  du  pays,  est  déjà  en  relation 
avec  le  Nord  do  l'Europe  ;  on  forme  dans  son  monastère  dos  missionnaires 
pour  l'évangélisation  de  l'Allemagne  septentrionale.  Mais  ces  foires 


i  M.  <;.  SS.  XIV.  p.  m. 

4  Yita  S.  Amnndi  i  M.iliilluii,  Aria  Saïu-iomm,  II,  p.  fi83). 

1  \  ît.i  S.  Mavonis  (Mabillon.  11.  p.  :V.H)  ;  vita  S.  Eligii  <lans  Dom  Houquet.  III, 
p.  rû7. 


LES  VILLES  AVANT  LE  XIX*  SIÈCLE  42!) 

fréquentées  ne  donnent  pas  naissance  à  des  villes.  C'est  la  renaissance  du 
commerce  régulier  et  permanent,  à  la  fin  de  l'époque  carolingienne,  qui 
va  fixer  des  populations  plus  denses  «  aux  nœuds  du  transit  régional  » 

Les  cours  d'eau  sont  à  cette  époque  les  seules  voies  commerciales  de  la 
Flandre.  Ce  sont  donc  des  villes  de  rivière  qui  s'établissent  aux  endroits 
les  plus  favorables  pour  le  transit.  St-Omer  s'étend  à  l'endroit  où  l'Aa, 
descendu  rapidement  de  l'Artois,  se  calme  en  pénétrant  dans  les  marais  et 
devient  navigable.  Y  près  se  place  au  point  extrême  où  peuvent  atteindre 
les  bateaux  de  l'Yperlée,  et  d'où  l'on  peut  facilement  gagner  la  Lys  *.  Cette 
dernière  devient  une  rue  de  villes.  Depuis  Aire,  où  elle  peut  porter  des 
barques,  jusqu'à  Garni  où  elle  atteint  l'Escaut,  les  cités  commerçantes  se 
succèdent  a  intervalles  presque  égaux:  Merville,  Esta  ires,  Arrnentières  :|, 
Warneton,  Comines,  Wervicq,  Menin,  Courtrai,  Deynze.  D'Armentières  à 
Menin,  les  villes  sont  placées  successivement  à  droite  et  à  gauche  de  la 
rivière  ;  c'est  qu'elles  choisissent  pour  s'établir  l'endroit  où  la  Lys, 
promenant  ses  courbes  de  gauche  à  droite,  vient  frôler  le  bord  du  lit 
majeur;  ainsi  placées  sur  celte  rive  élevée,  elles  ne  craignent  pas  les  inon- 
dations qui  s'étendent  chaque  hiver  sur  la  vallée.  Lille  4  canalise  déjà  la 
Deûle,  Alost  la  Dendre  ;  Teruionde  profite  de  la  jonction  de  cette  dernière 
et  de  l'Escaut.  Mais  la  position  de  Gand  est  favorable  entre  toutes.  Non 
seulement  sa  situation  au  confluent  des  deux  grands  cours  d'eau  flamands 
lui  assure  un  trafic  important,  mais  elle  est  à  l'endroit  où  les  deux  rivières 
sont  assez  rapprochées  de  la  mer  pour  que  les  marchandises  puissent  gagner 
directement  la  côte  en  évitant  le  long  détour  par  Anvers.  La  Lieve  jadis, 


I  Pirenne  (H.),  villes  flamandes  avant  le  XII'  siècle  (Ann.  E.  N.,  I,  1JKT), 
pp.  it-32),  |».  23.  —  Sur  le  même  sujet  :  Pirenne,  L'origine  des  constitutions  urbaines 
au  moyen-àge  (Revue  Historique.  LVII,  18U">,  pp.  r>7-U8  et  2113-327); —  Id..  Villes, 
marchés  et  marchands  au  moyeu-âge  (Ibid.  LW  II,  181N,  pp. îiO-TO)  ;  —  Des  Marez((ï.). 
Les  villes  flamandes  (Bruxelles,  Moreau,  1!KMI,  24  p.);  —  Id.,  Etude  sur  la  propriété 
foncière  dans  les  villes  du  Moyen-Age  et  spécialement  en  Flandre  (20*  fascicule  du 
Recueil  des  travaux  publiés  par  la  Faculté  de  philosophie  et  lettres  de  l'Université  de 
Cand,  l«U8j. 

*  Sur  Ypres,  voir  bibliographie  très  complète  dans  :  Diegerick  (A.),  Liste  des 
ouvrages  et  notices  concernant  l'histoire  de  la  ville  d"  Ypres  publiés  depuis  1830 
(Ann.  S.  H.  Ypres,  VIII,  1*78.  pp.  78-125). 

3  Jean  sans  Peur  accorde  une  foire  à  Arrnentières  en  considération  de  sa  situation 
sur  la  Lys.  Voir  Inventaire  Arch.  Arrnentières,  série  HIL  p.  2. 

4  Sur  les  origines  de  Lille  voir:  Hautoœur  (E.),  Cartulaire  de  l'église  collégiale  de 
St-Pierre  de  Lille  (Lille,  Quarré.  18M,  2  vol.  in-8»)  ;  -  Id..  Histoire  de  l'église  collé- 
giale et  du  chapitre  de  Si-Pierre  de  Lille  (Lille,  Quarré,  18(J0,  3  vol.  in-8°).  l>a  première 
charte  originale  où  soit  mentionné  le  nom  de  Lille  est  de  10G6. 


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430  FLANDRE  INTÉRIEURE.  -  LE  MILIEU  HUMAIN 


puis  lo  canal  do  Bruges,  aujourd'hui  lo  canal  de  Ternouzen,  ont  ainsi  fait 
do  Garni  un  port  maritiino  on  mémo  temps  qu'il  était  lo  principal  port 
fluvial  do  la  Flandre.  L'existence  de  deux  abbayes  autour  desquelles  ne 
sont  nés  que  dos  faubourgs  agricoles,  et  d'un  castrum  resté  longtemps  à 
part,  n'était  donc  pas  nécessaire  à  l'établissement  et  au  développement 
de  la  ville  commerçante  (Portus),  étendue  au  confluent  véritable,  autour 
des  marchés  aux  Poissons  et  du  Vendredi. 

Le  magnifique  développement  de  l'industrie  drapiëre  aux  XIIIe  et  XIV*" 
siècles  acheva  ce  que  le  commerce  avait  commencé.  Les  villes  prirent  un 
essor  inouï.  Lille,  qui  apparaît  au  XIP  siècle,  est  déjà  comptée  au  XIIIe 
comme  une  dos  cinq  grandes  cités  flamandes.  La  prospérité,  restée  attachée 
jusque  là  aux  villes  de  rivières,  déborde  hors  dos  vallées,  roule  à  travers  le 
plat  pays;  les  villages  deviennent  bourgs,  et  les  bourgs,  villes.  Hazebrouck1 , 
Bailleul,  Poporinghe,  Roulors,  Thielt,  deviennent  des  cités  actives  pour- 
vues d'institutions  municipales.  Los  grandes  villes  voient  leur  population 
s'accroître  dans  des  proportions  inconnues  jusqu'alors,  sans  atteindre 
cependant  aux  chiffres  fabuleux  qu'on  leur  attribue  généralement  : 
30O.OOO  habitants  à  Bruges,  *J50.000  à  Y  près  ;  il  est  probable  qu'aucune 
ville  de  cette  époque  ne  dépassait  60.1)00  habitants,  peut-être  80.000;  leur 
croissance  ne  pouvait  être  indéfinie,  chacune  ne  pouvant  guère  se  nourrir 
que  de  ce  que  produisait  sa  chàtellenio  *.  Pour  Ypros  en  particulier  le  chiffre 
de  -J00.000  âmes  donné  on  1^47  par  une  bulle  d'Innocent  IV  est  corrigé 
dès  \'Sû  par  une  bulle  d'Alexandre  IV,  disant  que  d'après  le  prévôt  et  le 
chapitre  de  St-Martin,  la  population  de  la  ville  dépasse  40.000  habitants  3. 
Bruges  et  Oand  étaient  d'ailleurs  plus  importantes  qu'Ypres,  si  l'on  s'en 
rapporte  au  Transport  de  VM)  ».  A  cette  date,  sur  100  livres  à  fournir  par 
lo  comté  tout  entier,  Bruges  était  taxée  à  15  livres,  Gand  à  13,  Y  près  A  10. 

La  décadence  do  l'industrie  drapière  causa  naturellement  la  décadence 
des  villes,  que  sa  prospérité  avait  enrichies  et  peuplées.  Ypros  on  souffre 
particulièrement  ;  ses  faubourgs  sont  détruits  on  138:2  par  l'armée  anglaise 
de  révoque  de  Norwich  ;  ses  artisans  émigront.  Dès  le  début  du  XVe  siècle 


>  Pour  le  développement  d'Hazebrouek.vmr  Kinot.  Inventaire  des  Arch.  dTIazebrouck, 
Introduction  ;  —  Taverne  de  Tersud,  Hazebrouck  depuis  son  origine  jusqu'à  nos  jours 
(Hazebrouck.  Venelle,  1890.  in- 4°,  454  p.). 

2  Dos  Marc/,  Les  villes  flamandes,  p.  IL 

a  Diegeriok,  Areh.  d'Ypres,  1,  pp.  fi4  et  82. 

»  Publié  dans  (ïilliodts.  Inventaire,  IV.  pp.  279-280  ;  de  Limburg-Stiruni  (Th.). 
Codex  diplomaticiis  Flandriae,  inde  ab  anno  1296  ad  usque  1327  (Hruges,  de  Planekc, 
1880.  2  vol.)  II,  pp.  141-143. 


LES  VILLKS  AVANT  I.E  XIX-  SIÈCLE  ',31 

on  réduit  de  10  à  8  livres  sa  contribution  au  Transport  ;  sa  population 
tombe  à  12.1)00  habitants  en  1412,  à  10.000  en  1470;  en  i486,  le  tiers 
d'entre  eux  mendie  L'industrie  linière,  vers  laquelle  se  retourne  l'activité 
flamande,  s'exerce  à  la  campagne,  les  villes  n'en  profitent  pas,  sauf 
quelques  rares  exceptions.  Au  Transport  de  1517  *,  Y  près  est  taxée  à 
7  livres,  qu'elle  est  d'ailleurs  incapable  de  paver;  Courtrai,  assignée  pour 
30  sous  en  1300,  est  tombée  à  22  ;  Poperinglie,  de  24  sous  à  14  ;  Thourout, 
de  3  sous  à  12  deniers.  Les  grandes  villes  commerçantes  résistent  mieux  : 
Gand  s'est  élevé  de  13  à  14  livres  ;  Bruges  est  taxée  à  14.  Mais  les  guerres 
surviennent  :  lutte  contre  la  France,  révolte  des  Pays-Bas,  guerre  de 
80  ans.  Au  Transport  de  1631  a,  la  décadence  des  villes  est  définitive, 
(îand  est  tombé  à  6  livres  14  sous  ;  Bruges  à  5  livres  ;  Ypres  à  2.  On  a  dû 
reporter  sur  les  campagnes  et  sur  les  petites  villes  les  charges  que  les 
grandes  ne  peuvent  plus  payer.  On  a  transformé  en  forteresses  les  anciennes 
capitales  de  l'industrie  ;  en  forts  d'arrêt  les  petites  villes.  A  Gand,  on  rase 
un  quartier  et  une  abbaye  pour  dresser  une  citadelle  espagnole.  Audenarde, 
où  la  fabrication  des  tapisseries  réunissait  20.000  travailleurs  dans  la 
ville  et  la  banlieue,  voit  ses  ouvriers  émigrervers  la  Hollande  et  la  France; 
elle  est  réduite  à  son  rôle  stratégique  de  forteresse  défendant  l'entrée  de  la 
Flandre;  la  situation  était  belle  à  l'endroit  où  la  colline  d'Edelaere  se 
dresse  au-dessus  de  la  vallée  resserrée,  facilitant  le  passage  et  la  défense; 
les  sièges  du  XVIIe  siècle  cl  la  bataille  du  XVIIIe  en  ont  prouvé  l'impor- 
tance. Termonde,  marché  du  lin  de  l'Est,  devient  le  fort  contre  lequel  se 
brise  l'élan  de  l'année  française  en  1667.  Menin,  Wervicq,  Armentières, 
Warneton,  St-Venant,  sont  des  fortins  qui  hérissent  la  ligne  de  la  Lys. 
Encore  ces  villes  fortifiées,  qui  languissent  derrière  leurs  murailles,  sont- 
elles  protégées  contre  les  attentions  que  les  belligérants,  dans  la  seconde 
moitié  du  XVII"  siècle,  prodiguent  au  plat  pays  et  aux  villes  ouvertes  : 
pillages,  incendies,  contributions.  Aussi  Poperinghe  tombe  à  1.502 habitants 
en  1608;  Roulers  à  600;  Estaires  à  1.027;  Bailleul  a  2.302  ».  Même  la 
paix  qui  règne  en  Flandre  de  1748  à  1780  ne  ramène  pas  la  prospérité  dans 
les  villes.  C'est  la  campagne,  ce  sont  les  bourgades  à  moitié  rurales  qui 


1  Pirenne,  Hist.  do  Belgique,  II.  p.  .'ISS;  — M.,  Les  dénombrements  de  la  population 
d'Ypres  au  XV'  siècle  ( Vierteljahrsi  hrift  for  Sooial-nnd  Winschaftsgesehichtc,  I,  1903, 
pp.  1-xqq.) 

*  Publié  dans  :  Kerste  bonck  der  Ordonnancien,  Siatuten,  Kdieten  en  Placcaerten.... 
van  Vlaenderen  ((îhendt.  bij  Anna  van  den  Sleene,  UW,  in-4\  &!0  p.).  pp.  54î'-.T»l. 

3  Publié  dans  Priem,  Précis,     série,  VII.  pp.  110-110. 

*  D'après  le  mémoire  de  des  Madrys  (Bull.  Corn  m.  H.  N.,  X,  pp.  251-328). 


FLANDRE  INTÉRIEURE.  -  LE  MILIEU  HUMAIN 


profitent  du  réveil  de  l'industrie  à  domicile.  En  1784,  Gand  végète  à 
50.000  habitants,  Ypres,  à  12.(KX),  Audenarde  à  3.000,  Termonde  à  5.000% 
faibles  chiffres  que  la  conquête  française  contribua  encore  à  réduire. 

Les  villes  au  XIX'  siècle.  —  Influence  de  l'Industrie. 

Mais  lorsqu'au  début  du  XIXP  siècle  apparut  la  grande  industrie,  les 
villes  retrouvèrent  leur  supériorité,  et  les  campagnes  commencèrent  à  se 
dépeuple!-  en  leur  faveur.  Ce  fut  un  long  et  irrésistible  mouvement  qui  se 
prolongea  toute  la  durée  du  siècle  et  continue  de  plus  belle  aujourd'hui. 
Sous  l'influence  du  développement  industriel,  et  sous  cette  influence  seule, 
les  anciennes  villes  reprirent  leur  croissance  interrompue,  et  de  nouvelles 
naquirent,  qui  firent  une  fortune  prodigieuse. 

Hors  de  l'industrie,  point  de  salut.  Les  villes  qui  ne  voient  pas  dressées 
dans  leurs  faubourgs  les  hautes  cheminées  de  briques  sont  restées  petites 
ou  médiocres,  quand  elles  n'ont  pas  décru.  L'influence  des  voies  de  commu- 
nication, c'est-à-dire  de  la  situation  géographique,  est  restée  nulle,  ou  à 
peu  près.  St-Omer  est  établie  au  bord  de  la  grande  voie  fluviale  qui  relie 
Dunkerqueau  Nord  et  à  Paris  ;  c'est  une  étape  toute  désignée  sur  une  ligne 
dont  le  tonnage  dépasse  2  millions  de  tonnes  en  1901  ;  enfin  c'est  l'inter- 
médiaire entre  le  haut  pays  d'Artois  et  le  bas  pays  de  Flandre;  pourtant 
l'industrie  ne  s'y  étant  pas  acclimatée,  et  s'y  réduisant  à  quelques  ateliers  de 
lingerie, à  quelques  fabriques  <le  pipes,la  ville  reste  comme  morte;  de 20. 109 
habitants  en  1803,  elle  est  passée  à  20.867  en  1901.  Aire,  mieux  placée 
encore,  au  carrefour  du  canal  de  Neuffossé,  du  canal  d'Aire  à  La  Bassée  et 
de  la  Lys  navigable,  a  gagné  872  habitants  en  un  siècle,  de  7.586  à  8.458  ; 
sur  ce  nombre,  1.060  personnes  indigentes  étaient  admises,  pour  1903,  à 
l'assistance  médicale  gratuite  *.  Qu'on  les  compare  à  leurs  voisines  du  Sud  : 
Lillers,  à  l'écart  de  la  grande  voie  navigable,  a  pourtant  gagné  de  moitié 
grâce  à  l'industrie  de  la  chaussure  et  au  voisinage  des  houillères  (de  4.094  à 
7.747);  Béthune,pour  la  même  raison,  estmontéedeO.  looà  12.404  habitants. 
Il  y  a  bien  d'autres  exemples.  Termonde  est  dans  une  situation  commerciale 
remarquable,  au  confluent  de  l'Escaut  et  de  la  Dendre,  à  mi-chemin  de 
Gand  et  d'Anvers  ;  cependant  gênée  par  les  servitudes  militaires  dans  son 
développement  industriel,  elle  n'a  pas  connu  l'essor  rapide  de  sa  voisine 
Wetteren, pourtant  moins  bien  placée.  Renaix,aussi  mal  située  que  possible. 


I  kcrvvn  de  Lrumhovc,  I-i  Flandre  d;»ns  les  trois  derniers  siècles,  pp.  202-293. 

s  Journal  L'Écho  de  la  Lys  du  13, novembre  1902. 


LES  VILLES  AU  XIX"  SIÈCLE.  -  INFLUENCE  DE  L'INDUSTRIE  «3 


à  l'extrémité  de  la  Flandre  dont  dépend  son  industrie,  isolée  au  fond  d'une 
vallée  qui  est  une  impasse,  privée  d'un  canal  et  desservie  par  des  voies 
ferrées  incommodes,  est  on  pleine  prospérité  pendant  qu'Audenarde  végète. 
Il  est  clair  qu'Hazebrouck  s'est  heureusement  ressentie  de  la  création  des 
grandes  voies  ferrées  qui  s'y  croisent  et  que  les  400  ouvriers  et  employés 
de  la  gare  contribuent  à  sa  prospérité  ;  cependant  en  1876  la  ville  n'attei- 
gnait pas  encore  10.000  habitants,  et  c'est  depuis  la  création  des  tissages 
mécaniques  et  de  la  filature,  avec  leur  personnel  de  1.200  individus,  que  la 
ville,  en  25  ans,  est  passée  de  9.857  à  13.261  habitants. 

Aussi  les  villes  qui  ne  se  sont  pas  créé  une  industrie  déclinent,  fussent- 


Prafinent  de  la  feuille  Drvnxc  de  la  carte  topographlque  beljre  à  1  :  20.000. 

Fia.  W.  —  Deynse,  Tyjic  de  cille  formée  d'une  chaussée  à  travers 
,  nue  vallée  marécageuse. 

Emplacements  «le  batailles  aux  environs. 

elles  des  centres  agricoles  de  premier  ordre.  Cassel  possède  tous  les  quinze 
jours  un  important  marché  de  bestiaux,  où  l'on  vient  de  toute  la  Wesl- 


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434 


FLANDRE  INTÉRIEURE.  -  LE  MILIEU  HUMAIN 


Flandre  française  ;  ses  foires  sont  fréquentées;  sa  butte  pittoresque  se 
couronne  d'un  grand  hôtel  et  de  villas  ;  elle  fait  figure  de  ville  de  plaisance  : 
répondant  sa  population,  de  3.785  habitants  en  1804,  après  avoir  atteint 
4.200  au  milieu  du  siècle,  est  tombée  à  3.222.  Poperinghe,  après  avoir 
dépassé  1 1 .000  habitants,  est  descendue  au-dessous  de  ce  chiffre.  Audenarde 
est  un  type  de  la  vieille  ville  flamande,  avec  les  murs  jaunâtres  des  grandes 
casernes  du  XVIIe  siècle  qui  rappellent  le  rôle  militaire  de  la  ville,  les 
toits  à  pignons  en  escalier,  les  églises,  et  l'hôtel  de  ville  si  finement  ajouré 
qu'il  ressemble  à  une  châsse  d'orfèvrerie;  mais  l'industrie  n'est  pas  venue, 
et  la  ville  s'est  tout  bonnement  élevée  en  un  siècle  de  4.200  à  6.200  habi- 
tants. Y  près  est  une  autre  ville  du  passé  ;  ses  16.500  ha  bitants  tiennent  peu 
«le  place  dans  les  rues,  et  ses  immenses  Halles  étonnent  d'autant  plus  le 
visiteur  qu'elles  sont  disproportionnées  avec  l'activité  actuelle  de  la  cité. 
Les  autres  vieilles  villes,  qu'avait  rudement  atteintes  la  crise  du  travail  à 
domicile,  ne  se  maintiennent  qu'en  introduisant  chez  elles  la  grande 
industrie.  Thielt,  devenue  l'avant-garde  de  la  région  gantoise  vers  l'Est, 
Thourout,  vrai  village  aux  rues  étroites  et  tortueuses,  bordées  de  maisons 
basses,  sans  étage,  qui  s'emplit  du  tapage  des  marteaux  de  cordonniers  sur 
le  cuir,  se  tiennent  à  10.000  habitants,  la  plus  grande  partie  dans  la 
campagne.  Enfin  l'important  marché  de  Deynze,  jadis  chaussée  traversant 
les  prés  mouillés  de  la  Lys,  dont  l'importance  stratégique  est  attestée  par 
les  nombreux  combats  que  mentionne  la  carte  autour  d'elle,  ne  se  maintient 
que  grâce  à  la  fabrication  des  soieries  et  au  travail  des  blés  dans  ses  usines 
et  celles  de  son  faubourg  de  Petegem. 


Mais  lorsque  la  grande  industrie  est  venue  s'établir  â  leurs  portes,  sur 
les  glacis  des  anciens  remparts,  ou  au  milieu  des  grands  jardins  qui  cou- 
vraient une  bonne  partie  de  leur  territoire  urbain,  les  vieilles  villes 
flamandes  se  sont  réveillées,  ragaillardies,  ouvertes  à  la  foule  des  paysans 
vaincus  par  la  concurrence  des  métiers  mécaniques.  Grammont  et 
Ninove  ont  doublé  ;  Alost  et  Courtrai  ont  triplé  1 .  Au  centre,  ces  dernières 
villes  sont  restées  propres,  correctes  et  froides,  d'une  banalité  que  vient 
corrige!-  parfois  l'aspect  heureux  d'un  hôtel  de  ville  Renaissance,  d'un 
beffroi,  d'une  tour  d'église  ;  mais  autour  de  ces  quartiers  bourgeois,  des 


i  Population  de  (irammont  en  180!  :  5.048  h.  ;  1900:  11.855.  Ninove  :  3.021  et  7.71V 
Alost  :  I0.0-J7  et  20.203.  Courtrai  :  1  t.Ml  et  33.143. 


Vieilles  villes  et  villes  neuves. 


LES  VIEILLES  VILLES  ET  LRS  VILLES  NEUVES 


lignes  do  maisons  ouvrières  aux  murs  de  briques  rouges,  de  couleur  crue, 
s'étendent  aux  abords  des  usines  ou  s'alignent  on  faubourgs  interminables. 
Gand  est  le  meilleur  exemple  de  ces  anciennes  cites  auxquelles  l'industrie 
moderne  a  donne  une  seconde  jeunesse.  La  ville  avait  55.000  habitants 
on  1801,  et  les  citadins  étaient  à  l'aise  dans  l'enceinte.  Mais  lorsque 
les  «  mécaniques  »  de  Liévin  Hauwens  eurent  amené  des  foules,  il  fallut 
se  serrer,  s'entasser.  On  parqua  les  nouveaux  venus  dans  des  «  enclos  », 
impasses  bordées  de  maisons,  qui  dépassaient  en  horreur  les  quartiers 
ouvriers  de  Lille  et  de  Paris.  L'enclos  Ha  Ut  via,  long  de   100  mètres, 
contenait  1 17  habitations  dos  deux  côtés  d'un  passage  de  ^m,70  de  large, 
et  logeait  585  habitants  dont  chacun  disposait  d'une  superficie  de  3mt,24  ; 
sur  1 .000  ouvriers  interrogés  par  la  Commission  d'Enquête,  430  habitaient 
dans  des  enclos  semblables,  314  dans  des  ruelles  qui  ne  valaient  guère 
mieux,  sans  compter  ceux  qui  vivaient  dans  les  caves  1 .  Depuis,  Gand  s'est 
étendu  en  d'immenses  faubourgs  qui  doublent  l'ancienne  superficie  de 
la  cité;  cO[>endant  elle  avait  conservé  jusqu'à  la  fin  du  XIXe  siècle  cet 
aspect  do  ville  étriquée,  poussée  trop  vite,  aux  rues  étroites,  animées,  d'où 
se  dressent  tout  à  coup  des  monuments  «  qu'on  ne  peut  apercevoir  qu'en 
renversant  la  tète  »  *.  Cette  nuance  d'antiquité  que  les  beffrois,  clochers, 
châteaux,  vieilles  maisons,  laissent  planer  sur  la  ville,  mêlée  à  l'aspect 
moderne  que  présente  un  grand  contre  de  commerce  et  d'industrie,  fait  que 
Gand  symbolise  mieux  que  Hrugos,  la  ville  du  passé,  la  vraie  Flandre, 
robuste  et  vivante,  avec  ses  souvenirs  et  ses  espoirs.  L'accroissement 
continue  ;  au  delà  du  faubourg  ouvrier  de  Muide,  on  creuse  d'immenses 
bassins  qui  doivent  faire  do  Gand  un  véritable  port  de  mer  ;  avec  ses  grands 
faubourgs  de  Mont-St-Amand,  Gentbruggo  et  I^edeberg,  qui  s'allongent 
jusqu'à  quatre  kilomètres  loin  du  beffroi,  la  ville  comptait  on  1900 
198.000  habitants;  depuis,  elle  a  largement  dépassé  les  SX).000. 

A  côté  dos  vieilles  villes  qu'elle  a  rajeunies,  l'industrie  a  créé  çà  et  là  en 
Flandre  des  agglomérations  neuves  qui  ne  sont  pas  moins  curieuses  à 
étudier.  Ce  sont  pour  la  plupart  d'anciens  villages,  que  l'industrie  à  domicile 
avait  élevés,  dès  le  XV IIIe  siècle,  au  rang  de  bourgades.  St-Nieolas,  jusqu'au 
XVIe  siècle,  parait  purement  agricole;  on  y  institue  tin  marché  en  1513; 
la  place,  qui  s'étendait  sur  12  hectares  avant  1811,  avait  été  d'abord  un 
bois,  puis  une  prairie  (Driesch)  sur  laquelle  on  mettait  sécher  les  lins  :»  ;  la 


1  Enquête  de  1840,  III,  pp.  387-389. 

*  Tonnent,  Notes  sur  la  Belgique  (Bruxelles,  Hauman,  2  vol.  in-l^>).  I,  pp.  58-60. 
a  Van  Raemdonck  (J.).  Topographie  de  St-Nicolas  (Ann.  C.  A.  1\  Waos,  X,  188T>, 

pp.  23-3»). 


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436  FLANDRE  INTÉRIEURE.  -  LE  MILIEU  HUMAIN 


paroisse,avec  ses  15  hameaux,  avait  10.890  habitants  en  1801.  Lokeren  était 
alors  une  grosse  commune  de  12.000  habitants  ;  Renaix  en  comptait  0.500. 
Elles  ont  eu  cette  bonne  fortune  de  voir  s'élever  autour  d'elles  des  usines 
sans  que  cette  arrivée  de  la  grande  industrie  fit  disparaître  les  métiers  à  la 
main  ;  mais  les  travailleurs  à  domicile  s'embrigadèrent  sous  l'autorité  des 
chefs  d'industrie,  et  exécutèrent  pour  eux  les  travaux  que  la  machine 
dédaignait  ou  n'osait  pas  entreprendiv.  Ainsi,  elles  ont  gardé  en  partie 
l'aspect  du  passé:  elles  sont  restées  à  demi-rurales.  La  plupart  sont  de 
grands  villages  ;  jusqu'au  centre  les  maisons  basses  d'ouvriers  agricoles  se 
sont  conservées  à  côté  des  bà lisses  modernes.  I^okeren  a  l'air  d'une  ville 
qui  ne  serait  formée  que  de  faubourgs,  faubourgs  interminables  et  sales,  où 
s'ouvrent  de  pauvres  ruelles  de  corons  ;  Zele,  Hamme,  sont  aussi  tristes. 
La  banlieue  est  habitée  par  des  paysans  qui  s'industrialisent  :  tisserands 
travaillant  chez  eux  pour  les  fabriques,  ouvriers  d'usine  qui  gardent  leur 
maison  à  la  campagne  et  leur  lopin  de  terre  ;  et  cette  qualité  de  villes  mi- 
urbaines  mi-rurales  est  un  gros  avantage  pour  l'industrie,  à  laquelle  elle 
assure  une  main-d'œuvre  patiente  et  économique,  moins  chère  et  plus  sou- 
mise qu'un  prolétariat  urbain.  De  là  leur  développement  :  Renaix,  Tamise, 
Hamme,  Zele,  Eecloo,  Lokeren,  Iseghem,  ont  doublé  en  un  siècle;  Roulers 
et  St-Nieolas  ont  triplé.  Roulers  est  devenue  une  vraie  capitale,  plus  active 
que  Bruges  et  que  Courtrai  :  à  25  kilomètres  à  la  ronde  on  ne  remontre 
que  les  voitures  de  ses  négociants  qui  vont  fournir  les  campagnes  de  denrées 
coloniales,  de  riz,  de  pétrole,  de  maïs,  en  refoulant  devant  eux  la  concur- 
rence de  Courtrai  et  de  Garni  ;  elle  demande  avec  énergie  le  prolongement 
du  canal  de  la  Mandel  jusqu'à  Dixmude.  En  revanche,  si  les  agglomérations 
augmentent,  nulle  part  on  ne  rencontre  en  Flandre  plus  de  pauvreté,  caria 
concurrence  des  ouvriers  à  domicile  et  des  ouvriers  de  fabrique  tient  à  un 
taux  très  faible  les  salaires  des  uns  et  des  autres;  ce  sont  les  villes  de  la 
misère,  emplies  régulièrement  quatre  fois  parjourdu  passage  des  ouvriers 
hâves,  pieds-nus  ou  chaussés  de  sabots  grossiers. 


Le  groupe  de  Lille. 

Cependant  nulle  part  l'industrie  n'a  autant  bouleversé  le  pays  flamand 
que  dans  la  région  de  Lille,  où  elle  a  dressé  l'un  à  côté  de  l'autre  deux 
groupes  urbains  dont  chacun  dépasse  250.000  âmes,  sans  compter  ceux 
qui  comptent  quinze,  trente,  quarante  mille  habitants,  jusqu'à  faire  de 
l'arrondissement  une  fourmilière  humaine  de  811.000  personnes,  (l'est  de 
celle  région  qu'est  vrai  le  mot  de  Guiehardin,  que  «  la  Flandre  n'est 


-QjgilizaiJïy  Google 


LE  GROUPE  DE  LILLE 


437 


qu'une  ville  »  ;  là  les  villages  sont  déjà  <les  bourgs,  et  les  bourgs  des  villes. 
Cependant  on  peut  distinguer  trois  groupes  où  la  population  est  plus 
particulièrement  urbaine:  Lille  et  ses  faubourgs,  Roubaix-Tourcoing  et  leur 
banlieue,  enfin  la  ligne  de  la  Lys. 

Lille  était  déjà,  au  début  du  XIXe  siècle,  la  plus  grosse  ville  de  Flandre. 
Pour  être  moins  ancienne  que  (ïand  et  Bruges,  son  territoire  n'en  a  pas 
moins  été  habité  aux  époques  romaine  et  franque  '.  La  ville  qui  apparaît 
au  XP  siècle  dans  un  îlot  de  la  vallée  tourbeuse  où  coule  la  Deûle  était 
dans  une  heureuse  situation  commerciale  :  terminus  méridional  de  la  navi- 
gation sur  la  petite  rivière,  elle  était  une  étape  naturelle  entre  la  Flandre 
et  les  plateaux  de  craie,  qui  poussent  une  avant-garde  jusqu'aux  abords  de 
la  cité;  ainsi  elle  est  un  de  ces  entrepôts,  nés  au  contact  de  la  plaine 
flamande  et  du  haut-pays  crayeux,  qui  se  succèdent  depuis  l'Aa  jusqu'à 
l'Escaut.  Mais  celui-ci  était  un  des  mieux  placés,  sur  la  route  delà  Flandre 
vers  Paris  par  Bapaume  *  ;  Lille  se  trouvait  donc  être  la  porte  française  du 
pays  flamand.  \a\  prospérité  vint  vite,  malgré  les  défauts  de  l'emplacement, 
qui  obligeait  la  ville  à  s'étendre  dans  un  marais  tourbeux,  sillonné  de  bras 
de  rivière,  et  dont  les  noms  des  rues  Basse,  Marais,  des  Molfonds, 
rappellent  l'existence.  Au  moment  de  l'annexion  à  la  France,  Lille  était 
déjà  tenue  pour  la  première  ville  de  Flandre,  tant  par  son  industrie  dra- 
pière  que  par  son  commerce.  Après  l'occupation  française,  Vauban 
l'agrandit  en  bâtissant  vers  le  Nord  tout  un  quartier  régulier  (huit  la 
rue  Royale  forme  l'axe.  En  1098,  l'intendant  Dugué  de  Bagnols  lui  attri- 
buait .*V5.000  habitants;  mais  la  crise  qui  sévit  sur  les  villes  flamandes  au 
XVIir  siècle  entrava  la  croissance  de  Lille,  dont  la  population  n'atteignait 
encore,  en  1804,  que  ôîUXH)  personnes. 

L'essor  commença  après  1815.  Lille  profita  brusquement  de  l'installation 
des  machines  nouvelles  dont  de  hardis  industriels  étaient  allés  dérober  le 
secret  en  Angleterre.  Comme  à  Gand,  la  population  s'entassa  entre  les 
remparts;  pourtant  Lille  était  déjà,  avec  Dunkerque,  la  ville  du  départe- 
ment où  les  habitants  se  trouvaient  le  plus  les  uns  sur  les  autres  3.  Aussi 
devint-elle  la  plus  malsaine  de  la  région,  celle  dont  le  renom  d'insalubrité 
et  de  tristesse  fut  le  plus  répandu  ;  et  cette  fâcheuse  réputation  la  suit 
encore.  Le  médecin  Brault,  qui  y  tenait  garnison  en  1820,  note  «  l'infection 


«  Rigaux  (H.),  Fouilles  dans  l'arrondissement  <ie  Lille.  (Huit.  Soc.  nat.  dos  Anti- 
quaires de  France,  1872,  pp.  80-if»). 

*  Cf.  Finot  (J.),  Le  commerce  entre  la  France  et  la  Flandre  au  moyen-âge.  (Ann. 
Gom.  fl.  Fr.  XXI,  pp.  1-392). 
3  Dieudonné,  Statistique,  pp.  121-1X1. 


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FI.ANDRK  INTÉRIEURE.  - 


LE  MIIJKI'  HUMAIN 


des  tanneries,  boucheries,  triperies  placées  au  centre  de  la  ville,  celle  des 
tonneaux  des  gadouards,  les  immondices  qui  remplissent  les  canaux  »  *. 
L'entassement  et  l'insalubrité  atteignaient  leur  maximum  à  L'Est, 
dans  le  quartier  St-Sauveur,  devenu  tristement  célèbre  à  ce  titre. 
(Tétait  déjà  au  XVIIIe  siècle  un  quartier  ouvrier,  peuplé  «  d'un  monde  de 
petits  artisans  attachés  à  leur  domicile,  peu  policés  et  très  rebelles  »  1  ; 
c'est  lui  qui  supporta  vaillamment  les  coups  du  bombardement  en  1792.  La 
population  y  vivait  dans  des  caves  et  des  courettes,  dont  l'horreur  rappelait 
celle  des  enclos  de  Gand.  Villormé  y  trouvait  les  habitants  plus  entassés 
encore  que  dans  les  deux  quartiers  les  plus  populeux  de  Paris,  les  uns  logés 
dans  des  caves  ne  recevant  le  jour  que  par  un  escalier  servant  de  porte  et 
de.  fenêtre,  les  autres  dans  des  cités  ouvrières  (courettes)  plus  malsaines 
encore;  la  seule  rue  des  E laques  avec  les  courettes  qui  y  aboutissaient 
abritait,  en  1826,  3.IHK)  habitants.  I,a  misère,  la  mortalité,  y  étaient 
effroyables,  et  la  classe  ouvrière  lilloise  semble  encore  sous  le  coup  des 
tristes  conditions  dans  lesquelles  vécurent  ses  ancêtres  jusqu'au  milieu  du 
XIXe  siècle  ». 

Otte  situation  ne  pouvait  durer;  la  ville  éclatait  dans  son  enceinte.  Le 
second  Empire  se  décida  à  l'agrandir  en  reculant  le  mur  d'enceinte  nu 
Sud,  jusqu'à  englober  les  communes  suburbaines  d'Ësquennes,  Wazemmes 
et  Moulins-Lille;  la  surface  do  la  ville  Ait  près  d'en  être  triplée.  Cependant 
l'accroissement  se  poursuivit  si  rapide,  que  l'étendue  annexée  s'est  presque 
tout  entière  couverte  de  maisons,  et  qu'il  ne  reste  plus  guère  de  vide  que  le 

coinS.-W.,où  pénètre  dans  un  décor  agrested'ormes  et  desaulesun  tortueux 
bras  de  la  Dénie.  Mais  les  nouveaux  quartiers  ne  ressemblent  pas  aux 
anciens.  Il  y  a  dans  Lille,  depuis  l'annexion  de  la  banlieue  Sud,  trois  villes 
qui  se  touchent  et  ne  se  confondent  pas.  lie  vieux  Lille,  au  Nord-Est,  a 
gardé  en  grande  partie  son  caractère  de  cité  compacte,  aux  rues  étroites 


1  Brault  (J.  A.)i  Kssai  sur  la  topographie  physique  et  médicale  de  la  ville  de  Lille 
(Recueil  de  Mémoires  de  Médecine,  Chirurgie  et  Pharmacie  militaires,  t.  VII,  1820, 
pp.  1-H3),  p.  106. 

>  Klammermont  (J.),  Histoire  de  l'industrie  à  Lille  (Lille,  1897),  p.  94. 

3  Voir  à  ce  sujet  :  Dupont  (J.-H.),  Topographie  historique,  statistique  et  médicale  de 
l'arrondissement  de  Lille  (Paris,  Delarue,  1833,  in-12,  :«»"7  p.),  pp.  112-110  ;  —  Villermé, 
Tableau  do  l'état  physique  et  moral  dos  ouvriers  employés  dans  les  manufactures  de 
coton,  de  laino  et  de  soie  (Paris,  Renouard,  1840,  2  vol.  in-8°)  [,  pp.  80-îK);  —  Gaze- 
neuve  (Dr),  Rapport  sur  los  opérations  du  conseil  de  révision  dans  le  département  <lu 
Nord  pendant  l'année  18'il  (Lille,  Danel,  1842,  in-8°)  ;  —  Gossolot  (!>'),  Do  la  création 
d'un  hôpital  pour  los  onfants  dans  la  ville  de  Lille  (Bulletin  médical  du  Nord,  1847, 
n»  5,  p.  12J>,  n°  (5,  p.  161)  ;  —  et  les  vers  de  Victor  Hugo  dans  les  Châtiments,  111, 
IX,  IL 


LE  (iROUPE  DR  LILLK 


bordées  dp  hautes  maisons  blanchies  à  la  chaux,  dont  les  fenêtres 
sont  souvent  ornées  de  festons  et  de  guirlandes  de  pierre  que  le  citoyen 
Barbault-Royer  jugeait  d'une  «  architecture  pesante  et  surchargée  »'  ;  c'est 
la  ville  du  grand  et  du  petit  commerce.  En  bordure  du  vieux  Lille,  sur 
l'emplacement  des  remparts  disparus  et  de  leurs  glacis,  s'est  bâtie  une  ville 
neuve,  grands  hôtels  des  riches  commerçants  et  industriels,  maisons 
bourgeoises,  édifices  publics;  c'est  le  type  de  toutes  les  grandes  villes 
modernes.  Enfin  tout  le  Sud  s'est  formé  de  la  réunion  des  anciens  faubourgs, 
rues  ouvrières  aux  petites  maisons  de  brique  rouge,  grandes  usines,  corons, 
ruelles  ;  c'est  là  que  grouille  la  population  flamande  émigrée  à  Lille  ;  c'est 
la  partie  industrielle  et  pauvre. 

En  dépit  de  cet  agrandissement  qui  lui  a  permis  de  respirer,  Lille  est 
restée  une  cité  où  la  salubrité  n'est  pas  encore  aussi  complète  qu'on  pourrait 
le  désirer.  I„a  mortalité  infantile  y  est  considérable  ;  un  quart  des  petits 
enfants  y  meurent  avant  un  an  :  la  proportion  est  de  2i,2i°/0,  contre 
20ti8%  à  Roubaix,  13,2i  à  Bordeaux  et  13,19  à  St-Etienne  *.  Aussi,  pour 
trouver  au  dehors  l'air  pur  qui  fait  défaut  dans  la  grande  ville  souillée  par 
les  fumées  industrielles,  comme  pour  échapper  à  la  cherté  de  la  vie,  les 
habitants  vont  s'établir  en  grand  nombre  dans  les  faubourgs.  Lille  pi-ésente 
un  curieux  exemple  de  ce  «  retour  aux  champs  »,  si  prononcé  déjà  dans 
beaucoup  de  grandes  villes  de  Belgique  et  d'Angleterre  ;  grâce  à  la  facilité 
qu'offrent  les  voies  de  communication,  les  Lillois  vont  habiter  les  communes 
suburbaines.  Aussi  la  population  de  Lille  a-t-elle  légèrement  diminué  de 
ISOÔà  1901,  tandis  que  celle  des  faubourgs  a  fortement  progressé.  H  osl 
donc  juste  d'ajouter  leur  chiffre  d'habitants  à  celui  delà  ville  pour  se  rendre 
compte  du  nombre  d'individus  que  groupe  l'organisme  lillois  :  290.000  âmes 
en  1901 ,  dont  210.<HX)  pour  la  ville,  presque  la  population  d'un  département 
moyen  du  centre  de  la  France  3. 

I.e  même  développement  industriel,  qui  faisait  passer  la  population  de 
Lille  et  faubourgs  de  75.000  à  290.000  âmes  au  cours  du  siècle,  quintuplait 
celle  des  villes  de  la  Lys.  Armentières  éUut  une  petite  ville  d'étape  sur 
la  rivière;  avant  la  création  de  la  route  de  Dunkerqueà  Lille  par  Cassel 
(XVIIIe  siècle),  elle  avait  moins  d'importance  que  (Aminés  ou  Warneton, 
par  où  passait  la  vieille  route  Lille-Ypres-Poperinghe-Bergues.  Devenue 
grand  centre  industriel,  elle  a  submergé  le  petit  noyau  urbain  qui  se  séri  e 


1  Barbault-Royer.  Voyage,  pp.  (50  ot  <i2. 
*  Oui  (D'),  La  mortalité,  p.  5. 

'  Hellemmea,  Mons-en-Barœul,  La  Madeleine,  Marcpieltc,  St-André,  Lambereart, 
Lomme,  Haubourdin,  lx>os,  Fâches,  Ronchin,  Lezeunes. 


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v.o 


FLANDRE  INTÉRIEURE.  -  LE  MILIEU  HUMAIN 


autour  do  la  grand'  place  dans  un  enchevêtrement  de  rues  banales  et  droi- 
tes ;  les  7.485  habitants  qui  formaient  en  1804  la  population  delà  ville  et  <le 
sa  grand»' banlieue  rurale  sont  devenus  29.401  en  1901,  et  même  52.000  si 
Ton  y  ajoute  les  faubourgs  d'Houplines,  Nieppe,  La  Chapelle,  en  partie 
découpés  dans  l'ancienne  commune  d'Armentières,  et  l'agglomération  belge 
de  Ploegsteert,  massée  derrière  la  frontière.  En  effet  chacune  de  ces  villes 
delà  Lys  est  double  :  la  population  ouvrière  se  tenant  de  préférence  sur  la 
rive  gauche,  —  belge  — ,  les  usines  et  les  commerçants  sur  la  rive  droite, 
— française — .Warneton  se  double  de  deux  communes  françaises,  (domines 
ajoute  aux  8.129  habitants  de  la  rive  française  les  5.927  de  Comines- 
Belgique,  soit  14.000  âmes;  Wervicq  et  Wervieq-Sud  forment  une 
agglomération  de  11.000  personnes;  enfin  Halluin  et  Menin  ne  sont 
qu'un  seul  groupe  de  35.000  habitants.  Halluin  rappelle  Zele,  Lokeren, 
Hamme,  les  tristes  villes  ouvrières  de  la  Flandre  Orientale;  la  mortalité 
infantile  y  atteignait  naguère  l'effroyable  chiffre  de  50  %,  tombé  en  un  an 
(1904)  à  39%  grâce  à  l'installation  d'une  Goutte  de  lait.  En  revanche, 
la  natalité  y  est  plus  forte  que  partout  en  France  ;  la  misère  de  l'ouvrier 
halluinois  le  détourne  de  la  prévoyance.  Tandis  que  la  natalité  ne  s'élève, 
à  Cambrai,  qu'à  18,4  pour  1.000  habitants,  qu'elle  atteint27,96à  Roubaix, 
28.74  à  Tourcoing,  28,84  à  Lille,  elle  est  de  41,7  i  à  Halluin,  St-Pol-sur- 
mer  ne  venant  qu'en  seconde  ligne  avec  40,35  *. 

Derrière  la  ligne  de  la  Lys,  la  mer  de  maisons  roule  â  travers  les 
campagnes  pittoresques  ;  les  villages  s'entourent  de  corons,  «  les  eourréos  ». 
qui  gagnent  de  proche  en  proche.  A  partir  de  Bondues,  la  route  de  Paris  à 
Menin  n'est  qu'une  rue  où  les  vieilles  censés,  les  auberges  massives  du 
XVIIIe  siècle  voisinent  avec  les  petites  maisons  ouvrières  de  brique  rouge. 
A  Linselles,  on  distingue  jusqu'au  centre  du  bourg  d'anciennes  fermes 
transformées  peu  à  peu  en  habitations,  en  magasins,  en  dépendances 
d'usines.  A  Roncq,  l'agglomération  est  formée  de  corons  qui  escaladent 
de  tous  côtés  la  colline.  Enfin  à  l'Est  la  campagne  disparaît  derrière  la 
couleur  rousse  des  toits  et  des  murailles;  c'est  le  groupe  de  Roubaix- 
Tourcoing  *. 

On  juge  souvent  le  développement  des  deux  villes  au  XIXe  siècle  comme 
un  prodige  industriel  comparable  à  la  croissance  des  grandes  cités  améri- 
caines. Cependant  il  faut  en  rabattre  ;  l'essor  de  Roubaix  est  même  infé- 
rieur à  celui  de  la  plupart  des  grandes  villes  industrielles  allemandes, 


'  ChitTres  se  rapportant  h  la  période  18fJ8-HK)2. 

*  Voir  Gayet,  La  Maison  «les  environs  de  Tourcoing,  dans  l'enquête  de  de  Fovillc,  I, 
p.  20. 


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LK  (ÎROUI'K  DE  LILLE 


i'il 


Barmen,  Elberfeld,  Essen  passé  de  6.000  à  1 19.000  habitants  en  un  demi- 
siècle,  ou  Lodzqui,  hameau  de  200  personnes  en  1820,  avait  350.000  habi- 
tants en  1900.  Roubaix  ni  Tourcoing  no  sont  brusquement  sorties  de 
terre  au  XIXe  siècle.  Dès  1697,  on  déclarait  que  Roubaix  n'était  pas  un 
village,  et  que  ce  serait  leur  faire  injure  que  d'appeler  ses  habitants  des 
villageois  ;  que  c'était  un  lieu  fort  considérable,  peuplé  d'un  grand  nombre 
d'habitants  1  :  probablement  12.000  en  1786.  Tourcoing  était  plus  considé- 
rable encore,  et  sa  population  atteignait  15.000  Ames  en  1750  *.  Il  est  vrai 
que  la  crise  révolutionnaire  et  la  disparition  de  la  frontière  firent  diminuer 
ces  chiffres,  et  que  le  recensement  de  1804  trouva  seulement  8.7015  habi- 
tants à  Roubaix,  et  11.889  à  Tourcoing  ;  les  deux  villes  n'en  possédaient 
pas  moins  20.(300  habitants  à  l'aurore  du  XIXe  siècle,  ("était  là  une 
enti*ée  de  jeu  déjà  respectable. 

\a*  développement  n'en  a  pas  moins  été  fort  remarquable.  Les 
20.600  habitants  sont  devenus  203.000  en  1901;  la  population  a  décuplé. 
Tout  cela  est  l'œuvre  de  l'industrie  ;  seule  la  contrebande,  à  côté  du  travail 
de  la  laine  et  du  coton,  contribue  à  faire  vivre  quelques  milliers  d'indi- 
vidus. Aussi  l'aspect  est-il  celui  d'une  ville  ouvrière  banale,  sauf  les 
quelques  quartiers  cossus  où  sont  établis  les  hôtels  des  fabricants.  Les  deux 
villes  d'ailleurs  ne  sont  p;is  toute  l'agglomération.  Sur  ce  sol  où  l'expan- 
sion n'était  pas  gênée  par  des  servitudes  militaires,  les  faubourgs  se  sont 
allongés,  englobant  peu  à  peu  les  communes  voisines.  Croix,  Watlrelos, 
Ixinnoy,  tiennent  à  Roubaix  ;  Neuville,  Moineaux,  Mouscron,  à  Tourcoing. 
En  ajoutant  à  la  population  de  ces  deux  villes  celle  de  leur  banlieue 
immédiate,  française  et  belge  3,  on  trouve  que  203.000  personnes  vivent 
sur  ce  coin  de  terre,  dans  les  maisonnettes  de  briques  qui  dévalent 
des  coteaux  ou  s'entassent  dans  les  vallons.  Déjà  l'avant-garde  du  groupe 
roubaisien  vers  le  Sud  n'est  qu'à  trois  kilomètres  des  faubourgs  de  Lille, 
et  une  grande  voie  monumentale  doit  être  bientôt  jetée  d'une  aggloméra- 
tion à  l'autre,  consacrant  la  jonction  de  ces  deux  puissants  foyers  indus- 
triels en  une  immense  ville  de  560.000  habitants. 

Pourtant,  en  dépit  de  cette  proximité,  chacune  de  ces  villes  garde  jalou- 
sement son  autonomie,  son  originalité.  Os  cités  neuves  ont  chacune  leur 
caractère,  tant  est  forte  la  personnalité  de  cette  race  d'industriels  qui  a 


'  Louridan.  Roubaix,  Y,  p.  '15. 

*  Roussel-Defontaine  (C),  Histoire  «te  Tourcoing  (Lille.  Vanackère,  1855,  in-8% 
452  p.),  p.  m. 

3  Wattrelos.  Lannoy,  Lys-lès-Laimoy,  Croix,  Wasquohal,  Nouveaux.  Neuville, 
Mouscron,  Herseaux,  Roubaix  a  121. U00 habitants  en  l'JOi,  Tourcoing  79.000. 


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442 


FLANDRE  INTÉRIEURE.  — 


LE  MILIEU  HUMAIN 


fondé  la  prospérité  actuelle.  Il  existe  un  esprit  roubaisien,  et  un  esprit 
toiirqueniiois,  aussi  éloignes  l'un  de  l'autre  que  possible.  Roubaix  est 
hardi,  entreprenant;  le  Roubaisien  se  dit  volontiers  Américain;  comme 
l'Anglo-saxon,  il  se  livre  avec  autant  d'ardeur  aux  recréa  lions  qu'aux 


|lre  édition  de  la  carte  topojrraphique  a  1  :  ftn.ntm 
FlO.  <!7.  —  Koiibaix-Tourooing  ver*  1810. 


affaires,  et  cultive  les  sports  plus  qu'on  ne  fait  dans  n'importe  quelle  ville 
française.  I.eTourquennois,  habitant  d'une  ville  qui  tient  à  Roubaix  par  des 
lignes  ininterrompues  de  constructions,  est  aussi  réfléchi,  aussi  ponctuel  que 
son  voisin  est  vif  et  primesautier.  Ainsi  une  vie  municipale  intense  existe 
jusque  dans  nis  agglomérations  neuves,  (l'est  là  d'ailleurs  un  des  traits  1rs 
plus  caractéristiques  de  la  vie  urbaine  en  Flandre,  que  celle  persistance  de 


fligitiaoct  by-Goegte 


LK  GROUPE  DE  LILLE 


443 


l'esprit  local.  ta  prospérité  des  villes  au  moyen-âge,  en  obligeant  les 
comtes  à  accorder  des  libertés  aux  citoyens,  a  habitué  ceux-ci  depuis  six 
siècles  à  prendre  conscience  des  intérêts  et  de  la  vie  de  leur  cilé;  de  là 
cette  persistance  de  sentiments  locaux,  et  cet  ardent  patriotisme  municipal, 


Fi<;.  >W.  —  Roubaix-Touivoing  vers  l!KM). 


qui  s'affirmenl  encore  par  des  fêtes  vivaces,  des  plaisanteries  tradition- 
nelles, une  rivalité  devenue  courtoise  mais  restée  ardente  avec  les  villes 
voisines. 


44i 


LES  VOIES  DE  COMMUNICATION.  -  LE  COMMERCE 


CHAPITRE  XVI. 
LES  VOIES  DE  COMMUNICATION.  — LE  COMMERCE 


I.  Communications  />ar  terre:  1rs  routes.  Voies  romaines.  Mauvais  état  «les  chemins 
dans  l'Ouest.  —  II.  hi  fuie  d'eau.  I»  réseau  navigable  avant  le  XVI*  siècle.  Trans- 
formations tles  XVI'  et  XVII"  siècles.  Établissement  «lu  réseau  français.  Les  voies 
navigables  au  XIXe  siècle.  —  111.  Les  voies  ferrées.  —  IV.  Le  Commerce.  Trafic  inté- 
rieur. Trafic  extérieur:  échanges  avec  l'Artois  et  l'Angleterre.  Mouvement  commer- 
cial des  porte.  Le  transit. 

Pour  distinctes  que  soient  les  deux  régions  flamandes,  l'unité  de  la 
Flandre  ne  s'en  est  pas  trouvée  compromise  ;  jamais  une  domination  poli- 
tique nos'est  établie  dans  l'unosans  être  maîtresse  do  l'autre,  etsi  les  hommes 
de  la  Plaine  ont  deux  fois  assuré  le  pouvoir  du  comte  de  leur  choix  sur  le 
Houlland,  c'a  été  sans  grandes  difficultés  L  Le  climat  a  beau  présenter 
dans  chacune  des  deux  parties  «les  différences  appréciables,  le  sol,  les 
productions  agricoles,  l'activité  économique,  le  caractère  même  et  l'aspect 
extérieur  des  hommes  changer  de  chaque  côté  de  la  ligue  de  démarcation  : 
la  facilité  des  communications  a  lié  de  tous  temps  à  l'Intérieur  la  Plaine, 
bande  de  terre  d'ailleurs  trop  étroite  et  trop  allongée  pour  pouvoir  se 
ramasser  en  une  province  compacte  et  vivante,  comme  l'a  fait  la  Hollande. 

L 

COMMUNICATIONS  l'Ail  TERRE  :  LES  ROUTES. 

Le  sol  de  la  Flandre  semble  se  prêter  admirablement  a  rétablissement 
des  roules.  Pas  d'accidents  de  terrain  :  les  «  monts  »  ne  sont  pas  des 
obstacles.  Pas  de  grands  fleuves  à  traverser:  la  Lys,  l'Kscaut,  étaient 
partout  guéables.  Pourtant  la  nature  du  terrain  constituait  un  gros 
obstacle.  A  l'Est  le  sable,  un  sol  fuyant  et  meuble,  dans  lequel  les  roues 
des  chariots  enfoncent  de  vastes  ornières.  A  l'Ouest,  l'argile,  bien  plus 


'  Sous  Robert  le  Frison  et  Thierry  «l'Alsace. 


LES  VOIES  ROMAINES 


V.:. 


funeste  encore,  avec  sa  boue  tenace  qui  enlise  bêtes  et  gens  ;  au  Nord,  une 
terre  gluante  coupée  «le  canaux.  I/humidité  du  climat  dégrade  les  chemins 
que  les  lourds  charrois  mettent  à  une  rude  épreuve. 

Voies  romaines. 

Cependant  l'administration  romaine,  dont  la  construction  des  routes 
constituait  une  des  grandes  préoccupations,  s'était  mise  hardiment  a 
l'œuvre.  Môme,  c'est  dans  l'Ouest,  où  les  difficultés  étaient  pourtant  plus 
grandes,  que  s'est  porté  son  principal  effort.  De  la  forteresse  érigée  sur  le 
mont  Cassel,  sept  grandes  routes  s'éloignaient  vers  tous  les  points  de 
l'horizon  :  les  unes  reliant  la  place  forte  aux  villes  romaines  de  l'Ouest  et 
du  Sud,  Arras,  Térouanne,  Boulogne,  les  autres  s'enfonçant  vers  l'inconnu 
du  Nord  et  de  l'Est  :  deux  viennent  s'arrêter,  à  Steene  et  Hovmille,  à  la 
limite  de  la  Plaine  maritime,  où  l'invasion  marine  a  fait  disparaître  leur 
prolongement  avec  les  lointaines  bourgades  vers  lesquelles  elles  se 
dirigeaient;  une  autre,  par  Poperinghe,  pénètre  dans  les  fourrés  de 
l'Est.  Du  haut  de  la  colline,  on  les  voit  toujours  s'éloigner  inflexiblement 
droites,  escaladant  les  pentes,  disparaissant  dans  les  creux  ;  tout  le  long 
de  leur  parcours,  elles  servent  de  limite  aux  communes,  ce  qui  est  une 
preuve  de  leur  haute  antiquité.  Les  soudages  pratiqués  ça  et  là  ont  moutré 
qu'elles  étaient  laites  de  grès  de  Cassel  (grès  diestiens)  surmontés  d'une 
couche  de  gravier  pris  dans  les  exploitations  les  plus  proches;  de  là  les 
noms  de  Steenstraete  (route  empierré*»)  ou  Rue  des  Pierres  que  leur  ont 
gardés  les  habitants  '. 

\aï  présence  de  voies  romaines  devient  beaucoup  moins  sûre  vers  l'Est*. 

route  Cassel-Poperinghe  se  suit  sans  grande  hésitation  par  Elverdinghe, 
Merckem,  Zarren,  jusqu'à  Wynendaele  :  mais  là  s'arrête  son  tracé.  Sur  les 
cartes,  on  en  a  indiqué  bien  d'autres:  de  Courtrai  à  Oudenbourg,  deThielt 


1  Voir  Figault  de  Beaupré,  Reconnaissance  des  voies  locales  existantes  au  V«  siècle 
(Mêm.  Soc.  Dunk.,  VI,  1858-50,  pp.  75-91);  —  Rigaux  (H.),  Topographie,  pp.  198-202. 

*  Sur  les  voie»  romaines  de  la  Flandre  belge  :  Van  der  Rit,  Etude  théorique  et 
pratique  sur  les  anciennes  chaussées  romaines  traversant  le  royaume  de  Belgique 
(Journal  de  l'Architecture,  4e  année,  Bruxelles,  1851,  pp.  <i(>-97,  1  carte)  ;  — Van 
Oessel  (C),  Topographie  fies  voies  romaines  de  la  Belgique  (Bruxelles,  1877,  4*  volume 
de  Sohaeyes)  ;  —  Verschelde,  Notice  sur  la  route  romaine  de  Cassel  à  Poperinghe  et 
Winendale  (Ann.  Soc.  Ern.  Br.,  série,  I,  1876-77,  pp.  245-249)  ;  —  (îauchez  (V.), 
Topographie  des  voies  romaines  de  la  Belgique  (Ann.  Ac.  Arch.  Belg.,  XXXVIII, 
1882,  432  pp.,  3  cartes)  ;  —  Van  den  Bussche  (E.),  I^is  chaussées  romaines  en  \V est- 
Flandre  (la  Fl.,  XV,  1884,  pp.  51-70,  carte). 


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LRS  VOIES  DE  COMMUNICATION. 


-  LE  COMMERCE 


à  Bruges,  de  Furnes  à  Gand,  do  Cassel  à  Anvers,  de  Bavai  à  Bouchaute, 
de  Bavai  à  Wenduyne,  de  Boulogne  à  Utrecht,  sans  compter  <les  tracés 
plus  extraordinaires  encore.  Ces  hypothèses  reposent  sur  «le  faibles 
indices:  découverte  de  monnaies,  persistance  en  un  point  du  nom 
Steenslraete,  existence  de  vieux  chemins  encore  appelés  Ileirweg  (chemin 
militaire)  ou  Heidenweg  (chemin  des  païens).  Il  y  eut  bien  là  des  routes 
antérieures  au  XIe  siècle,  et  par  où  se  faisait  le  trafic:  plusieurs  d'entre 
elles  s'étoilenl  au  Sud  de  Bruges,  le  Dixmuidschen  hoirwog,  par  Aertryeke, 
recliligue  par  les  bois  et  les  clairières;  l'Aerdenhurgschen  heirweg,  le 
Gendschenheirwcg,  le  Curtryewech;  une  autre,  le  l/ioweg,  longe  de 
Drincham  à  Loi)  le  bord  de  la  plaine  maritime.  Peu  importo  qu'elles 
soient  d'origine  franque,  romaine,  ou  an  té- romaine  :  au  moins  ces  pistes  de 
sable  déroulant  leurs  ornières  à  travei-s  la  Flandre  orientale  continuèrent- 
elles  jusqu'à  notre  époque  à  assurer  le  trafic,  tandis  que  les  belles  et 
authentiques  voies  romaines  de  l'Ouest  ne  suffisaient  plus,  faute  d'entretien, 
à  faire  communiquer  entre  elles  les  régions  de  la  West-Flandre. 

Mauvais  état  des  chemins  dans  l'Ouest. 

La  West-Flandre  souffrit  jusqu'au  XIXe  siècle  de  ce  mauvais  état  des 
voies  de  communication.  Avec  ses  fossés,  ses  haies,  ses  arbres,  ses  chemins 
défectueux,  c'était  le  pays  impraticable.  Philippe-Auguste  en  sut  quelque 
chose,  lorsqu'il  mena  son  armée  s'engluer  autour  de  Steenvoorde,  malgré 
les  conseils  de  ses  familiers  qui  lui  avaient  représenté  les  difficultés  que 
causeraient  à  son  armée  «  l'abondance  des  fossés  et  l'étroitesse  des 
chemins  »  Il  en  était  encore  de  même  au  XV1T  siècle;  en  163Ô  Bailleul 
ne  pouvait  guère  se  procurer  le  nécessaire  pendant  l'hiver  que  grâce  à  la 
navigation  sur  la  beeque,  les  chemins  étant  trop  mauvais  i.  L'intendant 
Barentin  constate  en  1699  que  la  riche  chàtellenie  de  Cassel,  faute  de 
chemins  praticables,  ne  peut  débiter  les  denrées  qu'elle  produit,  ni  assister 
les  châtellenies  voisines  en  cas  de  disette  3.  Un  projet  de  défense  du  pays 
après  17 10  déclare  qu'entre  Armentières  et  Cassel,  les  grands  chemins 
sont  impraticables  quasi  toute  l'année,  parce  qu'ils  sont  trop  bas  et  bordés 
d'une  si  grande  quantité  d'arbres  que  le  soleil  n'y  peut  être  jamais  et  ne 


1  Radulf  de  Coggeshale,  M.  <L  SS.  XXVII,  p.  352. 
*  De  Coussemaker  (I.),  Documents  inédite,  I,  p.  424. 

I  Mémoire  concernant  la  Flandre  française  occidentale,  ou  Flandre  du  coté  de  la 
mer,  par  M.  BareoUa  (Bibl.  connu,  de  Lille,  m  se.  n°  7>Tî). 


LE  M  AL  VAIS  ÉTAT  DES  CHEMINS  DANS  L'OUEST 


peut  les  sécher  L  Au  début  du  XA'III**  siècle,  tout  1»*  commerce  de  Lille 
avec  Dunkorque  se  faisait  soit  par  la  chaussé»  d'Ypros,  soit  par  la  Doûle  et 
la  Lys  jusqu'à  Ai re,  d'Aire  à  St-Omorpar  terre,  et  de  St-Omorà  Dunkorque 
par  eau;  de  là  l'opposition  violente  que  l'Artois,  qui  profitent  do  ce transit, 
fait  on  1732  au  projet  do  chaussée  do  Berguos  à  Armonlières  ot  Lillo  *.  1/* 
préfet  Dioudonné  constatait  encore  avec  tristesse,  on  I SI > i ,  le  mauvais  état 
des  routes,  «  qui  ont,  dans  la  nature  du  sol,  une  cause  perpétuelle 
de  dégradation,  le  terrain  bas,  humide,  et  souvent  tourbeux,  n'ayant 
aucune  solidité  »  \ 

L'état  des  routes  était  pis  encore  dans  la  plaine  de  la  Lys.  La  nature  du 
sol,  plus  gras  et  plus  humide  qu'autour  de  Cassel  et  d'Ypros,  les  rendait 
impraticables  en  toute  saison.  En  1701,  la  ville  de  St-Venanl  se  plaint 
d'être  «  inaccessible  par  le  mauvais  état  dos  chemins  »  *  ;  en  ITlio  les 
échovins  expliquent  que  par  temps  humide  c'est  la  boue  qui  empêche 
d'approcher  do  la  ville,  et  par  temps  sec  les  ornières  qui  sont  si  effroyables, 
«  qu'il  est  impossible  d'y  aborder  soit  à  cheval  soit  en  voiture  sans 
s'exposer  à  tout  briser  »  s.  Pendant  plusieurs  années,  la  vieille  voie  romaine 
Cassel-Arras  est  impraticable  entre  Kstaires  et  La  Hassée  à  un  endroit 
appelé  le  Trou  (iallot,  «  où  s'est  creusé  un  abîme  qui  dévia  coûter  la  vie 
à  tous  ceux  qui  y  passeront  »  6.  Le  seul  moyen  pour  les  piétons  de  circuler 
en  hiver  dans  le  pays  (car  pour  les  voitures  il  n'y  fallait  guère  compter), 
c'était  de  sauter  de  pas  eu  pas  sur  les  blocs  de  grès  de  Béthune  que  la 
prévoyance  de  l'autorité  avait  fait  placer  sur  un  côte  de  chaque  chemin, 
et  qu'on  appelait*  pierres  de  Marche-pied  »  ou  «  pierres  de  pas  »  ;  chaussés 
de  souliers  fortement  ferrés  pour  ne  pas  glisser  sur  les  grès  et  disparaître 
dans  le  bourbier  jusqu'à  la  ceinture,  armés  de  longues  porches  pour  sauter 
d'un  bloc  à  l'autre,  les  gens  du  pays  étaient  habitués  à  celte  manière  de 
voyager,  et  les  accidents  étaient  rares7.  Tout  au  contre  de  la  plaine,  le 
petit  pays  de  l'Alleu  restait,  une  grande  partie  de  l'année,  isolé  du  reste  du 


«  Document  publié  [»ar  I )esplanqiie  (A.),  (Bull.  (è>m.  fl.  Fr.  IV,  pp.  252-270.1  ;  cf. 
p.  205. 

1  An-h.  Pas-de-Calais.  Fonds  Ktats  d'Artois,  n°  12-'?. 
•"»  Dieudonné,  Statistique,  III,  p.  2. 

*  Requête  des  oeheviris  aux  Etats  «l'Artois;  Areh.  Pas-de-Calais,  G.  583,  pièce  40. 

»  Ibid.,  pièce  50. 

8  Ibid.,  pièces  96  et  !f7. 

7  Sur  l'existence  des  pierres  de  Marche-pied,  voir  :  Arch.  Nord,  G.  (Fl.  Mar.),  54  ;  — 
Dieudonné,  Statistique,  I,  p.  2-U  ;  —  Feuille  hebdomadaire  de  rarrondissemeiit  de  St- 
Onier,  n°  du  20  juin  IS07. 


LKS  VOIKS  I)K  COMMl'NICATION. 


-  LK  COMMKRCK 


monde,  sauf  par  les  cours  d'eau  ;  et  ses  habitants  réclament  dans  les 
cahiers  de  1789  «  que  comme  le  pays  n'a  point  de  sortis,  il  soit  accordé 
un  pavé  »  Cette  difficulté  de  pénétrer  dans  le  pays  créait  dans  ces 
quatre  paroisses  de  l'Alleu  un  état  d'esprit  particulier;  l'autorité  conitale 
ou  royale  ne  s'y  faisant  que  diflicilemenl  sentir,  les  habitants  avaient 
contracté  de  singulières  habitudes  d'indépendance  et  de  violence,  qui 
rappellent  celles  des  gens  de  Fumes  au  XIP  siècle;  la  guerre,  privée  des 
d'Englos  et  des  Neuve-Eglise  y  ensanglante  'S)  années  du  XIV''  siècle  ;  en 
L'^88  ceux  de  l'Alleu  viennent  provoquer  les  «  Flamands  »  à  I^a  Gorgue  ;  en 
quelques  années  on  compte  trente  homicides  à  Laventie.  Au  XV F  siècle 
ce  sont  les  protestants  qui  s'y  établissent  et  résistent  longtemps  à  l'Espagne; 
au  XYIIF  siècle,  des  contrebandiers  y  ont  leur  quartier  général.  Sous 
l'Empire,  les  réfractaires  s'y  protègent  dans  le  dédale  des  fossés,  des  haies, 
des  arbres,  des  marais,  ayant  à  leur  tôle  l'aventurier  Fruchard,  surnommé 
Louis  XVIII  ;  de  là  ils  narguent  en  181^  la  division  Boyer  de  Hibeval  qui 
n'ose  pas  quitter  Béthune  tant  que  dure  l'automne,  mais  qui,  la  gelée 
arrivée,  pénètre  dans  l'Alleu,  pousse  les  réfractaires  vers  le  pont  d'Estaires, 
et  les  y  enveloppe  pour  les  incorporer  à  Béthune  d'où  ils  s  échappèrent 
au  premier  dégel  *. 

Bien  entendu,  la  situation  était  la  même  dans  la  Plaine  maritime.  On 
n'y  trouve  pour  ainsi  dire  pas  de  routes  jusqu'à  l'époque  moderne  ;  toutes  les 
communications  se  font  par  voie  d'eau.  C'est  en  1502  seulement  qu'on 
parle  de  construire  une  chaussée  de  Bruges  à  Nieuport  3;  et  en  17871e 
Calaisis  et  l'Ardrésis  n'avaient  encore  que  trois  grandes  routes  et  trois 
chemins  *.  On  s'explique  la  popularité  du  Pont-Sans-Pareil(Pont-d'Ardres), 
qui  permet  de  franchir  d'un  seul  coup  quatre  larges  cou rs  d'eau,  réunit 
quatre  routes,  huit  chemins  de  halage,  soit  en  tout  douze  voies  de  commu- 
nication; dans  un  pays  si  impraticable,  c'était  un  résultat  merveilleux.  Il 
est  vrai  que  jusqu'aux  travaux  effectués  après  la  loi  sur  les  chemins  vici- 
naux, la  plupart  des  voies  étaient  encore  impraticables  par  les  hivers 
pluvieux  sans  des  pierres  ou  des  planches  disposées  sur  le  côté  ;  et  en  18"J8 
le  maire  de  Guemps  se  plaint  qu'une  personne  ayant  négligé  de  mettre  des 


1  Loriquet,  Cahiers,  p.  387,  article  17  du  cahier  de  I milieu. 

î  Desplanque  (A.),  Batailles  et  guerres  privées  dans  le  pays  de  Italien  au  XIV*  siècle. 
i:fts2-r«»5  (\Ui\l.  Corn.  fl.  Fr.  IV,  pp.  2(19-230)  :  -  Dictionnaire  historique  et  archéo- 
logique du  Pas-de-Calais,  arrondissement  de  Béthune,  I,  pp.  ^T)S-^î2;  II,  pp.  228-25», 
2V7-25X. 

3  Feys,  Oudenhoiirg,  I,  p.  255. 

*  Arch.  Pas-de-Calais,  C.  H2,  pièce  3. 


LA  VOIR  D'EAU 


planches  le  long  du  chemin,  a  compromis  la  vie  dos  étrangers,  empêché  le 
curé  d'aller  célébrer  le  service  divin,  le  médecin  d'aller  secourir  les 
malades  Encore  aujourd'hui,  certaines  fermes  de  la  Flandre  zélandaise 
restent  comme  isolées  tout  l'hiver. 

Ainsi  la  Flandre,  celle  de  l'Ouest  surtout,  a  souffert  jusqu'au  XIXe  siècle 
du  manque  de  routes.  Le  fermier  restait  cloîtré  une  partie  de  l'année  dans 
son  hofstede,  son  horizon  restant  borné  au  petit  coin  de  terres  qui 
ent< mraient  son  habitation;  peut-être  cette  difficulté  de  communications 
a-t-elle  eu  quelque  influence  sur  le  caractère  un  peu  fermé  du  paysan 
flamand.  Car  les  routes  praticables  en  toute  saison  ne  datent  que  du 
XIXe  siècle.  Le  XVIIIe  vit  ouvrir  quelques  grandes  chaussées,  utilisables 
pour  le  trafic  général:  la  route  de  Lille  à  Dunkerque  par  Warneton  et 
Ypres  est  achevée  en  17IMI,  relie  d'Armentières  à  Dunkerque  en  1751);  on 
commençait  en  1773  celles  de  St-Oiner  et  d'Aire  à  Cassel  ;  celle  de 
Dunkerque  à  Calais  n'était  ouverte  en  178»  que  jusqu'à  Loon.  Mais  les 
chemins  ruraux,  qui  font  sortir  de  l'isolement  les  villages  et  les  fermes, 
sont  du  XIXe  siècle;  les  Waloringues,  dans  le  bas-pays,  contribuèrent 
largement  à  leur  extension.  D'ailleurs  la  plupart  de  ces  routes  et  chemins 
sont  pavés,  tant  l'établissement  de  voies  macadamisées  est  jugé  coûteux 
sur  ce  sol  mou,  détrempé  par  l'humidité  incessante. 

II. 

IJl  VOIE  D'EAU. 

< 

Heureusement  la  Flandre  disposait  d'un  autre  moyen  de  communi- 
cations, qui  venait,  dans  une  large  mesure,  atténuer  l'inconvénient  du 
mauvais  état  de  ses  routes.  L'humidité  de  l'atmosphère  et  du  sol,  funeste 
aux  chemins,  permettait  en  revanche  d'utiliser  largement  le  système  des 
voies  d'eau.  Li  navigation  fui  jusqu'au  XIX' siècle  le  mode  de  communi- 
cation le  plus  apprécié,  et  il  est  peu  de  pays  où  elle  ait  conservé  autant 
d'importance. 

C'est  par  la  commodité  des  rivières,  disait  en  1(532  Philippe  IV  dans  ses 
instructions  au  Cardinal-Infant,  que  le  commerce  fut  autrefois  introduit 
en  Flandre  *.  C'est  en  effet  par  les  rivières,  Lys,  Escaut,  Dendre,  Deûle, 
Aa,  fleuves  lents  et  commodes,  que  pénétrèrent  en  Flandre  les  marchands; 


1  Registre  îles  délibérations  île  la  commune,  G  janvier  1828. 
*  Hriavoinne,  Etat  'le  la  population,  p.  30. 

•A» 


450  LES  VOIES  DE  COMMUNICATION.  -  LE  COMMERCE 

c'est  sur  leurs  bords  que  s'établirent  les  grandes  villes.  Mais  le  reseau  serré 
des  petits  affluents,  bocquesqui  coulent  à  la  Lys,  fossés  du  pays  de  l'Alleu, 
watergands  de  la  plaine  maritime,  ne  laissait  pas  de  porter  bateau,  et  de 
venir  déposer  jusqu'à  la  «  place  »  des  villages  les  denrées  agricoles,  les 
matériaux  de  construction  et  de  chauffage.  C'est  par  bateau  que  les  gens 
du  Franc  amènent  les  grains  au  marché  des  bonnes  villes,  puisque  «  le 
pays  est  de  telle  nature  qu'en  temps  d'hiver  on  n'en  peut  sortir  à  cheval  ni 
à  chariot  »  et  qu'on  transporte  la  tourbe  exploitée  dans  la  plaine  mari- 
time *.  Aussi  les  échevins  de  Calais  en  1777  déclarent-ils  inutile  la  cons- 
truction de  la  route  de  Dunkerque,  «  puisque  le  transport  des  marchan- 
dises pour  Dunkerque  ne  se  fait  jamais  par  charrois,  mais  par  bateaux,  les 
canaux  étant  à  proximité  et  moins  frayeux  »  ;  à  peine  servira-t-elle  pondant 
les  quelques  jours  où  les  cours  d'eau  sont  gelés  3.  C'est  en  grande  partie 
pour  être  à  portée  des  matériaux  de  construction  qui  leur  arrivent  par  les 
watergands  que  les  villages  s'établissent  nombreux  à  la  lisière  du  Houtland 
et  de  la  Plaine  ;  et  c'est  pourquoi  un  certain  nombre  de  vieilles  églises  de 
cette  lisière,  à  Steene,  liulscamp,  Noordschoote,  sont  bâties  pour  moitié 
en  grès  de  Cassel.  Dans  l'intérieur,  d'insignifiantes  becques  sont  utilisées 
de  la  même  façon  ;  il  existe  à  Steenweirk  au  XVIIe  siècle  un  «  martschop» 
ou  bateau  du  marché,  qui  va  porter  les  denrées  par  le  ruisseau,  une  fois 
par  semaine,  à  Armentières  *.  Malgré  l'établissement  des  routes,  le  trafic 
existe  encore  ;  il  y  a  25  ans,  on  chargeait  des  bateaux  de  grain  à  Steen- 
werek  ;  il  y  a  peu  de  temps  qu'on  n'utilise  pins,  à  Yieux-Berquin,  la  Plato- 
becque  pour  les  transports,  et  il  y  a  encore  une  petite  navigation  sur  le 
Keminelbeek.  Par  les  watergands,  les  bateaux  de  briques,  de  fumier,  do 
denrées  agricoles  continuent  à  se  glisser  dans  tous  les  coins  de  la  plaine 
maritime,  et  il  y  a  des  petites  régions,  les  marais  de  Guînes  et  ceux  de 
Sl-Omer,  où  les" barques  sont  utilisées  seules  pour  le  transport  :  barquettes 
effilées  aux  extrémités,  qui  se  faufilent  dans  le  dédale  du  marais. 


Le  réseau  navigable  avant  le  XVI*  siècle. 

A  mesure  que  s'augmentait  le  mouvement  commercial,  la  nécessité 
d'user  tics  voies  d'eau  devint  si  grande  qu'on  dut  songer  à  les  améliorer. 


«  Charte  île  1515,  Ltelepierre,  Précis,  l'«  série,  III,  p.  223. 
*  Van  de  Putte,  Dunes,  p.  C»:i3. 

Arch.  l'as-ik-Calais,  C.  151,  pièce  1GU 
»  Arch.  Nonl,  C.  (Kl.  Mar.)  54. 


d  by  Gc 


LK  RKSKAl*  NAVKiABLK  AVANT  LE  XVI«  SIÈCLE 


I,a  pente  naturelle»  était  pou  considérable;  cependant  pour  la  rendre 
moins  sensible  encore,  on  barra  les  rivières;  et  comme  l'écluse  a  sas 
n'existait  pas  encore,  on  s'avisa  de  faire  passer  les  bateaux  d'un  bief 
à  l'autre  au  moyen  d'un  overdrach,  plan  incliné  sur  lequel  on  faisait 
glisser  les  embarcations  au  moyen  d'un  treuil  actionné  par  des  hommes 
ou  des  animaux  l.  Il  en  existait  dès  le  XIIIe  siècle  à  Watten,  à  Bergues, 
à  Lynck  1  ;  un  autre  est  mentionné  en  1351  à  Slype  sur  l'Yperleet,  un  à 
Snaeskerke  en  1633  3  ;  celui  de  Fintelle,  sur  le  canal  de  Loo,  n'est 
disparu  qu'en  1828.  Non  seulement  on  rend  navigables,  au  XIIIe  siècle, 
la  I tondre  jusqu'à  (irammont,  la  Haute-Deûle  de  Lille  à  Ui  Bassée, 
mais  on  creuse  des  canaux.  \«\  plupart  ne  sont  que  des  tronçons  de  rivière 
que  l'on  rectifie  et  approfondit  :  la  Lieve,  qui  joint  l'Escaut  au  Zwin, 
ouverte  par  les  Gantois  de  1228  à  1251,  est  dans  ce  cas;  le  canal  de  Pope- 
ringhe,  dont  le  creusement  est  autorisé  par  une  charte  de  1 187,  utilise  avec 
l'aide  de  plusieurs  overdrachs  le  cours  du  ruisseau  qui  coule  de  Poperinghe 
à  Klsendamme  ».  Le  canal  d'Ostende  à  Oudenbourg  remonte  à  1281;  la 
Colme  est  recreusée  en  1293;  le  canal  de  I/>o  existe  au  XIIIe  siècle5. 
Enfin  l'Yperleet  est  canalisé  dès  le  XIIe  siècle  entre  l'Yser  et  Bruges.  Abou- 
tissant d'un  côté  au  Zwin,  se  prolongeant  de  l'autre  par  la  Venepe  et  la 
Colme  jusqu'à  l'Aa,  et  par  la  «  rivière  de  Calais  »  jusqu'à  Ardres,  Guines 
et  Calais,  au  Sud  permettant  d'atteindre  Ypres,  à  quelques  lieues  de  la 
Lys,  c'était  la  plus  magnifique  voie  d'eau  de  toute  la  Flandre,  «  profitant 
non  seulement  à  ceux  d'Ypres,  mais  à  ceux  de  Sl-Omeretde  tout  le  West- 
quartier,  qui  viennent  importer  leurs  marchandises  en  toute  saison  au  lieu 
de  les  amener  comme  autrefois  par  mer,  avec  grand  danger  et  grosse 
aventure,  et  à  plus  grands  frais  »  8.  C'est  par  là  qu'arrivaient  les  laines 
anglaises,  lorsque  l'étape  eut  été  transférée  à  Calais;  et  la  charte  de  1 132 
énumère  parmi  les  denrées  transportées  les  blés  et  graines,  laines,  chaux, 
vin,  fruits,  fers,  etc.  7.  Aussi  veillait-on  avec  grand  soin  à  son  entrelien  : 


«  Deschamps  de  l'as  (L.),  Ce  que  c'éiait  qu'un  overdrach  (Ami.  Coin.  11.  Fr.  VI, 
1861-02;  pp.  210-222). 

*  Lynck,  1234  ;  Bergues,  1244  ;  Wallen,  I2T»4  (Van  de  Hutte,  Dunes,  pp.  192,  l!l9,380j. 
3  Limburg-Stiruin,  Cartulaire,  II,  p.  10;  —  Van  den  Bussohe,  Inventaire,  I,  p.  289. 

*  D'Hoop,  Recueil  «les  chartes  <Iu  prieuré  de  SiBertin  à  Poperinghe  (Bruges,  Soc. 
d'Em.,  1870),  p.  25. 

5  Sur  ces  canaux,  voir:  Van  Ortroy  (F.  t.  Carte  de  Flandre  de  l,ri38  par  lierre  Van 
der  Beke  (o'and,  Van  Doossclaere,  1891,  in-8»,  14T»  p.),  pp.  114,  120,  120-128. 

6  Charte  do  1-417,  dans  (iilliodus.  Coutumes  du  Franc,  II,  p.  209. 

7  Diegerick,  Arch.  d'Ypres,  III,  p.  101. 


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452 


LES  VOIES  DE  COMMUNICATION.  -  LE  COMMERCE 


des  envoyas  d'Ypres  visitaient  fréquemment  lo  cours,  examinaient  la  pro- 
fondeur du  lit,  l'état  des  ponts,  des  écluses,  des  overdrachs  1  ;  en  131 1  les 
Yprois  ouvrent  un  canal  latéral  à  la  rivière  entre  leur  ville  et  l'Yser;  en 
14 10  ils  établissent  à  Nieuwendamme  un  nouveau  canal  et  un  overdrach 
pour  éviter  aux  bateaux  allant  d'Ypres  ou  deSt-Oiner  à  Bruges  de  passer  par 
Nieuport  ;  en  1423  ils  approfondissent  l'Yperleet  tout  entier  pour  le  rendit» 
navigable  à  des  bateaux  d'un  fort  tonnage  *.  L'Aa,  de  St-Omer  à  G ra vé- 
lines, n'était  pas  moins  utilisé;  enfin  on  a  vu  la  fortune  du  Zwin. 

Transformations  des  XVI"  et  XVII'  siècles. 

Ce  réseau  navigable  se  modifia  au  XVIe  siècle.  La  disparition  du  Zwin 
en  fut  la  première  cause  :  elle  ruina  la  prospérité  de  l'Yperleet,  qui  deve- 
nait un  cul-de-sac  ;  d'autre  part  Ypres  déchue  n'avait  plus  la  force  ni  les 
moyens  d'entretenir  la  rivière  dont  elle  avait  jalousement  assumé  la  garde. 
1*1  l.ieve  s'envase  à  son  tour  ;  en  1513  déjà,  elle  ne  sert  plus  guère  qu'aux 
transport  des  tourbes  •*'.  Pour  se  rouvrir  vei-s  la  mer  une  issue  directe, 
Garni  fait  recreuser  à  partir  de  1551  un  vieux  canal  mentionné  en  1323 
entre  l'Escaut  et  Selzaete  *,  et  qui  ^ès  1552  atteint  le  Braakman  au  Sas. 
Kn  même  temps  Philippe  II  octroie  (1550)  la  concession  d'un  canal  entre 
Stekene,  Hulst  et  l'Escaut 5.  Bruges,  de  son  côté,  creusait  son  «  Nieuwe 
Gedelf  »  jusqu'à  Sluis.  Mais  la  grande  guerre  survient.  En  1572,  les  écluses 
du  Sas  sont  détruites  ;  Sluis  et  Hulst  deviennent  hollandais.  \je  traité  de 
Westphalie  empêche  toute  navigation  de  la  Flandre  vers  le  Ilont  ;  les 
grands  estuaires  sont  condamnés  à  mort,  et  les  voies  qui  y  aboutissaient 
désertées  par  le  commerce. 

Pour  retrouver  des  débouchés  vers  la  mer,  la  Flandre  dut  faire  volte- 
face.  Malgré  leurs  efforts,  les  Hollandais  n'avaient  pas  pris  Dunkerque,  ni 
gardé  Ostemle;  on  se  retourna  vers  ces  ports.  Gand  donnait  encore 
l'exemple  en  commençant,  vers  1013,  les  travaux  d'un  canal  qui  devait  le 
relier  à  Bruges;  mais  ces  travaux  traînèrent,  et  ce  n'est  qu'en  172 i  que  les 
bateaux  purent  aller  d'une  ville  à  l'autre  :  c'est  le  canal  actuel  de  Gand  à 


•  Feys,  Omlenbourg,  I.  p.  571. 

i  Diegerick,  Arch.  .l'Ypres,  1,  pp.  232  et  2»>i,  III,  p.  72. 
3  Dubois  et  île  Hutnlt,  Coutumes  de  Garni.  II,  p.  87. 

*  Van  Diiyse  i-t  il.-  Bussoher,  Inventaire  aualviicpie  .les  chartes  et  tloeuments  appar- 
l.-nant  aux  arehives  de  la  ville  île  (îaml  (Garni,  Annout-Uraeekmaii.  18C.7,  iii-i",  720  p.), 

n"  :m. 

••  Wolters.  Recueil,  I,  p.  106. 


LES  TRANSFORMATIONS  DES  XVD  ET  XVII"  SIÈCLES  m 

Bruges  par  Vinderhaute  et  St-Goorgos.  De  son  côté,  Bruges  essaie  do 
retrouver  à  l'Ouest  son  débouche  à  la  mer.  Four  cela  on  recommence  a 
utiliser  l'Yperleet,  mais  cette  fois  a  rebours  de  son  ancien  cours.  On  le 
recrense,  en  1G22,  en  un  canal  qui  va  de  Bruges  a  Plasschendaele,  où  il 
atteint  la  criquo  d'Ostondo,  étendue  à  cette  date  vers  Zandvoorde.  Mais  ce 
débouché  à  la  mer  par  une  crique  vaseuse  fut.  bientôt  jugé  incommode  ot 
insuffisant  ;  dés  1639,  on  allait  chercher  plus  loin  à  l'Ouest  l'estuaire  qui 
serait  le  port  définitif  de  toute  la  Flandre  ;  on  utilisait  le  lit  de  l'Yperleet 
à  partir  d'Oudenbourg  pour  creuser,  jusqu'à  Nieuport,  un  canal  qui 
s'appela  Canal  de  Flasschendaele.  Enfin  Nieuport  étant  envasé,  la  Flandre, 
avec  une  belle  ténacité,  alla  plus  loin  encore  conduire  ses  canaux  vers 
l'Ouest:  en  1(348  on  établissait  la  voie  d'eau  Nieuport-Furnos,  qui  se  reliait 
à  Fûmes  avec  le  canal  creusé  en  1(>38  jusqu'à  Duukerque.  Ku  1648  donc, 
la  ligne  Bruges-Dunkerque  était  achevée,  90  kilomètres  de  canaux  ressus- 
citant à  travers  la  plaine  maritime  la  voie  de  l'Yperleet,  complétée  à 
l'Ouest  parla  remise  en  état  du  canal  de  Borgnes  en  I&34,  de  la  Haute- 
Colme  à  la  mêmedate,  et  de  la  Basse-Colme  eu  1662;  de  nouveau  on  pouvait, 
de  Bruges  et  bientôt  de  Garni,  gagner  Gravelines,  St-Omer,  Calais,  mettre 
en  relation  les  différentes  parties  de  la  Flandre.  La  grandeur  de  l'œuvre 
surprendrait,  étant  donné  l'état  précaire  du  pays  à  celte  date,  si  l'on  ne 
songeait  que  la  plupart  de  ces  travaux  n'étaient  que  des  rectifications, 
approfondissement,  élargissement  de  voies  d'eau  déjà  existantes:  l'Yper- 
leet de  Bruges  à  Nieuport,  et  de  là  à  Furnes  un  canal  existant  déjà  au 
XIVe  siècle,  et  qu'on  recreusait  en  1113;  comme  le  dit  l'acte  d'octroi  de 
1638,  il  s'agit  «  deslargir,  approfondir,  et  en  aulcuus  endroits,  par 
nouveaux  fossoyements,  accourir  les  canaulx  se  trouvant  depuis  le  Sas  du 
dict  Plassehendaelo...  jusquos  à  Duncquerque  »     Enfin  on  se  préoccupe  de 
joindre  directement  la  Lys  à  ce  système  de  canaux  ;  il  est  question  en  1611 
d'un  canal  de  Roulers  à  Dixmude,  et  en  1664  on  exhausse  tous  les  ponts 
de  la  Mandel  pour  livrer  passage  à  la  navigation  ;  en  1667  naît  un  projet 
de  canal  Warneton-Ypres  *.  Le  réseau  est  reconstitué,  orienté  vois  la  mer 
du  Nord,  avec  Dunkerque  comme  débouché. 

Mais  en  1662,  I)unkerque  tombe  définitivement  entre  les  mains  des 
Français.  Il  faut  se  rabattre  sur  Ostende  :  en  1666  on  trace  un  canal  de 
quelques  kilomètres  de  Plasschendaele  à  Slykens,  où  une  écluse  à  sas 
permet  aux  bateaux  l'entrée  dans  la  crique  et  le  port.  Ostende  devient 
l'emporium  flamand,  et  connaît  la  prospérité  au  début  du  XVIII8  siècle. 


1  Delopierre,  Précis,  Ie  série,  III,  p.  «52. 
i  Vifquain,  pp.  30-4& 


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151 


LES  VOIES  DE  COMMUNICATION.  —  LE  COMMERCE 


Cependant  la  Franco  continue  ses  conquêtes  :  la  Haute-Lys,  la  Deûle, 
passent  sous  la  domination  de  Louis  XIV  ;  plus  tard  les  Anglais  et  les  Hol- 
landais obtiennent  la  disparition  delà  Compagnie  d'Ostende.  Bâillonnée 
au  Nord)  diminuée  à  l'Ouest,  la  Flandre  végète  au  XVIIIe  siècle  ;  on  se 
contente  d'entretenir  lo  réseau  navigable  devenu  presque  inutile,  sans 
chercher  à  l'améliorer  ni  à  l'étendre. 

Etablissement  du  réseau  français. 

Au  contraire  dans  la  partie  devenue  française,  les  XVIIe  et  XVIIIe  siècles 
sont  la  grande  période  de  canalisation.  Il  s'agit  de  relier  aux  anciens  COUTS 
d'eau  français  ceux  des  nouveaux  territoires.  Dunkerque  était  à  peu  près 
isolé  de  l'Ouest  depuis  que  le  canal  de  Bergucs,  d'où  on  pouvait  passer  dans 
la  Colme  et  l'Aa,  servait  de  bassin  de  chasses;  aussi  dès  1670  Ixmis  XIV 
octroie  la  création  d'un  canal  de  l'Aa  à  Bourbourg  et  Coppenaxfort, 
continué  jusqu'à  Dunkerque  par  l'approfondissement  du  watergand  Vliet 
Graeht  ;  on  communique  ainsi  de  Dunkerque  avec  Gravelines,  avec  St-Omer 
d'où  les  marchandises  gagnaient  Aire  par  voie  île  terre,  avec  Calais  enfin  par 
le  canal  de  l'Aa  à  Calais  qui  fut  rétabli  de  1681  à  1082,  en  même  temps  qu'on 
canalisait  les  rivières  de  Guînes  et  d'Ardres.  Ainsi  le  réseau  de  la  plaine 
maritime  française  était  complet,  et  tel  qu'il  s«i  présente  aujourd'hui.  Restait 
à  le  relier  au  reste  de  la  Flandre  française,  en  joignant  l'Aa  à  la  Lys,  que 
l'ouverture  du  canal  de  la  Haute-Deûle  réunissait  à  ce  moment  (1(593)  à  la 
Scarpe,  et  par  suit*»  à  l'Escaut.  Vauban,  que  l'on  retrouve  à  l'origine  do 
tout  ce  qu'il  y  a  de  grand  dans  le  pays  en  matière  de  travaux  publics, 
suggéra  à  Louvois  le  projet  d'un  canal  à  écluses  utilisant  d'Aire  à  St-Omer 
la  dépression  où  un  comte  île  Flandre  avait,  suivant  la  tradition,  établi  au 
XIe  siècle  un  parapet  et  un  fossé  de  défense  qu'on  appelait  le  Neuffossé. 
Les  plans  en  furent  dressés  dès  1686,  et  pourtant  ce  ne  fut  qu'en  1753 
qu'on  entreprit  les  travaux,  et  en  1786  que  tout  fut  terminé  :  le  nouveau 
canal  de  Neuffossé  utilisait  en  un  seul  palier  la  vallée  de  la  Melde  par  où 
l'Aa  rejoignait  jadis  la  Lys,  puis  plongeait  par  cinq  écluses  superposées 
dans  la  vallée  de  l'Aa  sur  Arques,  rachetant  ainsi  13  mètres  de  dénivella- 
tion brusque.  En  même  temps,  de  Deulémont  à  Aire,  on  améliorait  la 
Lys,  dont  le  nouveau  canal  allait  augmenter  le  trafic,  en  y  opérant  d'im- 
portants travaux  de  redressement  ;  on  créait  à  Lille  le  canal  de  l'Esplanade 
qui  permettait  pour  la  première  fois  de  passer  de  la  haute  dans  la  basse 
Deûle.  On  pouvait  désormais,  par  bateau,  aller  de  Dunkerque  ou  Calais  à 
Valcnciennes  et  Cambrai. 


L'ÉTABLISSEMENT  Dl*  RÉSEAU  FRANÇAIS 

Cependant  cette  voie  navigable  n'était  pas  irréprochable.  Elle  s'attardait 
on  trop  nombreux  zigzags,  entraînant  les  bateaux  de  Valeneiennes  vers 
Condé  et  Maulde,  les  ramenant  l)rusquement  vois  Douai  et  Pont-à-Vendin, 
les  renvoyant  vers  le  Nord-Est  jusqu'à  Lille  èt  Deuléniont,  pour  les  expédier 
de  là  sur  Aire  et  St-Omer  ;  il  y  avait  trop  d'écluses,  sur  la  Haute-Lys  en 
particulier;  enfin  la  Scarpe  et  la  Lys  n'avaient  pas  toujours  la  profondeur 
nécessaire.  Les  défectuosités  étaient  telles  que  jusqu'en  18*25  les  bateaux 
charbonniers  qui  se  rendaient  de  Mons  à  Dunkerque  préféraient  passer  par 
Gand,  Bruges,  Nieuport  et  Furnes  que  par  Lille  et  Aire.  Il  fallait  trouver 
une  combinaison  pour  rejoindre  plus  directement  l'Aa  à  la  Scarpe  et 
à  l'Escaut.  Dés  1771,  un  projet  était  apparu,  préconisant  un  canal  de  St- 
Venantà  Béthune  et  La  Bassée  1  ;  puis  ce  fut  un  projet  I,a  Bassée-I^i  (lorgne, 
par  Lacouture  et  Vieille-Chapelle  ».  Ce  ne  fut  cependant  qu'au  début 
de  1826  que  fut  ouvert  le  canal  d'Aire  à  Ui  Bassée,  joignant  parle  Neuflossé 
l'Aa  a  la  Deûle,  et  permettant  d'éviter  le  détour  de  la  Haute-Lys  et  ses 
dangers.  Déjà  depuis  1820  le  canal  de  la  Sensée  joignait  la  Haute-Searpe  au 
Haut-Escaut;  ainsi  se  complétait  au  début  du  XIXf  siècle  la  chaîne  des 
voies  navigables  qui  desservent  la  plaine  flamande  en  longeant  les  dépres- 
sions dont  les  hautes  terres  crayeuses  sont  précédées  tout  le  long  de  leur 
lisière,  de  Calais  à  l'Escaut. 

Ainsi  développé,  le  réseau  navigable  flamand  faisait  tête  à  la  concurrence 
que  la  création  des  grandes  chaussées  commençait  à  faire  à  la  batellerie. 
Toutes  les  marchandises  lourdes  continuaient  à  être  transportées  par  eau, 
grains,  arbres,  bois  scié,  pierres,  charbons,  engrais,  chaux,  tuiles,  briques  \ 
Canaux  et  rivières  gardaient  même  une  fidèle  clientèle  de  voyageurs. 
Au  XVIIe  siècle,  Furnes  a  des  transports  réguliers  pour  passagers  vers 
Dixmude,  Loo,  Ypres,  Hondschoote  et  Bergues  *.  En  1801,  les  services 
publics  des  «  coches  d'eau  »  sont  nombreux  ;  la  barque  de  Lille  à  Douai  a 
un  départ  quotidien  ;  de  Dunkerque,  on  va  à  Furnes,  Bergues,  Calais  et 
Sl-Omer  ;  de  Hondschoote,  à  Dunkerque;  de  Gravelines,  à  St-Omer  ;  de 
Merville,  à  Armentières,  Hazebrouek,  Aire,  St-Omer  ;  d'Estaires,  à  Armen- 
tières 5.  De  Gand,  une  barque  se  rend  à  Bruges  tous  lesjours,  et  vice-versa  ; 


«  Arch.  Nord.  C  (Fl.  Mar.)  18. 

*  Arch.  Nat.  H'  37,  pièce  150  (plan),  178»>. 

3  Ordonnance  de  17'K»,  réglementant  les  transports  par  eau  entre  Eeeloo  et  Gand 
(fîilliodis,  Cotiuimes  petites  vill»-*,  Eerloo,  11,  p.  711). 

»  Ann.  Corn.  fl.  Fr.  XV,  p.  430. 

»  Dieudonné,  Statistique,  111,  pp.  72-73. 


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LES  VOIKS  DK  COMMUNICATION.  -  LE  COMMKRCK 


c'est  le  moyen  do  transport  le  plus  apprécié  jusqu'à  l'apparition  des 
chemins  de  fer,  et  Paquet-Syphorien  en  fait,  dans  son  voyage  de  1812,  un 
éloge  enthousiaste  L 

Les  voies  navigables  au  XIX"  siècle. 

La  naissance  des  chemins  de  fer  surprit  donc  le  réseau  navigable  dans 
une  époque  de  pleine  prospérité.  En  France,  on  construisait  des  canaux  ;  la 
Belgique,  dans  l'essor  économique  qui  suivit  1815,  reconstituait  les  siens. 
De  1821)  à  1830,  on  procède  au  dévasement  des  voies  d'eau,  à  la  suppression 
d'écluses  devenues  inutiles,  des  overdraehs  archaïques:  sur  le  canal  de 
Plasschendaele,  sur  le  canal  d'Ostende  qu'on  relie  aux  bassins  du  port  par 
une  dérivation,  sur  la  Lys  où  l'on  fait  disparaître  des  bancs  dangereux.  On 
continue  le  creusement  du  canal  de  Bruges  à  Sluis  commencé  en  1810,  et 
qui  atteint  le  Zwin  en  1818  ;  enfin  on  travaille  à  la  grande  œuvre  du  canal 
Gand-Terneuzen.  Profitant  de  l'union  de  la  Flandre  zélandaise  à  son 
ancienne  patrie,  les  Gantois  élaborent  dès  1817  le  projet  de  la  voie  d'eau 
qui  doit  amener  les  bateaux  de  mer  dans  leurs  bassins  :  cette  fois,  il  faudra 
aller  au  delà  du  Sas-de-Gand,  dépasser  le  Braakman  condamné  à  l'enva- 
sement, pour  atteindre  les  eaux  profondes  sur  le  Hont,  a  Terneuzen.  De. 
1825  a  1827,  on  restaure  les  débris  de  l'ancienne  voie  entre  Gand  et  le  Sas  ; 
au  delà,  on  barre  un  golfe  du  Braakman,  la  crique  d'Axel,  travail  pénible 
qui  retint  sur  place  pendant  deux  ans  800  terrassiers  et  200  embarcations  1  ; 
cependant  l'activité  fut  telle  que  le  canal  était  ouvert  en  novembre  1827,  et 
que  le  bassin  du  Commerce,  à  Garni,  était  prêt  en  1829.  On  projetait  de 
nouveau,  en  1810,  un  canal  de  Roulers  et  un  canal  d'Ypres  à  la  Lys;  «mi 
France,  on  entreprenait  en  18*2 i  le  canal  de  Roubaix,  destiné  à  rejoindre  la 
Deûle  à  l'Escaut  ;  la  section  Marquette-Croix  était  inaugurée  en  1831  ;  les 
Belges  terminaient  en  1813  la  section  de  l'Espierre  (Roubaix-Eseaut)  ;  on 
continuait  de  travailler  à  la  partie  intermédiaire. 

L'engouement  qui  se  prononça  pour  les  chemins  de  1er  à  partir  de  18  10 
amena  un  ralentissement  dans  le  travail  de  création  ou  de  perfectionnement 
des  voies  navigables.  Il  fallut  attendre  30  ans  pour  que  l'on  rendit  justice 
aux  cours  d'eau.  C'est  en  1870  que  l'on  se  mit  à  réparer  et  à  approfondir  le 
canal  de  Gand  à  Terneuzen,  que  l'hostilité  de  la  Hollande  avait  longtemps 
tenu  fermé  après  1830;  les  travaux  se  terminaient  en  18&5.      canal  de 


1  Voyage,  II,  pp.  il'.M^. 
î  Vifquain,  pp.  lSSMtti. 


LES  VOIES  NAVIGABLES  AU  XIX«  SIÈCLE  i57 

Roubaix,  dévié  de  son  tracé  primitif  et  établi  entre  Tourcoing  e  Isa  voisine, 
fut  inauguré  le  31  décembre  1870;  à  la  même  tlah*  on  ((livrait  le  canal  de 
(Cin  trai  à  Bossuyt,  qui  joint  la  Lys  à  l'Escaut  et  permet  aux  houilles 
belges  d'alimenter  les  fabriques  de  la  Lys  ;  la  Mandel  était  canalisée  jusqu'à 
Roulers;  enfin  les  Yprois,  réalisant  leur  rêve,  se  mettaient  au  «mal  de 
Comines,  qui  devait  joindre  l'Yperlée  à  la  Lys,  et  dont  les  difficultés  de 
percement  dans  la  traversée  des  collines  ont  fait  jusqu'ici  retarder  l'achè- 
vement. Sous  l'impulsion  du  programme  Freycinel,  on  perfectionna  dans 
la  partie  française  les  artères  existantes  ;  on  poursuivit  l'approfondissement 
à  2m,50  de  toutes  les  voies,  le  redressement  des  courbes,  rétablissement  de 
garages;  on  doubla  les  cinq  écluses  des  Fontinettes  par  un  ascenseur 
hydraulique. 

1rs  résultats  sont  magnifiques.  Si  on  laisse  de  côté  les  voies  secondaires, 
canaux  d'Ardrcs.  de  (iuînes,  d'Audruicq,  qui  ne  transportent  chaque 
année  que  quelques  mille  tonnes  de  betteraves,  de  charbon  et  de  briques; 
canaux  de  Furnes  et  de  la  Hnsse-Colme,  dont  la  frontière  fait  de  véritables 
impasses;  canaux  d'Hazebrouck,  qui  ne  servent  guère  qu'à  évacuer  les  bois 
de  la  forêt  de  Nieppe  et  à  approvisionner  Hazebrouck  ;  rivière  de  la  I*»\ve 
qui,  par  défaut  d'entretien  et  d'amélioration,  ne  porte  par  an  que  31)  à 
iO.(MM)  tonnesau  lieu  des  i(  HUM  M)  qu'elle  devrait  charrier,  le  réseau  français 
se  présente  comme  un  tronc  vigoureux  détachant  à  droite  et  à  gauche  de 
puissants  rameaux.  De  Duukerque  à  l'Aa,  le  canal  de  Bourbourg  trans- 
portait en  1901  I.409.IMM)  tonnes;  l'Aa,  qui  lui  fait  suite  entre  le  (iuindal 
et  Arques,  en  portait  2.03r>.<HM),  le  canal  de  Neuflbssé,  1.988.<HM);  les 
affluents  de  ce  grand  cou  raid,  commercial,  canaux  de  Bergues  et  de  la 
Haute-dolme,  qui  doublent  la  voie  vers  Duukerque,  et  canal  de  (/dais, 
avaient  un  trafic  de  227.818,  :îG2.il2,  et  i7i.(HH)  tonnes.  Sur  toutes  ces 
voies,  les  produits  agricoles  constituaient  de  30  à  10  "/„  des  marchandises 
transportées,  la  houille  française  30"/,,  environ  ;  les  bois,  les  matériaux  de 
construction,  les  engrais,  les  produits  de  l'industrie  métallurgique  h»  reste. 
A  partir  d'Aire,  et  surtout  à  la  hauteur  de  Béthunc,  le  canal  de  La  Bassée 
fait  un  trafic  bien  plus  considérable  encore  :  3.G79.IMM)  tonnes  en  1901,  qui 
deviennent  5.I8G.1MM)  tonnes  sur  la  Ilnute-Deùle  ;  mais  l'honneur  n'en 
revient  plus  à  la  Flandre;  c'est  le  bassin  houiller  du  Pas-de-Calais  qui,  de 
ses  «  rivages  »>  de  Yendin,  Héthune,  Haines,  Beuvry,  y  déverse  plus  de 
2.000.000  de  tonnes  de  charbon,  qui  forment  (H  °/„  du  total,  tandis  que  les 
produits  agricoles  ne  contribuent  plus  à  l'ensemble  que  pour  16°/,,.  De 
même  sur  la  Lys  française,  où  sur  720.898  tonnes,  i3  "/„  représentent  la 
houille  française,  2r>  °/„  les  matériaux  de  construction,  et  18  "/„  les  produits 
agricoles.  Enfin  la  Deûle  en  aval  de  Don  et  le  canal  de  Roubaix  transpor- 


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156 


LES  VOIES  DE  COMMUNICATION.  —  LE  COMMERCE 


taienten  1901  i. 537.234  et  600.844  tonnes,  parmi  lesquelles  le  trafic  des 
houilles  françaises  représente  encore  plus  de  la  moitié  du  total.  I>es  grands 
ports  établis  le  long  de  ces  canaux  ont  une  importance  exceptionnelle:  celui 
de  Dnnkerque  «»n  1898  avait  un  tonnage  de  1 . 570.000  tonnes  ;  celui  de  Lille, 
710.000,  celui  de  Roubaix  470.000,  celui  d'Isbcrgues  232.000,  sans  parler 
de  ceux  du  canal  d'Aire  où  s'effectue  l'embarquement  de  la  houille 

réseau  belge  présente  la  même  activité.  Là,  c'est  l'Escaut  qui  accapare 


Echeile  de  t  :  I.SflO.aoo. 
Fig.  AD.  —  Les  voies  navigables  do  la  plaine  flamande. 


Branches  navigables  des  canaux  ou  rivk'res. 

< '.anaux  en  construction. 

ltiviores  ou  canaux  non  navigables. 


la  plus  grande  partie  du  trafic  ;  la  houille  descend,  charriée  par  d'innom- 


i  Renseignements  dans  L'i  Rivière,  ot  dans  :  Guillain.  Canaux  du  Nord,  Rapport. 
(Chambre  des  députés,  Session  extraordinaire  do  1001,  annexe,  n°  2.773,  pp.  ir>4-ir»f »)  ; 
—  Conseil  Général  du  Nord.  Session  d'août  1002,  Rapports  «les  chefs  de  service, 
p.  "{)  ;  —  enfin  les  travaux  des  Chambres  do  Commerce  de  Calais,  Dnnkerque,  Lille. 


LES  VOIES  NAVIGABLES  AU  XIX«  SIÈCLE 


K50, 


brables  flottilles,  du  bassin  du  Borinage  voi-s  Courlrai,  vers  Garni  et  do 
là  vers  Bruges;  par  lo  canal  do  Blaton  d'autres  péniches  do  charbon 
gagnent  la  Dendro,  Termonde  et  le  Bas-Escaut.  I>es  briques,  pavés  et 
pierrailles,  les  engrais,  les  bois,  les  produits  agricoles  font  le  reste.  \x  Lys 
est  moins  fréquentée,  sauf  par  les  bateaux  amenant  le  lin  de  Waes  et 
de  Hollande;  les  voies  d'eau  de  la  plaine  maritime  sont  désertes  depuis 
qu'elles  ne  sont  plus  la  route  de  Dunkerquo  voi-s  l'intérieur.  \a*  canal  do 
Gand  à  Bruges  a  retrouvé  de  l'activité  dans  les  travaux  de  Bruges-Port  de 
mer  et  dans  l'alimentation  do  l'usine  Solvay,  qui  traite  à  Zeebrugge  les 
sous-produits  de  la  houille.  C'est  Gand  qui  reste  le  grand  carrefour.  Le 
Haut-Escaut  lui  a  amené  on  1003  2.080  bateaux,  d'une  contenance  de 
610.000  tonnes;  le  canal  de  Bruges  2.301 ,  avec  200.000  tonnes;  lo  Bas- 
Escaut  5.008,  avec  881.603  tonnes;  enfin  la  Lys  131  seulement,  avec 
12.000  tonnes.  De  toute  celte  flotte,  une  partie  ne  fait  que  passer  à  travers 
la  ville;  cependant  le  mouvement  du  port  s'est  élevé  on  1001  à  890.000 
tonnes,  soit  on  gros  000.0011,  portant  sur  4.687  embarcations.  Gand,  port 
fluvial,  est  donc  supérieur  à  Lille,  et  se  range,  après  Dunkerquo,  au  second 
rang  parmi  les  entrepôts  flamands 

Ainsi  la  navigation  a  gardé,  dans  la  vie  économique  de  la  Flandre,  une 
grande  importance.  On  peut  dire  que  ce  mode  de  transport  est  resté  familier 
au  pays.  Il  y  a  encore,  en  bien  dos  endroits,  rivalité  avec  la  voie  ferrée: 
le  canal  est  employé  à  des  fonctions  que  les  chemins  do  feront  monopolisées 
ailleurs.  Autour  de  Gand,  des  bateaux  font  encore  des  services  do  messa- 
geries. De  Bellem  part  chaque  vendredi,  pour  le  marché  do  Gand,  une 
barque  d'œufs  et  de  beurre.  La  voie  d'eau  a  gardé  des  transports  do 
voyageurs:  il  existe  un  service  Gand-Selzaote  ;  A  Tamise,  on  compte  six 
départs  quotidiens  pour  Anvers  ;  Bruges  on  a  pour  Ostondo,  pour  Sluis; 
à  Rupolmondo,  presque  tout  le  trafic,  marchandises  et  voyageurs,  se  fait 
par  le  fleuve. 

m. 

VOIES  FERRÉES. 

Cependant  cette  persistance  de  la  navigation  fluviale,  dont  l'importance 
s'accroît  sans  cesse,  ne  parait  pas  avoir  entravé  le  développement  d'un  dos 
réseaux  ferrés  les  plus  denses  qui  soient  au  monde.  L'établissement,  il  est 
vrai,  en  était  facile  :  pas  d'ouvrages  d'art,  sauf  les  ponts,  qui  sont  nom- 
breux ;  les  ingénieurs,  on  construisant  leurs  lignes,  n'avaient  à  tenir  compte 


•  Chambre  de  Commerce  de  Gand,  Rapport  de  iUOi,  pp.  811-81. 


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LE  TRAFIC  INTÉRIEUR  4f?i 

que  des  courants  commerciaux  ;  pas  de  vallée  à  laquelle  le  chemin  do  fer 
dut  s'attacher  pour  pouvoir  passer,  car  tout  est  vallée  en  Flandre.  Seule 
la  ligne  de  Konaix  à  Gand  a  dû  être  pourvue  d'un  petit  tunnel.  Aussi  le 
reseau  des  grandes  voies  a-t-il  été  rapidement  constitué,  et  l'on  a  pu  se 
mettre  à  la  construction  des  lignes  secondaires  à  une  époque  où  d'autres 
régions  en  étaient  encore  à  établir  leurs  grandes  artères.  Dix  voies  ferrées 
partent  de  Lille,  dont  la  gare  a  vu  on  l!M)4  un  mouvement  de  4.332.467  voya- 
geurs 1  ;  et  bientôt  un  réseau  plus  considérable  encore  de  tramways  va 
garnir  toutes  les  routes  de  l'arrondissement.  La  partie  belge,  où  les  chemins 
de  fer  vicinaux  sont  en  honneur,  ne  comptera  bientôt  plus  un  village  situé 
à  S  kilomètres  d'une  station.  Cependant  toutes  ces  lignes  font  leurs  affaires  ; 
le  bas  prix  que  les  abonnements  ouvriers  accordent  aux  voyageurs,  au  lieu 
d'ameuer  le  déficit,  contribue  à  la  prospérité.  La  concurrence  de  la  batel- 
lerie, en  obligeant  les  chemins  de  fer  à  abaisser  leurs  tarifs,  contribue  en 
réalité  à  l'activité  des  transactions  par  voie  ferrée  :  c'est  ainsi  que  la 
houille,  la  matière  préférée  des  transports  par  eau,  est  l'objet  d'une 
circulation  plus  active  encore  par  chemin  de  fer  que  par  bateau.  La  coo- 
pération est  d'ailleurs  fréquente  entre  les  deux  modes  de  transport  : 
le  vicinal,  et  même  la  grande  ligne,  pousse  ses  voies  entre  les  bassins  des 
ports  maritimes  ou  fluviaux;  la  richesse  circule  aisément  d'un  réseau  à 
l'autre. 

IV. 

LE  COMMERCE. 
Trafic  intérieur. 

1^  nombre  et  l'importance  de  ces  voies  de  communication  atteste 
l'ampleur  du  trafic  qui  passe  à  travers  la  Flandre.  Une  région  si  peuplée 
et  si  active  est  évidemment  le  siège  d'un  commerce  intérieur  florissant. 
Matériaux  de  construction  pour  les  villes-champignons,  denrées  agricoles  et 
produits  de  boucherie  pour  les  agglomérations,  betteraves  pour  les  sucreries 
de  la  plaine  maritime,  alimentent  une  bonne  part  du  trafic.  Cette  circu- 
lation intérieure,  on  en  retrouve  un  exemple  dans  la  liste  des  fournisseurs 
de  Bruges  au  XVIe  siècle.  Le  blé  lui  vient  du  quartier  Sud-Ouest  du  pays, 
et  de  l'Artois  ;  le  beurre,  le  fromage,  les  œufs,  les  poulets,  les  bœufs  gras 
et  les  vaches,  de  Dixmude,  Furnes,  Bergues-St-Winoc  et  Lani|>ernisse  ; 


1  Voyageurs  ayant  pris  loup  billot  à  ou  pour  Lillo  :  ceux  qui  transitent  par  Lille  ne 
sont  pas  compris  dans  ce  chiffre. 


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LES  VOIES  DE  COMMUNICATION.  —  LE  COMMERCE 


les  fruits,  de  Courtrai  et  du  pays  de  l'Alleu  ;  les  moutons  et  veaux  gras 
de  la  fégîoti  gantoise  l.  La  présence  «l'une  frontière  depuis  le  XVIIe  siècle 
gène,  il  est  vrai,  ce  trafic  intérieur,  ou  plutôt  le  coupe  en  deux.  Mais  la 
frontière,  à  son  tour,  a  fait  naître  tout  un  commerce,  qui  pour  être  inter- 
lope n'en  est  pas  moins  florissant.  La  contrebande  s'exerce  en  grand 
sur  cette  ligne  tracée  comme  au  hasard,  et  qu'aucun  obstacle  naturel  ne 
défend  ;  c'est  une  vraie  ressource  pour  toute  une  catégorie  d'individus,  et 
on  connaît  des  fortunes  qui  s'y  sont  faites.  Rien  qu'à  Roubaix,  la  justice 
a  constaté,  l'existence  d'environ  15.000  fraudeurs  de  profession,  et  le 
préfet  de  Viry  s'apercevait  dans  la  Lys  en  1804  que  la  population  lies  villes 
frontières  avait  diminué  depuis  la  réunion  a  la  France  :«  la  fraude  dans 
ces  villes  nourrissait  un  grand  nombre  d'individus,  qui  ont  dû  aller 
chercher  fortune  ailleurs»*.  Les  communes  rurales  de  la  frontière  sont 
sillonnées  de  mystérieux  sentiers  qui  se  dirigent  l0U8  vers  la  Belgique. 
La  Lys  même  n'est  pas  un  obstacle  ;  des  barques  se  faufilent  la  nuit 
d'un  bord  à  l'autre,  sous  prétexte  d'inspecter  les  ballons  du  rouissage  3. 
A  côté  du  fraudeur  isolé,  il  y  a  de  vastes  entreprises  qui  sont  des  modèles 
d'organisation  et  d'ingéniosité.  Au  Nord  de  la  Lys,  il  existe  des  relais  de 
contrebande,  l'un  sur  la  bulle  argileuse  du  Ryveld,  près  Steenvoorde, 
l'autre  sur  la  colline  caillouteuse  de  la  Relie-Hôtesse,  derrière  Morbecque  ; 
et  les  denrées  que  les  fraudeurs  ont  péniblement  amenées  au  premier 
relais,  transportées  par  ballots  au  second,  sont  chargées  là  sur  des  voitures 
qui  les  répandent  dans  l'intérieur,  à  travers  l'Artois  et  la  Picardie.  Ainsi  il 
y  a  là  tout  un  commerce  très  actif  qui,  né  d'un  élément  artificiel,  doit  une 
partie  de  son  développement  aux  circonstances  géographiques  :  facilité  de 
la  circulation  dans  im  pays  sans  obstacles,  abondance  d'un»'  population 
pauvre  qui  assure  un  recrutement  aisé  pour  ce  trafic  dangereux  et  lucratif. 


Trafic  extérieur  :  échanges  avec  l'Artois  et  l'Angleterre. 

Les  échanges  intérieurs  n'ont  jamais  suffi  à  la  Flandre.  La  population  y 
est  trop  dense  pour  que  le  pays  pût  la  nourrir  ;  d'autre  part  l'industrie, 
presque  dès  son  origine,  a  dû  faire  appel  aux  matières  premières  du  dehors. 
La  Flandre  intérieure,  avec  son  sol  médiocre,  n'a  pu  suffire  de  bonne  heure 


1  «  Lamentations  »  de  Siger  van  Maele  (Ann.  Soc.  Em.  Br.,  2'  série,  III,  1845, 
pp.  298-299). 

1  Dé  Viry,  Mémoire,  p.  27. 

3  Sur  les  procédés  des  fraudeurs  et  l'activité  de  la  douane,  voir  série  d'articles  dans 
«  l'Kcho  du  Nord  »,  janvier  et  février  11*15, 


LKS  ÉCHANGES  AVKC  l/ARTOIS 


à  fournir  ses  habitant  do  grains  ;  il  lui  a  fallu  s'adresser  aux  riches  terres 
du  Sud,  où  le  blé  croît  en  abondance  sur  le  limon  qui  revêt  les  plateaux 
de  craie,  b»  transport  des  grains  par  l'Escaut,  la  Deûle  et  la  Lys 
a  été  un  des  premiers  éléments  de  la  circulation  sur  ces  rivières,  et  l'une 
des  causes  de  la  fortune  de  Garni,  qui  centralisait  dans  ses  220  entrepôts 
(beerien)  les  cargaisons  amenées  par  eau:  monopole  qu'elle  gardait 
jalousement  Au  XVI' siècle,  Meyer  constate  que  la  Flandre  ne  peut  se 
suflire  en  blé,  et  qu'il  lui  faut  en  demander  à  ses  voisins  du  Vermandois, 
de  l'Artois,  de  PAmiénois,  du  Cambrésis,  bien  plus  favorisés  que  les 
Flamands  pour  la  fertilité  de  leur  sol  *.  Guichardin  témoigne  du  même 
fait 3.  De  là  l'importiince  ancienne  d'Aire  et  de  liéthune  :  ce  sont  les  fournis- 
seurs de  pain  pour  la  Flandre;  aussi  leur  rôle  est-il  d'être  des  marchés  à 
blé.  «  Le  commerce  de  grains  est  le  seul  que  les  supplians  connaissent  dans 
leur  ville  »  écrivent  en  1749  les  habitants  d'Aire  *,  et  ceux  de  Béthune  en 
173)  déclarent  que  le  commerce  de  leur  ville  ne  consiste  que  dans  les 
marchés  publics  des  grains  et  des  lins  que  l'on  apporte  des  environs  5.  Tous 
les  documents  contemporains  insistent  sur  ces  traits:  ce  qui  fait  vivre 
l'Artois,  c'est  l'exportation  des  blés,  le  passage  des  voyageui-s  et  des 
marchandises.  Ainsi  l'Artois  se  trouvait  lié  de  très  près  à  la  Flandre  par 
des  relations  économiques.  Le  blé  était  le  principal  objet  d'échange: 
mais  jadis  il  lui  avait  envoyé  ses  laines,  et  jusqu'à  la  fin  du  XVIIIe  siècle 
il  lui  expédia  ses  grès  6  ;  aujourd'hui,  il  lui  vend  son  charbon.  Les  fileuses 
de  l'Artois  travaillaient  pour  Kouhaix  et  pour  le  groupe  de  la  Lys.  De 
pareilles  relations  d'affaires  devaient  nouer  entre  l'acheteur  et  le  fournisseur 
de  solides  liens  politiques  ;  l'Artois  et  la  Flandre  apparaissent  à  peu  près 
inséparables  dans  l'histoire,  I*i  Civitas  Morinorum  s'étend  sur  les  deux 
pays:  plus  tard,  jusqu'au  XIIe  siècle,  Arras  est  la  capitale  des  comtes  de 
Flandre.  Séparés  par  la  politique  habile  de  Philippe-Auguste,  les  deux  pays 
tendent  à  se  rejoindre  ;  l'Artois  devient  vite  distinct  du  domaine  royal,  et 
l'union  avec  la  Flandre  recommence  sous  la  maison  de  Bourgogne.  Fsca- 


»  Pirennc,  Hist.  Belgique,  II,  p.  334. 

*  Kerum  Flandriae,  p.  77. 
3  Guichardin,  p.  382. 

*  Arch.  Pas-de-Calais,  C.  263,  pièce  161. 
«  Ibid.,  C.  .T76,  pièce  94. 

6  En  1757,  achat  pour  le  pavage  du  chemin  d'Ypres  à  Menin  (Arch.  Pas-de-Calais, 
C.  657);  la  même  année,  pour  la  roule  de  Bailloul  à  Meteren  (ibid.)  ;  en  1778,  pour  le 
pavage  des  rues  de  Dunkerque  (C.  14(1  et  140  bis),  pour  le  pavage  dos  rues  de  Gand 
(C.  584),  etc. 


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'•(Vl 


LES  VOIES  I)K  COMMUNICATION.  - 


LE  COMMERCE 


motê  par  Louis  XI,  il  est  rendu  par  Charles  VIII.  Aussi  1rs  souverains  «lu 
XVII*  siècle,  en  annexant  l'Artois  au  royaume,  y  joignirent-ils  un  gros 
morceau  de  Flandre,  et  l'ensemble  fit  comme  une  nouvelle  province 
complète]  qui  entra  Facilement  dans  l'unité  française. 

Les  mêmes  circonstances  donnent  leur  caractère  mixte  aux  villes  de 
l'Artois  qui  bordent  le  pays  flamand.  Ain»  cl  St-Omer,  se  détachant,  de 
L'Artois  annexé  par  la  France  au  traité  des  Pyrénées,  suivirent  le  sort  de 
la  Flandre  et  ne  furent  absorbées  qu'avec  elle  en  1G7.S.  Pour  l'aspect 
extérieur,  ce  sont  des  villes  artésiennes,  où  la  pierre  tient  une  bonne  place 
dans  les  constructions  et  apparaît  dans  de  belles  églises  soigneusement 
fouillées,  chose  si  rare  en  Flandre;  mais  leurs  relations  sont  avec  la  plaine 
qui  s'étend  devant  elles  ;  St-Omer  ne  connaît  pas  Arras  :  Lille  est  sa  vraie 
métropole;  de  même  pour  Aire,  Lillers,  Béthune,  au  delà  seulement  de 
laquelle  la  présence  du  bassin  houiller  oriente  vers  une  autre  direction, 
vers  Lena  et  Douai,  les  préoccupations  et  les  relations  des  habitants. 

L'Artois  fournissait  le  blé,  mais  l'Angleterre  avait  la  laine.  «  Il  est  vrai 
que  de  France  nous  viennent  blés,  auraient  dit  en  1329  les  députés  des 
villes  à  Philippe  de  Valois;  mais  pour  acheter  faut-il  avoir  de  quoi  payer. 
Or  d'Angleterre  nous  viennent  laines,  qui  nous  donnent  grand  profit  et 
nous  permettent  de  vivre  à  l'aise  et  joyeusement  »  \a\  réplique  était 
juste  :  privée  des  prés  salés  de  la  plaine  maritime  qu'étaient  venues  rempla- 
cer des  cultures,  la  Flandre  ne  pouvait  approvisionner  son  industrie 
drapière  qu'en  achetant  de  la  laine  en  Angleterre.  De  bonne  heure  les 
relations  s'établissent  avec  la  grande  île.  St-Omer  achète  dès  8()0  des 
étoffes  de  l'autre  côté  du  détroit1;  au  Xe  et  au  XIe  siècle,  ses  rapports 
commerciaux  sont  fréquents  avec  la  Grande-Bretagne  3.  Les  lois  du  roi 
Ethelred,  au  début  du  XP  siècle  font  mention  des  marchands  de  Flandre  *; 
et  dès  la  fin  du  XIIe,  l'association  commerciale  de  la  hanse  de  Londres 
s'étend  à  tous  les  Pays-Bas  5.  Jusqu'à  la  fin  du  XVe  siècle,  ce  commerce  de 
laines  fut  pour  la  Flandre  le  problème  vital,  et  l'on  a  mit  remarquer  depuis 
longtemps  la  solidité  des  li'ms  politiques  que  ces  relations  économiques 
avaient  noués  entre  les  deux  pays.  «  \a\  laine  était  d'un  côté  du  détroit, 


«  Cité  dans  Le  (îlay  (Ed.),  Histoire  des  Contes  de  Flandre,  (2'  éd.,  Tournai,  Caster- 
niann,  1H67,  in-8°),  11,  p.  415. 

*  Guérard,  St-Uertiu,  p.  (36. 
I  (liry,  St-Omer,  p.  276. 

*  Cité  dans  Kervyn  de  Letteuhove,  Hist.  de  Flandre,  I,  p.  212. 

5  Van  der  Linden  (H.),  Los  gildes  marchandes  dans  les  Pays-Bas  au  moyen-âge 
(Recueil  travaux  fac.  lettres  <land,  1ÎV  fascicule,  1896,  126  p.),  p.  28. 


LE  MOUVEMENT  COMMERCIAL  DES  PORTS  465 

l'ouvrier  de  l'autre.  Le  boucher  anglais,  le  drapier  flamand,  étaient  unis  au 
milieu  des  querelles  des  princes,  par  une  alliance  indissoluble»1.  Ces 
liens  se  relâchèrent  au  XVe  siècle,  lorsque  l'Angleterre  garda  sa  laine  pour 
fabriquer  elle-même.  Dès  lors  ce  furent  des  produits  manufacturés  que  la 
Grande-Bretagne  essaya  de  faire  pénétrer  en  Flandre,  tandis  que  celle-ci 
expédiait  aux  Anglais  les  produits  agricoles  de  la  plaine  maritime.  En 
1781,  le  Calaisis  «  vend  fort  cher  aux  Anglais  tout  ce  qu'il  ne  consomme  pas 
de  ses  denrées  »,  et  reçoit  les  nombreux  produits  que  lui  apportent  les 
bateaux  des  fraudeurs  (smoggleurs)  *.  De  nos  jours,  il  existe  des  services 
réguliers  vers  les  ports  anglais  pour  le  transport  des  fruits  et  des  produits 
de  l'élevage.  Des  paquebots  rapides  embarquent  pour  Douvres  les  denrées 
alimentaires  amenées  par  trains  directs  sur  les  quais  de  Calais  ;  la  Bel- 
gique a  organisé  une  ligne  Ostende-Tilbury  par  laquelle  les  produits  partis 
à  3  heures  du  soir  d'Ostende  peuvent  être  le  lendemain  matin  à  4  heures 
sur  les  marchés  de" Londres. 


Mouvement  commercial  des  ports. 

Cependant  l'importation  flamande,  au  moyen-âge,  ne  se  bornait  pas  à  la 
laine  et  au  blé.  Le  pays,  aux  époques  de  prospérité,  consommait  beaucoup. 
L'Espagne,  le  Portugal,  les  ports  français  de  l'Atlantique,  étaient  les 
grands  fournisseurs.  Au  début  du  XIVe  siècle,  le  vin,  amené  des  ports  de 
Biscaye,  Bayonne,  Guéthary,  Fontarabie,  et  surtout  du  Poitou  par  La 
Rochelle,  tient  dans  les  entrepôts  de  Calais  autant  de  place  que  la  laine. 
Ias  harengs  viennent  ensuite,  puis  une  liste  de  denrées  d'une  variété 
incroyable,  bière  d'Angleterre,  fruits  en  boites,  dattes,  figues,  sel  du 
Poitou,  grains,  lard,  suif,  cuirs,  cire,  poix,  goudron,  vinaigre,  métaux  :l. 
En  revanche  la  Flandre  exporte  ses  draps  dans  le  monde  entier,  et  jusque 
dans  les  pays  qui  lui  font  la  guéri  e  mais  ne  peuvent  se  passer  des  produits 
de  son  industrie.  Un  tonlieu  de  Perpignan  du  XIVe  siècle  cite  les  draps 
verts  de  Garni  et  d'Ypres,  ceux  de  St-Omer  et  de  Bruges,  les  draps  rayés 
d'Ypresetles  draps  blancs  de  Tamise  4.  Plus  tard,  les  toiles  de  Courtrai 
approvisionnent  la  France,  conquièrent  le  marché  espagnol.  Tandis  que 


<  Michelet,  Histoire  de  France,  éd.  de  1837,  III,  p.  277. 
*  Arch.  Nat.  H*  647,  pièce  2. 

3  Chavanon  (J.),  Etudes  et  documents  sur  Calais  avant  la  domination  anglaise, 
1180-1346  (Paris,  Picard,  1901,  in*,  35  +  32  p.). 
»  Finot,  Commerce,  passim. 


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460  LES  VOIES  DE  COMMUNICATION.  -  LE  COMMERCE 


les  marchandises  importées  arrivent  généralement  par  mer,  en  raison  de 
leur  nature  lourde  et  encombrante,  ce  que  la  Flandre  exporte,  produits 
de  fabrique  légers  et  précieux,  prend  déjà  la  roule  de  terre,  comme  le  font 
aujourd'hui  les  tissus  et  les  filés  sortis  des  usines  de  Gand  ou  de  Lille. 

Il  s'ensuit  que  le  mouvement  des  marchandises  a  été  toujours  plus 
important,  ou  si  l'on  veut  plus  bruyant,  par  les  ports  de  Flandre  que  par 
les  bureaux  de  douane  de  l'intérieur.  Aussi  les  ports  ont-ils  joué  de  bonne 
heure  un  rôle  considérable.  Ce  fut  d'abord  le  règne  des  entrepôts  établis 
au  fond  des  estuaires  :  St-Omer,  Damuie.  I,cs  golfes  maintenus  jusqu'au 
XIIe  siècle  dans  la  plaine  maritime  semblaient  inviter  le  commerce  à 
s'établir  sur  leurs  bords  ;  la  mer  s'offrait  aux  bateaux  flamands  ;  elle  avait 
fait  elle-même  la  moitié  du  chemin.  Tandis  que  prospéraient  ces  villes  aux 
rades  bien  abritées,  les  havres  du  littoral  n'étaient  guère  que  des  refuges 
de  pêcheurs.  Devenus  grands,  ils  ont  gardé  cette  industrie  :  mais  l'objet  et 
le  lieu  de  la  pèche  ont  souvent  changé  depuis  le  moyen-Age  ;  on  m»  pour- 
chasse plus  la  baleine  que  les  contemporains  de  St  Ha  von,  et  même  ceux 
de  St  Arnulf  (XII*  siècle)  harponnaient  encore  dans  la  mer  du  Nord Un 
petit  nombre  seulement  des  pécheurs  reste  en  vue  des  côtes;  beaucoup 
sortent  de  la  mer  flamande,  à  la  recherche  du  maquereau  ou  du  hareng. 
Ostende,  où  se  répand  la  pratique  des  chalutiers  à  vapeur,  a  vu  vendre  en 
1902  pour  i. 80*^.000  francs  de  poisson  1  ;  Calais,  dans  la  même  période, 
pour  l.(C*).O0O3.  Enfin  Dunkerque  et  Gravelines  arment  pour  la  grande 
pêche  en  Islande  ou  sur  les  côtes  de  Norvège,  tandis  que  les  autres  villes 
ou  bourgades  de  la  côte,  la  Panne,  Nieuport,  Hlankenberghe,  Breskens, 
envoient  des  barques  chaque  jour  pour  croiser  dans  les  parages  des 
bancs  *. 

busqué  les  grands  ports  d'estuaire  furent  déchus,  enlisés  dans  les 
alluvions  ou  isolés  de  la  mer  par  la  disparition  des  golfes,  on  vit  passer 
au  premier  rang  les  havres  de  pêche  de  la  côte.  La  fermeture  de  l'Escaut 
augmenta  leur  prospérité,  malgré  les  efforts  de  leurs  rivaux  maritimes, 
Anglais  et  Hollandais,  pour  ruiner  Dunkerque  et  museler  Ostende  ;  dès 


i  cf.  m.  o.  ss.,  xv,  pp.  :m  et  nui. 

*  Huit  Ch.  Commerce,  Janvier  1003,  p.  10. 

3  Exposé  sommaire  Ch.  Commerce,  1002,  p.  234. 

*  Sur  la  pèrhe,  voir:  l'atria  Belgica,  1,  pp.  331-333:  —  Van  don  Bussche  (E.),  l-i 
pêche  et  les  pêcheurs  de  Blankenberghe  (Li  Kl. A  111,  1K70,  pp.  347-464)  ;  —  Capdeville 
(E.),  La  pêche  maritime  à  Ostende  en  lH07(Kevue  maritime.  Paris,  Beaudûiiin,  mai 

pp.  401-401»);  —  Delhecq  (I)1),  Le  matelot  de  Omnd-Fort-Philippe  (Mém.  Soc.  Dunk., 
XXXVL  lOd-,  pp.  4J7.»-4KOt. 


47.  --  Ai:dcnjid<,  ;l  -i»  I*    .  '!m«  cl  I  urlirrc. 


•  •  •     •  • 


48    —  V  u«  vîjn»  U  nort  Je  C»nd    Qui>  lk«  H 


•>;hS  hî\  COMNH  NICATInN.  _ 


LE  CdMMKKCK 


importées  arrivant  généralement  par  ui<n\  eu  ra:son  <;<• 
!  ►uni**  i'i  emuuubrunte,  ee  que  la  Flandre  exporte,  priHi'i.î* 
■  •  •      '  i»>  «  eieux.  prend  déjà  l;i  ronte  de  terre,  eoinme  I' 
■  '.  •  i>|  le.s  Hlér  M>rlis  des  usines  de  Gaml  ou  de  Ijlie, 

mouvement  des  maivliandises  a    i «*•  tuujmr'.   p.'  • 
■:,         plus  bruyant,  par  los  ports,  de  Flandre  que  .  •. 

 "de  l'intérieur.  Aussi  les  purts  oui -ils  juin'  de  !»•#•- 

.     viiiltlt*.  <>  fut  d'abord  le  règne  m*  eii|i*p&x  <*!.»•  l».:» 
.:!'•«:  St-Mmer,  [Hniitlio.  I.es  golfes  maintenus  j 11 «••])!  ..m 
•  1«>  plaine  iij;i.i!iiU"  semblaient  iuvil"i*  le  <i>iuiii«i.i  i. 
•  «     »  ^  ;»'»ï«ls;  la  mer  s'offrait  aux  bateaux  flamands;  •  . 

•  !  •  .te-ifé  «lu  cli-'iniu.  Tandis  que  prospéi  aient  (••">  viMe>  a  \ 
s.  |i'.s  havres  du  littoral  n'étaient  guère  que  «le.s  r«-li  ^  - 
-  :»  .  m' i<  grands,  ils  ouf  gardé  celte  industrie  :  mai'*  l*oî>j- 
•  ■*■  „•  i.jit  souvent  eb.'inifè  depuis  le  moyen  àjfî  mi  ue  {<.•:: 
..  :■.«'■•, if  que  les  i'<»i)l**mpor.ous  de  Si  I  ta  von,  et  même  ••  i  ♦ 
■'  \i'  >     I<*i  !i;ii  |iou!i.M<  ut  enenre  <lans  la  mer  du  Non! !.  • 

•  .       '  i'  .ifl.t  d"v  |»e>  ||(Mirs  reste  en  Vile  de.s  <ô|e>.;    |ie,IU<  ■ 
.•  '.«  <»••!  t'aiiMhde,  a  la  n<  Ijerebe  du  maquereau  ou  ri  II  \iw  . 
-  •.    ••••i-e.d  la  pratique  de*  ehalutiers  à  vapeur,  a  \u  vend- 

■m  francs  de  por*s,in  *  ;  (lulais,  dans  la  même  |**r  '* 
p    i  i        »••  '  !>it.n  lHitjkeii|t!e  et  l îravelines  arment  poui  11.  «  ■•: 
«cette  en  1  <  .     >•..•,       |,-s  côtes  de  Xor^e^e»  taudis  que  les  aiitr*"*  \'' 
nu  hiait'.«i  les  '    '.i  eùle,  la  Kitilie.  Ni«  i, lîlankenbertrhe.  l»r  'A— 
eu\<é'iil    i'  -  '  ■  '[••■<  i  Itaq'.te  jnlir  pour  croiser  dans  les  in*Hlff» - 


!    4.  ^  ». 


Loisque  I  -  .  pmls  d'estuaire,  furent  déclins,  enlisés  d,in> 

.nu\i"iis  o',  i  ••  .•*»  <'e  la  mer  par  la  disparition  des  golfes,  ou  \  .i  ;• 
au  ;>'*•  mier  r.  '•  ••  havres  de  pèche  de  ht  eût»».  La  fermeture  de  |'|- 
aii'JriueiiLi  l"i  t*  j  •»...t«iViU',  mal^n*  les  ••ll'u.  K  de  leurs  rivaux'  ma.*:' 
Aiu'.os  et  11  •|i«:ih     pour  miner  huukerque  et  museler  Osiemi" 


ijt.  \i.     nS„  x\,  ï»j>.  r.'«>  .«t.  '.km. 

*  fiull.  On  Ci'Hiuior»-r.  .laiiM  -r  VMi,  [).  tu. 

1  s;(jr  ja  -i*.     ,  \oir.  l'un:»  H-I^u-i,  t.  pp.  IL'U-Î$S.":  --  V.»n  Ittt«.»*ht<  .1" 
h-  .-t  U>  p.»  L-ii.-s  1««  Itabkeuht'r^he  (L«  KL.\  LU.  is'ti.  jijj.  :« 47- ***»»•  ;  —  <:.. 

I'..».  I  a          QiaM'iil**  à  (  >  t''«;«!»«  ft.  I^'.'T  lKf*Vllta  IliariiîhK*,  t*«n<.,  i-niuiiêi  n«  i 

pp.  4ui-ïi<h;  —  tiill-rj  iti'  .  I.,-  iu.it.  lut  il»»  «rr.i.Ml  r  on- Pli  lippe  \l-u.  s,,,.,  p 
i,  1' •>!„'.  ;  p.  Y..'-  iNi. 


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47>  —  Audcnardc,  vu  de  1»  colline  d'Edelacrc. 


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LE  MOUVEMENT  COMMERCIAL  DES  PORTS 


467 


que  la  pression  étrangère  faiblissait,  on  voyait  grandir  à  vue  d'oeil  le 
mouvement  dos  affaires  :  Dunkerque  prend  une  importance  énorme  de 
1763  à  1780,  et  (Monde  pondant  la  guerre  d'Amérique  :  indice  de  la 
nécessité  absolue  où  se  trouve  la  Flandre  d'avoir  des  débouchés  sur  la 
mer.  Au  XIXe  siècle,  malgré  la  résurrection  triomphante  d'Anvers,  dont 
rhintorland  s'enchevêtre  dans  le  leur,  les  ports  flamands  ont  accepté  la 
lutte  et  l'ont  glorieusement  soutenue. 

Dans  cette  prospérité  actuelle  des  ports,  Dunkerque  a  la  plus  belle  part  ». 
b\s  débuts  du  XIXe  siècle  avaient  été  durs;  on  tâtonnait.  Ce  fut  le 
perfectionnement  du  réseau  navigable  entre  1815  et  1830,  puis  la  création 
des  chemins  de  fer,  puis  de  nouveau  les  améliorations  apportées  à  la  voie 
d'eau  après  187.'),  qui  ont  donné  et  soutenu  l'élan.  Dunkerque  est  redevenu 
ce  qu'il  était  déjà  à  la  fin  du  XVIII0  siècle,  le  port  régional  de  la  Flandre 
française  et  do  la  France  du  Nord.  Déjà,  vers  1789,  la  Norvège  y  expé- 
diait ses  bois,  l'Angleterre  son  charbon,  ses  métaux,  sa  quincaillerie, 
Riga  la  graine  de  lin,  le  chanvre,  les  céréales  *.  Dos  1.90-i.  113  tonnes 
reçues  en  1001,  dont  1.800.000  venant  de  l'étranger,  c'est  en  grande  partie 
vers  les  foules  de  la  région  lilloise  que  Dunkerque  expédie  les  363.000 
tonnes  de  farineux  alimentaires,  les  191.000  tonnes  de  graines  et  fruits  ; 
c'est  sur  les  campagnes  flamandes  que  doivent  être  répandues  pour  la  plus 
grande  part  les  182.000  tonnes  de  nitrates  du  Chili,  dont  il  a  presque  le 
monopole  d'importation  eu  Franco  (83 °/„  du  total);  de  môme  les  42.000 
tonnes  de  tourteaux  oléagineux  destinés  aux  exploitations  do  l'intérieur. 
C'est  à  Roubaix-Toureoing  que  sont  réservées  les  130.000  tonnes  de  laine 
arrivées  d'Australie  et  de  la  Plata,  et  à  Lille  les  35.000  tonnes  de  lins 
russes.  Lille  et  sa  banlieue  réclament  encore  pour  leurs  usines  de  produits 
chimiques  les  80.000  tonnes  de  pyrites.  Enfin  des  243.000  tonnes  de  mine- 
rais, tout  se  dirige  vers  Denain,  Douai  et  Isbergues  ;  des  137.000  tonnes  de 
houille,  la  plus  grande  partie  est  expédiée  vers  Paris.  Par  les  canaux, 
par  les  voies  ferrées,  par  les  routes  même,  ce  trafic  de  marchandises 
s'achemine  vers  le  Sud  ;  Armentières  est  traversée  chaque  nuit  de  lourdes 
voitures  qui  roulent  de  Dunkerque  vers  Lille,  utilisant  encore  la  route, 
plus  rapide  que  le  canal,  moins  chère  que  le  rail. 


'  Sur  Dunkerque,  voir  l'excellente  étude  de  :  <le  Rousiers  (1\),  Ports  de  France. 
Dunkerque  (Revue  «le  l'a  ris,  1!XIM,  I,  pp.  »«>-!*»).  Us  chiffres  cités  s'y  rapportent  à 
iWi  ;  ceux  «le  liKtt  se  trouvent  dans  le  Tableau  général  du  Commerce,  et  «le  la 
Navigation,  année  lîKW  (Direction  «les  Douanes,  Paris,  1104),  I,  pp.  110-117,  IL 

pp.  'ii>-r>8. 

*  lie  Bertrand  (R.),  Ia>  port  et  le  commerce  maritime  de  Dunkerque  au  X  VHP  siècle, 
partie  (Mém.  Soc.  Dunk.,  X,  pp.  «j^sqq.j. 


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m  LES  VOIES  DE  COMMUNICATION.  -  LE  COMMERCE 


Ainsi  Dunkerque  est  la  porte  d'entrée  du  Nord  français,  de  l'Escaut 
à  la  mer,  et  son  rayon  d'action,  par  les  canaux  picards  et  champenois, 
gagne  vers  le  Sud.  Il  en  est  aussi  la  porte  de  sortie.  Sur  les  549.000  tonnes 
exportées  en  1901,  le  sucre  des  fabriques  picardes  et  flamandes  n'est  pas 
loin  de  fournir  la  moitié,  253.000  tonnes,  soit  52°/0  de  l'exportation  totale 
des  sucres  français  à  cette  date;  les  produits  métallurgiques  de  Lille  et  du 
bassin  houiller,  80.000  tonnes;  les  charbons  du  Pas-de-Calais,  50.000; 
enfin  les  denrées  agricoles  de  la  Flandre,  30.000.  L'énorme  différence 
entre  les  exportations  et  les  importations  (presque  le  l'apport  de  1  à  4)  ne 
paraît  pas  faire  du  tort  au  port  de  Dunkerque  en  augmentant  le  fret  des 
navires  obligés  de  reprendre  la  mer  sur  lest  après  avoir  débarqué  la  car- 
gaison. C'est  qu'il  y  a,  à  proximité,  d'autres  grands  ports  où  le  long  cour- 
rier, arrivé  d'Australie,  du  Chili  ou  de  l'Argentine,  va  chercher  le  fret  de 
retour  qui  lui  manque  à  Dunkerque  ;  et  ce  nouveau  parcours  de  quelques 
cent  kilomètres  vers  Anvers,  Hull  ou  les  ports  charbonniers  du  Durhnm 
lui  importe  peu,  comparé  à  l'immense  trajet  qu'il  a  déjà  fourni.  Ainsi  celte 
infériorité  est  compensée  par  la  situation  du  port;  de  là  le  grand  avantage 
que  présente  Dunkerque  sur  le  Havre.  I,a  Manche  n'est  guère  qu'une  nie, 
très  animée,  très  fréquentée,  mais  où  on  s'arrête»  peu,  Uindis  que  la  nier 
du  Nord  est  la  grand'plaee  de  l'Europe,  bordée  des  façades  de  ces  gigan- 
tesques maisons  de  commerce  qui  s'appellent  Londres,  Newcastle, 
Hambourg,  Rotterdam,  Anvers.  Dunkerque  doit  beaucoup  à  ce  voisinage, 
et  avec  lui  la  région  du  Nord,  desservie  par  un  port  qui  peut  presque 
impunément  importer  sans  rendre  aux  visiteurs  l'équivalent  de  ce  qu'ils 
lui  ont  amené  ». 

Ià*s  autres  ports,  en  plus  petit,  ont  un  rôle  analogue  :  grands  impor- 
tateurs, exportant  peu,  et  desservant  la  région  où  ils  se  trouvent.  Mais 
tandis  que  les  uns,  Calais,  Gravelines,  sont  gênés  par  Dunkerque,  qui 
absorbe  la  plus  grande  part  du  trafic,  les  autres,  Ostende,  Gand,  sont  déjà 
trop  près  d'Anvers,  ("est  Gand  qui  réussit  le  mieux,  grâce  à  sa  situation 
au  centre  d'une  région  agricole  et  industrielle  surpeuplée.  Le  mouvement 
du  port,  entrées  et  sorties  réunies,  a  porté  en  1904  sur  2.307  navires,  d'un 
tonnage  de  1.556.000  tonneaux;  il  n'était,  en  1894,  que  de  1  million  de 
tonneaux,  et  de  500.000  seulement  en  1884  ;  le  mouvement  a  donc  triplé 
en  20  ans.  Aussi  l'accroissement  du  trafic  a-t-il  déterminé  la  ville  de  Gand 
et  l'Étal  belge  à  faire  exécuter  de  nouvelles  améliorations  au  canal  de 


«  En  1003,  Dunkerque  (2.213.000  tonnes)  est  le  3«  port  français,  entre  Le  Havre 
(2.:>87.(K)0  tonnes)  et  Bordeaux  (2.213.000).  —  Le  mouvement  du  port  s'est  élevé  la 
même  année  à  4.5)30  navires  entrés  et  sortis,  d'un  tonnage  net  do  3.647.225  tonues. 


■M 


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LE  MOUVEMENT  COMMERCIAL  DES  PORTS 


Terneuzen,  par  lequel  s'effectue  la  totalité  de  ce  trafic  maritime.  I,a 
convention  de  187V)  avec  la  Hollande  prévoyait  un  mouillage  de  6m,05;  les 
nouvelles  stipulations  de  189Ô  et  de  100*2  vont  faire  porter  le  mouillage 
minimum  à  7n,,80,  élargir  à  24  mètres  le  plafond  du  canal  et  à  420  mètres 
carrés  la  section.  La  voie  n'aura  plus  qu'un  seul  bief,  de  Gand  à 
Terneuzen,  l'écluse  nouvelle  du  Sas-de-Gand  devant  être  ouverte  en  temps 
normal  ;  une  nouvelle  écluse  de  mer,  atteignant  18  mètres  de  largeur 
utile,  et  HO  mètres  de  longueur,  est  en  achèvement  à  Terneuzen  *. 
D'immenses  darses  se  construisent  à  l'Est  des  anciens  bassins  do  Gand. 
C'est  un  effort  considérable,  que  la  croissance  rapide  du  port  depuis 
20  ans  semble  justifier.  Les  bassins  présentent  déjà  une  animation,  une 
variété  remarquables.  A  côté  du  grand  vapeur  anglais  apportant  du  colon 
ou  chargeant  des  denrées  agricoles,  du  steamer  russe  ou  Scandinave 
chargé  de  bois,  on  aperçoit  toute  sorte  de  bateaux  qu'on  ne  voit  pas  à 
Dunkerque.  La,  c'est  la  péniche  flamande,  avec  ses  couleurs  vives,  qui  est 
seule  à  naviguer  dans  les  darses  et  les  canaux  de  jonction.  A  Gand,  on  la 
retrouve  encore,  mais  à  côté  d'elle  s'alignent  les  longs  chalands  du  Rhin, 
aux  teintes  sombres,  puis  des  bateaux  hollandais  larges  et  courts,  avec 
une  paire  d'ailerons  à  leur  flanc,  enfin  la  barque  du  pécheur  de  Philippine 
amenant  des  moules  et  des  poissons  au  marché  du  vendredi. 

Gomme  à  Dunkerque,  les  importations  de  matières  premières  pour 
l'industrie  flamande,  lin  (27.000  tonnes),  jute  (14.000),  minerais  (19.000), 
d'engrais  pour  l'agriculture,  tourteaux  (14.000),  nitrates  (7.000),  enfin  de 
houille  anglaise  (21.3.000  tonnes),  forment  les  principaux  éléments  du 
commerce  gantois,  tandis  qu'à  l'exportation  les  pommes  de  terre,  les 
sucres,  les  matériaux  de  construction,  les  fruits,  les  fils  de  lin  et  les 
ciments  sont  les  articles  essentiels.  Mais  avant  tout,  et  de  loin,  viennent  les 
bois;  ils  forment  en  1004  plus  de  la  moitié  de  l'importation  :  448. 000 tonnes 
sur  884.000  *.  (jette  proportion  se  retrouve  dans  les  autres  ports  flamands. 
A  Oslende  (1902),  les  bois  viennent  en  têt»',  précédant  les  charbons  et  les 
nitrates  3.  A  Galais  (1903),  le  bois  constitue  plus  delà  moitié  des  arrivages; 
loin  en  arrière  viennent  la  houille,  les  fers,  les  laines,  tandis  que  les 
denrées  agricoles  (fourrages,  pommes  de  terre)  prennent  le  premier  rang 
à  l'exportation  *.  Gravelines,  Nieuport,  hors  du  mouvement  de  leurs 

«  Cf.  Brunpel  et  Braun,  Le  Canal  de  Terneuzen  ;  Gand  et  ses  installations  maritimes 
(Garni,  Annoot-Braeckman,  1881,  in-4°,  HO  p.,  10  pl.  et  caries);  —  baron  Guillaume, 
L'Escaut  depuis  1830  (Bruxelles,  Castaigne,  1003,2  vol.  in-8",  4  pl.),  II,  pp.  4.7)  Ï<i3. 

1  Rapport  Ch.  Commerce,  1904,  pp.  fi2-f>7. 

a  Bull.  Ch.  Commerce,  1002,  p.  310. 

*  Tableau  Commerce-Navigation,  1903,  I,  pp.  122-123. 


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470 


LES  VOIES  DE  COMMUNICATION.  — 


LE  COMMERCE 


pécheurs,  n'ont  d'activité  que  par  l'arrivée  des  bateaux  do  bois  du  Nord  ; 
sur  138  bâtiments  outrés  on  1!M).'$  à  Gravolinos,  57  revenaient  de  pêcher  la 
morue,  43  arrivaient  de  Suède,  21  de  Norvège,  8  de  Russie  *.  Le  bois 
encombre  les  quais  ;  on  circule  entre  des  montagnes  do  planches  ;  les  ports 
flamands  sont  réellement  dos  ports  à  bois.  La  présence  de  ces  amas  a 
même  donné  lien,  dans  chacune  dos  villes  de  la  côte,  à  dos  industries  assez 
actives.  Calais  a  6  scieries  et  des  fabriques  de  moulures  (pour  bâtiment  et 
canalisation  électrique)  qui  sont  prospères  et  occupent  500  ouvriers.  A 
(iravolinos  s'est  créé  au  bord  do  l'Aa  un  petit  quartier  industriel  contras- 
tant avec  la  ville  vieillotte,  et  où  l'on  trouve  entre  autres  deux  scieries, 
une  cartonnerie,  une  grande  papeterie  utilisant  les  bois,  et  pâte  de  bois 
amenés  du  Nord.  Oslonde,  Nieuport,  ont  quelques  scieries;  de  même 
Dunkerquo  qui  recevait  en  IfKKi  113.000  tonnes  do  bois,  et  en  utilise  la 
plus  grande  partie. 

Ainsi  ces  ports  destinés  à  desservir  une  grande  région  industrielle 
finissent  par  s'industrialiser  eux-mêmes.  A  voir  passer  sur  ses  quais  tant 
de  graines,  d'huiles  minérales,  de  balles  de  jute  ou  do  coton,  Dunkerquo 
s'est  mis,  lui  aussi,  à  fabriquer.  Dans  la  ville  et  ses  faubourgs  se  sont 
établies  des  filatures  de  lin,  do  coton  et  surtout  do  jute,  dos  fabriques 
d'huile  végétale,  dos  raffineries  de  pétrole  et  do  soufre,  des  usines  de  cons- 
tructions métalliques,  dos  fonderies,  minoteries,  rizerie,  savonneries,  sans 
compter  les  grands  chantiers  de  construction  dos  navires  où  travaillent 
1.800  ouvriers.  Gravolinos  s'est  dotée  d'une  filature  de  chanvre.  A  Calais 
même,  on  peut  dire  que  c'est  à  la  situation  maritime  do  la  ville  qu'est 
due  la  grande  industrie  du  tulle.  Les  fabricants  anglais  qui  acclimatèrent 
on  1816  le  tulle  à  St-Pierro  s'établissaient  tout  naturellement  à  l'endroit  le 
plus  rapproché  de  l'Angleterre,  d'où  devaient  leur  parvenir  les  machines, 
et  aussi  les  filés  do  lin  et  do  coton,  que  l'industrie  française  fut  longtemps 
hors  d'état  de  fournir.  Ainsi  c'est  à  sa  position  de  port  le  plus  rapproché 
do  la  Grande-Bretagne  que  Calais  doit  la  présence  de  cotte  belle  industrie, 
avec  ses  400  fabricants,  ses  20.000  pei-sonnôs  employées,  sans  compter  le 
travail  du  cartonnage  et  la  construction  dos  métiers  à  tulle.  Créé  par  les 
besoins  de  l'industrie,  le  commerce  a  créé  l'industrie  à  son  tour. 

Le  transit. 

Le  trafic  important  qui  se  fait  entre  la  Flandre  et  les  pays  étrangers, 


'  Tableau  Commerce-Navigation,  1003,  II,  p.  116. 


■itiz 


LE  TRANSIT 


471 


amenant  les  grains,  les  engrais,  les  bois  et  charbons,  les  laines  et  les  lins, 
renvoyant  au  dehors  les  produits  agricoles  et  industriels,  ne  constitua  pas 
encore  la  totalité  du  mouvement  d'échanges  qui  s'accomplit  à  travers  le 
pays.  I^a  Flandre  est  une  région  de  transit.  Tenant  largement  à  la  France, 
dont  aucun  obstacle  ne  la  sépare  et  à  laquelle  la  joignent  un  réseau  serré 
de  routes,  canaux  et  chemins  de  fer  ;  aux  pays  de  la  Meuse  et  du  Rhin  par 
les  plateaux  brabançons  ;  à  la  Hollande  par  les  îles  et  les  (-anaux  ;  établie 
bien  en  face  de  la  mer  du  Nord,  route  de  l'Ecosse,  du  Danemark,  de  la 
Scandinavie  et  de  la  Russie,  enfin  aussi  proche  que  possible  de  l'Angle- 
terre, la  Flandre  occupe  peut-être  la  plus  belle  situation  internationale  qui 
soit  en  Europe.  Ce  rôle  de  pays-carrefour,  que  tout*'  la  Belgique  partage 
avec  elle,  lui  a  valu  bien  «les  désagréments.  «  Il  semble  que  Dieu  ait  fait 
.cette  bonne  Flandre,  qu'il  l'ait  placée  entre  tous  pour  être  mangée  ries  uns 
et  des  autres  1  ».  Mais  la  ruée  des  peuples  vers  ses  campagnes,  qui  ruinait 
la  Flandre  à  chaque  guerre,  l'enrichissait  dès  qu'on  proclamait  la  paix.  La 
Flandre  fut  pendant  tout  le  moyen-Age  le  point  de  contact  du  Nord  et  du 
Midi  de  l'Europe.  Vénitiens,  Génois,  Espagnols,  Gascons  et  Poitevins, 
Danois,  Scandinaves,  Lithuaniens,  Allemands  de  la  hanse,  désireux  de 
s'épargner  les  dangers  d'une  trop  longue  navigation,  avaient  fait  des  bords 
du  Zwin  leur  foire  permanente,  où  les  produits  du  Nord  s'échangeaient 
contre  ceux  de  la  Méditerranée.  A  Thourout  se  prépare  l'évangélisation  des 
Danois;  les  monnaies  des  comtes  du  X*  siècle,  Arnould  II,  Baudouin  IV, 
retrouvées  en  Danemark,  en  Russie,  en  Prusse,  attestent  l'importance  des 
relations  commerciales  de  la  Flandre  à  cette  époque  ».  I,es  denrées  île 
l'Europe  entière  affilient  h  Bruges,  les  unes  par  mer,  les  autres  par  terre, 
par  la  Champagne,  Bapauine,  et  la  ligne  des  foires  flamandes,  allongée  de 
la  Scarpe  au  Zwin,  Douai,  Lille,  Messines,  Ypres,  Thourout'1.  Parles 
canaux  et  la  Leulene  s'acheminent  vers  Calais  et  Wissanl  les  marchandises 
destinées  à  l'Angleterre,  les  tonneaux  de  vin,  les  draps  de  Flandre  et  ceux 
de  Brabant,  croisant  en  route  les  sacs  de  laine,  les  chevaux  et  bestiaux,  les 
peaux  de  mouton  *.  C'est  un  incessant  va-et-vient  à  travers  le  comté,  qui 
enrichit  le  comte  et  ses  sujets,  et  ne  contribue  pas  moins  que  l'industrie  à 
faire  de  la  Flandre  du  XVe  siècle  le  plus  beau  comté  de  l'Europe. 

Depuis,  cette  situation  s'est  modifiée.  Lorsque  la  nature  eut  tué  Bruges 


1  Michelet,  Mis».  Franc*  fl8»7),  III,  p.  45. 

*  Pirenne,  Hist.  Helgi<ju*\  I,  p.  1">9. 

3  Sur  la  variété  des  marchandises  vendues  à  la  foire  de  Thourout,  voir  le  règlement 
du  tonlieu  de  1270  dans:  Gilliodts,  Coutumes,  Petites  villes, V,  pp.  104-10*5. 

*  Tailliar,  Livre  des  L'saiges,  art.  176,  p.  73. 


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472 


LES  VOIES  DE  COMMUNICATION. 


—  LE  COMMERCE 


au  profit  d'Anvers,  le  trafic  international  adopta  sans  peine  ce  déplacement 
de  quelques  kilomètres:  mais  il  suffisait  à  tuer  la  Flandre.  Servi  par  un 
admirable  réseau  de  voies  fluviales,  qui  s'enfoncent  dans  toutes  les  direc- 
tions comme  les  brandies  d'un  éventail,  Anvers  a  gardé  sa  qualité  de  grand 
port  de  transit.  Dunkerque  seul  peut  prétendre  à  lutter,  expédie  des 
marchandises  vers  le  Sud  hors  de  la  Flandre  et  du  pays  houiiler 
vers  la  Picardie  et  la  Champagne  ;  et  l'on  peut  espérer  que  le  jour  où 
il  possédera  vers  la  Meuse  et  la  Moselle  la  voie  d'eau  directe  qui  lui 
manque,  il  étendra  jusqu'en  Lorraine  le  rayon  d'action  de  son  port.  En 
attendant,  le  rôle  international  de  la  Flandre  s'est  réduit  au  transport  des 
voyageurs.  De  ce  côté  au  moins,  elle  a  gardé  tous  les  avantages  que  lui 
donne  sa  situation.  Aucun  progrès  n'empêchera  Calais  d'être  le  point  du 
continent  le  plus  rapproché  d'Angleterre,  si  bien  qu'une  heure  de  naviga- 
tion suffit  d'une  terre  à  l'autre.  Plus  de  300.000  voyageurs  s'embarquent  ou 
débarquent  chaque  année  dans  son  avant-port;  301.677  en  1902  1  ; 
306.002  en  1903  ».  Ostende  de  son  côté  en  voit  passer  120.000  environ  par 
an,  113.827  en  1900,  122.019  en  1902  ».  Boulogne  et  Dieppe  en  1902 
avaient  un  mouvement  de  158.000  et  de  1 95.000;  l'avantage  reste  donc  aux 
ports  flamands.  De  1888  à  1902,  les  lignes  de  Calais  et  d'Ostende  ont 
transbordé  5.(i30.tHX)  voyageurs,  soit  375.000  par  an  ;  aujourd'hui  le 
mouvement  atteint  430.000.  Ces  foules  s'embarquent,  au  sortir  des 
steamers,  dans  les  grands  trains  rapides  qui  traversent  la  Flandre  à  tout/* 
vapeur;  si  la  ligne  Calais-Paris  quitte  aussitôt  la  plaine  pour  les  hauteurs 
crayeuses  du  Boulonnais,  la  ligne  Cala is-Bâie, par  St-Omer  et  Hazebrouck, 
dessert  Lille  et  Douai  qui  lui  assurent  d'ailleurs  une  bonne  partie  de  son 
trafic  ;  et  les  trains  Calais-Bruxelles  emportent  par  Lille  et  Tournai  les 
voyageurs  vers  l'Europe  centrale.  Pour  lutter  contre  l'admirable  situation 
de  Calais,  Ostende  possède  des  services  vers  toutes  les  régions  de  l'Europe 
du  centre  et  de  l'Est:  Ostende-Milan  par  le  Gothard,  circulant  trois  fois 
par  jour,  Ostende-Vienne,  vers  Constantza  et  Constantinople,  Ostende- 
Berlin  et  Eydtkùhnen.  Ainsi  la  Flandre  est  encore  un  des  pays  de  grand 
transit  international  ;  elle  voit  passer  à  toute  vitesse  les  gens  affairés  qui 
s'empressent  de  l'Angleterre  vers  la  Méditerranée,  la  mer  Noire,  la  Russie, 
les  pays  du  Danube,  ou  refluent  de  ces  directions  vers  le  Nord.  C'est 
quelque  chose  encore  que  de  posséder  ces  grandes  voies  ;  pourtant  il  y  a 


'  Exposé  sommaire  Ch.  Commerce,  1902,  p.  238. 
*  Tableau  Commerce-Navigation,  1903,  II,  p.  62. 
a»  Bull.  Ch.  Commerce,  1902,  p.  312. 


LE  TRANSIT 


473 


décadence  sur  l'époque  où  les  marchandises  suivaient,  elles  aussi,  ces 
mémos  routes.  L'activité  commerciale  reste  un  facteur  important  dans  la 
vi«»  économique  do  la  Flandre  ;  mais  elle  n'occupe  plus  le  premier  rôle 
comme  au  temps  où  le  herault  Berry  disait  que  «  n'est  ce  pays  riche  que 
des  grans  marchandises  qui  descendent  en  iceluy  J>ays  »  dette  sentence 
a  cesse  d'être  exacte,  mais  elle  a  été  profondément  juste,  et  l'on  verra 
l'importance  de  ce  commerce  international  dans  l'explication  d'une  des 
particularités  géographiques  les  plus  curieuses  de  la  Flandre,  le  grave 
problème  de  la  surpopulation. 


•  Hérault  Berry,  in  Labbe,  p.  70-i. 


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471 


LE  PROBLÈME  DE  LA  SURPOPULATION 


CHAPITRE  XVII. 
LE  PROBLÈME  DE  LA  SURPOPULATION. 


1.  Origines  de  (a  population  fhtmatule.  Les  anciennes  populations.  Invasions  germa- 
niques. \jl  frontière  linguistique.  —  IL  Lit  8ur/>o/iulation.  \*  surpopulation 
précoce.  Mouvements  de  population  au  XIX*  siècle.  Causes  des  transformations. 
Densité  actuelle  de  la  population  ;  ses  conséquences. —  III.  L' Emigration.  Nécessité 
de  l'émigration.  Déplacements  quotidiens  et  hebdomadaires.  Migrations  saisonnières. 
L'émigration  définitive. 

Lit  Flandre  est  très  peuplée  :  249  habilants  au  kilomètre  carré  dans  la 
province  de  Flandre  Occidentale,  313  dans  celle  de  Flandre  Orientale, 
•404  dans  la  partie  flamande  du  département  du  Nord.  En  ajoutant  la 
Flandre  zélandaiseet  la  partie  du  Pas-de-Calais  qui  s'étend  dans  la  plaine 
flamande,  on  oblienl  la  forte  densité  de  31^  habitants  au  kilomètre  carré  : 
3.119.000  personnes  se  pressaient  en  1901  sur  les  9.979  (en  gros  10.000) 
kilomètres  carrés  du  territoire  flamand  Ainsi  la  Flandre  contient  presque 
le  douzième  de  la  population  française.  C'est  une  des  régions  les  plus 
habitées  de  la  terre. 

On  pourrait  dire  qu'elle  est  trop  peuplée.  I^a  Flandre,  on  l'a  vu,  n'est 
pas  par  elle-même  un  pays  riche.  Le  sol,  dans  une  grande  partie  du  terri- 
toire, esl  pauvre,  ou  médiocre.  Les  métaux  et  les  combustibles  minéraux, 
dont  l'exploilation  attire  les  foules,  ne  s'y  trouvent  pas  :  ni  houille,  ni  fer. 
Les  matières  premières  nécessaires  à  l'industrie  sont  toujours  venues  du 
dehors:  la  laine  d'Angloterre.  le  lin,  au  XIX' siècle,  do  Russie,  le  coton 
d'Amérique.  Sans  doute  l'agriculture  y  est  admirablement  développée,  et 
L'industrie  y  est  prospère:  mais  on  a  vu  que  c'était  la  présence  d'une 


1  On  trouvera  les  chiffres  de  population  et  «le  superficie  :  pour  le  début  du  siècle, 
dans  les  Mémoires  statistiques  de  La  Chaise  (Pas-de-Calais),  Dieudonné  (Nord),  de 
Viry  (L\>i,  Faipoult  (Kscauti;  pour  le  milieu  du  siècle,  dans  les  Annuaires  statistiques 
dos  départements  du  Nord  et  du  Pas-de-Calais,  et  dans  le  Recensement  de  la  population 
belge  de  1840;  pour  1901  dans  la  Situation  financière  îles  communes  de  France  en  HOM, 
et  le  Recensement  général  de  la  Population  belge  au  31  décembre  1900  (tome  I).  Los 
chiffres  delà  Flandre  zélandaise  pour  1846  et  P.KK)  ont  été  communiqués  par  M.  de 
Man,  à  Middelbourg,  par  l'obligeant  intermédiaire  de  M.  Ach.  Ix:dieu-Dupaix,  consul 
des  Pays-Bas  à  LiUe. 


LES  ANCIENNES  POPULATIONS 


population  surabondante  qui  avait  déterminé  la  naissance  d'une  agri- 
culture savante,  et  y  avait,  de  force,  associé  l'industrie.  Ainsi  la  surpo- 
pulation en  Flandre  ne  procède  pas  de  la  prospérité  agricole  et  indus- 
trielle :  elle  la  précède.  Agriculture  savante,  industrie  nécessaire,  tout 
vient  de  là.  Le  problème  de  la  surpopulation  est  donc  le  plus  important,  et 
le  plus  difficile  a  résoudre,  de  tous  ceux  que  soulève  l'étude  de  la  région 
flamande  ;  il  domine  tous  les  autres.  La  meilleure  manière  de  l'aborder 
semble  être  de  suivre  à  travers  les  siècles  le  développement  de  la  popu- 
lation flamande,  pour  voir  à  quel  moment,  et  sous  l'influence  de  quelles 
causes  le  pays  se  trouve  surpeuplé. 

I. 

ORIC.INKS  DE  LA  KJPILATION  FLAMANDE. 

Anciennes  populations. 

La  Flandre  a  été  peuplée  à  l'époque  préhistorique.  I,es  hauteurs  qui 
derrière  Ypres  rejoignent  aux  collines  du  Sud  les  monticules  de  Staden  el 
d'Hooglede  recèlent  parmi  les  traînées  de  cailloux  dont  elles  sont 
couvertes  des  silex  sur  lesquels  on  a  rru  distinguer  des  traces  d'utili- 
sation; les  auleurs  de  ces  retouches  involontaires  seraient  des  hommes 
paléolithiques,  vivant  au  début  de  l'époque  quaternaire1.  Du  moins, 
si  la  présence  de  ces  populations  est  encore  discutée,  il  n'y  a  pas  de  doute 
sur  le  séjour  que  firent  en  Flandre  les  néolithiques.  I^es  collines  conti- 
nuaient à  offrira  ces  peuples  des  refuges  et  des  observatoires  :  aux  Monts 
des  Cals  et  des  RécolleLs,  sur  le  Mont  Noir,  le  Mont  Kemmel,  le  Mont 
Rouge  et  le  Mont  Aigu,  sur  les  collines  de  Tieghem  et  de  Lendelede,  les 
tertres  de  Lichtervelde,  Pilthem,  Ardoye,  Gits,  enfin  à  Ter  Heest  les 
archéologues  ont  récolté  en  abondance  grattoirs,  haches  polies,  pointes  de 
flèche,  lames  D'autres  populations  ont  abandonné  des  instruments  sui- 
tes bords  des  rivières  du  pays  de  Waes,  à  Hupolmonde,  Lokeren, 


1  Voir:  Kutot  (A.),  Note  sur  la  découverte  d'importants  frisenients  de-  silex  tailles 
(Bull.  Soc.  Anthr.  Krux.,  XVIII,  1000).  —  Discussion  dans  Claerhout  (.1.),  Nos 
origines;  Le  Préhistorique  do  la  Flandre  occidentale  (Ann.  Soc.  Em.  Rr.,  t.  LU,  1002). 

*  Gilles  de  Pélichy  (Ch.).  Les  stations  préhistoriques  de  la  Flandre  occidental.' 
(11*  Congrès  arch.  et  histor.  de  Belgique,  Gand,  1800,  II,  pp.  2H-3Î)  ;  —  Rapports  sur 
les  fouilles  de  1000  et  1001,  rédigés  par  le  baron  de  Loe  pour  la  Soc.  d'Archéologie 
de  Rruxelles  ;  —  Claerhout  (.1.),  Les  stations  néolithiques  de  Pitthem  (Rull.  Soc.  Anthr. 
Rrux.,  XXI,  1002-03,). 


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47fi 


LE  PROBLÈME  DE  LA  SURPOPULATION 


Exaordc,  Dacknam  l,  Enfin  les  valléos  marécageuses  semblent  avoir 
été  dos  poinls  d'établissement  appréciés  des  néolithiques.  Sur  les  pieux 
enfoncés  dans  la  tourbe  s'élevait  une  palafitte  :  on  en  trouve  des  débris 
dans  la  vallée  de  la  Caele  à  Meerendré  ;  sur  le  boni  do  la  Deûle  à 
Houplin  ;  le  long  de  la  Mandel  A  Houlers,  Emelghem  et  Denterghem, 
dans  les  tourbières  de  l'Escaut  à  Audenarde  *.  Ces  populations  ont 
d'ailleurs  laissé  d'autres  traces  que  les  débris  de  leurs  habitations  et  de 
leurs  instruments  ;  elles  ont  contribué  à  former  la  race  flamande 
actuelle  II  suffit  d'avoir  voyagé  quelques  jours  en  Flandre,  et  d'avoir 
interrogé  les  habitants,  pour  s'apercevoir  qu'à  côté  des  Germains  blonds 
ou  roux,  aux  yeux  bleus,  existent  des  types  bruns  aux  yeux  foncés,  que 
d'innombrables  métissages  relient  aux  blonds  par  une  foule  d'intermé- 
diaires où  se  distinguent  tous  les  tons  châtains.  Les  bruns,  moins 
nombreux,  semblent  représenter  les  anciennes  populations,  repoussées 
dans  les  forêts  par  les  envahisseurs,  comme  il  est  arrivé  à  Ter  Heest  et  à 
Maldegem.  L'examen  des  résultats  de  l'enquête  anthropologique  faite  en 
1870  sur  la  couleur  des  yeux  et  des  cheveux  semble  indiquer  que  le  type 
brun  se  retrouve  surtout  vers  la  frontière  française,  vers  le  pays  resté 
plus  pur  d'infiltrations  germaniques  :  32,7  %  dans  le  canton  do  Messines, 
31,7  dans  celui  du  Sud  d'Ypres,  29,5  dans  celui  de  Wervicq,  tandis  que 
le  type  blond  garde  une  majorité  considérable  dans  les  cantons  de  la 
Flandre  orientale:  St-Nicolas  et  Zelo,  (56,2%  contre  17,5  et  16,8  de 
bruns),  Hamme,  Lokereo,  St-fiilles-Waes,  Somergem,  Thourout,  Ardoye 
et  Thielt,  où  la  proportion  des  blonds  dépasse  50  °/0  sans  que  celle  des 
bruns  atteigne  le  chiffre  de  23  3. 


•  Van  Raemdonck  (J.),  Le  pays  do  Waes  néolithique  (Congres  arch.  et  histor. 
Namur,  18W;  pp.  241-25)3).  Pu  même  autour:  Le  pays  «te  Waes  à  l'époque  du 
mammouth  (Ann.  G.  A.  P.  Waes,  XII,  1889-90,  pp.  79- 122  et  185-194);  —  Le  pays 
de  Waes  préhistorique  (St-Nicolas,  Edom,  1878,  in-8°,  153  p.,  pl.). 

*  Voir  :  Gosselet,  Esquisse,  Quaternaire,  pp.  315-319  ;  —  Schaeyes,  Notice  sur 
plusieurs  découvertes  d  antiquités  (Bull.  Ac.  R.  Belg.,  XIV,  2*  partie,  1847,  p.  2»i0)  : 

—  Claerhout  (J.),  Objets  provenant  de  la  station  palustre  do  Denterghem  (Ann. 
Soc.  Arch.  Brux.,  XVI,  liJOci,  \n  et  2"  livraisons,  et  XVII,  1903,  3"  et  4e  livraisons)  ; 

—  «le  Lof-  (A.),  Découverte  de  palafittes  en  Belgique  (C.-R.  Congrès  international 
«l'Anthropologie,  XIIe  session,  Paris,  1900)  ;  —  Delvaux  (E.),  Les  alluvions  de  l'Escaut 
et  les  tourbières  aux  environs  d'Andenarde  (Ann.  Soc.  géol.  Belg.,  XII,  1885,  Mém. 
pp.  140-170). 

3  Vandorkindore  (L.),  Enquête  anthropologique  sur  la  couleur  des  yeux  et  des  cheveux 
en  Belgique  (Bull.  Soc.  belge  Oéog.  3«  année,  1870,  pp.  409-449,  4  cartes).  —  Consulter  : 
Houzé  (Dr),  Les  indices  céphaliques  des  Flamands  et  des  Wallons  (Bull.  Soc.  Anthr. 
Brux.  I,  1882-83,  pp.  20-26)  ;  Cartes  de  la  taille  en  Belgique  (Ibid.,  VI,  1887-88,  p.  304)  ; 


LES  INVASIONS  GERMANIQUES 


477 


Les  populations  celtiques  qui  possédèrent  la  Flandre  sous  le  nom  de 
Ménapiens  et  de  Morins  ont  laissé  peu  de  traces  datant  do  l'époque  oii  elles 
étaient  indépendantes.  Au  contraire  on  peut  se  faire  une  idée  de  l'état  du 
pays  sous  l'administration  romaine.  Ce  n'est  pas  la  région  désolée,  tout 
en  bois  et  marais,  que  l'on  s'imagine  sur  la  foi  des  textes  mal  interprétés 
de  César  et  do  Strabon.  Les  monnaies  et  les  vases  qu'on  y  a  trouvés  eu 
grand  nombre,  les  fragments  de  voies  romaines,  attestent  le  peuplement 
et  la  civilisation.  Si  on  ne  trouve  guère  trace  de  maisons,  c'est  qu'on  les 
bâtissait,  faute  de  pierres,  en  torchis,  ou  en  bois,  comme  l'étaient  encore 
nombre  de  maisons  de  la  ville  d'Ypres  au  début  du  XIXe  siècle,  et  que  ces 
demeures  fragiles  sont  disparues  sans  laisser  de  vestiges.  Cependant  tout 
le  pays  ne  semble  pas  avoir  été  également  peuplé.  Les  cartes  archéo- 
logiques montrent  les  antiquités  romaines  réparties  en  deux  groupes: 
celui  de  la  plaine  maritime,  auquel  so  rattachent  les  découvertes 
faites  sur  le  boni  Sud,  à  Bruges,  St-Miehel,  Zedelghem,  Aertryckc, 
Merekem,  Bixschoote,  Poperinghe  ;  d'autre  part  le  groupe,  beaucoup 
plus  (  ompart,  «les  vallées  de  l'Fscaut  et  de  la  Lys,  qui  so  poursuit  par  le 
pays  do  Waes  jusqu'à  Anvers.  Entre  les  deux,  un  vide,  qui  n'est 
comblé  que  dans  la  Flandre  française.  On  y  a  bien  dessiné  quelques 
routes  romaines  assez  sinueuses.  Mais  d'antiquités,  on  n'en  a  découvert 
qu'à  Thourout,  Gits,  Roulers,  Rumbeke,  c'est-à-dire  le  long  d'une  route 
allant  de  Courtrai  vers  le  Nord.  Ce  pays  intermédiaire,  si  vide  de 
traces  romaines,  était  donc  assurément  peu  habité,  peut-être  désert  ; 
c'était  la  région  boisée  1 . 

Invasions  germaniques. 

Cette  population  si  inégalement  répartie  dut  subir,  après  la  mort 
d'Aurélien,  une  catastrophe  à  laquelle  nous  devons  l'enfouissement  d'un 
grand  nombre  de  séries  monétaires  s'arrètant  aux  empereurs  gaulois  *. 
Le  pays  ne  dut  se  repeupler  que  faiblement,  car  les  trésors  postérieurs  à 


Enquête  anthropologique  sur  le  village  de  Mendonek  (Ibid.,  XV,  lHî)6-97,  pp.  24i-270, 
8  pl.):  —  Dclvaux,  Notice  sur  la  fouille  de  Flobecq.  —  Enfin  les  connaissances  sur  le 
préhistorique  belge  sont  résumées  dans:  Fraipont  (J.),  l>a  Belgique  préhistorique  et 
protohistorique  (Bull.  Ac.  R.  Belg.,  Sciences,  1901,  pp.  823-877)  ;  —  Engerrand  (().), 
Six  levons  de  préhistoire  (Bruxelles,  Urcier,  190"),  in-12,  VU  -|-  263  p.). 

•  Voir  les  listes  d'antiquités  romaines  dans  de  Bast,  et  la  carte  archéologique  de 
Van  Dessel. 

î  Cf.  p.  144. 


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478 


LE  PROBLÈME  DE  LA  SURPOPULATION 


celte  date  n'ont  été  trouvés  qu'en  petite  quantité,  et  à  peu  près  uni- 
quement sur  les  bords  de  l'Escaut  et  de  la  Lys.  C'est  dans  ce  pays  vidé 
que  pénètrent  peu  à  peu  de  nouveaux,  envahisseurs.  Installés  dans  la 
Toxandrie  (Campine)  dès  358  les  Francs  touchaient  ainsi  à  l'Escaut  ; 
nul  doute  qu'une  partie  de  ce  peuple  n'ait  déjà  pénétré  par  infiltration 
lente  dans  les  vallées  flamandes,  plus  fertiles  que  les  sables  et  les  maré- 
cages où  ils  étaient  campés.  Au  début  du  Ve  siècle,  l'invasion  de  la 
Flandre  par  les  Saliens  est  chose  faite.  11  n'est  pas  nécessaire  de  penser 
que  ce  fut  là  une  marche  d'ensemble  d'un  peuple  s'avançant  d'un  seul 
bloc  dans  un  pays  nouveau.  La  désorganisation  do  l'Empire  les  laissant 
libres  de  chercher  vers  le  Sud  une  terre  plus  fertile  que  la  Toxandrie  où 
Home  s'était  efforcée  de  les  maintenir,  les  Francs,  arrêtés  en  Brabaut  par 
les  ouvrages  de  défense  qui  flanquaient  en  avant  la  grande  voie  Bavay- 
( Pologne,  et  par  le  monde  boisé  de  la  Charbonnière,  s'écoulèrent  au  long 
de  la  forêt  et  se  transportèrent,  à  quelques  lieues  de  leur  ancien  séjour,  le 
long  des  rives  de  l'Escaut  et  de  la  Lys.  Certaines  familles  ne  firent  peut- 
être  pas  trente  kilomètres  pour  trouver  en  terre  plus  fertile,  sur  les 
limons  sableux  d'entre  Lys  et  Escaut,  ou  le  long  des  ruisseaux  du  pays 
d'Alost,  l'emplacement  d'un  nouvel  «  heim  »,  d'une  «  sala  »  définitive.  Ce 
qui  restait  des  Ménapiens  et  des  Nerviens  dépossédés  se  retira  dans  les 
fourrés  de  Thourout  et  d'Houthulst,  dans  les  solitudes  de  la  Charbon- 
nière, où  bientôt  ils  furent  si  bien  absorbés  par  les  envahisseurs,  que  le 
christianisme  disparut  complètement  de  la  région.  Mais  au  Sud  de 
Courtrai,  de  Wervicq,  d'Eslaires,  où  la  population  gallo-romaine  était 
restée  considérable,  les  Francs  s'établirent  en  nombre  moindre,  et  finirent 
par  se  fondre  au  milieu  de  leurs  nouveaux  sujets  ;  enfin  ce  ne  furent  guère, 
à  la  génération  suivante,  que  des  enfants  perdus  d'avant-garde,  établis 
vers  Tournai  au  contact  des  pays  restés  romains,  qui  partirent  avec  Clovis 
et  firent  la  conquête  politique  de  la  Gaule  s. 

Il  y  eut  cependant  en  Flandre  une  région  que  respecta  l'invasion  frauque. 
La  Plaine  maritime,  isolée  d'ailleurs,  par  la  ligne  des  bois,  des  pays 
saliens  de  la  Lys,  était  sous  les  eaux  deux  fois  par  jour  au  moment  où 
les  Francs  s'établissaient  le  long  des  rives  des  deux  fleuves.  Il  était  difficile 
de  pénétrer  par  terre  dans  cette  région  noyée  ;  au  contraire  des  peuples 
marins  pouvaient  facilement  aborder  dans  la  rangée  d'îles  de  sable 


1  Animien  Marcellin,  XVIII,  8,  3. 

1  Voir  Kurth  (G.),  La  frontière  linguistique,  I,  pp.  543-560.  —  Sur  rôvangelisation 
du  pays  flamand  :  de  Bertrand  R.  i,  Dévotions  populaires  chez  les  Flamands  de 
l'arrond.  d'Hazebrouck  (Ann.  Com.  fl.  Fr.,  II,  185*55,  pp.  105-196). 


LES  INVASIONS  GERMANIQUES  470 

qui  limitaient  au  Nord  les  wadden  de  Flandre.  Ce  sont  les  Saxons, 
«  peuple  vivant  dans  les  boues  dos  rivages  »  f,  et  les  Frisons,  que  les 
auteurs  de  l'époque  confondent  souvent  avec  les  précédents,  qui  prennent 
pied  sur  cette  côte  tronçonnée  qui  était  déjà  au  IVe  siècle  le  LUI  us 
Saxonicum.  Lorsque  St  Eloi  se  risque  au  VIIe  siècle  sur  cette  terre  à 
peine  émergéo,  il  y  trouve  des  peuples  marins,  «  Flandrenses,  Andover- 
penses,  Frisiones  quoqueet  Suevi  »  *,  différents  des  Francs  de  l'intérieur 
auxquels  s'attaquent  les  prédications  de  St  Amand.  On  retrouve  encore 
aujourd'hui  dans  la  plaine  maritime  des  traces  de  l'origine  frisonne  de  la 
population.  La  langue,  le  droit  ancien  de  la  Plaine,  ressemblent  aux 
dialectes  et  aux  coutumes  frisons;  la  toponymie  de  la  région  côtière, 
avec  ses  «  ham  »,  ses  «  lun,  ton,  thun  »,  si  fréquents  dans  le  Boulonnais, 
ses  «  wick  »,  «  muyde  »,  «  mude  »,  «  drecht  »,  «  donck  »,  se  rapproche 
beaucoup  plus  des  formes  qu'on  retrouve  sur  les  côtes  de  Hollande  et 
d'Angleterre,  que  de  celles  du  pays  salien,  caractérisé  par  le  «  heim  ».  On 
a  vu  la  ressemblance  des  fermes  de  la  Flandre  zélandaise  avec  celles  du 
reste  de  la  Zélande,  et  comment  ce  type  d'habitation  se  rattachait  à  la 
maison  frisonne.  Les  mœurs  même  de  la  Plaine  rappellent  celles  des 
habitants  de  la  Frise,  et  on  trouve  encore  au  Nord  de  Bruges  des  vieilles 
femmes  qui  portent  autour  de  la  tète  l'ornement  frison  appelé  «  oorijzer  »  :|  ; 
la  physionomie  même  des  gens  de  Leeuwarden  ou  de  Dokkum  a  été 
entrevue  par  M.  Winkler  chez  les  gens  du  pays  bas,  et  particulièrement 
parmi  les  pêcheurs  de  la  côte.  Celte  origine  frisonne  explique  en  partie 
les  différences  qu'on  ne  peut  manquer  d'apercevoir  en  Flandre  entre 
des  gens  aussi  rapprochés  les  uns  des  autres  que  le  sont  les  habitants  de  la 
Plaine  et  ceux  de  l'intérieur  *. 

L'invasion  de  la  Flandre  par  ces  peuples  germaniques  refoula  vers  le 


'  Orose,  1.  VIII  ;  cf.  Kervyn  de  Lettenhove,  Hist.  de  Flandre,  I,  p.  32. 

*  Act.  SS.  Belg.  III,  p.  231. 

3  Cberhout  (J.),  Sur  un  ornement  frison  trouvé  à  Dudzeele  (Bull.  Soc.  Anthr. 
Brux.  XX,  11)01-11)02,  4  p.). 

*  Sur  l'origine  frisonne  des  hommes  de  la  Plaine,  voir  en  particulier  les  travaux  de 
Winkler  (J.):  Algemeen  Nederduitsch  en  Fricsch  Dialecticon  (S'Gravenhage,  Nijhoff. 
1874,  2  vol.  in-8<\  r>00  et  4'«H  p.)  ;  —  Oud  Nederland  (S'Gravenhage,  Ewings,  1888, 
in-8\  307  p.);  —  In  ons  zeventiende  gewest  (ïijdspiegel,  18H5,  pp.  121-266)  [l'Artois 
revendiqué  comme  pays  néerlandais]  ;  —  Studien  in  Nederlandsche  Namenkunde 
(Haarlem.  Tjeonk  Willink,  11)00,  in-8\  328  p.).  —  Bon  article  de  Vanderkmdere  (L.), 
Les  origines  de  la  population  flamande  ;  la  question  des  Suèves  et  des. Saxons  (Bull. 
Ac.  R.  Belg.  3'  série,  X,  1885,  pp.  431-458,  carte,  et  XI,  1886,  pp  211-241)  ;  du  même  : 
Sur  l'établissement  des  Francs  en  Belgique,  spécialement  d'après  la  toponomastique 
(Bull.  So<-.  Amhr.  Brux.,  111,  18*4-85,  pp.  31M8,  carte). 


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480  LE  PROBLÈME  DE  LA  SURPOPULATION 

Sud-Ouost  la  langue  latine  au  profit  du  dialecte  néerlandais  que  l'on 
appelle  1»'  flamand  (Vlaamsch).  Le  flamand  [l'est  pas  une  langue  homo- 
gène, et  l'on  y  distingue  des  différences  assez  fortes  entre  les  sous- 
dialêCtes  :  rOst-flamand,  limité  à  l'Ouest  par  une  ligne  très  droite  passant  à 
Lapschenre,  Sl-Georges,  Ruysselede,  Aerseele,  Wacken,  Harlebeke  ; 
Courtrai1,  et  qui  est  plus  proche  du  brabançon  que  dos  idiomes  de  l'Ouest  ; 
le  West-flamand,  mélangé  d'éléments  frisons,  qui  s'étend  à  l'Ouest  du 
premier  jusqu'au  contact  avec,  la  langue  française  ;  des  philologues 
estiment  que  celui-ci,  dans  la  prononciation,  rappelle  le  français, 
tandis  que  la  rudesse  de  l'Ost-flamand  fait  déjà  songer  au  haut- 
allemand  *.  Mais  les  nuances  sont  infinies  dans  chacun  d'entre  eux. 
En  France,  ou  a  pu  distinguer  un  flamand  de  Bailleul,  un  autre 
d'Hazebrouck,  de  Cassel,  de  Dunkerque;  et  do  village  à  village  les 
différences  sont  fortes.  Un  homme  de  Courtrai,  qui  ne  comprend  pas 
un  Anversois,  converse  sans  difficulté  avec  un  citoyen  de  Leeuwarden  3. 
Hauthem  St-Liévin  ne  parle  pas  la  langue  d'Alost,  et  comprend  à  peine  ce 
qu'on  dit  à  Erembodegem,  à  Burst  même,  dont  4  kilomètres  le  séparent. 
Eecloo  possède  un  idiome  différent  de  celui  de  Maldegem.  Aussi  pour 
faire  l'unité  et  résister  aux  empiétements  du  français,  les  flamingants  ont- 
ils  dû  adopter  une  langue  presque  étrangère,  le  néerlandais  littéraire,  qui 
est  devenu  sans  modifications  le  flamand  officiel,  enseigné  dans  toutes  les 
écoles  de  Belgique. 

La  frontière  linguistique. 

Cette  langue  sans  unité  avait  fort  à  faire  pour  se  maintenir  devant 
l'invasion  lente  de  sa  rivale,  le  français,  idiome  des  maîtres  du  pays,  fort 
de  la  puissance  matérielle  et  intellectuelle  d'un  grand  royaume.  I^a  résis- 
tance a  été  inégale.  A  l'Ouest,  où  le  tudosque  avait  jeté  une  avant-garde 
qui  occupait,  dans  une  position  très  aventurée,  on  flèche,  le  Calaisis  et  le 
Boulonnais,  les  progrès  du  français  ont  été  considérables.  Partant  île 
Boulogne,  que  le  flamand  n'avait  pu  enlever,  la  langue  romane  gagna 
vers  l'Est.  Les  noms  flamands  dominent  dans  les  chartes  de  l'abbaye  de 
Licques  au  début  du  XIIIe  siècle  *,  et  les  affaires  se  plaident  on  tudesque 


1  De  Bo  (L.),  Westvlaamsch  Idioticon  (Bruggc,  Gailliard,  1873,  in-8°,  H88  p.),  p.  V. 

*  De  Bo,  p.  VII  ;  —  Winkler,  Dialocticon,  II,  pp.  306-388. 
3  Winkler,  Oud  Nederland,  p.  139. 

*  Haigneré,  Chartes  de  Licques,  Mém.  Soc.  Ào.  Boul.,  XV,  p.  13. 


LA  FRONTIKRK  I-IN< îL'ISTIQ! 


devant  la  cour  de  l'abbaye  d'Andres  en  1229  ;  un  curé  du  pays  de  Langle, 
appelant  d'une  sentence,  s'exprime  en  flamand  en  1 45 i  ;  les  baillis  et 
échevins  d'Ardres  peuvent  tenir  leur  plaid  en  flamand  (  1507)  «  en  la  mainere 
accoustumée  »  ;  même  en  1674  Louis  XIV  rend  encore  en  langue  germa- 
nique une  ordonnance  pour  le  pays  do  Bredenarde.  Mais  dès  le  XIe  siècle 
la  cour  de  ( iuînes  emploie  le  français  ;  des  actes  dans  cette  langue  sont 
publiés  au  XII"  siècle  à  St-Omer,  et  le  cueilloir  de  l'abbaye  de  Beaulieu 
(1286)  est  rédigé  de  la  même  manière;  en  L"kS6,  Philippe  II  ordonne  que 
toutes  procédures  dans  le  pays  de  Langle  se  feront  en  langue  française 
et  le  magistrat  de  St-Omer  cesse  on  1593  de  publier  ses  sentences  dans  les 
deux  idiomes  Il  y  a  120  ans,  le  flamand  était  encore  parlé  à  Audruicq; 
le  dernier  curé  flamand  y  est  mort  en  1728,  mais  ses  successeurs,  jusqu'à 
la  Révolution,  étaient  encore  obligés  de  connaître  les  deux  langues  *. 
Depuis,  sous  les  coups  des  ordonnances  royales  en  interdisant  l'emploi, 
corsées  p;ir  le  déeœt  de  la  Convention  du  2  thermidor  an  II,  le  flamand 
a  repassé  l'Aa,  et  le  français  le  poursuit  au  delà  de  la  rivière. 

Mais  aux  endroits  où  la  langue  germanique  opposait  à  l'envahissement 
du  français  un  bloc  compact,  appuyé  sur  d'immenses  réserves,  la  situation 
n'a  guère  changé  depuis  le  haut  moyen-Age.  De  bonne  heure,  les  éléments 
flamands  qui  avaient  franchi  la  Lys  pour  s'aventurer  autour  de  Lille,  de 
Valenciennes,  de  Douai,  d'Arras,  s'étaient  vus  absorber  parle  gros  delà 
population  romane;  seuls  les  noms  de  lieu  d'origine  germanique,  tout 
défigurés  qu'ils  sont,  restent  pour  attester  la  venue  des  envahisseurs.  Lille, 
Armentières,  le  pays  de  l'Alleu,  n'ont  aucune  trace  du  flamand  dans  les 
plus  anciennes  pièces  d'archives  qui  les  concernent,  et  dès  le  XII"  siècle 
on  peut  admettre  que  la  limite  linguistique,  entre  St-Omer  et  Courtrai, 
doit  être  fixée  au  Neuffossé  et  à  la  Lys  3.  C'est  à  Courtrai  que  Guillaume 
le  Breton,  revenant  du  Nord,  se  réjouit  d'entendre  de  nouveau  la  langue 
française  1  ;  et  c'est  la  Lys  que  l'Italien  Villani  indique  comme  frontière 


<  Détails  empruntés  à  :  Courtois  (A.).  I>>  roman  et  le  théotisque  belge  (Mém.  Soc. 
Ant.  Mor.  XIII,  2*'  partie,  pp.  1-tï.M  :  —  Communauté  d'origine  et  de  langage  entre  les 
habitants  de  l'ancienne  Morinie  flamingante  et  wallonne  (Ann.  Coin.  fl.  Fr.,  IV.  1858- 

pp.3*Mijf>. 

*  Dictionnaire  hist.  et  arch.  du  Pas-de-Calais,  arr.  de  St-Omer,  canton  d'Audruicq, 
pp.  31.5-310. 

»  Voir  les  arguments  réunis  par  Dehaisnes  (Ci.  Délimitations  du  Français  et  du 
Flamand  dans  le  Nord  .le  la  France  (Hull.  Connu.  H.  Nord,  XX,  lift«7,  pp.  277-318). 
pp.  21*2-301. 

*  M.  fi.  SS.  XXVI,  p.  350,  vers  580-5*4. 

n 


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LE  PROBLÈME  DE  LA  Sl/KPOITLATION 


linguistique  L  Or jusqu'au  début  du  XIXf  siècle,  le  français  ne  lit  que  de 
minces  conquêtes  le  long  de  la  rivière.  I,a  ligne  des  communes  de  la  lisière. 
Beekem,  Halluin,  Bousbecque,  Wervieq-Sud,  (domines,  Warneton  i, 
Ploegsteert,  devint  romane;  une  pointe  fut  poussée  vers  Ypres,  où  Zand- 
vooi'de,  Houlhem,  Hollebeke  même,  se  francisèrent.  Plus  loin  Nieppe, 
Steenwerck,  Neuf- Berquin ,  Haverskerque ,  Thiennes,  Booseghem  , 
Blaringhem  et  Renescure  furent  perdues  pour  le  flamand.  Ainsi  la  langue 
prépondérante,  en  dix  siècles,  n'avait  pu  enlever  qu'une  lisière. 

Il  est  intéressant  de  voir  ce  qu'est  devenue  la  frontière  linguistique  au 
coure  du  XIX1'  siècle,  où  un  double  mouvement  de  pression  s'est  exercé 
de  chaque  côté  pour  la  faire  reculer,  où  pour  la  première  fois  on  a  lutté 
pour  propager  l'idiome.  En  France,  renseignement  obligatoire  eu 
français,  rétablissement  de  voies  de  communication  niellant  les  centres 
flamands  en  contact  incessant  avec  les  pays  de  langue  romane,  la 
conscience  chaque  jour  plus  nette  de  l'unité  nationale,  étaient  assurément 
de  puissants  moyens  d'action.  Pourtant,  la  plus  grande  partie  de  l'ancien 
pays  flamingant  a  gardé  l'usage  de  sa  langue. 

La  limite  des  deux  idiomes  3  part  de  la  cote  à  l'Est  de  Dunkerque,  à 
Lelfrinckoucke.  La  ville  neuve  de  Malo  est  toute  française,  et  Roseudael 
de  même  jusqu'au  centre  ;  le  flamand  ne  se  conserve  que  chez  les 
maraîchers  de  la  périphérie.  Dunkerque  est  devenu  complètement 
français,  et  le  flamand  n'est  plus  connu  que  des  petits  commerçants  que 
leurs  affaires  niellent  en  relations  avec  les  gens  delà  campagne.  De  même 
pour  les  faubourgs  ouvriers  de  Coudekerque-Branche  et  de  St-Pol.  Par 
contre,  la  langue  germanique  se  maintient,  quoique  en  minorité,  dans  la 
parlie  rurale  de  Pelite-Synthe  et  dans  la  commune  de  (Rappelle.  Grande- 
Synthe  possède  quelques  habitants  flamands  dans  le  Sud,  vers  le  canal  de 
Bourbourg  ;  Mardick  et  Loon  sont  dans  le  même  cas.  Ixj  français  a  gagné 
sensiblement  dans  ce  coin  depuis  50  ans,  grâce  à  la  prospérité  de 
Dunkerque  et  au  rôle  que  la  villejoue  dans  le  développement  de  la  Franc*' 
du  Nord.  De  nouvelles  conquêtes  s'annoncent:  à  Zuydcoote  où  le  Sana- 
torium amène  un  élément  français  important  ;  à  Teteghem  où  la  langue 
romane  est  en  progrès  sensible;  à  Rcrgues  et  à  Quaedypre  où  les  enfants 


l  <(  Lisn;t,  uve  si  parte  la  lin«rua  Fram-esea  tlalla  Fiaminga  »  (Historié  Florentine, 
éd.  Muratori.  Seriptores  rvriiin  It.dicarum,  \UlT  p.  .*">02). 

*  Pour  les  propre-,  à  Warneton.  voir:  do  Simpel,  L'envahissement  de  la  laii>>.ie 
t'raneaise  en  Flandre  (la  FI..  XIV,  p.  il). 

(Uni''  limite  a  été  étudiée  et  suivie  sur  le  terrain,  avec  le  eoneours  «le  M.  J. 
Dewaehter,  «le  Lille. 


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LA  KROXTIKRK  LlNCllSTIorK 


dans  leurs  jeux  commencent  à  délaisser  l'ancienne  langue  pour  la 
nouvelle. 

Vers  le  Sud,  les  gains  sont  moins  accusés.  Cravwick  est  complètement 
français,  mais  le  flamand  se  cramponne  aux  bords  du  canal  de  Bourbourg, 
à  Copponaxfort.  Bourbourg  est  francisé,  la  dernière  génération  seule  sait 
encore  le  flamand  ;  celui-ci  est  refoulé  derrière  le  Vliet,  sur  Looberghe. 
A  Capellebrouek,  la  situation  est  transformée  depuis  1850,  la  prépon- 
dérance est  passée  du  flamand  au  français  ;  celui-ci  tient  encore  Holque, 
Watten,  et  contrebalance  l'influence  de  la  langue  rivale  à  Wulverdinghe. 
A  St-Momelin,  le  flamand  n'est  guère  que  la  langue  des  nouveaux 
venus,  émigrés  de  Buysscheure,  d'Arneke.  Lederzeele  reste  germanique  ; 
cependant  le  français  est  la  langue  usuelle  de  200  personnes  sur 
1 .40(1  habitants,  et  gagne  du  terrain.  l,es  faubourgs  aquatiques  de  St-Omer 
sont  francisés,  et  le  flamand  n'est  plus  parlé  à  Lvzel  que  par  un  nombre 
très  restreint  d'individus.  Clairmarais,  Renescure  n'ont  plus  qu'une 
infime  minorité  flamande.  La  jWmétration  commence  dans  l'intérieur, 
dans  le  bloc  flamand  de  Cassel  :  a  Staple  plusieurs  familles  n'emploient 
que  la  langue  nationale;  à  Bavinchove  autour  de  la  gare,  à  Cassel  grâce 
a  la  villégiature,  le  français  se  taille  sa  part  ;  il  commence  à  l'emporter 
dans  Ebblinghem. 

Enfin  dans  la  plaine  de  la  Lys,  le  français  a  lentement  pris  possession 
de  tout  le  pays  bas,  refoulant  le  flamand  vers  les  hauteurs.  Lvnde  et 
Sercus  restent  en  majorité  germaniques,  mais  à  Steenbecque  150  familles 
sur  100  sont  devenues  françaises;  à  Morbecque  le  flamand  a  rétrogradé 
jusqu'à  la  place.  Hazebrouck,  depuis  l'établissement  de  la  grande 
industrie,  se  francise  avec  rapidité,  quoiqu'elle  soit  la  seule  ville  en 
France  où  dans  une  institution  d'enseignement  secondaire  on  fasse  un 
cours  de  néerlandais.  De  là  jusqu'à  Bailleul,  la  limite  suit  à  peu  près 
exactement  la  voie  ferrée,  englobant  dans  le  pays  roman  Vieux-Berquin 
d'où  le  flamand  est  presque  disparu.  Seule,  la  ville  de  Bailleul,  solidement 
appuyée  sur  la  Belgique,  reste  la  citadelle  de  la  langue  tudesque  en 
France,  abandonnant  seulement  au  français  ses  faubourgs  du  Sud, 
Outtersteene  et  la  Crèche,  par  où  la  limite  linguistique  atteint  le  territoire 
belge. 

Depuis  un  siècle,  et  en  particulier  depuis  50  ans,  le  français  a  donc 
gagné  sur  tout  le  pourtour  de  la  lisière  ;  il  gagne  encore.  L'enseignement 
obligatoire,  l'instruction  religieuse  faite  en  français,  le  service  militaire 
font  beaucoup  pour  le  répandre.  Dans  toutes  les  communes  où  le  flamand 
reste  la  langue  usuelle,  le  français  est  compris  et  parlé  de  tous  sauf 
quelques  vieillards;  on  entend  dans  les  estaminets  les  consommateurs 


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I.K  PROKLKMK  DK  LA  SlKPOPL'LATION 


employer  successivement  les  deux  langues,  parfois  dans  la  même  phrase. 
L'idiome  vieilli  dont  se  sert  la  population  ne  s'adapte  plus  aux  nécessité» 
do  la  vie  moderne;  déjà  les  Flamands  de  France,  qui  en  sont  restés  au 
langage  de  Maerlant,  ne  comprennent  plus  les  ouvrages  belges,  écrits  en 
Néerlandais.  Pris  comme  dans  une  pince  entre  Lille  et  Dunkerque  devenu 
un  foyer  de  rayonnement  du  français,  le  flamand  de  France  parait  con- 
damné a  mourir;  et  l'on  ne  peut  plus  guère  discuter  que  sur  la  date  à 
laquelle  finira  cette  agonie 

Mais  il  n'en  va  pas  de  même  en  Belgique.  La*  propagande  flamingante, 
s'exerçant  au  nom  du  principe  «  in  Vlaanderen  Vlaamsch  »,  ne  s'est  pas 
contentée  d'empêcher  le  français  de  prendre,  dans  la  vie  des  communes 
purement  flamandes,  une  place  exagérée  ;  elle  a  marché  résolument  à 
l'assaut  des  localités  où  le  wallon  était  la  langue  usuelle  de  la  population. 
Le  mouvement  d'émigration  des  ouvriers  de  la  Flandre  intérieure,  qui 
descendent  de  leurs  villages  vers  les  villes  de  la  Lys  afin  d'être  à  portée 
des  usines  françaises,  a  puissamment  aidé  cette  marche  en  avant  ;  l'action 
du  clergé,  des  instituteurs,  n'a  pas  été  moins  efficace.  Les  résultats  sont 
tangibles.  A  Ploegsteert,  si  le  nombre  des  français  est  passé  de  1.917  à 
2.800  entre  1&<0  et  1900,  celui  des  bilingues  est  monté  de  ÎSO  à  1.389. 
Or  sous  le  titre  de  bilingues  se  dissimulent  des  Flamands  qui  ont  appris  le 
français,  mais  continuent  à  faire  un  usage  constant  de  leur  langue  natu- 
relle ;  car  le  Wallon,  le  Français,  dédaigne  d'apprendre  le  flamand,  tandis 
que  le  Flamand,  servi  d'ailleurs  par  une  remarquable  faculté  de  s'assimiler 
des  idiomes  étrangers,  apprend  vite  celui  qui  lui  sera  utile,  la  langue  du 
patron  d'usine  et  du  contremaître.  A  Warnetou,  en  20  ans  le  français  per  d 
250  unités,  les  bilingues  augmentent  de  moitié  ;  de  même  à  lias- Warnetou, 
et  surtout  à  Comines-Belgique,  où  le  français  fléchit  de  2.651  à  1.910, 
pendant  que  les  bilingues  passent  de218à2.384,  le  flamand  se  maintenant 
de  1.132  à  1.313.  Hollebeke  et  Zandvoorde,  de  wallons  sont  devenus 
flamands  ;  il  reste  à  Hollebeke  10  wallons  contre  767  flamands  et  bilingues, 
à  Zandvoorde  96  contre  843.  Houthem  est  menacé,  perdant  119  français 
en  20  ans  pendant  que  les  autres  catégories  gagnent.  A  Mouscron,  les 
flamands  purs  passent  de  7^3  à  2.523  ;  à  Luingne  les  bilingues  et  flamands 
dépassent  les  w  allons.  Le  français  recule  à  Dottignies,  à  St-Genois  ;  s'il 
se  maintient  dans  les  petites  agglomérations  rurales  d'Orroir,  Amougieset 
Kusseignies,  il  recule  à  Kenaix,  perdant  600  unités  pendant  que  flamands 


1  Pour  comparer  à  l'état  actuel  la  situation  «lu  llaman.I  en  18TiO,  voir:  «le  Cousse- 
uiakor  (,K.),  Délimitation  du  flamand  et  du  français  dans  le  Nord  de  la  France  (Ann. 
Corn.  11.  Kr.  III,  18Tj6-ô7,  pp.  :f77-^/7,  carte  à  1:  ltiO.000). 


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I.A  SURKUTLATION  PRÉCOCE 


«S 


et  bilingues  en  gagnent  G.ôOO,  dont  plus  de  2.<HK)  aux  flamands  purs. 
Ainsi  tout  le  long  de  la  limita,  entre  Hailleul  et  Renaix,  la  poussée  du 
flamand  semble  irrésistible.  Chose  plus  grave,  le  territoire  français  est 
envahi.  On  entend  parler  dans  Wervicq-Sud,  dans  Bousbecque  même,  la 
langue  germanique;  à  Halluin,  elle  resonne  dans  tous  les  corons,  et  refoule 
le  français  dans  la  campagne  ;  dans  les  usines,  il  faut  employer  des  inter- 
prètes. C'est  un  nouveau  pays  flamingant  que  l'industrie  fixe  sur  terri- 
toire français,  sans  que  l'on  puisse  craindre  d'ailleurs  que  cette  poussée 
flamande  s'avance  bien  loin  au  Sud,  où  elle  serait  absorbée  par  les  popu- 
lations françaises  comme  le  sont  les  immigrants  de  Roubaix  ou  do  Lille. 

II. 

LA  SURPOPULATION. 
La  surpopulation  précoce. 

Cependant  les  Saliens  se  sont  établis  dans  les  vallées  de  la  Lys  et  de 
l'Kscaut,  tandisque  les  Frisons  parsèment  de  leurs  «stelleu»  les  schorres 
que  la  mer  abandonne  dans  la  plaine  maritime.  Or  la  population,  dès 
cette  époque,  parait  déjà  nombreuse  dans  le  Sud  du  pays  flamand.  I^e 
nombre  considérable  de  villages  que  les  chartes  mentionnent  sur  les 
bords  des  deux  grandes  rivières  aux  IXe  et  Xe  siècles  semble  indiquer,  non 
seulement  (pie  le  nombre  «les  habitants  devait  être  déjà  considérable  dès 
cette  époque,  mais  encore  que  cette  forte  densité  doit  remonter  jusqu'aux 
VIIIe  et  VIIe  siècles,  car  il  est  p.m  probable  que  tous  ces  villages  aient  été 
fondés  au  IXe  siècle,  dans  la  terreur  des  invasions  normandes;  et  les 
chartes  des  abbayes  demandant  fréquemment  aux  souverains,  après  le 
départ  des  barbares,  la  restitution  ou  la  confirmation  d'un  grand  nombre 
de  biens  dans  ces  mêmes  villages,  semblent  être  une  nouvelle  preuve 
qu'ils  existaient  déjà  auparavant  '.  Le  nombre  considérable  de  petites 
communes  très  exiguës  que  contient  le  pays  d'Alost  donne  à  penser  que 
ces  petits  organismes  ont  été  de  très  bonne  heure  érigés  en  paroisses, 
tandis  que  beaucoup  de  gros  hameaux  du  Nord  et  de  l'Ouest  ne  sont  pas 
devenus  autonomes  parce  qu'ils  ont  été  créés  et  peuplés  bemnoup  plus 
tard,  presque  tous  après  le  XIIe  siècle,  dans  la  période  des  grands  défri- 
chements. 


«  Van  Lokeren,  Histoire  do  l'abbaye  de  St-Bavon  (Gand,  iSVi,  in-*0),  p.  8. 


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iSfl 


LE  l'ROHLKMK  UK  LA  SI  II  POPULATION 


Ce  ne  sonl  là  encore  que  des  déductions:  au  XIe  siècle,  des  textes 
indiquent  que  la  Flandre  est  déjà  surpeuplée.  Le  premier,  Lambert  do 
Hersfeld  l'énonce  avec  précision,  en  parlant  de  cette  «  multitudo,  qua 
regio  praegravari  videbatur  »  1  :  c'est  la  première  fois  que  l'on  indique  que 
la  Flandre  souffre  d'être  trop  peuplée.  Le  diocèse  do  Tournai,  qui  ne 
Comprenait  qu'une  partie  du  pays  flamand,  aurait  eu  vers  1130,  d'après 
un  chroniqueur,  plus  de  900.000  habitants*;  l'exagération  évidente  du 
chiffre  indique  au  moins  que  le  nombre  devait  en  être  considérable.  Suger 
d'ailleurs  témoigne  à  la  môme  époque  que  la  Flandre  est  une  terre  très 
peuplée,  «t  valde  populosa»  3.  Les  faite  viennent  corroborer  ces  affirma- 
tions. Si  aucun  peuple  du  monde  n'a  fourni,  proportionnellement  à 
l'étendue  du  pays,  autant  de  combattants  pour  les  croisades,  si  les 
Flamands  se  pressent  autour  de  Guillaume  le  Conquérant  pendant  et 
après  sa  conquête,  s'ils  forment  déjà  sous  le  nom  de  Brabançons,  qui 
cache  des  Flamands  de  l'Est,  des  armées  do  mercenaires  au  XIe  siècle, 
c'est  que  le  pays,  dès  cette  époque,  a  trop  d'hommes.  I^e  mal  est  déjà  si 
grand,  la  Flandre  si  gênée  au  XIIe  siècle,  qu'il  lui  faut  à  tout  prix  do 
l'espace:  l'expansion  commence;  les  Flamands  colonisent  a  l'extérieur, 
ils  se  répandent  dans  toute  l'Allemagne,  Marschen  de  Brème,  Holstcin, 
Thuringe,  Misnie,  Brandebourg,  Lusace,  Silésie,  jusqu'en  Hongrie  et  en 
Transylvanie;  d'autres  passent  en  Angleterre,  sur  les  marches  d'Ecosse 
et  de  Galles.  On  colonise  aussi  fiévreusement  à  l'intérieur:  les  XIIe  ot 
XIIIe  siècles  voient  la  grande  poussée  vers  les  bruyères  et  les  bois,  vers  les 
hemmes  et  les  jets  de  mer  de  la  plaine  maritime,  et  la  chevauchée  des 
prélats  courant  délimiter  les  paroisses  nouvelles  ». 

La  surpopulation  existe  donc  déjà  en  Flandre  à  la  fin  du  XP  siècle. 
Il  s'ensuit  que  c'est  dans  la  période  qui  s'étend  avant  cette  date  qu'il  faut 
chercher  les  causes  de  ce  phénomène  anormal.  Files  n'en  sont  que  plus 
difficiles  à  dégager.  L'industrie  est  encore  peu  développée  à  celle  époque  ; 
l'agriculture  ne  devient  intensive  que  lorsque  la  population  est  surabon- 
dante. 

l'ne  première  hypothèse,  c'est  que  le  nombre  d'habitants  a  dû  être  élevé 
dès  la  fin  de  l'invasion  franque.  Une  fois  engagé  dans  les  vallées  de 


i  Lambert  do  Hersfeld.  Annales,  éd.  Holder-Egger,  18U4,  p,  121. 
J  Historiée  Tornacenses,  partini  ex  Herimanni  Libris  exivrpt.v  (M.  G.  SS.  XIV, 
p.  344). 

I  De  Vita  Ludovici  Grossi  régis  (Recueil  des  Historiens  «le  France,  XII,  p.  54,  G.). 
*  Cet  état  do  surpopulation  précoce  aux  XI"  et  XII'  siècles  est  remarquablement 
étudié  djins  :  Pirenne  (H.),  Histoire  de  Belgique,  I,  p.  134  sqq. 


LA  SLRl'OlTLATlON  PRÉCOCK 


487 


l'Escaut  et  do  la  Lys,  le  peuple  salien  se  trouva  resserré  entre  la  Charbon- 
nière à  l'Est,  les  bruyères  et  les  wadden  à  l'Ouest,  arrêté  au  Sud  par  la 
masse  des  populations  gallo-romaines  restées  denses  autour  d'Arras,  de 
Famars,  do  Tournai,  et  n'ayant  à  sa  disposition  qu'un  espace  assez 
restreint,  la  moitié  à  peine  de  la  Flandre  actuelle,  qu'il  partageait  avec 
les  survivants  des  Mênapiens  et  dos  populations  préhistoriques.  (Ju'on  y 
ajoute  la  forte  natalité  de  cette  population  germanique,  où  les  grandes 
familles  sont  la  règle,  et  où  une  mortalité  considérable  n'empêche  pas  les 
naissances  d'être  toujours  en  excédent  sur  les  décès,  et  l'on  comprendra 
que  le  nombre  d'habitants  devait  déjà  être  élevé  au  XIe  siècle  autour  de 
(îand,  de  Courtrai  et  de  Termonde. 

Mais  rien  ne  pouvait,  dès  les  premiers  siècles,  contribuer  à  la  prospérité 
et  au  peuplement  de  la  Flandre,  autant  que  sa  magnifique  situation  inter- 
nationale et  son  beau  réseau  de  voies  de  communications,  ses  rivières,  ses 
canaux.  Ce  rôle  de  marché  de  l'Europe  du  Nord,  que  la  Flandre  assume 
dès  le  IXP  siècle,  en  attirant  chez  elle  le  commerce  et  les  marchands,  que 
l'on  retrouve  mêlés  au  XV  siècle  a  tous  les  événements  de  son  histoire, 
donna  l'essor  au  développement  des  richesses  et  de  la  population.  liienlot 
le  commerce  permit  l'extension  de  l'industrie,  amoncela  des  foules 
d'artisans  autour  des  points  de  transit  où  s'étaient  fixés  les  marchands,  et 
il  fallut,  pour  les  nourrir,  transformer  en  terres  productives  le  maigre  sol 
de  sable.  L'impulsion  était  donnée;  commerce,  industrie,  agriculture, 
réagissant  les  uns  sur  les  autres,  firent  de  la  Flandre  la  contrée  la  plus 
peuplée  de  l'Europe. 

l,a  première  crise  de  surpopulation  parait  se  terminer  à  la  fin  du 
XIlf  siècle.  L'exode  vers  l'étranger,  lo  défrichement  des  terres  vides, 
assurèrent  une  répartition  plus  égale  des  habitants;  l'Est,  engorgé,  se 
dégagea  vers  l'Ouest.  C'est  alors  que  toute  la  Flandre  se  couvre  de  petits 
paysans  libres,  propriétaires  d'un  lopin  et  d'une  cabane  '.  La  prospérité 
du  grand  commerce  international,  par  le  Zwin  et  les  routes  de  terre, 
l'essor  de  l'industrie  drapière,  le  perfectionnement  de  l'agriculture, 
suffisent  a  assurer  la  subsistance  d'une  population  pourtant  considérable. 
Les  grandes  villes  sont  en  plein  développement  ;  les  campagnes  ne  sont 
pas  moins  habitées.  L'inventaire  fait  en  des  biens  appartenant  aux 

rebelles  défaits  a  Casse  1  donne  sur  l'état  des  campagnes  de  la  Wesl- 
Flandie  au  début  du  XIVe  siècle  des  renseignements  aussi  précis  que 
favorables  f.  Watou  a  envoyé  au  combat  272  hommes,  ce  qui,  en  comptant 


i  l'irvnno.  Hist.  hVlgiquc,  1,  p.  28*'». 

1  l'iremie,  Le  .soulèvement  de  la  Flandre  maritime. 


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488 


LE  PROBLÈME  DE  LA  SURPOPULATION 


les  vieillards,  les  enfants,  les  femmes,  et  ceux  des  rebelles  dont  le  nom  a 
pu  échapper  aux  commissaires  du  roi,  donne  à  la  paroisse  une  population 
d'environ  1.000  personnes.  Par  l;i  même  méthode,  on  en  trouvera  il  250  à 
Elvcrdinghe,  265  à  Reninghe,  !J00  à  Kousbrugge,  !&5à  Alveringhem,  400  n 
Beveren,  et  ces  nombres  sont  évidemment  au-dessous  de  la  réalité,  puisque 
tous  les  habitants  n'avaient  pas  pris  part  à  la  révolte,  et  que  beaucoup 
s'étaient  enfuis  au  début  des  troubles. 

Vinrent  les  mauvais  jours  du  XVe  siècle,  la  décadence  de  Bruges  et  le 
déplacement  du  grand  commerce  vers  Anvers;  la  chute  de  l'industrie 
drapière;  au  XVIe,  la  guerre  contre  l'Espagne,  et  la  lutte  avec  la  Hollande. 
La  Flandre  se  dépeuple;  le  problème  de  la  surpopulation  est  écarté.  On 
constate  en  1588  que  depuis  5  ans  le  pays  du  Franc  esl  inhabité,  et  les 
terrains  en  friche  parce  que  les  habitants  ont  dû  fuir;  en  1506  on  est 
obligé  de  payer  pour  aider  les  habitants  de  Cortemarck  et  d'Aertrvcke  à 
remettre  leurs  terres  en  culture  C'est  pire  encore  au  XVIIe  siècle.  Vn 
registre  de  la  commune  de  Lampernisse  indique  qu'en  i643  il  existe  dans 
la  paroisse  25  fermes  de  moins  qu'en  1 120  *.  1^  guerre  de  la  ligue 
d'Angsbourg  a  fait  mettre  en  friche  25.000  mesures  dans  le  Franc,  et  une 
grande  partie  des  habitants  a  quitte  le  pays  3.  Le  Vieux-Bourg  de  Gand 
et  le  pays  de  Wacs  sont,  ravagés  périodiquement  par  les  Français,  particu- 
lièrement dans  les  randonnées  que  dirige  le  maréchal  d'Ilumièresen  1675 
et  1077,  et  au  cours  desquelles  «  il  brûle  au  nord  de  Gand  les  plus  beaux 
villages  du  monde  ».  C'est  Saflelaere  incendié  on  1(575,  en  1676,  en  1077, 
et  où  il  ne  reste  plus  que  4  maisons  ;  Deslelbergen  et  Desteldonck  anéantis 
eu  1077,  Wachtebeke  brûlé  en  1676,  Hansbeke  et  I*tndegem  pillés  en  ItHiX, 
liachte-Maria-Leerne  détruit  eu  1690,  Somergem  ravagé  pendant  la  guerre 
de  Succession  d'Espagne,  et  bien  d'autres  qui  partagent  leur  sort  k.  Après 
une  pareille  période  de  désolation,  ce  ne  fut  pas  trop  de  tout  le  XVIIIe  siècle 
pour  que  la  Flandre  pût  retrouver  sa  population  normale,  et  ce  n'est 
qu'au  XIXe  siècle  que  s'est  posée  de  nouveau  la  question  de  la  surpopu- 
lation. 


1  Comptes  du  Franc,  dans  Priem,  Précis,  2*  série,  IV,  pp.  124  et  lii. 

*  Notice  sur  la  commune  «te  Lim pernis.se  (Ann.  Soc.  Km.  Mr.,  2«  st;rie,  IX,  tST>l-.Vi, 
p.  222). 

3  Delepierre,  Précis,  lrc  série,  III,  p.  112. 

*  I)e  Potier  et  Broeckaert,  Geschiedenis  van  ilen  Helgischen  boerenstand  tôt  op 
het  einde  der  XVIIP  oeuw  (Mém.  G.  Ac.  R.  Belg.  XXXII,  1881,  406  p.),  pp.  306-3(19. 


LKS  MOirVKMKXTS  DK  POPULATION  Af  XIX-  SIECLE  48i> 

Mouvements  de  population  au  XIX'  siècle. 

La  densité  do  population  indiquée  |»our  la  première  l'ois  d'une  façon 
préi  ise  par  les  recensements  opérés  do  1801  à  180  i  est  déjà  considérable. 
La  répartition  est  inégale  d'ailleurs;  il  y  a  des  régions  faiblement 
habitées;  d'autres  ont  dès  lors  trop  d'hommes.  La  plaine  maritime  ne 
présente  guère  que  des  communes  où  la  densité  n'atteint  pus  50  habitants 
au  kilomètre  carré  ;  on  en  trouve  27  à  Nouvelle-Eglise  et  St-Georges  (du 
Nord),  15  aux  Moores  françaises,  7  aux  Moeres  belges.  17  à  Coxyde,  22  a 
Vlisseghem  et  l  ytkerke,  23  à  Stalhille,  21  à  Hoek.  22  ii  Philippine.  Au 
contraire  l'intérieur  ne  contient  que  des  communes  où  la  densité  est  supé- 
rieure à  50,  et  l'immense  majorité  dépasse  100  habitants  au  kilomètre 
carré.  Autour  de  Cassel,  presque  tous  les  villages  atteignent  ce  chiffre  ; 
dans  la  région  boisée,  de  Dixmurle  à  Thourout  et  Garni,  dans  le  pays  de 
Waes,  enfin  le  long  de  la  Lys,  la  densité  ne  descend  qu'exceptionnel- 
lement au-dessous  de  100.  Mais  il  y  a  mieux  :  la  riche  plaine  de  la  Lys  a 
9  communes  peuplées  de  plus  de  200  habitants  au  kilomètre  carré  ;  toutes 
celles  du  pays  linier  de  Roulers,  Iseghem  et  Courtrai  se  tiennent  au- 
dessus  de  ce  chiffre.  Enfin  les  pays  d'Alost  et  Audenarde  paraissent  une 
vraie  fourmilière;  de  simples  communes  rurales  y  dépassent  250, 
300  habitants  au  kilomètre  carré.  Erondegem  en  a  2tii,  Kerkxken  285, 
Syngein  299,  Asper  315,  Moire  325,  Nederbrakel  361.  La  population  y 
est  plus  entassée  que  dans  la  région  industrielle  française;  la  banlieue 
d'Alost  est  plus  habitée  que  celle  rie  Lille.  Ainsi  le  vieux  pays  salien  a 
gardé  â  travers  les  siècles  la  forte  densité  que  révèle  déjà  pour  le  IXe 
l'examen  des  oartulaires  d'abbayes;  c'est  dans  la  région  où  s'érigèrent 
aux  Ve  et  VT  siècles  la  foule  des  «  heim  »  et  des  «  sala  »  que  la  population 
se  retrouvait  le  plus  étroitement  pressée  au  début  du  XIX'"  siècle. 

dette  population  si  dense  s'est  encore  accrue  dans  l'ensemble  au  cours 
du  XIXe  siècle.  L'augmentation  a  été  inégale,  mais  à  peu  près  générale. 
Si  l'arrondissement  d'Hazebrouck  passait  seulement  d'une  densité  do 
H6  habitants  par  kilomètre  carré  à  celle  de  ICI  en  1901,  celui  de  Lille 
(partie  flamande),  s'élevait  de  344  à  1.298,  et  celui  de  Dunkerque  de  IIS 
a  202.  De  600.000  âmes,  la  Flandre  Orientale  allait  au  million,  et  la 
Flandre  Occidentale  de  500  â  800.000.  Comparée  au  mouvomont  de  la 
population  dans  les  autres  régions  françaises,  l'augmentation  flamande 
paraît  extrêmement  satisfaisante. 

Cependant  la  comparaison  avec  les  pays  voisins,  avec  les  autres 
provinces  belges  par  exemple,  est  moins  favorable  à  la  Flandre.  Celle-ci 


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490 


LE  I'ROULÈME  DE  LA  SI  KIMI'ULATION 


l.KS  MOI  VKMKNTS  l>K  l'Ol'U.ATlON  Al   XIX-  SIKCLE 


41  n 


était,  jusqu'au  milieu  du  siècle,  de  beaucoup  la  région  la  plus  peuplée  de 
la  Belgique.  Eu  1831,  sur  les  neuf  arrondissements  belges  où  la  densité 
de  population  s'élevait  aux  chi lires  les  plus  élevés,  la  pnrlie  flamande  en 
possédait  huit:  Court  rai,  Roulers,  Alost,  liaud,  Audenanle  venaient  en 
téle,  précédant  Bruxelles;  et  derrière,  les  riivonseriptions  de  Termonde, 
Si -Nicolas  et  Thielt  dépassaient  eneore  eelle  de  Liège.  Or,  dès  1805,  la 
Flandre  avait  perdu  les  premiers  rangs;  Court  rai  et  Cand  venaient  bien 
loin  derrière  Bruxelles,  Lièfife  et  Charleroi  ;  Mous  précédait  de  beaucoup 
Alost,  Termonde  et  Roulers.  Kn  180."),  il  n'y  avait  plus  que  quatre 
flamands  parmi  les  dix  arrondissements  belges  les  plus  peuplés;  du 
deuxième  rang,  Roulers  était  |>assé  au  onzième,  Audenanle  < I n  cinquième 
au  quatorzième,  Thielt  du  neuvième  au  dix-septième  '.  Et  dans  cette 
déchéance,  il  ne  s'agit  pas  seulement  de  l'infériorité  de  régions  purement 
rurales  dont  l'accroissement  ne  saurait  être  comparé  à  celui  d'arrondis- 
sements où  le  développement  d'une  grande  ville  comme  Bruxelles  fait 
doubler  ou  tripler  la  population.  L'accroissement  delà  population  rurale 
en  effet  a  été  presque,  aussi  faible  dans  les  circonscriptions  flamandes  que 
celui  de  la  population  urbaine.  L'arrondissement  le  plus  favorisé,  celui  où 
les  communes  rurales  ont  atteint  la  plus  grande  augmentation  (arr.  de 
Termonde),  n'est  eneore  que  le  huitième  des  41  arrondissements  belges; 
celui  d'Ostende  est  le  dixième.  Charleroi,  Anvers,  Liège  les  précèdent  là, 
comme  lorsqu'il  s'agit  de  l'accroissement  de  la  population  urbaine.  U's 
autres  sont  loin:  Gand  est  le  Court  rai  le  Xf  ;  enfin  celui  d'Aude- 
narde  se  classe  40e  f.  Ainsi  le  taux  d'augmentation  de  la  Flandre  belge 
reste  inférieur  à  celui  des  autres  partie*  du  royaume.  Les  campagnes  de 
Liège,  de  Namur,  d'Anvers,  du  Limbourg  même,  se  sont  beaucoup  plus 
rapidement  développées. 

Ce  n'est  pas  pourtant  que  la  natalité  flamande  soit  inférieure  à  celle  des 
pays  voisins;  au  contraire.  Kn  France,  si  le  Finistère  possède  la  natalité 
la  plus  considérable  (31,!>i  pour  I.IMMI  h.),  il  est  immédiatement  suivi  par 
le  Pas-de-Calais  (31,18)  et  le  Nord  (•28,7:2)'t;  et  la  partie  flamande  du  Nord 
donnerait  un  chiffre  bien  plus  considérable  encore.  On  a  vu  combien  ce 
phénomène  était  caractéristique  dans  certaines  localités,  à  Ilalluin  (41,7  î), 
à  Sl-Pol-sur-mer  (i(),3Ô).  Les  départements  flamands  viennent  encore  en 
tète  pour  le  chiffre  des  familles  nombreuses;  le  Nord  en  comptait  (1890) 


1  Rutten  (A.),  l^i  population  belp-  depuis  I8.')0.  Tome  1,  Kt.it  du  la  population 
(Louvain,  Peeters,  1SDD,  m -S",  \Zi  p.,.  p.  JS. 

1  Rutten,  p.  100.  I /accroissement  est  calculé  de  I8i»>  à  I8DU. 

'  Résultats  statistiques  du  dénombrement  de  18!*),  p.  DU. 


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4«>2 


LE  PROBLEME  DE  I.A  SI'Rl'OI'l  LATION 


."S3.937  composées  Ho  7  personnes  et  au-dessus,  contre  40.236*  à  la  Seine, 
11)3  au  Finistère, '27. 1  ion u  Pas-de-Calais;  de  même  il  possédait 42.."»  17 
groupes  de  6  personnes,  la  Seine  il.  193,  le  Pas-de-Calais 22.571,  le  Finis- 
lère  17.868.  En  Flandre  belge,  les  calculs  effectués  pour  la  période 
1 87.r>- 1 88  i  montrent  que  les  arrondissements  d'Ostende  et  de  Fumes, 
suivis  de  près  par  presque  toutes  les  circonscriptions  flamandes,  présentent 
la  natalité  la  plus  forte  de  toute  la  Belgique.  De  1884  à  1893,  Ostende 
est  toujours  en  tète,  suivi  de  Roulers  et  de  St-Nicolas,  les  autres  arron- 
dissements, sauf  Thielt,  dépassant  largement  les  arrondissements  wallons, 
où  la  natalité  est  beaucoup  moins  élevée  *.  Mais  la  mortalité  enlève  à  la 
Flandre  ce  que  la  natalité  semblait  lui  promettre.  Les  pays  wallons,  avec- 
leur  quantité  restreinte  de  naissances,  n'accroissent  pas  moins  leur  popu- 
lation avec  plus  de  rapidité,  grAee  au  faible  taux  de  la  mortalité.  Dans  les 
mômes  périodes  1870-81  et  188i-93,  les  arrondissements  flamands 
d'Ostende,  puis  de  Furnes,  Dixmude,  Gand  et  St-Nicolas,  présentaient 
une  mortalité  supérieure  a  celle  de  tout  le  reste  de  la  Belgique  ;  de  toutes 
les  autres  circonscriptions  de  Flandre,  celle  d'Eecloo  seule  était  privilé- 
giée, et  pouvait  offrir  quelque  ressemblance  avec  les  pays  wallons,  Nainur, 
Luxembourg.  Le  tableau  de  la  mortalité  par  maladies  infectieuses  met 
encore  en  tète  Bruges,  Ostende,  (lourlrai,  Alosl,  de  loin  les  premiers  de 
la  Belgique 3.  La  même  distinction  se  retrouve  dans  le  département  du 
Nord,  entre  arrondissements  wallons  et  flamands.  tëst-ce  là  un  phénomène 
ethnographique,  et  la  race  germanique,  plus  prolifique,  serait-elle  moins 
résistante  a  la  maladie  que  la  française  ?.  Ou  bien  le  climat  flamand 
serait-il  le  coupable,  en  dépit  de  la  ressemblance  qu'il  présente  avec  les 
climats  brabançon  et  picard,  dont  l'influence  est  loin  d'être  aussi  néfaste  ? 
Ou  plutôt  les  causes  de  cette  forte  mortalité  ne  seraient-elles  pas  la  misère, 
due  à  l'entassement  de  la  population  dans  un  pays  médiocrement  doué,  et 
l'ignorance  du  paysan  flamand  ? 

L'augmentation  de  la  population  flamande  au  XIXe  siècle  n'est  donc 
pas  aussi  considérable  qu'on  aurait  pu  l'attendre.  Et  non  seulement 
L'accroissement  total  reste  assez  faible,  mais  il  y  a  même,  en  quelques 
endroits,  des  communes  où  la  population  en  1900  se  trouve  moins  élevée 
qu'en  1800.  Dans  la  Flandre  Orientale,  8  communes  entre  Somergem 
et  la  Lys,  et  une  vingtaine  autour  d'Audenarde,  ont  diminué  de  0  à  30°/„. 


•  Réaultatu  statistiques  Au  dénombrement  <!<>  18S*î,  pp.  52-03. 

-  .lanssons,  Bulletin  île  statistique  démographiquo  ot  médicale  (Bull.  C.  C.  St.,  XVII, 
1800-Uft,  p.  !C)T>,  pl.). 
3  Ibid. 


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l.K  l'H OHI.KMK  DK  I.A  Sl'KI^IM  LATloN 


ta  Flnndrc  française,  sauf  le  pays  lillois  et  la  plaine  maritime,  est  plus 
rudement  frappée  :  83  communes  du  rebord  de  l'Artois,  de  la  plaine  de  la 
Lys,  et  surtout  du  Houtland  de  Cassel  voient  leur  population  moins 
nombreuse  qu'au  début  du  XIX*  siècle  ;  la  diminution  est  surtout  sensible 
dans  les  petits  organismes  ruraux  :  elle  atteint  un  quart  à  Sle-Marie-Cappel 
el  Vieille-Chapelle,  trois  dixièmes  à  Wulverdinghe,  quatre  dixièmes  à 
Warneton-Bas.  L'influence  de  conditions  générales,  politiques  ou  écono- 
miques, s'annonce  déjà  dans  l'inégalité  de  traitement  entre  la  partie 
française  et  la  partie  belge.  ta  diminution,  générale  autour  de  Cassel  et 
d'Hazebrouck,  s'arrête  en  ettet  à  la  frontière;  quatre  communes  belges 
seulement  sont  atteintes  dans  la  région  d'Ypres,  où  les  productions,  la 
manière  de  vivre  des  habitants,  sont  identiques  à  celles  du  pays  français 
voisin.  Quant  à  la  région  éprouvée  par  la  dépopulation  autour  de  Somer- 
gem  el  d'Audenarde,  il  faut  constater  qu'elle  était  au  XYIII' siècle  et 
jusqu'au  milieu  du  XIX1'  le  centre  le  plus  important  d'industrie  linière  a 
domicile,  et  que  la  disparition  des  rouets,  puis  des  métiers  de  Mec  rend  ré, 
Ardoye,  Lovendegem,  Nevele,  Waersehoot,  Somergem,  Cruyshautein, 
Wortegem,  Iluysse,  est  à  coup  sûr  la  cause  principale  de  la  diminution 
constatée. 

Ailleurs,  l'augmentation  est  inégale.  Le  pays  d'Ypres  voit  surtout  grandir 
les  villages  des  hauteurs,  de  la  frontière  française  à  West-Roosebeke  : 
Westoutre  gagne  90  °/o,  Ilollebekc  80,  Zandvoorde  70,  Zillebeke  90, 
Zonnebeke  160  "/„  ;  les  défrichemenls  des  collines  sont  la  cause  de  cette 
augmentation.  Le  pays  boisé,  entre  Dixmudc,  Thourout,  Aeltre  et  Bruges, 
double  ou  triple  sa  population  :  c'est  le  résultat  d'une  nouvelle  colonisation 
du  pays,  aussi  ardente  qu'au  temps  de  Walter  de  Marvis.  Avec  la  mise  en 
valeur  des  Yelden,  on  a  pu  voir  à  St-Michel  la  population  passer  de  696  à 
2.452 habitants,  à  Ste-Cmix  de  1.021  a  3.300,  à  Lerneghem  de  1.49.")  à  i.514, 
â  Assebrouck  de  405  à  2.7:*3,  à  Hekeghem  de  3 12  â  043,  à  St-André  de  40<  )  à 
5.128:  l'augmentation  de  presque  toutes  les  communes  de  cette  zone  est 
supérieure  à  100  "/„.  l)ans  les  paysd'AlosI  et  de  Termonde,  l'accroissement 
est  régulier;  la  plupart  des  communes  rurales  ont  augmenté  de  moitié  ou 
des  deux  tiers  ;  une  trentaine  ont  doublé.  De  Meninà  Deynze  l'industrie  du 
rouissage  a  fait  croître  la  population  dans  toutes  les  communes  de  la 
vallée:  Bisseghem  a  gagné  260 «»/,„  Marcke  200,  tauwe  280.  ta  pays  de 
Lille  enfin,  comme  il  fallait  s'y  attendre,  a  connu  un  accroissement 
formidable.  Le  canton  d'Armenlières,  peuplé  au  début  du  siècle  de 
236  habitants  au  kilomètre  carré,  en  compte  aujourd'hui  791  ;  ceux  de 
Tourcoing  sont  passés  de  319  à  1.453,  enfin  les  trois  cantons  de  Houbaix, 
dont  la  densité  au  kilomètre  carré  était  de  400  habitant  s  en  1804,  atteignaient 


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LE  PROM.KMK  DK  I.A  SU  RI  «H  I.ATION 


4.522  en  1901  ;  ht  population  a  décuplé.  Do  Lille  à  Ain',  l'augmentation 
s'est  étendue  à  toutes  les  communes  de  la  lisière  entre  Flandre  et  Artois, 
irrûco  à  la  présence  du  bassin  houiller,  tout  proche  de  I^i  Bassée  «M  de 
Béthune. 

Mais  aucune  région  flamande  n'a  connu  un  accroissement  aussi  régulier, 
aussi  général,  que  relui  do  la  Plaine  maritime.  Les  ports  et  les  villages 
des  dunes  ont  les  plus  gros  chiffres:  Coxyde,  rytkerke  augmentant  de 
360 °/o,  Heyst  passant  de  437  à  3.662  habitants  (7.".0"0),  la  banlieue  de 
Dunkerque,  de  3.000  à  30.000.  I,a  plaine  elle-même,  toutes  les  agglo- 
mérations rurales,  participent  à  l'accroissement  :  de  Sangatte  à  Calloo,  il 
n'y  a  pas  une  défaillance.  A  Armbouts-Cappel,  aux  Moëres,  entre 
Ostende  et  Bruges  (Stalhille,  Ylisseghem,  Oudenbourg),  l'augmentation 
dépasse  2» H)  "/„  ;  ailleurs  il  n'est  pas  rare  qu'elle  atteigne  100  "/„.  C'est  là  le 
plus  beau  commentaire  de  l'œuvre  accomplie  au  XIXe  siècle  par  les 
Wateringues  ;  par  l'aménagement  judicieux  des  eaux,  elles  ont  fait  doubler 
la  population  d'un  pays  purement  rural,  à  une  époque  où  la  région  voisine 
de  Cassel  perdait  16  °/„  de  ses  habitants. 

Les  phénomènes  d'augmentation  et  de  diminution  constatés  pour  le 
siècle  tout  entier  se  précisent  dans  la  deuxième  moitié  du  siècle,  lorsqu'on 
compare  aux  chiffres  de  1900-1901  ceux  de  1810'.  Toutes  ou  presque 
toutes  les  communes  rurales  autour  d'Audenarde,  ou  sur  les  plateaux 
entre  Audenardeet  Grammont,  et  d'autre  part  le  groupe  de  Thielt,  Nevele. 
Somergem  et  Waerschoot,  perdent  10  à  20"/,,  de  leur  population2. 
A  Waermaorde,  on  tombe  de  1  .200 à  833  habitants;  à  Castor,  de  1.320  a 
807.  En  France,  l'abaissement  do  la  population  est  général,  sauf  autour 
de  Lille,  sur  le  bord  du  bassin  houiller,  et  dans  la  plaine  maritime.  De 
Bergues  à  la  Lys,  il  n'y  a  pas  dix  communes  rurales  en  augmentation. 
De  492,  Bissezeele  tombe  à  3_C>  habitants;  Wulverdinghe  de  412  à  24-"); 
Quaedypre  de  1 .875  à  1 .363,  Ledringhem  de  7i  IJ  à  478.  Le  canton  de  Cassel 
avait,  en  18i0,  127  habitants  au  kilomètre  carré  :  il  n'en  a  plus  que  10  i  ; 
celui  do  Bergues  passe  de  I.T>  à  121,  celui  d'Hondschoote  de  10 i  à  03, 
celui  de  Wormhoudt  de  111  à  07;  dans  le  Pas-de-Calais  le  canton  de 
Laventie  perd  2.000  âmes.  I,a  dépopulation  a  même  gagné  un  coin  de  la 
West-Flandre  belge,  où  toutes  les  communes  entre  la  plaine  maritime 

t  On  a  choisi  le  reeensement  français  «le  |KS(i  do  préférence  à  celui  de  |ST>1  pour 
plusieurs  r.nsf.tis  :  il  concorde  avec  un  recensement  bel^o  (l*i'o.  tandis  que  le 
recensement  suivant  opéré  on  Belgique  ne  date  que  «le  ÎKVJ:  d'autre  part  ee<te  date 
précède  exactement  la  pratnlo  crise  île  l'industrie  à  domicile,  qui  a  si  profondément 
modifié  le  pays. 

*  Cf.  J.ïequart  ((>.).  La  dépression  démographique  des  Flandres.  Ktude  sur  la  natalité 
de  rarrondissemeiit  de  Thielt.  (Bruxelles,  l'olleunis  et  Ceuterick,  15*15,  in-8°,  iS>  p.). 


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LK  PROBLKMK  DK  I.A  Sl  RPOI'L'LATION 


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LES  CAUSES  DES  TRAN  S  FORMATION  S 


et  l'Yser  sont  en  décroissance.  Cependant  les  augmentations  se  main- 
tiennent de  1816  à  1000  dans  les  mêmes  régions  où  on  les  découvrait 
lorsqu'on  considérait  le  siècle  en  entier.  La  banlieue  de  Lille  continue 
à  présenter  des  accroissements  de  \  a  500  °/0  ;  le  rouissage  exerce 
toujours  sur  les  communes  riveraines  de  la  Lys  une  influence  heureuse. 
Pays  d'Alost,  pays  de  Wa&s.  pays  d'Ypres,  sont  en  augmentation 
complète.  De  même  pour  la  région  boisée  au  Sud  de  Bruges,  et  enfin 
pour  toute  la  plaine  maritime  ;  c'est  encore  là,  particulièrement  le  long 
de  la  côte,  que  persistent  les  taux  les  plus  élevés  d'augmentation. 

Causes  des  transformations. 

Ce  ne  sont  pas  des  différences  de  natalité  ou  de  mortalité  qui  viennent 
dépeupler  telle  partie  de  la  Flandre,  et  accumuler  les  hommes  dans  telle 
autre.  Ces  augmentations  et  diminutions  sont  presque  partout  le  fait  de 
déplacements  de  population.  A  mesure  que  le  service  des  Wateringues 
perfectionnait  le  dessèchement  de  la  plaine  maritime,  faisait  disparaître 
les  fièvres  et  permettait  d'éviter  les  inondations,  on  voyait  descendre  dans 
le  pays  les  fermiers  et  les  journaliers  du  Houtland,  en  quête  de  terres  plus 
riches  et  de  salaires  moins  faibles.  C'est  ainsi  que  le  Calaisis  est  envahi 
peu  à  peu  par  les  hommes  de  Cassel  et  de  Wormhoudt,  par  les  Belges  de 
Roulcrs  :  à  Oye,  il  y  en  a  dans  toutes  les  fermes;  à  Loon,  outre  les 
Flamands  du  Houtland  français,  on  compte  SO  Belges  établis  dans  le  pays. 
Seuls  les  villages  des  dunes  doivent  uniquement  à  leur  triomphante 
natalité  l'accroissement  romarquable  de  population  signalé  à  Gravelines, 
Fort-Mardick,  Bray-Dunes,  La  Panne,  Coxyde. 

C'est  surtout  vers  le  Sud,  vers  les  régions  industrielles,  que  se  préci- 
pitèrent les  émigrants.  Les  filles  vont  s'engager  comme  servantes  dans  les 
villes  ;  il  y  a  des  villages  où  le  domestique  de  ferme  est  devenu  un  rouage 
introuvable.  Les  hommes  deviennent  ouvriers  d'industrie,  ou  pratiquent 
dans  les  villes  de  durs  métiers  manuels:  ils  peuplent  les  faubourgs  de 
Dunkerque,  et  les  rues  tristes  de  St-Pierre,  a  Calais  ;  d'autres  vont  offrir 
leurs  services  aux  compagnies  minières.  Depuis  50  ans,  le  bassin  houiller 
du  Pas-de-Calais  fait  l'effet  d'une  énorme  pompe  pneumatique,  dont  l'aspi- 
ration puissante  enlève  des  hommes  de  toutes  les  parties  du  pays  flamand. 
Il  est  peu  de  communes  du  Houtland  français  qui  n'aient  envoyé  leur 
contingenta  Bruay  ou  à  Lens,  et  l'exode  continue.  Kn  Flandre  belge,  il  en 
est  venu  jusque  de  Thielt,  d'Aertrycke,  de  Clercken,  d'Oostcamp  et  de 
Maldegem,  tandis  que  la  Flandre  orientale  en  envoie  surtout  vers  les 
charbonnages  de  la  Sambre  et  de  la  Meuse,  Charleroi  et  Liège.  Enfin  les 


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500 


LE  PROBLÈME  DE  LA  SURPOPULATION 


grandes  villes  ont  reçu  les  plus  fortes  quantités  d'immigrants  flamands. 
La  Flandre  belge  a  contribué  à  l'accroissement  de  Gand,  Bruxelles,  et 
Anvers.  Surtout  le  groupe  de  Lille  a  paru  longtemps  la  terre  promise,  le 
pays  béni  des  hauts  salaires,  du  travail  assuré.  C'est  entre  Armentières, 
Halluin,  Waltrelos  et  Wazemmes  qu'il  faut  chercher  les  anciens  émigrants 
de  Somergem,  d'Ardoye,  des  banlieues  d'Audenarde  et  de  Roulers,  mêlés 
à  ceux  de  Cassel,  de  Quaedypre,  de  Vieux-Berquin.  Chaque  village  du 
Houtland  avait  au  loin  sa  ville,  presque  sa  colonie,  vers  laquelle  ses 
émigrants  se  dirigeaient  de  préférence  :  Caprycke  envoyait  vers  Croix, 
Somergem  vers  Halluin  et  Lille.  Vite  assimilés,  les  nouveaux  venus  ont 
fait  souche  de  Français:  on  a  vu  des  fils  d'immigrants  parvenir  aux 
dignités  municipales. 

Les  causes  du  mouvement  qui  a  vidé  au  profit  de  la  plaine  maritime  et 
des  grandes  agglomérations  industrielles  les  campagnes  du  centre  de  la 
Flandre  sont  faciles  à  apercevoir.  I,es  pays  frappés  sont  ceux  qui  vivaient 
de  l'industrie  à  domicile  associée  à  une  agriculture  savante  et  aléatoire. 
L'installation  des  filatures  et  des  tissages  mécaniques  autour  de  (îand  et 
de  Lille  réclamait  des  foules  d'ouvriers  que  la  disparition  du  travail  à 
la  main  allait  fournir.  Abandonnant  son  rouet  inutile,  la  fileuse  n'avait 
plus  qu'à  venir  offrir  son  travail  aux  cardes  ou  aux  bancs  à  broches  de  la 
grande  usine,  et  le  tisserand  qu'à  se  transformer  en  tisseur.  Il  était 
pénible  pourtant  à  ces  paysans  d'abandonner  le  village,  le  lopin  de  terre, 
le  travail  familial,  pour  entrer  dans  l'inconnu  de  la  grande  ville  et  de 
l'industrie.  Mais  l'agriculture  était  moins  que  jamais  capable  de  fournir 
le  nécessaire  à  ces  hommes  privés  déjà  de  la  moitié  de  leurs  ressources. 
La  mévente  des  céréales  se  prononçait  à  partir  de  1860,  et  le  lin,  la  plante 
nourricière,  n'était  plus  d'aucun  rapport,  écrasé  sous  la  lourde  concur- 
rence de  la  Russie.  Il  fallut  émigrer,  partir  pour  les  usines  jamais 
remplies.  Ainsi  diminua  la  population,  à  partir  de  1840,  dans  la  plaine  de 
la  Lys,  dans  le  pays  français  de  Cassel  et  bientôt  après  dans  les  arrondis- 
sements d'Audenarde,  Koulers  et  Thielt,  les  pays  du  lin  par  excellence, 
ceux  qui  vivaient  de  la  culture  à  la  fois  et  du  travail  de  la  précieuse 
plante.  Au  contraire  le  pays  d'Alost,  où  de  nouvelles  industries  à 
domicile  venaient  promptement  remplacer  celle  qu'avait  écrasée  le  travail 
mécanique,  le  pays  d'Ypres  et  la  région  boisée  du  Sud  de  Bruges,  où  de 
nouvelles  terres  s'offraient  à  la  culture,  voyaient  se  continuer  leur  lente, 
mais  continue  augmentation  de  population.  En  même  temps  la  plaine 
maritimo,  qui  n'avait  jamais  connu  le  travail  industriel  à  domicile, 
traversait  sans  en  souffrir  la  crise  causée  par  la  disparition  de  ce  dernier  ; 
et  remplaçant  dans  ses  terres  fortes  le  lin  par  la  betterave,  elle  ne 


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LES  CAUSES  DES  TRANSFORMATIONS 


501 


trouvait  dans  le  marasme  de  la  culture  linière  que  l'occasion  d'une 
nouvelle  prospérité. 

C'est  donc  bien  à  la  disparition  ou  à  la  diminution  de  l'industrie  à 
domicile  que  sont  dues  les  diminutions  de  population  signalées  en 
plusieurs  points  de  la  Flandre  intérieure.  La  dépopulation  a  frappé  là  où 
les  rouets  et  les  métiers  étaient  jadis  les  plus  nombreux.  Cependant  il  y  a 
encore  autre  chose.  La  crise  de  dépeuplement,  qui  semble  avoir  produit 
des  résultats  définitifs  dans  les  communes  rurales  de  la  Flandre  française, 
n'a  eu  que  des  effets  temporaires  en  Flandre  belge  Les  communes  même 
qui  ont  perdu  le  plus  d'habitants  depuis  1801  ou  1846,  se  trouvent 
aujourd'hui  presque  toutes  en  croissance.  Dans  l'arrondissement  d'Aude- 
narde,  où  37  communes  ont  aujourd'hui  une  population  inférieure  à 
celle  de  1846,  il  n'y  en  a  que  10  qui  aient  diminué  depuis  1880  :  toutes  les 
autres  sont  en  augmentation  ;  et  huit  seulement  ont  légèrement  diminué 
de  1890  à  1900.  La  diminution  par  rapport  à  1846  s'étend  à  12  communes 
(sur  19)  de  l'arrondissement  de  Thielt  :  or  i  d'entre  elles  seulement  ont 
moins  d'habitants  en  1900  qu'en  1880,  et  5  ont  décru  légèrement  de 
1890  à  1900.  Dans  l'arrondissement  de  Gand,  mêmes  constatations: 
29  communes  y  ont  un  chiffre  dépopulation  inférieur  A  celui  de  1816, 16  un 
chiffre  inférieur  à  1880,  11  seulement  un  chiffre  inférieur  à  1890;  ainsi  la 
reprise  s'accentue  à  chaque  recensement.  Seules  quelques  très  petites 
communes  rurales  perdent,  chaque  dizaine  d'années,  une  douzaine  de 
personnes.  On  peut  prévoir  le  moment  où  sera  comblé  à  peu  près  partout 
le  déficit  creusé  après  1846. 

Ainsi  la  population  augmente  partout  en  Flandre  belge,  soit  dans  les 
régions  où  elle  avait  décru  depuis  1801  et  1846,  soit  dans  celles  où  elle 
avait  continué  son  mouvement  d'ascension.  En  dépit  de  l'émigration,  de 
la  mortalité  élevée,  l'excédent  des  naissances  suffit  à  accroître,  parfois 
rapidement,  la  population.  A  Wetteren,  qui  gagne  en  10  ans  2.500  habi- 
tants, les  entrées  et  sorties  s'équilibrent  a  peu  près;  il  y  a  en  1903 
483  immigrants,  et  512  émigrants;  mais  le  nombre  des  naissances  est 
deux  fois  plus  élevé  que  celui  des  décès.  Oostcamp  avait  6.690  habitants 
au  31  décembre  1900  ;  3  ans  après  (31  décembre  1903),  cette  commune 
purement  rurale  atteint  7.123  personnes.  Rumbeke  avait  6.042  habitants 
en  1846  ;  en  1890  on  n'en  trouve  plus  que  5.866  ;  mais  on  1900  le  total  est 
monté  à  6.116,  et  dès  le  31  décembre  1903  il  atteint  6.511.  Soniergem, 
qui  possédait  7.396  habitants  au  1*  janvier  1831,  est  tombé  à  5.000  vers 
1850  ;  mais  il  est  bien  près  d'en  retrouver  6.000.  Dans  la  plaine  maritime, 
l'augmentation  continue,  sauf  dans  quelques  communes  du  Furnambacht 
où  l'abondance  des  pâtures  fait  diminuer  la  quantité  de  main-d'œuvre 


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-m 


LE  PROBLÈME  DE  LA  SL'RWPLLATtON 


nécessaire.  A  Vlisseghem  (Est  d'Ostende),  l'accroissement  est  de  25  par 
an  ;  à  Adinkerke,  de  GO.  A  l'heure  actuelle,  il  n'y  a  pas  80  communes  en 
voie  de  diminution  dans  toute  la  Flandre  belge.  Ainsi  la  crise  qui  avait 
dépeuplé  une  partie  du  pays  n'était  due  qu'à  dos  causes  temporaires  ;  c'est 
la  grande  misère  de  1846-47,  aggravée  par  le  déclin  du  lin  et  des  céréales, 
qui  en  était  responsable.  Aujourd'hui  que  la  grande  industrie  s'installe 
dans  les  campagnes,  qu'elle  utilise  même  les  métiers  à  la  main  qui  ont 
résisté  à  la  tourmente,  et  que  l'élevage  est  devenu  une  source  de  richesse, 
la  dépopulation  parait  enrayée,  et  l'augmentation  redevient  générale. 

Grosse  différence  avec  la  France!  Cette  frontière  invisible  et  artifi- 
cielle qui  court  à  travers  les  champs  de  l;i  West-Flandre  suffit  à  bouleverser 
les  conditions  économiques.  Houtkorque,  commune  française,  est  mi- 
toyenne do  Walou,  commune  belge:  or  la  première,  de  1876à  1901,  est 
passée  de  1.323  à  1.095  habitants,  la  seconde  de  2.494  à  3.632.  En  France, 
la  diminution  constatée  après  1846  n'a  pas  cessé;  il  y  a  même  des 
communes  qui  se  dépeuplent  depuis  le  début  du  XIXe  siècle.  Hondeghem 
avait  1.596  habitants  en  1803,  1.375  en  1846,  1.137  en  1901.  Killem  passe 
de  1.407  à  1.348(1846),  à  1.157  (1876),  à  1.086(1901).  Ainsi  la  dépopulation 
est  un  mal  beaucoup  plus  profond  dans  les  campagnes  françaises  ;  elle  n'est 
pas  enrayée  comme  en  Belgique.  De  1876  à  1901,  72  communes  perdent 
des  habitants  dans  les  deux  arrondissements  de  Dunkerque  et  d'Haze- 
brouck  ;  celles  qui  en  gagnent  sont  toutes  situées  dans  la  plaine  maritime, 
à  l'exception  de  12,  dont  quatre  villes,  Hazebrouck,  Bailleul,  Merville  et 
La  Gorgue.  Les  cantons  de  Wormhoudl  et  Cassel  tout  entiers  sont  en 
décroissance,  et  la  ville  de  Cassel  en  ces  25  ans  perd  à  elle  seule  1.071  habi- 
tants. De  même  le  canton  de  Laventie,  où  la  diminution  de  toutes  les 
communes  fait  tomber  la  population  de  14.798  à  13.554,  et  les  communes 
de  La  Couture  et  Vieille-Chapelle,  passant  de  2.062  et  690  habitants  à 
1.699  et  519,  soit  une  porte  globale  de  534  habitants  en  25  ans,  le  quart  de 
leur  population  totale. 

Donc,  si  la  dépopulation  en  Flandre  française  paraît  due,  dans  la  première 
partie  du  siècle,  aux  mêmes  causes  qu'en  Flandre  belge,  et  particuliè- 
rement à  la  disparition  des  industries  à  domicile,  d'autres  causes  l'ont 
maintenue  et  aggravée,  qui  n'agissent  pas  de  l'autre  côté  de  la  frontière. 
La  prospérité  agricole  est  cependant  revenue,  et  le  bien-être  ;  un  rapide 
voyage  de  chaque  côté  de  la  frontière  suffit  à  montrer  que  le  pays  qui  se 
dépeuple  est  loin  d'être  le  moins  prospère  des  deux.  Ce  n'est  pas  non  plus 
l'abaissement  do  la  natalité  qui  cause  le  déficit;  les  grandes  familles 
demeurent  nombreuses.  C'est  par  l'émigration  vers  les  villes  que  diminuent 
toutes  ces  communes  rurales.  On  entend  partout  ce  monotone  refrain  :  les 


Dig 


LA  DENS1TF.  AC.TTKLLK  DK  LA  TOI'I  LATION 


jeunes  gens  s'en  vont,  les  hommes  vers  Lille,  Dunkerque,  Calais,  1ns 
mines  du  Pas-de-Calais,  les  filles  en  particulier  vers  le  groupe  de  Lille. 
Calais,  il  y  a  20  ans,  eut  la  grande  vogue;  aujourd'hui  la  prospérité  des 
houillères  attirerait  plulôt  vers  Lens  et  Béthune  les  émigrants.  Or  ce 
déplacement  irrésistible,  qui  menace  de  vider  complètement  certaines 
petites  communes  comme  Wulverdinghe,  n'est  plus  dû  à  la  misère 
résultant  de  la  disparition  du  travail  à  domicile,  —  ce  sont  là  vieux 
souvenirs,  presque  oubliés  — ,  mais  à  des  causes  plus  générales.  Le  service 
militaire  obligatoire,  qui  fait  vivre  tous  les  jeunes  hommes  plusieurs 
années  dans  les  villes,  semble  être  le  principal  coupable  :  précisément  il 
n'existe  pas  en  Belgique.  La  diminution  de  certaines  cultures  délicates, 
qui  exigent  beaucoup  de  soins,  est  une  autre  cause  :  le  tabac,  le  lin,  le 
houblon,  réclamaient  une  main-d'œuvre  abondante,  que  leur  disparition  a 
faite  libre  et  qui  est  allée  chercher  ailleurs  un  travail  jugé  plus  agréable  cl 
mieux  payé.  Knfin  les  machines  agricoles,  venues  pour  remplacer  les 
travailleurs  dont  le  nombre  se  raréfiait  déjà,  ont  précipité  l'exode:  effet 
de  la  dépopulation,  elles  en  sont  devenues  une  cause.  Déjà  ce  pays,  jadis 
si  peuplé,  a  besoin  de  la  main-d'œuvre  étrangère  ;  les  Flamands  Belges 
viennent  chaque  année  y  louer  leurs  bras.  Les  cabaretiers  se  plaignent  ; 
il  n'y  a  plus  d'ouvriers  pour  achalander  leurs  estaminets  ;  ceux  qui  restent 
au  pays,  bien  payés,  devenus  une  manière  do  bourgeois,  ont  chez  eux  de 
la  bière  ;  les  beuveries  en  commun,  si  chères  aux  Flamands  d'autrefois, 
se  font  rares.  Enfin  la  campagne  se  parsème  de  maisonnettes  en  ruines, 
désertées  pour  les  corons  de  Lens,  les  courrées  de  Roubaix  et  de  Lille. 

Densité  actuelle  de  la  population;  ses  conséquences. 

Malgré  les  pertes  subies  au  XIXr  siècle,  malgré  des  diminutions  dont 
les  unes  ne  sont  pas  encore  réparées,  dont  les  autres  vont  s'aggravant, 
la  Flandre  n'en  reste  pas  moins  extrêmement  peuplée.  Il  est  vrai  que  le 
chiffre  global  de  312  habitants  au  kilomètre  carré  (densité  de  la  population 
en  liKXMîHM).  ne  représente  pas  une  réalité  concrète.  Dans  ce  chiffre  sont 
comprises  les  grandes  villes,  dont  l'énorme  population  pèse  trop  lourd 
dans  la  balance.  De  plus,  il  existe  des  régions  beaucoup  moins  peuplées, 
et  d'autres  dont  la  densité  dépasse  celle  de  la  moyenne. 

La  Plaine  maritime  est  toujours  la  partie  la  moins  habitée.  C'est  la  seule 
région  flamande  où  l'on  trouve  encore  des  communes  possédant  moins  de 
50  habitants  au  kilomètre  carré,  une  dizaine  environ  ;  et  cela  en  dépit  de 
l'augmentation  constante  de  toute  la  population  de  la  Plaine  au  cours  du 


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504 


LE  PROBLÈME  DE  LA  SURPOPULATION 


siècle.  On  a  vu  que  d'une  part  l'importance  des  exploitations  ne  permet 
qu'à  un  petit  nombre  de  cultivateurs  aises  d'acquérir  ou  de  prendre  à  bail 
ces  formes  dont  beaucoup  commandent  50  hectares  ;  d'autre  part  la  grande 
place  que  tiennent  les  pâtures  contribue  à  la  faible  densité  de  la  popu- 
lation, car  l'entretien  de  ce  bétail  qui  reste  la  moitié  do  l'année  hors  do 
l'étable  ne  réclame  qu'un  petit  nombre  d'hommes.  Lampernisse,  la  riche 
commune  du  Furnambacht,  est  l'exemple  le  plus  typique  de  cette  faible 
densité  des  polders  :  ses  392  habitants  sont  27  par  kilomètre  carré.  La 
plupart  des  communes  de  la  Plaine  en  ont  50  à  100,  sauf  les  villages  de 
pêcheurs,  les  stations  balnéaires  et  les  ports  ;  et  cette  densité,  qui  paraîtrait 
considérable  partout  ailleurs,  en  fait  la  région  vide  de  la  Flandre  ;  c'est  la 
seule  où  l'on  puisse  éprouver  parfois  une  impression  de  solitude. 

A  l'autre  extrémité  de  l'échelle  des  densités  se  tient  le  pays  lillois.  Le 
canton  le  moins  peuplé  (La  Bassée)  y  possède  déjà  257  habitants  au 
kilomètre  carré;  celui  de  Quesnoy-sur-Deûle  atteint 358;  Lannoy  est  à 
475  ;  quant  aux  trois  cantons  de  Roubaix,  ils  sont  peuplés  de  4.522  habi- 
tants par  unité  kilométrique.  De  Lille  à  Tourcoing,  de  Mouscron  à 
I^annoy,  la  campagne  n'est  qu'une  ville,  avec  quelques  champs  dans  les 
intervalles  des  quartiers.  La  présence  de  l'industrie  explique  aisément  la 
présence  de  cette  agglomération  d'hommes;  le  pays  est  très  peuplé,  mais 
on  ne  peut  pas  dire  qu'il  le  soit  trop,  puisque  ces  foules  trouvent  aisément 
sur  place  de  quoi  les  occuper  et  les  faire  vivre. 

Surpeuplé  au  contraire  se  trouve  être,  quoique  la  densité  de  population 
y  soit  bien  inférieure  à  celle  de  la  région  lilloise,  tout  le  pays  entre  l'Yser 
et  la  Dendre,  entre  Ypros  et  Dixmude  a  l'Ouest,  Grammont,  Termonde  et 
St-Nicolas  à  l'Est,  en  un  mot  presque  toute  l'Ost-Flandre.  Tandis  que  la 
West-Flandre,  malgré  sa  fertilité,  ne  nourrit  guère  qu'une  population  de 
100  à  200  habitants  au  kilomètre  carré  autour  d'Ypres,  de  Cassel, 
d'Hazebrouck  et  de  Merville  4,  les  communes  où  la  densité  do  population 
s'abaisse  au-dessous  de  200  habitants  deviennent  une  exception  dans 
l'Ost-Flandre  :  235  habitants  par  kilomètre  carré  dans  l'arrondissement  de 
Thielt,  266  à  Audenarde,  319  à  St-Nicolas,  349  à  Roulers,  362  à  Termonde, 
388  à  Alost.  Dans  l'arrondissement  de  Roulers,  il  n'y  a  qu'une  seule 
commune  dont  la  densité  kilométrique  soit  inférieure  à  200;  encore 
atteint-elle  199,  et  cela  à  cause  de  la  présence,  sur  le  territoire  de  cette 
commune  (Staden),  d'une  partie  de  la  forêt  d'Houthulst.  Rien  n'est  plus 
remarquable,  comme  densité  de  population  rurale,  que  celle  du  plateau 
alostois.  Entre  Sottegem  et  Alost,  11  communes  rurales  ont  plus  de 


1  Arrondissement  d'Hazebrouck,  161  habitants  au  kilomètre  carre:  dYpres,  200. 


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LA  DENSITÉ  ACTUELLE  DE  LA  POPULATION  505 


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■m  RR  l'ROHRRMR  DR  RA  SIRRORURATION 

RM)  habitants  au  kilomètre  carré,  dépassent  300  ;  aucune  n'en  a  moins 
de  200.  Rien  qu'à  traverser  le  pays,  l'impression  est  forte  ;  le  voyageur 
éprouve  qu'il  y  a  vraiment  trop  de  monde  autour  de  lui.  On  ne  peut  faire 
cinquante  pas  sans  voir  quoiqu'un  dans  les  champs,  femmes  sarclant  en 
se  traînant  sur  les  genoux,  hommes  labourant,  poussant  la  raselte, 
grattant  le  sol,  tirant  la  herse  ;  d'autres  sortant  des  maisons,  conduisant 
des  chariots,  montant  des  charrettes  à  chiens.  On  se  sent  constamment 
surveillé,  épié;  il  y  a  des  gens  partout,  même  lorsque  les  hameaux  sont 
un  peu  éloignés.  L'Ost-Flandre  grouille  de  population. 

Do  quoi  vit  donc  cette  foule  ?  Quel  miracle  continu  nourrit  et  fait 
prospérer  ces  multitudes  ?  Le  sol  est  pauvre,  ou  médiocrement  riche.  I^i 
grande  industrie,  beaucoup  moins  développée  qu'autour  de  Lille,  est 
surtout  cantonnée  dans  îes  villes  ;  elle  ne  fait  que  commencer  à  s'établir 
dans  les  campagnes.  Dans  ces  conditions,  il  faut  forcer  la  nature,  faire 
porter  au  sol  rebelle  «les  moissons  plus  abondantes  que  celles  des  riches 
terroirs,  et  joindre  aux  bénéfices  de  la  culture  ceux  que  procure  l'industrie 
à  domicile.  De  la  cette  agriculture  de  la  Flandre  de  l'Est,  ce  tour  de  force 
par  lequel  une  terre  ingrate,  la  première  en  iïurope,  a  vu  supprimer  la 
jac  hère,  établir  les  cultures  dérobées  ;  ce  prodige  qui  fait  que  ce  pays  sans 
pAtures  possède  plus  de  bétail  que  tout  le  reste  de  la  Flandre  (tig.  60).  De 
là  ce  travail  du  lin  à  domicile,  teillage,  filage,  tissage,  qui  était  l'appoint 
nécessaire  à  la  vie  de  ces  familles  agricoles.  Aujourd'hui  encore  les 
régions  qui  ont  conservé  une  industrie  familiale  sont  celles  où  l'augmen- 
tation de  la  population  est  la  plus  rapide,  où  l'émigration  définitive  est  la 
moins  importante.  La  West-Flandre  française,  qui  a  complètement  aban- 
donné le  tissage,  se  dépeuple  ;  l'Ost-Flandre,  qui  s'entéte  à  garder  ses 
métiers,  et  leur  a  adjoint  la  dentelle,  la  broderie  ou  la  couture  des  gants, 
est  en  croissance. 

Mais  les  habitants  de  l'Ost-Flandre  ont  beau  forcer  leur  ten-e  en  la 
gavant  de  labeurs  et  d'engrais,  peiner  12  et  1  i  heures  par  jour  à  lancer 
la  navette,  à  faire  voltiger  les  fuseaux  ou  à  actionner  la  machine  à 
coudre,  ils  n'arrivent  pas  encore  à  se  suffire,  (jette  population  acharnée 
au  travail  ne  connaît  pas  la  moitié  de  l'aisance  où  vit  l'homme  de  la  plaine 
maritime,  qui  garde  paisiblement  ses  bêtes  ou  surveille  le  travail  des 
tâcherons  venus  de  l'intérieur;  elle  se  fait  concurrence  à  elle-même,  et 
végète  dans  la  pauvreté.  Sur  la  carte  du  mouvement  de  l'épargne  en  Bel- 
gique, la  Flandre  apparaît  comme  le  pays  où  l'on  économise  le  moins,  à 
l'exception  de  la  plaine  maritime     (  lette  faiblesse  de  l'épargne  en  Ost- 

1  Hurny  et  H;tijiaiid«>.  Les  Caisses  d'Rpargne  on  Holgiqiie,  planche  H. 


LA  NÉCESSITÉ  DE  L'ÉMIGRATION 


Flandre  ne  signifie  pas  que  l'habitant  d'Audenarde  ou  do  Roulers  soit  moins 
économe  que  (relui  de  Furnes  ou  de  Dunkerque,  mais  qu'ayant  déjà  à 
peine  de  quoi  se  suffire,  il  ne  peut  songer  à  faire  des  réserves.  Il  est  exact 
que  la  plus  grande  partie  de  la  Flandre  est  un  pays  pauvre,  que  l'homme 
violente  pour  lui  faire  produire  la  subsistance  do  la  formidable  population 
qui  s'y  est  établie,  sans  réussir  à  faire  sortir  de  l'état  degène  cette  population 
qui  se  développe  plus  vile  que  les  ressources.  De  là  les  crises  qui  ont  secoué 
le  pays,  comme  celle  de  184(1;  mais  de  là  résulte  aussi  la  misère  qui 
accable  de  tous  temps  une  partie  de  ses  habitants.  (Test  là  un  état  ancien, 
et  Van  der  Meersch  évalue  déjà  à  64.081  le  nombre  des  indigents  du  seul 
plat  pays  pour  l'année  1771  en  Flandre  autrichienne,  ce  qui  donnerait 
sur  1 1 M  >  personnes  le  chiffre  d'une  dizaine  qui  ne  pouvaient  suffire  à  leurs 
besoins  '.  De  cette  misère  chronique  est  née  assurément  cette  antique  et 
vaste  organisation  de  la  bienfaisance  dont  la  Flandre  donne  l'exemple; 
mais  de  là  procèdent  aussi  cette  énorme  mortalité  qui  contrebalance  les 
effets  d'une  natalité  pourtant  florissante,  ces  tares  physiologiques  qui  font 
que  la  Flandre  précède  tous  les  pays  voisins  pour  la  proportion  de  mort- 
nés,  d'infirmes,  d'aliénés,  d'hommes  impropres  au  service  militaire 
cette  ignorance  dont  l'Osi- Flandre  donne  encore  l'exemple,  et  à  leur  suite 
ce  taux  élevé  de  la  criminalité  qui  fait  que  leurs  voisins  du  Sud  et 
de  l'Est  considèrent  parfois  encore  les  Flamands  comme  des  demi- 
barbares. 

[IL 

L'ÉMIGRATION. 
Nécessité  de  l'émigration. 

La  Flandre  est  donc  trop  peuplée.  Il  y  a  dans  le  pays  trop  d'hommes 
pour  son  étendue  et  ses  ressources.  Cette  situation  ne  comporte  qu'un 
remède  :  il  faut  aller  chercher  au  dehors  ce  que  le  pays  ne  peut  fournir. 
L'émigration  devient  nécessaire. 

Aussi  n'est-elle  pas  une  chose  nouvelle.  I.a  Flandre,  vaste  réservoir 
d'hommes,  a  souvent  débordé  ;  elle  a  fourni  des  habitants  à  toutes  les 
parties  de  l'Kurope.  Déjà  la  surpopulation  précoce  du  XIT  siècle  a 


«  Van  «1er  Meorseh  (I».  G.),  Do  lYt.it  do  la  mendieiié  et  Ho  la  bienfaisance  .lans  la 
provime  «le  la  Flandre  Orientale  depuis  le  ré^no  do  Marie-Thérèse  jusqu'à  nos  jours 
(Bull.  G.  G.  St..  V,  lXïd.  pp.  •£>-'A\8).  p.  a*. 

1  Meynne,  Géographie  médicale  (l'a  tria  Holgira,  11.  pp.  Ui-scpp j. 


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LE  PROBLÈME  DE  LA  SURPOPULATION 


précipité  sur  toutes  les  routes  des  Flamands  en  quête  d'un  gîte  Ils 
en  trouvèrent  en  Allemagne,  où  la  guerre  d'extermination  contre  les 
Slaves  laissait  beaucoup  de  cantons  déserts.  Dès  1106,  ils  colonisent  les 
Marschen  de  Brème  ;  en  Thuringe,  ils  mettent  en  culture  la  Goldene  Aue. 
établissent  autour  d'Erfurt  la  culture  maraîchère  au  XIIe  siècle,  fondent 
près  de  Naumbourg  des  villages  dont  l'un  porto  encore  le  nom  de 
Flemmingen.  Une  charte  de  1154  parle  des  Flamands  venus  par  hasard 
(adventanles)  à  Meissen  ;  un  diplôme  de  1200  cite  des  formes  flamandes 
dans  la  vallée  de  l'Elsler  noire,  et  un  village  de  Flâmisch-dorf  rappelle 
le  souvenir  des  colons  établis  près  de  Ixmbus  (Silésie).  L'Anhalt  a  gardé 
de  leur  venue  les  expressions  «  ein  flàmischer  Kerl  »  (vigoureux  gaillard) 
et  «  das  ist  flàniisch  »  (disproportionné)  ;  la  rive  droite  do  l'Elbe  en  face  de 
Magdebourg  était  la  *  Flâmische  Seite  ».  Enfin  les  princes,  empressés  à 
se  procurer  de  pareils  sujets,  aussi  laborieux  qu'habiles,  les  avaient 
appelés  dans  la  Wagrie,  où  un  village  de  Flemigstorf  rappelle  leur 
souvenir  au  Nord  d'Eutin  ;  en  Brandebourg  où  Albert  l'Ours  les  établit 
autour  de  Stendal  ;  et  à  Jutterbog  où  ces  industrieux  émigrants,  creusant 
des  puits  sur  le  plateau  aride,  élevant  des  digues  et  creusant  des  rigoles 
dans  les  terres  basses,  ont  si  bien  transformé  le  pays  qu'il  leur  a  emprunté 
et  qu'il  en  a  gardé  son  nom  de  Flâming.  Mais  ils  sont  allés  bien  plus  loin 
encore.  A  Vienne,  des  artisans  sont  attirés  dès  1208,  et  le  métier  des 
tisserands  porte  encore  en  Autriche  le  nom  de  Flemmingc  Hantwerk  ; 
d'autres  se  fixent  au  XII0  siècle  dans  le  Zips,  et  participent  avec  les 
Allemands  au  peuplement  des  montagnes  de  Transylvanie  sous  le  nom 
général  de  Saxons.  Nombreux  autour  de  Guillaume  le  Conquérant  dans 
sa  conquête,  ils  pullulent  en  Angleterre  sous  Guillaume  le  Roux,  époux 
d'une  Flamande  ;  Henri  Ier,  puis  Henri  II  les  établissent  sur  les  marchés 
de  Galles,  où  le  Flemingsway  atteste  leur  activité  ;  ils  apportent  dans  le 
Norfolk  l'art  de  travailler  la  laine,  et  le  roi  Edouard,  pour  attirer  ces 
affamés  dans  son  royaume,  fait  répandre  parmi  eux  un  alléchant 
prospectus,  qui  leur  promet  outremer  «  du  bon  bœuf  et  du  bon  mouton, 
tant  qu'ils  en  pourront  manger  »  L'induslrio  drapière  anglaise  date  des 
deux  grandes  émigrations  flamandes  des  XIIIe  et  XVIe  siècles;  à  cette 
dernière  date,  on  trouve  jusqu'à  4.000  Flamands  établis  à  Norwich  ;  aussi 


'  Sur  lï-migration  flamande  aux  XIP-XIIP  siècles,  voir:  de  Borchgrave  (Mêm.  Ac. 
R.  Belg.,  18U5.  VIII  +  375  p.  ;  1871,  VIII  +  126  p.  ;  -  Ann.  Ac.  Arch.  Belg.,  1874. 
pp.  744-753)  ;  —  Pirenne,  Hist.  Belg.,  1,  pp.  13f>  et  257. 

î  Stocquart  (E.),  Les  Flamands  on  Ecosse  au  moyen-âge  (Ann.  Soc.  Arch.  Brux.. 
XIII,  \m>,  pp.  5-14),  p.  7. 


LA  NÉCKSSITK  I)K  L'KMNÏRaTîON  509 

le  Norfolk  et  Norwich  restent-ils  jusqu'à  la  fin  du  XVIIIe  siècle  le  grand 
centre  de  cette  industrie  de  la  laine  I„es  tisserands  flamands  créent  à 
l'étranger  bien  d'autres  industries.  Appelés  à  l'époque  do  Guy  de 
Dampierre  par  un  sire  do  I„aval  époux  de  Béatrix  de  Gavere,  ils  intro- 
duisent dans  le  Maine  la  grande  fabrication  des  toiles 1  ;  à  la  fin  du 
XVe  siècle  le  Brugeois  van  Gobeleen  va  fonder  en  France  la  manufacture 
des  Gobelins,  dont  les  ouvriers  se  recrutaient  encore  au  XVIIe  siècle 
autour  de  Bruges  el  d'Audenarde  3  ;  d'autres,  amenés  par  le  duc  d'Epernon, 
viennent  assécher  à  la  fin  du  XVIe  siècle  les  marais  autour  de  Bordeaux  *. 

L'émigration  a  repris  déplus  belle  au  XIX*  siècle,  avec  l'augmentation 
générale  de  la  population  ;  et  la  crise  de  18 16  précipita  les  Flamands  vers 
les  grandes  villes  belges  et  surtout  vers  la  région  industrielle  du  Nord 
français.  Depuis  .'*0  ans,  les  traces  de  la  crise  effacées,  la  population 
s'accroissant  de  nouveau,  l'exode  a  recommencé.  Aussi  bien,  il  n'y  a  plus 
déplace  en  Flandre.  \&  plaine  maritime  est  asséchée;  il  n'y  a  plus  de 
rnoeres  à  conquérir.  I^s  forêts  et  les  bruyères,  à  l'assaut  desquelles  on 
s'est  lancé  depuis  le  début  du  siècle,  sont  réduites  à  leur  plus  simple 
expression;  on  songe  plutôt  à  reboiser  des  terrains  imprudemment 
défrichés.  Plus  de  wastines,  plus  de  raoeres;  il  faut  voir  au  dehors. 
Pourtant  le  Flamand  répugne  au  départ  ;  il  tient  à  son  sol  ;  c'est  un  paysan 
difficile  à  déraciner.  Il  faut  que  la  nécessité  soit  bien  pressante,  qui  l'oblige 
à  partir. 

Cependant  les  progrès  de  la  locomotion  lui  ont  permis,  depuis  30  ans, 
de  résoudre  à  son  gré  le  problème.  Grâce  aux  voies  ferrées,  le  Flamand 
est  arrivé  à  émigrer  tout  en  restant  chez  lui.  Il  va  travailler  au  dehors, 
chercher  au  delà  des  limites  de  son  pays  pauvre  un  salaire  rémunérateur, 
quitte  à  revenir  le  plus  souvent  |w>ssiblo  au  logis  où  il  a  laissé  sa  famille, 
et  autour  duquel  il  cultive  encore  le  petit  champ  dont  le  produit,  joint  à  la 
paye  du  père  et  au  gain  réalisé  par  les  femmes  à  faire  des  gants  ou  de  la 
dentelle,  permet  d'équilibrer  le  budget.  De  là  ces  nouvelles  formes  d'émi- 
gration qui  sont  les  déplacements  quotidiens  ou  hebdomadaires,  et  les 
migrations  saisonnières. 


»  Cf.  Doehesne  (L.),  L'évolution  économique  et  sociale  de  l'industrie  de  la  laine  en 
Angleterre  (Paris,  Larose,  11*10,  in-8%  282  p.). 

*  Kervyn  de  Lettenhove.  Hist.  de  Flandre,  IV,  p.  H30. 

i  Van  Hruyssel  (K  ).  Histoire  du  commerce  et  de  la  marino  eu  Belgique  (Bruxelles, 
Lacroix,  l*Gl-»r>,  3  vol.  in-8"),  II,  p.  i«*5. 

*  Mess.  Se.  Hist.,  t.  83,  1895,  pp.  3i»>  .148. 


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510 


LE  PROBLÈME  DE  LA  SURPOPULATION 


Déplacements  quotidiens  et  hebdomadaires. 


C'est  vers  les  régions  industrielles  les  plus  proches,  les  grandes  villes, 
les  entreprises  de  travaux  publies  de  longue  durée,  que  se  dirige  donc 
chaque  joui  l'ouvrier  flamand.  Solide  travailleur,  soumis,  peu  exigeant, 
il  est  recherche  des  ingénieurs  et  entrepreneurs,  heureux  de  trouver  cet 
allié  dans  leurs  difficultés  avec  le  prolétariat  industriel.  Trop  éloigné  pour 
attirer  chaque  jour  des  Belges,  le  bassin  houiller  du  Pas-de-Calais  emploie 
au  moins  des  Flamands  de  France;  Steenbecque  envoie  chaque  jour 
cinquante  ouvriers  aux  charbonnages,  cinquante  aux  aciéries  d'Isbergues; 
Hazebrouck  abrite  300  mineurs,  qu'un  train  enlève  tous  les  matins  vers 
lîerguetle  et  Béthuue,  et  qui,  heureux  des  i  à  5  francs  de  leur  salaire  qu'ils 
comparent  aux  2  fr.  50  de  leurs  camarades  tisseurs,  sont  très  satisfaits  de 
leur  sort  et  ne  craignent  rien  tant  que  les  grèves.  Estaires,  La  Gorgue,  en 
envoient  par  le  tramway,  et  d'autres  partent  à  pied  de  toutes  les 
communes  situées  dans  le  Sud  de  la  plaine  de  la  Lys.  De  Coulogne  et 
(luines,  on  va  à  Calais;  de  Tetcghem  à  Dunkerque.  Ostende,  Blauken- 
berghe,  Heyst,  Zeebrugge  et  ses  grands  travaux  attirent  des  ouvriers  de 
tout  le  Nord  du  Houtland  ;  de  Boernem,  Oosteamp,  Oudenbourg  sur 
la  ligne  de  Gand,  de  toutes  les  stations  depuis  Gits  sur  la  ligne  de 
Boulers,  ils  s'en  vont  vers  \  h.  1/2  du  matin,  reviennent  à  9  heures 
du  soir  ;  terrassiers,  manœuvres,  paveurs,  briquetiers,  il  en  part  déjà 
une  trentaine  de  Cortemarck,  200  d'Kerneghem,  ;J00  de  (ihistelles. 
Dans  l'Est,  on  se  dirige  vers  les  travaux  du  canal  de  Terneuzen. 
L'industrie  gauloise,  en  s 'établissant  dans  les  campagnes  de  la  Flandre 
Orientale,  crée  autant  de  centres  d'attraction  que  de  fabriques  ;  les 
ouvrière  viennent  de  plusieurs  kilomètres  aux  usines  d'Eecloo.  de 
Moerbeke,  de  Waerschool  ;  le  nouveau  tissage  d'Ardoye  recrute  son 
personnel  à  plusieurs  lieues  à  la  ronde  ;  deThouroul,  Lichtervelde,  Thielt, 
Pitlhem,  Meulebeke,  Denterghem,  Ingelmunster,  Cachlem,  Eeghem, 
Coolscamp,  Emelghem,  on  se  dirige  vers  la  nouvelle  usine,  a  pied  ou 
en  chemin  de  fer.  Les  grandes  villes  recrutent  les  ouvriers  d'alentour; 
on  vient  à  Gand  de  Maldegem,  d'Aeltre,  de  Nevele,  de  Wetteren  et  de 
tous  les  villages  intermédiaires;  Anvers  attire  les  gens  du  pays  de  Waes  ; 
20  dockers  prennent  chaque  jour  le  bateau  à  Tamise,  HO  à  Rupelmonde; 
Cruybeke  envoie  (iOO  ouvriers  travailler  dans  les  chantiers  Cockerill,  à 
Hoboken  ;  700  prennent  le  train  à  Beveren-Waes  ;  Melsele,  Zwyndrecht 
se  vident  tous  les  matins  vers  la  métropole  de  l'Escaut.  Termonde,  Zele, 
Lokeren  même,  expédient  des  travailleurs  quotidiens  vers  Bruxelles, 


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LES  DÉPLACEMENTS  QI  OTIDIENS  ET  HEBDOMADAIRES  511 

éloignée  de  50  kilomètres  ;  ceux-ci,  maçons,  terrassiers,  partent  avant 
4  heures  du  matin,  sont  de  retour  à  9  heures,  sans  parler  du  trajet  qu'ils 
ont  encore  à  l'aire  à  pied  jusqu'à  leur  domicile  ;  d'autres  viennent  d'Hautem- 
St-Liévin,  de  Sottegem,  Herzele,  Ninove,  de  tout  le  pays  d'Alost;  Lede 
envoie  chaque  jour  5  à  600  terrassiers  et  paveurs,  qui  vivent  bien,  mangent 
de  la  viande  tous  les  jours,  et  vont  souvent  passer  a  (iand  ou  dans  la 
capitale  un  joyeux  dimanche  terminé  par  une  soirée  au  théâtre.  Il  en  est 
qui  ont  le  courage  d'aller  travailler,  à  oO  ou  00  kilomètres  de  chez  eux, 
dans  les  charbonnages  de  La  Louvière.  Enfin  l'exode  le  plus  important  est 
celui  qui  entraîne  chaque  jour  vers  la  France  les  ouvriers  de  Roulers, 
Thourout,  tlarleboke,  Avelghcm,et  de  toutes  les  communes  desservies  par 
les  lignes  se  dirigeant  vers  Herseaux,  Mouscron,  Menin  et  Wervicq  ; 
d'autres  à  pied,  a  vélo,  l'ont  chaque  jour  les  10  ou  12  kilomètres  qui  les 
séparent  d'Halluin,  de  Tourcoing,  de  Roubaix.  Ainsi  tous  les  matins,  de 
tous  les  points  de  la  Flandre  intérieure,  des  hommes  se  mettent  en  route 
vers  les  grandes  villes,  les  usines  et  les  mines  ;  la  circonférence  qui  limite 
l'attraction  d'un  foyer  urbain  ou  industriel  est  tangente  aux  circonférences 
qui  entourent  les  autres;  de  Lichlervelde,  on  va  a  la  fois  vers  Ostende, 
Ardoye  et  llalluin  ;  à  Deynze  les  émigrants  se  partagent  entre  Gand  et  la 
France,  à  Lede  entre  (iand  et  Bruxelles,  à  Sottegem  entre  Bruxelles, 
(iand  et  la  Wallonnie.  De  partout,  sans  souci  do  l'écrasante  fatigue,  on  se 
hâte  vers  les  gros  salaires. 

Cependant,  quelles  que  soient  l'endurance  décos  hommes  et  la  facilité 
des  communications,  il  reste  impossible  à  beaucoup  d'entre  eux  de  faire 
chaque  jour  le  voyage  entre  leur  domicile  et  la  ville  ou  l'usine  qui  les 
emploie.  Ceux-la  se  résignent  à  ne  revenir  chez  eux  qu'une  fois  la  semaine  ; 
partant  le  lundi  matin,  ils  ne  retrouvent  leur  famille  que  le  samedi  soir, 
et  n'ont  que  le  dimanche  à  consacrer  au  petit  champ  que  la  femme  ou  les 
enfants  entretiennent  pendant  leur  absence.  Les  autres  jours,  réunis  en 
groupes,  ils  prennent  ensemble  les  misérables  repas  dont  les  provisions 
apportées  de  chez  eux  font  presque  toujours  les  frais,  du  pain,  du  saindoux, 
parfois  du  lard  ;  la  nuit  ils  s'entassent  dans  d'économiques  dortoirs,  dont  la 
fatigue  fait  oublier  l'exiguité  et  les  conditions  insalubres,  ("est  ainsi  que 
des  terrassier  du  Sud  vont  travailler  à  Ostende  ou  Zeebrugge  ;  que  des 
maçons  de  Stekene,  deLaClinge  et  des  villages  voisins,  ont  leurs  occu- 
pations à  Bruxelles:  que  de  Zele,  de  Lokeren,  même  d'Aeltre  (à  moitié 
chemin  de  (Iand  à  Bruges)  il  y  a  des  ouvriers  pour  Charleroi,  et  l'on  voit 
parfois  de  ces  malheureux,  pour  rentrer  plus  vite  chez  eux  le  samedi  soir, 
s'entasser  encore  noircis  de  charbon  dans  les  trains  où  ils  dorment  les 
uns  sur  les  autres.  A  plusieurs  lieues  à  la  ronde  de  la  frontière  du  pays 


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512 


LE  PROBLÈME  DE  LA  SURPOPULATION' 


lillois,  les  ouvriers  partent  pour  los  usines  le  lundi  matin,  souvent  à  pied  : 
de  Messines  pour  Pérenchics,  de  Zandvoorde  et  Hollebeke  pour  les 
briqueteries  de  la  Deûle,  de  Moorslede  pour  Halluin,  tandis  qu'il  en 

vient  en  chemin  de  fer  jusque  des  environs  d'Audenarde  et  de  Devnze. 

» 

Migrations  saisonnières. 

D'autres  partent  pour  plus  longtemps  encore,  sans  quitter  pourtant  le  sol 
de  Flandre.  Il  y  a  des  régions  flamandes  où  la  main-d'œuvre  locale  n'est  pas 
assez  abondante  pour  certaines  besognes  industrielles  ou  agricoles  qui 
doivent  être  exécutées  rapidement,  et  à  époques  fixes.  La  cueillette  du 
houblon  autour  de  Poperinghe  et  d'Alost  exige  un  soin,  une  minutie,  et  en 
même  temps,  pour  ne  pas  laisser  les  baies  se  gâter,  une  rapidité,  qui  obligent 
les  cultivateurs  à  faire  appel  à  de  nombreux  étrangers.  L'Ost-Flandre 
en  fournit  autant  qu'on  en  désire.  A  Poperinghe,  tandis  qu'on  recrute 
peu  d'ouvriers  aux  alentours  même  de  la  région  houblonnière,  10  à  20 
par  village,  il  en  vient  des  troupes  de  l'Est  :  déjà  30  de  Vladsloo,  50  de 
Becelaere,  une  centaine  de  Couckelaere  et  de  Moorslede,  50  d'Hooglede, 
des  centaines  de  Roulers,  de  Thielt,  d'Aertrycke,  de  Ghistelles,  jusque 
de  Wynghene,  d'Aeltre,  d'Eecloo  (50  en  1903);  la  paroisse  d'Houthulst  à 
elle  seule  en  fournit  3  à  400  -,  tous  les  villages  des  arrondissements  de 
Roulers  et  de  Thielt  donnent.  Ces  gens  partent  à  pied  au  début  de 
septembre,  cheminant  en  bandes,  chantant  le  long  de  la  route,  au  son  d'un 
accordéon,  et  les  paysans  de  l'Ouest  ne  les  voient  pas  défiler  sans  crainte  ; 
à  leur  approche,  on  clot  soigneusement  les  poulaillers.  La  commune  de 
Poperinghe  en  héberge  ainsi  3  ou  4.000  ;  Watou  un  millier  environ  ; 
Booschepe  en  avait  2.000  en  1902,  40  à  50  par  ferme.  Pendant  trois  semaines 
ou  un  mois  que  dure  la  cueillette,  le  pays  vit  dans  la  terreur;  les  batailles 
sont  fréquentes  entre  houblonniers  qui  vivent  pêle-mêle  dans  les  granges  ; 
on  quadruple  pendant  leur  présence  les  brigades  de  gendarmerie.  Les 
mêmes  scènes  se  produisent  autour  d'Alost  et  d'Assche,  où  les  cueilleurs 
viennent  du  pays  de  Lokeren  et  de  Termonde  ;  Zele  en  a  parfois  envoyé 
jusqu'à  mille  à  la  fois. 

Ailleurs,  c'est  pour  la  moisson,  pour  le  sarclage,  le  binage  et  l'arrachage 
des  betteraves,  pour  la  préparation  des  cossettes  de  chicorée,  pour  la 
sucrerie  enfin,  qu'on  fait  appel  à  l'inépuisable  réserve  de  la  Flandre 
intérieure.  La  Plaine  maritime,  avec  sa  faible  population  d'agriculteurs 
aisés,  ne  peut  se  passer  pour  ces  multiples  opérations  de  secours  étrangers; 
elle  s'adresse  aux  familles  de  pêcheurs  et  surtout  aux  gens  du  Houtland. 


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LKS  MK'.KATIDNS  SALSONNIKRKS 


513 


En  Belgique  et  en  Hollande,  toutes  les  communes  de  l'intérieur  établies 
le  long  de  la  lisière  envoient  leurs  bras  disponibles  travailler  dans  les 
polders  voisins  ;  Stekene  à  elle  seule  fournit  4  a  500  personnes,  qui  restent 
trois  mois  absentes;  Watervliet,  Axel,  en  reçoivent  chaque  été  plusieurs 
centaines.  On  les  voit  venir,  particulièrement  nombreux,  dans  la  plaine 
maritime  française,  où  la  culture  sur  de  larges  espaces  de  la  betterave 
et  de  la  chicorée,  où  la  présence  de  sucreries  et  de  distilleries  réclament 
une  main-d'œuvre  abondante.  C'est  ainsi  qu'on  voit  à  la  distillerie  des 
Moëres  des  gens  de  Maldegem  ;  à  la  sucrerie  de  la  Bislade  des  hommes 
de  Houlers  et  dllarlebeke,  des  travailleurs  d'Oudenbourg  et  de  lihistelles 
à  Pont-d'Ardres,  où  ils  se  rencontrent  avec  les  pauvres  habitants  des 
*  côtes  »  crayeuses  du  haut  pays  d'Artois.  La  chicorée,  avec  le  travail 
pénible  des  séchoirs,  est  une  autre  spécialité  des  Flamands  belges,  parti- 
culièrement des  gens  de  Roulers.  Tous  les  hivers,  depuis  une  cinquantaine 
d'années,  on  les  voit  se  diriger  vers  la  Plaine,  vers  les  tourailles  du  Calaisis 
et  deDunkerque;  à  Loon  il  en  arrivo  70,  et  80  se  sont  établis  défini- 
tivement. La  commune  «le  Beveren-lès-Roulers,  qui  fournit  spécialement 
les  chefs  de  fabrication,  envoie  ainsi  300  hommes  chaque  hiver  dans  les 
séchoirs  de  l'Ouest.  Enfin  la  diminution  constante  de  la  population  dans 
les  communes  rurales  du  Houtlaud  fiançais,  due  à  l'émigration  vers  les 
villes,  oblige  les  cultivateurs  à  faire  appel  aux  Belges,  surtout  pour  la 
moisson  ;  il  n'est  pas  de  village  qui  n'en  fasse  venir  au  moins  une  dizaine  ; 
une  centaine  à  Bondues,  autant  à  Linselles,  50  à  Quacdypre,  10  à  Strazeele. 
A  Steenwerck,  on  convient  qu'il  n'y  aurait  pas  de  moisson  sans  eux  ;  la 
propriété  est  trop  morcelé*'  pour  qu'on  puisse  se  servir  utilement  de 
machines;  il  en  vient  donc  une  centaine  de  la  région  de  Becelaere,  géné- 
ralement les  mêmes  chaque  année,  sous  la  conduite  d'un  chef  de  bande; 
ils  travaillent  une  quinzaine,  presque  jour  et  nuit,  et  s'en  retournent  chez 
eux  à  pied.  Les  rares  ouvriers  français  restés  au  pays  ne  voient  pas  sans 
dépit  la  venue  de  ces  étrangers,  plus  soumis,  et  mieux  payés  qu'eux- 
mêmes;  ils  se  vengent  par  des  sarcasmes,  les  traitant  de«  Casten  »,  tonne 
méprisant  dont  la  signification  est  inconnue  même  de  ceux  qui  l'emploient; 
ils  se  moquent  de  leur  pauvre  accoutrement,  les  appellent  «  Clouftjes  » 
(sabots),  injure  où  tient  l'immense  dédain  de  l'homme  en  souliers  pour 
celui  qui  marche  pieds-nus,  tenant  ses  sabots  à  la  main  de  crainte  de  les 
user;  à  Groede  même  et  dans  le  reste  de  la  Flandre  zèlandaise,  des 
batailles  éclatent,  où  les  habitants  du  pays  essayent  de  se  venger  de  ces 
«  Flamands  »  laborieux  et  méprisés. 

Beaucoup  deces  moissonneurs  sont  en  même  temps  briquetiers.  Le  métier 
est  pénible  :  il  répugne  à  l'ouvrier  français  :  voilà  l'affaire  du  Flamand.  Le 


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514 


LE  PROBLEME  DE  LA  SlRPOl'LLATrON 


préfet  Dieudonné  indiquait  déjà  (1803)  que  dos  ouvriers  d'Armentières, 
Frelinghien,  Lompret,  Pérenchies,  partaient  chaque  année  faire  des 
briques  dans  les  autres  arrondissements  du  Nord,  et  au  loin,  en  Bour- 
gogne, en  Bourbonnais  '.  Il  est  vrai  qu'aujourd'hui  ee  ne  sont  plus 
guère  des  habitants  du  pays,  mais  surtout  des  gens  d'Ypres  et  do 
Roulers  qui  viennent  travailler  aux  briqueteries  de  la  Basse-Deûle. 
Il  en  part  bien  M)  de  Moorslede,  100  d'Harlebeke  ;  il  en  vient 
jusque  de  Steendorp,  non  loin  d'Anvers.  Ils  quittent  leur  pays  à 
Pâques,  se  dirigent  vers  les  chantiers  de  la  Basse-Deûle  et  du  bassin 
houiller;  Lens  est  leur  capitale.  Mais  ils  vont  bien  plus  loin  au  Sud,  à 
travers  le  pays  picard,  en  Hainaut,  en  Hesbaye;  partout  où  le  limon 
argileux  se  prête  à  la  fabrication  des  briques,  on  aperçoit  leurs  énormes 
tas  de  briques  crues  autour  desquels  circulent  leurs  équipes  silencieuses. 
En  juillet,  beaucoup  lâchent  le  moule  à  briques  pour  la  faucille,  et 
font  la  moisson,  puis  reviennent  à  la  fabrication  jusqu'à  la  fin  de 
septembre.  La  plupart  rentrent  alors  chez  eux  ;  d'autres  vont  s'embaucher 
jusqu'à  l'hiver  dans  les  sucreries,  voire  dans  les  usines  métallurgiques  et 
aux  charbonnages,  où  on  les  emploie  à  la  surface.  Ils  se  sont  faits,  de 
mars  à  septembre,  fr.  5<)  à  3  francs  d'excédent  par  jour  ;  la  moisson  leur 
a  rapporté  100  francs  environ;  c'est  un  peu  plus  de  500  francs  qu'ils 
peuvent  rapporter  â  leur  famille,  pour  l'aider  à  passer  l'hiver. 

Mais  ces  pays  du  Non!  étaient  encore  trop  peuplés,  et  trop  proches  de  la 
Flandre,  pour  que  les  salaires  agricoles  puissent  être  élevés  ;  les  Flamands 
en  quête  de  hautes  payes  s'avisèrent  bientôt  qu'il  leur  fallait  descendre 
plus  loin  au  Sud  pour  trouver  les  pays  rêvés  :  d'immenses  plaines  de 
céréales,  habitées  par  une  population  clairsemée  dont  le  total  diminue 
sans  cesse,  la  Beauce  et  la  Brie.  Sans  doute  les  fermiers  de  ces  régions 
pensaient  avoir  avantage  à  employer  les  machines  agricoles;  mais  il  y  a 
des  opérations  que  ces  instruments  ne  peuvent  encore  entreprendre,  et 
des  circonstances —  la  verse  par  exemple  —  où  leur  usage  est  impossible. 
L'arrivée  des  Flamands,  s'olfrant  à  planter,  a  sarcler,  à  biner,  à  arracher 
les  betteraves,  à  moissonner  le  blé,  fut  accueillie  avec  joie  ;  c'était  le 
remède  à  l'émigration  des  campagnes.  Depuis  une  quarantaine  d'années, 
les  Flamands  vont  et  viennent  chaque  année  de  la  Loire  et  de  la  Seine  à 
l'Escaut  ;  ils  sont  devenus  un  des  facteurs  les  plus  importants  de  la  vie 
agricole  en  ces  régions  françaises  *. 

•  Statistique,  I.  p.  527. 

*  Voir  Eylenbosrh  (H.),  I^s  ouvriers  belge?*  en  France  (Annuaire  de  la  ligue  dt;nio- 
t  ratique  belge,  IHif.t,  (iand,  het  Volk,  20  p.)  :  —  de  Grûnne  (Ch.),  Le*  ouvriers  agri- 
coles belges  en  France  (Rev.  gén.  agr.  L.,  1899,  pp.  127-133,  145-157). 


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LKS  MIGRATIONS  SAISONNIERES 


5ir> 


\jc  Franchman,  comme  l'appelent  ses  compatriotes,  part  au  printemps. 
Sou  bagage  est  simple  :  un  bissac  bleu  en  toile  à  matelas,  contenant  les 
vêtements  de  travail,  le  linge  ;  à  la  main,  il  tient  la  faucille  piquée  dans 
un  bouchon  de  liège  ;  sur  la  tête,  une  casquette  plate.  Il  y  en  a  de  tous  les 
âges,  entre  15  et  60  ans.  Les  premiers  s'en  vont  au  milieu  de  mars  :  mais 
le  grand  exode  ne  se  dessine  que  dans  les  premières  semaines  de  mai, 
pour  les  betteraves.  Us  ont  été  recrutés  par  un  chef  de  bande,  auquel  s'est 
adressé  le  cultivateur  français;  des  agences  de  placement  existent 
d'ailleurs  dans  les  villes  flamandes,  et  Lille  en  possède  de  nombreuses 
aux  alentours  de  la  gare.  Us  voyagent  en  chemin  de  fer,  par  groupes, 
le  gouvernement  belge  leur  accordant  un  prix  très  réduit  jusqu'à  la 
frontière.  De  quinzaine  en  quinzaine,  leur  nombre  s'accroît;  en  1898,  le 
nombre  des  lMges  occupés  ainsi  en  France,  de  692  dans  la  première 
semaine  de  mars,  s'était  élevé  à  3.846  dans  la  2e  quinzaine  du  mois  ;  il 
montait  à  27.2(10  dans  la  première  quinzaine  de  mai  et  atteignait  le 
maximum,  40.176,  à  l'époque  de  la  moisson,  dans  les  quinze  derniers 
joui's  de  juillet l. 

A  combien  s'élève  le  nombre  des  Flamands  qui  participent  à  cette 
invasion  pacifique?  La  statistique  de  1898,  établie  par  le  gouvernement 
belge  pour  constater  quelle  quantité  d'électeurs  seraient  absents  dans  un 
scrutin  opéré  au  cours  de  l'été,  indiquait  31.527  Flamands  sur  57.262 
partants;  18.942  de  Flandre  Orientale,  12.582  de  Flandre  Occidentale 
Ce  recensement  des  émigrants  n'a  plus  été  établi  depuis;  cependant  on 
peut  affirmer  que  le  chiffre  actuel  est  beaucoup  plus  élevé.  Celui  de  1898 
était  de  18.942  pour  les  297  communes  de  Flandre  Orientale  ;  or  les  rensei- 
gnements fournis  eu  1901  parles  administrations  de  23  communes  de  la 
province  donnent  déjà  4.375  parlants  ;  de  même  on  a  trouvé  4.235  émi- 
grants dans  25  communes  seulement  de  Flandre  Occidentale.  Si  l'on  ajoute 
que  dans  ces  chiffres  ne  sont  pas  compris  la  majeure  partie  desbriquetiers 
»'t  des  moissonneurs  qui  viennent  travailler  dans  le  Nord  de  la  France,  on 
voit  que  c'est  à  50.000,  peut-être  à  60.000  hommes  qu'il  faudrait  fixer  le 
nombre  de  ces  émigrants  temporaires.  C'est  une  véritable  année.  Les 
grosses  communes  fournissent  d'épais  bataillons.  Il  en  part  400  de 
bmgemarck,  450  de  Couckelaere,  de  Lede,  de  Nederbrakel,  500  de  Zele 
et  de  Nazareth,  700  de  SUulen,  un  millier  de  Henaix.  Certains  villages  sont 
vides  d'hommes;  on  n'y  trouve  plus  que  les  enfants,  les  femmes  et  les 
vieillards. 


1  Kylenboseh,  p  l. 
*  Ibitl..  pp.  i-r». 


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51Ȕ 


LE  PRORLKME  DE  LA  SURPOPULATION 


Arrivé  en  France  après  un  voyage  lent  dans  des  trains  peu  rapides,  le 
Franchraan  gagne  l'exploitation  où  il  est  engagé,  de  préférence  celle  où 
il  a  travaillé  déjà,  où  ont  peiné  ses  parents  ou  ses  amis  ;  il  y  a  des  fermes 
où  ils  se  succèdent  de  père  en  fils  depuis  1870.  On  discute  les  conditions 
du  travail,  et  l'on  se  met  à  l'ouvrage  ;  payé  à  la  lâche,  l'ouvrier  flamand 
fournit  un  labeur  extraordinaire;  en  moisson,  il  commence  parfois  à 
3  heures  du  matin  et  ne  s'arrête  qu'à  9  heures  du  soir.  Les  Franchmans 
se  nourrissent  eux-mêmes,  à  peu  de  frais  comme  on  pense  ;  la  nuit,  ils 
s'entassent  dans  les  granges.  Parfois  ils  reçoivent  la  visite  des  consuls 
belges,  ou  des  prêtres  qu'envoient  des  patronages  spéciaux  ;  de  temps  à 
autre  on  célèbre  à  leur  intention  une  messe  en  flamand  dans  les  centres 
où  ils  sont  particulièrement  nombreux.  Ils  vivent  isolés  de  la  population 
française,  et  supportent  cet  exil  en  pays  étranger  sans  trop  de  peine,  étant 
groupés  dans  chaque  ferme  en  compagnies  nombreuses,  une  vingtaine  en 
Beauce,  :J0  à  40  en  Brie,  jusqu'à  50  dans  les  grands  domaines,  tous  du 
même  canton,  parfois  du  même  village. 

La  moisson  du  blé  terminée,  une  partie  des  Flamands  reflue  vers  le 
Nord  ;  l'on  voit  en  particulier  remonter  tous  ceux  qui  s'étaient  aventurés 
au  Sud  de  la  Loire,  jusque  vers  Moulins,  Châteauroux,  Angoulôme.  Ceux  du 
Sud  du  paysd'Alost,  où  la  moisson  esl  particulièrement  tardive  retour- 
nent chez  eux  audébuld  août,  et  rentrent  leur  blé  ou  leur  seigle  avant  de 
repartir  à  la  lin  de  septembre.  D'autres  reviennent  définitivement  ;  mais  un 
grand  nombre  restent  en  France,  employés  parles  fermiers  à  des  travaux 
accessoires  pour  attendre  l'arrachage  dos  betteraves.  Au  début  d'octobre 
s'ouvre  cette  nouvelle  campagne,  qui  occupe  encore  les  Franchmans 
pendant  un  bon  mois.  C'est  vei-s  le  15  novembre  que  la  plupart  reparaissent 
chez  eux,  après  6  mois  d'absence.  Ils  rapportent  de  3  à  500  francs,  féro- 
cement économisés  sur  leur  gain.  Le  sarclage  des  betteraves  en  Beauce 
leur  a  valu  environ  150  francs,  autant  la  moisson,  autant  l'arrachage  ;  les 
travaux  accessoires,  une  centaine  de  francs.  En  Brie,  le  salaire  est  un  peu 
plus  élevé  2.  C'est  peu  pour  une  pareille  somme  de  travail,  mais  c'est 
l'appoint  indispensable  à  la  vie  de  la  maisonnée.  Dans  beaucoup  do 
communes  rurales,  l'existence  des  ouvriers  serait  impossible  sans  la 
France.  A  Hautem-St-Liôvin,  rien  que  du  15  mai  au  15  août,  pour  la 
betterave  et  la  moisson,  les  i50  tâcherons  rapportent  environ  .'J00  francs 
par  tète:  c'est  75.000  francs  de  numéraire  que  cette  saison  d'été  jette  dans 
le  village;  à  Renaix,  avec  les  1.000  émigrants  travaillant  de  mai  à 


i  Voir  la  carte  .le  la  moi^oii  -lu  blé  .'u  Flamlrc  (Kig.  3). 
î  Eyleiibosch,  pp.  12-13. 


I.KS  MIGRATIONS  SAISONNIERES 


novembre,  c'est  presque  un  demi-inillion.  I.a  dentelle,  la  couture  des  gants, 
le  tissage,  l'élevage  des  bestiaux  ou  du  porc  sont  l'appoint,  mais  l'émi- 
gration en  France  est  la  grande  ressource;  sa  disparition  brusque  provo- 
querait en  Flandre  une  catastrophe  semblable  à  celle  île  18i6. 

Cependant  tous  les  Franchmans  ne  réintègrent  pas  leur  domicile  au 
mois  de  novembre.  Certains  d'entre  eux,  séduits  par  les  hauts  salaires  de 
France,  sollicités  par  les  fermière  désireux  de  garder  ces  bons  ouvriers, 
finissent  par  se  fixer  en  Beauce  ou  en  Brie  ;  ils  l'ont  venir  leur  famille  et 
s'établissent  définitivement.  l)e  petites  colonies  agricoles  s'organisent 
ainsi  dans  ces  plaines,  à  la  place  des  paysans  français  partis  pour  les  villes. 
La  statistique  des  étrangers  dans  l'arrondissement  de  Melun  au  1"  juillet 
HX>3  indiquait  ',\.{bT>  Belges,  que  l'on  pouvait  prendre  pour  des  émigrants 
temporaires;  mais  le  relevé  effectué  le  1er  janvier  liK)i  en  indiquait 
encore  l.lCiO,  parmi  lesquels  151  femmes  et '/iî  enfants  ;  ce  sont  là  des 
sédentaires  '.  D'autres  restent  jusqu'à  Noël  occupes  dans  les  sucreries  et 
distilleries  du  pays  picard.  Il  en  est  qui,  ne  pouvant  se  décider  à  rentrer, 
se  font  pour  l'hiver  ouvriers  d'industrie  :  les  établissements  métallur- 
giques de  Ilautmont  (la  Providence)  et  de  Montataire  en  recueillent  un 
grand  nombre;  d'autres  s'embauchent  aux  fours  à  coke  des  charbon- 
nages du  Pas-de-Calais.  Ceux-là  ne  font  plus  à  leur  domicile  qu'une 
rapide  apparition,  delà  mi-janvier  à  la  mi-mars;  et  parfois  ils  repartent 
pour  Ilautmont  en  attendant  l'ouverture  de  la  saison  des  betteraves.  Ceux 
qui  reviennent  chez,  eux  en  novembre  ne  peuvent  se  décider  à  travailler 
la  terre  :  les  uns  se  mettent  à  tisser,  quelques  autres  à  faire  delà  dentelle; 
ceux  de  Couckelaere  vont  louer  leurs  bras  à  Ostende,  ceux  d'Ardoye 
s'emploient  à  l'usine,  ceux  du  pays  d'Alost  vont  travailler  à  Bruxelles. 
Knfin  beaucoup,  laissant  la  femme  et  les  enfants  continuer  les  travaux 
agricoles  entrepris  en  leur  absence,  restent  oisifs  ou  s'occupent  des  soins 
du  ménage.  Mais  tous,  en  rentrant  chez  eux,  connaissent  la  détente  qui 
suit  les  longues  privations  et  le  travail  excessif;  leur  retour  s'accompagne 
d'interminables  séances  à  l'estaminet,  suivies  de  batailles,  de  coups  et  de 
meurtres.  Ainsi  ils  sont  devenus  de  véritables  prolétaires  agricoles,  dont 
les  liens  avec  leur  sol  se  relâchent  sans  cesse,  et  qu'un  rien  suflil  à 
entraîner  dans  l'émigration  définitive  î. 


1  Communiqué  par  M.  Louis  Raveneau. 

i  Au  Nord-Kst  île  la  Flandre,  quoique*  ouvriers  émitrrent  ailleurs  qu'en  Fraïuv.  [)c 
Hulst.  <>n  va  passer  l'hiver  à  Kssen,  dans  les  usines  métallurgiques:  les  ^rens  de  l-i 
Clinge  vont  faire  .les  briques  en  Westphalie.  D'autres  travaillent  au  canal  de  Charleroi, 
à  Senell'e. 


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518 


LE  PROBLÈME  DE  LA  SURPOPULATION 


L'émigration  définitive. 

L'émigration  définitive  est  beaucoup  moins  considérable  aujourd'hui 
qu'il  y  a  50  ans;  cependant  elle  subsiste.  Chaque  flux  et  reflux  des 
Flamands  abandonne  au  loin  quelques  épaves  ;  parmi  les  ouvriers  qui  se 
déplacent  à  la  journée,  à  la  semaine,  pour  une  saison,  pour  10  mois,  il  en 
est  toujours  qui  restent  en  route,  se  fixent  dans  les  villes,  aux  alentours 
de  la  région  lilloise,  en  Wallonnie,  en  Fiance.  Four  atténuer  l'influence 
politique  que  lo  séjour  en  France  exerce  sur  les  émigranLs,  le  parti  catho- 
lique encourage  un  mouvement  qui  s'est  dessiné  depuis  une  trentaine 
d'années  vers  l'Amérique  du  Nord.  (Test  vers  le  Canada  (Manitoba),  la 
région  des  grands  lacs  (Détroit)  et  l'Ouest  que  se  dirigent  les  émigrants, 
la  plupart  ouvriers  agricoles.  Il  en  part  de  Flandre  zélandaise,  de  toute  la 
Flandre  Orientale,  de  quelques  communes  de  Flandre  Occidentale.  I„a 
quantité  des  départs  varie  avec  l'état  des  travaux  agricoles  ou  industriels. 
Dans  certaines  communes,  cette  émigration  a  disparu  ;  ailleurs,  elle  est  en 
faveur.  En  avril  1904,  West-Roosebeke  voyait  partir  17  de  ses  habitants  ; 
à  Swevezeele,  il  y  a  des  départs  chaque  semaine,  une  centaine  au  moins 
par  an  ;  à  Wynghene  150.  Tout  l'arrondissement  de  Tbielt  en  fournit  ;  le 
village  d'Eeghem  menaçait  un  moment  de  se  vider.  La  crise  de  l'industrie 
cotonnière  en  l90ôM!H)i  a  précipité  les  départs  autour  de  Garni  :  à  Bellcin, 
tout  ce  qui  est  fort  va  en  France  ou  en  Amérique.  Groede,  en  Flandre 
zélandaise,  a  perdu  150  personnes  dans  les  (>  premiers  mois  de  1004  ; 
70  émigrants  sont  partis  d'un  seul  coup  de  Brcskens.  Dans  tout  l'Est,  les 
enseignes  d'estaminets  sont  nombreuses  qui  portent  les  titres*  In  Ameriku» 
et  «  In  destatl  New- York*.  D'ailleurs  tous  les  émigrants  ne  sont  pas  perdus 
pour  le  pays;  le  Flamand  se  résigne  difficilement  à  quitter  sou  sol; 
beaucoup  reviennent  au  bout  de  quelques  années  avec  une  petite  fortune, 
louent  des  terres  et  deviennent  des  fermiers  aisés. 

Ainsi  l'émigration  définitive  en  pays  lointain  ne  plaît  pas  au  Flamand  ; 
il  n'aime  pas  les  décisions  brusques  et  irrévocables  ;  pour  qu'il  se  décide  à 
quitter  son  village,  il  faut  qu'il  ait  été  longuement  sollicité,  qu'il  ait  essayé 
d'abord  du  déplacement  quotidien,  ou  delà  migration  saisonnière.  Aussi 
est-ce  t<  »ut  prés  de  chez  eux,  à  quelques  lieues,  parfois  à  quelques  kilomèl  res 
de  leur  ancienne  demeure,  que  vont  se  fixer  la  plupart  des  émigrants.  Le 
1  ira bant  wallon,  le  Tournaisis,  le  Hainaut,  en  sont  remplis  ;  ils  forment 
des  groupes  compacts  dans  toutes  les  communes  de  la  Flandre  française. 
Ceux-la  viennent  généralement  des  villages  belges  les  plus  proches,  où  ils 
sont  remplacés  à  leur  tour  par  des  plus  pauvres,  venus  de  l'Est.  Les 


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L'ÉMIURATION  OKKIMTIYK 


r,if» 


communes  frontières  sont  ainsi  comme  des  relais  d'une  émigration  à 
longue  échéance,  par  où  se  prépare  l'absorption  des  Flamands  en  route 
pour  l'Ouest.  A  Neuve-Eglise,  la  moitié  des  habitants  sont  des  étrangers, 
venus  d'Ypres,  Passchendaele,  qui  prennent  la  place  des  indigènes  partis 
pour  les  campagnes,  les  villes  et  les  charbonnages  île  France  ;  à 
Westoutre,  la  liste  électorale  comprend  40  °/0  d'hommes  non  originaires 
de  la  commune,  venus  du  Nord  et  de  l'Est.  Le  mouvement  est  constaté 
dans  toute  la  West-Flandre  belge  :  a  Messines  il  n'y  a  comme  ouvriers 
agricoles  que  des  gens  venus  d'au  delà  d'Ypres;  Wervicq  s'augmente  par 
émigration  de  Gheluvelt,  Becelaere,  Houlers;  à  Gulleghem  les  ouvriers 
de  ferme  sont  originaires  de  (lits,  Hooglede,  Deynze;  leurs  enfants 
deviennent  teilleurs  de  lin  ou  s'expatrient  à  leur  tour  en  France;  a 
Zandvoorde  et  Hollebeke,  les  gens  de  Zillebeke,  Gheluvelt,  Zonnebeke 
remplacent  les  anciens  habitants  partis  pour  Comines,  Quesnoy,  Lille;  le 
flamand  s'avance  avec  eux,  refoulant  le  français  vers  la  Lys.  A  Elver- 
dinghe,  tous  les  fermiers  viennent  de  Lichtervelde,  Thourout,  Houlers; 
ce  sont  eux  qui  ont  importé  la  chicorée  il  y  a  trente  ans.  Merckem  descend 
sur  Noordsehoote.  l'eu  à  peu,  la  Flandre  roule  de  l'Est  vers  l'Ouest,  des 
pays  pauvres  vers  le  pays  riche.  C'est  une  nouvelle  invasion  des  Barbares, 
semblable  a  celle  qui  s'est  accomplie  pacifiquement  tout  au  long  des  quatre 
siècles  de  l'empire  romain  ;  comme  jadis  leurs  ancêtres  des  bords  du  Rhin, 
ces  Germains  pauvres  et  prolifiques  viennent  louer  leurs  bras,  se  font 
colons  des  riches  territoires  que  les  latins  quittent  pour  habiter  les  villes  ; 
peu  à  peu  ils  s'établissent,  la  naturalisation  automatique  les'  transforme 
en  Français,  et  ces  nouveaux  citoyens  ne  se  distinguent  bientôt  des  autres 
que  par  leur  docilité  ot  leur  endurance  au  travail.  Aucun  des  4  à  500  Belges 
fixés  à  Bousbei  que,  à  Boudues,  à  Steenvoorde,  à  Ghyvolde.  dans  toutes 
les  communes  frontières,  ne  s'avise  de  revendiquer  pour  ses  enfants  son 
ancienne  nationalité:  ils  deviennent  Français  sans  esprit  de  retour;  les 
traiter  de  Belges  leur  parait  déjà  une  insulte. 


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KO 


CONCLUSION 


CONCLUSION. 


«  La  Flandre  s'est  formée,  pour  ainsi  dire,  malgré  la  nature  ;  c'est  une 
œuvre  du  travail  humain  »  ».  Bien  n'est  plus  exact.  I^es  qualités  physiques 
de  la  terre  flamande  sont  maigres  et  rares,  ses  défauts  sont  gros  et  nom- 
breux. Climat  désagréable,  surtout  par  son  humidité  qu'aggrave  l'imper- 
méabilité du  sol.  De  la  terre,  deux  parts  :  l'une  féconde  à  souhait,  mais 
trop  basse,  recouverte  d'eaux  stagnantes,  menacée  en  haut  par  les 
grandes  marées,  en  bas  par  les  infiltrations;  l'autre  moins  humide 
quoiqu'imperméable,  mais  d'une  médiocre  fertilité,  surtout  dans  l'Est. 
Pour  les  cours  d'eau,  des  ruisseaux  nombreux  et  indigents,  des 
rivières  trop  lentes,  attardées  en  bras  morts  et  en  marécages,  noyant 
leur  vallée  de  crues  régulières  et  aussi  d'inondations  inattendues. 
Dans  l'ensemble,  une  nature  renfrognée,  peu  accueillante.  Mais  l'admi- 
rable situation  géographique  du  pays  y  appelait  les  hommes  ;  la  Flandre 
devait  être  un  lieu  de  passage,  une  contrée  d'échanges.  Les  habitants 
y  vinrent-  donc  nombreux,  ot  forcèrent  la  nature.  Il  y  a  peu  de  pays 
où  l'aspect,  la  valeur  du  sol,  le  tracé  des  cours  d'eau,  leur  régime,  en 
un  mot  les  conditions  géographiques,  aient  été  pareillement  transformées 
par  l'homme.  La  plaine  maritime  a  été  asséchée,  ses  eaux  évacuées, 
ses  terres  «  endiguées,  purgées,  raffermies  ».  Les  forêts  ont  disparu,  et 
les  arbres  isolés  auront  demain  le  même  sort,  si  l'agronomie  l'exige  ; 
les  bruyères  sont  mises  en  culture,  quitte  à  y  rétablir  des  bois  si 
l'opération  paraissait  profitable.  Les  terres  maigres  de  l'Est  portent  plus 
de  moissons  que  les  plus  riches  sols  arables,  nourrissent  plus  de  bétail 
que  les  grandes  régions  de  pâturages.  On  a  changé  le  cours  de  certaines 
rivières,  raccourci  ou  allongé  le  lit  des  autres  ;  on  les  a  toutes  barrées, 
creusées,  asservies.  L'empreinte  de  l'homme  est  partout;  sa  présence 
domine  l'étude  géographique  du  pays.  La  «  plantureuse  Flandre  *>  est 


'  Michelet.  Hist.  France,  Y,  j..  .'fâO. 


CONCLUSION. 


Kl 


une  légende,  si  Ton  entend  par  là  un  pays  naturellement  gras  et  fertile, 
la  terre  de  l'abondance  et  de  la  bonne  chère  ;  la  prospérité  du  pays  est 
l'œuvre  exclusive  de  sa  population.  Ailleurs,  on  n'a  eu  qu'à  tirer  parti 
des  ressources  qu'offrait  la  nature;  ici,  il  a  fallu  les  lui  arracher,  et 
ce  long  effort  n'a  pas  suffi  ;  victime  de  sa  population  débordante,  la 
Flandre  doit  continuer  à  peiner  et  à  souffrir,  pour  rendre  de  plus  <>n 
plus  habitable  cette  terre  peu  favorisée. 


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TABLK  DKS  MATIKRKS  Tvii 

TABLE  DES  MATIÈRES 


CHAP1TRK  I 
LA  FLANDRE,  RÉGION  NATURELLE. 

l'âge* 

I.  ï/i  Flandre  da^rès  l'histoire     I 

II.  Définition  i/t'uji/rrt/ihiqttc  Je  In  Haine  flamande   (> 

CHAPITRE  II 
LE  CLIMAT. 

1.  Les  éléments  dn  i  limât.  Température.  Anomalie  de  la  plaine  maritime.  Pluie. 

Vents   \\ 

11.  Caractères  du  climat.  Influences  sur  la  nature  et  «nr  l'homme.  Prétendus 

changements   Ht 

CHAP1TRK  111 
LC_8ÛL 

I.  Histoire  t/i  olof/it/ne.  I^i  dépression  flamande.  Primaire  et  crétacé.  I<amléuirn. 
V[U,''-iLMi-I',iiiisclir)i  et  Parisien.  Oligocène.  Miocène.  l 'lioièuc.  Kro-mn 
quaternaire  

II.  Le  sol  nttoel.  Imperméabilité  :  les  nappas  aquifëres.  l,c  sol  quaternaire   T>j 

CHAI'ITRK  IV 
RELIEF.  -  FORMES  DU  TERRAIN. 

1.  As/ieet  et  orii/iues  dit  relief.  L'ancien  plan  incline.  Les  colline?-.  Hypothé-e 

des  C.iioHtas.  Rôle  dos  collines   LiQ 

IL  Les  formes  du  terrain.  Les  sables.  Les  argilea   72 

CHAPITRR  V 
LES  COURS  D'EAU. 

1.  Htjdroffro/ihie.  Hypothèses  sur  l'origine  des  cour*  d'eau.  Cours  «l'eau  consé- 
quents et  subséquents.  Les  rivières  au  Nord  de  <»«nd   81 

LL  Hydrolnijie.  Eléments  du  régime.  Crue»  régulières  et  inondations.  Travaux 

de  régularisation.  Rivières  à  marée   . .    ...  06 


524  TABLE  DKS  MATIÈRES 

CHAPITRE  VI 

DIVISIONS  DE  LA  FLANDRE:  LES  VARIÉTÉS  RÉGIONALES. 

l^s  noms  de  paya.  Distinction  essentielle:  l'iaine  maritime  et  Intérieur   HT 

CHAPITRE  Vil 
RÉGIME  DE  LA  MER  FLAMANDE. 

La  mer  flamande.  Régime  des  marées  :  le  gain  de  flot.  Formation  de*  bancs..  122 

CHAPITRE  VIII 
FORMATION  DE  LA  PLAINE  MARITIME. 


1.  La  Plaine  avant  l'inondation  du  V6  siècle.  Hypothèsos  sur  l'origine  de  la 

Plaine.  Structure  du  sol.  Date  de  l'inondation.  Nature  do  l'invasion  marine.  13T> 

II.  Assèchement  de  la  Plaine  :  V*-A7/n  siècles,  l^es  premières  localités  :  VH-X" 

siècles.  Estuaires,  digues  et  dunes.  Disparition  des  estuaires   li">l 

III.  Vicissitudes  de  la  Flandre  ze"  landaise.  Prospérité  des  endiguements  aux 

XIII"  «-t  XIV*  siècles.  Inondations  et  réondiguements  :  XIV«-XIX8  siècles  ; 

rôle  des  événements  historiques   170 

D  i — Ldi — ^udii  ••  -  ■   Ai^l. 


CHAPITRE  IX 
LA  COTE.  —  LES  DUNES. 


I.  Aspect  et  mouvements  de  la  côte.  Recul  de  la  mer  à  l'Ouest.  Recul  de  la 

terre  à  l'Est.  Causes  des  mouvements  de  la  cAte   2111 

II.  Les  Dunes:  caractères  physiques.  Largeur  des  dunes.  Formes.  Mouvements 

et  finition   211 

111.  La  rie  dans  les  Dunes.  L'agriculture.  L'homme  et  l'habitation   22T> 


CHAPITRE  X 
LA  COTE  (suite).  —  LES  PORTS. 

I.  Origine  des  ports.  Ports  naturels  :  leurs  transformations.  Ports  artificiels..  234 
II.  Caractères  des  j>orts.  Les  ports  de  l'Ouest  mieux  abrités.  Les  porta  de  l'Est 

moins  encombrés   242. 

III.  Les  installations  maritimes.  Ports  de  voyageurs  :  Calais,  Ostende.  Port  de 

marchandises  :  Dunkerque.  Port  d'escale  :  Zet'brugge   241* 

IV.  Les  tilles;  les  plages.  Aspect  et  évolution  des  villes.  Les  plages   <£â\ 


TABLK  DES  MATIÈRES 


CHAPITRE  XI 
L'EAU  DANS  LA  PLAINE.  POLDERS  ET  WATERINGUES. 


I, 

2fiB 

H. 

Lutte  contre  les  eaux  intérieures.  Objet  .les  Wateringues.  Leur  organisation. 

Ilf.  L'œu ne  des  Wateringues.  I,es  rivières:  Aa,  Yser.  Canaux  d'assèchement.. 

iJ7« 

IV.  Résultais  de  l'assèchement.  Calaisis.  Marais  de  St-Omer.  Moères.  Terre» 

2» 

CHAPITRE  XII 

LA  VIE  DANS  LA  PLAINE. 

!. 

L'agriculture.  Qualités  du  sol.  Anciennes  cultures.  \j\  betterave.  Pâtures  et 

a». 

il. 

:*77 

lu. 

Les  tntles.  Marchés  agricoles  <lc  la  Plaine  et  de  la  lisière.  Bruges.  L'absence 

:m 

IV. 

v 

f ji  h'I h ntl imr  sé/nnilnise    Kt;it  .ictiml  île  In   lutte  contrfl  la   mer  \OTieulture 

CHAPITRE  XIII 

FLANDRE  INTÉRIEURE.  -  L'AGRICULTURE  FLAMANDE. 

1. 

Lu  ]>a;/s  aux  arbres.  Les  forets.  Zone  des  bois  et  des  bruyères.  Les  arbres. 

:m 

II. 

Caractères  généraux  de  i  agriculture.  Défauts  du  sol.  Les  exploitations.  Les 

III. 

Variétés  régionales.   Le  pays  du  sable.  Le  pays  de  Waes.  Le  pays  d'Alost. 

IV. 

Le  pays  de  Courtrai.  Iloutland  de  l'Ouest.  Le  pays  de  Lille.  La  plaine  de 
 ll  ;  *   

•  >  1 1 

•  i.  >  f 

CHAPITRE  XIV 

FLANDRE  INTÉRIEURE.  —  L'INDUSTRIE. 

I. 

Nécessité  de  l'industrie  :  son  ancienneté.  Industrie  drapière.  Industrie  de 

II. 

la  toile.  La  crise  de  lSîli  

Persistance  d'anciennes  formes  :  industrie  à  domicile.  Tissage  à  domicile. 

Autres  industries  à  domicile  :  la  dentelle  

III.  La  grande  industrie.   Caractères  généraux.   Région  gantoise.  Croupe  de 

IV. 

Le  groupe  de  Lille.  La  main-d'œuvre  étrangère.  \ui  protection  douanière. 

Un,  laine,  coton,  confection  

58fl  TABLK  DKS  MATIKRKS 

CHAPITRE  XV 
FLANDRE  INTÉRIEURE.  —  LE  MILIEU  HUMAIN. 


I.  La  vie  et  lejs  mœurs   'il*» 

II.  L'habitation  rurale.  L  Hofstede.  La  Censé.  Les  matériaux   LU 

III.  Dispersion  (1rs  habitations.    Pans  l'Ouest  :  les  maisons  isolées.  Dans  l'Kst  : 

les  maisons  groupées  en  rues   ii8 

IV.  Les  vif /'-s.  |je>  villes  avant  le  XIX"  siècle.  l.cs  villes  mu  XIXr  siècle  ; 

influent  v  de  l'industrie.  Vieilles  villes  et  villes  neuves.  Le  groupe  do  Lille.  427 

CHAP1TRK  XVI 
LES  VOIES  DE  COMMUNICATION.  -  LE  COMMERCE 

I.  Communications  j>ar  terre  :  les  routes.  Voies  romaines.  Mauvais  état  des 

chemins  dans  l'Ouest   î  \  \ 

II.  Isi  roie  d'eau,  l^e  réseau  navigable  avant  le  XVL  siècle.  Transformations 

des  XVI*  et  XVIIf  siècles.  Ktahlisseincnt  du  réseau  français.  Les  voies 
navigables  au  XIX1'  siècle   î  î',' 

III.  Les  voies  ferrées   ...  'i.*VD 

IV.  Le  commerce.  Trafic  intérieur.  Trafic  extérieur  :  éc  hanges  avec  l'Artois  et 

l'Angleterre.  Mouvement  commercial  «les  ports.  Le  transit   ï<>l 


C1IA1TTRK  XVII 
LE  PROBLÈME  DE  LA  SURPOPULATION. 

1.  Qritfines  de  lu  population  flammule.  Les  anciennes  populations.  Invasions 


germaniques.  La  frontière  linguistique   fi7r> 

IL  h>  Surpopulation.  I.a  surpopulation  précoce.  Mouvements  «le  population  au 
XIXr  siècle.  Causes  des  transformations.  Densité  actuelle  de  la  population  ; 
ses  conséquences   îN-"> 

M.  L'Emiaration.  Nécessité  de  l'émigration.  Déplacements  quotidiens  et  hebdo- 
madaires. Migrations  saisonnières.  L'émigration  définitive   Hfl 

Conclusion   [>20 


TA  Ml. F,  DKS  FiïilKKS 


TABLE  DES  FIGURES. 


l'.iKcs 


l. 

Influence  do  l'éloignoment  do  1 1  mer  sur  les  moyennes  sni>nnnières  de 

n 

10 

:i. 

20 

'.. 

Courbes  annuelles  de  quelques  stations  pluviométiiques  

20 

r». 

Altitude  «le  la  surface  du  Primaire  sous  la  Flandre  

o. 

'.:» 

7. 

Altitude  do  la  surface  du  Lnndéiiion  sous  la  Flandre  

\" 

X. 

Coupe  à  travers  la  Flandre,  de  l'Artois  au  Hraaktnan  

:>\ 

Carte  géologique  de  la  Flandre  à  1  :  l.imiHKI  

:»'. 

10. 

02 

II. 

Profil  de  la  vallée  de  l'Kseaui  à  (iavere  

12. 

M 

or, 

14. 

Ii0 

00 

10. 

01» 

17. 

7', 

IS. 

77i 

11». 

70 

20. 

«discernent  de  février  IlO'i  au  Waieiibcrtr   . 

77 

21. 

7S 

•>■> 

70 

z\. 

70 

v\ 

Direetioti  des  cours  d'eau  flamands  

'St. 

F.xeiuplo  de  chevelu  :  le  bassin  de  la  I > > ■  1 1 ■  1  re  

00 

20. 

110 

27, 

Cane  de  la  nier  flamande  

128 

28. 

Profil  du  fond  de  la  mer  flamande  entre  North  Forelatid  et  Dnnkerqne.  .  . 

120 

2!». 

Découvertes  d'objets  romains  et  pré-romains  dans  la  Plaine  (carte)  

i:«i 

142 

M. 

Altitudes  dans  le  Calaisis  (carte)  

i'iK 

m. 

Kssai  de  n  iistiiniion  de  la  Plaine  maritime  à  la  lin  du  X'  siècle  

1.7. 

Répartition  des  noms  de  paroisse  en  Kerke.  Kgliso,  Capelle  

un 

'M. 

Reconstitution  de  l'estuaire  du  l'Yser  an  début  du  XIP  siècle  

KM 

;fi 

Kssai  de  reconstitution  de  la  Flandre  zélandaise  an  début  du  X  IIP  siècle. . 

172 

.10, 

Partie  occidentale  de  la  Flandre  zélandaise  au  XV  siècle  

iHi 

:!7. 

La  Flandre  zélandaise  vers  17(70  

IHli 

La  Flandre  zélandaise  à  la  fin  du  XVI P  siècle  

180 

;ïîi. 

102 

Pô 

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r»^H  TABLF  DKS  CARTKS  HORS  TKXTK 

Fm.  H.  Kndigtioments  du  Zwin  aux  XVIII»  et  XIX"  siècles  

W.  Les  Hems-St  Pol  on  I7i7   Stt 

'id.  (laïus  de  la  terre  sur  la  mer  à  l'Ouest  de  Dunkerqne   3£< 

Yt.  Allure  théorique  «les  chaînes  île  dunes   'S~H 

î.~>.  l'on  de  (Valais  au  XVI"  siècle  

'•<».  l'on  d'<  Istende  au  XVIII'  siècle  

17.  l'on  de  Calais.  Ktat  actuel  

i*.  l'on  dVMende.  Ftat  actuel   'SA 

'•!•.  Dunkerqne  vers  |HÎ<>   'SX 

:*).  Dunkerquo  en  1SKM»   £<2 

51.  IV)rt  de  Dunkerqne.  Projets  d'agrandissement   2RI 

l'ne  ville  balnéaire  :  Mitldtdkerke   2*"d 

."•.'{.  Profil  .l'une  digue  de  Flandre  z<  landaise   '3ïï 

M.  Le  réseau  d'évacuation  <lil  Calaisis  

rô.  L'habitation  ilaus  la  Plaine  maritime  icarte  à  l  :  HO.(K(0)   311 

•V».  Type  de  carte  de  la  Flandre  /.élandaiso   A'~  > 

~>~.  Répartition  îles  cultures  dérobées  en  Flandre  belge   $4fi 

X.  Répartition  de  la  culture  du  seigle  en  Flandre  belge   .<»'.' 

r»1i.  Répartition  île  la  culture  du  froment  en  Flandre  belge   'XH 

Répartition  des  bètes  bovines  en  Flandre  belge   ; V «S 

(il.  Répartition  des  ouvriers  à  domicile  en  Flandre  belge   ."{si' 

lïi.  Dispersion  des  habilitions  dans  l'Ouest  de  la  Flandre   i2l 

'«.'5.  Maisons  groupées  en  rues  dans  l'Kst  de  la  Flandre  

'i'i.  Un  village  de  l'i:>t  :  Caprycke   ÏS< 

•  iT>.  L'n  village  de  l'iist  :  Doore/eele   i'Jfi 

Devn/.e,  ville  formée  d'une  chaussée  à  travers  une  vallée  marécageuse.  .  W 

<F7.  Roubaix-Totircoing  vers  |K'40   442 

«K  Roiil.aix-Tour.oing  vers  1* KM»   ','».$ 

•  Ht.  Les  voies  navigables  de  la  plaine  llatnatide   'i.">S 

70.  Le  réseau  ferré  de  la  plaine  flamande   •«*• 

71.  Densité  de  la  population  flamande  au  début  du  XIX"  siècle  (Cartel   Y.V 

72.  Diminution  de  population  au  XIX'  siècle  (Carie)   \\»:\ 

7.1.  Auginentalion  dépopulation  au  XIX"  siècle  (Carte)  

7i.  Diminution  de  population  dans  la  2'  moitié  du  XIX.'  siècle  (Carte)   V.'7 

7r>.  Augineni.-iiion  de  population  dans  la  2''  moitié  du  Xl\'  siècle  (Cane).  .  .  V."* 

7ii.  Densité  de  la  population  flamande  eu  IIXKI- l'.XII  (Carie)   MCi 


TAULE  DKS  CARTES  HORS  TEXTE 
A  LA  FIN  Dl  VOLl'MK. 


I.  Ré-partition  des  pluies  en  Flandre  

11.  Carte  de  la  Flandre  e;  des  contrées  voisines  h  l'échelle  de  1  :  "iJKt.lKKt  


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TARLK  DES  PHOTOGRAPHIES 


TABLE  DES  PHOTOGRAPHIES. 


1.  L'Artois  vu  Mu  bas  pays  t  Landreihun-lès-Ardres)   / 

2.  l^e  plateau  crayeux  cl»  Mélantois,  vu  de  Lille  *.   \ 

•'t.  Rebord  de  la  plaine  de  la  Lys,  derrière  Mnegsteert   j 

\.  Vue  daii>  la  région  dr>  rullm.'s  :  liane  Sud  > lu  muni  Vidaigne   * 

r>.  Une  colline  flamande:  If  Mont-Aigu,  près  Loere   / 

ti.  Uiu-  colline  flamande  :  le-  Mii/M'k  Hcrg,  pré-  Kenaix   v  *" 

7.  Rebord  Est  de  la  vallée  du  Molenbeek,  à  Moortzeele   /  _^ 

H.  Tète  do  ravin  en  entonnoir,  boisé  i/olliiies  de  Renaix)   \ 

'.».  L'Escaut  à  Audonardo   ) 

10.  La  Lys  à  I)eyii/e  i  Moulins  de  l'çtegcm)   \ 

IL  La  digue  du  Comte  -Iran,  près  Mardick   i 

12.  Défense  d'une  dniii'  attaquée  :  fascinag''s  (  Rr»'sk>Mi>j   < 

l'X  Protection  de  lu  rote  par  des  épis  (Groede)   /  ^ 

l'i.  Mur  entier  des  Dunes  iKad/atid)   \ 

IT>.  La  côte  Ouest  :  vue  de  G  rand^Eort- Philippe   / 

lu.  L  uc  panne  dans  les  duno- i Z»iyd>ynic   \ 

17.  Contraste  entre  l'argile  (pays  dérouvert)  et  le  sable  (boisé)  à  l.oon   )  , 

1H.  Un  Village  dii  Sable  (LOQllj   \  — 

l'J.  Ligne  de  maisons  au  long  du  mur  intérieur  des  dunes  (Bruy-l)unes). .'   j 

iru.  I  ,.i  niaisun  des  dunes  il-  un  Mardick  i   \ 

21.  La  digue  de  Hey>i   }  ^ 

-'J.  Digue  de  mer  et  épis  a  Nionwe-Slnis  trôte  de  Kail/and)   > 

Si.  Une  écluse  d'évacuation  de  Wateriugue  (Suatie-gcul)  à  Groede   ^  4>_ . 

^'i.  Les  terre-  basses  de  l'Yscr  :  pâtures  d'Lessen   1 

'St.  Un  rlair  (ancienne  tourbière)  dans  les  Marais  d'Ardres   j 

3>.  Les  terres  basses  :  le  Marais  de  Guines   \ 

27.  Vue  en  Fnrnanibacht  i  l,an)pcrni--sc   i 

3*v  Vue  eu  Flandre  /él.mdaise  juruede;   \ 

2'->.  Type  de  grande  Tenue  de  la  Maine  (('.appelle).    / 

•  In.  [  \  [    >]  fïggîôlïïêr  iuïïïi  ii  ■  I  m  r  i  il  iïïl  i  iïîïâl    I'-  m'  ilH  Z<.\      mii'.i     7~)  ' 

:ll.  Type  de  village  île  la  Maine  (Oostkerke,  près  Bruges)   t 

:12.  Type  de  village  aceroehé  à  une  digue  (W'estdorpe)   \ 

X\.  Ferme  de  la  Flandre  xélandaise  (Schoondijke)   / 

■Ti.  Le  bâtiment  d'exploitation  i-n  Flandre  /■'■landaise  i  S.lmondijke)   \ 

:  i').  Vue  en  pays  de  Waes  i^Nicuwkerkeu)...    / 

30.  \  ne  dans  la  Maine  de  la  Lys  ^Vieille-Chapelle;   \ 


M)  TABLK  DES  PHOTOGRAPHIES 

N"  Pages 

L'ancienne  industrie  flamande  :  la  halle  aux  draps  d'Ypres     /  „ 

■'S*.  Industrie  à  domicile  :  sabotiers  ilu  pays  de  Waes  (Haasdonck)   \ 

.R».  Le  rouissage  à  la  Lys  (Court rai)   j 

'i(>.  Un  village  de  \V est-Flandre  (  Volkerinckhove)   \ 

\l.  Type  de  l'Hofstcde  (Esqiielhecq) .   f 

fi».  Type  <)e  la  petite  exploitation  ( Lcderzcele)   ^ 

'i.'t.  Censé  wallonne  à  Mtiments  disparates  (CapingUem.  près  Lille)   ) 

fii.  Censé  wallonne  a  bi'iiinients  homogènes  (Richebourg  l'Avoue)   * 

T».  I.a  maison  d'ouvrier  dans  une  pâture  ( Saint-Jans-Cappel |   t  ^t>>> 

H>.  Type  de  maison  d'ouvrier  agricole  (  Wcstoutrc)   \ 

tl.  Audenarde.  VU  de  la  rnlline  d'Edelaere   ) 

Vue  dans  le  port  île  Garni  (Quai  aux  Uoi>i.  .   "V 


-*  *t  -v. 


I.II.t.K,  IMI'KI.MKIUK   !..  mVRI. 


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2*  ÉCHELLE  DES  TEINTES  POUR  L'ANNÉE 

Au  dessous  de  550 ,,,m  [ 
De  550  à  650 


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I 


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: 


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